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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 3 - Témoignages du 29 novembre 2011


OTTAWA, le mardi 29 novembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 18 h 12, pour étudier la gestion de la population de phoques gris au large de la côte Est du Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des pêches et des Océans. Je m'appelle Fabian Manning; je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside le comité.

Avant de demander aux témoins de se présenter, j'aimerais que les membres du comité se présentent d'abord.

Le sénateur Patterson : Merci. Je suis le sénateur Dennis Patterson et je représente le Nunavut.

Le sénateur Hubley : Je suis le sénateur Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Raine : Je m'appelle Nancy Greene Raine et je suis un sénateur de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le président : Le sénateur MacDonald, de la Nouvelle-Écosse, se joindra à nous bientôt. Il est en route.

Notre comité poursuit son étude de la gestion de la population de phoques gris au large de la côte Est du Canada et il va entendre maintenant les représentants de l'Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine. Je veux remercier les membres de cette association de s'être déplacés pour assister à nos travaux à Ottawa.

L'association a été fondée dans les années 1960; elle représente plusieurs centaines de membres qui exercent leur métier sur les banquises autour des îles. Trois représentants sont ici aujourd'hui pour parler du rôle de l'association, de ses objectifs et de ses priorités. Au nom des membres du comité, je les remercie d'avoir accepté de comparaître devant nous aujourd'hui. Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à faire, qui sera suivie, je l'espère, par quelques questions des sénateurs. Nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire.

Gil Thériault, directeur, Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine : Je m'appelle Gil Thériault et je suis le directeur de l'Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine.

Ghislain Cyr, membre, Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine : Je m'appelle Ghislain Cyr. Je suis pour ainsi dire pêcheur de poissons de fond aux Îles-de-la-Madeleine et je travaille beaucoup avec les phoques gris. J'ai acquis beaucoup d'expérience avec les phoques du Groenland à Terre-Neuve-et-Labrador, entre les années 1980 et 2000. J'ai beaucoup travaillé pour le Comité du poisson de fond, concernant la pêche dans le golfe et dans la province. Voilà ce que je fais.

Denis Longuépée, président, Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine : Je m'appelle Denis Longuépée et je suis le président de l'Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui et de parler avec vous. Je suis allé avec le sénateur Manning en Europe il y a deux ans pour essayer d'expliquer qu'il est important de conserver notre marché pour le phoque du Groenland. Nous travaillons toujours là-dessus et la population continue d'augmenter.

Nous sommes ici aujourd'hui pour parler du phoque gris, qui est une autre espèce. M. Thériault va expliquer quels sont les problèmes que nous éprouvons avec le phoque gris et nous serons heureux de répondre aux questions. Nous avons aussi apporté de la viande de phoque que nous vous distribuerons plus tard. Ce n'est pas du phoque gris, mais du phoque du Groenland.

Le président : Voilà une conversation qui m'intéresse. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire et aussi une présentation PowerPoint.

[Français]

M. Thériault : Je vous remercie de nous recevoir ce soir. Je vais faire ma présentation en français, me sentant un peu plus confortable dans cette langue qu'en anglais.

Dans la petite présentation PowerPoint que nous avons ici, on pose la question au départ : est-ce que le phoque gris est une espèce à part? Je crois que si le phoque gris n'était pas une espèce à part, il n'y aurait pas de comité aujourd'hui. On aurait des solutions simples pour un problème simple.

Regardons tout de suite les tableaux officiels de croissance de la population du phoque gris. Comme on le voit, dans les années 1960, on avait une petite population de 5 000 individus qui est restée relativement basse jusque dans les années 1970. Elle a commencé à augmenter et la courbe va maintenant en accélérant. De nos jours, on parle d'une population qui avoisine pratiquement le demi-million. J'ai pris les chiffres officiels du MAPAQ, ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation du Québec.

Pendant ce temps, aux Îles-de-la-Madeleine, on voit les débarquements de morues. Voyez les chiffres : 3 657 tonnes métriques en 1991 pour la morue; en 2009, le chiffre était 16; le sébaste, 11 000 en 2009, le chiffre était 122 et le débarquement de plies canadiennes, 523, le chiffre était 6. On aurait pu continuer de cette façon pour plusieurs espèces. Tout cela dans le but de vous démontrer que les deux courbes ne vont pas du tout dans le même sens.

Ensuite, regardons la prédation des phoques du Groenland. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de tableau pour le phoque gris, mais cela vous donne une idée de la consommation; la pêche commerciale du poisson de fond en 2008 comparativement à la prédation animale.

Quand on parle du phoque gris, les chiffres sont conservateurs, selon les pêcheurs ou ceux qui vont sur la mer continuellement. On a les chiffres des scientifiques, mais souvent, les chiffres des scientifiques sont assez conservateurs. C'est ce qu'on a actuellement.

Dans la totalité de la flotte de pêche à l'intérieur du Saint-Laurent, on a à peu près 50 000 tonnes de poissons et fruits de mer qui sont pêchés par la flotte au complet. On sait également que chaque phoque du Groenland mange une tonne de denrées par individu et la population se situe autour de dix millions d'individus. On parle de dix millions de tonnes comparativement à 50 000 tonnes.

Quelqu'un pourrait dire — et il aurait raison — que le phoque du Groenland vit surtout au nord et descend dans le fleuve. C'est donc évident que le dix millions de tonnes de denrées qu'il consomme annuellement, n'est pas seulement dans le golfe. Par contre, en ce qui concerne le phoque gris, cette population demeure dans le golfe, mange toujours dans le golfe et ne se déplace pas. Elle ne migre pas ailleurs. Vous allez voir des photos bientôt et vous verrez que le phoque gris est beaucoup plus gros que le phoque du Groenland. Si le phoque du Groenland mange environ une tonne de denrées par année, on peut s'attendre à ce qu'un phoque gris en mange le double. Et si on parle d'une population comme on l'a vue tout à l'heure qui dépasse les 400 000 individus, on parle quand même de 800 000 tonnes de poissons et fruits de mer qui sont mangés par année comparativement à une flotte de pêche qui va aller en chercher 50 000.

Vous voyez les chiffres ici? Dire qu'il n'y a plus de poisson et que c'est à cause de la surpêche, un instant! Oui, il y a de la prédation humaine. Il y a eu des erreurs et il y en a encore. On a vu aussi de la mauvaise gestion, mais quand on regarde le chiffre de 50 000 comparativement à 800 000, on voit qu'il y a vraiment un problème du contrôle de la population animale, parce qu'on s'occupe beaucoup de la prédation humaine sur le stock de poisson, mais très, très peu de la prédation animale.

J'ai intitulé mon prochain point : Le problème avec la science. Je ne veux pas frapper sur la science. On a besoin des scientifiques et c'est nécessaire de travailler avec eux, mais si on regarde, avec un peu de recul, dans les années 70 encore une fois, pour ce qui est du phoque du Groenland, on a plus de statistiques sur eux que sur les phoques gris. Les spécialistes de l'époque, dans les années 1970, les sommités en la matière au MPO, MM. Sergeant, Boulva, Montreuil, entre autres scientifiques, disaient que la population optimum — et le mot est important —, du phoque du Groenland, dont population se divise en plusieurs groupes, était de 1,6 million. Aujourd'hui, les scientifiques nous disent qu'on en a près de dix millions et quand on demande un quota de 400 000 individus, on nous dit que c'est trop.

Dans la même boîte, les scientifiques, les gens qui travaillaient avant vous, les doyens, disaient que 1,6 million était la population optimum et qu'au-delà, ce serait un problème. On est rendu à dix millions, et vous dites que 400 000 de quota c'est trop! Il y a un manque de logique dans tout cela. Et ils nous amènent la règle du N 70, qui dit que la plus grosse population observée d'une espèce ne devrait pas aller en bas de 70 p. 100 de ce chiffre.

Le problème avec le N-70, c'est que chaque fois que la population grimpe, le N-70 continue de grimper. On serait rendu à 20 millions de population et on ne devrait pas descendre en bas de 14 millions alors que dans les années 70 on disait que c'était 1,6?

Je pense qu'à un moment donné, la science et les chiffres sont très importants, mais il faut aussi y aller avec le gros bon sens. Dans ce cas, il y a un dérapage.

J'au un autre exemple concernant la science, c'est important d'écouter les scientifiques, mais il faut toujours discuter avec eux pour voir de quelle façon ils obtiennent leurs chiffres. Quand on en arrive à la diète, on en a parlé souvent avec Mike Hamel, on leur disait : comment vous faites pour savoir combien de morues, par exemple, sont mangées par un phoque? Ils disaient : quand on compte les petits otolithes qu'on retrouve dans la tête de l'animal, des petits os qui ne sont pas digérés par le système en fait, on peut savoir combien de morues ont été mangées dans les dernières 24 heures.

Quand on parle aux pêcheurs après, ils nous disent qu'à moins d'être mal pris, le phoque ne mangera pas la tête, parce que ce n'est pas là qu'est la source énergétique du poisson. Et on a des vidéos qui prouvent que quand un phoque arrive dans un banc de morues, tout ce qu'il fait, c'est de manger la panse.

M. Cyr : Dans cette partie, comme les vidéos qu'on a vus à Terre-Neuve, on voit souvent que les phoque du Groenland vont plonger plus en profondeur et amener le poisson plus proche des côtes pour faire ce qu'on appelle du belly bite, qui signifie manger seulement l'abdomen et laisser le restant du poisson dans le fond, tandis que le phoque gris va travailler plus à petite eau et s'il attrape un petit poisson, il va le manger tout rond, mais si le poisson a une certaine longueur, il va laisser la tête, c'est à-dire la partie osseuse.

C'est donc difficile de déterminer de quel genre de poisson il s'agit, et son âge surtout. C'est assez difficile avec le phoque gris de déterminer ce genre de choses.

M. Thériault : Mais tout cela pour dire que le travail des scientifiques est essentiel, mais quand on reçoit des chiffres, il faut quand même les questionner sur la façon dont ces chiffres ont été apportés. Parfois on a l'impression que le gros bon sens pourrait les aider pas mal dans leur recherche.

Maintenant, on va vous montrer la jolie bête qu'est le phoque gris. Beaucoup de gens connaissent l'image du fameux blanchon, qu'on ne chasse plus depuis 1987, mais qui est toujours sur les pancartes des levées de fonds « animalistes », et qu'on trouve très jolis nous aussi. Quand on arrive au phoque gris, on se retrouve face à ce genre de bestiole.

Monsieur Cyr, que vous voyez là, c'est le petit monsieur qui est du côté droit du phoque, si on fait face à l'image. C'est sur son bateau. Quand on parle de faire un abattage de 70 000 phoques, c'est 70 000 fois ce que vous voyez là. C'est quand même autre chose qu'un abattage rapide de petits mammifères.

La photo que vous voyez maintenant, c'est de la pêche sentinelle.

