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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 6 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui à 9 h 30 afin d’élire un président et d’examiner, pour en faire rapport, la reconnaissance juridique et politique de l’identité des Métis au Canada.

[Traduction]

Marcy Zlotnick, greffière du comité: Comme le savent les honorables sénateurs, notre président de longue date et ami, le sénateur St-Germain, a pris sa retraite. De fait, je crois bien qu’il fête aujourd’hui ses 75 ans. Au nom du comité, j’aimerais lui souhaiter un très joyeux anniversaire et une longue et heureuse retraite.

Le poste de président étant vacant, il est de mon devoir de présider à l’élection d’un nouveau président.

[Français]

Je suis prête à recevoir une motion à cet effet.

[Traduction]

Le sénateur Raine: Je propose la candidature de l’honorable sénateur Vernon White.

Mme Zlotnick: Y a-t-il d’autres propositions?

Étant donné qu’il n’y a aucune autre proposition, je pose la question. L’honorable sénateur Raine propose que l’honorable sénateur White occupe le fauteuil du président.

[Français]

Consentez-vous, honorables sénateurs, à adopter cette motion?

Des voix: Oui.

[Traduction]

La motion est adoptée et j’invite le sénateur White à occuper le fauteuil.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

Le président: Si je peux me le permettre, j’aimerais moi aussi souhaiter au sénateur St-Germain un joyeux 75e anniversaire.

Le sénateur Sibbeston: Tout ceci est en vain s’il ne le sait pas. Nous devons lui envoyer un message; envoyons-lui un petit quelque chose.

Le président: Oui.

Le sénateur Dyck: Avant que nous ne poursuivions, j’aimerais préciser que si le sénateur Greene Raine n’avait pas parlé si rapidement, j’aurais moi-même proposé votre candidature sur la foi de vos talents, et c’est avec enthousiasme que je vous souhaite la bienvenue en tant que président du comité.

Le président: J’aimerais mentionner qu’à mon avis, entre tous les comités que nous avons au Sénat, le présent comité a le plus la possibilité d’influer sur la vie de ceux que nous portons tous dans notre cœur, les peuples autochtones du Canada. Au cours de ma courte présence ici au Sénat — huit mois — j’ai vu s’accomplir un immense travail dans un climat de camaraderie et de consensus de la part des deux côtés, et je ne nous vois pas comme des éléments bipartites, mais plutôt comme un groupe uni dans l’accomplissement de quelque chose de positif.

Par conséquent, je vous remercie beaucoup de votre appui, surtout le sénateur Dyck. J’aimerais aussi dire à quel point je suis heureux d’être membre de ce comité. C’est le seul comité auquel j’ai demandé de faire partie. Pendant quelques mois, j’ai dû faire semblant et essayer de prendre la place de quelqu’un, donc je suis très heureux d’être un membre permanent et, maintenant, d’être le président de ce comité.

J’aimerais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs et aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou le web. Je suis Vernon White, le président nouvellement élu du comité. Ce comité a pour mandat d’examiner les lois et les questions qui concernent les peuples autochtones du Canada en général.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude des questions se rapportant à la reconnaissance juridique et politique de l’identité et des droits des Métis au Canada.

Dans le cadre de notre étude sur l’identité des Métis, nous nous sommes récemment rendus au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest, où nous avons tenu une série d’audiences publiques et de séances à la recherche de faits sur le sujet. La complexité de la question nous est apparue de plus en plus évidente au cours du voyage. Nous sommes reconnaissants envers les témoins pour les efforts et le temps qu’ils ont consacrés à nous aider à démêler la question complexe de l’identité.

Avant d’inviter nos témoins à prendre la parole, j’aimerais présenter les membres du comité qui sont présents. Nous avons le sénateur Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest; le sénateur Lillian Dyck, la vice-présidente, de la Saskatchewan; le sénateur Charlie Watt, du Québec, qui était là il y a quelques instants; le sénateur Jacques Demers, du Québec; le sénateur Patrick Brazeau, du Québec; le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut; le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Salma Ataullahjan, de l’Ontario.

Chers collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour accueillir, du Conseil des Métis de Sou’West Nova, Mme Daphne Williamson, avocate, et du Conseil des Métis Kespu’kwitk de Yarmouth and District, le directeur du développement économique, M. Ronald Surette, ainsi qu’une aînée, Mme Sheila Surette.

Nous avons hâte d’entendre vos déclarations, qui seront suivies par les questions des sénateurs. Allez-y, je vous prie.

Daphne Williamson, avocate, Conseil des Métis de Sou’West Nova (Wampanoag de l’île du cap de Sable, en Nouvelle-Écosse): Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de nous offrir la possibilité de comparaître au nom du Conseil des Métis de Sou’West Nova et de présenter nos points de vue sur les questions de reconnaissance juridique et politique de l’identité des Métis au Canada. Nous savons gré au Sénat d’avoir engagé un dialogue avec diverses communautés de Métis dans le pays et les territoires en vue d’examiner soigneusement ces questions.

Mon nom est Daphne Williamson. Je suis une aînée, membre de la communauté, et je représente la communauté depuis plus de 10 ans en tant que porte-parole, chercheuse, consultante et conseillère juridique.

Nous travaillons assidûment, dans la mesure où les ressources le permettent, à retrouver et documenter notre histoire et notre patrimoine afin de pouvoir collaborer de façon significative avec les gouvernements provincial et fédéral de sorte que notre communauté soit reconnue au titre de l’article 35 de la loi constitutionnelle et, par conséquent, qu’elle bénéficie de droits ancestraux et soit reconnue.

Être reconnu en tant que peuple autochtone est extrêmement important pour nous. De fait, c’est notre objectif premier, qui a préséance sur tout autre droit que procure cette reconnaissance. À simplement parler, se voir refuser des droits qui pourraient être accordés à d’autres peuples autochtones est une chose, mais se voir refuser son patrimoine et le droit de revendiquer sa propre identité est tout à fait autre chose.

Nous savons parfaitement et avons toujours su qui nous sommes et quelle est notre origine. C’est notre origine et la façon dont notre communauté s’est développée qui posent nos plus gros défis dans notre lutte pour la reconnaissance, mais je parlerai de cela plus tard.

Nous avons préservé et protégé nos lignées, de même que nos traditions, nos coutumes, nos pratiques et nos croyances pendant des générations, même si nous avons été séparés géographiquement des terres de nos ancêtres, et que d’autres ont tenté de nous enlever notre identité.

Nous avons adopté le terme « Métis », bien que nous sachions pertinemment que nous sommes des Indiens, parce que c’est le seul moyen pour nous, au titre de la Constitution canadienne, de revendiquer notre patrimoine, parce que le Canada n’a jamais entériné par une loi l’article III du traité Jay, signé en 1794.

Notre histoire se distingue de celle des autres peuples autochtones du Canada en ce que nous descendons en majeure partie de la nation Wampanoag du Massachusetts. Il s’agissait non seulement d’une sous-tribu algonquine, mais aussi d’une confédération politique qui incluait de plus petites tribus, comme les Nauset, les Piqua et les Narragansett, aussi des ancêtres de notre peuple.

Au nombre de nos ancêtres célèbres, citons le grand chef Massasoit Ousamequin, le grand chef Wampanoag qui a accueilli les pèlerins et les a aidés à survivre aux premiers hivers en les nourrissant et en leur enseignant comment récolter leur nourriture. C’est là l’origine de l’Action de grâce. Nous descendons aussi du chef Iyannough, celui qui a inspiré le nom de Hyannis, à Cape Cod, et le nom de nombreux autres endroits dans la région environnante.

Nous avons les documents qui prouvent notre lien ancestral à Iyannough et des manuscrits produits par des aînés de la tribu et des généalogistes qui documentent tous nos autres liens tribaux et ancestraux. Nous savons qui nous sommes et comment nous nous sommes rendus ici.

À l’époque où le littoral atlantique était encore une grande colonie britannique et où le gouverneur anglais de la Nouvelle-Écosse essayait d’écraser la puissance économique française au milieu des années 1700, nos ancêtres ont été recrutés pour leurs grands talents de pêcheurs et de baleiniers. En échange, ces ancêtres ont reçu des concessions de terre sur l’île du cap de Sable ou dans les environs, une région que nous connaissions déjà pour en avoir visité les rives lors des expéditions de pêche de nombreuses générations avant nous.

Par conséquent, les premières familles qui ont constitué notre communauté étaient nos ancêtres directs de la nation Wampanoag du Massachusetts, dont Sarah Bearce et bien d’autres qui étaient des descendants directs du chef Iyannough. Étant donné la persécution que notre peuple a subie au Massachusetts, tout comme d’autres Autochtones dans les colonies anglaises, nos ancêtres ont choisi de garder le secret de leur identité autochtone et ont pu le faire grâce à une pigmentation plus pâle résultant de mariages antérieurs avec certains des premiers colons anglais au Massachusetts.

