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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 30 - Témoignages du 27 novembre 2012 (séance du matin)


OTTAWA, le mardi 27 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 34, pour examiner la teneur complète du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures, déposé à la Chambre des communes le 18 octobre 2012 (sujet : partie 1, modifications des règles visant les sociétés étrangères affiliées).

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales est ouverte. Il s'agit de notre huitième séance sur la teneur du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

[Français]

Ce matin, nous consacrerons la première session de l'étude de l'article 49, à la partie 1, page 93, du projet de loi concernant les modifications apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu et à la réglementation qui en découle, plus particulièrement, les opérations de transfert de sociétés étrangères.

[Traduction]

Nous sommes très heureux d'accueillir Pierre Gratton, président-directeur général de l'Association minière du Canada; Ross Gallinger, directeur exécutif, Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs; Steve Suarez, avocat fiscaliste, du cabinet Borden Ladner Gervais; et Jocelin Paradis, vice-président, Fiscalité Canada, Rio Tinto.

Nous sommes ravis de vous accueillir pour nous aider à mieux comprendre une série de règles qui semblent plutôt compliquées pour que nous puissions prendre des décisions quant à certaines propositions. Je tiens à souligner que nous avons un mémoire qui formera le fond de l'exposé de M. Gallinger et que nous avons aussi reçu une lettre de la Bourse de Toronto et de la Bourse de croissance à ce sujet. Ils n'ont pas pu venir témoigner devant nous, mais leur lettre sera inscrite au procès-verbal.

Après ces quelques mots, monsieur Gallinger, je vous cède la parole pour que vous nous parliez de cette section en particulier.

Ross Gallinger, directeur exécutif, Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs : Je m'appelle Ross Gallinger, et je suis le directeur général de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, ou ACPE, qui représente plus de 10 000 personnes ou entreprises, dont la majorité est directement touchée par les changements proposés. Je suis accompagné par mon collègue Pierre Gratton, président et chef de la direction de l'Association minière du Canada, ou MAC. L'Association minière du Canada est la porte-parole de l'industrie de l'exploitation minière et de la transformation de minéraux et représente plus de 30 membres qui mènent des activités dans divers secteurs miniers. Les fiscalistes Steve Suarez et Jocelin Paradis se sont également joints à nous.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui et de faire connaître notre point de vue sur cette importante mesure législative. Mes remarques cibleront principalement les mesures visant le transfert des sociétés affiliées étrangères qui sont actuellement à l'étude par votre comité dans le cadre du projet de loi C-45.

Les principaux objectifs politiques des mesures de transfert des sociétés affiliées étrangères ont été décrits dans le budget de 2012 comme des objectifs visant à mettre un terme aux opérations qui réduisent l'assiette fiscale canadienne sans vraiment apporter d'avantages économiques aux Canadiens. Laissez-moi tout d'abord vous déclarer que l'ACPE et l'AMC soutiennent sans équivoque ces objectifs politiques. Nos membres se disent cependant très inquiets du libellé actuel des mesures qui, selon eux, expose l'économie canadienne à des conséquences négatives graves, particulièrement les répercussions sur les petites sociétés minières et d'exploration, sur les marchés de capitaux canadiens, ainsi que d'autres éléments de l'écosystème minier qui procurent une vaste gamme d'avantages économiques importants pour le Canada, tant pour la population en général que les milieux financiers, et dans de nombreuses collectivités éloignées partout au pays.

Nous vous demandons respectueusement de bien vouloir revoir ces mesures pour qu'elles ne soient pas appliquées aux sociétés publiques véritables qui répondent à certaines conditions qui seraient élaborées pour assurer qu'elles ne perdent pas de leur efficacité à réaliser les objectifs fondamentaux en matière de politique et, comme indiqué au budget de 2012, pour garantir que les opérations commerciales véritables ne soient pas touchées. Nous avons souligné nos suggestions à cet égard dans notre mémoire au ministre des Finances, dont une copie a été fournie aux membres du comité.

Nos principales préoccupations concernent la manière dont ces mesures peuvent freiner la croissance normale des sociétés publiques canadiennes et de leurs opérations commerciales véritables, au détriment de toute l'économie du Canada.

En vertu de l'ébauche actuelle du libellé des mesures visant le transfert des sociétés affiliées étrangères, l'expansion véritable d'un secteur d'activité existant ou la diversification en un nouveau secteur d'activité n'est pas touchée si elle a lieu au Canada. Par contre, une diversification véritable à l'extérieur du Canada serait pénalisée, même si aucun avantage fiscal n'est demandé au Canada. De plus, même une expansion véritable d'un secteur d'activité existant serait pénalisée si ce secteur d'activité existant était situé à l'extérieur du Canada.

Cette pénalité prendra la forme d'une taxe spéciale allant de 5 à 25 p. 100 du coût de l'investissement. Par exemple, un investissement de 1 milliard de dollars se traduirait immédiatement par un coût fiscal de 250 millions de dollars, qui s'appliquerait avant même que la société ait réalisé le moindre profit. Dans certaines situations, il est également concevable que ces mesures se traduisent par une imposition multiple de ce type de pénalité lorsque des entreprises se débarrassent de filiales inintéressantes pour réinvestir dans des entreprises plus prometteuses.

Même si nous appuyons les mesures audacieuses prises par le ministre pour protéger l'assiette fiscale canadienne des opérations abusives, nous ne croyons pas qu'il soit approprié que ces mesures présument de façon catégorique que l'expansion d'un secteur d'activité étranger existant ou la diversification dans un secteur d'activité étranger est abusive. Les sociétés publiques font généralement des investissements véritables pour des raisons véritables et ne font généralement pas ce qu'on appelle des « investissements de complaisance ».

En vertu des lois canadiennes, les sociétés publiques sont dirigées par un conseil d'administration qui doit s'acquitter de ses devoirs fiduciaires envers ses actionnaires. Malgré ses capacités d'élire ou de renvoyer les administrateurs de la société publique, l'actionnaire dominant ne peut pas orienter de manière unilatérale les activités de la société en question. Les administrateurs d'une société publique détiennent le plein pouvoir décisionnel sur les filiales étrangères et, en raison de leurs devoirs fiduciaires, doivent agir dans l'intérêt de la société et de tous les actionnaires.

L'industrie minière canadienne est particulièrement touchée par les propositions de transfert des sociétés affiliées étrangères. Dans la majorité des cas, les investisseurs utilisent les entreprises canadiennes comme instrument de placement dans des projets miniers à l'extérieur du Canada, non pas en raison des avantages fiscaux perçus au Canada, mais plutôt parce qu'ils sont attirés par le cadre canadien de soutien à l'industrie minière, notamment les banquiers, les avocats, les comptables, les géologues, la Bourse de Toronto, le TSX, et la Bourse de croissance TSX, ainsi que les lois canadiennes régissant les sociétés et les valeurs mobilières qui s'appliquent aux entreprises créées et inscrites en bourse ici. Ces investisseurs choisissent actuellement de venir au Canada, mais ils peuvent profiter d'autres occasions et il ne faut pas les tenir pour acquis.

Pour comprendre les enjeux, il faut comprendre également la manière dont la situation actuelle sera touchée par ces mesures. Actuellement, le Canada a la plus grande concentration de petites sociétés minières dans le monde, soit 70 p. 100. En 2011, 152 nouvelles petites sociétés minières se sont inscrites à la Bourse de croissance TSX, soit une entreprise tous les deux jours et demi. Ces nouvelles entreprises représentaient environ 12 p. 100 du total des inscriptions en bourse, qui s'élevaient à 1 275 pour l'année.

En 2012, les sociétés établies au Canada représentaient la plus grande partie de dépenses mondiales d'exploration, soit 37 p. 100, ou 7,5 milliards de dollars. Huit cents de ces entreprises font de l'exploration dans plus de 100 pays étrangers, permettant ainsi aux entreprises canadiennes de détenir la plus grande part des dépenses d'exploration aux États-Unis, en Amérique centrale et du Sud, en Europe et en Afrique.

Les sociétés minières inscrites à la Bourse de Toronto dirigent environ 3 500 projets miniers, dont 63 p. 100 sont situés à l'extérieur du Canada. De plus, 2 408 autres projets à l'extérieur du Canada appartiennent à des entreprises inscrites à la Bourse de croissance TSX. Les investisseurs du Canada et de l'étranger injectent un total de 7,25 milliards de dollars dans des projets d'entreprises inscrites à la Bourse de Toronto et la Bourse de croissance TSX se déroulant à l'extérieur du Canada, comparativement à 2,16 milliards de dollars pour les projets de sociétés minières se déroulant au Canada.

Le constat intéressant découlant de ces statistiques ne peut pas être tenu pour acquis et s'érodera si les mesures de transfert proposées sont adoptées. En limitant la possibilité pour les sociétés minières canadiennes de faire de véritables investissements à l'étranger, ces mesures réduisent leur capacité à rivaliser sur le marché international. Elles dissuaderont les nouvelles entreprises minières de se constituer en sociétés au Canada et encourageront celles qui sont ici à quitter le pays pour profiter de lois fiscales plus favorables. Si le secteur des petites sociétés minières se détériore, les cadres de soutien financier et juridique ainsi que d'autres secteurs d'expertise — à savoir notre avantage concurrentiel — se détérioreront également.

La concurrence internationale en matière d'activités de gestion et de financement de grande valeur découlant de projets menés en Afrique, en Amérique latine et en Asie est intense, particulièrement celle de la Grande-Bretagne, qui a récemment revu son régime fiscal pour encourager les investisseurs étrangers à utiliser les entreprises britanniques pour les projets à l'étranger, et son marché AIM.

Ces concurrents alerteront rapidement les décideurs du secteur des mines des changements apportés aux lois fiscales canadiennes qui compromettent la neutralité du Canada sur le plan fiscal, nous rendant ainsi prohibitifs comme base d'activité pour les projets étrangers. Il est donc très important de s'assurer que des dispositions anti-évitement soient ciblées, comme les propositions de transfert des sociétés affiliées étrangères, afin d'éviter l'imposition de coûts fiscaux importants ou la création de dépenses ou de complications inutiles aux petites sociétés minières qui n'ont ni les fonds, ni la souplesse de gestion nécessaire pour contourner les règles en matière de politique fiscale qui ne devraient pas s'appliquer à elles.

Comme je l'ai déjà indiqué, de nouvelles sociétés minières voient le jour presque quotidiennement et il est important pour le Canada de ne pas donner l'occasion à ceux qui décident de leur établissement d'aller s'installer ailleurs. Bien qu'il ne soit pas trop tard pour redéfinir ces mesures, il serait négligent de notre part de ne pas avertir le comité que les répercussions des mesures proposées ont déjà commencé à se faire sentir. L'ACPE et l'AMC ont été informées que les fiscalistes conseillent aux petites sociétés minières de ne pas se constituer en personne morale au Canada en prévision des mesures de transfert des sociétés affiliées étrangères proposées.

Nous soutenons précisément qu'il serait particulièrement approprié que les sociétés publiques canadiennes ne soient pas soumises aux mesures de transfert des sociétés affiliées étrangères proposées. Il serait à tout le moins pertinent d'exclure les sociétés publiques qui répondent aux normes élaborées pour protéger l'assiette fiscale canadienne. Une telle exclusion permettrait au Canada, d'une part, de continuer d'attirer de nouvelles petites sociétés minières qui pourraient à l'avenir avoir besoin d'investissements supplémentaires et, d'autre part, d'augmenter la valeur des sociétés sous contrôle canadien qui sont actuellement à la recherche d'investisseurs, qu'ils soient canadiens ou étrangers.

Mesdames et messieurs les membres du comité, les préoccupations dont nous vous faisons part aujourd'hui sont largement répandues. En effet, tous les principaux cabinets comptables et d'avocats du pays dont les clients travaillent dans le secteur minier ont également exprimé les mêmes préoccupations. La Bourse de Toronto a également souligné les mêmes points à Finances Canada en trois occasions. Les risques sont grands et nous espérons que vous tiendrez compte de nos observations.

