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LE SÉNAT DU CANADA

Aperçu législatif et historique du Sénat du Canada

Direction des comités et de la législation privée
Révisé mai 2001


1. Introduction

Le présent document vise à faire ressortir les principales caractéristiques du Sénat en tant qu’institution parlementaire et les événements qui ont influencé son évolution. Le Sénat occupe une place importante dans l’histoire du Canada. De fait, sans un accord en vue d’inclure le Sénat tel qu’il se présente actuellement, il n’y aurait pas eu de Confédération en 1867. George Brown a déclaré que le Sénat était la clé de la fédération, «l’essence même de notre pacte». «Nos amis du Bas-Canada ont accepté de nous donner une représentation en fonction de la population à la Chambre basse à la condition expresse d’obtenir l’égalité à la Chambre haute. Nous n’aurions pas pu avancer d’un pas si nous avions rejeté cette condition.»1 Le Sénat du Canada est une institution unique, puisqu’il constitue la seule deuxième chambre au sein de la fédération canadienne et la seule dans le monde occidental où tous les membres sont nommés2. Le Sénat ressemble beaucoup à la Chambre des lords britannique à cause de ses nombreuses procédures parlementaires semblables, de ses fonctions de contrôle sur les projets de loi contestés transmis par la Chambre des communes et du fait qu’il est une chambre non élue. Toutefois, le Sénat se distingue de la Chambre des lords, parce que le nombre de ses membres est fixe et qu’il n’est pas assujetti à des dispositions constitutionnelles comme les Parliament Acts de 1911 et de 1949, qui limitent fortement le pouvoir des lords concernant la durée pendant laquelle ils peuvent retarder des projets de loi. Le Sénat ressemble au Sénat américain par son caractère fédéral, étant donné que dans les deux chambres la représentation se fonde sur l’égalité géographique. Mais vu que cette représentation repose sur une égalité régionale plutôt qu’une égalité entre des États ou des provinces et parce que les sénateurs canadiens ne sont pas élus, contrairement à leurs homologues américains, et que le Sénat canadien ne participe pas à la ratification des décisions de l’exécutif, ces deux chambres sont assez différentes.

Afin de mieux comprendre le travail du Sénat et son évolution, nous examinerons brièvement les origines du Sénat, ses fondements constitutionnels, ses fonctions et sa composition. Nous ferons ressortir son travail législatif et établirons la chronologie des grands événements historiques de son évolution. Une bibliographie sommaire est également incluse à l’intention de ceux qui souhaitent se renseigner davantage sur le Sénat. 

 

2. Les origines du Sénat

À l’exception de la Colombie-Britannique3, toutes les colonies de l’Amérique du Nord britannique étaient des institutions bicamérales, c’est-à-dire qu’elles possédaient deux corps législatifs, avant 1867. Ce sont ces Conseils législatifs pré-Confédération, en particulier celui de la Province Unie du Canada (l’union de 1840 entre le Haut-Canada [Ontario] et le Bas-Canada [Québec]), qui ont servi de modèle au Sénat. Les origines officielles du Sénat remontent aux Conférences de Charlottetown et de Québec, en 1864, convoquées pour examiner des propositions d’union des colonies de l’Amérique du Nord britannique. Une grande partie de la Conférence de Québec a été consacrée à la création d’une chambre haute. Le professeur Robert MacKay écrit à ce sujet: «l’importance de cette question dans l’esprit des hommes d’État à Québec peut être mesurée par le fait que presque six jours sur un total de quatorze passés à discuter des détails de l’union ont été consacrés aux problèmes que posait la création de la deuxième chambre»4. Diverses propositions relatives au mode de sélection ont été considérées, y compris l’élection directe. Le Conseil législatif de l’Île-du-Prince-Édouard était élu depuis 1862 et celui de la Province du Canada, depuis 1857. Mais une deuxième chambre élue ne suscitait pas un grand enthousiasme. Le professeur MacKay indique que les conseils élus «avaient tendance à être une réplique de l’assemblée et, parce qu’ils étaient petits et composés surtout de citoyens ayant déjà fait leur marque dans la vie, ils auraient pu finir par éclipser l’assemblée, tout comme le Sénat aux États-Unis a éclipsé la Chambre des représentants»5. Dans le débat qui a suivi au sujet des Résolutions de la Conférence de Québec, John A. MacDonald, qui avait appuyé un Conseil élu en 1856, a admis que le système électif «n’avait pas réussi aussi bien que prévu au Canada». Un autre Père de la Confédération, Sir Hector Langevin, déclarait quant à lui que «le Bas-Canada était las du système». Sir George Brown a affirmé à la Chambre : «J’ai vu une vaste majorité de ceux qui ont pris cette décision souhaiter ne jamais l’avoir prise.»6

 

A. Texte des Résolutions de Québec relatives au Sénat

On trouvera ci-dessous les résolutions adoptées à Québec le 10 octobre 1864 concernant le Sénat. Elles faisaient partie d’une série de résolutions adoptées par les Pères de la Confédération et qui ont été transmises par la suite au Parlement impérial en vue de leur adoption législative pour unir les colonies de l’Amérique du Nord britannique.

6. Il y aura une Assemblée générale (ou Parlement) des Provinces fédérées, composée d’un Conseil législatif et d’une Chambre des communes.

7. Aux fins de la création du Conseil législatif, les Provinces fédérées comprendront trois divisions : 1) le Haut-Canada, 2) le Bas-Canada, 3) la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard; chaque division étant représentée également au Conseil législatif.

8. Le Haut-Canada sera représenté au Conseil législatif par vingt-quatre (24) membres; le Bas-Canada, par vingt-quatre (24) membres; et les trois provinces des Maritimes par vingt-quatre (24) membres, soit dix (10) membres de la Nouvelle-Écosse, dix (10) membres du Nouveau-Brunswick et quatre (4) membres de l’Île-du-Prince-Édouard.

9.    La colonie de Terre-Neuve pourra entrer dans l’union proposée; elle aura alors droit à une représentation de quatre (4) membres au Conseil législatif.

10. Le Territoire du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et Vancouver pourront adhérer à l’Union aux conditions que le Parlement des Provinces fédérées jugera équitables, après avoir reçu la sanction de Sa Majesté, et, dans le cas des provinces de la Colombie-Britannique ou de Vancouver, après avoir reçu l’accord des assemblées législatives de ces provinces.

11. Les membres du Conseil législatif seront nommés à vie par la Couronne sous le Grand Sceau du Gouvernement général. Mais le poste d’un conseiller législatif deviendra vacant lorsque ce dernier manquera d’assister aux séances du Conseil d’État durant deux sessions consécutives du Parlement.

12. Les membres du Conseil législatif seront sujets nés ou naturalisés britanniques, ils sont âgés de 30 ans révolus et posséderont des biens immobiliers continus d’une valeur de quatre mille dollars (4 000 $), en sus de toute charge, et leurs biens devront valoir cette somme en sus de toutes dettes et obligations; et, dans le cas des membres de Terre-Neuve et de l’Île-du-Prince-Édouard, les biens pourront être immobiliers ou mobiliers.

13. En cas de litige quant aux qualifications d’un conseiller législatif, ces qualifications seront déterminées par le Conseil.

14. Les premiers membres du Conseil législatif, sauf ceux de l’Île-du-Prince-Édouard, seront choisis parmi les conseillers législatifs des diverses provinces, dans la mesure où il est possible de trouver un nombre suffisant de conseillers qualifiés et disposés à assumer cette charge. Ces membres seront nommés par la Couronne sur recommandation de leur gouvernement local respectif, et ces nominations tiendront compte des demandes des membres de l’Opposition au Conseil législatif de chaque province, afin que tous les partis politiques soient représentés le plus également possible.

15. Le président du Conseil législatif (à moins de disposition contraire du Parlement) sera nommé par la Couronne parmi les membres du Conseil législatif pour un mandat aussi long qu’il lui plaira, et il n’aura droit qu’à une voix prépondérante en cas d’égalité des voix.