Cependant, après ces premiers liens, et aussi en raison de la persécution qui s’est poursuivie, nos ancêtres métis se sont mariés entre eux, aussi bien avant qu’après l’immigration en Nouvelle-Écosse. De fait, il était rare pour quelqu’un de l’île du cap de Sable de se marier en dehors de la communauté, en partie pour préserver notre lignée, car nous descendons des nobles de notre tribu, et en partie parce que nous avons craint d’être repérés et persécutés par des étrangers, compte tenu de ce que les autres communautés autochtones avaient subi. Il y a eu quelques mariages avec des Mi’kmaq ou des rescapés de naufrages au large de l’île.

Les premières années après l’arrivée des Anglais, les relations étaient bonnes et les mariages interraciaux étaient assez courants. Nos gens vivaient donc là où ils voulaient, parmi les Anglais, ou dans les communautés traditionnelles. Aucune distinction n’était faite et plusieurs de nos membres, y compris le grand chef Massasoit Ousamequin, ont été parmi les premiers à se convertir au christianisme, à être appelés les « Indiens religieux » et à constituer des cantons d’Indiens religieux au Massachusetts.

Plusieurs d’entre eux ont enseigné dans des écoles anglaises et prêché dans des églises anglaises, et ce, jusqu’à ce que l’immigration massive des Anglais et la lutte pour le contrôle de nos terres forcent nos membres à choisir entre la loyauté envers les Anglais ou envers nos propres tribus. Nombreux sont ceux qui ont été tués, et d’autres se sont enfuis, y compris nos ancêtres directs qui ont caché leur identité et ont accepté l’offre d’une terre gratuite en Nouvelle-Écosse pour assurer la survie de leurs familles. En conséquence, notre identité, notre culture, nos pratiques, nos coutumes, nos traditions et nos croyances ont été un secret soigneusement gardé au sein de notre communauté pendant de nombreuses générations, et ceux qui vivaient sur l’île ont gardé leur distance de la société en général.

Entre nous, depuis ce temps, nous pratiquons ouvertement nos us et coutumes, lesquels se sont enrichis, avec le temps, de quelques modifications modernes sous l’influence inévitable des Européens, dont l’usage des armes à feu.

Contrairement à bien d’autres groupes, nous ne sommes pas de descendance autochtone française, et nous ne sommes pas originaires de ce pays, mais nous sommes assurément et indiscutablement des Autochtones.

Cependant, bien que nous soyons reconnus par la nation Wampanoag du Massachusetts et la Confédération algonquine, nous ne sommes pas reconnus au Canada, en raison, essentiellement, de l’article III du traité Jay.

À notre avis, cela n’a aucun sens, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, ce traité a été conclu entre des États coloniaux, sans négociations avec les peuples autochtones, et il ne comporte aucune restriction explicite ou implicite que ce soit de nos droits.

Deuxièmement, ce traité a été signé après que le Canada et les États-Unis sont devenus des pays distincts. Troisièmement, parce que notre communauté sur l’île du cap de Sable a été établie plus de 30 ans avant la signature du traité Jay. Quatrièmement, parce que les Sioux, qui sont venus au Canada après la bataille de Wounded Knee, bien après la création de la frontière internationale et la signature du traité Jay, forment un peuple autochtone reconnu au Canada bien qu’ils soient d’origine américaine aussi.

Enfin, parce que bon nombre de ceux qui sont considérés Indiens inscrits ou Indiens non inscrits au titre de la Loi sur les Indiens sont devenus admissibles par mariage seulement, souvent sans aucune descendance autochtone.

Nous ne comprenons pas comment d’autres qui viennent aussi d’ailleurs, et surtout ceux qui n’ont pas une goutte de sang indien, peuvent être considérés comme des Autochtones alors que nous ne le sommes pas. Nous ne comprenons pas non plus comment un traité auquel nous n’avons pas participé et qui a été établi entre des nations européennes après que nos ancêtres soient arrivés au Canada puisse faire obstacle à notre reconnaissance. Nous étions déjà ici, à ce moment-là.

De plus, à notre avis, la définition de Métis et les exigences de test juridique sont trop restreintes et ne tiennent pas compte de l’histoire et de la culture de chaque communauté ou de la façon dont ces communautés se sont développées dans le contexte politique et historique, pas plus qu’elles ne tiennent compte des perspectives autochtones traditionnelles d’appartenance à la communauté et de propriété des terres. Le mémoire que j’ai soumis comporte plus de détails à ce sujet.

Par ailleurs, nous estimons que le gouvernement du Canada, qui a une obligation fiduciaire à l’endroit de tous les peuples autochtones, a l’obligation correspondante d’appuyer ces communautés dans la preuve du bien-fondé de leur revendication du statut de Métis ou d’une autre identité autochtone en fournissant un soutien à la recherche, au développement communautaire et culturel et au développement économique, y compris un financement, au besoin, que le groupe en question soit officiellement reconnu ou pas, dans la mesure où il y a une justification crédible de la revendication du statut d’Autochtone.

Enfin, nous estimons que le gouvernement devrait respecter les droits et méthodes de récolte traditionnels de tous les peuples autochtones, de même que notre capacité d’exercer nos pratiques culturelles. Mon mémoire comporte d’autres détails à ce sujet aussi.

Je vous remercie d’avoir pris le temps d’écouter mon exposé. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président: Nous entendrons les trois témoins d’abord, puis passerons aux questions.

Ronald Surette, directeur du développement économique, Conseil des Métis Kespu’kwitk de Yarmouth and District: Mon épouse, qui est une aînée, lira l’énoncé en notre nom.

Sheila Surette, aînée, Conseil des Métis Kespu’kwitk de Yarmouth and District: Au nom du Conseil des Métis Kespu’kwitk de Yarmouth and District et du comité directeur, je remercie le comité de nous avoir offert la possibilité de comparaître.

Le Conseil a été fondé et constitué au titre de la législation sur les sociétés, tant à l’échelle provinciale que fédérale, le 24 novembre 1999. Notre constitution et notre règlement décrivent notre objet, nos valeurs, notre vision et notre peuple.

Ceux qui aimeraient avoir davantage de renseignements peuvent consulter notre site web à swnmetis.webs.com, ou lancer une recherche Google sur « Kespu'kwitk Metis Council ». Nous avons aussi un bureau au 342, rue Main, à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse.

Nous sommes un peuple métis autochtone selon l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. À l’heure actuelle, nous comptons environ 2 500 membres. Le conseil directeur est entièrement constitué de bénévoles, la seule exception étant une personne, payée par le CMK qui vient un jour par semaine mettre à jour notre base de données et accomplir certaines tâches administratives.

Jusqu’en juin 2009, nous bénéficiions de fonds de Service Canada dans le cadre du programme Partenariats pour la création d’emplois, PCE. À compter de juillet 2009, quand le gouvernement provincial a assumé la responsabilité du programme, il ne nous a plus été possible d’obtenir de financement. À l’heure actuelle, grâce au programme Connexion compétences pour les jeunes, nous permettons à une personne d’obtenir de la formation, de prendre de l’assurance et de se perfectionner. Ce programme est entièrement financé par Service Canada. Les programmes auxquels notre organisation a pu participer nous ont été accessibles non pas parce que nous sommes Métis ou Autochtones, mais plutôt parce que nous sommes un organisme sans but lucratif.

C’est un autre membre du comité directeur et moi-même qui avons préparé les documents requis pour les programmes que nous avons obtenus. Nous sommes des fonctionnaires fédéraux à la retraite. Notre organisation a, à plusieurs reprises, demandé des fonds au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Jusqu’à présent, cela a été en vain. Le refus a été constant.

Ni l’un ni l’autre des gouvernements provincial et fédéral n’a reconnu nos droits, en tant qu’organisation de Métis de l’Est. Aucune exemption d’impôt, pas de droits de chasse et de pêche, pas de subventions d’éducation, de bourses ou d’aide pour les petites entreprises.

Les historiens ne s’entendent pas sur la date de la prise de contrôle par les Européens, comme en témoigne la décision rendue dans l’une de nos récentes affaires devant les tribunaux.

La date mentionnée dans le jugement est 1670. Le juge a stipulé qu’il n’y avait pas de communauté métisse dans notre région avant le contrôle européen en 1670. Cette affaire fait présentement l’objet d’un appel. Nos historiens étaient Bill Wicken, du Département d’histoire de l’Université York, et Janet Chute, de l’Université Dalhousie à Halifax. La généalogiste était Elizabeth La Douceur, PLCGS.