Merci de nous avoir écoutés, et nous serions maintenant heureux de répondre à vos questions.

Le président : Monsieur Gallinger, nous vous remercions. Pourriez-vous décrire une situation typique à laquelle s'appliqueraient ces règlements, auxquels ils ne se sont pas appliqués jusqu'ici, pour une société publique au Canada ayant des filiales? Comment fonctionne tout cela dans les faits?

M. Gallinger : Puis-je demander à M. Suarez de répondre? Il pourra sans doute vous expliquer les répercussions fiscales et le fonctionnement de tout cela mieux que moi.

Le président : Merci.

Steve Suarez, avocat fiscaliste, Borden Ladner Gervais : Honorables membres du comité, merci de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. J'ai quelques commentaires préliminaires à faire. Tout d'abord, je suis fier de comparaître en même temps que l'AMC et l'ACPE. Le travail qu'elles font est très important pour le pays. Deuxièmement, je ne serai aucunement rémunéré aujourd'hui pour ma comparution, ni mon temps ni mes dépenses. Je suis ici parce que l'exploitation minière me permet de subvenir aux besoins de ma famille. L'exploitation minière me permet de les nourrir. Cela est important.

Le président : Merci d'être venu.

M. Suarez : Oui, monsieur. Pour ce qui est des situations auxquelles ces règlements s'appliqueraient aujourd'hui et ne s'appliquaient pas auparavant, j'aimerais bien commencer par vous expliquer la situation ayant incité le gouvernement à agir en premier lieu. Il importe de comprendre les problèmes ayant poussé le gouvernement à agir. Si nous voyons cela comme la situation de base et comparons cela à la gamme de situations dans lesquelles ces règlements s'appliqueront, j'affirme respectueusement que vous verrez tout un écart entre les deux.

Les opérations de transfert de filiales étrangères ou le transfert de dettes peut s'expliquer ainsi : en vertu des règlements canadiens visant l'imposition des distributions de filiales étrangères, si une société canadienne, qu'on peut appeler CanCo aux fins de cet exercice, une société qui réside au Canada, a une participation directe ou indirecte de 10 p. 100 ou plus des capitaux d'une société étrangère, une filiale étrangère, que je nommerai ForeignCo, aux fins de cet exercice. Donc, les règlements canadiens prévoient que si ForeignCo est résidente et fait affaire dans un pays avec lequel le Canada a conclu un traité fiscal ou un accord d'échange d'information fiscale, à ce moment-là les dividendes que verse ForeignCo à CanCo ne seront pas imposés au Canada. Il existe une exemption totale non pas pour tous les dividendes, mais presque tous les dividendes que verse ForeignCo à CanCo dans une telle situation. Voilà le premier fait. Il s'agit d'un règlement fiscal clé dont il faut se souvenir.

Généralement parlant, si CanCo emprunte de l'argent ou contracte une dette afin d'investir dans ForeignCo, l'intérêt sur cette dette sera déductible pour CanCo lorsqu'elle calculera son revenu. Donc, nous avons deux règles combinées. Une est le régime de déductibilité de l'intérêt, qui est relativement bon au Canada; alors que l'autre est un système d'exemption et de crédit plutôt robuste selon lequel les dividendes versés par ForeignCo à CanCo ne sont généralement pas imposables au Canada. Le principe fondamental serait donc le suivant : si ForeignCo fait affaire dans un pays visé par un traité fiscal, le Canada présume que la société a déjà été suffisamment imposée par le pays de ForeignCo, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de l'imposer davantage au Canada. La société a déjà payé des impôts dans le pays étranger. Voilà le principe qui sous-tend l'exemption des dividendes provenant de sociétés étrangères à CanCo.

Voici ce qui se produisait, et c'est pourquoi le gouvernement a décidé d'agir. Disons maintenant que CanCo a une société mère étrangère. Je nommerai cette société Parent aux fins de cet exercice. Imaginez donc Parent, au-dessus de CanCo, au-dessus de ForeignCo. Dans certains cas, Parent aurait dit à CanCo : « Je voudrais que vous empruntiez 100 millions de dollars de quelqu'un d'autre dans notre groupe, une entité dans notre groupe multinational, et je voudrais que vous utilisiez cet argent pour acheter les parts d'une autre filiale étrangère membre du groupe. » Disons qu'il s'agit du membre brésilien du groupe. CanCo emprunte donc 100 millions de dollars de Parent et achète les parts de BrazilianCo qui devient à ce moment-là une filiale étrangère de CanCo.

Ce qui arrive alors, ou qui pourrait arriver, c'est que CanCo peut maintenant profiter des déductions des intérêts sur ce montant de 100 millions de dollars, ce qui a le potentiel de réduire son revenu de source canadienne, c'est-à-dire le revenu tiré de ses activités au Canada, quelles qu'elles soient. Les actions de BrazilianCo, qui appartiennent maintenant à CanCo et qui justifient la déduction des frais d'intérêts — c'était l'objet de l'emprunt, l'achat d'actions de la compagnie brésilienne — justifient les déductions des frais d'intérêts pour CanCo. Par contre, comme nous le disions au début, les dividendes versés par BrazilianCo à la compagnie canadienne ne seront probablement pas assujettis à l'impôt au Canada.

Ce qui dérangeait le gouvernement, c'est que les multinationales étrangères effectuaient des transferts de la compagnie brésilienne à la compagnie canadienne et, ainsi, devenaient admissibles à d'importants montants de déductions des frais d'intérêts, ce faisant. Bref, c'était du transfert de dette. Ainsi, la filiale canadienne empruntait un tas d'argent au sein du groupe pour acheter des actions d'une filiale étrangère, dont les dividendes ne seraient probablement pas assujettis à l'impôt au Canada, mais les frais d'intérêts sur la dette contractée pour cet achat sont déductibles de l'impôt au Canada.

Le Canada réagit donc à cette exploitation du système des filiales étrangères, parce que ce n'était pas l'objet des règles établies. Qui plus est, ces transactions ne pouvaient être justifiées par aucun motif opérationnel valable. Ainsi, rien ne justifiait que BrazilianCo soit sous celle du Canada. Ce n'était qu'un stratagème inéquitable qui ne visait qu'à créer d'importantes déductions de frais d'intérêts au Canada. C'est ça, le transfert de dette, et c'est ce qui a poussé le gouvernement à réagir.

On peut certainement dire que si le but était de mettre fin à ces stratagèmes, ce pourrait être fait de manière relativement concise, sans que ce soit très compliqué. Les mesures de transfert proposées, toutefois, vont bien plus loin. Elles ne s'arrêtent pas à ce stratagème et englobent plein d'autres choses.

Permettez-moi de préciser une chose tout d'abord. Les responsables de l'élaboration et de la mise en œuvre des politiques fiscales au ministère des Finances n'ont pas la vie facile. Je serais le premier à l'admettre. Ce groupe relativement restreint de fonctionnaires dévoués fait un travail énorme. Il est difficile de trouver le juste équilibre entre les objectifs suivants : créer les recettes dont a besoin le Canada pour fournir les services qu'il doit fournir et s'acquitter de toutes ses obligations; protéger l'assiette fiscale contre une érosion inopportune, du genre, notamment, du transfert de dette que je viens de décrire; veiller à ce que les coûts d'observation, pour les contribuables, ne soient pas plus élevés qu'ils doivent l'être pour assurer le bon fonctionnement du système; et encourager, ou à tout le moins ne pas entraver, les activités économiques profitables pour le Canada. Des gens tout à fait raisonnables peuvent avoir des avis divergents quant aux compromis qui sous-tendent ces objectifs.

Cela étant dit, à mon humble avis — et je pense que c'est aussi celui du milieu fiscal en général — les mesures de transfert proposées mettent beaucoup trop d'accent sur la prévention de l'érosion de l'assiette. De plus, tous les objectifs visés, du moins la plus grande partie, auraient pu être atteints avec une règle beaucoup plus ciblée, qui ne créerait pas un fardeau excessif en ce qui concerne l'observation et la planification, ce que font les mesures de transfert proposées, et qui ne pousseraient pas non plus les groupes ou les investisseurs à réduire leur activité économique au Canada, ce qu'ils font déjà.

J'ai donc décrit le contexte de la transaction qui a poussé le gouvernement à agir. Ces mesures mettraient un terme à ce stratagème, c'est sûr. Par contre, elles vont encore plus loin. Si ce peut être utile au comité, je veux bien expliquer en quelques mots comment s'appliquent ces mesures. C'est à vous d'en décider, je suis ici pour vous servir.

Le président : Nous devons voter au sujet de ces mesures, alors mieux vaut-il que nous les comprenions.

M. Suarez : D'accord. Revenons aux mêmes trois compagnies dont j'ai parlé tout à l'heure : la société mère, c'est-à- dire la compagnie étrangère qui est à la tête du groupe; la compagnie canadienne centre et la compagnie étrangère juste en dessous, ou potentiellement en dessous. Il n'est pas indispensable qu'elle soit dessous.

Ces règles s'appliquent lorsqu'une société résidente au Canada, que j'appelle « CanCo » qui est contrôlée par une société non résidente, que j'appelle « société mère », fait un investissement — et c'est un terme défini — dans une société non résidente au Canada qui est une société étrangère affiliée de CanCo c'est-à-dire une compagnie qui est, ou qui devient tout de suite après l'investissement, une compagnie dans laquelle CanCo a un intérêt direct ou indirect d'au moins 10 p. 100. Il faut une compagnie canadienne sous contrôle étranger qui fait un investissement dans une société affiliée étrangère.

Alors comment définit-on un investissement? C'est là qu'on sort un peu de la voie tracée. Un investissement, ça entend l'acquisition d'une dette quelconque de la compagnie étrangère. Si on prête de l'argent à la compagnie étrangère, c'est un investissement. Si on achète des actions de la compagnie étrangère, c'est un investissement. Si on confère un bénéfice à la compagnie étrangère, ou qu'on y fait un apport en capital, c'est un investissement. Si on acquiert des options à l'égard de l'intérêt dans des actions ou sur une dette de la compagnie étrangère, c'est un investissement. C'est encore un investissement si on reporte la dette d'une compagnie étrangère à notre égard, ou si on reporte la date de remboursement fixe d'actions de la compagnie étrangère. Ou encore, si on achète des actions d'une autre société canadienne qui appartient dans une proportion de plus de 75 p. 100 à une compagnie étrangère, ce qu'on appelle une acquisition indirecte.

La seule application de la règle est très vaste, puisqu'un grand nombre de transactions sont susceptibles de déclencher cette application. Non seulement l'application de la règle est vaste, mais la règle est aussi rédigée de façon générale, de sorte qu'elle s'applique lorsque la compagnie canadienne n'est pas sous le contrôle de la société mère au moment de l'investissement, mais aussi, dans le cadre de la même série de transactions qui comprend celle de l'investissement, lorsque la compagnie canadienne tombe sous le contrôle de la société mère. Elle s'applique aussi lorsque la compagnie étrangère n'est pas une société affiliée étrangère après l'investissement, mais, dans le cadre de la même série de transactions, elle devient une société affiliée étrangère. En vertu de la jurisprudence fiscale canadienne, le lien entre deux transactions qui permet de les intégrer à une même série de transactions est très ténu.

Pour vous donner un exemple très simple de la manière dont ces règles pourraient s'appliquer, disons que nous avons pris la société mère, la compagnie canadienne et la compagnie étrangère, et que la compagnie canadienne fait un apport en capital de 100 millions de dollars à sa filiale en propriété exclusive, la compagnie étrangère, ce qui en fait une chaîne en propriété exclusive. Le point de départ donnant lieu au résultat que nous savons, c'est que la compagnie canadienne est réputée avoir versé un dividende de 100 millions de dollars à la société mère.

