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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule 15 - Témoignages du 3 juin 2013


OTTAWA, le lundi 3 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 15 heures, pour procéder à l'étude sur le harcèlement au sein de la gendarmerie royale du Canada.

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense en ce lundi 3 juin. Avant d'accueillir nos témoins, j'aimerais commencer par présenter les gens autour de la table. Je suis le sénateur Dan Lang, du Yukon. Immédiatement à ma gauche se trouve la greffière du comité, Mme Josée Thérien. À ma droite, il y a l'analyste de la Bibliothèque du Parlement affectée au comité, Mme Holly Porteous.

J'aimerais faire le tour de la table et inviter chaque sénateur à se présenter en indiquant la région qu'il représente, en commençant par le vice-président du comité.

[Français]

Le sénateur Dallaire : Sénateur Roméo Dallaire, du Golfe du Saint-Laurent.

[Traduction]

Le sénateur Day : Joseph Day, sénateur libéral du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.

Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

[Français]

Le sénateur Nolin : Bonjour. Pierre Claude Nolin, de la province de Québec, et plus spécifiquement de la région de Salaberry.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je voudrais commencer en soulignant qu'hier, les Canadiens des quatre coins du pays ont rendu hommage aux femmes et aux hommes membres des Forces armées canadiennes. Je sais que tous les membres du comité se joignent à moi pour féliciter nos forces armées de l'excellent travail qu'elles accomplissent pour le Canada.

Pour conclure notre dernière journée d'audience publique sur le harcèlement au sein de la GRC, nous avons l'honneur d'avoir en notre présence deux extraordinaires Canadiens afin de traiter de la manière dont les Forces armées canadiennes se sont occupées du harcèlement et de la transformation culturelle : le lieutenant-général à la retraite Andrew Leslie et le lieutenant-général à la retraite Michael Jeffery.

Bienvenue. Je crois comprendre que vous avez des exposés à faire. Nous pouvons vous accorder une heure. Vous avez la parole, lieutenant-général Jeffery.

Lieutenant-général à la retraite Michael Jeffery, à titre personnel : Bonjour. Je suis le lieutenant-général Mike Jeffery, ancien chef d'état-major de l'armée. Je ferais remarquer d'entrée de jeu que j'ai pris ma retraite en 2003; il est donc évident que mon point de vue date d'un certain temps. Cependant, j'ai vécu les premiers jours de la transformation des Forces canadiennes et, bien entendu, de l'armée canadienne. Je m'efforcerai de vous donner une idée des défis que présente la réforme des Forces canadiennes à la suite de l'intervention en Somalie. Je tenterai de vous faire part de certaines leçons tirées au cours de cette période, mais je dois dire que je ne suis pas qualifié pour juger si elles sont applicables à d'autres organisations.

De par leur nature même, les militaires ont une culture traditionnelle très forte et sont donc naturellement réfractaires au changement. Pendant plus de 50 ans, les FC ont concentré leur attention sur la guerre froide et sont restées largement coupées de la société, vivant à l'étranger et dans des bases isolées au Canada. Bref, elles vivaient séparées de la société, ne se sont pas tenues au courant des changements qui s'y opéraient et avec le temps, je crois qu'elles ont perdu de vue leur éthique et leurs valeurs professionnelles. Au début des années 1990, les Forces canadiennes sont passées de la préparation à la guerre à une situation de combat. Même si les opérations menées dans les Balkans étaient censées servir au soutien de la paix, il s'agissait à tous les égards de missions de combat.

De même, l'intervention en Somalie a exigé de nouvelles compétences et a exposé les soldats à des risques et à des défis nouveaux. Devant s'adapter à ce nouvel environnement, l'institution a failli à la tâche. Au cours de certains incidents, les dirigeants n'ont pas assumé leurs responsabilités; la conduite et la discipline des soldats étaient inférieures aux normes et les dirigeants ne les ont pas corrigées; la consommation et l'abus d'alcool ont constitué un grave problème; il y a eu des cas de harcèlement et d'abus de pouvoir; la confiance entre le dirigeant et le subalterne s'est érodée; l'insatisfaction s'est accrue au sein du personnel subalterne en raison d'un manque perçu de soutien de la part des supérieurs; et les valeurs professionnelles des Forces canadiennes en ont pâti.

Confrontés à ce qui était de toute évidence une crise, les dirigeants des Forces canadiennes ont été lents à réagir et ont résisté au changement. Ils croyaient que l'institution se portait bien et que les problèmes n'étaient attribuables qu'à quelques pommes pourries. Ils ont mis du temps à saisir le problème, ce qui a été vu comme un manque de leadership de leur part et qui a considérablement amoindri la confiance du public. Voilà ce qui a obligé les Forces canadiennes à changer.

Comme la situation se détériorait, le gouvernement a exigé un changement réel, ce qui a eu une incidence capitale. Le ministre de la Défense a présenté au premier ministre un rapport sur le leadership et l'administration des Forces canadiennes, lequel conférait une nouvelle voie d'avenir à l'institution. En raison d'un changement de leadership et de la situation qui prévalait à l'automne 1997, les hautes instances des Forces canadiennes ont été saisies de la question et ont mis l'accent sur une réforme fondamentale de l'institution. Aucun aspect des Forces canadiennes n'a été négligé.