Ce procès découle du fait que l’un de nos membres a été accusé de pêcher avec un filet illégal au titre de la Loi sur les pêches. Cette affaire se poursuit depuis 2004. Depuis l’arrêt Powley à Sault Ste. Marie, en Ontario, la zone de Sault Ste. Marie a des droits de chasse.

La déclaration selon laquelle il n’y avait aucun Métis à l’est de l’Ontario est incompréhensible. Des fonds ont été consacrés à essayer d’obtenir la reconnaissance. Cependant, aucune résolution n’a été obtenue à cet effet jusqu’à présent dans notre région. Il nous a été impossible d’obtenir un financement quelconque pour divers programmes comme le développement des jeunes, des encouragements aux entreprises et une aide aux personnes âgées dans le besoin, tout cela en dépit du fait que les Affaires indiennes à Ottawa nous ont conseillé d’essayer d’obtenir du financement auprès d’organisations autochtones ou des Premières nations.

Merci de nous avoir donné l’occasion de participer à cette audience du Sénat.

Le président: Avez-vous d’autres commentaires, monsieur Surette?

M. Surette: Non.

Le président: Nous passons aux questions.

Le sénateur Dyck: Merci de vos exposés.

Ma première question s’adresse aux deux groupes. Au cours de notre voyage, nous avons entendu plusieurs personnes dire que l’identité métisse se rapporte en quelque sorte à la langue, à la culture et au sentiment dans votre cœur ou votre âme que vous êtes un peuple métis. Diriez-vous qu’il y a, dans votre contexte particulier, une langue précise ou une culture qui vous distingue des autres peuples autochtones de votre communauté qui pourraient ne pas être identifiés en tant que Métis?

M. Surette: Oui, c’est un fait. Nous sommes essentiellement tous Français. Nous sommes pour la plupart de souche française. Ceux qui ne parlent pas le français sont de souche anglaise. La plupart des gens viennent de communautés françaises de notre région.

Mme Williamson: Nous avons consacré beaucoup de temps et d’argent au cours des quatre dernières années environ à obtenir les services d’experts dans les domaines de l’archéologie, de l’anthropologie, de la linguistique, de l’histoire et de la généalogie. Jusqu’à présent, les recherches en linguistique révèlent certains pidgins linguistiques précis. Nous parlons tous l’anglais. La langue Wampanoag a été conservée, presque intégralement, dans la communauté d’origine au Massachusetts. Il y a des similitudes manifestes dans la façon dont les résidents de l’île du cap de Sable parlent — pas moi autant que les autres, parce que je n’ai pas grandi sur l’île. Il y a un dialecte distinct et certains pidgins linguistiques distincts qui nous relient à la communauté Wampanoag du Massachusetts, caractéristiques qui sont différentes de celles des autres communautés autochtones au Canada.

En ce qui concerne la culture et les pratiques, la plupart des communautés autochtones ont des traditions et des pratiques semblables, mais pas identiques. Il y a des similitudes claires et distinctes entre toutes les cultures. La façon dont nous menons certaines de nos traditions et pratiques est distincte, et nous avons certaines pratiques ou traditions autres que celles des autres groupes. Par exemple, dans mon mémoire, j’ai parlé des huttes de Pâques, qui sont une tradition dans notre communauté depuis 250 ans. Elles ont leur origine dans la tradition de la pêche à la baleine au Massachusetts. Il y a davantage de renseignements dans le mémoire, mais oui, certainement.

Le sénateur Dyck: Madame Williamson, combien de membres avez-vous dans votre communauté?

Mme Williamson: Nous avons une population stable d’environ 800 personnes qui vivent sur l’île, mais nous avons aussi des membres partout en Nouvelle-Écosse et dans le reste du pays. De toute évidence, je suis ici. Nous avons des membres en Alberta et en Colombie-Britannique qui sont des descendants des insulaires, généralement des membres de la jeune génération.

Le sénateur Dyck: Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Surette?

M. Surette: Oui. Je veux ajouter que la plupart des membres de nos familles sont Français. Cela remonte aux colons nouvellement arrivés dans les années 1400. C’est là l’origine de notre lignée et le début des mariages interraciaux, quand Jacques Cartier, Christophe Colomb et d’autres explorateurs ont mis le pied sur les rives de l’est de l’Amérique du Nord. Les colons ne pouvaient pas survivre nos durs hivers; ils se sont installés avec les Mi’kmaq et il y a eu des mariages entre groupes ethniques. C’est à cette période que remonte l’origine des Métis.

Le sénateur Ataullahjan: Une partie de ma question a été posée par le sénateur Dyck au sujet du nombre de personnes dans votre communauté.

Vous avez parlé de la conservation de la culture et du patrimoine. J’aimerais savoir s’il y a des écoles de langue, si vos initiatives ont réussi et si vos us et coutumes ont été transmis à la jeune génération.

Mme Williamson: Plusieurs de nos coutumes et traditions ont été transmises, comme les huttes de Pâques, par exemple. Les enfants apprennent comment les construire à un très jeune âge. Elles sont appelées les « huttes de Pâques » parce qu’elles sont généralement construites juste avant la fin de semaine de Pâques. La hutte ressemble à un weetu de chasse temporaire, le logement traditionnel dans la communauté au Massachusetts. Tout est transmis de génération en génération, comme la façon de construire des barrages, la pêche au homard, la pêche au poisson en marée haute et la pêche à la turlutte. Nous avons d’importantes caractéristiques archéologiques sur l’île qui datent de 850 ans, selon l’emplacement. Elles sont exactement les mêmes que celles trouvées dans la communauté Wampanoag traditionnelle aux États-Unis. Le caractère sacré de ces sites et les cérémonies qui ont lieu à ces endroits ont été transmis de génération en génération. C’est un mode de vie.

Je ne viens pas de l’île, mais ma mère, elle, en vient. C’est intéressant, parce qu’au cours de mes travaux pour les membres de cette communauté, par exemple, je leur ai demandé plusieurs fois de me décrire certaines des choses qu’ils font. Ils n’ont pas pu. Il a fallu que ma mère fasse le lien entre moi et le peuple qui a vécu ici sur l’île toute sa vie, et qu’elle me montre les différences parce que ces choses font tellement partie d’eux qu’ils ne sont même pas capables d’imaginer que tout le monde ne fait pas la même chose. C’est simplement notre nature. C’est simplement une façon dont les gens ont vécu pendant des générations et des générations. Quand j’ai l’occasion de m’asseoir avec les aînés et les commissaires dans la communauté du Massachusetts, je vois à quel point ces façons de vivre et ces traditions sont étonnamment bien conservées.

Le sénateur Dyck: Vous avez parlé de la culture qui a été conservée. Diriez-vous que cette culture se rapproche plus de celle de vos ancêtres au Massachusetts, ou bien qu’elle s’est transformée en quelque chose de plus précis qui pourrait être qualifié de « Métis » sur l’île du cap de Sable?

Mme Williamson: De toute évidence, il y a eu une séparation géographique et historique de 250 ans. La culture a maintenu l’essence même de la culture Wampanoag, mais elle s’est manifestement adaptée, au cours des 250 dernières années, aux conditions de l’île et au contexte social et politique du Canada.

Là encore, j’estime que le test visant à démontrer l’appartenance à une classe distincte et séparée est, du point de vue juridique, extrêmement restreint. Si l’on examine vraiment la façon dont nos communautés ont vu le jour, on constate qu’il n’y a pas eu de communautés séparées et distinctes. Les relations entre notre peuple et les Anglais étaient très bonnes. Avant l’immigration massive, moment où notre peuple a été forcé de s’installer dans des secteurs donnés, nous vivions là où nous le voulions. Nous enseignions dans les écoles, nous prêchions dans les églises et nous nous éduquions les uns les autres. Exiger que ce soient des choses complètement séparées et distinctes, à mon avis, est complètement arbitraire et ne tient pas compte de chaque communauté particulière et de la façon dont elle a évolué.

Le sénateur Raine: Madame Williamson, croyez-vous que les Wampanoag sont des Métis ou une Première nation?

Mme Williamson: C’est là que le bât blesse. Nous avons adopté le terme « Métis » parce que nous nous considérons un peuple autochtone. Nous n’avons pas d’autre option au titre de la Loi constitutionnelle. Comme nous conservons notre patrimoine, notre culture et notre identité, nous avons adopté le terme « Métis » pour décrire qui nous sommes. Si nous étions encore au Massachusetts, nous ferions partie de la nation Wampanoag de Mashpee, qui est l’une des réserves Wampanoag reconnues à l’échelle fédérale, mais au Canada, nous n’avons pas le choix, même si nous étions là 30 ans avant la création d’une frontière.

Le sénateur Raine: La nation Wampanoag au Massachusetts vous reconnaît-elle en tant que citoyens de leur nation?