Un paiement en aval à une filiale en propriété exclusive est traité comme si l'argent avait été distribué à partir du Canada, et la retenue d'impôt sur les dividendes s'applique alors. Le taux d'imposition sur les dividendes est de 25 p. 100 en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada, donc cela donne 25 millions de dollars, à moins qu'il y ait réduction en vue d'une convention fiscale entre le Canada et le pays de la société parente. Ce peut être aussi peu que 5 p. 100. C'est quelque part entre les deux.

Ces règles s'appliquent, de fait, pour traiter un paiement en aval à une compagnie étrangère, une filiale en propriété exclusive — puisque l'argent est versé à une société qui relève d'une société canadienne — comme étant l'équivalent d'un dividende par le Canada en suivant la filiale hiérarchique, ce qui déclenche la retenue d'impôt sur les dividendes.

Il existe des dispositions d'allègement qui font que dans certains cas, mais pas tous, le dividende réputé peut servir à réduire le capital libéré des actions de la compagnie canadienne que détient la société mère. Cela peut, potentiellement, entraîner un report du dividende réputé, parce que ce capital libéré aurait pu servir à la compagnie canadienne à effectuer une distribution à titre de remboursement du capital investi à la société mère. La société canadienne peut procéder à deux types de distribution — un dividende, qui est alors assujetti à une retenue d'impôt, et un remboursement du capital investi antérieurement. La règle veut que ce montant soit versé sans être assujetti à la retenue d'impôt, parce que c'est de l'argent qu'on a nous-mêmes investi en premier lieu. On a le droit de recouvrer son capital.

En aval, le paiement est soit un dividende réputé de la compagnie canadienne à la compagnie mère, aujourd'hui, ou encore, en vertu de règles qui permettent dans certaines circonstances, le dividende réputé et remplacé par une réduction du capital remboursé des actions de la compagnie canadienne qui produiront ultérieurement un dividende réputé, quand la compagnie canadienne effectuera une distribution et son capital libéré aura disparu. Il aura été absorbé, intégré à l'investissement original en aval.

C'est une véritable réorientation de la politique fiscale. Le traitement d'un paiement en aval comme si c'était un paiement fait au Canada constitue un véritable changement dans la politique fiscale pourrait donner lieu à la double imposition parce que, quand la compagnie canadienne fait le paiement à la compagnie étrangère — un dividende réputé aux termes de la législation canadienne — le dividende est assujetti à la retenue d'impôt. Si la compagnie canadienne, à un moment donné, prend les mêmes fonds ou des fonds différents et produit un dividende réel pour la compagnie mère étrangère, là encore, il y a retenue d'impôt sur les dividendes. Les diverses possibilités de double imposition que créent ces règles donnent à réfléchir aux investisseurs étrangers. C'est une chose que de verser à l'avance la retenue d'impôt sur les dividendes, plus tôt qu'il n'est nécessaire, mais c'en est une autre non seulement que de potentiellement devoir immédiatement payer l'impôt rien que parce qu'on fait un versement à une filiale en propriété exclusive, mais en plus, on finit par payer l'impôt deux fois.

Pierre Gratton, président-directeur général, Association minière du Canada : J'aimerais demander à M. Suarez ou à M. Paradis de poursuivre ses explications, mais pour donner l'exemple d'une compagnie d'exploration minière, une compagnie canadienne pourrait investir, disons, 100 millions de dollars dans un projet d'exploration à l'étranger. Cette somme est destinée à financer le développement du projet. C'est une transaction commerciale des plus légitimes. Sans cet argent, le projet ne verrait pas le jour.

Quand la compagnie canadienne investit dans ce projet — et cela s'inscrit dans notre argument sur l'écosystème minier qui existe au Canada, pour lequel nous sommes réputés à l'échelle mondiale — cette transaction, bien qu'il s'agisse d'un investissement dans une propriété étrangère ailleurs dans le monde, se fera avec l'aide d'avocats canadiens, de géologues, d'essayeurs et d'ingénieurs canadiens. Les études qu'a menées le ministère des Ressources naturelles du Canada dans le passé ont démontré que même lorsqu'il s'agit d'une propriété étrangère, des Canadiens y contribuent sur de nombreux plans. Bien entendu, le projet génère de l'approvisionnement et des services dans les pays étrangers, mais le Canada et notre écosystème minier en tirent considérablement parti.

Ces mesures font que les 100 millions de dollars investis pour financer ce projet est assujetti à l'impôt, ce qui est très loin de l'objet initial des règles entre le dumping étranger. On n'est pas censé percevoir de l'impôt sur un investissement dans le développement économique. C'est là où le bât blesse.

M. Suarez : J'aurais quelques commentaires à faire sur les raisons qui font que ces règles ratissent beaucoup trop large en regard de leur objectif premier.

Dès qu'une compagnie canadienne investit dans une compagnie étrangère, les règles s'appliquent. Peu importe si cet investissement donne droit à des dégrèvements fiscaux au Canada. Le méfait au départ était d'acheter des actions dans une compagnie étrangère, ce qui donnait droit à une déduction pour les dépenses en intérêt au Canada. Ces règles s'appliquent peu importe si l'investissement de la compagnie canadienne dans une compagnie étrangère permet une déduction quelconque au Canada. Ce facteur n'a aucune pertinence. Les règles s'appliquent peu importe si l'investissement d'une compagnie canadienne dans une compagnie étrangère donne lieu à un revenu imposable au Canada, le Canada percevant un impôt sur ce revenu. Là encore il n'y a pas d'incidence. Cela nous ramène à l'exemple dont nous parlions : les règles s'appliquent même dans les cas où il n'y a pas d'actif net produit au Canada. Une valeur est attribuée à la transaction quand la compagnie canadienne dépense 100 millions de dollars pour obtenir pour 100 millions de dollars de biens en retour. Il n'y a pas d'actif net produit au Canada. C'est périphérique, mais des règles s'appliquent quand même. Voilà pourquoi définir une telle transaction comme un dividende constitue un énorme virement en matière de politique fiscale. On peut parler de dividende quand une compagnie canadienne verse de l'argent et n'obtient rien en retour. L'argent est parti. Ça c'est un dividende. Caractériser la valeur d'une transaction au cours de laquelle la compagnie canadienne dépense 100 millions de dollars et obtient des biens pour 100 millions de dollars en retour comme un dividende est pour moi incompréhensible.

Un des objectifs du gouvernement était d'empêcher que ne s'envolent les excédents des sociétés. Je peux le comprendre. Toutefois les règles s'appliquent peu importe si la compagnie canadienne a un excédent ou non. Les règles s'appliquent et une compagnie n'a pas besoin de déclarer des bénéfices non répartis ou un surplus pour que ce soit le cas.

C'est sans doute l'élément capital : qu'une transaction soit effectuée pour un motif ou un objectif fiscal canadien ou pour profiter d'un avantage fiscal canadien ou non, les règles s'appliquent. Quand on a annoncé cette règle dans le budget, cette règle était assortie d'un critère d'objet commercial. Pour être pris en défaut, il fallait faire quelque chose essentiellement pour des raisons fiscales. Le gouvernement a reculé là-dessus dans les versions d'août et d'octobre de la loi. Le critère d'objet commercial a disparu. Selon mon humble avis, c'est le premier élément qui permet de séparer ceux qui devraient être pris en défaut et ceux qui ne devraient pas l'être. Je reviens aux transactions dont nous parlions au départ — les transferts des dettes — où une compagnie canadienne contractait une dette pour acheter une compagnie brésilienne, et ce, uniquement pour une question de fiscalisation, pour avoir droit à des déductions. Dans ces règles-là, il n'y a pas de critère d'objet commercial. Peu importe si ce que vous faites est motivé en raison des conséquences fiscales au Canada. Cet élément est absolument important.

Comme nous l'avons dit, cela peut entraîner une double imposition dans bien des cas. La double imposition est un problème majeur. Elle a un effet dissuasif sur les investisseurs étrangers. Cette règle ne fait pas la différence entre les investissements d'une compagnie canadienne en aval dans une filiale en propriété exclusive toujours à la périphérie du Canada et les investissements qu'une compagnie canadienne fait en amont dans une société sœur située à l'extérieur du Canada. Ces règles ne font pas la différence entre ces deux états de chose de façon appréciable. Ces deux états de choses sont très différents du point de vue de la fiscalité. Si des actifs demeurent dans l'orbite du Canada, il y a fiscalisation de la part du Canada. Les paiements qu'une compagnie canadienne verse à des compagnies sœurs situées à l'étranger constituent une situation différente.

Ces règles ne font pas la différence entre les investissements d'une compagnie canadienne au sein d'un groupe de membres et les investissements qu'elle fait de façon indépendante à des tierces parties. Les transactions de départ auxquelles nous nous sommes attardés étaient des transactions totalement à l'intérieur d'un groupe, alors que la société mère disait à la compagnie canadienne d'acheter des actions de la compagnie brésilienne pour constituer une dette. Tout se fait à l'intérieur d'un groupe. Ces règles s'appliquent même aux investissements d'une compagnie canadienne auprès de tierces parties indépendantes. Ces règles s'appliquent aux sociétés cotées en bourse si c'est le cas pour une compagnie canadienne ou si elle est actionnaire minoritaire. Il existe de strictes limites quant à ce qu'une compagnie canadienne peut faire en vertu des lois canadiennes sur les émissions privées. Les règles s'appliquent de toute façon malgré le fait que les compagnies canadiennes cotées en bourse et les filiales canadiennes en propriété exclusive sont dans une position très différente.

En dernier lieu, je tiens à dire que les droits acquis sont limités et qu'on ne fait pas la différence entre une filiale étrangère d'une compagnie canadienne qui existait antérieurement à l'annonce de ces règles et les compagnies qui deviennent filiales étrangères d'une compagnie canadienne une fois les règles annoncées. Il y a des structures en place pour les compagnies canadiennes qui ont des filiales étrangères. Pour des raisons de rentabilité, on ne réserve pas de traitement spécial sérieux à ceux qui vont devoir subir ces règles qui changent la donne.

Le président : Merci, monsieur Gratton et monsieur Suarez, de nous avoir donné ces exemples. Ils sont utiles et vous les avez bien expliqués aux honorables sénateurs.

Dans les notes que nous recevons de la Bibliothèque du Parlement, on peut lire, s'agissant du transfert de la dette à une filiale étrangère que les changements proposés ne s'appliqueraient pas aux transactions qui répondent au critère d'objet commercial par exemple des prêts légitimes, l'endettement, une réorganisation ou une expansion stratégique de l'entreprise. Cela veut-il dire que ce critère d'objet commercial disparaît? L'a-t-on supprimé?

M. Suarez : La version originale des règles produites en mars prévoyait ce critère. Il a été abandonné en août et en octobre dans les versions postérieures. Au lieu de prévoir de façon générale un critère d'objet commercial, il y a désormais des exceptions précises pour certaines réorganisations d'une société et pour certains types de prêts. En outre, on prévoit un critère plus exigeant d'objet commercial, pour permettre certains investissements, mais, selon mon humble avis, c'est si compliqué et si difficile à cerner qu'il sera d'une valeur pratique limitée.

Il n'existe plus de critère général d'objet commercial. Il y a des exceptions pour les trois cas que vous avez mentionnés.

Le président : Mais les gens du fisc continuent néanmoins de parler d'un critère d'objet commercial, n'est-ce pas?

M. Suarez : Je n'ai pas vu le document dont vous parlez, mais à mon humble avis, je n'appellerais pas ça un critère d'objet commercial.

Le président : Je tenais à apporter des précisions parce que les sénateurs ont entendu vos remarques, ont lu ceci et ils estiment qu'il y a un conflit. C'est une interprétation des mots.

M. Suarez : Je présume que le ministère des Finances estime que ces trois exceptions en l'occurrence font office de critère d'objet commercial. Sauf le respect que je dois au ministère des Finances, ce n'est pas le cas.