M. Cyr : Cette photo illustre que dans chaque région du golfe, il y a des pêches scientifiques, des pêches sentinelles, qui sont données aux associations et aux pêcheurs pour aller faire des tests sur l'eau et surtout pour voir l'abondance de morues. Il y a de la pêche sentinelle depuis 1995, et déjà on rapportait ce problème. Les données des pêches sentinelles concernent normalement les poissons qui ne sont pas mangés. On a plein de données complètes, mais très souvent, on rapportait dans nos données, que ce soit à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Gaspésie, à Terre-Neuve un peu moins et en Nouvelle-Écosse, on perdait beaucoup de poissons à cause des phoques.

Sur ces lignes, c'est bien de la pêche sentinelle, des pêches autorisées avec observateurs à bord, avec 2 000 hameçons dans une journée. C'est le seul résultat qu'on trouve quant aux poissons mangés. On parle de morue, de flétan, de plie. Il ne reste rien. Alors les résultats ne peuvent pas contribuer à la science puisque les phoques ont tout mangé. Et de la même façon, comment voulez-vous qu'on puisse pêcher écologiquement quand on a ce problème?

Ces images sont prises avec des observateurs à bord. Tout est calculé. Mais cela a pris combien d'années avant que le ministère tienne compte de ces facteurs? C'est toujours ce qui arrive. Toute la pêche est rendue comme cela. Chaque fois qu'on pêche à l'hameçon ou à la ligne, c'est ce qui se passe. Pour le nombre de têtes qu'on ramasse, on ne voit probablement pas le nombre de têtes perdues sous l'eau. Cela devient vraiment un problème de pêche.

M. Thériault : Je vais passer un peu plus rapidement pour ce qui suit, mais c'est juste pour vous montrer. On revient souvent au problème du phoque du Groenland, parce que c'est l'espèce la plus connue, la plus étudiée. Mais le Canada a fait beaucoup d'erreurs dans tout ce grand dossier. Je parle de 1964, cela a été le grand choc, le film Les grands phoques de la banquise, de Serge Deyglun, qui a été visionné un peu partout dans le monde. Puis en 1969, arrive Brian Davis qui a quitté la Société protectrice des animaux pour créer sa propre fondation où il a commencé à faire des levées de fonds. En 76, avec quatre membres, ils ont amassé 800 000 $. Beaucoup de gens se sont aperçu que c'était assez payant de s'occuper des phoques. Cela a mené en 1972 à la Marine Mammal Protection Act des États-Unis, qui a été adopté sans aucune raison scientifique. Cela a passé sans que le Canada ne proteste outre mesure. Cela a été une erreur majeure. À partir de là, on connaît toute la situation.

Cela concernait un petit groupe de chasseurs des Maritimes. Cela n'était pas très important comme chasse. C'est probablement passé au niveau politique en échange d'autres choses, mais cela a quand même ouvert la porte grande sur autre chose.

En 1977, il y a eu l'épisode qu'on connaît avec Brigitte Bardot. Les groupes se sont rendu compte que d'associer des vedettes à ces causes était assez payant. En 1984, la Commission Malouf arrive, deuxième erreur importante.

On arrête encore une fois la chasse au blanchon, principal revenu de l'industrie, sans fondement scientifique, étant donné la pression du public. Encore une fois, ce fut une grave erreur. Au début, des groupes sérieux se prononçaient contre la chasse car ils trouvaient qu'il y avait des abus à différents niveaux. Or, ces groupes ont tous disparu dès qu'on a indiqué à la Commission Malouf que ces troupeaux n'étaient pas du tout en danger d'extinction. Les méthodes de chasse utilisées, soit le fusil et le hakapik, sont en ce moment les meilleures et les plus efficaces. Les organismes tels World Wildlife Fund et Greenpeace se sont retirés en affirmant qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, alors qu'il existe d'autres espèces en véritable danger d'extinction sur lesquelles se concentrer. Les groupes qui sont demeurés sont ceux que l'on appelle les « animalistes » qui, sans raison scientifique ou autres, s'opposaient à la chasse.

Toutes ces erreurs commises avec la Marine Mammal Protection Act, l'importance accordée à la Commission Malouf et à l'importance d'arrêter la chasse ont donné des munitions à ces groupes. Si bien que, aujourd'hui, en 2011, 38 ans plus tard, on a un embargo commercial en Europe sur les produits du phoque, encore une fois sans aucune raison. La population de phoques du Groenland s'élève à 10 millions et on parle de 400 000 phoques gris. On trouve environ 500 phoques moines dans la Méditerranée. L'espèce est en voie d'extinction et personne n'en parle. Par contre, ici le sujet soulève tout un tollé. C'est tout à fait illogique.

Quoi qu'il en soit, la grande question était de savoir si le phoque gris est une espace à part. Si on lui accordait la même importance qu'au coyote, au loup, à l'oie, au sanglier ou peu importe l'espèce, la commission n'existerait pas. On dirait qu'il y en a trop et il faut les abattre, un point c'est tout, car c'est ce qu'on fait avec les autres espèces animales. Où est l'erreur? En quoi le phoque gris et le phoque du Groenland sont-ils différents?

Les « animalistes » jouent sur les cordes sensibles depuis près de 40 ans. Un sondage TNS Canadian Fact, l'an dernier ou il y a deux ans, démontrait que 63 p. 100 des Canadiens, malgré le fait qu'ils étaient plus ou moins bien renseignés sur le sujet, appuyaient la chasse aux phoques si elle était bien faite et pour l'équilibre de l'écosystème.

On dit des « animalistes » qu'ils sont divisés en deux groupes : les manipulés et les manipulateurs. Les manipulés forment la majorité des gens qui font des dons pour cette cause. Les manipulateurs sont ceux qui savent très bien que la population des phoques est nombreuse, que le problème ne se pose pas, mais que cette cause rapporte 250 millions de dollars par année à quatre groupes américains. Ils font beaucoup plus d'argent avec le phoque que nous pouvons en faire.

Le rôle d'un gouvernement est d'agir en bon père de famille, soit de prendre les décisions, qu'elles soient populaires ou non, en se basant sur des faits. C'est pourquoi nous sommes devant vous aujourd'hui. Nous vous présentons des faits et des gens viennent témoigner pour vous dire qu'il y a un problème avec le phoque gris. Le problème est tel que, s'il n'est pas bientôt réglé, il sera trop tard.

Il est un peu bizarre de se faire donner la leçon par les États-Unis et l'Europe sur cette question. La seule chose qu'on peut reprocher au Canada dans ce dossier, c'est de ne pas contrôler la population des phoques alors qu'elle est trop importante. Aux États-Unis, on retrouve pas mal moins de phoques. En Europe, il n'y en a presque plus. Ils ont exterminé leur population de phoques. Or, nous en avons en surplus. On pourrait même leur en envoyer si ça leur fait plaisir.

Comme je le disais précédemment, il s'agit de méthodes de gestion, comme c'est le cas pour toutes les espèces animales. En cas de surpopulation, on fait trois choses : on introduit un prédateur et/ou on déplace un certain nombre d'individus sur d'autres territoires et/ou on réduit la population par abattage sélectif. Pour le phoque gris, on ne peut pas utiliser les deux premières solutions. Il en reste donc une.

Cette question soulève tout un tollé, alors que pour le renard, le coyote, le loup, le cerf, l'oie, le kangourou et plusieurs autres espèces, en cas de surpopulation, on pratique l'abattage.

Les « animalistes » martèlent le message que l'abattage représente un manque de respect. Or, ce n'est évidemment pas le cas. Tout le monde est conscient que, depuis la nuit des temps, chaque espace de cette planète vit de la mort d'une autre espèce, qu'elle soit animale ou végétale, et il en sera toujours ainsi. Les gens comme nous qui vivons loin des grands centres sont très sensibles à cette réalité, qui constitue la seule façon de vivre dignement dans ces communautés. On retrouve ici des gens de Terre-Neuve et d'un peu partout au pays. Lorsqu'on n'est pas ingénieur en bâtiment, par exemple, et que l'on vit aux Îles-de-la-Madeleine, une certaine réalité fait que l'on doit vivre des ressources qui nous entourent. C'est ce que nous tentons de faire. Manquer de respect envers une telle ressource nous place dans une situation précaire. Personne ne viendra témoigner devant ce comité pour dire que nous voulons exterminer le phoque gris. Nous voulons contrôler sa population et rétablir l'équilibre de l'écosystème.

Notre premier choix serait d'utiliser cette ressource. Sur la diapo, on montre ce qui a été fait avec le phoque du Groenland. Pour le phoque gris, le potentiel est à peu près le même. Toutefois, on doit refaire des études, mesurer à nouveau les taux de mercure, la densité des peaux, le genre de fourrure. En attendant, on a un problème majeur de surpopulation qu'il faut régler. Et dans le processus, on fera des études et on exploitera la ressource. Le potentiel est là.

Nous avons apporté avec nous des produits. Je vous invite à les goûter et les examiner. Vous verrez que ce sont d'excellents produits. On fabrique des bottes, on produit des omégas 3. Des études ont même été réalisées sur les valves cardiaques. Dernièrement, nous nous sommes entretenus avec des scientifiques qui indiquent que l'on pourrait se servir du phoque comme appâts pour les crustacés et la pêche au homard ou au crabe. D'ailleurs, nous commençons à éprouver des problèmes en ce sens. Il y a de moins en moins d'appâts pour pêcher les crustacés. Si on prend une espèce de poissons menacée pour pêcher le homard, on arrivera sur le marché avec la traçabilité des produits et on nous dira qu'on ne peut pas utiliser une espèce en voie d'extinction pour prendre du homard, malgré la plus value. Avec les produits du phoque, la situation serait idéale. On pourrait utiliser des appâts à partir de produits du phoque, alors qu'il en existe une très grande quantité, tout en ménageant les espèces de poissons utilisés présentement comme appâts.

La situation serait idéale. Toutefois, pour ce faire, il faut l'approbation des politiques. Avec la Marine Mammal Protection Act et tout ce qui se passe pour réduire le marché, la tâche est plutôt difficile. Les « animalistes », bizarrement, nous blâment de ne pas avoir de marché. Or, il existe une foule de solutions. Ces groupes à la fois nous restreignent le marché et nous reprochent de ne pas en avoir.

En conclusion, le contrôle de la population de phoques gris n'est pas une option mais une nécessité. Nous ne nous demandons pas si on doit le faire. Nous nous demandons comment le faire. Il faut se pencher sur la question. Nous préférerions utiliser la ressource. Cependant, la priorité doit être mise sur le contrôle de la population. En ce faisant, on ferait d'une pierre deux coups. On créerait à la fois de l'emploi pour les chasseurs de phoques, on nourrirait une industrie qui a un fort potentiel, on rétablirait l'écosystème, tout en donnant du travail aux pêcheurs qui n'en ont plus. La situation est gagnante sur toute la ligne.

Je vous remercie de votre attention. J'espère ne pas avoir pris trop de temps et aussi que vous aurez plusieurs questions sur le sujet.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. C'était un exposé très intéressant. Je suis certain qu'il a éveillé l'intérêt de certains sénateurs autour de la table. Comme d'habitude, nous allons passer à notre première question posée par la vice- présidente du comité, le sénateur Hubley.