Mme Williamson: Oui.

Le sénateur Raine: Plusieurs Premières nations chevauchent la frontière. Si vous comparez les situations entre toutes ces nations et vous-même et la communauté d’origine au Massachusetts, est-ce que cela vous conviendrait mieux en tant que peuple?

Mme Williamson: Je ne suis pas sûre de comprendre la question. Pouvez-vous la répéter, s’il vous plaît? J’ai peut-être manqué quelque chose.

Le sénateur Raine: Je pense aux Premières nations qui ont des membres des deux côtés de la frontière. Nous les reconnaissons au Canada en tant que Premières nations. Savez-vous pourquoi les Wampanoag ne sont pas reconnus en tant que Première nation au Canada comme le sont les autres Premières nations qui chevauchent les deux pays?

Mme Williamson: C’est en partie parce que nous avons gardé rigoureusement le secret de notre identité pendant si longtemps que personne ne savait même que nous existions.

Par ailleurs, nous ne vivons pas dans une réserve et nous ne sommes pas soumis à la réglementation et à l’inscription au titre de la Loi sur les Indiens. Plus tôt, j’ai cité l’exemple des Sioux. Après la bataille de Wounded Knee, des membres de ce groupe sont venus au Canada s’installer dans une réserve, en Saskatchewan, je crois. Ils sont considérés comme faisant partie des Premières nations. Notre terre nous a été donnée en propriété franche. Nous ne vivons pas dans une réserve, et nous ne sommes donc pas vus de la même façon.

L’article III du traité Jay n’a jamais été reconnu au Canada.

Le sénateur Patterson: Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

Mme Williamson: Au sujet de l’article III du traité Jay? Tout d’abord, il n’y a pas eu de négociations ni de consultations avec les communautés autochtones pour le traité Jay; je ne comprends donc pas pourquoi nous y serions soumis.

Voyons si je peux paraphraser l’article III du traité Jay avec précision. Il dit, essentiellement, que la mobilité et les échanges des peuples autochtones avant le traité Jay seraient maintenus. Il n’y avait aucune restriction implicite ou explicite de nos droits.

Autrement dit, si j’étais une Iroquoise ou une Mi’kmaq et que j’allais aux États-Unis travailler ou m’installer ou faire n’importe quoi d’autre, le gouvernement américain respecterait mes droits et reconnaîtrait mes droits en tant que personne autochtone canadienne. Il n’en va pas de même pour les Indiens américains qui viennent au Canada.

Le sénateur Demers: C’était une très bonne présentation. J’ai aimé les réponses. Vous savez de quoi vous parlez, et je vous en sais gré.

Votre organisation mène-t-elle des activités visant à protéger ou à promouvoir la culture et le patrimoine métis? Le cas échéant, quelles sont ces activités?

Mme Williamson: Absolument. Il y a un rassemblement tous les ans, quoique nous ne l’ayons pas eu l’an dernier par manque de fonds. Habituellement, c’est un regroupement très privé qui a lieu à des endroits discrets sur l’île. Ce rassemblement se tient tous les ans, généralement vers la fin de l’été. C’est ce que nous appelons maintenant un pow-wow, et il a lieu la première fin de semaine d’août. Au cours du pow-wow, nous présentons notre culture à des gens qui viennent de l’extérieur de la communauté, afin qu’ils apprennent à nous connaître. Nous fabriquons des tambours et construisons des huttes. Nous avons toutes sortes d’activités différentes. Nous dégustons des aliments traditionnels. Les aliments consommés lors du pow-wow et pendant les cérémonies sont des produits de la chasse.

Au cours des deux dernières années, la communauté a créé un centre d’éducation culturelle. Ce centre ne bénéficie d’aucun financement pour les raisons mêmes que Mme Surette a mentionnées dans sa présentation. Il s’appuie entièrement sur des dons et sur le travail des bénévoles de la communauté, mais nous avons un centre culturel dont la vocation est essentiellement de présenter notre culture et nos traditions, et d’expliquer qui nous sommes.

Le sénateur Demers: Quand vous parliez, quelque chose m’a frappé. Votre identité est hors de votre portée. Je sais que c’est ce que vous dites, mais comment une telle chose peut-elle arriver? Tout le monde a une identité, ou tout le monde devrait avoir une identité.

Mme Williamson: Nous n’avons pas l’impression d’avoir perdu notre identité, sur les plans psychologique ou émotif. Nous savons qui nous sommes et nous savons ce que cela signifie. Ce que nous disons, ou ce que je voulais dire par mes propos, c’est que parce que le gouvernement et les autres communautés autochtones de la Nouvelle-Écosse ne nous reconnaissent pas et, bien franchement, nous ridiculisent et nous critiquent, nous avons l’impression qu’ils cherchent à nous enlever notre identité.

Le sénateur Raine: Madame Williamson, ce que je vous entends dire, c’est que vous êtes très fiers de vos racines ancestrales en tant que membres du peuple autochtone Wampanoag, et que vous voulez être reconnus comme tel. Croyez-vous qu’il y a une obligation issue de traité entre les gouvernements de la Nouvelle-Écosse ou du Canada de vous accorder les droits d’une Première nation, tout comme d’autres traités le font ailleurs au Canada?

Mme Williamson: Notre peuple faisait partie des signataires des traités d’antan, les mêmes traités qui ont été signés avec les Mi’kmaq à Boston et à Halifax. Plusieurs de nos ancêtres étaient signataires de ces traités quand il n’y avait qu’une seule grande colonie, à proprement parler.

Un autre aspect existe, cependant. Nous sommes confrontés à un gros dilemme: ce serait génial pour nous d’être reconnus en tant qu’Autochtones inscrits ou non inscrits. Cependant, nous courons le risque de perdre toute reconnaissance que nous pourrions acquérir en tant que peuple autochtone après une ou deux générations, à cause des critères relatifs à la part de sang indien ou à la lignée. Sauf le respect que je vous dois, je dirais que nous ne sommes pas restés accrochés si longtemps à notre identité pour la voir nous être arrachée par un morceau de papier.

Le sénateur Raine: En d’autres termes, le statut d’Indien n’est pas ce que vous recherchez.

Mme Williamson: Non.

Le sénateur Raine: Vous voulez simplement obtenir la reconnaissance du statut de peuple Wampanoag, n’est-ce pas?

Mme Williamson: C’est exact. Franchement, sénateur — là encore, sauf le respect que je vous dois —, nous sommes d’avis que ces catégories sont arbitraires de toute façon. Selon nous, les peuples autochtones sont des peuples autochtones. Cela n’a rien à voir avec les générations, les parents, la part de sang indien, ou n’importe quoi d’autre. On est autochtone ou on ne l’est pas.

Le sénateur Raine: J’ai une autre question. Quand vos ancêtres sont arrivés sur l’île de Sable, venant du Massachusetts, et qu’ils ont reçu les terres en propriété franche, ont-ils conservé ces terres et l’île est-elle encore entre les mains de leurs descendants?

Mme Williamson: Oui. J’aimerais cependant préciser quelque chose. Il y a l’île de Sable, où les chevaux se trouvent, au bas de la rive est de la Nouvelle-Écosse, et il y a l’île du cap de Sable, qui est au sud-ouest. Je voulais simplement éclaircir ce point.

Quoi qu’il en soit, oui, les mêmes familles possèdent ces terres depuis leur concession. Là encore, cependant, nous avons des preuves archéologiques de la présence de notre peuple depuis 850 ans, dans des camps temporaires d’expéditions de pêche.

Le sénateur Raine: Dans un certain sens, vous avez une patrie.

Mme Williamson: Oui.

Le sénateur Raine: Et vous avez une nation.

Mme Williamson: Oui.

Le sénateur Raine: Et vous êtes forts.

Mme Williamson: Oui.

Le sénateur Raine: Ma dernière question est la suivante: Pourquoi souhaitez-vous être désignés Métis?

Mme Williamson: C’est tout ce que nous avons. Tant et aussi longtemps que des catégories existent et que la seule identité que nous avons est celle que nous pouvons nous attribuer, c’est tout ce que nous avons.

Le sénateur Raine: Et ce n’est pas assez?

Mme Williamson: C’est une chose que de se désigner soi-même Métis ou Autochtone, mais, comme Mme Surette l’a dit, si personne d’autre ne vous reconnaît comme tel, l’essence même de votre identité est hors de votre portée.

Le sénateur Patterson: J’ai trouvé votre exposé très intéressant et fascinant. Comme vous le savez, nous étudions l’identité des Métis à ce comité. J’ai une simple question à vous poser. Tout d’abord, croyez-vous que la définition de l’arrêt Powley s’applique à vous?

Mme Williamson: Je le crois.