Jocelin Paradis, vice-président, Fiscalité Canada, Rio Tinto : Permettez-moi d'expliquer les exemptions aux fins du critère d'objet commercial. En l'occurrence, plus que tout autre membre du groupe, il faut qu'une compagnie soit liée plus étroitement à l'entreprise étrangère. Dans notre cas, il y a une compagnie canadienne cotée en bourse où nous détenons 51 p. 100 des actions et 49 p. 100 sont détenues par le public canadien. Nous construisons une mine de cuivre en Mongolie et c'est un projet de 9 milliards de dollars. Rio Tinto a des mines de cuivre à l'étranger et les opérations de cette compagnie canadienne cotée en bourse de Toronto sont moins étroitement liées à l'entreprise mongolienne qu'à d'autres entreprises du groupe Rio Tinto. Cela signifie que la compagnie canadienne cotée en bourse ne fait pas un investissement ce qui respecte le critère d'objet commercial. Même si elle est le propriétaire de la mine, même si elle a financé le projet il y a 10 ans, et même si elle dépense tout l'argent nécessaire à l'investissement, elle ne répond pas aux exigences des règles qui sont trop restrictives pour nous.

M. Gratton : Entre les versions d'août et octobre, ces mesures supplémentaires apportées qui ne constituent pas un critère d'objet commercial, comme nous l'avons expliqué, nous paraissaient de bon augure. Elles répondaient à certaines inquiétudes exprimées. Mais à notre humble avis, ces mesures sont marginales et ne résolvent pas l'enjeu principal en l'occurrence que M. Suarez a décrit.

Le président : Deux choses découlent de cela : tout d'abord, des consultations ont eu lieu avant que les règles ne se retrouvent dans une ébauche de projet de loi, n'est-ce pas? En avez-vous tous été informés?

M. Gratton : Nous avons été en constante communication avec le ministère des Finances depuis le début septembre après que le texte de loi proposé a été rendu public pour consultation. En effet, nous avons constaté des améliorations entre août et octobre, mais il y a encore des problèmes assez fondamentaux que nous continuons à soulever. Nous sommes toujours en communication avec le ministère des Finances. J'aimerais souligner que, il y a aussi peu que quelques jours, nous avons reçu une lettre du ministre des Finances ainsi qu'un suivi des fonctionnaires exprimant un intérêt, que je crois sincère, à s'asseoir avec notre secteur afin de régler les problèmes. J'ai l'impression qu'ils ont entendu nos arguments et qu'ils se rendent compte que ces règles ont entraîné des conséquences fortuites, en particulier pour notre secteur, et qu'ils veulent trouver une solution. Toutefois, le problème n'est toujours pas réglé, et nous devons toujours travailler avec le ministère des Finances pour régler la situation. Le processus est en cours. Nous nous en voudrions de ne pas reconnaître qu'ils semblent nous avoir compris, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.

Le président : Nous serions heureux de savoir quels amendements précis vous aimeriez voir le gouvernement adopter?

Le sénateur L. Smith : Pour poursuivre avec la remarque du président quant aux communications avec le gouvernement, avez-vous apporté vos trois priorités, ou pouvez-vous nous les remettre? Monsieur Suarez, j'ai eu l'impression en vous écoutant nous parler de la situation actuelle que le gouvernement a en quelque sorte créé un piège et que vous essayez d'en tirer profit autant que possible parce que le système a été manipulé. Afin d'avoir un bon équilibre, vous pourriez peut-être nous donner des recommandations simples dans une perspective d'affaires plutôt que dans une perspective technique. La plupart d'entre nous ne comprendraient pas les détails techniques parce que nous ne sommes pas des experts fiscaux. En termes généraux, pourriez-vous nous donner quelques idées?

La lettre que vous avez reçue du gouvernement mentionnait entre autres une implication des petites sociétés. On semble beaucoup se concentrer sur ce secteur, habituellement des entreprises de démarrage et des organisations qui n'ont pas assez de capitaux pour aller de l'avant. Pourriez-vous nous donner des explications?

M. Suarez : Bien entendu. Votre question est futée. Ces règles ont des effets différents sur les jeunes entreprises et les Rio Tinto et autres géants de ce monde. Il me fera plaisir de vous en entretenir pendant quelques minutes si cela peut vous être utile.

Pour répondre à votre question, si j'avais une liste de souhaits, je dirais en toute honnêteté qu'il faudrait réintégrer dans ces règles le critère d'objet commercial. Si on pense au méfait qui a motivé ces transactions, on se rend compte que ces transactions ont été conclues pour des raisons fiscales et rien d'autre. L'objectif était de créer des déductions d'intérêts débiteurs au Canada en faisant d'une filiale étrangère une filiale canadienne. Un critère d'objet commercial accomplirait la majeure partie du travail que le gouvernement essaie de réaliser.

Le fait de conclure une transaction pour des raisons fiscales, c'est une autre paire de manches que de simplement essayer d'entreprendre un projet en Amérique latine et d'avoir recours à une compagnie de portefeuille canadienne parce que c'est là que se trouvent tous les banquiers, les avocats et les financiers. J'ai énormément de respect pour les employés du ministère des Finances qui sont de brillants fonctionnaires dévoués qui pourraient gagner beaucoup plus d'argent au secteur privé. Je les respecte; toutefois, avec tout le respect que je leur dois, une grande partie de la solution réside dans le fait de restaurer le critère d'objet commercial qui établit la différence entre les transactions d'affaires de bonne foi qui ne sont pas conclues pour entraîner des effets fiscaux au Canada et le méfait — le transfert de la dette pour des raisons fiscales — qui a entraîné ces règles. En quelque sorte, les exemptions pour les sociétés ouvertes et les transactions indépendantes sont des ramifications de ce phénomène. Un même thème les chapeaute : on n'agit pas ainsi pour effriter l'assiette fiscale canadienne ou pour avoir droit à des déductions fiscales. On agit de la sorte pour des raisons d'affaires.

En permettant aux entreprises de conclure des transactions de leur choix et d'engendrer l'activité économique au Canada qu'elles veulent bien créer, on pourra renforcer l'assiette fiscale canadienne plutôt que de l'effriter tout en réalisant les objectifs du gouvernement.

Le sénateur L. Smith : Monsieur Gratton, vous avez mentionné que vos groupes et le gouvernement sont en communication. Bien entendu, vous voulez que ces discussions se poursuivent. Allez-vous passer à l'étape de prioriser vos recommandations et de les revendiquer auprès du gouvernement?

M. Gratton : Oui, tout à fait. Dans nos mémoires présentés au ministère des Finances et portant sur le critère d'objet commercial, qui a été abandonné, nos recommandations visent à créer une exemption pour les compagnies cotées en bourse; selon notre raisonnement, ces compagnies sont redevables envers leurs actionnaires et ne peuvent commettre le genre de méfaits que M. Suarez a décrits. De plus, pourquoi une compagnie accumulerait-elle des dettes dans le secteur minier à cause d'investissements à l'étranger qui ne l'intéressaient pas? Une compagnie fait l'acquisition de projets à l'étranger parce qu'il s'agit de bons projets. C'est ce qui motive les compagnies. Il ne s'agit pas d'éviter de payer des impôts, mais bien de faire croître son entreprise.

Nous nous sommes concentrés sur l'exemption pour les sociétés ouvertes admissibles parce que nous avions l'impression que le critère d'objet commercial n'était plus et que nous avions très peu de temps pour trouver des solutions. À la demande du ministère des Finances, nous sommes en train de créer une équipe d'employés qui trouveront des solutions à ces problèmes en collaboration avec les fonctionnaires du ministère. L'approche qu'ils ont définie s'apparente beaucoup à ce que nous cherchions. Jusqu'à présent, je dirais qu'ils nous donnent leur avis sur les idées que nous leur présentons. Nous sommes en train de proposer notre solution idéale, soit de rassembler tout le monde autour de la table pour essayer de régler un problème reconnu.

Les règles sont compliquées et, comme M. Suarez l'a dit, il faut essayer d'établir un équilibre. Le secteur ne veut pas que les méfaits menant à l'érosion de l'assiette fiscale canadienne soient permis. Nous sommes tout à fait d'avis que les transferts de dettes doivent cesser.

Comment faire? En travaillant ensemble et en cherchant des solutions tout en reconnaissant et en comprenant qu'il existe un problème qui doit être réglé, j'ai bon espoir que nous pourrons y arriver.

Le sénateur L. Smith : J'imagine que le gouvernement s'attend à ce que vos représentants imposent une discipline appropriée auprès de vos membres pour essayer d'éviter le genre de manipulation qui a lieu quand...

M. Gratton : Avec tout le respect que je vous dois, à ce sujet, le ministère des Finances reconnaît depuis le début que nous n'avons jamais été la cible de cet exercice. Le ministère ne visait pas le secteur minier. Jamais on ne nous a perçus comme figurant parmi des entreprises qui transfèrent leurs dettes.

Le filet du ministère est extrêmement vaste, et nous avons l'impression d'y être pris comme des dauphins. Il faut rétablir les faits parce que le ministère n'a jamais tenté de s'en prendre à nous.

Le sénateur L. Smith : J'espère que vous poursuivrez vos discussions et que vous ferez des progrès positifs.

Le président : La métaphore des dauphins pris dans le filet est intéressante.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Pour les pays qui sont un peu dans la même situation que nous, comme l'Australie en particulier, qui est un pays qui compte aussi beaucoup de mines, mais aussi le Brésil et probablement les États-Unis, quel est le système de taxation dans ce domaine? Est-ce qu'on fait cavalier seul ou est-ce qu'on rejoint le reste des pays occidentaux qui aiment bien, de temps en temps, collecter des taxes?

M. Paradis : Rio Tinto fait des affaires dans une cinquantaine de pays et aucun autre pays n'a ce genre de règles. Le Canada fait bande à part.

Le sénateur Hervieux-Payette : Donc, nous sommes très innovateurs.

M. Gratton : Si je peux ajouter, ce qui nous inquiète, c'est que la Grande-Bretagne a changé sa réglementation pour être plus attrayante. Comme vous le savez, il y a quelques années, il y a eu une tentative de la part de la bourse de Londres pour acheter la Bourse de Toronto. Il y a eu toute une réaction à cela, et dans cette période, tout le monde a dit qu'il fallait vraiment protéger la Bourse de Toronto, que c'était un grand succès en grande partie à cause de sa spécialisation dans le secteur minier. Ce qui nous inquiète maintenant, c'est que, comme Londres devient plus attrayant, on risque justement de perdre notre joyau, indirectement, à cause de ces nouvelles réglementations. C'est cela qui nous inquiète.

Le sénateur Hervieux-Payette : La question que je me pose, c'est de savoir si les affaires dont on parle, c'est le financement ou le secteur minier. De la façon dont vous en parlez, on va lever 100 millions sur les marchés financiers — donc effectivement les avocats, les comptables, tout ce monde-là — mais, à ce moment-là, si le siège social est au Brésil, s'ils veulent développer une mine dans un autre pays, pourquoi passeraient-ils par le Canada pour lever ces 100 millions, sinon pour des raisons fiscales?

Je veux savoir la vraie raison parce que, somme toute, quand on a les états financiers consolidés de Rio Tinto, tout cela va dans le même pot. Alors pourquoi faire un détour par le Canada pour aller investir en Nouvelle-Guinée?

M. Paradis : Le Canada est un endroit où on a développé beaucoup de connaissances en ingénierie pour le secteur minier. La ville de Sudbury a des centres de recherche très importants, et même, les gens de Rio Tinto en Australie ont décidé par eux-mêmes d'investir dans la recherche et développement à Sudbury, qui est reconnue pour sa compétence en exploitation et en développement de mines souterraines. Le Canada, du fait qu'une grande partie du financement de l'exploration minière se fait à travers le Canada, a développé une expertise mondialement reconnue pour ce genre de projet. Donc, avoir le financement localement, les ingénieurs et les gens qui font la recherche et développement, donne un avantage au Canada. Notre but est que cela continue à être au Canada, et de développer autant Toronto, Sudbury, Vancouver et les autres régions pour créer un environnement qui va être bon pour notre économie.