16. Chacun des vingt-quatre (24) conseillers législatifs représentant le Bas-Canada au Conseil législatif de l’Assemblée générale sera nommé pour représenter une des vingt-quatre divisions électorales mentionnées à l’annexe (1) du chapitre I des Lois consolidées du Canada et chaque conseiller résidera ou sera qualifié dans la division qu’il représentera.7

 

B. Extraits des débats de la Confédération dans la Province Unie du Canada

Les extraits qui suivent des Débats de la Confédération sur les Résolutions de Québec illustrent l’idée que les législateurs canadiens se faisaient d’un futur Sénat et leurs points de vue sur la décision de préférer une chambre nommée à une chambre élue.

M. Alexander Campbell, (conseiller législatif) : «Qui, parmi ceux qui songent à l’avenir, soutiendra qu’une Chambre haute élue durera? C’est l’appréhension de la menace à la permanence de cette chambre qui a décidé la Conférence à adopter le principe de la nomination à la chambre supérieure, et c’était le seul moyen évident d’éviter ce danger... Il estimait que le principe de l’élection maintenait le germe d’un doute quant à la sécurité des Basses provinces et il était heureux qu’on ait trouvé un moyen d’éliminer complètement ce doute.»8

M. Belleau, (conseiller législatif) : «...le principe de l’élection, tel qu’appliqué au Conseil législatif, devient inutile compte tenu de la force numérique du Bas-Canada au Parlement fédéral, car la Chambre des communes est l’organe qui fera et défera les ministres. Pourquoi appliquer ce principe au Conseil législatif, étant donné que nous le ferons à la Chambre des communes et que nous aurons un gouvernement responsable, composé de membres élus par le peuple?»9

Sir E.P. Taché, (conseiller législatif) : «Quand les messieurs qui ont participé à la Conférence (de Québec) se sont réunis, ils ont dû jeter les bases générales de la superstructure. La pierre angulaire était la représentation dans les deux chambres. Il a été convenu qu’à la Chambre des communes du gouvernement confédératif la représentation serait fonction du nombre, et que, dans l’autre chambre de l’Assemblée, elle serait égale pour toutes les provinces - autrement dit le Haut-Canada, le Bas-Canada et les provinces des Maritimes, regroupées, pourraient tous envoyer le même nombre de représentants, afin de protéger les droits, les privilèges et les libertés de chaque province.»10

John A. MacDonald, (membre de l’Assemblée législative et procureur général) : «Afin de protéger les intérêts locaux et d’empêcher des jalousies régionales, on a jugé nécessaire que les trois grandes divisions qui composent l’Amérique du Nord britannique soient représentées à la Chambre haute en fonction du principe de l’égalité. Il y a trois grandes divisions dans cette Confédération proposées. D’abord, l’Ouest canadien, une région agricole éloignée de la mer et qui comprend la plus grande population ayant surtout des intérêts agricoles à défendre. Il y a le Bas-Canada, ayant d’autres intérêts distincts et surtout des institutions et des lois qu’il veut protéger jalousement contre l’absorption par un pouvoir plus nombreux ou plus fort. Et il y a les provinces des Maritimes, ayant elles aussi leurs intérêts régionaux propres, à cause de leur situation, de leurs classes et de leurs intérêts, qui sont inconnus dans l’Ouest canadien. Par conséquent, à la Chambre haute, - dans la chambre qui possède un pouvoir de contrôle et de réglementation mais non d’initiative (car nous savons qu’ici comme en Angleterre, c’est de la Chambre basse qu’émanent en pratique les politiques de grand intérêt public), dans la chambre qui exerce un pouvoir de second regard sur les lois - il est prévu que chacune de ces grandes régions sera représentée également par vingt-quatre (24) membres. La seule exception à cette règle de l’égalité est Terre-Neuve, qui a ses propres intérêts, se trouvant à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent et étant peut-être plus liée au Canada qu’aux Basses provinces... Elle a donc été considérée séparément et aura une représentation distincte à la Chambre haute, ce qui constitue une exception par rapport au principe de l’égalité établi entre les autres régions.

Comme on peut facilement l’imaginer, les opinions divergeaient considérablement au début au sujet de la composition du Conseil législatif. Au Canada, le principe de l’élection dominait; dans les Basses provinces, sauf à l’Île-du-Prince-Édouard, c’était le principe de la nomination. Nous avons remarqué que les Basses provinces hésitaient généralement à adopter le principe de l’élection; de fait, je pense que la seule voix discordante à la Conférence contre l’adoption du principe de la nomination a été celle de l’Île-du-Prince-Édouard. Les délégués du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve favorisaient tous la nomination par la Couronne. Et la nomination par la Couronne ne saurait être plus conforme à la Constitution britannique...

Les arguments en faveur d’un Conseil élu sont nombreux et importants; ...je soutiens que ce principe n’a pas échoué au Canada; mais que des causes - que nous n’avions pas prises en considération à l’époque - expliquent pourquoi il n’a pas réussi autant que nous l’avions prévu. Une cause importante a été la taille énorme des circonscriptions et l’immense travail qu’ont dû abattre par la suite ceux qui avaient recherché le soutien populaire pour se faire élire au Conseil. Pour la même raison... les dépenses légitimes étaient si élevées que des hommes de grande valeur au pays, éminemment doués pour occuper un tel poste, n’ont pu se porter candidats...

Une Chambre haute ne serait d’aucune utilité si elle n’exerçait pas, quand elle le juge opportun, le droit de s’opposer à un projet de loi de la Chambre basse, de l’amender ou de le retarder. Elle ne serait d’aucune utilité si elle se bornait à sanctionner les décrets de la Chambre basse. Elle doit être une chambre indépendante, jouissant de sa propre liberté d’action, car elle n’est utile que comme organe de réglementation, qui considère calmement les projets de lois proposés par la chambre populaire, mais elle ne s’opposera jamais aux souhaits délibérés et compris du peuple».11

H.L. Langevin, (membre de l’Assemblée législative et solliciteur général) : «...le principe de l’élection dans notre Conseil législatif n’était qu’une expérience et, au Bas-Canada, nous sommes las de ce régime, non pas parce que les conseillers élus par le peuple ne sont pas dignes de leur charge ni parce que leur choix a été malheureux, mais parce que la nature même du système empêche un grand nombre d’hommes de talent, d’hommes compétents à tous les égards et dignes de siéger au Conseil législatif, de se présenter aux élections, compte tenu des troubles, de la fatigue et des dépenses énormes qu’entraînent ces concours électoraux dans des circonscriptions démesurées. Nous savons que le système a épuisé le Bas-Canada...»12

George Brown (membre de l’Assemblée législative) : «... On a soutenu que les membres de la Chambre haute ne devraient pas être nommés par la Couronne, mais devraient continuer à être élus au suffrage populaire. J’ai souvent exprimé mon opinion à ce sujet. Je me suis toujours opposé à une seconde chambre élue et je m’y oppose encore, convaincu que deux chambres élues sont incompatibles avec le bon fonctionnement du régime parlementaire britannique... [Q]uand le fait d’être élu devient la caractéristique suprême, qui osera affirmer que le Conseil ne revendiquera pas, sur les mesures financières, le pouvoir que cette Chambre prétend posséder? Ne pourraient-ils pas prétendre simplement qu’ils représentent le peuple aussi bien que nous, et que le contrôle sur le Trésor devrait donc leur appartenir tout autant qu’à nous? On a affirmé qu’ils n’ont pas ce pouvoir. Mais qui les empêchera de l’appliquer?»13

 

3. Le fondement constitutionnel du Sénat

A) Les pouvoirs et le mode de sélection

Le Parlement du Canada est formé du souverain, du Sénat et de la Chambre des communes, et tous les trois doivent donner leur consentement pour qu’un projet de loi soit adopté. Les pouvoirs officiels du Sénat sont égaux à ceux de la Chambre des communes, sauf dans deux cas : a) l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 stipule que les mesures financières doivent émaner de la Chambre des communes et b) le paragraphe 47(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution peut être modifiée sans l’accord du Sénat.