Le sénateur Patterson: Peut-être que vous pourriez nous expliquer pourquoi. Deuxièmement, avez-vous parlé d’une affaire de longue date concernant une accusation de pêche?

Mme Williamson: Non.

Le sénateur Patterson: Je suis désolé; c’est Mme Surette qui l’a mentionnée.

Croyez-vous que cette action en justice pourrait être la base de la résolution de cette mystérieuse question à savoir pourquoi le Canada semble attribuer aux peuples autochtones une autre interprétation que le font les États-Unis? Est-il possible que la décision relative à cette affaire ait pour effet de régler cette question?

Mme Williamson: En ce qui concerne cette affaire précise, je crois bien que M. et Mme Surette seraient mieux en mesure de répondre. Là encore, notre histoire et notre culture sont très différentes de tout autre groupe autochtone au Canada, y compris le groupe que M. Surette représente. Par conséquent, cela nous touche-t-il? Pas du tout. Cela a-t-il une influence sur la perception selon laquelle il pourrait y avoir une communauté métisse à l’est de l’Ontario? Absolument.

Honnêtement, lors d’une rencontre avec les Affaires autochtones en Nouvelle-Écosse il y a cinq ou six ans, je me suis fait dire la même chose: il n’y a pas de Métis à l’est de l’Ontario. J’ai répondu: « C’est exact; des soucoupes volantes ont amené ces bateaux en Ontario et les ont parachutés là, au milieu du pays. » Où le commerce des fourrures a-t-il commencé? Cela n’a aucun sens. Nous n’avons pas participé à cela.

Nous avons eu notre propre action en justice. Il y a environ quatre ans, j’ai plaidé la cause de la communauté. Le principal défendeur est parti de son côté et je ne le représente plus. Je représente la communauté. Je ne pense pas que cette affaire en particulier aura une influence sur la communauté, parce qu’il n’est représenté par personne et ne dispose pas des preuves que nous avons réunies au cours des quatre dernières années — il n’a rien du tout. Rien de cela ne nous touche.

Le sénateur Patterson: Pouvez-vous nous donner quelques détails sur ces deux affaires? Vous n’avez pas besoin de le faire tout de suite. Deuxièmement, avez-vous répondu oui, que la définition Powley s’applique à vous?

Mme Williamson: Oui, mais certains éléments du test sont extrêmement restrictifs et ne tiennent pas compte comme il se doit des origines et du développement de chaque communauté. L’aspect de la classe distincte et séparée, par exemple, ne s’applique pas à la moitié des communautés qui se sont développées.

Le sénateur Sibbeston: Vous semblez être un groupe novice et fragile de personnes qui tentent d’être identifiées et reconnues. Vous dites que ni le gouvernement provincial ni le gouvernement fédéral ne vous reconnaissent en tant que peuple autochtone. Espérez-vous obtenir la reconnaissance au bout du compte? Quelles voies s’ouvrent à vous, que changeriez-vous pour être reconnus en fin de compte?

Je vous sais gré de venir comparaître devant nous, le Sénat. C’est la première fois que j’entends parler de votre peuple; je crois donc que c’est une chose positive. Plus vous exposez votre situation au grand jour, plus la possibilité de faire progresser votre cause est grande.

Y a-t-il un espoir dans notre pays que vous soyez reconnus en tant qu’Autochtones par les gouvernements et les autres peuples autochtones?

Mme Williamson: Je ne peux vous répondre que par une analogie. Si j’étais de descendance européenne mixte, par exemple — disons irlandaise-italienne ou allemande-polonaise — je pourrais être membre de l’une ou l’autre des communautés; je pourrais participer aux cérémonies des deux. Aucune des deux ne m’en empêcherait, pas plus que le feraient les gouvernements. Personne ne me dirait jamais « Tu n’es pas qui tu dis être, et tu n’as pas le droit d’être qui tu es ou d’embrasser ton patrimoine. »

C’est différent pour les peuples autochtones, et ce n’est pas différent que pour nous. Chaque communauté autochtone qui n’est pas encore officiellement reconnue et chaque Autochtone qui risque de perdre son statut ou qui n’a pas obtenu le statut au titre de la Loi sur les Indiens, par exemple, doit justifier son existence. Et le fardeau doit être assumé par une culture qui n’a aucune histoire écrite et qui n’a jamais rien consigné. C’est non seulement un fardeau souvent impossible à assumer en raison du manque de financement, car nous ne sommes pas reconnus, mais c’est franchement une insulte qui nous est lancée au visage. Si nous étions quoi que ce soit d’autre, nous n’aurions jamais eu à passer par une telle épreuve.

Le sénateur Sibbeston: Peut-être que M. Surette ou Mme Surette pourraient répondre à cette question.

M. Surette: Oui, j’aimerais répondre. Je suis d’accord avec Mme Williamson. Nous, les Métis de Nouvelle-Écosse, vivons comme nos ancêtres, mais personne ne veut nous identifier en tant que groupe. Nous devons prouver notre identité.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse nous demande de produire en preuve des renseignements propres au lieu avant de conclure que, oui, nous sommes Métis. Il en va de même pour le gouvernement fédéral. Par exemple, quelqu’un doit enfreindre la loi et nous devons être traînés en justice pour prouver qu’il y a des Métis dans notre région.

Je vais lire un énoncé. Les Métis existent en Nouvelle-Écosse et en Amérique du Nord depuis que les Français sont arrivés sur nos rives à la fin des années 1400 et au début des années 1500; même Champlain n’est arrivé qu’en 1604. Les Français ne pouvaient pas survivre aux hivers rigoureux. Les Mi’kmaq ont dû les héberger pour les protéger et ils ont épousé des femmes Mi’kmaq.

Depuis lors, cette culture demeure. Je vis de la même façon que mes ancêtres. Nous allons dans la forêt, nous ramassons du bois, nous pêchons nos propres poissons et nous cultivons nos propres jardins. Nous ramassons des algues au bord de l’eau. Tout est biologique. C’est ainsi que nos ancêtres vivaient, et c’est ainsi que nous vivons aujourd’hui. C’est ainsi que de nombreux membres de notre peuple vivent dans différentes communautés.

À mon avis, nous ne devrions pas avoir à nous présenter devant un tribunal pour prouver notre identité ou être reconnus. Nous n’avons rien. Ce que nous avons, nous le créons par notre travail et le faisons nous-mêmes, de notre propre chef. C’est une grosse dépense pour notre organisation de recruter M. Wickens, Mme Chute et nos généalogistes, qui viennent tous de l’Ontario. Personne ne voulait traiter avec nous dans notre communauté, parce que nous sommes des Métis, et que cela leur donnerait une mauvaise réputation. Même notre avocat… Heureusement que nous avons pu trouver un avocat à Yarmouth pour nous aider.

Si le comité est intéressé aux travaux de M. Wickens et de Mme Chute, tous deux historiens, nous avons leurs travaux. Si vous voulez la documentation de notre action en justice, nous vous la fournirons avec plaisir. Donnez-nous simplement votre adresse et nous vous enverrons les documents. M. Wickens a fait la recherche pour l’affaire Powley, et Mme Chute a fait la recherche pour l’affaire Marshall en Nouvelle-Écosse. Ce sont des historiens reconnus. Nous devons tout payer et, aujourd’hui, nous ne devons plus un cent pour notre action en justice.

Mme Williamson: Je suis tout à fait d’accord avec M. Surette. Nous n’avons pas pu trouver un archéologue, un historien ou un généalogiste en Nouvelle-Écosse qui irait à contre-courant et qui nous appuierait de quelque façon que ce soit. J’ai recruté des experts des États-Unis qui ont travaillé avec la communauté Wampanoag américaine. Premièrement, ils savent qui nous sommes. Deuxièmement, ils étaient les seuls à oser prononcer une opinion contraire à la perspective conventionnelle. C’est choquant.

Comme M. Surette, nous avons aussi la transcription de la première semaine du procès — la partie à laquelle j’ai participé. À mon avis, ce qui est arrivé à partir du moment où j’ai cessé de les représenter n’est pas utile.

Je présenterai volontiers mon propre arbre généalogique. J’ai un relevé de mes ancêtres sur les 400 dernières années qui remonte jusqu’au chef Iyannough. J’ai un manuscrit rédigé par un aîné tribal au Massachusetts qui documente notre ascendance et nos liens tribaux. Je me ferais un plaisir de fournir toute chose que le comité aimerait avoir, y compris les rapports d’expert, tout ce dont vous auriez besoin pour établir plus clairement notre histoire et le bien-fondé de nos revendications.

Le sénateur Sibbeston: Ce serait intéressant. Vous pourriez peut-être nous fournir cette information après la séance.