C'est fait à travers le Canada parce que c'était un bon endroit pour le faire. On pouvait investir à travers le Canada sans avoir d'impôts à payer au Canada, mais en créant de l'activité économique. Si on doit se mettre à payer de l'impôt, avoir une taxe à l'utilisation du Canada pour développer des ressources à l'extérieur, les choses risquent de changer et les gens vont peut-être arrêter d'utiliser le Canada comme conduit vers un projet minier à l'extérieur.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je ne suis pas très convaincue par ce que vous me dites. Ce que je vois à l'heure actuelle, c'est que, premièrement, on a des firmes comme SNC-Lavalin qui ont toutes une expertise dans le secteur minier et qui travaillent, comme vous, dans 35, 40 pays; ils peuvent travailler dans tous les pays. C'est la même chose pour vos ingénieurs, ils peuvent aller travailler en dehors du Canada, superviser le développement de nouvelles mines, que ce soit en Afrique ou en Asie. Le savoir- faire technique, c'est une chose; le financement en est une autre. Pourquoi ne serait-ce pas la compagnie mère qui investirait les 100 millions? Pourquoi passer par le Canada pour cela? Il faut faire la preuve du nombre d'emplois que cela va créer ici.

Dans le fond, vous prenez l'expertise qui existe déjà. Est-ce que cela va créer des emplois? Cela va peut-être faire travailler des gens qui en ont déjà un, mais les emplois seront créés à la mine qui se trouve dans le pays étranger, pas ici; ils seront créés là où les 100 millions seront investis. J'essaie de voir le bénéfice net pour le Canada.

Pour terminer ma question, je veux savoir ce que c'est que — je ne sais pas quel est le mot français — le withholding tax avec le Brésil? On dit que c'est de 5 à 25 p. 100; je veux savoir ce qu'il en est pour vous, parce que votre siège social est au Brésil.

M. Paradis : Non, il est en Angleterre.

Le sénateur Hervieux-Payette : En Angleterre, excusez-moi.

M. Paradis : Avec l'Angleterre, c'est 5 p. 100. Le point que je veux faire, c'est qu'on participe dans un projet en Mongolie à travers une compagnie publique canadienne. Il y a des actionnaires minoritaires qui représentent 49 p. 100 de l'investissement — ce sont des gens comme vous et moi — à la caisse de retraite. Ces gens ont le droit d'avoir un rendement raisonnable sur leur investissement en fonction de la compagnie qu'ils ont achetée. On ne peut pas, à Rio Tinto, contourner les actionnaires minoritaires et faire les investissements directement dans les meilleurs actifs de la compagnie à l'étranger et ne leur laisser que les moins bons actifs. La direction de la compagnie n'aurait pas le droit de faire cela parce qu'ils ont un devoir de fiduciaire envers tous les actionnaires et la compagnie. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas passer à travers le Canada, c'est parce qu'on n'a pas le choix à cause des règles légales canadiennes et parce qu'il faut aussi protéger les investisseurs canadiens.

Dans le cas où la compagnie est une compagnie canadienne, qui est possédée à 100 p. 100 par des étrangers, il est facile de contourner le Canada. Dans le cas d'une compagnie publique, cela devient très difficile de le faire sans créer des problèmes aux actionnaires minoritaires.

Le sénateur Hervieux-Payette : Et Rio Tinto Canada a des investissements étrangers dans combien de pays à travers le monde, à part la Mongolie?

M. Paradis : Il y a une compagnie qui s'appelle Turquoise Hill Ressources, qui est une compagnie publique. Cette compagnie a des investissements dans une dizaine de pays. Rio Tinto a seulement 51 p. 100 de l'actif.

Si on fait exclusion de cela, pour ce qui est du reste de Rio Tinto, dans les compagnies qui sont à 100 p. 100 canadiennes, on a actuellement des actifs dans quatre pays et on s'enligne pour en avoir dans deux autres pays à long terme. Le premier, c'est le Brésil, parce qu'on ne peut pas faire de réorganisation à cause des règles. Il y aurait un gain de capital ou il y aurait des impôts à payer au Brésil. Et le deuxième, c'est à Oman, qui est un pays musulman où les règles pour changer les actionnaires sont très difficiles.

À part cela, dans les activités de Rio Tinto Canada, qui sont à 100 p. 100 canadiennes, il y a seulement ces deux investissements, qui ne sont pas très importants. Notre problème, c'est la compagnie publique.

Le sénateur Bellemare : J'ai une petite question au sujet du Plan Nord du Québec. On sait que, depuis quelque temps, il y a des ralentissements dans les activités au Québec. On sait qu'il y a des considérations internationales. Dans la problématique de la fiscalité canadienne, est-ce qu'il y a un lien entre le léger ralentissement au Québec au Plan Nord et la fiscalité telle qu'elle est en train de se développer? Ou c'est plutôt pour les investissements étrangers davantage?

M. Gratton : C'est un peu trop tôt pour dire que c'est à cause de cela. Je peux vous donner un exemple, qui ne touche pas le Plan Nord comme tel mais qui touche le Canada. La compagnie polonaise KGHM, qui a acheté la compagnie Quadra FNX, voulait établir leur division mondiale de cuivre ici au Canada à cause de toutes les raisons que mes collègues ont mentionnées, à cause de l'expertise qui est ici. À cause de ces règles, ils sont en train de reconsidérer cet investissement parce qu'ils trouvent qu'avec les nouveaux règlements, il est peut-être plus avantageux d'établir cette division dans un autre pays.

C'est une compagnie majeure, mais cela nous inquiète parce que d'autres compagnies, y compris des compagnies juniors, vont commencer à dire que c'est trop complexe. Comme M. Gallinger l'a souligné, plusieurs compagnies juniors ne sont pas encore au courant de ces règles, mais quand ils en prendront conscience, ils vont trouver qu'il est plus facile d'aller à Londres que de rester ici. Le cas échéant, on risque de perdre l'ensemble de l'expertise que nous avons et dont nous sommes très fiers au Canada. C'est ce qui va toucher le Plan Nord parce que cela risque de nuire à l'investissement étranger dont on a besoin pour développer nos projets miniers au Canada.

[Traduction]

Le sénateur McInnis : Merci d'être venu. Ma question fait suite à celle de mon éminent collègue le sénateur Smith et a davantage trait au protocole et à la procédure. Dans quelle mesure travaillez-vous avec le gouvernement? Par exemple, votre organisation rencontre-t-elle régulièrement des fonctionnaires du ministère des Finances et des Ressources naturelles? Vous me faites signe que oui. Quels ministères rencontrez-vous? Leur faites-vous des exposés complets? Organisez-vous des réceptions? Comment entrez-vous en communication avec le gouvernement?

M. Gratton : La question derrière votre question est-elle de savoir comment nous en sommes arrivés là?

Le sénateur McInnis : Je crois savoir comment vous en êtes arrivés là.

M. Gratton : Je peux vous donner une explication en partie. Tout se passait pour le mieux jusqu'à la mi-août. Nous nous attendions à ce qu'ils ont annoncé dans le budget soit un plan avec un critère d'objet commercial pour aborder la question légitime de transfert de la dette, puis à la mi-août ils ont publié une ébauche des règles. C'était malheureusement au milieu de l'été alors ce n'est qu'aux environs de la première semaine de septembre que mon collègue M. Paradis et quelques autres membres ont dit : « Mon Dieu, qu'ont-ils fait? »

Il n'y avait qu'un mois pour les consultations donc une période de consultations très courte pour apporter des changements assez fondamentaux aux règles et que nous n'anticipions pas vu les prévisions énoncées dans le budget. Nous avons répondu très rapidement, rencontré les représentants des Finances et commencé à envoyer une série de lettres.

Un mois plus tard, en octobre, la loi a été présentée et traitait d'un certain nombre de préoccupations que nos membres avaient soulevées. Je souhaite le souligner. Cependant, il restait un nombre d'enjeux qui n'ont pas été abordés. Nous avons communiqué directement avec des représentants des Finances, de Ressources naturelles Canada et tous les intervenants auxquels on s'attendrait depuis lors, mais c'est un dossier très complexe. Il nous a fallu du temps. Je ne sais trop combien d'expériences les gens ont avec les représentants des Finances, mais il faut du temps. Il nous incombait de les convaincre qu'il y avait un problème. Nous soulevions une série d'enjeux et nous recevions une autre série de questions. Nous menions d'autres recherches pour répondre aux questions et cela menait à d'autres questions. C'est ce genre de relations que nous avons eues jusqu'à maintenant.

Ce n'est que récemment que nous avons l'impression d'arriver à un point où nous pouvons discuter autour de la table pour trouver des solutions. Nous avons été très dynamiques dans ce dossier particulier, mais ce n'est que depuis le début septembre faut-il préciser. Le temps prévu pour une telle modification fiscale était plutôt court, ce qui a pris beaucoup de gens au dépourvu.

Le sénateur McInnis : Le secteur minier est une grande composante de l'économie canadienne. Avez-vous établi un dialogue permanent? Y a-t-il des séances d'information? Communiquez-vous avec le gouvernement sur une base régulière?

M. Gratton : Oui bien sûr. L'ironie, c'est qu'en tant qu'association, nous n'avons pas passé beaucoup de temps aux Finances ces dernières années, car le Canada est devenu, du point de vue fiscal, un pays beaucoup plus attirant. Nous avons un faible taux d'imposition sur les sociétés et ainsi de suite. Les questions d'imposition ne sont pas en tête de liste à notre association. La situation nous a pris de court, car nous n'avions aucune raison, en fonction de l'annonce dans le budget, de penser que cela nous toucherait ainsi.

Le président : Messieurs, c'est tout le temps dont nous disposons. La séance a été très utile. Nous sommes ravis d'entendre que vous avez engagé le dialogue.

Après un bref survol du projet de loi, nous sommes préoccupés du fait qu'une fois qu'il sera adopté, cette disposition est rétroactive au mois de mars, cela entre en vigueur automatiquement. Il ne semble pas y avoir de souplesse pour que cette disposition demeure en suspens pendant que vous poursuivez les négociations. Nous tenterons de voir si nous pouvons vous permettre de poursuivre cette négociation. Nous avons bel et bien entendu les solutions possibles que vous proposez et, j'espère que cela pourra fonctionner dans l'intérêt de vos industries et dans l'intérêt de tous les Canadiens.

M. Gratton : Le ministère des Finances nous indique qu'ils disposent déjà de nombreux outils pour pallier à la situation. Nul besoin, du moins pour commencer, de nouvelles lois. Le ministre peut émettre un bulletin, ou un communiqué de presse, ce qui peut être fait dans des délais très brefs et aurait un effet immédiat sur le secteur de la mine et de la fiscalité afin d'offrir à tous les garanties dont nous avons besoin. Donc, il y a moyen d'intervenir rapidement dès lors que nous nous serons entendus sur les mesures à prendre.

M. Suarez : En fait, je voudrais que vous reteniez par-dessus tout que c'est ce qui distingue le secteur minier des autres industries, surtout dans le secteur des petites entreprises. C'est-à-dire que dans le secteur minier, il n'est pas inhabituel de voir des entreprises étrangères investir dans des projets à l'étranger — donc des entreprises qui n'ont rien à voir avec le Canada — et utiliser comme siège social une compagnie canadienne tout simplement parce que c'est au Canada qu'on trouve les banquiers, les avocats, les géologues, les financiers, la TSX et le droit canadien des sociétés. Il est donc tout à fait habituel, contrairement à d'autres secteurs, que des entreprises étrangères utilisent le Canada comme siège, pour des projets qui n'ont rien à voir avec le Canada — des projets réalisés en Amérique latine ou en Asie, par exemple. Ces entreprises ne sont pas obligées de venir au Canada. Elles peuvent tout aussi bien aller au Royaume-Uni, s'inscrire à la Bourse AIM, et employer le système fiscal britannique. Ce sont ces entreprises que nous risquons de perdre le plus. Celles qui se trouvent déjà au Canada pourront déménager leurs pénates, mais ces règles menacent surtout les investissements qui auraient été faits autrement. C'est ce que je voudrais que vous reteniez. Les gens ont un choix, ils ne sont pas obligés de venir au Canada. Ils viennent au Canada dans le secteur de la mine à cause des infrastructures et de l'emploi, mais ils n'y sont pas tenus.