On a notamment élaboré une vision d'avenir — CF 2020 —; développé et publié une doctrine professionnelle révisée pour servir de base à l'enseignement au sein des Forces canadiennes; modernisé le système de perfectionnement professionnel des officiers et des sous-officiers responsables, ce qui s'est accompagné de bien des changements, comme le rehaussement des exigences relatives à l'éducation; instauré des comités de sélection du commandement et une gestion plus disciplinée du processus d'avancement professionnel; mis à jour le Code de discipline militaire et la Loi sur la défense nationale; et amélioré la formation de base. Dans tous les cas, les changements visaient principalement à améliorer l'éthique et les valeurs, ainsi que les opérations sur le plan moral.

Cependant, le principal changement est intervenu quand les dirigeants de tous les échelons ont vraiment réformé la manière dont les Forces canadiennes fonctionnent. Cet aspect s'est amélioré au fil du temps, avec l'arrivée de nouveaux dirigeants qui ont véritablement adopté la nouvelle culture des Forces canadiennes.

On peut tirer bien des leçons de cette période, mais j'aimerais en souligner quelques-unes. Confrontée à une telle crise, une institution aussi imposante et complexe que les Forces canadiennes a dû être forcée de changer. Les forces armées, et en fait l'armée, se sont fait forcer la main par le gouvernement, le public et le personnel subalterne de l'armée, qui ont exigé qu'elles adoptent une nouvelle culture et une nouvelle manière de faire les choses. Pour une institution nationale, je crois que ce contexte est essentiel.

Les dirigeants de l'institution doivent être saisis de la question. Si la haute direction ne croit pas que la réforme est essentielle et ne s'investit pas dans l'initiative, rien ne changera. Les Forces canadiennes ont pris énormément de temps pour en arriver là, mais une fois que la direction a accepté cette tâche, elle a entrepris un éventail de réformes profondes dans toute l'institution. Toute la structure de commandement doit participer. Il ne suffit pas d'ordonner aux échelons inférieurs de changer. La direction doit s'investir personnellement et communiquer à tous les échelons, particulièrement aux commandants, la nécessité de changer et la norme qu'il faudra respecter. Les dirigeants de tous les échelons doivent montrer l'exemple et être tenus de rendre des comptes en cas de manquement.

Les FC ont exigé que ses dirigeants relèvent le défi, et ceux qui en étaient incapables ont été remerciés de leurs services. Les dirigeants de tous les échelons doivent parler personnellement et honnêtement aux soldats des sujets difficiles. Il n'est pas facile de se tenir devant des soldats et d'admettre que l'institution et la direction les avaient laissés tomber, mais c'était une démarche essentielle à prendre pour rebâtir la confiance au sein de l'institution. L'éthique et les valeurs doivent être enchâssées dans tous les aspects de l'institution et de ses enseignements. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut tenir pour acquis, mais l'institution doit appliquer ses valeurs constamment et quotidiennement.

Il faut instaurer des programmes pour obliger les dirigeants de tous les échelons à s'attaquer aux vrais problèmes. Nous avons institutionnalisé un certain nombre de mesures, comme des cours sur le harcèlement, qui ont été difficiles pour bien des dirigeants. Ces initiatives les ont toutefois obligés à affronter la réalité du problème, qu'ils n'ont plus été capables de nier.

Il faut en outre maintenir la supervision, car il serait facile pour l'institution et ses dirigeants de crier précipitamment victoire et de retomber dans les vieilles habitudes. Dans les FC, nous avons été tenus de rendre des comptes au comité de surveillance du ministre et à cinq autres comités qui nous ont eus à l'œil pendant six ans.

Enfin, il faut reconnaître que même si c'est important, il faut du temps pour réformer une institution aussi imposante et complexe que les Forces canadiennes. L'institution peut et doit insister sur le respect des normes de conduite et tenir les gens comptables de leurs actes, mais ce n'est qu'avec le temps qu'une nouvelle façon de faire s'intégrera à la culture de l'organisation. Si le gouvernement doit continuer d'exercer des pressions sur l'institution pour qu'elle change, il doit aussi tenir compte de l'ampleur de la tâche et avoir des attentes réalistes.

[Français]

Lieutenant-général à la retraite Andrew Leslie, à titre personnel : Bonjour honorables sénateurs, je suis ravi de comparaître devant vous aujourd'hui. J'ai pris ma retraite en 2011. Dans mes deux derniers postes, j'ai été chef de transformation puis commandant de l'armée de terre.

[Traduction]

Les FC ont accompli des pas de géant dans bien des domaines au cours de la dernière décennie. L'un des points les plus importants est le changement de culture qui s'est effectué afin de mieux prendre soin du personnel, que ce soit ou non sur le champ de bataille. Pour aborder le sujet de votre étude, les Forces armées ont instauré une série de mesures cohérentes et mûrement réfléchies afin d'offrir et de maintenir un milieu de travail respectueux en faisant la promotion de la prévention du harcèlement et de la résolution rapide, dans la mesure du possible, des plaintes à cet égard.