Je suis aussi métis de nature, et nous reconnaissons entre autres que les Métis sont très indépendants et très fiers, et qu’ils ne veulent pas l’aide des gouvernements.

Au cours de notre histoire, il y a eu, je crois, une période au cours de laquelle on avait tendance à vouloir s’éloigner de l’identité d’Autochtone. Les Autochtones ne voulaient pas être identifiés comme tels. Cela a duré un certain temps, parce qu’il y avait une connotation négative à être autochtone. Si on se mêlait à la société en général, on n’y était pas bien vus. Il y a eu donc une période où les Autochtones ne voulaient pas admettre qu’ils étaient Autochtones et faisaient de leur mieux pour ne pas l’être, de bien des façons.

Je me demande si, en rétrospective, cela n’a pas été un obstacle pour vous, ou si cela ne vous a pas nui. Pendant des centaines d’années, vous n’avez peut-être pas voulu être reconnus ou identifiés comme étant des Autochtones puis, brusquement, vous changez de point de vue. Vous voulez être reconnus en tant qu’Autochtones et maintenant, vous avez de la difficulté à le faire. Pouvez-vous commenter là-dessus?

Mme Williamson: Je crois que nous allons commenter chacun à notre tour cette question.

Dans notre cas particulier, l’île du cap de Sable était séparée physiquement de la partie continentale jusqu’au moment où la route en remblai a été construite en 1949.

Traditionnellement, notre peuple au Massachusetts a été un peuple côtier et un peuple insulaire. Notre peuple à l’île du cap de Sable a été un peuple insulaire.

Ce n’est pas une communauté sophistiquée ni très bien éduquée, comme on l’entend dans la société en général, mais ces gens étaient incroyablement résilients, intelligents, capables de s’adapter et indépendants. Ce sont des gens tout simplement extraordinaires quand on pense au peu qu’ils avaient pour survivre et à la façon dont ils ont été indépendants de tout le monde. Je parle là la troisième personne, parce que je ne viens pas de l’île moi-même.

Pendant 250 ans, ils n’ont compté que sur eux-mêmes et ont utilisé les seules ressources qu’ils avaient. Les mémoires que nous présentons en disent davantage à ce sujet et présentent des exemples de la façon dont ils ont survécu, se sont adaptés au fil des ans.

Pourquoi maintenant? Comme vous l’avez dit, sénateur, c’était pendant longtemps une mauvaise chose que d’être un Indien, et il y a des personnes dans notre communauté qui vous raconteront comment elles étaient traitées quand les enseignants ou les représentants officiels les soupçonnaient, pour quelque raison que ce soit, d’avoir du sang indien; voilà pourquoi tout le monde se taisait.

Notre peuple était ici dans les années 1700. La première présence documentée était en 1761, bien que si l’on en juge par les caractéristiques des pierres, c’était bien avant cela. Au cours des années 1800, il y a eu beaucoup de persécution ouverte des Autochtones: les pensionnats, les réserves et d’autres choses qui se sont poursuivies pendant des siècles. Si notre peuple est venu ici pour fuir la persécution qu’il subissait aux États-Unis, le génocide et d’autres choses, pourquoi, pour l’amour du ciel, se serait-il déclaré autochtone avec tout ce qui se passait? Cela n’a aucun sens.

Le président: Je vais poser une question supplémentaire, si je peux me le permettre, puis je laisserai M. Surette répondre.

Voici ma question. J’ai été à l’île du cap de Sable, sur la rive sud, et j’ai vu une communauté résiliente et fière. Pourquoi dites-vous que vous êtes des Métis et non pas les membres d’une Première nation? Vos frères et sœurs au sud sont identifiés comme étant membres d’une Première nation. Pourquoi ne choisissez-vous pas cela plutôt, ou ne dites-vous pas que vous êtes des membres des Premières nations plutôt que des Métis?

Mme Williamson: Une fois de plus, monsieur le président, je précise que nous nous sommes toujours appelés des Indiens. Nous avons les transcriptions d’entrevues réalisées avec des aînés, et je serai heureuse de vous les remettre.

Le président: Faites-le, je vous en prie.

Mme Williamson: Les gens sur l’île se sont toujours désignés comme étant Indiens. Je sais que ce n’est plus le terme politiquement correct à utiliser, mais c’est ainsi qu’ils se désignent eux-mêmes, depuis bien longtemps.

La reconnaissance automatique nous est interdite dans ce pays en raison des critères de non-reconnaissance de l’article III du traité Jay. Nous ne sommes pas des membres des Premières nations canadiennes. Et pour toutes les raisons que j’ai mentionnées plus tôt, nous ne voulons pas être complètement éliminés d’ici une ou deux générations en nous nous soumettant à la Loi sur les Indiens.

Le président: Vous parlez de la règle du 25 p. 100 de sang indien.

Mme Williamson: Bon nombre d’entre nous en ont plus que 25 p. 100; cependant, ce ne sera pas le cas de nos enfants, et de leurs enfants. Nous n’allons pas nous permettre de perdre notre identité ou notre patrimoine à cause d’une définition qui n’a rien à voir avec nous et que nous n’avons pas créée. Voilà pourquoi, pour toutes les raisons que j’ai citées plus tôt, il nous importe peu de faire partie des Premières nations au Canada. Aussi, la définition traditionnelle ou officielle des « Premières nations du Canada » ne s’applique pas tout à fait à nous. Nous nous identifions en tant qu’Autochtones. Nous sommes des Métis.

Le président: Merci.

M. Surette: Vous avez frappé en plein dans le mille, sénateur. De mon temps, ne pas cacher ou nier que vous étiez Autochtone ou Métis aurait été suicidaire. Même être Français, de mon temps, était tabou. J’allais à une école anglaise. Dès le début, un type m’a saisi par les épaules, m’a jeté contre un mur et m’a dit « Tu es Français, tu n’as pas ta place ici. »

Aujourd’hui, les choses sont très différentes. Tout le monde essaie d’être bilingue et tout le monde veut être reconnu en tant que Métis dans notre région. Le président de ce comité connaît bien la région et la communauté de Wedgeport. Nous avons des communautés métisses qui réussissent très bien, mais il y a encore certaines personnes qui hésitent à être identifiées comme étant métisses. Même si la généalogie le prouve, elles continuent à le nier, mais les choses s’améliorent avec le temps. Nous cherchons simplement à être reconnus par nos gouvernements. Nous devons travailler très fort pour être reconnus. Ils ne veulent même pas nous parler. C’est le problème que nous avons aujourd’hui. Nous n’existons pas à leurs yeux.

Le sénateur Watt: Merci de vos présentations.

Aux premiers stades de notre développement, en ce qui concerne l’article 35 de la Loi constitutionnelle, si j’ai bien compris, les Métis ont été reconnus. Vous avez dit que vous êtes reconnus au titre de l’article 35, mais que, en réalité, les gouvernements provincial et fédéral ne vous reconnaissent pas comme étant des Métis. Ai-je bien compris?

Mme Williamson: Essentiellement, oui. Il y a une définition qui décrit en quelque sorte qui nous sommes, et nous savons qui nous sommes. Nous avons consacré beaucoup de temps à documenter cela, ne serait-ce que pour essayer d’obtenir la reconnaissance, mais nous n’avons pas encore cette reconnaissance.

Le sénateur Watt: Vous serait-il utile d’apprendre que le Ralliement national des Métis a travaillé à la question de l’affiliation pendant un certain nombre d’années jusqu’en 1982? Travaillez-vous avec le Ralliement national des Métis pour faire reconnaître votre identité et pour éclaircir la question de votre affiliation?

Mme Williamson: Nous avons eu quelques échanges avec le Ralliement national des Métis. J’ai des amis qui font partie de cet organisme, mais c’est une relation personnelle. Nous avons eu des discussions avec l’Association des Métis autochtones de l’Ontario, et le Native Council of Nova Scotia.

Les organisations des régions plus centrales du Canada n’arrivent malheureusement pas à un consensus, dans une certaine mesure. Je crois que c’est la façon la plus diplomatique de dire que les groupes de l’est du Canada se demandent s’il est justifié pour eux de faire partie de ces organisations. Nous avons eu des discussions, mais nous n’avons pas officiellement joint leurs rangs, pour ainsi dire.