Le président : Merci beaucoup, je suis désolé que votre temps soit écoulé. Merci d'être venus, monsieur Suarez de Borden Ladner Gervais, monsieur Gallinger, Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, monsieur Gratton, Association minière du Canada, et monsieur Paradis, Rio Tinto et le projet en Mongolie. Nous connaissons tous le projet Oyu Tolgoi, et nous vous souhaitons beaucoup de succès pour ce projet et d'autres, nous espérons que vous continuerez de vous intéresser au Canada et aux services que nous pouvons vous offrir. Merci à vous tous.

Nous permettrons maintenant aux membres du prochain panel de prendre leurs places.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous allons continuer notre étude de la teneur du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Durant la deuxième session, nous reviendrons sur les modifications apportées au crédit d'impôt applicable au programme de recherche scientifique et de développement expérimental.

[Traduction]

C'est l'article 9, partie I, page 14.

De l'Alliance canadienne des technologies avancées (AllianceCATA), nous accueillons Russ Roberts, vice-président principal, Taxes et Finances; et, des Conseillers en management certifiés (CMC), M. Richard G. Monk, conseiller en affaires nationales et président directeur général de Msight Global Inc.

Je crois que vous avez tous les deux de courtes déclarations préliminaires, nous commencerons donc par M. Roberts et enchaînerons ensuite avec M. Monk Après quoi, nous passerons à la discussion. Monsieur Roberts, vous avez la parole.

Russ Roberts, vice-président principal, Taxes et Finances, Alliance canadienne des technologies avancées (AllianceCATA) : Merci de nous avoir invités à témoigner. Je vous parlerai un peu de mes antécédents, car ils pourront orienter vos questions. J'aime répondre aux questions, donc j'attends avec impatience cette partie de la séance.

Lorsque les crédits d'impôt ont été créés, j'ai été envoyé du Conseil national des recherches pour contribuer à la mise sur pied de ce nouveau système. J'ai donc été un témoin privilégié du processus d'élaboration de la politique, tout particulièrement en ce qui concerne le RS&DE. J'ai suivi le RS&DE tout au long de son évolution. J'ai observé son administration, les changements qu'on y a apportés et son degré d'efficacité tout au long de cette période. Ensuite, j'ai passé huit ou neuf ans au secteur privé à travailler sur les demandes, donc j'ai également été témoin de cet aspect du système. Ça pourra peut-être vous être utile de le savoir. J'expliquerai mes observations de ce point de vue.

En ce qui concerne le SR&DE et la politique d'innovation, au point où nous en étions l'année dernière lorsque le budget a été déposé, nous étions heureux de certains des changements qu'on y apportait. Nous constations que la priorité passait de la recherche à la commercialisation : bref, comment commercialiser les inventions? Comment amener les entreprises à se concentrer sur la commercialisation de la propriété intellectuelle qu'ils développent ici au Canada?

En effet, par le passé, l'accent avait été mis sur la recherche, c'est-à-dire sur les moyens de donner davantage d'argent aux chercheurs qui créaient de la propriété intellectuelle. Toutefois, qu'arrivait-il à cette propriété intellectuelle? Souvent, elle était exportée.

Nous avons tenu une discussion sur notre site web environ trois mois avant le dépôt du budget, et nous avons été surpris des commentaires. En effet, on se demandait si on ne dépensait pas déjà trop d'argent dans la recherche. Encore fallait-il tirer parti de toute cette recherche. Le problème n'était pas au niveau du manque d'innovation, mais plutôt, au niveau de la capacité ou la volonté de commercialiser cette innovation.

À cet égard, nous étions donc très en faveur du budget. Il nous semblait qu'il allait dans la bonne direction, mais lorsque nous avons observé les changements apportés au programme SR&DE, nous n'avions pas vu comment tous ces changements ont été harmonisés. Notamment, lorsque nous observions comment l'Agence du revenu du Canada gérait ce programme, d'après tout ce que nous avions vu et entendu, il nous semblait que ce programme était plus axé sur la recherche que sur les efforts des ingénieurs dans le domaine de l'innovation et du développement des technologies avancées.

Les choses ne se simplifient pas, de notre avis et de celui de nos membres. C'est pourquoi nous n'étions pas très à l'aise avec l'orientation des changements apportés au programme, à moins que ceux-ci ne seraient clarifiés dans le prochain budget. C'était notre position fondamentale. Où tout cela nous mène-t-il? Les lacunes créées par ces changements dans le budget pourront-elles être comblées? Y a-t-il des occasions à saisir? C'est ce que nous croyons. Tous ces changements peuvent-ils être harmonisés? Oui. Nous avons étudié l'idée d'un train de mesures encourageant l'innovation ou les brevets d'invention, idée que l'on met déjà en œuvre dans d'autres pays. Nous étudions cette idée très attentivement. C'est une façon d'encourager les entreprises à commercialiser leur propriété intellectuelle. Le crédit ne s'applique que lorsque des profits sont générés, donc c'est une façon de récompenser le succès a posteriori plutôt que par anticipation. Nous sommes très en faveur de ce genre de politiques.

Nos membres sont également mal à l'aise avec l'idée de subventions ou de financement directs. Ils préfèrent de loin les mécanismes fiscaux, les crédits fiscaux, ou les réductions de taux d'imposition. L'approche d'un train de mesures encourageant l'innovation est donc à retenir.

Pour rééquilibrer les pertes du RS&DE sous cette proposition de budget, tel que le programme est actuellement conçu, il nous faudrait un train de mesures encourageant l'innovation. Une bonification de la capacité de déduction facilitée aiderait également, car l'incidence majeure de ces changements porte sur l'incitatif aux dépenses en immobilisation. C'est là que l'on constate l'incidence la plus importante, y compris dans les grandes entreprises. C'est pourquoi ce programme agit à ce niveau-là, pour combler les lacunes. C'est ce que nous disons.

Mais même si l'on trouvait le moyen de gérer les crédits d'impôt de façon efficiente et efficace, nous nous inquiéterions toujours au sujet de l'efficacité du programme. Dans son orientation actuelle, il met l'accent sur la recherche, c'est d'ailleurs le principal critère. Je peux y revenir tout à l'heure si vous le voulez, mais c'est ce qui se passe actuellement et ce qui se passe depuis de nombreuses années.

Nous avions trouvé une autre façon de rééquilibrer les choses. Un tiers des demandes sont ce qu'on appelle des demandes rétrospectives. C'est-à-dire que lorsque je vais dans une entreprise, je passe en revue tous leurs projets de développement, je cerne les aspects recherche et développement et je présente une demande a posteriori. Nous soutenons que ce n'est pas efficace en tant qu'incitatif; il faut dès lors se demander s'il y a un meilleur moyen de le faire. Peut-on éliminer ce genre de demandes — qui représentent entre 500 millions et 1 milliard de dollars — et les remplacer par un programme d'incitatifs plus efficace et qui n'a pas le même impact structurel que les propositions actuelles? Nous pensons que c'est possible. Nous n'avons pas eu assez de temps pour discuter de cette question, et ce n'est que maintenant que l'on commence réellement à en parler dans nos milieux.

Le président : Merci. Monsieur Monk?

Richard G. Monk, conseiller en affaires nationales et président-directeur général de Msight Global Inc., Conseillers en management certifiés (CMC Canada) : Honorables sénateurs, je suis très heureux d'être parmi vous ce matin et de présenter le point de vue de Conseillers en management certifiés, CMC Canada. Merci de votre invitation.

Je souhaite d'abord vous parler un peu de Conseillers en management certifiés. Nous sommes des experts en comptabilité de management et à ce titre nous conjuguons comptabilité et sens des affaires avec des compétences en gestion afin d'offrir un leadership, de l'innovation, et une perspective d'intégration aux prises de décisions. Nous avons plus de 50 000 membres travaillant dans les secteurs privés et publics ainsi qu'à la fonction publique.

Vous avez demandé à CMC Canada de discuter des dispositions du projet de loi C-45 concernant le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, le RS&DE. Nous pensons que le programme de RS&DE est probablement l'outil le mieux connu au Canada et le plus utilisé pour la recherche et le développement. Comme le rapport du comité Jenkins le dit bien, le RS&DE est le programme phare du soutien fédéral à l'innovation.

Malgré cela, des études ont conclu à maintes reprises que le Canada est à la remorque d'autres pays très développés en ce qui concerne l'innovation. C'est pourquoi nous estimons qu'il ne serait pas inapproprié d'apporter des modifications au programme. Le projet de loi C-45 prévoit des changements importants aux crédits d'impôt pour le RS&DE.

CMC Canada a toujours eu comme position, surtout dans ses consultations prébudgétaires, y compris cet automne, que les mesures de politique devraient mettre l'accent sur l'amélioration de la productivité au Canada. Notre bilan en matière de productivité est peu reluisant depuis au moins une décennie. CMC Canada estime qu'une façon d'améliorer l'innovation au Canada, et donc, la productivité, est de modifier le RS&DE

Nous avons également participé aux consultations gouvernementales sur l'examen du soutien fédéral de la recherche-développement, lancées en 2010. Dans notre mémoire, nous avions recommandé d'élargir la nature remboursable des crédits d'impôt pour le programme de RS&DE pour les demandeurs de toutes tailles, de manière à donner les crédits plus rapidement aux innovateurs et à réduire la complexité administrative du programme. De telles mesures, mises en œuvre de pair avec notre cadre juridique pour protéger la propriété intellectuelle des innovateurs canadiens, pourraient contribuer à l'innovation et à la productivité. À notre avis, l'objectif ultime quand on cherche à améliorer la productivité au Canada devrait être de rehausser le niveau de vie des Canadiens.

À la lumière des amendements proposés au programme de RS&DE dans le projet de loi C-45, nous estimons que la question à poser ultimement est la suivante : Ces changements vont-ils avoir des retombées positives sur l'innovation et la productivité au Canada? Nous pensons qu'il s'agit du véritable indicateur de réussite.

Il est peut-être trop tôt pour le savoir. Il y aura une période de transition puisque ces changements entreront en vigueur au cours des 12 à 24 prochains mois. En outre, il y a peut-être des changements supplémentaires dans le budget 2013 pour répondre aux recommandations de rapport Jenkins demandant à réaffecter les ressources du soutien indirect par le biais du programme de RS&DE. Il nous faudra examiner de plus près toutes les mesures qui seront introduites à l'avenir avant de pouvoir nous prononcer à cet égard.

Nous comprenons que les fabricants canadiens s'inquiètent de certaines des propositions du budget 2012 et qui affecteront le programme de RS&DE. Deux de ces inquiétudes précises sont la réduction de leurs crédits d'impôt pour les investissements en RS&DE pour les faire passer de 20 à 15 p. 100 et l'élimination des dépenses en capital des dépenses admissibles aux crédits d'impôt à l'investissement. Ce groupe estime que ces deux mesures amputeront le programme de RS&DE de 770 millions et 94 millions de dollars respectivement entre 2014 et 2017.

Ce que nous ne savons pas, c'est si cela sera compensé par les effets positifs qu'auront d'autres mesures prévues par le budget 2012 et qui visent à reployer les fonds gouvernementaux des crédits d'impôt vers un éventail plus complet d'initiatives de soutien direct visant à encourager les entreprises à investir dans la R.-D. C'est là que se situe notre problème.