Je voudrais auparavant souhaiter la bienvenue au sénateur Don Oliver, qui nous a rejoints depuis que vous avez fait votre exposé. Il est aussi de la Nouvelle-Écosse. Nous sommes heureux de l'avoir parmi nous. Ses connaissances nous sont très utiles et de bien des façons.

Le sénateur Hubley : Bienvenue, et merci d'être venus de loin pour nous apporter votre témoignage ce soir. Je vais vous poser quelques questions sur l'Association des chasseurs de phoques des Îles-de-la-Madeleine, si vous le permettez. Combien de chasseurs de phoques votre association compte-t-elle? Combien de chasseurs de phoques représentez-vous?

[Français]

M. Longuépée : Aux Îles-de-la-Madeleine, 800 chasseurs, chaque année, obtiennent leur permis. Sur 800 chasseurs, on peut dire qu'environ 400 chasseurs sont des chasseurs commerciaux qui vont participer à la chasse chaque année. On n'est pas obligé d'être pêcheur pour être chasseur. Chez nous, il y a des docteurs qui sont chasseurs, des avocats; n'importe qui peut être chasseur. On suit une formation; ça prend quelque temps pour avoir de l'expérience, on va à la chasse avec des gens et c'est ça qui nous permet d'être chasseur.

Nous ne représentons pas 800 chasseurs à l'association, parce que beaucoup de chasseurs sont des pêcheurs qui font aussi partie des associations de pêcheurs. Mais nous siégeons tous sur le même comité de la chasse aux phoques aux Îles-de-la-Madeleine. Je représente tous les chasseurs des Îles-de-la-Madeleine.

[Traduction]

Le sénateur Hubley : Merci. Comment votre association est-elle financée?

[Français]

M. Longuépée : C'est très difficile pour le financement de l'association. Nous avons de l'aide de notre gouvernement du Québec, par le biais du MAPAQ, le ministère des Pêches et de l'Agriculture, qui nous octroie depuis deux ans une subvention pour nous aider. C'est ainsi que nous avons pu engager Gil Thériault, en communications, pour avoir une stratégie de communication pour faire face aux groupes d' »animalistes » qui nous martèlent depuis 40 ans.

Sinon, on vend des cartes de membres. Je travaille bénévolement, je suis pêcheur de homards; je peux vous dire que je fais beaucoup, beaucoup d'heures, bénévolement. Ce n'est pas que je me sens obligé de le faire, mais j'ai vraiment un sentiment d'angoisse quand les gens nous traitent de barbares, aux Îles-de-la-Madeleine. Nous sommes une petite communauté, nous avons toujours grandi en vivant de nos ressources halieutiques. Pour nous, un jour, le phoque nous a permis de nous nourrir. Vu que nous étions isolés durant de longs mois d'hiver et qu'il n'y avait pas de transports comme l'avion, la seule nourriture fraîche qu'on avait au printemps, c'était le phoque.

Pendant des décennies, les gens des Îles-de-la-Madeleine ont sauvé leur vie avec le phoque. Par la suite, ce sont les Européens qui sont venus nous montrer qu'on pouvait commercialiser le loup marin. Américains, Bretons, Basques, tout le monde profitait de la richesse du phoque. Aujourd'hui, ce sont les mêmes gens qui nous disent qu'on ne devrait plus le tuer.

J'ai fait la rencontre à plusieurs reprises de Sheryl Fink, responsable d'IFAW. Je suis venu l'année passée au parlement d'Ottawa et nous avons fait une présentation. Nous avons apporté de la viande de loup marin; tout le monde en a dégusté, sauf elle. Je pense que c'était par respect envers son travail.

Par la suite elle est venue me voir, et je lui ai demandé : pourquoi est-ce que tu ne goûte pas la viande de loup marin? Pendant 40 ans, vous nous avez dit qu'on chassait seulement pour la fourrure. Aujourd'hui, on développe l'oméga-3, on développe le collagène; on est en train de faire des études sur les valves cardiaques et on vend toujours la fourrure. Cette même personne m'a dit : « On n'a rien contre vous autres pour le fait que vous développiez la viande, mais laissez la fourrure sur la banquise ». Cette dame avait de belles bottes en cuir. Je lui ai dit : « tes bottes, elles sont faites de quoi? » Elle m'a dit : « c'est du synthétique. » Le synthétique est en train de détruire notre planète. C'est du pétrole qu'on gaspille et qu'on détruit.

Ce que nous voulons, aux Îles-de-la-Madeleine, c'est nous servir de nos ressources naturelles. Le phoque est là, on parle de 10 millions d'individus. On parle présentement de surpopulation du phoque gris. Notre but est de faire baisser la population pour garder nos ressources halieutiques. Mais si nous pouvons, par la suite, commercialiser le phoque gris, nous en serons des plus enchantés parce que nous aimons pouvoir profiter de notre ressource.

Présentement, notre but n'est pas d'essayer de trouver des marchés pour le phoque gris, c'est plutôt de faire baisser la population. Présentement je suis sur l'assurance emploi pour la période hivernale car je ne peux pas pêcher, Si cela continue, je serai toujours sur l'assurance emploi parce que je ne pourrai plus travailler. Le fait que nous soyons ici, que je vienne bénévolement vous parler, c'est parce que j'ai des inquiétudes pour toute ma communauté.

J'espère que vous allez nous écouter et comprendre que le phoque gris, aux yeux des gens, c'est un problème; mais pour nous autres, c'est doublement un problème. Ils sont dans notre frigo et on ne peut plus les empêcher de manger.

M. Thériault : Ça fait une quarantaine d'années que les groupes d' « animalistes » sont associés à ce dossier. Je pense qu'il faut faire un constat clair — on aurait pu le faire depuis longtemps — mais jamais on ne pourra plaire à ces gens. Jamais. Ça fait 40 ans qu'on essaie de le faire. On a changé les méthodes, les quotas. De toute façon, de façon réaliste, et cela fait longtemps que j'observe le dossier et je l'ai étudié de fond en comble, ce qu'ils veulent, ce n'est pas arrêter la chasse au phoque. Comme je vous l'ai montré tout à l'heure, ils font plus d'argent avec ça que nous n'en faisons. Leur boulot c'est d'alimenter la controverse, et c'est avec ça qu'ils font des sous.

Donc jamais on ne réussira à plaire à ces gens-là, ils vont toujours trouver une façon de dire : « non, il y a quelque chose qui ne va pas ». Si ce n'est pas la viande, c'est la fourrure; si ce n'est pas la fourrure, ça va être autre chose. Il y aura toujours quelque chose. Quand je parlais tout à l'heure d'agir en bon père de famille, c'est ça. Même s'il y a moins de 1 p. 100 de la population qui est végétarienne, et encore beaucoup moins qui est végétalienne, une grande partie de ces gens se moquent un peu de savoir si on mange de la viande ou pas. On parle d'un très faible pourcentage de fanatiques vis-à-vis de ça. Le reste, ce sont tous des gens mal informés. Si on mange du porc, du poulet ou n'importe quoi d'autre, pourquoi pas du phoque? Pourquoi ne pas exploiter le phoque? Encore une fois, c'est quoi la différence?

À un moment donné il faut prendre des décisions logiques pour protéger les communautés côtières, l'écosystème, les stocks de poisson, et faire ce qu'il faut pour contrôler ces populations, point à la ligne.

[Traduction]

Le sénateur Oliver : Je vous remercie beaucoup pour votre exposé. Je m'excuse de mon retard, j'avais une autre réunion.

J'ai beaucoup aimé votre témoignage parce que vous avez présenté des faits qui vont dans le sens de ce que je savais de la situation. Étant donné les connaissances et l'expérience que vous avez, ce témoignage est très utile.

Une des choses que vous avez dites dans votre exposé est que si on ne s'occupe pas de cette question bientôt, il sera trop tard. J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur les raisons pour lesquelles « il sera trop tard ».

[Français]

M. Cyr : Merci de la question. Quand on dit qu'il sera trop tard, il faut dire que c'est depuis les années 1990 qu'on parle de phoque, et ce n'est pas seulement aux Îles-de-la-Madeleine; c'est l'ensemble du golfe. On parle d'Anticosti, de la Gaspésie, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, de l'intérieur du golfe; de l'extérieur du golfe aussi : Sidney, South Nova, le Cap-Breton; partout, ils sont concernés par le problème du phoque gris.

Quand on regarde nos problèmes de pêche, les résultats de toute la pêcherie qu'il y a eu depuis les années 1990, les moratoires, les uns après les autres, toutes les espèces, quelles espèces vont bien dans le golfe, sauf le homard? Je n'en trouve plus.

Certes, il y a probablement eu des problèmes avec la gestion. Les pêcheurs veulent toujours pêcher, certes. Mais aujourd'hui avec les moratoires de la morue, les recrutements qu'on retrouve surtout dans la morue, on voit qu'il y a un problème quelque part. Dans les années 1990, il y avait des morues qui étaient assez grosses pour pondre. On s'apercevait que toutes les petites morues disparaissaient. Quelque chose ne fonctionnait pas. On pouvait bien dire que l'eau chaude, l'eau froide ou autre chose en était la cause. D'autres comme moi voyaient très bien le problème des phoques gris sur cette ressource. Comme je dis, leur territoire, leur garderie, le terrain de jeu des phoques gris, c'est la petite eau de 20 brasses et moins. Mais c'est là que toute la petite morue de moins de trois ans a disparu. On ne la retrouve plus dans nos traits de chalut expérimentaux. Il y avait un problème. On a rouvert la pêche, toujours de la même manière et le stock de phoques gris augmentait toujours. Son comportement changeait vis-à-vis nous. Avant, c'était le pêcheur qui courait après le poisson, aujourd'hui, c'est le phoque gris qui court après le pêcheur. C'est ce qu'on appelle la déprédation. Il se nourrit souvent à partir du pêcheur.

L'autre aspect aussi, c'est qu'à chaque endroit où il y a une concentration de poissons, que ce soit dans les frayères, les concentrations de maquereaux, de morues juvéniles qui viennent se nourrir près de la côte, dans les fourrages, dans le capelan, le lançon, tout ce qu'on voit, ce sont des milliers de phoques gris.

Hier, je parlais à des gens de la Gaspésie, à la pêche aux harengs sur le banc de Pabos, à Miscou. Ils placent leurs filets à harengs à l'eau et il y avait des milliers de phoques gris autour. Il y en a partout, même aux entrées des rivières. Les pêcheurs ne savent plus quoi faire.

On parlait des gens de Terre-Neuve qui voulaient faire des coups de senne de leurs harengs. Ils ne pouvaient pas les jeter. Il y avait trop de phoques du Groenland là-bas. Cela a un impact sur le hareng parce qu'il ne viendra pas frayer. Il faut qu'il aille au fond. Il y a un endroit spécifique. Ils passent en dessous. Ils le poussent.

Le sénateur Oliver : Quelle en est la conséquence?