M. Surette: Oui, nous avons eu des discussions avec le Native Council of Nova Scotia, mais nous avons été totalement ignorés. À mon avis, tout l’argent va au Native Council of Nova Scotia. Cette organisation ne veut pas nous donner de l’argent, à nous ou à tout autre groupe autochtone de Nouvelle-Écosse. Elle inclut les membres de notre conseil dans ses chiffres pour obtenir davantage de financement. Nous essayons d’obtenir d’elle un peu d’argent, mais en vain — nous ne comptons pas. Elle ne nous donne rien et elle ne nous répond même pas. À mon avis, le gouvernement devrait établir un groupe qui ferait les demandes de financement en fonction du nombre de membres et qui devrait produire la liste des membres dans les bases de données pour indiquer qui est inscrit en bonne et due forme dans l’organisation. C’est comme cela que le financement devrait être accordé — pas à un groupe seulement. Je sais qu’il y a de bien plus gros groupes de Métis que nos deux petits groupes, et qu’ils tentent de tout contrôler afin d’obtenir le financement et de le répartir comme ils le veulent. Ils ne veulent pas que nous ayons même un tout petit morceau du gâteau. Ils veulent le gâteau au complet. Nous aimerions avoir un morceau de gâteau, comme tout le monde.

Le sénateur Watt: Combien de groupes dans le pays seraient dans la même situation difficile que vous: des Métis qui ne sont pas reconnus, en pratique ou en réalité?

M. Surette: Je ne suis pas sûr. Je ne peux pas répondre à cette question avec exactitude. Je présume que la plupart des groupes métis sont dans la même situation que nous.

Le sénateur Watt: Qu’est-ce que vous attendez des sénateurs? Quel genre de recommandation devrions-nous faire pour rectifier cette situation? Devrait-il y avoir une commission d’enquête? Quelqu’un devrait-il entreprendre une démarche unifiée?

M. Surette: Une enquête ou un système unifié serait probablement utile. Tout le monde devrait être traité de la même façon.

Le sénateur Watt: J’ai contribué aux efforts déployés pour aider l’organisation nationale des Métis à déterminer qui est métis et qui ne l’est pas. Vous ne semblez pas avoir une relation établie avec cette organisation. Je vous recommande de prendre contact avec elle pour travailler à rectifier la situation; autrement, à un moment donné, le gouvernement prendra une décision dans un sens ou dans l’autre, et cette décision pourrait ne pas être en votre faveur.

M. Surette: Je vais répondre à cela. Nous essayons de rencontrer ces autres groupes, mais ils ne veulent rien avoir à faire avec nous. Nous essayons, mais ils nous disent que nous n’existons pas.

Mme Williamson: Je me permets d’ajouter que notre expérience est différente de celle du groupe de M. Surette en ce qui concerne le Native Council of Nova Scotia et plusieurs autres bandes Mi’kmaq de Nouvelle-Écosse, notamment Todd Labrador, le fils du chef Charlie Labrador, qui est très respecté. Nous participons à leurs pow-wow. Le Native Council collabore avec nous. Il nous invite à ses réunions. Il nous compte parmi ses membres pour obtenir un plus gros financement. Cependant, j’ai conseillé au conseil et aux membres de faire preuve de beaucoup de prudence. Ces organismes craignent beaucoup que nous leur enlevions quelque chose si nous sommes reconnus. À mon avis, d’après ce que j’ai vu au cours des 10 dernières années, ils veulent savoir ce que nous faisons pour ainsi pouvoir mieux nous contrôler.

En réalité, nous ne voulons rien. Nos terres nous appartiennent entièrement. Nous ne sommes pas à la recherche de terre. Tout le monde a un emploi. Tout le monde travaille dans le secteur des pêches ou un secteur connexe. Nous n’avons pas besoin d’argent pour notre survie ou celle de nos familles. La seule chose que nous recherchons est la reconnaissance que nous existons, car nous vivons un peu comme des fantômes.

Le sénateur Watt: Je comprends.

Mme Williamson: Nous avons besoin d’appui pour pouvoir compléter la recherche et maintenir notre centre culturel et, ainsi, transmettre notre savoir et notre patrimoine à nos enfants, à nos petits-enfants et aux générations futures, de même qu’à quiconque veut réellement nous connaître.

Mon mémoire comprend une liste de neuf recommandations. Ceci fait partie des recommandations. Voilà ce que je dirais pour répondre directement à votre question.

Le sénateur Watt: Quand ce rapport sera-t-il disponible?

Mme Williamson: J’en ai déjà remis des copies à la greffière.

Le sénateur Watt: Nous avons donc accès à cette information. Merci.

Le sénateur Dyck: Une fois de plus, merci de votre exposé. Vous avez présenté au comité des réponses intéressantes.

Ma première question s’adresse à M. et Mme Surette. Je vous ai entendus mentionner qu’à un moment donné, votre groupe était admissible au programme fédéral de création d’emplois, mais que vous ne l’êtes plus. Pouvez-vous nous dire quand cela s’est produit et, à votre avis, pourquoi vous n’êtes plus admissibles?

M. Surette: C’est simple, Service Canada a transféré le programme à la province de la Nouvelle-Écosse. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est un gouvernement NPD, et nous n’avons pas pu obtenir de financement, ni rien d’autre de sa part. Voilà pourquoi nous devons traiter avec le gouvernement fédéral. Nous nous sommes tournés vers le programme Connexion compétences pour les jeunes. À l’heure actuelle, nous avons quelqu’un en formation chez nous; une jeune personne métisse qui avait besoin de formation personnelle supplémentaire. C’est ce que nous faisons à notre bureau.

Le sénateur Dyck: Ma deuxième question s’adresse aux deux groupes. Il y a quelques semaines, nous avons entendu des témoins des Territoires du Nord-Ouest qui nous ont mentionné l’existence d’un programme de recherche mené par le ministère de la Justice au sujet de diverses communautés métisses du Canada. J’ai regardé sur le web et constaté qu’ils sont allés mener une étude dans la région sud de la Nouvelle-Écosse. Apparemment, les résultats de cette étude n’ont pas été publiés. Êtes-vous au courant de cette étude? Y avez-vous participé? Avez-vous eu connaissance des constatations?

M. Surette: Je n’en ai pas entendu parler.

Mme Surette: Je n’en ai pas entendu parler.

M. Surette: Vous nous apprenez quelque chose.

Mme Williamson: Je ne pense pas. Je sais qu’il y a eu certaines conversations avec différents ordres de gouvernement. Il a eu une conversation avec — je suis désolée, mais je ne me rappelle pas exactement — un sénateur à un moment donné, il n’y a pas longtemps. Voilà presque quatre ans que je ne suis plus en Nouvelle-Écosse, et je ne peux donc pas être au courant de tout ce qui se passe. À ma connaissance, nous n’avons jamais été recensés, consultés ou autrement sollicités par ce comité.

Le sénateur Dyck: Pensez-vous que les résultats de cette étude devraient être publiés?

Mme Williamson: D’un point de vue purement académique, quand on publie des résultats de recherche, il faut s’assurer que cette recherche a effectivement pris en compte toutes les perspectives et le plus de renseignements possible; par conséquent, en bref, non.

Le sénateur Dyck: Non; d’accord.

M. Surette: Nous n’avons pas participé, et par conséquent, ils n’ont pas à nous fournir les résultats. Comme nous n’en savions rien, je dirais non, sénateur.

Le sénateur Ataullahjan: Merci de votre présentation impressionnante. Ma question est légèrement différente de celle que je pose à tous les témoins qui comparaissent ici. J’aimerais savoir quel est l’état de santé de votre communauté. Nous avons entendu que le diabète est presque une épidémie. Je suis devenue, en quelque sorte, une experte sur la santé maternelle. Je présente des exposés et j’ai voyagé en Afrique et à Genève. J’aimerais aussi que vous me disiez quel est l’état de la santé maternelle. Lorsqu’on examine les chiffres pour le Canada, ceux-ci sont à la traîne lorsqu’il s’agit des Autochtones.

Mme Williamson: En fait, notre peuple jouit d’une assez bonne santé. Une fois de plus, nous avons nos propres terres. Cela fait des années et des années que nous travaillons tous et prenons soin de nous. Nous ne comptons sur personne pour prendre soin de nous. Notre régime alimentaire correspond dans une grande mesure au régime traditionnel de racines, de plantes, de produits de la mer et de la terre. Sur le plan de la santé maternelle, tout le monde va bien.

En réalité, la seule chose qui a changé au cours des 50 dernières années environ, à notre connaissance, c’est une légère augmentation de l’incidence du diabète. Ce n’est pas étonnant, puisque la route en remblai nous relie maintenant au continent, où il y a un Sobeys, un Tim Horton's et un McDonald. Plus personne ne compte exclusivement sur les produits de la terre et de la mer. Nous nous sommes éloignés du régime traditionnel, pour ainsi dire, et cela a un certain effet sur la santé de la communauté.

M. Surette: À part un peu d’obésité et quelques cas de cancer, ce qui est normal en général, tout le monde est en santé. Ils tirent leur subsistance de la pêche et de la culture, et vivent très bien.