Le fondement constitutionnel définit un mode de sélection selon lequel les sénateurs sont nommés par le pouvoir exécutif du gouvernement central (par le gouverneur général, sur les conseils du Premier ministre) et le nombre de sénateurs est limité en fonction de l’égalité des divisions régionales. Les sénateurs doivent être âgés de 30 ans révolus, être nés au pays et posséder des biens d’une valeur d’au moins 4 000 $ dans la province qu’ils représentent. Avant 1965, les sénateurs étaient nommés à vie. En 1965, dans ce qui a constitué la première étape de la réforme du Sénat, la Loi constitutionnelle de 1867 a été modifiée afin que tous les sénateurs nommés après cette date soient tenus de prendre leur retraite à 75 ans. Au début, le Sénat comptait 72 membres, mais sa taille s’est élargie à mesure que le pays s’est étendu géographiquement et que sa population a grandi. Pendant les 40 premières années de la Confédération, une série d’accords visant à permettre la représentation du Manitoba, de la Colombie-Britannique, de l’Île-du-Prince-Édouard, de l’Alberta et de la Saskatchewan ont porté à 87 le nombre total de sièges au Sénat. Le nombre de sénateurs a été porté à 96 en 1915, à 102 en 1949, à 104 en 1974 et à 105 en 1999. À l’heure actuelle, le nombre de sièges par province s’établit comme suit : Ontario 24, Québec 24, Nouvelle-Écosse 10, Nouveau-Brunswick 10, Île-du-Prince-Édouard 4, Manitoba, Colombie-Britannique, Saskatchewan, Alberta et Terre-Neuve 6 chacun, et Territoires du Nord-Ouest, Territoire du Nunavut et Territoire du Yukon 1 chacun. Conformément aux articles 26, 27 et 28 de la Loi constitutionnelle de 1867, quatre ou huit sénateurs peuvent être nommés, sur instruction de la Reine14. Le nombre total de sénateurs ne peut dépasser 113, mais le nombre normal est fixé à 105.

Quatre aspects du mode de sélection peuvent être soulignés. i) Le Sénat est le seul corps législatif non élu au Canada. ii) Comme le stipule le décret de nomination des sénateurs, le sénateur est nommé «afin d’obtenir votre avis et votre aide sur toutes les affaires importantes et ardues de nature à intéresser l’État et la défense du Canada». En théorie, les sénateurs ont donc une fonction différente de celle des membres élus par le peuple. iii) Étant donné qu’il y a un nombre maximum de nominations, le Sénat, contrairement à la Chambre des lords, ne peut être «inondé sans limite» si un gouvernement le trouve obstiné. Cette disposition constitutionnelle a conféré au Sénat une certaine indépendance que les gouvernements ont toujours dû prendre en considération dans la planification de leur stratégie parlementaire. iv) Parce qu’ils doivent posséder leurs biens dans la province où ils sont nommés, les sénateurs se voient accorder, constitutionnellement, un rôle de représentation régionale.

 

B) Les privilèges parlementaires

Les privilèges parlementaires du Sénat en tant qu’organe et des sénateurs, à titre individuel, sont les mêmes que ceux de la Chambre des communes. R. MacGregor Dawson apporte les précisions suivantes au sujet des privilèges au Canada :

Les privilèges inhérents du Parlement du Dominion ont été répartis dans les mêmes proportions modérées que pour les autres organes législatifs coloniaux. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique prévoyait toutefois explicitement l’ajout immédiat de pouvoirs et de privilèges réglementaires importants. L’article 18 se lit comme suit : «Les privilèges, immunités et pouvoirs que posséderont et exerceront le Sénat, la Chambre des communes et les membres de ces corps respectifs, seront ceux prescrits de temps à autre par acte du Parlement du Canada; ils ne devront cependant jamais excéder ceux possédés et exercés, lors de la passation du présent acte, par la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande et par les membres de cette chambre.»

En 1868, le Parlement canadien a adopté une loi qui conférait à chacune des deux chambres, en des termes presque identiques, les pouvoirs, immunités et privilèges dont jouissait la Chambre des communes britannique au moment de l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique «dans la mesure où ils étaient compatibles à ladite loi». Un autre article prévoyait que ces pouvoirs, immunités et privilèges faisaient partie du droit général et public canadien et qu’il n’était pas nécessaire de les invoquer, mais que tous les tribunaux et tous les juges du Canada en tiendraient compte. La loi protégeait également la publication de tout débat contre des poursuites au civil ou au criminel si ces débats étaient publiés sous l’ordre ou l’autorité du Sénat ou de la Chambre des communes.

La même année, on adoptait une loi visant à accorder au Sénat ou à tout comité sénatorial ou parlementaire spécial sur des projets de loi d’initiative parlementaire le pouvoir d’interroger des témoins sous serment. En 1873, ce pouvoir d’interroger des témoins sous serment a été accordé à tous les comités des deux chambres. Cette loi a été renversée par le gouvernement britannique, qui l’a jugée inconstitutionnelle du fait quelle essayait de conférer aux chambres canadiennes des pouvoirs dont ne jouissait pas la Chambre des communes britannique en 1867. La loi précédente avait été inconstitutionnelle, elle aussi dans les faits, même si elle n’avait pas été renversée. La réaction est venue en 1875, par l’adoption d’une modification à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique qui abrogeait l’article 18 et le remplaçait par un autre stipulant que les privilèges, immunités et pouvoirs du Parlement canadien et de ses membres ne devaient jamais excéder ceux de la Chambre des communes britannique. Un autre article confirmait la loi canadienne de 1868. Puisqu’en 1871 la Chambre des communes britannique avait conféré à ses comités le pouvoir d’interroger des témoins sous serment, le Parlement canadien pouvait, en 1876, conférer légalement ce même pouvoir à ses comités.

Les privilèges, immunités et pouvoirs des Chambres du Parlement du Canada sont donc en puissance ceux de la Chambre des communes britannique, bien que leur fondement principal se trouve dans les lois et non dans une coutume établie ou un droit inhérent. Ils peuvent bien sûr aller plus loin que ceux de la Chambre britannique, si on adopte une modification constitutionnelle qui, en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1949 (n° 2), serait probablement une loi ordinaire du Parlement.

Les privilèges, immunités et pouvoirs du Parlement canadien se répartissent en deux grandes catégories : a) ceux de chacun des membres des deux chambres; b) ceux du Sénat ou de la Chambre des communes en tant qu’organe législatif. Ils sont presque identiques, mais pas tout à fait. Ainsi, le privilège de la Chambre des communes de régler des litiges électoraux controversés ne pourrait clairement pas être un privilège du Sénat.15

 

C) Interdiction de faire émaner des mesures monétaires au Sénat

L’article 53 de l’Acte constitutionnel de 1867 stipule que «tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des communes». Le libellé de cette disposition reprend celui de l’article 57 de l’Acte d’Union de 1840, qui avait uni constitutionnellement le Haut et le Bas-Canada pour former la Province Unie. L’article 57 de l’Acte d’Union éliminait tout doute quand à l’endroit d’où devaient émaner les mesures monétaires :

«57. La Province du Canada aura l’initiative sur tous Bills pour l’appropriation d’aucune partie du surplus du dit fonds des revenus réunis ou pour l’imposition d’aucune nouvelle taxe ou impôt.»

Le professeur Elmer Driedger, dans son article intitulé «Money Bills and the Senate», indique trois raisons possibles d’empêcher le Sénat de proposer des mesures financières :

«...on peut soutenir que le libellé de l’article 53 assimile tout le privilège de la Chambre des communes de l’Angleterre. C’est de cette façon que le privilège a été affirmé au départ et ... la Chambre des communes de l’Angleterre a toujours considéré que toute ingérence, au moyen d’un amendement ou autrement, dans une mesure financière constituait une atteinte au privilège. Le libellé de l’article 53 a figuré dans nos documents pour la première fois en 1840 et, à cette époque, les lords anglais se soumettaient depuis quelques siècles déjà au privilège de la Chambre des communes et à toutes ses implications. On pourrait avoir pensé que ces mots suffisaient à placer la Chambre des communes du Canada confédéré de 1867 dans la même position que la Chambre des communes de l’Angleterre en ce qui concerne les questions financières et à assujettir la Chambre haute aux même contraintes.