En conclusion, CMC Canada appuie les mesures qui visent à améliorer la productivité au Canada. Le programme de RS&DE fait partie des programmes pouvant être améliorés pour avoir des effets positifs sur la productivité. Je suis impatient d'entendre vos questions et vos commentaires.

Le président : Merci, monsieur Monk.

Le sénateur Buth : Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui.

Monsieur Roberts, comme vous nous l'avez offert, je vais vous demander de commenter sur la façon dont ce programme se concentre davantage sur l'aspect recherche plutôt que, je crois que vous avez dit, sur l'aspect innovation ou commercialisation.

M. Roberts : Voici ce qui s'est produit. Si vous examinez l'intention de la loi, au départ, elle se concentrait principalement sur la recherche appliquée, sur l'aspect recherche, mais également sur le développement expérimental, à savoir les avancements technologiques dans le contexte de la mise au point de nouveaux produits et processus. En d'autres termes, il ne s'agit pas de beaux avancements technologiques isolés, mais d'une technologie qui sert à quelque chose. C'est ainsi que la définition est formulée.

Au cours des trois dernières années, de nombreux examinateurs ont demandé à ce que, en plus des méthodes de conception technique, ils puissent voir également la méthode scientifique employée. Même si c'est souvent le cas au niveau micro dans ce que font les ingénieurs, la façon dont vous gérez ces grands développements complexes, c'est en adoptant une démarche beaucoup plus large pour identifier des problèmes, les rassembler et voir d'où ils proviennent, avant de trouver des solutions. Si vous leur imposez cette démarche rigide, linéaire et quasiment celle des laboratoires par rapport à la méthode scientifique dans son application, vous vous retrouvez au niveau micro et vous perdez de vue les projets. Vous passez à côté. Il faut imposer une méthodologie différente, en plus de ce qui est nécessaire pour obtenir un produit à moindre coût. Cela nécessite également des documents additionnels et des systèmes, dont certains vont à l'encontre du processus efficace de conception. Le résultat net, ce sont des microprojets et une réduction de ce qui peut être réclamé.

Est-ce clair?

Le sénateur Buth : Des microprojets et une réduction de ce qui peut être réclamé?

M. Roberts : De ce qui est réclamé dans les faits. Cela ne change pas ce à quoi on a droit, mais cela change ce qu'on demande dans les faits, au point où bien des gens quittent le programme ou ne s'y intéressent même pas en raison de tout le travail que ça représente. Cela explique aussi que 70 p. 100 des demandes soient présentées par des experts- conseils, ce qui n'était pas le cas il y a cinq ans. Les demandes sont devenues si complexes qu'on fait souvent appel à des experts-conseils.

Le sénateur Buth : J'aimerais en savoir plus sur les demandes rétrospectives qui, selon vous, représentent un tiers de toutes les demandes.

M. Roberts : C'est approximativement cela.

Le sénateur Buth : Le gouvernement tente de trouver davantage d'incitatifs à la recherche, ce à quoi serviront les économies réalisées grâce au RS&DE.

M. Roberts : Mais le gouvernement n'a pas encore abordé cette question. Il a apporté une série de changements à la structure de détermination des montants, mais n'a rien fait au sujet des demandes rétrospectives. Dans le système actuel, vous pouvez présenter une demande au plus tard 12 mois après l'échéance de six mois à laquelle le T2 pour votre société est soumis. Cela vous donne au minimum 18 mois. Ces projets commencent souvent bien avant cela. En conséquence, des gens comme moi examinent le travail de développement effectué par l'entreprise, tentent de déterminer ce qui correspond à de la R-D. et rédigent une demande à partir de cela, alors que c'est la demande qui devrait influer sur la décision d'entreprendre un projet.

Essentiellement, c'est une demande qui génère des recettes fiscales, mais elle n'entre pas vraiment en ligne de compte quand des entreprises décident d'entreprendre un projet de R-D. Quand nous travaillons avec des entreprises, nous rectifions la situation en prévoyant des systèmes permettant à la société de reconnaître ce qui était de la R-D. L'intention était d'amener la société à assumer cette responsabilité et, souvent, c'est le point de départ de la demande qui est soumise.

En principe, les experts qui travaillent auprès de ces entreprises vont au-delà de ce qui est prévu dans la demande. C'est autre chose, mais ça n'empêche pas que chaque année, un bon nombre des demandes qui sont présentées sont rétrospectives et il est très difficile d'étayer ces demandes après le fait. Ces projets n'ont pas été documentés en fonction des critères du programme de RS&DE et c'est ce qui nous a donné, à la plupart d'entre nous, le plus de problèmes. L'an dernier, lorsque nous avons fait des propositions au ministère des Finances et au gouvernement à ce sujet, des experts ont souligné que ce serait une façon intéressante d'accroître la rentabilité du programme. Eux vont même au- delà de l'alliance CATA.

Le sénateur Buth : Comme il a été annoncé dans le budget de 2012, les économies qu'on réalisera grâce au programme de RS&DE serviront au soutien direct. J'aimerais revenir à ce que vous avez dit à ce sujet. Monsieur Monk, vous en avez parlé, mais je ne suis plus certain si ce sont ceux que vous représentez qui sont en faveur du soutien direct ou si c'est M. Roberts. Pourriez-vous tous les deux nous en dire un peu plus à ce sujet? Il est clair que le gouvernement s'est engagé à financer le soutien direct et devra déterminer comment ces fonds seront distribués. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Monk : Depuis plusieurs années, nous préconisons des mesures pour améliorer la productivité quand nous témoignons devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes, et le programme de RS&DE en fait partie. Il s'agit d'un programme phare pour les innovateurs au Canada. Mais les études ont démontré que la productivité chez les Canadiens n'a pas beaucoup changé. Les modifications qui ont été apportées sont encourageantes, car il ne sert à rien de garder les pratiques qui n'amènent pas de changements. Nous sommes entièrement d'accord avec l'idée de garder 5 p. 100 des recettes provenant de l'impôt des grandes sociétés pour prévoir des incitatifs ou des mesures visant à améliorer à la productivité. Cependant, nous ignorons si ces mesures donneront des résultats. Il y a peut-être d'autres façons d'améliorer la productivité et nous ferons des suggestions en ce sens à notre comparution prochaine devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Nous avons d'autres suggestions à faire, notamment le train de mesures encourageant les brevets d'invention dont M. Roberts a fait mention.

Voilà la question. À l'heure actuelle, la question n'est pas de savoir si on passe de 20 à 15 ou si on élimine les dépenses en capital des intrants aux fins du calcul des dépenses admissibles. La question est de savoir ce qu'on fera de ces économies.

Le sénateur Buth : Merci beaucoup.

Le président : Je crois que le moment serait bien choisi pour une explication de ce train de mesures encourageant l'innovation ou les brevets d'invention. Qu'est-ce que c'est?

M. Monk : Je suis certain que M. Roberts en sait plus que moi à ce sujet, mais le train de mesures encourageant les brevets d'invention est un programme qu'ont adopté des pays du Nord de l'Europe, ainsi que le Royaume-Uni, pour 2013. Les revenus provenant des brevets sont imposés à un taux moindre que les autres revenus. Les revenus provenant directement de brevets jouissent donc d'un taux d'imposition avantageux. C'est un processus assez complexe, mais essentiellement, c'est ainsi que cela fonctionne.

Le président : Monsieur Roberts, c'est bien cela?

M. Roberts : C'est tout à fait cela.

Le président : Est-ce que le train de mesures encourageant l'innovation et le train de mesures encourageant les brevets d'invention sont la même chose? Les revenus doivent-ils provenir d'un brevet?

M. Roberts : Voilà pourquoi certains préfèrent employer le mot « innovation ». Cela dépend du pays. Dans certains pays, on exige un brevet, mais nous estimons qu'il faut appliquer cette mesure à d'autres formes d'innovation. Dans d'autres pays, on met l'accent sur la conception novatrice et les droits d'auteur, par exemple. Il s'agit de déterminer avec précision ce qu'on veut encourager. Voilà pourquoi nous avons employé cette phrase, comme d'autres pays. Pour en arriver à un train de mesures efficaces, quel qu'il soit, il faut bien comprendre ce que cela inclut, ce que sont les retombées et ce que l'on peut faire au Canada.

Le président : C'est ce que vous recommandez, mais cela n'existe pas encore au Canada, n'est-ce pas?

M. Roberts : C'est exact. Les experts devront en discuter pour établir avec soin les paramètres de ce train de mesures.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je vais attendre que monsieur puisse m'entendre. Je veux juste vous dire que ce n'est pas par paresse, mais bien parce qu'il y a aussi des gens qui nous écoutent et qui parlent français. De temps en temps, ça leur fait plaisir d'entendre parler notre langue.

J'essaie de comprendre vos trois dernières lignes, M. Roberts, quand vous dites :

[Traduction]

L'ARC met maintenant l'accent sur un modèle de recherche scientifique qui enlève tout intérêt au programme pour bien des entreprises qui en ont eu recours par le passé. Si on n'accorde pas assez d'attention aux modalités de gestion du programme, nos efforts et les vôtres pourraient bien s'avérer inutiles.

[Français]

Ça ne me semble pas très positif, si je l'interprète bien, et je me posais la question à savoir s'il fallait mettre tout ce qui s'appelle « recherche et développement » sur un pied d'égalité en matière de formule d'aide du gouvernement.

Je pense à de nouvelles technologies plutôt basées sur le génie; différents types d'utilisations dans des usines du côté ingénierie, que ce soit pour les usines de production d'aluminium ou des usines de produits manufacturés, par opposition au secteur de l'aéronautique, au secteur de la biotechnologie ou encore par opposition au secteur de l'informatique. Dans le cas du secteur informatique, à ce que je sache, l'alinéa 9(11)d)(i) dit :

Pour l'acquisition, auprès d'une personne ou d'une société de personnes, d'un bien qui est une immobilisation du contribuable [...]

On a la même formule, sauf que nous n'avons pas des dépenses de la même façon, et certainement pas en fonction du pourcentage. Quand on travaille dans une usine et qu'on veut faire un nouveau produit, souvent on fait un projet- pilote et on a besoin de matériel, de nouveaux équipements. Ce que je comprends, c'est que ce ne sera plus possible d'obtenir un crédit d'impôt pour ces équipements, mais seulement pour la personne utilisant l'équipement. Toutefois, l'équipement va coûter souvent cinq, 10 ou 20 fois plus cher que la personne qui l'utilise.

Comment peut-on alors augmenter la productivité? Parce que c'est vraiment là où l'on peut créer des gains de productivité, à savoir avec de nouveaux équipements, des nouvelles façons de faire reliées beaucoup plus aux sciences du génie que dans le domaine de l'informatique où, finalement, il ne s'agit probablement que de l'habilité intellectuelle des gens à effectuer de nouveaux programmes et eux n'ont pas beaucoup d'investissements à faire.

En biotechnologie, il y a quand même de plus en plus d'équipements techniques dont on a besoin. En aéronautique — je pense aux Bombardier de ce monde —, pour développer de nouvelles choses, ils ont besoin de nouveaux designs et de tables à dessin, mais ils auront aussi besoin de modèles, d'équipements. Est-ce qu'on se trompe de cible lorsqu'il s'agit de la productivité de tout le secteur manufacturier canadien?

[Traduction]

M. Roberts : Sous sa forme actuelle ou à l'avenir?

Le sénateur Hervieux-Payette : Ce qui reste après toutes ces exclusions.

M. Roberts : La loi est libellée de telle façon que, jusqu'à présent, on s'est concentré sur les dépenses en capital associées à l'établissement d'un prototype, par exemple. Ce genre de recherche a été bien soutenu. J'ai dit un peu plus tôt que ces changements avaient eu une incidence considérable sur les demandes du domaine biotechnologique et sur tout le prototypage qui se fait dans le secteur de la TI. Ce secteur a été touché.