[Traduction]

Que se passera-t-il si rien n'est fait? Si la population continue à augmenter, quelle en sera la conséquence? Pourquoi sera-t-il trop tard?

[Français]

M. Cyr : Beaucoup d'espèces sont disparues déjà et on va avoir de la difficulté à voir leur population augmenter même s'il n'y avait pas de phoque. Imaginez aujourd'hui avec la quantité de phoques et le dérangement dans tous les secteurs où il y a un peu de poisson, je ne vois pas comment on va pouvoir remonter les stocks de poissons. Cela devient presque impossible à l'heure actuelle. Cela fait depuis les années 1990 qu'on amène tous les problèmes sur les poissons de fond au comité consultatif à Moncton, année après année.

Je suis l'homme qui a apporté la tête de phoque au comité pour leur dire que nous avons une flotte de pêche qui n'a jamais été représentée dans un comité dans le but de le faire réagir. Beaucoup de gens de Pêches et Océans ont ri. Ils ont ri, mais ils n'ont pas réagi. Nous conservons encore le même problème. On ne sait plus quoi faire.

Si on ne réagit pas, on va tout perdre. Il y a un dérangement de la petite morue. Cela pousse la morue vers des eaux qui ne sont pas vraiment propices pour la petite morue. Il y a de la consommation et de la prédation. Si on pense aux parasites de la morue, combien en coûte-t-il à l'industrie d'avoir des loups-marins? Les parasites qu'ils donnent aux poissons. On parlait de la morue. J'ai eu une expérience au ministère de 2008 à 2011, trois ans, le temps du moratoire. Je vérifie cette année le foie des morues. Seulement cette année, il y a trois fois plus de parasites. On ne voyait jamais un ver dans le flétan dans les années 1990. Depuis trois ou quatre ans, dans tous les flancs de flétans, on commence à voir des parasites. Les parasites sont partout.

Cette année, notre gouvernement québécois a investi beaucoup d'argent pour le maquereau pour la consommation humaine parce que c'est une chair excellente pour la santé grâce à ses oméga-3. On commence à retrouver des vers dans le maquereau. Où est-ce qu'on s'en va si on laisse les phoques là? Que ce soit le phoque de Terre-Neuve ou du Groenland, on regardait ça aujourd'hui avec les gens de là-bas, si on laisse le phoque gris dans notre région, dans le golfe et même du côté du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, on va perdre toutes nos ressources.

C'est le garde-manger de toute la population de l'Est du Canada et c'est le seul qu'on a. On ne fera pas pousser des carottes et plein de choses à Terre-Neuve. Ce n'est pas vrai. La terre n'est pas nécessairement propice à cela. Oui, certes, on va manger des patates à l'Île-du-Prince-Édouard, mais on ne pourra pas nourrir les phoques avec. C'est la réalité.

Il y a quelque chose à faire et il faut commencer tout de suite. On n'a pas nécessairement de grands projets en tête parce qu'on a le problème avec le phoque du Groenland, le phoque gris. Il y a peut-être de la commercialisation à faire, mais il faut absolument commencer quelque part et c'est là où nous en sommes. Il faut absolument commencer quelque part pour sauver nos communautés.

Comme Denis le disait, depuis les années 1980 que je fais ça bénévolement. Personne ne m'a jamais donné un sou. Pour témoigner aux comités, je suis obligé de me déplacer bénévolement à titre d'expert. Ce n'est pas normal. Je ne le fais pas juste pour moi. Il y a de jeunes pêcheurs en arrière de moi. Je ne vois pas du tout où ces gens vont se placer parce qu'on ne règle pas les problèmes quand ils sont là. Si on parle d'approches de précaution avec le ministère de Pêches et Océans, il aurait dû le faire il y a 10 ans quand il a commencé à l'énoncer. On n'en serait pas là.

M. Longuépée : Quand on parle de ver que l'on retrouve dans le poisson, ce sont des excréments des mammifères marins, le phoque, qui est rejeté dans le fond de l'eau, qui est mangé par les poissons et qui fait développer les vers. Autrefois, on en retrouvait seulement dans la morue et aujourd'hui, on le retrouve dans toutes les espèces de poisson. Si on préfère laisser augmenter la population de phoques, il y en aura de plus en plus et on ne pourra plus commercialiser aucun produit dans le golfe du Saint-Laurent.

M. Thériault : J'aimerais faire un commentaire. Si on recule d'une cinquantaine d'années, Ghislain peut en parler mieux que moi, mais les pêcheurs travaillaient pratiquement à l'année. Ces gens arrêtaient un mois l'hiver, peut-être.

M. Cyr : On commençait à travailler sur l'eau au début du mois de mars avec le loup-marin et je n'ai jamais fini avant le 15 novembre. Tous les jours de l'année, on avait quelque chose à pêcher. Premièrement, dans ce temps-là, c'était moins compliqué parce qu'on prenait un permis au printemps et on allait à la pêche comme on voulait et on pêchait toute l'année. Aujourd'hui, avec les conditions de pêche, tout ce qu'il y a à remplir, c'est différent. Et il n'y a plus de pêche.

M. Thériault : C'est choquant parce que les populations des Maritimes ont souvent l'air d'assistés, mais ces gens ont été poussés vers ça et on continue à les pousser.

Le phoque gris est un des problèmes. Ce n'est pas « le » problème. Il y en a toujours eu d'autres et il y en aura d'autres, mais c'est toujours l'inaction qui pousse. On ferme une pêche ici et on en ferme une autre là et une autre là. On se ramasse avec des gens qui, en fin de compte, dans une année, sont contents quand ils travaillent 12 ou 14 semaines. C'est absolument anormal.

Le sénateur Poirier : Merci Messieurs de votre présentation. J'ai quelques questions suite à ce qu'on a déjà entendu. Tout à l'heure vous avez expliqué la raison pour laquelle il y avait des vers dans les différents poissons maintenant alors qu'il n'y en avait pas avant. Est-ce en raison de l'arrivée des phoques gris ou ce problème existait-il déjà avec les phoques du Groenland?

M. Cyr : Si on regarde juste dans les années 1980, le nombre de phoques gris était autour de 10 000, 12 000, et on a vu une augmentation directe en ce qui a trait au ver de la morue. La ligne a suivi la même courbe.

Du côté de Terre-Neuve-et-Labrador, à l'intérieur du golfe, ils y ont pris de la morue et l'ont amenée en Gaspésie, cette année, puis ils l'ont traitée. Cela a pris quelques personnes pour enlever les parasites.

Ils ont pris la morue de notre zone, du côté du canal Laurentien qui passe tout le long du canal Laurentien et qui passe à l'intérieur du golfe. Ils ont été obligés d'engager beaucoup plus de monde parce qu'il y avait dix fois plus de parasites dans la chair de la morue. Puis si on venait à la côte chez nous, c'est encore pire. Parce que souvent, il y a tellement de parasites que lorsqu'on fait un filet, le filet est tellement atrophié qu'il n'y a qu'une solution et c'est de les remettre en mer. Cela n'a aucun sens. En plus, ça touche d'autres espèces. Comme on dit chez nous, des fois on faisait des filets de plie. Puis on dit que lorsqu'on fait le filet, on le met sur la table, il se déplace tout seul. Ce n'est pas normal.

M. Longuépée : Le phoque du Groenland vient mettre bas dans l'estuaire du Saint-Laurent et sur les côtes de Terre- Neuve-et-Labrador, mais il ne reste jamais à l'année. L'impact des excréments n'est donc pas le même. Il n'y en a presque pas et l'eau en plus est tellement froide quand ils viennent que les larves ne se développent pas de la même façon que les larves du phoque gris qui sont là l'été, à un moment où l'eau est beaucoup plus chaude. Il y a donc beaucoup plus de facilité.

Le sénateur Poirier : Selon vous, quelle est la cause de l'augmentation de la population de phoques gris?

M. Longuépée : Le manque de gestion de Pêches et Océans Canada. Il n'y a aucun prédateur dans le golfe du Saint- Laurent pour le phoque gris. Le seul prédateur, c'est l'être humain.

Il y a 20 ans, le gouvernement s'est aperçu que la population de phoques gris a commencé à augmenter. Ils ont alors octroyé des permis pour essayer de contenir la population. À une époque, cela a fonctionné. Les pêcheurs, les chasseurs étaient payés. Si on allait à la pêche et qu'on voyait un phoque, il fallait ramener la mâchoire et les gens étaient alors payés. Il y a de cela environ 25 ans. C'a été abandonné depuis avec l'embargo européen et tout ce qui s'est ensuivi et c'en est resté là.

Depuis, je ne suis pas un scientifique ni un pêcheur assez expérimenté du phoque gris pour savoir tout ce qui s'est passé. C'est pour ça qu'on prend des pêcheurs d'expérience qui sont depuis 40 ans sur le terrain. Eux, ils ont vu l'évolution du troupeau. Moi, je suis un jeune pêcheur. Avant, on pêchait du poisson et aujourd'hui on pêche des phoques. Parce qu'ils sont toujours après nos appâts. Autrefois, ce n'était pas comme ça. On a vraiment vu une augmentation. Ils disent que, normalement, il devrait y avoir un prédateur. Il y a le requin. Chez nous, on n'aime mieux pas le voir parce qu'on a de belles plages puis que l'été on est couchés sur les plages. Il n'y en a pas beaucoup de requins. Il y en a un de temps en temps puis lorsqu'il y en a, des fois il se fait pogner dans le filet. Mais il n'y a pas assez de requins pour calculer et travailler sur la population de phoques gris. La population augmente donc toujours.

Le sénateur Poirier : Vous dites que l'être humain est le prédateur. Est-ce que des êtres humains sont aujourd'hui les prédateurs du phoque gris? Est-ce qu'il y a une autorisation, un quota, un droit à la chasse?

M. Longuépée : Présentement, Ghislain effectue de la chasse avec des permis scientifiques afin de faire des prélèvements pour connaître l'âge, la consommation et plein de choses. Mais on a le droit, en tant que pêcheur, de prendre un permis qu'on appelle un permis de nuisance. Si je suis à la pêche au flétan et que j'ai un phoque autour de moi, c'est impossible que je pêche du flétan. Ce que je peux faire, c'est tuer le phoque et après je peux continuer ma pêche. J'ai le droit de le faire.

Pour nous, notre but premier n'est pas de chasser le phoque, mais bien de pêcher. Mais quand on a une nuisance à côté, on n'a pas le choix de le faire. Depuis des années, on dit au gouvernement qu'il faut diminuer la population des phoques. Avant ça, on ne voyait pas les phoques gris autour des bateaux. On les voyait à certains endroits. Mais là, on les voit en bancs. On peut parler des fois de 100 individus ensemble qui suivent les bateaux parce qu'ils savent qu'on va aller pêcher du poisson. Ils n'ont plus besoin de courir les poissons; ils courent nos bateaux. Le seul bateau qui leur fait peur présentement aux Îles-de-la-Madeleine, c'est son bateau à lui. Ils reconnaissent le bruit du bateau, parce qu'ils savent qu'il a le droit d'en chasser plus que nous autres.