Un deuxième argument pourrait être que, en dépit de l’histoire et du précédent créé et compte tenu uniquement du libellé de l’article 53, il faut nécessairement impliquer que le Sénat ne peut nullement amender un projet de loi qui, en vertu de cet article, doit émaner de la Chambre des communes. Si un projet de loi est déposé à la Chambre des communes afin de percevoir des impôts ou d’effectuer une dépense, et que l’impôt ou le crédit est réduit par un amendement du Sénat, on peut soutenir que le projet de loi tel qu’amendé n’émane pas de la Chambre des communes. Ne peut-on pas affirmer que l’article 53 exige que l’ensemble du projet de loi sur lequel se fonde la loi au bout du compte émane de la Chambre des communes? Et que, lorsqu’un projet de loi est amendé au Sénat, il devient un projet de loi différent et n’est plus le projet de loi qui a émané de la Chambre des communes - même s’il peut être rédigé sur le même papier?

Mais l’argument probablement le plus convaincant en faveur de la Chambre des communes repose sur la théorie que, selon notre Constitution (semblable en principe à celle du Royaume-Uni), la représentation et le consentement sont les fondements du pouvoir de la Chambre des communes de dépenser et de percevoir des impôts. Dès le XIIe siècle, quand la dîme saladine fut établie, l’impôt et la représentation étaient reliées; cette dîme était déterminée par un jury représentatif jusqu’à un certain point du contribuable et de la paroisse où vivait le contribuable, et les villes envoyaient des roturiers les représenter à Westminster afin de négocier avec la Couronne. Au fil des siècles, on a maintenu le principe que l’imposition nécessite représentation et consentement. Le seul corps législatif canadien qui répond à ces critères est la Chambre des communes. Les représentants élus du peuple siègent à la Chambre des communes, et non au Sénat, et, conformément à l’histoire et à la tradition, ils pourraient bien insister qu’ils sont les seuls à avoir le droit de décider très exactement quelles sommes seront dépensées et quels impôts seront perçus.»16

Il faut souligner que, historiquement, le Sénat a adopté la position qu’il a le droit constitutionnel d’amender (mais non de relever) les mesures monétaires que lui achemine la Chambre des communes. Le Rapport du Comité spécial chargé de déterminer les droits que possède le Sénat en matière de lois de finances (le rapport Ross) déposé au Sénat le 9 mai 1918, arrivait aux conclusions suivantes :

1. Le Sénat du Canada possède, et a toujours possédé depuis qu’il existe, le pouvoir de modifier, en réduisant les sommes mentionnées, les bills qui - émanant de la Chambre des communes - renferment des crédits ou établissent des impôts, mais il n’a pas le droit d’augmenter ces sommes sans le consentement de la Couronne.

2. La concession de ce pouvoir constitue un élément essentiel du pacte de la Confédération.

3. La coutume des Chambres impériales du Parlement en ce qui concerne les bills de subsides n’entre pas dans la constitution qui régit le dominion du Canada.

4. À maintes reprises, le Sénat a modifié des bills dits de subsides sans provoquer l’opposition des Communes, qui, en d’autres circonstances, ont adopté les modifications du Sénat en protestant ou en affirmant que la Chambre haute avait outrepassé ses pouvoirs.

5. Le Règlement 78 de la Chambre des communes du Canada, selon lequel on prétend assimiler les pouvoirs et privilèges de cette Chambre en matière de bills de subsides à ceux que possède la Chambre impériale des communes, ne se fonde sur aucune disposition de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.

6. Comme le démontre l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et ainsi qu’on l’a prétendu lors de l’étude des Résolutions de Québec à l’Assemblée législative du Canada, le Sénat, à qui on a confié des pouvoirs et des devoirs généraux, doit en plus sauvegarder les droits des institutions provinciales.

7. Outre la législation générale dont il est saisi, le Sénat doit étudier des questions concernant les subsides aux provinces, les terres publiques des provinces de l’Ouest, les droits des provinces relatifs aux privilèges en voie d’être concédés aux compagnies de chemins de fer, la détermination des droits provinciaux à cet égard, et il est important que les pouvoirs du Sénat à cette fin soient clairement définis.

 

4. Fonctions du Sénat

Le grand constitutionnaliste anglais Walter Bagehot a fait remarquer un jour à propos du régime parlementaire britannique que «si nous avions une Chambre des communes idéale... il est certain que nous n’aurions pas besoin d’une Chambre haute»17. Cette observation est cruciale dans tout débat sur le Sénat tel qu’il est structuré actuellement et sur les propositions de réforme future. Bagehot n’était qu’un des nombreux constitutionnalistes qui, tout au long de l’histoire de la pensée politique, ont préféré le «régime mixte» à un régime unicaméral. Les théoriciens du bicamérisme croyaient que les chambres «populaires» élues étaient déficientes; elles risquaient notamment de succomber aux intérêts spéciaux, et la «volonté de la majorité» qu’elles prétendaient exprimer devait s’accompagner d’une opinion minoritaire, faisant elle aussi partie intégrante du bien-être de l’État. En 1980, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles dégageait dans son Rapport sur certains aspects de la Constitution canadienne quatre rôles pour le Sénat, tous complémentaires des fonctions de la Chambre des communes, soit un rôle de révision législative; un rôle d’enquête; un rôle de représentation régionale et un rôle de protection des minorités, linguistiques et autres. Ce sont des rôles que le Sénat a toujours joués.

 

Législation

Le Sénat a toujours joué un rôle actif dans l’examen de la législation. La plupart des projets de loi étudiés par le Sénat émanent de la Chambre des communes, étant donné que la plupart contiennent des dispositions financières et que, conformément à l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867, les mesures monétaires doivent émaner de la Chambre des communes.

Des projets de loi d’initiative gouvernementale peuvent également être déposés au Sénat. Le nombre de projets de loi de ce genre déposés au Sénat a varié avec le temps. De 1924 à 1945, seulement 36 projets de loi d’initiative gouvernementale ont émané du Sénat, mais de 1946 à 1953, il y en a eu 138. Le professeur F.A. Kunz a écrit ce qui suit :

«Les gouvernements ont invariablement trouvé que le Sénat constituait un bon endroit pour y faire faire un premier examen de projets de loi volumineux, complexes et hautement techniques, tels que les mesures de consolidation, qui nécessitent une grande expérience législative ainsi que des talents juridiques et financiers et une procédure sans hâte. Les services rendus par le Sénat dans ces cas ne se sont pas limités à faire gagner du temps à la Chambre des communes; le Sénat a préparé des projets de loi fiables et durables, qui comptent parmi les lois les mieux rédigées et conçues avec la plus grande compétence de toutes les lois canadiennes.»18

Les sénateurs peuvent déposer des projets de loi d’intérêt public d’initiative parlementaire. Au sujet de ces mesures, Kunz fait observer : «À cause de l’échéancier moins serré et de la souplesse administrative générale du Sénat, un sénateur semble mieux placé pour déposer un projet de loi qu’un député de la Chambre des communes. Ses chances de faire adopter son projet de loi sont toutefois très minces, sauf lorsqu’il s’agit de propositions convenues... De fait, depuis la fin de la guerre, un seul projet de loi d’initiative parlementaire émanant du Sénat s’est rendu à la Chambre des communes et est devenu loi.»19 Depuis 1965,  4 des 112 projets de loi privés présentés au Sénat ont reçu la sanction royale.

Presque tous les projets de loi d’initiative parlementaire, c’est-à-dire les projets de loi qui portent sur des intérêts privés comme l’incorporation d’une entreprise ou le prolongement d’une ligne de chemin de fer ou qui accordent un statut juridique à des organismes religieux ou charitables, émanent du Sénat, principalement parce qu’ils sont moins coûteux. Les parrains de ces projets de loi doivent assumer tous les honoraires juridiques et tous les frais d’impression et de traduction. Tandis que les droits minimums pour le dépôt d’un projet de loi au Sénat sont de 200 $, ils s’établissent à 500 $ à la Chambre des communes, et ce, depuis 1934. Jusqu’en 1967, le Sénat a été très actif dans le domaine des divorces, adoptant en moyenne depuis la Deuxième Guerre mondiale 340 projets de loi de divorce par année20. Depuis 1968, le pouvoir d’accorder des divorces relève des tribunaux provinciaux.