Le sénateur Demers: Madame Williamson, il y a, à l’heure actuelle, un important lock-out dans la LNH, et ce lock-out a commencé par un manque de confiance. Lorsqu’il y a manque de confiance, il n’est pas possible de travailler ensemble pour arriver à une entente. En passant, je crois qu’ils finiront bien par y arriver au bout du compte.

Votre explication était très claire, mais il n’est pas impossible qu’il y ait eu, de part et d’autre, des personnes qui ont négocié, ou cherché à négocier, sans être totalement de bonne foi. A-t-on pensé à aller chercher un arbitre, quelqu’un de neutre, qui pourrait réunir les deux parties?

Vous avez été très claire. La plupart du temps, c’est de l’argent dont on nous parle. Vous ne demandez pas d’argent. Vous avez vos terres. Votre santé, comme vous l’avez mentionné, semble être très bonne, comparable à celle de tout le monde au Canada ou aux États-Unis. Cependant, il semble y avoir un manque de confiance, parce que vous avez plus à offrir qu’à demander. Avez-vous pensé à demander à un arbitre de réunir les deux parties pour accomplir quelque chose?

Mme Williamson: Le problème n’est pas que nous n’avons pas été disposés à avoir des discussions et à présenter l’information que nous avons.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous avons rencontré le ministère des Affaires autochtones de la Nouvelle-Écosse il y a six ans. J’ai participé à cette table ronde. Il y a six ans, nous n’avions pas les experts en archéologie et anthropologie, et toutes les choses que je suis allée chercher au nom de la communauté au cours des quatre dernières années. Nous ne disposions pas de cette information. Nous n’avions pas toutes les preuves généalogiques concrètes que nous avons maintenant en ce qui concerne les registres de naissance, de mariage, et cetera. Cependant, ce n’est pas que nous avons refusé de nous asseoir à la table, c’est plutôt qu’il ne nous a jamais été permis de franchir le pas de la porte. La seule fois où nous avons réussi à entrer, nous nous sommes fait dire « Nous pensions que vous étiez quelqu’un d’autre. Allez-vous-en. »

Le sénateur Demers: Et qu’en est-il de l’arbitre?

Mme Williamson: Bien sûr, mais je ne sais même pas si cela est nécessaire. Je ne sais pas s’il est nécessaire qu’un arbitre entre en jeu, parce que franchement, nous sommes parfaitement capables de présenter l’information et les preuves, et de tenir une conversation civilisée et raisonnée. Je ne pense pas que nous ayons besoin d’aide à ce sujet.

Le président: J’ai une question de suivi pour vous deux. J’essaie de comprendre ce que, en tant que nation qui se déclare métisse, vous accepteriez ou exigeriez d’une personne pour qu’elle soit membre de vos organisations. Je demanderais à M. Surette de répondre en premier. Y a-t-il, par exemple, une documentation généalogique? Y aurait-il une exigence d’affidavit, ou plus, ou moins?

M. Surette: Oui, monsieur le président. Pour être membre de notre organisation, vous devez avoir un arbre généalogique complet, et celui-ci doit être examiné par notre généalogiste. Si vous répondez à tous les critères pertinents, qu’à un moment donné dans la lignée, il y a eu un mariage à une personne Mi’kmaq, qu’il y a du sang autochtone quelque part, vous êtes admissible à une carte.

Le président: Est-ce que ce serait quelqu’un qui a épousé une personne Mi’kmaq dans votre communauté, ou cela pourrait-il être quelqu’un qui a épousé une personne Mi’kmaq dans une autre communauté?

M. Surette: Ce pourrait être dans d’autres communautés, mais votre arbre généalogique doit avoir une ligne droite quelque part; un arrière-grand-père, une grand-mère, quelque part dans la lignée, quelqu’un qui ait épousé une personne Mi’kmaq.

Le président: S’il s’agissait de quelqu’un de Chéticamp qui a épousé une Mi’kmaq de l’île du Cap-Breton et qui a déménagé dans votre communauté cinq ans plus tôt, cette personne pourrait-elle joindre votre organisation?

M. Surette: Oui. L’endroit où elle vit importe peu, dans la mesure où sa généalogie est parfaite. Nous avons des membres un peu partout en Nouvelle-Écosse. Nous avons plusieurs personnes de Chéticamp, parce qu’il n’y a pas d’organisation là-bas. La plupart d’entre eux sont membres du Conseil des Métis Kespu'kwitk.

Le président: Dites-moi si j’ai tort; votre définition est davantage axée sur l’appartenance métisse que sur la terre, n’est-ce pas?

M. Surette: Je ne suis pas sûr. Si vous avez votre généalogie, et que vous avez du sang indien, oui.

Le président: Madame Williamson, avez-vous une réponse aussi?

Mme Williamson: Tout à fait. Comme je l’ai dit plus tôt, notre lignée compte de nombreuses générations. Bien que j’offre de présenter mon propre arbre généalogique, je peux vous dire que ma généalogie, surtout avant les premiers colons sur l’île, est presque exactement la même que celle de tous les autres membres de la communauté. Quand vous comparez mon arbre généalogique à partir de ce point à celui de n’importe qui d’autre, vous verrez les mêmes personnes et les mêmes noms de famille se répéter. Notre lignée est demeurée très claire, ou pure. Quand nous allons au Massachusetts, on nous demande: « Qui êtes-vous? » Je dois dire « Je suis Daphne, fille de Belinda », et je dois remonter jusqu’à Iyannough. Je dois préciser tout cela avant qu’ils acceptent même de me parler.

Nous savons qui tout le monde est. Cependant, si une personne a été séparée de la communauté, par exemple, parce que ses parents sont partis il y a 30 ou 40 ans, et qu’elle n’est plus en contact avec la communauté, mais qu’elle veut devenir membre du Conseil des Métis de Sou’West Nova, elle devra présenter des documents démontrant sa relation avec un membre connu de la communauté et présenter ses documents généalogiques jusqu’à un certain point pour que notre conseil et notre coordonnateur de l’adhésion sachent qu’elle vient de la même lignée que nous.

Le sénateur Raine: Monsieur Surette, si un Métis ou une personne de sang mêlé de la Colombie-Britannique arrive dans votre région et peut faire la preuve de sa descendance de membres d’une Première nation, est-ce que votre organisation l’accepterait?

D’après ce que je peux voir, votre organisation n’a pas tant des limites géographiques que des limites fondées sur un héritage autochtone commun. Vous exigeriez peut-être que la personne soit canadienne-française; peut-être pas. Ce ne serait pas nécessairement quelqu’un dont les ancêtres autochtones sont du sud de la Nouvelle-Écosse?

M. Surette: À l’heure actuelle, c’est ainsi que sont les choses. C’est entièrement une question de souche française. Nous ne sommes pas allés en Colombie-Britannique.

Le sénateur Raine: Les Métis de souche française sont nombreux en Colombie-Britannique.

M. Surette: Si la généalogie est la bonne, et s’il y a des preuves qu’il y a eu mariage mixte et qu’ils sont métis, alors oui, ils seraient admissibles.

Le sénateur Raine: La lignée n’a pas besoin d’être retracée jusqu’à des personnes qui étaient effectivement dans la région géographique où vous êtes?

M. Surette: Non.

Le sénateur Ataullahjan: Vous exigez des documents pour prouver la lignée, mais qu’en est-il des personnes qui s’identifient elles-mêmes et qui estiment appartenir à la communauté métisse, mais qui n’ont pas nécessairement la lignée ou la documentation? Avez-vous eu de tels cas?

Mme Williamson: Là encore, l’île du cap de Sable est une communauté très insulaire, et les familles se connaissent toutes. Tout le monde connaît tout le monde. Je connais les gens qui ont quitté l’île — ils n’ont pas forcément quitté entièrement l’île, mais ont simplement installé leurs familles à proximité de l’île, dans les régions avoisinantes — disons, au cours des 100 dernières années. Nous savons qui sont ces familles, mais dans la plupart des cas, ce n'est qu’au cours des 50 dernières années que beaucoup de personnes ont quitté l’île. Nous avons encore le noyau principal de la communauté, mais il y a des personnes comme ma mère et d’autres qui ont quitté l’île et ne sont pas revenues y vivre.

Il ne s’agit pas tant de demander des documents faisant état de 200 ou 300 ans de lignée. Nous savons qui tout le monde est. Dans la mesure où vous pouvez produire un extrait de naissance, un certificat de décès ou un extrait de baptême pour établir votre lien avec un membre de la communauté, c’est bon. Nous savons qui tout le monde est.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre présentation. C’était pour nous une excellente occasion d’entendre des gens d’une autre partie du pays au sujet des préoccupations des Métis et de leur patrimoine. Je vous remercie tous de votre présence ici.

Chers collègues, je vous demanderais de rester, car nous allons poursuivre pour quelques minutes à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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