Le sénateur Poirier : Vous avez parlé, plus tôt, de différents produits du phoque qui ont un potentiel commercial. J'imagine qu'on parlait du phoque du Groenland.

Pensez-vous qu'il y a un potentiel de marché pour les phoques gris tels les produits que vous avez montrés ici, ainsi qu'une possibilité de recherches que vous faites présentement avec les valves cardiaques?

M. Longuépée : Depuis 40 ans, on se bat pour essayer de développer nos produits. Mais on a toujours les groupes « animalistes » contre nous. On a réussi, aujourd'hui, à avoir des produits tels les oméga-3, le collagène, les valves cardiaques, la viande et la fourrure. Cela vient des entreprises de pêche et des entreprises de chasse afin de développer ces produits. Ça nous a pris 40 ans. Si on veut faire la même chose avec le phoque gris, où est le problème? Pour le gouvernement canadien, le phoque est un poisson et pour le gouvernement provincial, le phoque est une viande. Alors, ce qu'on propose, c'est que c'est ni un poisson ni de la viande; c'est un mammifère marin.

Les lois deviennent alors beaucoup moins strictes. Pour le poisson, on a le droit de manger du thon qui a un petit taux de mercure. C'est normal dans le poisson, comme le maquereau ou certains autres poissons. On en mange tellement peu qu'il n'y a aucun problème pour la consommation humaine. Si on en parle en tant que viande, on n'a pas le droit d'avoir un pourcentage de mercure. Concernant tout le problème de commercialisation avec la Chine, on est toujours à discuter à savoir ce qu'est le phoque. Est-ce du poisson ou de la viande? Nous, on dit que c'est ni l'un ni l'autre, mais un mammifère marin. Pour régler nos problèmes, il faut commencer à spécifier que le phoque est un mammifère marin et nous pourrons alors le gérer comme tel. À partir de là, quand on parlera de mammifères marins, ce sera beaucoup plus facile pour nous de le commercialiser. J'ai de la viande de loup marin, mais je suis dans l'illégalité parce que je n'ai pas le droit, normalement, de traverser les provinces avec ça. Je me dis que ce n'est pas grave, que je le fais pour les sénateurs. Vous êtes plus important que bien du monde.

Il est bon. Il n'a aucun problème. Il est conforme aux normes du Québec. Mais pour le commercialiser à l'extérieur du Québec, il ne faut pas que ce soit une viande, mais plutôt un poisson. Vous en avez au Parlement du Canada et le chef cuisinier du Parlement à Ottawa va l'acheter à Gatineau, parce qu'il ne peut pas l'acheter en Ontario. Quand on parle de commercialiser un produit, il faut que le gouvernement nous aide. On est prêt à le commercialiser. Ça fait 40 ans qu'on travaille pour développer nos produits. Les gens nous traitent de barbares, mais dans un avenir très proche nous allons sauver des vies humaines avec nos valves cardiaques. Avec le collagène, on guérit les brûlés. Nous avons des oméga-3 qu'on ne trouve plus dans le poisson. Il ne reste qu'au gouvernement à nous aider. Les occasions sont tellement grandes, quand on pense à la Chine que, juste pour eux, on ne pourrait pas suffire à la demande.

M. Thériault : Vous demandez s'il y a un potentiel commercial. Il est énorme. C'est incroyable, le potentiel commercial. Est-ce qu'il y a un marché? C'est une autre question. Justement, il y a plein de facteurs extérieurs au fait que ce soit un excellent produit. Il y a tous les embargos, la question d'image, la question de la réglementation, et cetera. Il y a beaucoup de bâtons dans les roues.

Mais si vous nous demandez s'il y a un potentiel et si c'est un bon produit; c'est incroyable, c'est presque un produit miracle.

Le sénateur Poirier : Vous avez mentionné, monsieur Thériault, que ceux qui sont contre la chasse au phoque font plus d'argent que les pêcheurs. Les gens font la chasse à l'ours, à l'orignal, au chevreuil. On n'entend pas ce genre de protestations. Donc à la fin de la journée, est-ce que c'est plus la piastre qui contrôle ça qu'autre chose?

M. Thériault : Totalement, à 100 p. 100. Je le disais tout à l'heure et je le pense. Si vous étudiez le dossier comme il faut, vous allez voir que c'est vraiment le cas. Il y a des centaines de milliers de gens qui sont manipulés par des campagnes de désinformation et qui vont donner de l'argent pour des causes qui n'en sont pas, probablement pour se déculpabiliser de bien d'autres choses. L'espèce n'est pas en voie d'extinction. La façon dont elle est abattue est meilleure que dans les abattoirs fédérés. Ils savent tout cela, mais ils continuent de faire des campagnes pour sauver le bébé phoque.

Le bébé phoque, on s'entend, c'est encore du marketing. On ne dit pas un « bébé vache » ou un « bébé cheval ». D'ailleurs, quelqu'un de Terre-Neuve disait qu'à chaque fois qu'il entendait « bébé phoque », il demandait : « Do you have a human puppy at home? » Si tu utilises « bébé phoque », tu peux faire la logique inverse puis tu t'aperçois que ça fait un peu bizarre. Les gens ne se posent pas la question, tout le monde dit « bébé phoque ».

Ça fait 40 ans que ces gens font de la désinformation, à un point tel que, encore une fois, on tient une séance là- dessus aujourd'hui. Si c'était n'importe quel autre animal, on n'en ferait pas. On dirait : « Il y en a trop, tuez-les. »

M. Longuépée : Vous parliez de la chasse à l'orignal et au chevreuil. Il n'y a aucune autre chasse pour laquelle il est permis d'aller filmer comme nous sommes filmés. Le gouvernement a donné le droit à ces gens de venir nous filmer. La réglementation exige d'être à 10 mètres, 30 pieds. On utilise aujourd'hui des carabines qui tirent à un mille, et ces gens ont le droit de venir nous filmer en étant à dix mètres de nous!

Premièrement, on est stressé des conditions de chasse. Et deuxièmement, on est stressé parce que s'il arrivait un accident et qu'on tirait sur une de ces personnes, c'est sûr qu'ils diraient qu'on a fait exprès. Des accidents de chasse, il s'en passe partout. Il n'y a personne qui est coupable lors d'un accident de chasse. Mais nous, sur la banquise, on est confronté à ces gens à chaque jour.

J'ai été en Europe avec le sénateur Manning, et je voyais mes amis, en direct, chasser le phoque aux Îles-de-la- Madeleine. Ils faisaient un travail professionnel, il n'y avait rien qui était mal. Mais selon les gens en Europe, c'était un scandale. C'est sûr que personne n'aime voir un animal se faire tuer. Je suis chasseur et le premier phoque que je tue, j'ai un petit pincement, mais je sais que je ne le fais pas pour le plaisir. Je le fais parce que j'apporte de la viande chez nous, cela me rapporte de l'argent, je fais vivre des gens, je guéris des gens.

Quand on pense que la présidente de la Humane Society, Rebecca Aldworth, gagne 500 000 $ par année — une présidente au Canada —, c'est plus que votre salaire, plus que celui du premier ministre du Canada et plus que celui du président des États-Unis! Ça n'a pas de bons sens que ces gens fassent plus d'argent qu'on en gagne. En quelque part, les gens aiment mieux donner, comme Bob Barker qui a donné cinq millions de dollars — un chèque en blanc — pour aider M. Paul Watson, qui avait perdu un bateau au Japon. Ces gens sont déconnectés de la réalité. C'est notre problème aujourd'hui.

M. Cyr : Je voudrais ajouter quelque chose au sujet du marché, si vous me le permettez. On travaille beaucoup pour envoyer des produits en Chine et ailleurs. Je me dis que si on pouvait juste enlever les barrières du Canada pour que les produits du loup marin soient disponibles partout, ce serait fantastique. On dit que l'huile de loup marin, les oméga-3, c'est bon pour les problèmes cardiaques. Pourquoi envoyer ça aux Chinois alors que nous, les Nord-Américains, avons plus de problèmes cardiaques? On aurait un marché ici, autour de nous. Commençons par développer le produit chez nous, s'il devient intéressant ici, il le sera sûrement aussi pour les autres.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Merci d'être venus ce soir. Je n'ai pas beaucoup de questions parce que j'approuve tout ce que vous dites. Comme j'ai grandi dans une communauté de pêcheurs, j'ai vu les ravages causés par les chalutiers-usines au large de Louisbourg pendant 35 ou 40 ans. J'ai vu des navires venir à Louisbourg avec 230 000 vivaneaux à queue jaune et 60 000 morues pêchées accidentellement, et trois ou quatre usines qui fonctionnaient. Il ne reste plus rien. Ça s'est passé comme ça pendant des générations parce que les bureaucrates du gouvernement canadien ont vendu les gens à des gouvernements étrangers. C'est un autre exemple de ce qui s'est passé pendant des décennies.

J'étais à San Antonio cet été. J'ai vu à la télévision une publicité contre la chasse au phoque et ils montraient des blanchons. C'est contre ça qu'on se bat. D'une certaine façon, on se bat contre nous-mêmes. Le gouvernement du Canada doit prendre position sur ces industries au nom des communautés de pêcheurs, des chasseurs de phoques et des populations de la côte Est du Canada.

Il y a beaucoup de questions concernant le développement de marchés pour ces produits, mais je suis d'avis que, peu importe si on peut trouver des marchés à l'heure actuelle, il faut faire quelque chose en ce qui concerne le nombre de phoques. S'ils étaient abattus pour servir de nourriture aux homards, qu'est-ce qui leur arriverait?

M. Cyr : Ils retourneraient à la nature.

M. Longuépée : Si on les ouvre, ils coulent tout de suite. Sinon ils flottent et s'échouent sur la plage.

[Français]

M. Thériault : Un des problèmes que nous avons avec ce dossier, c'est qu'on tombe toujours dans une zone grise. C'est le cas avec le phoque gris, on est toujours entre deux chaises.

Je crois que, au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux, au Canada, on a besoin d'un ministère des mammifères marins. Cela nous permettrait justement de statuer : « Voici, ce n'est pas une viande ni un poisson, c'est un mammifère marin et on a nos propres règles pour ça. » On parle beaucoup de contrôle de la population, mais cela nous permettrait de sauver des populations qui sont réellement en voie d'extinction, comme le narval ou d'autres espèces de baleine.

Actuellement, on a un gros problème. Il y a des gens au ministère qui veulent nous aider, mais ils nous disent qu'ils sont désolés parce qu'ils ont les mains liées. Ils ne peuvent pas nous aider parce qu'on ne tombe dans aucune catégorie, on a un problème de structure.

Ce qu'on vous propose aujourd'hui, et qui serait drôlement intéressant, ce serait d'avoir, autant au fédéral qu'au provincial, un ministère responsable des mammifères marins.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Je tiens à remercier les présentateurs pour la passion et les connaissances dont ils font preuve. Je suis ravi que nous ayons de vrais experts devant nous.