En ce qui concerne le rejet de projets de lois envoyés par la Chambre des communes, James R. Robertson, de la Bibliothèque du Parlement, note ce qui suit : «Sans un examen détaillé des débats et des documents du Sénat canadien, il est impossible de donner une liste définitive des projets de loi émanant de la Chambre des communes que le Sénat a refusés. Même MacKay et Kunz interprètent différemment ce qui constitue un rejet. C’est en partie une question de définition... Le Sénat peut renverser carrément des projets de loi en deuxième ou en troisième lecture, mais il peut aussi prendre d’autres mesures qui équivalent à un rejet. De même, les dirigeants du Sénat peuvent menacer de renverser des projets de loi afin d’influencer le gouvernement ou de l’empêcher d’agir.»21

Robertson indique que les principaux projets de loi d’initiative parlementaire renversés par le Sénat depuis la Confédération comprennent :

i) En 1875, la Chambre haute a renversé un projet de loi visant la construction d’un chemin de fer d’Esquimalt à Nanaimo en Colombie-Britannique, considérant qu’il s’agissait d’une dépense publique injustifiée.

ii) En 1879, le Sénat a renversé un projet de loi visant à ajouter deux juges en Colombie-Britannique, parce que le gouvernement provincial était en campagne électorale et que, dans ces circonstances, il n’avait pas le droit de demander cette hausse.

iii) En 1899 et en 1900, le Sénat a renversé un projet de loi visant à rajuster la représentation de l’Ontario, affirmant qu’il ne convenait pas d’adopter le projet de loi avant le recensement de 1901, année où le rajustement de la représentation serait obligatoire en vertu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.

iv) En 1909, un projet de loi qui aurais permis, dans certains cas, d’interjeter appel dans les poursuites de la Cour de l’Échiquier auprès des cours suprêmes provinciales a été renversé, parce qu’il aurait provoqué des poursuites et une confusion inutiles.

v) En 1913, le Sénat a renversé le projet de loi sur l’assistance navale et adopté la résolution suivante : «Notre Chambre n’est pas fondée de donner son consentement à ce projet de loi tant qu’il n’aura pas été soumis au jugement du pays.»

vi) En 1919, un projet de loi qui aurait fait relever l’Office de biologie du Canada du ministre de la Marine et des Pêches a été renversé, parce que la Commission devait être indépendante et libre de toute ingérence politique.

vii) En 1924, le Sénat a renversé sept projets de loi transmis par la Chambre des communes et en a modifié radicalement trois autres au sujet de la construction des lignes secondaires des Chemins de fer nationaux, qui venaient d’être organisés.

viii) En 1926, le Sénat a renversé le projet de loi sur les pensions de vieillesse, arguant qu’il n’y avait pas de demande publique générale, que les provinces n’avaient pas indiqué leur accord et qu’il s’agissait d’une mesure sociale peu souhaitable.

ix) De 1930 à 1940, treize projets de loi des Communes ont été renversés au Sénat, dont un projet de loi d’initiative parlementaire relatif aux brevets, deux projets de loi d’intérêt public d’initiative parlementaire, un projet de loi sur les pensions des juges et un projet de loi prévoyant la reconduction de la Loi sur les arrangements entre cultivateurs et créanciers.

x) En 1961, le Comité sénatorial des banques a recommandé qu’un projet de loi déclarant vacant le poste de gouverneur de la Banque du Canada soit abandonné après la démission de l’ancien gouverneur, M. James E. Coyne.

xi) En 1961, le Sénat a insisté pour faire adopter un amendement qu’il proposait à un projet de loi d’initiative gouvernementale visant à modifier la Loi sur les douanes.

Dans les années 70, l’influence du Sénat sur les projets de loi des Communes s’est exercée principalement par des recommandations des comités d’étude préalable dans leurs rapports sur les projets de loi avant que ces projets de loi ne soient renvoyés au Sénat. Par suite de l’étude préalable du projet de loi sur les faillites en 1975, par exemple, le Sénat a proposé près de 140 amendements.

À la fin des années 80 et dans les années 90, le Sénat s’est opposé officiellement plus souvent et a proposé plus souvent des amendements aux projets de loi des Communes. Parmi les projets de loi qui ont provoqué un affrontement entre le Sénat et la Chambre des communes, citons : i) en 1985, le projet de loi C-11, Loi sur le pouvoir d’emprunt; ii) en 1986, le projet de loi C-67, Loi sur les pénitenciers (modifications des privations de sortie proposées); iii) en 1987, le projet de loi C-22, Loi sur les brevets pharmaceutiques, et le projet de loi C-84, Loi sur l’immigration; iv) en 1988, le projet de loi C-60, Loi sur le droit d’auteur, le projet de loi C-103, Loi sur l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, et le projet de loi C-130, Loi sur le libre-échange; v) en 1989, le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-chômage; vi) en 1990, les dispositions de récupération du projet de loi C-28 sur l’impôt sur le revenu et le projet de loi C-62, sur la taxe sur les produits et services; vii) en 1991, le projet de loi C-43 sur l’avortement, qui a été renversé en troisième lecture; viii) en 1996, le projet de loi C-28, Loi sur l’Aéroport international Lester B. Pearson, qui a aussi été renversé en troisième lecture; et ix) en 1998, le projet de loi C-220, Loi modifiant le Code Criminel et la Loi sur le droit d’auteur (fruits d’une œuvre liée à la perpétration d’un acte criminel), qui a été rejeté à l’étape du rapport.

 

Enquêtes

Le professeur Kunz écrit qu’«une portion considérable des fonctions du Sénat sont exercées en comité et bien souvent, ce qui se passe en chambre n’est qu’une préparation ou une confirmation des travaux réalisés en comités»22. Le rôle des comités sénatoriaux consiste à étudier les projets de loi, à examiner en profondeur les propositions de dépense du gouvernement (le budget) et à mener des enquêtes sur des questions d’intérêt. Un comité particulier peut désigner un comité permanent, dont l’existence est permanente en vertu du Règlement du Sénat, ou un comité spécial nommé pour étudier un ordre de renvoi en particulier et qui sera aboli après avoir achevé ses travaux. Conformément au Règlement, les comités peuvent désigner des sous-comités. Le Sénat peut aussi s’unir à la Chambre des communes pour créer des comités mixtes permanents ou des comités mixtes spéciaux.

Un certain nombre de grandes enquêtes sur des questions sociales et économiques importantes ont été menées par les comités sénatoriaux ces dernières années, ce qui a poussé certains observateurs à faire remarquer que «les activités du Sénat dans ce domaine ont parfois rendu inutile la création d’une commission royale d’enquête»23. Parmi les thèmes des études menées ces dernières années, on peut signaler : La politique scientifique (1970); les Médias (1970); La pauvreté au Canada (1971); Le potentiel agricole de l’est du Nouveau-Brunswick (1976); Les enfants (1980); Les anciens combattants (1981); L’érosion des sols (1984); Les institutions financières canadiennes (1990) et l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis (1990); la Taxe sur les produits et services (1990); Le Système d’évaluation des programmes du Gouvernement au Canada (1991); La voie ferrée principale reliant Truro à Sydney, en Nouvelle-Écosse (1992); Le maintien de la paix (1993); (1993); La Bravoure et le Mépris (1993); De la vie et de la mort (1995); L’enseignement postsecondaire au Canada (1997); Les priorités pour l’agriculture canadienne (1999); La cohésion sociale (1999); L’autonomie gouvernementale des Autochtones (2000); et La sécurité aérienne (2000).