Pour ce qui est de l'équilibre et de la redistribution, comme nous l'avons dit, si les changements prévus au prochain budget rendent admissible ce genre de recherche, il faudra d'abord voir quels sont ces projets avant de pouvoir nous prononcer. Il est tout à fait concevable qu'un régime plus efficace, ou un ensemble de mesures, appuient tout aussi efficacement ce qui est actuellement exclu grâce à certaines initiatives comme le train de mesures encourageant les brevets d'invention, qui s'appliquerait à ce que vous décrivez. Les dépenses en capital associées à ces chaînes de production seraient incluses.

Le sénateur Hervieux-Payette : Devrait-il y avoir un complément à cette mesure dans le budget de 2013 — que cette mesure ne serait qu'un aspect des changements? Lorsque vous parlez du prochain budget, duquel parlez-vous : celui-ci ou le suivant?

M. Roberts : Nous espérons en arriver rapidement à une compréhension de l'intégration de la RS&DE aux autres mesures. Pour l'instant, vous avez raison : les mesures proposées créent une lacune. Cette lacune est surtout évidente pour les dépenses d'immobilisation nécessaires pour lancer une nouvelle technologie et faire démarrer les choses, comme vous le dites. Si des mesures sont mises en place pour corriger cela, il pourrait y avoir un bon équilibre. Les mesures seront peut-être mieux ciblées et moins lourdes que certains des aspects de la loi actuelle sur la RS&DE. Nous avons réussi à faire fonctionner le régime législatif de RS&DE tel quel. D'après moi, ce n'est pas un grave problème, mais ça reste complexe. Cela vous est-il utile?

Le sénateur Hervieux-Payette : Ma prochaine question sera la suivante : Y a-t-il un bon équilibre entre la recherche et le développement dans la façon dont le programme sera maintenant appliqué? Y aura-t-il plus de développement et de commercialisation grâce à ces mesures, ou manquons-nous la cible?

M. Roberts : D'après nous, sans un autre programme complémentaire, la situation sera déséquilibrée.

Le sénateur Hervieux-Payette : Merci.

[Français]

Le sénateur Bellemare : Vous nous avez dit, lors de votre présentation, que le Royaume-Uni, notamment, tend à proposer des mesures incitatives supérieures à ce qui se fait au Canada. Vous avez parlé du patent box ; est-ce qu'il y a d'autres choses qui sont faites, au Royaume-Uni notamment, pour inciter à la recherche et au développement?

Deuxièmement, comment considérez-vous le fait que dans le programme RS & DE tel qu'on le connaissait, des entreprises du secteur des technologies nouvelles ont incorporé les crédits d'impôt pour le financement de la masse salariale de leurs employés? C'est toujours un peu délicat parce que la recherche et le développement, c'est quelque chose que l'on veut encourager comme un processus continu; mais en même temps, quand on finance les salaires qui peuvent contribuer également à la production, est-ce qu'il n'y a pas un moyen de départager cela?

Considérez-vous que le programme, tel qu'il a évolué dans le passé, a pu accorder certaines dépenses excessives parce qu'on finançait les salaires, par exemple? En d'autres mots, les entreprises auraient pu les financer quand même sans le crédit d'impôt; n'y a-t-il donc pas de nouvelles façons d'inciter à la recherche et au développement autrement que par le financement des salaires?

[Traduction]

M. Monk : En ce qui concerne le train de mesures encourageant les brevets d'invention du Royaume-Uni, ou le train de mesures encourageant l'innovation, d'autres pays ont fait de même. Nous ne proposons pas nécessairement de mettre en œuvre un tel train de mesures; nous proposons qu'il soit examiné du point de vue canadien pour savoir s'il constituerait une autre mesure qui pourrait encourager l'investissement, la productivité, et tout le reste. Ce n'est qu'une autre mesure.

Il y en a d'autres également. L'Australie a beaucoup de programmes en place, comme en matière de commercialisation. Ce pays a plusieurs programmes différents qui offrent des subventions aux jeunes entreprises. Certains sont partagés à parts égales et remboursables grâce aux redevances des nouveaux produits traités. Israël possède un programme d'incubation technologique que vous connaissez peut-être qui existe depuis plusieurs années et qui a produit plus de 1 200 réussites.

Il y a plusieurs choses que l'on devrait examiner du point de vue canadien pour voir si l'on peut améliorer la productivité et la RS&DE. Voilà notre position en ce qui a trait au train de mesures encourageant les brevets d'invention.

En ce qui concerne la masse salariale, de nombreuses entreprises ont de vastes réserves de crédits d'impôt, mais ne peuvent pas les utiliser parce qu'elles n'ont pas de revenu imposable, les crédits ne sont pas remboursables. Les grandes entreprises accumulent ces réserves, et certaines durent assez longtemps et ne profitent pas de ces allègements fiscaux disponibles aux plus petites entreprises qui ont des crédits remboursables.

Les complexités de l'administration qui mènent à des délais posent également problème. M. Roberts a mentionné que cela pouvait prendre jusqu'à 18 mois après que vous avez fait une dépense avant que le crédit soit inscrit. Si les salaires font partie de cette dépense, vous devrez dépenser de l'argent avant de vous faire rembourser votre crédit.

Le sénateur Bellemare : Merci beaucoup.

Le président : Je ne vous ai pas entendu parler de la réduction de 65 à 55 p.100 des frais généraux et de la façon simple d'y arriver, qu'on appelle la méthode de remplacement, par rapport à la méthode détaillée du calcul de ces frais. Est-ce un facteur important? Est-ce une initiative raisonnable?

M. Monk : Nous le croyons. Une entreprise qui investit en RS&DE peut calculer le montant réel. Elle aurait besoin d'avoir des systèmes en place pour le faire, mais la plupart des entreprises sont maintenant assez sophistiquées et ont de bons systèmes comptables. Elles peuvent toujours faire le calcul des frais généraux réels. La réduction du montant de remplacement encouragera peut-être les gens à être plus précis, à utiliser les chiffres réels plutôt qu'un chiffre de remplacement.

M. Roberts : En gros, nous pensons la même chose. Passer de 65 à 55 p. 100 dans de nombreuses situations vous amène probablement au point où il est pertinent pour une entreprise d'utiliser la méthode traditionnelle pour voir si elle présente un avantage. Selon mon expérience, pour beaucoup d'entreprises, à 65 p. 100, c'était près de la réalité. On utilisait le montant de remplacement parce que c'était plus facile. En le réduisant, on n'a rien simplifié. Les entreprises devront utiliser les deux approches pour voir laquelle est la plus avantageuse.

Le président : Vous vous êtes également dit préoccupé du fait qu'il y ait de l'argent qui aille à de tierces parties, et il y a une disposition ici, je crois, qui réduit la part des profits pour tout contrat avec un tiers. Est-ce une façon raisonnable de régler ce qui est perçu comme un problème quand une trop grande part des fonds va à des tiers?

M. Roberts : Je réfléchissais à mon expérience. Normalement, le marché détermine les coûts de ces contrats, alors je pense que le marché a tendance à fonctionner, mais il y a des exceptions. Voilà la façon de présenter la situation. En diminuant le chiffre à 80, on l'amène à un niveau que l'on prévoit être près de la majoration normale. On légifère une norme. De ce point de vue, cela stabilise probablement la situation que vous décrivez. En d'autres mots, on a moins l'occasion d'augmenter le taux, le montant, et de gonfler les contrats. On aurait moins l'opportunité de le faire.

Le président : Un tiers pourrait avoir tendance à inclure le plus de choses dans les frais généraux qu'il l'aurait fait normalement.

M. Roberts : Cela revient simplement au bon fonctionnement du marché.

Le sénateur Cordy : Monsieur Roberts, vous parliez du programme de RS&DE, et dans les documents que vous nous avez fournis, vous dites qu'il devient de plus en plus complexe et que l'ARC n'est pas adaptée aux projets de TI, aux projets complexes d'ingénierie, et vous dites qu'il devient de moins en moins pertinent pour de nombreux utilisateurs de longue date. Quels changements devraient être apportés pour que la RS&DE soit à jour, moderne et adaptée aux projets d'ingénierie plus complexes, comme vous l'avez dit? Étant donné les changements phénoménaux en TI au cours des dernières années, il semble que l'ARC n'a pas changé sa façon de traiter le programme de RS&DE. Je pense que vous avez dit que 70 p. 100 des gens qui présentent une demande ont besoin de l'aide de consultants. Dans le cas des programmes gouvernementaux, il n'est pas normal que 70 p. 100 des demandeurs aient à embaucher un consultant pour comprendre comment avoir accès au financement. Que devons-nous faire?

M. Roberts : La première chose est de trouver une façon d'encourager les entreprises à se concentrer sur la RS&DE au début des projets plutôt que d'y revenir plus tard pour trouver la RS&DE dans ce qu'elle a déjà fait. Il y a certains mécanismes pour y arriver. Nous en avions suggérés pour le dernier budget lors de nos discussions, mais cet élément est essentiel.

On propose que l'ARC confirme qu'il s'agit de RS&DE au moment de soumettre la demande. Cette mesure sera utile. Il y a diverses façons de s'y prendre. Si les entreprises signalent qu'il s'agit d'un projet en RS&DE au départ, pour qu'on puisse ensuite l'étudier en suivant les échéanciers et en signalant les jalons, eh bien, c'est beaucoup mieux et plus facile pour les deux parties. Et ça c'est le début.

Nous discutions la question de RS&DE par rapport à l'ARC. Le milieu discute de cette question en tenant compte des nouvelles politiques qu'on conçoit. La situation qui existait il y a un an n'était pas très réussie du tout. Nous espérons que ces politiques nous permettront de prouver que la RS&DE fonctionne de façon efficace dans un environnement d'ingénierie et nous espérons expliquer comment le faire. Nous attendons cela.

M. Monk : Si j'ai bien compris, ARC examine toute cette question à l'heure actuelle, ce qui est une très bonne chose, et je suis d'accord avec les observations de M. Roberts qu'il faut notamment réduire la complexité ou le fardeau administratif en cherchant des moyens ouvrant droit aux crédits d'impôt, surtout les crédits remboursables, pour les petites entreprises avant ce délai de presque deux ans, dans certains cas. Cette longue attente peut avoir un impact négatif sur le flux de trésorerie d'une entreprise. Il faut alors se pencher sur cette question, et on peut également étudier la possibilité de mettre sur pied un système d'approbation préalable. On pourrait toujours faire des demandes intérimaires, et ce genre de chose.

Le sénateur Cordy : Pour une jeune entreprise, attendre deux ans, c'est bien long.

M. Monk : Oui l'attente est très longue, et la plupart de ces entreprises n'ont pas de revenus à part le financement de la famille, de leurs amis et des banquiers intéressés et ces RS&DE constituent des comptes à recevoir aux états financiers, des comptes pour lesquels le paiement prend énormément de temps.

Le président : Vous avez tous les deux dit que des changements s'imposent et que des changements sont en cours, mais nous aurions aimé savoir si vous, vous saviez l'orientation de ces changements plutôt que de changer pour ensuite dire nous allons continuer à en discuter. C'est le même message transmis par le dernier groupe, et vous avez entendu cet échange. On discute, on change la situation actuelle, mais nous ne savons pas où on veut en venir. Est-ce que je résume assez bien l'échange de ce matin?

M. Roberts : Je suis d'accord.

M. Monk : Je suis d'accord, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Roberts et monsieur Monk. Cet échange a été utile. Nous avons compris votre message, et j'espère que vos négociations et discussions pour obtenir un nouveau programme portent fruit. Et si c'est le cas, nous allons sans doute vous convoquer de nouveau dans le cadre d'un examen d'un nouveau projet de loi.

Honorables sénateurs, la séance est levée. Nous allons nous rencontrer de nouveau cet après-midi, dans cette salle, à 14 h 15, pour mettre fin avec les représentants du gouvernement à notre examen des deux derniers articles de la partie 4.

(La séance est levée.)


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