Je représente les Inuits du Nord qui ont survécu pendant des milliers d'années grâce à la nourriture et aux vêtements que leur procuraient les phoques et grâce à la graisse de ces bêtes qui leur permettait de se chauffer. Ce sont des gens qui chassent avec respect et ils sont, comme vous, terriblement offensés d'être décrits comme des sauvages, des barbares, des gens inhumains et cruels. Les Inuits sont très fâchés et embarrassés d'être si mal compris. Ces campagnes publicitaires servent avant tout à recueillir de l'argent. Je vous remercie beaucoup pour les informations que vous avez données sur les montants d'argent qui sont perçus par les activistes. Je pense que c'est quelque chose que notre comité pourrait examiner de plus près.

Je crois que vous avez mentionné un montant de 250 millions de dollars collecté par quatre organisations de protection des animaux. Vous avez aussi présenté quelques documents concernant le salaire versé à la présidente de la Société de prévention canadienne pour la protection des animaux et de l'environnement.

M. Thériault : Oui. Il y a une petite erreur, en fait. Rebecca Aldworth n'est pas payée autant, à ma connaissance. La personne faisait allusion au président de la Humane Society of the United States, HSUS, parce que c'est un organisme public. Le président précédent avait un salaire de près d'un demi-million de dollars. Le nouveau président a un salaire un peu moins élevé. Mais ils ont toutes sortes de petits cadeaux, des allocations de dépenses, une pension de retraite, et cetera. C'est toujours difficile de savoir quel est le montant exact. Les chiffres que nous avons indiquent qu'ils sont bien payés.

M. Longuépée : Je dirais qu'il existait auparavant quatre groupes de lutte contre la chasse au phoque et maintenant, on en compte près de 20. Tout le monde a essayé de faire de l'argent sur le dos des phoques. C'est facile. Vous mettez une image sur Internet et vous ramassez de l'argent. Tout le monde le fait.

Le sénateur Patterson : Je suis d'accord avec ce que vous avez dit aujourd'hui, que l'abattage sélectif est peut-être une des solutions pour remédier à la très forte augmentation de la population de phoques, mais que votre préférence irait vers des chasses durables. C'était certes la façon de faire des gens du Nord.

Je me demande si vous avez des conseils à nous donner, ou des réflexions sur la manière dont le Canada pourrait aider la chasse commerciale. Qu'est-ce que notre gouvernement pourrait faire pour développer le potentiel de cette ressource marine? Je sais que le Canada a une stratégie pour encourager l'exploitation minière. Nous avons des stratégies pour l'agriculture et les forêts. Toutefois, il ne semble pas y avoir de stratégie pour cette autre ressource magnifique que nous avons maintenant en abondance.

Avez-vous d'autres idées sur la façon dont le Canada pourrait développer cette ressource? Quelles sont les prochaines étapes?

[Français]

M. Thériault : On a beaucoup de bâtons dans les roues dans ce dossier, que ce soit la réglementation, le marketing, l'image publique aussi qui est un problème important. La façon dont le gouvernement pourrait aider en ce sens serait de s'asseoir avec nous et de discuter avec nous une petite demi-heure. On aurait une vingtaine de suggestions à leur faire.

Je vous donne un exemple qu'on a sorti en boutade plusieurs fois. Si le gouvernement du Canada décidait de donner à la GRC des gants et des chapeaux en loup marin au lieu d'en avoir d'autres espèces animales, probablement qu'on en aurait assez pour le marché. On n'aurait pas besoin d'aller plus loin.

Ce n'est pas une question si difficile à résoudre que cela, mais cela prend une volonté politique, cela prend des gens qui sont visionnaires et qui vont prendre le dossier au sérieux, parce que, encore une fois, on n'a même pas de département des mammifères marins. On n'a même pas cela. C'est la base. On n'est pas capable de s'asseoir avec personne parce qu'il n'y a personne qui s'occupe de ce dossier. On s'occupe du poisson qui est en bas de la chaîne alimentaire, mais ce qu'il y a en haut de la chaîne alimentaire, on ne s'en occupe pas du tout.

Et des idées, comme celles que je viens de vous mentionner pourraient s'appliquer à plein d'autres choses. On connaît les bienfaits des oméga-3 qui pourraient être accessibles dans les écoles. Les produits ne sont même pas accessibles. À partir du moment où on travaille sur une image et qu'on dit que c'est correct de contrôler une population de phoques, le phoque n'est pas un animal béni des dieux, c'est un animal qui fait partie de la chaîne alimentaire, de l'écosystème comme nous tous. Il y a une surpopulation, on utilise cette ressource : voici la façon qu'on peut le faire.

Un autre exemple : beaucoup de producteurs d'œufs nourrissent leurs poules avec de l'huile de poisson afin que les œufs contiennent des oméga-3. Vous avez dû voir des campagnes publicitaires à ce sujet. C'est prouvé par les scientifiques que l'oméga-3 des phoques est de plus haute qualité. Il y a une particule de HPA de plus et en plus, elle s'oxyde moins vite. Les recherches le prouvent. Mais les producteurs de volailles ne le feront pas parce qu'ils ont peur des campagnes qui pourraient nuire à leur image où on pourrait dire qu'ils ont tué des bébés phoque pour vendre leurs œufs. Voilà, on simplifie mais c'est cela : Ah non, on ne touche pas à cela!

On parlait plus tôt d'une compagnie qui fait de la nourriture pour les animaux. La sénatrice Hervieux-Payette disait que cela pourrait être intéressant de voir comment on pourrait utiliser cela avec les animaux. En plus, on le sait, on en donne à nos animaux aux Île-de-la-Madeleine. Ils ont un beau poil et adorent le goût. Mais est-ce qu'une compagnie va prendre ce tournant quand il y a de telles campagnes publicitaires? Je ne suis pas certain qu'ils vont prendre cette chance. C'est comme un serpent qui se mord la queue. Il faut aller de l'avant publiquement et éduquer les gens, et leur dire : voici la réalité.

On a fait étude sur étude. On les tue de la meilleure façon possible. Désolé, c'est un abattage en public, ce n'est pas joli, on s'en excuse, on aimerait le faire entre quatre murs, mais c'est très difficile. Mais voici les résultats, et voici ce qu'on peut vous offrir comme produits et ils sont excellents. Il y aurait alors de plus en plus de gens qui sortiraient du placard et qui seraient intéressé à l'essayer. Il y en aurait un marché.

M. Cyr : Serait-il possible à partir d'aujourd'hui de rendre accessible à tous les Canadiens les produits du phoque puisque c'est prouvé qu'il est de très haute qualité et très bon pour la santé humaine? Est-ce que c'est possible de rendre cela accessible à tous les Canadiens? C'est la priorité des priorités.

M. Longuépée : Enlever les barrières. À l'école, on me donnait des pilules de foie de morue. On était obligé de prendre des suppléments tous les matins. Si l'oméga-3 est si bon et qu'on essaie de développer des produits en Chine pour les vendre, pourquoi ne pas les donner à l'école et les jeunes auraient moins de problèmes cardiaques plus tard. Des idées, j'en ai plein. Il ne reste qu'à ouvrir les barrières. Quant à la viande, il y a des gens de la Colombie- Britannique qui nous appellent pour avoir de la viande de loup marin parce qu'ils ont vu à la télévision un chef cuisinier le travailler. On lui dit : « On va t'en envoyer un échantillon mais tu n'as pas le droit de le vendre, c'est illégal. » C'est ridicule, qu'on ne soit pas capable de commercialiser le produit chez nous parce que nos provinces ne s'entendent pas, ont des différents points de vue par rapport à ce qu'est la bouffe.

M. Thériault : Encore une fois, on s'entend qu'on vous a amené des produits. Quelqu'un qui ne mange que du poulet, du porc et du bœuf commercial, je ne suis pas certain qu'il appréciera la viande de phoque. C'est quand même un mammifère marin, donc une viande sauvage.

Par contre, une personne curieuse qui aime le sanglier, le cerf ou le chevreuil a de grandes chances d'adorer ce produit. Ce produit ne remplacera certes pas le porc. Il s'agit d'un produit haut de gamme que plusieurs amateurs de viande sauvage et de gastronomie voudront essayer et même peut-être intégrer à leur régime alimentaire.

M. Longuépée : C'est un produit à haute teneur en fer.

M. Cyr : La différence entre la viande de phoque et la viande de bœuf est énorme. Dans les années 1930, certains se demandaient pourquoi les habitants du Nord n'avaient pas de carence en vitamine C alors qu'ils ne consommaient pratiquement aucun fruit ni légume. Quel était donc ce miracle? Le miracle se trouvait dans la viande de phoque et de mammifères marins.

M. Thériault : Dans la graisse.

[Traduction]

Le président : Je vais utiliser mon poste de président pour intervenir. Je voudrais obtenir quelques éclaircissements sur la question des échanges frontaliers. Je sais que certains produits doivent faire l'objet d'une inspection fédérale. Pourquoi ne pouvez-vous pas vendre le produit du Québec en Ontario ou ailleurs? Pouvez-vous nous donner plus d'explications? Je pense qu'il y a peut-être de la confusion à ce sujet. Vous comprenez bien cette question, n'est-ce pas?

[Français]

M. Longuépée : Je vais parler de ma province, le Québec. Nous sommes régis par le ministère des Pêches et de l'Agriculture. Ce ministère gère autant le poisson que la viande. À l'extérieur de la province, le phoque n'est plus considéré comme un poisson mais comme une viande. Aux yeux du fédéral, le phoque est considéré comme un poisson. Les normes québécoises en ce qui a trait à la commercialisation de la viande de loup marin ne s'appliquent plus à l'extérieur du Québec. Je ne comprends toujours pas pourquoi c'est le cas. Toutes les usines de poisson découlent de la réglementation fédérale et doivent se soumettre à des inspections du gouvernement fédéral. Pour la province, c'est le MAPAQ qui légifère en la matière.

Comme je vous le disais plus tôt, le taux de mercure doit être inexistant dans la viande. Cependant, le loup marin a un taux de mercure similaire à celui du poisson. Ce taux, dans le cas du poisson, est jugé acceptable. Toutefois, étant donné que le loup marin est traité comme une viande, on n'a pas le droit de le commercialiser ni de l'exporter.

Nous avons demandé s'il était possible d'utiliser des usines de poisson pour transformer la viande de loup marin. On nous a répondu que les usines de poisson n'ont pas le droit de transformer la viande. Nous sommes donc devant un sérieux problème afin que le gouvernement définisse ce produit. C'est ni un poisson, ni une viande. C'est un mammifère marin. Ce n'est que lorsque nous aurons une clause sur les mammifères marins que le problème sera en voie de résolution. Aujourd'hui, on parle du phoque. Dans 50 ans, les stocks de bélugas seront peut-être revenus à un niveau suffisamment important dans le golfe du Saint-Laurent qu'on sera obligé de les chasser. Nul ne sait ce que l'avenir nous réserve. Toutefois, nous devons être en mesure de profiter de nos ressources naturelles, quel que soit le produit. Or, la situation présente est différente.