 

5. La composition du Sénat

Le mode de nomination a permis de faire entrer au Sénat un grand nombre de Canadiens émérites. Certains des sénateurs les mieux connus comprennent George Brown, Alexander Campbell, Oliver Mowat, Richard Cartwright, George Ross, George Foster, Allan Aylesworth, Raoul Dandurand, James Lougheed, Arthur Meighen, Ross Macdonald, T.A. Crerar, Léon Mercier-Gouin, Chubby Power, Adrian Hugessen, Grattan O’Leary, Maurice Bourget et Eugene Forsey. Historiquement, les sénateurs ont occupé des postes importants au Cabinet. Dans le premier Cabinet canadien, cinq des treize ministres étaient des sénateurs et deux gouvernements du XIXe siècle ont été dirigés par des sénateurs, soit Sir John Abbott (1891-1892) et Sir Mackenzie Bowell (1894-1896). Presque tous les portefeuilles importants sauf celui des Finances ont été confiés un jour à des sénateurs.24

En ce qui concerne la représentation des partis au Sénat, en 1867, les conservateurs et les libéraux étaient représentés assez également. Quand les libéraux ont pris le pouvoir en 1896, le Sénat comptait 63 conservateurs, 10 libéraux et 3 indépendants. En 1911, quand les conservateurs ont pris le pouvoir, il y avait 57 libéraux et 17 conservateurs. Quand les conservateurs ont repris le pouvoir en 1957, il y avait 78 libéraux, 5 conservateurs et 2 indépendants. En 1979, quand M. Clark est devenu Premier ministre (le 4 juin 1979), le Sénat comptait 72 libéraux, 18 conservateurs, 3 indépendants et 1 créditiste. En 1984, quand M. Mulroney est devenu Premier ministre (le 17 septembre 1984), il y avait 73 libéraux, 23 conservateurs et 4 indépendants25. Quelques semaines avant de quitter son poste, M. Mulroney a comblé les quatorze vacances au Sénat en nommant 13 conservateurs et l’indépendant. Par conséquent, en 1993, le caucus libéral du Premier Ministre Chrétien affrontait 58 conservateurs et 5 indépendants. La composition actuelle du Sénat (mars 2001) est de 54 libéraux, 33 conservateurs, 1 allianciste, 5 indépendants et 12 vacances.

Le mode de nomination a produit un législateur qui diffère sociologiquement de celui de la Chambre des communes. Les sénateurs sont habituellement plus âgés que les députés et ils sont plus chevronnés, du fait qu’ils ont plus d’expérience parlementaire avant d’accéder à leur poste. Il y a eu proportionnellement plus de femmes au Sénat qu’aux Communes. R. MacGregor Dawson écrit que «les nominations au sénat servent souvent non seulement à assurer une représentation provinciale mais aussi une représentation des groupes économiques, raciaux et religieux de la province.».26

 

A. La représentation provinciale

On trouvera ci-dessous un bref historique de l’entrée de chaque province et de chaque territoire dans la Confédération ainsi que de l’évolution du nombre de sénateurs attribués à chacun. Il faut noter, cependant, que la composition du Sénat dépend de la représentation provinciale et de la représentation régionale. Comme le déclarait John A. MacDonald dans les débats de la Confédération, le principe de l’égalité à la Chambre haute avait pour but «de protéger les intérêts locaux et d’empêcher les jalousies régionales». MacDonald entrevoyait trois grandes régions - l’Ontario, le Québec et les Maritimes - dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique. C’est sur le principe de l’égalité régionale et non de l’égalité provinciale que la représentation au Sénat a été convenue.

i) Québec et Ontario - La seule forme possible d’union des colonies de l’Amérique du Nord britannique en 1867, selon le professeur MacKay «était un État fédéral au sein duquel tous les droits du Bas-Canada (Québec) seraient protégés. Le Bas-Canada devait accepter volontairement de participer à toute forme d’union étant donné que, géographiquement, il était la clé de toute union avec les colonies des Maritimes. Et il ne pouvait participer volontairement que si on lui donnait des garanties absolues protégeant ses institutions, sa langue, sa religion et ses lois, garanties qui devaient être évidentes pour tous»27. Le Québec a obtenu une représentation au Sénat égale à celle de l’Ontario - 24 sièges. L’article 22 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait une représentation spéciale pour la province de Québec : «chacun des vingt-quatre sénateurs la représentant, sera nommé pour l’un des vingt-quatre collèges électoraux du Bas-Canada...». Ces collèges électoraux sont définis à l’annexe A du chapitre premier des Statuts refondus du Canada 1859.

ii) Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et Île-du-Prince-Édouard - La première entente conclue à Québec par les Pères de la Confédération stipulait que la Nouvelle-Écosse aurait dix sénateurs, le Nouveau-Brunswick, dix également, et l’Île-du-Prince-Édouard, quatre. Le compte rendu des pourparlers de la Conférence de Québec indique que les délégués de l’Île-du-Prince-Édouard ont vivement fait valoir que la protection des petites provinces résiderait au Sénat et qu’ils ont demandé ardemment une représentation égale de toutes les provinces à la Chambre haute. Cette position, affirme MacKay, «allait plus loin que celle que les autres provinces maritimes étaient prêtes à défendre»28. Prince-Édouard n’était pas d’accord avec les Résolutions de Québec et a refusé d’entrer dans la nouvelle fédération. Afin de maintenir l’égalité de la représentation régionale, les 24 membres des Maritimes ont été répartis également entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Quand l’Île-du-Prince-Édouard est entrée dans la Confédération en vertu des Conditions de l’adhésion de l’Île-du-Prince-Édouard en 1873, elle l’a fait selon les modalités des Résolutions de Québec. La représentation au Sénat a donc été rajustée pour donner dix sièges à la Nouvelle-Écosse, dix au Nouveau-Brunswick, et quatre à l’Île-du-Prince-Édouard.

iii) Terre-Neuve - Les Pères de la Confédération considéraient Terre-Neuve comme une région distincte et estimaient que sa représentation à la Chambre haute constituait une exception au principe de l’égalité. Sir John A. MacDonald croyait que la province avait «ses propres intérêts ... Elle a donc été considérée séparément et aura une représentation distincte à la Chambre haute, ce qui constitue une exception par rapport au principe de l’égalité établi entre les autres régions». Terre-Neuve n’est entrée dans la Confédération qu’en 1949, conformément à la Loi sur Terre-Neuve, qui a confirmé les conditions d’adhésion entre la province et le Canada. Ces conditions prévoyaient une représentation de six membres au Sénat.

iv) Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique - Les Résolutions de Québec stipulaient : «le territoire du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et Vancouver pourront adhérer à l’Union aux conditions que le Parlement des Provinces fédérées jugeront équitables». La Loi de 1870 sur le Manitoba stipule : «Cette province sera représentée au Sénat du Canada par deux membres, jusqu’à ce que le chiffre de sa population, d’après le recensement décennal, atteigne cinquante mille âmes, alors elle y sera représentée par trois membres jusqu’à ce que le chiffre de la population, d’après le recensement décennal, atteigne soixante-quinze mille âmes, alors elle y sera représentée par quatre membres.» Les Conditions de l’adhésion de la Colombie-Britannique prévoyaient que la province serait représentée par trois membres au Sénat. La Loi sur l’Alberta de 1905 et la Loi sur la Saskatchewan de 1905 prévoyaient chacune quatre sénateurs et ajoutaient : «après qu’aura été complété le prochain recensement décennal, ce nombre pourra être à toute époque augmenté jusqu’à six par le Parlement du Canada». Par la Loi constitutionnelle de 1915, l’Ouest a été reconnu comme une division distincte et a obtenu une représentation de vingt-quatre membres, au même titre que les autres divisions, six sénateurs étant attribués à chacune des provinces de l’Ouest.

v) Les Territoires du Nord-Ouest et le Territoire du Yukon - Conformément à la Loi constitutionnelle de 1975, les deux territoires ont obtenu le droit d’être représentés au Sénat par un membre chacun. Tout comme la province de Terre-Neuve, les territoires n’ont pas été ajoutés à une division existante mais plutôt considérés comme une exception à la répartition des divisions.

vi) La Loi sur le Nunavut - de 1993 a séparé le nouveau territoire du Nunavut des Territoires du Nord-Ouest et lui a accordé le droit d’être représenté au Sénat par un membre.

 

6. Événements importants de l’histoire du Sénat du Canada

1864 - En septembre 1864 a lieu la Conférence de Charlottetown afin de discuter de l’Union des Maritimes, puis d’une union des colonies de l’Amérique du Nord britannique. En octobre 1864 se tient la Conférence de Québec. Six des quatorze jours de cette conférence sont consacrés aux discussions sur les pouvoirs et la composition de la Chambre haute.

1867 - La première séance du Sénat a lieu le 16 novembre 1867. Le premier président du Sénat est Joseph Édouard Cauchon. Pendant la session, trois comités permanents sont constitués : Banque, commerce et chemins de fer; Comptes de prévoyance; et Ordres de renvoi et projets de loi d’initiative parlementaire.

1870 - Entrée du Manitoba. La Loi sur le Manitoba prévoit l’ajout de deux sénateurs de cette province.

1871 - Entrée de la Colombie-Britannique. Les Conditions de l’adhésion de la Colombie-Britannique accordent à la Colombie-Britannique trois sièges au Sénat.

1873 - Entrée de l’Île-du-Prince-Édouard. Cette province obtient quatre sièges, et la représentation de chacune des autres provinces de l’Atlantique est réduite de douze à dix sièges.

1874 - Le gouvernement britannique répond qu’il ne peut conseiller à Sa Majesté d’accéder à la demande du premier ministre Alexander MacKenzie, qui voudrait faire nommer des sénateurs supplémentaires en vertu de l’article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867.

1875 - Première confrontation législative importante entre le Sénat et la Chambre des communes. Le Sénat renverse un projet de loi visant la construction d’une ligne de chemin de fer entre Esquimalt et Nanaimo en Colombie-Britannique.

1879 - Les «Territoires du Nord-Ouest» de l’époque obtiennent deux sièges au Sénat, chiffre qui double en 1903.

1889 - Création du Comité permanent du divorce.

1894 - Création du Comité permanent de la régie interne et des comptes de prévoyance.

1905 - Entrée de l’Alberta et de la Saskatchewan. Ces deux nouvelles provinces obtiennent chacune quatre sièges.

1909 - Création du comité permanent de l’agriculture et des forêts ainsi que du Comité permanent de l’immigration et du travail.

1913 - Le Sénat renverse le projet de loi sur l’assistance navale, déclarant : «Notre Chambre n’est pas fondée de donner son consentement à ce projet de loi tant qu’il n’aura pas été soumis au jugement du pays.»

1915 - Adoption de la Loi constitutionnelle de 1915, qui réorganise et rationalise les bases de la représentation en créant une quatrième division, la division de l’Ouest, formée des provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, chacune représentée par six sénateurs. La même loi prévoit que six sièges au Sénat seront accordés à Terre-Neuve au moment de son entrée dans la Confédération, ce qui se fera en 1949.

1918 - Dépôt du Rapport du Comité sénatorial spécial chargé de déterminer les droits que possède le Sénat en matière de lois de finances (le rapport Ross), qui maintient le droit du Sénat d’amender des projets de loi de finances des Communes.

1919 - Création du Comité sénatorial permanent des finances.

1926 - Le Sénat renverse le projet de loi sur les pensions de vieillesse.

1930 - Décision du Comité judiciaire du Conseil privé dans l’affaire Edwards C. Procureur général du Canada ([1930], C.A. 124) confirmant la possibilité de nommer des femmes au Sénat. Le 14 février 1930, Mme Cairine MacKay Wilson, fille de feu le sénateur MacKay de l’Ontario, est nommée au Sénat et devient la première sénatrice canadienne.

1930 - La Parlement du Canada confère à la Cour suprême de l’Ontario les pouvoirs en matière de divorce en Ontario. Seuls les tribunaux du Québec et de Terre-Neuve n’ont pas encore de pouvoirs semblables. Par la suite, les projets de loi de divorce étudiés par le Sénat ne portent que sur les divorces dans ces deux provinces. À la suite de l’adoption de la Loi sur le divorce de 1967-1968, le Sénat n’est plus habilité à prononcer des jugements de divorce. Cette loi remplaçait la Loi sur la dissolution et l’annulation du mariage en vigueur à l’époque. Toutefois, toute procédure de divorce dont il n’avait pas été définitivement disposé avant cette date devait être traitée en conformité de cette loi, comme si cette loi n’avait pas été abrogée. Le Sénat a prononcé son dernier jugement de divorce le 26 novembre 1969.

1934 - À la demande du gouvernement en place, les Communes majorent les droits qu’elles exigent pour le dépôt d’un projet de loi d’initiative parlementaire de 200 $ à 500 $, mais il est convenu que ceux du Sénat demeureront de 200 $. Par suite de cette mesure, les projets de loi d’initiative parlementaire émanent surtout du Sénat.

1938 - Création du Comité sénatorial permanent des relations extérieures.

1946 - Restructuration de quelques comités sénatoriaux. Le Comité des ressources naturelles (aboli en 1969-1970) remplace le Comité de l’agriculture et des forêts, et le Comité des transports et des communications remplace le Comité des chemins de fer, des télégraphes et des ports.

1947 - Le Règlement du Sénat est modifié pour permettre à un ministre de la Chambre des communes de participer à un débat du Comité plénier du Sénat lorsque le Sénat examine un projet de loi touchant à son ministère.

1961 - Comparution du gouverneur de la Banque du Canada James E. Coyne devant le Comité des banques au sujet du projet de loi qui déclare vacant le poste de gouverneur de la Banque du Canada.

1965 - Réduction du mandat des sénateurs, conformément à la Loi constitutionnelle de 1965. Aux termes de cette réforme, qui ne s’applique pas aux sénateurs élus avant le 2 juin 1965, les sénateurs doivent prendre leur retraite à 75 ans.

1968-1969 - Restructuration des comités sénatoriaux. Le Comité des affaires extérieures remplace le Comité des relations extérieures et le Comité de la santé, du bien-être social et des sciences remplace le Comité de l’immigration et du travail. Création du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Révision importante du Règlement du Sénat.

1970-1971- Création du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des

1972 - budgets et de l’administration, qui remplace le Comité de la régie interne et des comptes de prévoyance. Création du Comité sénatorial permanent de l’agriculture en 1972.

1972 - Nomination de la première présidente du Sénat, Muriel McQueen Ferguson.

1975 - Le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest obtiennent chacun un siège au Sénat.

1979 - Le 21 décembre 1979, dans Objet : Pouvoir du Parlement concernant la Chambre haute [1980], 1 R.C.S., la Cour suprême décide que le Parlement ne peut pas modifier fondamentalement le Sénat en vertu du paragraphe 91(1) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867. Dans ce renvoi au projet de loi C-60, la Cour suprême confirme que le consentement des provinces est nécessaire pour réformer les éléments essentiels de la Constitution et les pouvoirs du Sénat.

1982 - Adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Selon la nouvelle formule de modification de la Constitution, le Parlement canadien obtient le pouvoir exclusif de modifier les dispositions de la Constitution canadienne relatives au Sénat. Une formule plus exigeante régit les modifications touchant aux pouvoirs du Sénat, au choix des sénateurs, au nombre de sénateurs auquel a droit une province et aux conditions relatives au lieu de résidence des sénateurs. Dans ces domaines, les modifications peuvent être apportées par proclamation du gouverneur général autorisées par résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et des assemblées législatives de sept provinces comptant au moins la moitié de la population de toutes les provinces. La Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que le Sénat n’a qu’un droit de veto suspensif de 180 jours à l’égard des modifications constitutionnelles. Sans la sanction du Sénat, la Chambre des communes ne doit attendre que 180 jours avant de pouvoir adopter la modification constitutionnelle une deuxième fois.

1983-1984 - Création du Comité sénatorial permanent de l’énergie et des ressources naturelles.

1987 - L’accord du lac Meech de 1987 contient une disposition relative aux sièges vacants. La nouvelle procédure proposée garantirait qu’une personne ne peut être nommée au Sénat sans l’accord des deux paliers de gouvernement. L’accord politique accompagnant la Modification constitutionnelle de 1987 proposée contient un engagement garantissant que la nouvelle procédure de nomination des sénateurs prendra effet à la signature de l’accord et avant la proclamation des modifications. La procédure temporaire ne s’appliquera que jusqu’à ce que les modifications constitutionnelles concernent le Sénat en général ou jusqu’à l’expiration du délai prévu pour la ratification de l’accord. Six sénateurs ont été nommés en vertu de cette entente. En 1990, le délai prévu pour la ratification de l’Accord expire.

1988 - Le Sénat renverse le projet de loi C-130, Loi sur le libre-échange. Des élections générales sont déclenchées. Le gouvernement Mulroney est réélu et le projet de loi est adopté rapidement durant la première session qui suit les élections.

1989 - Création du Comité permanent des autochtones.