Nous vivons dans une petite communauté. Il n'y a qu'au Québec, à la Boucherie spécialisée Côte-à-Côte, où on fait des produits à base de loup marin. À Terre-Neuve, on retrouvait le « flipper pie », qui était un produit plus régional. Pour eux, le problème ne se posait peut-être pas. Nous commençons à exporter le produit et les autres provinces sont intéressées à faire de même. En Chine, tout le monde veut de la viande. Il faut donc régler le problème et tout d'abord identifier le produit.

[Traduction]

Est-ce mieux?

Le président : D'une certaine façon. On tentait de comprendre où le phoque est chassé et où il est consommé. Je vais prendre votre province à titre d'exemple, comme vous venez tous les trois du Québec. Au Québec, le phoque est considéré comme un « poisson ».

M. Cyr : Non, c'est une viande.

Le président : Lorsqu'il traverse la frontière, est-il considéré comme un poisson?

M. Thériault : Ça dépend de l'endroit.

M. Longuépée : Non, parce qu'au Québec, aux Îles-de-la-Madeleine, nous n'avons pas de plan approuvé par le gouvernement fédéral pour la viande. C'est pourquoi nous ne sommes pas capables d'exporter notre produit. À Terre- Neuve-et-Labrador, si vous avez un plan fédéral pour la viande déjà approuvé par le gouvernement fédéral, vous pouvez probablement exporter du phoque. C'est insensé, mais c'est comme ça.

Le président : C'est certain.

[Français]

M. Cyr : À Terre-Neuve on a toujours considéré le loup marin comme un poisson. Chez nous, c'est une viande. Nous sommes pris avec ce règlement. Dans les années 1990, quand j'ai travaillé pour la Canadian Sealers Association, à Terre-Neuve, pendant sept ou huit ans on avait ce problème et ils ne comprenaient pas. Votre question me fait rire un peu car nous nous sommes toujours battus pour que le gouvernement provincial accorde au phoque un statut particulier, qu'on ne le considère ni comme une viande, ni comme un poisson, pour être en mesure de l'exporter au moins d'une province à l'autre. Terre-Neuve pouvait le faire, mais pas nous, et les choses n'ont pas changé.

Il n'est pas normal qu'aujourd'hui, avec le développement à Terre-Neuve et tous les produits que l'on peut tirer du phoque, que nous ne pouvions vendre ce produit chez nous, au Canada, de façon normale.

M. Longuépée : Voilà maintenant un an que nous avons demandé de rencontrer l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour qu'elle se penche sur la question et j'attends toujours.

[Traduction]

Le président : Merci. Je pense que nous sommes nombreux au comité à avoir trouvé ces commentaires intéressants. Ça nous donne une autre perspective en ce qui concerne notre souci de développer cette industrie chez nous et de la faire connaître ailleurs dans le monde.

Le sénateur Patterson : C'était justement la question que j'allais poser. Je vous remercie.

Je voudrais poser une autre question, si vous le permettez. Comme vous le dites, nous devons gérer la désinformation. Il semble que les groupes de défense des animaux — qui nous bombardent de façon presque odieuse avec des tonnes de courriels depuis que nous avons commencé cette étude — accusent la surpêche et la pêche étrangère d'être responsables du déclin des stocks de morues.

Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Vous avez un peu parlé de l'histoire de cette pêche et de son déclin. Est- ce qu'on peut mettre en cause la pêche étrangère dans votre région? Est-ce qu'on peut mettre en cause la surpêche? Ils nous disent : « Ne blâmez pas les phoques; c'est l'intervention humaine qui est en cause ».

Nous voulons connaître les faits. Vous travaillez en mer. Quelle est la vérité?

[Français]

M. Cyr : Les organes de gestion des ressources, l'industrie de la pêche et les communautés ne sont pas sans reproche. Les stocks ont été gérés de sorte à ce que, à partir des années où on a établi la zone de 200 milles, on a mis toutes les grandes flottes étrangères en dehors du secteur autant du côté de Terre-Neuve que du côté du golfe. Les secteurs à l'extérieur des zones internationales étaient situés à environ 12 milles des côtes, ce qui faisait qu'on entrait dans le golfe et on faisait à peu près ce qu'on voulait.

On a retiré les grosses flottes du golfe et on les a remplacées par des bateaux encore plus puissants. On voyait plusieurs bateaux canadiens. Je me souviens d'une époque où le gouvernement, par le biais du ministère des Pêches et Océans, donnait à Terre-Neuve, à la Nouvelle-Écosse et à tout le monde le droit de prendre des quantités de poissons.

Il est certain qu'à une certaine période, dans les années 1990, les communautés voulaient des périodes de pêche plus longues afin de bénéficier des prestations d'assurance-emploi. Des pressions ont été exercées partout à travers l'Est du Canada, c'est sûr. Moi, je leur disais que si nous pêchions plus pour jouir de l'assurance-emploi, l'an prochain, c'est l'aide sociale qui nous attendait. Malheureusement, c'est ce qui est arrivé.

En 1993, lors du premier moratoire, il restait quand même encore une certaine biomasse de morues, il restait des morues d'une certaine grosseur. Il y avait des géniteurs dans l'eau qui étaient encore assez importants. Le moratoire a été levé en 1999, alors qu'il y avait encore un bon stock de poissons. Ce qu'il manquait, c'était les juvéniles, le recrutement qu'on ne retrouvait pas.

Dans la même période, la méthode de gestion dans certains secteurs a provoqué des pertes de poissons. On gérait espèce par espèce. On le fait encore et c'est un problème, un problème réel. Il faudra bien changer notre façon de gérer les pêches parce que ce qu'on a fait jusqu'à maintenant ne fonctionne pas. Il y a un travail sérieux à faire.

En même temps, l'histoire des quotas a causé beaucoup de rejet et de gaspillage. C'est normal qu'il y en ait, mais pas à ce point. Quand on pense à tout le stock de morues qu'on avait, les géniteurs et tout ça, par rapport à la montée des phoques gris, par rapport à la perte des juvéniles, on sait qu'il y a un grave problème.

On peut voir facilement une centaine de phoques gris arriver la nuit et tout ratisser le territoire, pousser le poisson, le manger en surface, et tout. Avant, on voyait un phoque, c'était un individu; ensuite, on a commencé à voir des petits groupes de 10, 15, 100, 200, 300. Ils ne chassent plus de la même manière. Ils ressemblent à une meute de loups. Ils apprennent à chasser avec le temps. Avec la rareté du poisson, ils continuent à chasser d'une manière différente.

Dans tous les secteurs où il y a du poisson, comme je le disais tantôt, il y a des phoques gris. Partout où il y a une concentration de poissons, il y a une grosse concentration de phoques gris aussi. Comment ramener le stock de morues à un niveau normal quand il y a toujours des phoques gris aux alentours? C'est difficile. C'est impossible.

On a un moratoire depuis 2008. Je suis un pêcheur de poissons de fonds. J'ai perdu 50 p. 100 de mon gagne-pain, puis quand je vois les loups-marins continuer à consommer comme ça, j'ai de la difficulté.

Je ne peux plus nourrir mon peuple chez nous. J'ai de la difficulté à voir les phoques gris et à continuer à consommer du juvénile. Les scientifiques considèrent une morue de 35 centimètres comme une grosse morue; pour moi, une grosse morue, elle fait dans les 50, 60, 80 centimètres. Voilà une grosse morue. C'est une bonne pondeuse. C'est un bon géniteur.

Il faut aussi trouver une méthode de gestion pour que le poisson ait une première ponte. Si les poissons n'arrivent pas à avoir une première ponte parce que les phoques gris les mangent, c'est très difficile. Il va falloir regarder cela autrement. Est-ce qu'on peut garder de gros géniteurs? Comment fait-on pour conserver les petits afin qu'ils deviennent de gros géniteurs un jour? Il faut y voir. On se rend compte que le problème se situe au niveau du recrutement.

Le Miscou est une zone de ponte incroyable au début de juillet. Où trouve-t-on les phoques gris au début juillet? Sur Miscou. C'est l'ensemble de tout cela qu'on observe dans l'eau. On est toujours dans l'eau. On n'a pas étudié dans ce domaine, mais on a passé toute notre vie les yeux sur l'eau. On voit toutes ces choses. C'est impossible, on ne peut pas continuer comme ça. On est en train de tout détruire les stocks. C'est l'écosystème au complet qu'on détruit. Il faut arrêter de gérer en vase clos. On doit réfléchir de façon globale. Toutes les espèces ont un rapport entre elles. Il faut travailler dans ce sens. J'ai bien hâte que les gens commencent à penser de cette façon.

M. Longuépée : C'est vrai que les pêcheurs ont une part de responsabilité; il y a eu de la surpêche et de la mauvaise gestion, mais malgré les moratoires, la morue ne revient pas et on commence à comprendre, avec les scientifiques, avec les pêcheurs, que le phoque gris a un impact direct sur cet état de fait. On se rend compte que même si on arrête la pêche à vie, un prédateur est là qui continue, qui va dans les endroits où normalement les poissons vont aller pondre leurs œufs, qui va aller les déranger. On sait que le poisson choisit la température de l'eau et les endroits pour frayer, et les phoques sont toujours là pour les déranger et cela modifie tout l'écosystème.

M. Thériault : Le phoque est un moins bon gestionnaire que le MPO, si c'est possible. Il ne faut pas oublier qu'on parle d'un omnivore et il ne se laissera pas mourir de faim. Il va manger des algues s'il le faut. Il va manger du homard s'il le faut. Il va manger de l'écorce d'arbre s'il le faut. Il ne se laissera pas mourir.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Vous avez parlé de la vidéo qui montre que les phoques du Groenland mangent seulement une petite partie du poisson et que les phoques gris mangent la panse. Pouvez-vous nous dire où on peut obtenir cette vidéo, maintenant ou plus tard?

M. Longuépée : C'est sur YouTube.

M. Thériault : C'est sur notre site web. J'ai donné tous les renseignements à la greffière. Il y a un lien sur notre site web.

Le sénateur Patterson : Merci.

M. Longuépée : La chose a été filmée à Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Patterson : Merci.

Le sénateur Raine : Pourriez-vous donner l'adresse du site web pour les gens qui regardent la chaîne parlementaire? Pourriez-vous l'afficher de telle sorte que les gens qui nous regardent puissent la voir?

M. Thériault : L'adresse du site web est www.chasseursdephoques.com ou www.sealhunters.com.

Le sénateur Raine : Pour satisfaire ma curiosité, vous dites que, lorsque les scientifiques comptent les poissons dans l'estomac des phoques, ils comptent les petits os de la tête, et c'est comme ça qu'ils savent combien de poissons ont été consommés. J'imagine qu'ils connaissent l'âge des phoques. Vous dites qu'ils mangent beaucoup d'autres poissons en ne consommant que la panse, donc ils ne mangent pas les os de la tête. C'est bien ça?