1990 - Élu à un suffrage provincial en Alberta, le sénateur Stan Waters est nommé au Sénat le 16 juin 1990.

1990 - Le 25 septembre 1990, le Comité des banques et du commerce recommande au Sénat de ne pas adopter le projet de loi C-62 sur la taxe sur les produits et services. Cette recommandation est renversée et, après un long et turbulent débat, le projet reçoit la sanction royale le 13 décembre 1990.

1990 - Le 27 septembre 1990, huit nouveaux sénateurs sont nommés en vertu de l’article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867. Cette disposition est invoquée pour la première fois.

1991 - Le 18 juin 1991, le Sénat adopte des changements importants à ses règles et pratiques. Il s’agit de la plus importante révision de son Règlement depuis 1906.

1992 - Échec de l’entente de Charlottetown au référendum du 26 octobre 1992. Il était proposé dans l’entente que chaque province aurait six sénateurs et chaque territoire en aurait un. D’autres sièges seraient ajoutés pour représenter les Autochtones du Canada. Les élections se dérouleraient sous la compétence fédérale en même temps que les élections à la Chambre des communes. Les élections pourraient se faire par l’ensemble des citoyens ou par les assemblées législatives provinciales ou territoriales. Les provinces et les territoires auraient la possibilité de tenir compte de l’égalité des sexes ou de désigner des sièges à des fins particulières. Le Sénat pourrait bloquer des nominations importantes, dont celles des dirigeants des organismes de réglementation et des institutions culturelles d’importance. Il aurait également un droit de veto en ce qui a trait aux projets de loi qui entraînent des changements fondamentaux aux politiques financières associées directement aux ressources naturelles. De plus, il aurait le pouvoir d’agir dans un délai de 30 jours civils pour obliger la Chambre des communes à adopter de nouveau les projets de loi de crédits. Une défaite ou la modification de lois ordinaires conduirait à un processus de séance conjointe avec la Chambre des communes. Lors d’une séance conjointe, la question se déciderait à la majorité simple. Les projets de loi touchant de façon appréciable la langue ou la culture françaises nécessiteraient l’adoption à la double majorité -- la majorité de tous les sénateurs votants et la majorité de tous les sénateurs francophones votants. Les sénateurs pourraient présenter des projets de loi, à l’exception de projets de loi portant sur des mesures financières, et la Chambre des communes devrait les traiter dans un délai raisonnable. Les sénateurs ne seraient pas admissibles à un poste au cabinet.

1993 - Les Territoires du Nord-Ouest sont divisés, et le nouveau Territoire du Nunavut obtient un siège au Sénat, ce qui porte à 105 le nombre normal de sénateurs.

1996 - Le projet de loi C-28, concernant l’aéroport international Pearson, est rejeté à l’étape de la troisième lecture.

1998 - Le projet de loi C-220, concernant les fruits d’une œuvre liée à la perpétration d’un acte criminel, est rejeté à l’étape du rapport.

2001 - Création du Comité sénatorial permanent des droits de la personne et du Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité.

 

7. Bibliographie sommaire d’ouvrages et d’articles concernant le Sénat

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________. "The Senate as a Parliamentary Institution". Allocution du professeur F.A. Kunz (Université McGill) à l’Atelier de formation et de perfectionnement des greffiers des comités sénatoriaux et des commis législatifs, Ottawa, 19 septembre 1991.

MacKay, R.A. The Unreformed Senate of Canada, révision et réimpression, Toronto, McClelland and Stewart, 1963.

Massicotte, Louis et Françoise Coulombe. «La réforme du Sénat», Document de recherche de la Bibliothèque du Parlement, avril 1988.

Robertson, James R. "Rejection of bills by the Canadian Senate", Document de recherche de la Bibliothèque du Parlement.

Sénat du Canada. Rapport du Comité spécial chargé de déterminer les droits que possède le Sénat en matière de lois de finances (rapport Ross), 1918.

________. Rapport sur certains aspects de la Constitution canadienne, novembre 1980.

________. Rapports sur les projets de loi et les études spéciales - Comités du Sénat, 1962-1992

Stilborn, Jack. "Senate Reform on the Post-Meech Lake Era - A Backgrounder". Document de recherche de la Bibliothèque du Parlement, 1990.


Renvois:

  1. Cité dans Robert A. MacKay, The Unreformed Senate of Canada, révisé et réimprimé, Toronto, McLelland and Stewart, 1963, p. 38.
  2. Robert Jackson et Doreen Jackson, Politics in Canada: Culture, Institutions, Behaviour and Public Policy, deuxième édition, Scarborough, Prentice Hall, 1990, p. 365.
  3. Kitchen, G. William, "The Abolition of Second Chambers" dans D.C. Rowat, Provincial Government and Politics, Ottawa, Université Carleton, 1973, p. 61.
  4. MacKay, op. cit., p. 36.
  5. Ibid., p. 31.
  6. Ibid., p. 31.
  7. Cité dans Ross, Sir George, The Senate of Canada: Its Constitution, Powers and Duties Historically Considered, Toronto, Copp, Clark, 1914, p. 19-20.
  8. Parliamentary Debates on the Subject of the Confederation of the British North American Provinces, Québec, Hunter, Rose, 1865, p. 22.
  9. Ibid., p. 186.
  10. Ibid., p. 234.
  11. Ibid., p. 35-36.
  12. Ibid., p. 373.
  13. Ibid., p. 88-89.
  14. Au sujet de l’article 26, Mollie Dunsmuir écrit que, quand la Loi constitutionnelle de 1867 a été rédigée, "on a longuement discuté de la nécessité d’inclure une disposition permettant au gouvernement en place de nommer des sénateurs supplémentaires pour se tirer de l’impasse en cas de divergences de vues irréconciliables. Sir John A. MacDonald s’opposait à l’idée et soutenait qu’une telle disposition permettant d’«inonder» le Sénat de sénateurs détruirait l’indépendance et l’utilité de cette institution. À la Conférence de Londres de 1866, pendant laquelle la loi fut rédigée, les autres délégués demeurèrent toutefois divisés sur la question.

Le gouvernement britannique tenait absolument à ce qu’une disposition de ce genre figure dans la loi, si bien que l’article 26 a fini par être rédigé et approuvé. Les délégués des colonies insistèrent cependant pour que les nominations supplémentaires tiennent compte de la représentation régionale, que leur nombre soit strictement limité et que la décision finale relève de la Couronne plutôt que du gouvernement en place. Le gouvernement britannique accepta ces restrictions, même s’il s’inquiétait pour ces deux dernières." Voir «Le Sénat : Nominations en vertu de l’article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867», Document de recherche de la Bibliothèque du Parlement, août 1990, p. 1.

  1. Dawson, R. MacGregor, The Government of Canada, révisé par Norman Ward, Toronto, University of Toronto Press, cinquième édition, 1970, p. 339-401. Pour un examen des questions de privilège soulevées au Sénat depuis 1867, voir W.F. Dawson "Privilege in the Senate of Canada" (collection de la Bibliothèque du Parlement, 1966).
  2. Driedger, Elmer A. "Money Bills and the Senate", Ottawa Law Review, vol. 3, n° 1, automne 1968, p. 40-41.
  3. Cité dans S.D. Bailey, The Future of the House of the Lords, Londres, 1954, p. 21.
  4. Kunz, F.A., The Modern Senate of Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1965, p. 198. Voir également Coulombe, Françoise, "The Value of a Bicameral Legislature: The Contribution of the Canadian Senate", Document de recherche de la Bibliothèque du Parlement, révisé, février 1979.
  5. Kunz, op. cit., p. 225-226.
  6. Ibid., p. 214.
  7. Robertson, James R., "Rejection of Bills by the Canadian Senate", Document de recherche de la Bibliothèque du Parlement, 5 novembre 1990, p. 3-4.
  8. Kunz, op. cit., p. 233.
  9. Coulombe, op. cit., p. 13.
  10. Ibid., p. 3.
  11. Voir MacKay, op. cit., p. 58 et Kunz, op. cit., p. 80-82.
  12. MacGregor Dawson, op. cit., p. 286.
  13. MacKay, op. cit., p. 34.
  14. Ibid., p. 37 

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