M. Cyr : Si vous parlez des phoques du Groenland, ce sont eux qui mangent presque toutes les panses. C'est ce qu'on appelle les « belly bites ». La plupart du temps, c'est en eau profonde, à 50 ou 60 brasses. À Terre-Neuve-et-Labrador, à l'intérieur du golfe, on voit ça bien souvent. Ils poussent aussi le poisson. L'expérience que j'en ai, c'est que parfois les phoques du Groenland arrivent en gros troupeaux et ils poussent tous les poissons jusqu'à la côte pour que les poissons s'accumulent. Ils les gardent dans la baie et tournent autour et ils mordent sans s'arrêter; ils mangent presque tout.

[Français]

M. Thériault : C'est beaucoup plus facile pour des grands poissons comme la morue que pour les petits poissons. Mais un poisson comme la morue qui est plus gros et plus lent, c'est beaucoup plus facile pour eux.

[Traduction]

Le sénateur Raine : Ce que je veux savoir en fait, c'est si les scientifiques du MPO vous parlent et vous demandent des informations.

[Français]

M. Cyr : Si ça ne dérange pas trop, je vais juste finir la question du « belly bite ». Le « belly bite », c'est le phoque du Groenland. Si on parle du phoque gris, on va souvent trouver des otolithes de petits poissons. Mais les gros poissons comme les morues de 35, 40, 45 centimètres souvent ne mangent pas les têtes. Et ils vont trouver des otolithes de petites espèces, comme les maquereaux, les harengs et cetera. Mais il ne faut pas oublier que le temps que le phoque mange, qu'on le tue, qu'on le vide et qu'on le congèle, la digestion continue. Ça digère très vite.

Il n'y a probablement personne, ici, qui a mis ses mains dans un estomac comme j'ai parfois pu le faire. C'est très acide, ça brûle toute la peau. La peau des poissons est entièrement putréfiée. C'est tellement acide que c'est brûlé très rapidement. C'est souvent très difficile de déterminer les espèces, sauf dans un laps de temps assez court, trois, quatre ou cinq heures avant qu'il ne meurt.

C'est donc très difficile. Je sais ce que c'est quand on parle des sciences, le temps que ça prend pour amener des données. Je travaille beaucoup avec les pêcheurs d'à peu près toutes les régions. On se donne de l'information, on se dit ce qui se passe, et où. C'est très difficile de connaître la consommation du phoque gris.

Pour arriver à des données, il faut qu'il y ait des données croisées avec d'autres scientifiques, il faut avoir plein de facteurs qui feront qu'on obtiendra une donnée à peu près juste. Mais elle ne peut jamais être juste à 100 p. 100, c'est impossible.

C'est donc par des observations, des données croisées qu'on finit par arriver à un rapport, mais ce n'est pas facile.

[Traduction]

Le sénateur Raine : Je posais ces questions parce que nous recevons beaucoup de courriels de la part de défenseurs des droits des animaux. Ils disent toujours que la science n'est pas claire et que certains scientifiques disent que les phoques ne sont pas responsables de la diminution des stocks de poissons, et cetera. C'est une bonne chose qu'on ait pu vous écouter, vous qui êtes des observateurs de ce qui se passe.

Je veux adopter un autre point de vue complètement différent et vous demander comment on peut réduire les troupeaux. Comment feriez-vous? Parce que tuer des phoques, ce n'est pas si facile.

M. Cyr : Pour tuer les phoques du Groenland, on travaille sur la glace. C'est difficile d'aller là-bas parce qu'il faut naviguer à travers les glaces et c'est très dangereux et risqué.

[Français]

Si on parle de phoques gris, la chasse est beaucoup plus difficile. Ça se tient souvent dans l'eau, sur de petites îles, comme celle qu'on on a vue plus tôt, comme le Corps-mort, c'est très petit. On peut arriver sur une petite île où il peut y avoir 300, 400, 1 000 phoques gris montés dessus. La plage est remplie de phoques, on ne peut même pas voir un grain de sable ou une roche.

Mais on n'a qu'à tirer un seul coup, accoster la chaloupe sur la plage et ils rentrent tous dans l'eau. Il faut travailler à partir de la terre, de l'eau. On en perd parfois quelques-uns parce que certains phoques maigres vont couler, surtout en période estivale. Alors qu'à cette période, ils sont plus gros, ils flottent un peu plus. On est donc toujours obligés de travailler avec ces événements. Ce n'est pas un phoque qui va se sortir la tête de l'eau, c'est un peu comme un crocodile. Il faut presque être un tireur d'élite pour pouvoir les atteindre. Il faut être très bon tireur. Il ne faut donc jamais mettre le pire tireur à la proue, il faut plutôt mettre le meilleur.

Tout ça est très difficile. Quand on disait plus tôt qu'on en tuait 10 000 dans une saison, c'est toutes les régions ensemble, pas nécessairement seulement les Îles-de-la-Madeleine, et à l'année.

C'est pour cette raison qu'il faut commencer tout de suite. Et je me dis qu'aux endroits où la chasse est permise, il y aura peut-être un peu moins de phoques et cela donnera une chance aux poissons qui sont dans ces secteurs. C'est beaucoup plus compliqué que de chasser le phoque du Groenland.

[Traduction]

Le sénateur Raine : Pensez-vous que c'est possible?

[Français]

M. Cyr : C'est possible, mais je pense que c'est à nous de trouver des façons, des endroits spécifiques. Il faudra déterminer tout ça. Dans notre secteur, on connaît les endroits spécifiques. Aujourd'hui, on parle d'endroits spécifiques, sauf qu'avant, on trouvait du phoque gris sur le Corps-mort, sur l'Île-Brion et un peu sur le Rocher-aux- Oiseaux. Aujourd'hui, on en trouve sur la plage de la pointe-de-l'Est, le long des plages du côté nord des îles, la pointe- de-l'Ouest, il y en a aussi sur l'île d'Entrée.

Ce qui m'inquiète parfois, c'est de voir des enfants se promener sur la plage ou se baigner, et les phoques gris de 700 à 800 livres sont juste à côté. Je me dis que d'un seul coup, ils pourraient attraper un enfant.

Ce sont des choses qui peuvent arriver. Il y a des gens qui ont envoyé des chiens à l'eau avec un mannequin, puis les chiens ne revenaient pas, il y avait toujours un phoque gris qui les tiraient au large. Ils ont dû prendre une embarcation pour aller chercher le chien, sinon il l'aurait perdu. Il jouait avec, mais c'est comme ça.

M. Longuépée : En Colombie-Britannique, il y a eu un enfant qui s'est fait entraîner dans l'eau par une otarie.

[Traduction]

Une jeune fille jouait près de son père sur le quai. Le phoque l'a attrapée. Elle a été chanceuse, parce qu'elle avait un gilet de sauvetage et elle est revenue.

On ne parle pas des difficultés à résoudre notre problème. La diminution de la population est une tâche ardue. Si vous nous en donnez la possibilité, on va trouver une façon de le faire; mais on a besoin de votre appui. Si le gouvernement n'est pas derrière nous, personne ne croira ce qu'on fait. Encore une fois on va être les barbares. Je suis allé à Terre-Neuve-et-Labrador et en Colombie-Britannique, où tout le monde est gentil. Nous sommes tous gentils partout au Canada; nous ne sommes pas des barbares. Bienvenue chez vous.

Le sénateur Raine : Merci. Nous vous sommes vraiment reconnaissants d'être venus ici.

[Français]

M. Cyr : Avant de terminer, j'aimerais raconter une petite anecdote.

J'ai reçu un jour une lettre qui venait du Daily Mirror. C'était écrit en haut « The Rats Mifflin »— M. Mifflin était le ministre des Pêches, à l'époque — : « Ghislain Cyr, the bad, was killing for fun ».

Et une personne vivant en Angleterre avait envoyé une lettre disant que je devais être le bras droit d'Hitler. Quand on sait ce que les Canadiens ont fait pour l'Angleterre à l'époque.

M. Thériault : Le titre de cet article qu'on a encore au bureau, c'est : « The Good, the Bad and the Cuddly ».

[Traduction]

Le président : Ces deux heures ont été très intéressantes. Je vous remercie d'être venus. Les informations que vous avez données sont très précieuses. Nous prévoyons, si tout se passe bien, visiter les Îles-de-la-Madeleine pour tenir une audience publique avec d'autres groupes qui ont exprimé le souhait de témoigner devant nous. Cela fait partie intégrante de notre processus.

Nous espérons pouvoir présenter un rapport préliminaire au plus tard en juin 2012, voire même un rapport final, pour donner suite aux préoccupations qui ont été soulevées. Nous avons entendu plusieurs points de vue différents déjà et nous attendons avec impatience de connaître ceux d'autres intervenants qui ont des préoccupations à cet égard, quelles qu'elles soient. Nous sommes ouverts à toutes les opinions et nous sommes impatients de les entendre.

Au nom du comité, je vous remercie d'être venus à Ottawa aujourd'hui pour nous faire un exposé et nous parler de votre expérience. C'est toujours bon d'entendre le point de vue de quelqu'un qui tire ses revenus de la mer.

Le sénateur Patterson : Bravo, bravo. Merci beaucoup.

M. Longuépée : Merci. Avant que vous partiez, je veux vous expliquer pourquoi j'ai apporté un peu de nourriture. J'ai une terrine. C'est comme un pâté de phoque. Nous en avons deux sortes. Celle-là ressemble à des rillettes. Je ne sais pas comment on dit rillettes en anglais.

M. Thériault : Laissons ça à l'interprète.

M. Longuépée : Il y a de la saucisse. On a aussi de la saucisse fumée. La saucisse est déjà cuite. Pas besoin de cuisiner tout ça, tout est cuit déjà. Celle-là ressemble presque à du bœuf séché.

Le sénateur Patterson : Du bœuf séché.

M. Longuépée : Ça lui ressemble.

M. Cyr : Y a-t-il des ours autour?

Le président : On va voir si c'est de la viande ou du poisson.

M. Cyr : Merci tout le monde. Je suis vraiment ravi d'avoir pu tout expliquer. Si vous avez des questions, vous pouvez les poser à M. Longuépée ou vous pouvez me les adresser par courriel, vous trouverez mon adresse quelque part. J'espère que je pourrai vous donner la meilleure réponse possible.

Le président : Merci beaucoup.

M. Longuépée : Si quelqu'un veut assister à la chasse au phoque du Groenland ou au phoque gris, appelez-nous. Ça nous ferait plaisir de tout organiser pour vous. Je ne vais pas payer votre voyage, mais je vous invite tous. Ne vous inquiétez, pas, je m'occupe de tout. Vous pouvez obtenir un permis pour assister à la chasse. Je n'ai pas peur de vous montrer ce que nous faisons; nous sommes des professionnels. Mais les gens pensent que ce que nous montrons aux gens n'est pas la réalité. Ils préfèrent voir ce que les opposants à la chasse au phoque montrent. Je vous invite tous.

Le président : Ce serait avec joie. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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