Je ne prétends pas que les Forces canadiennes savent parfaitement résoudre les problèmes de harcèlement, qu'il soit sexuel ou d'une autre nature, mais elles se sont certainement beaucoup améliorées depuis les jours sombres de la crise en Somalie et de ses répercussions, qui ont en grande partie mis en lumière les lacunes à l'échelon du leadership. Tout tourne toujours autour du leadership.

Les catégories de leadership pointées du doigt par la Commission d'enquête sur la Somalie ont eu un impact immédiat sur le général Jeffrey, sur moi-même et sur tous les dirigeants des Forces canadiennes. Vous vous souvenez de ces jours de 1997 et de la publication des résultats de la commission. Cette dernière s'est principalement attardée à cinq grands domaines. Elle a souligné le manque de responsabilité et d'autoréglementation des membres professionnels et de l'éthos professionnel des Forces canadiennes et des institutions de formation. Elle a également déploré la surveillance du comportement individuel et collectif et le manque de discipline. Elle a ensuite traité de la formation, pour ensuite s'attaquer au rendement, à la supervision et à la mesure, qui doit prendre la forme de renseignements quantifiables et pas seulement d'opinions. Il y avait là un manque important. Le dernier point, qui est peut-être le plus important, est une lacune dans le domaine des valeurs professionnelles et de l'éthos militaire.

Bien franchement, au cours de cette période sombre de leur histoire, les forces armées avaient besoin qu'on leur force la main et qu'on les secoue un peu, ce qu'ont fait la population canadienne et leurs propres membres.

Pour dire les choses simplement, c'est au leadership qu'il revient de prendre soin des siens et d'assurer la crédibilité de son institution, que ce soit dans les Forces canadiennes ou à la GRC. Et c'est sur cette note que je terminerai mon propos sur le leadership.

Il faut toutefois que des dirigeants fort déterminés soient en poste à tous les échelons, pas à un seul, pour mettre fin aux comportements inappropriés et au harcèlement sous toutes ses formes. Ces dirigeants doivent bénéficier du soutien du gouvernement pour prendre des décisions parfois difficiles, litigieuses ou impitoyables qui peuvent devoir être prises pour aller au fond de problèmes systémiques ou culturels qui pourraient affaiblir la crédibilité de l'institution. Il est inexcusable de tolérer une atmosphère qui ne permet pas de mettre fin au harcèlement, et en ne faisant pas tout ce qu'on peut pour éliminer les comportements inappropriés, que ce soit en les condamnant directement ou indirectement, on fait une fois encore preuve d'un manque de leadership. À mon avis, la meilleure façon de résoudre le problème consiste à comprendre les limites et les tensions de la relation d'obéissance aux supérieurs, dans une culture fermée où on n'est pas habitué à rendre des comptes à des gens de l'extérieur ou à bien réagir à la supervision externe et au besoin de tenir de franches discussions entre les membres de la profession et ceux à qui ils rendent des comptes, c'est-à-dire ce comité, d'autres organismes de supervision ou de réglementation et, en fait, les divers ministres.

Bien entendu, il faut établir le lien avec la tension créative qui existe entre les compétences et les normes professionnelles. Pour dire les choses simplement, pour mettre fin à la discrimination ou au harcèlement à l'endroit de quelqu'un, il faut tout d'abord admettre qu'on a un problème. Dans une institution, il faut avoir le courage de discuter de la question et de résoudre le problème avec les dirigeants, les subordonnés immédiats et les personnes qui sont les plus touchées : les victimes. Il faut donc parler à ces dernières pour comprendre ce qu'elles ont subi en raison des actes horribles que nous avons laissé commettre à titre de dirigeants.

Je vous relaterai très brièvement l'histoire de la capitaine Sandra Perron, membre fort distinguée du Royal 22e Régiment, aux côtés de laquelle j'ai eu le plaisir de servir en temps de guerre en ancienne Yougoslavie. Quand elle est revenue au pays, elle a été envoyée à un cours d'élite. Ses compagnons de classe l'ont attachée à un arbre, l'ont humiliée et ont tout fait pour la briser. Ce comportement était absolument inacceptable et n'a pas manqué de susciter une réaction plutôt directe et féroce de la part du chef d'état-major de la Défense de l'époque, lui-même membre du Royal 22e Régiment, le général Baril, un officier remarquable qui a essentiellement appliqué les principes impitoyables de leadership pour aller au fond des choses et veiller à résoudre la situation une fois pour toute.

Dans le cas des Forces canadiennes, comme je l'ai déjà souligné, il a fallu nous forcer la main, ce qu'a fait la Commission d'enquête sur la Somalie. Mais il fallait un autre élément déclencheur pour nous engager sur la voie de l'évolution. Dans notre cas, cet élément a pris la forme d'un nombre considérable de jeunes femmes braves et déterminées — des soldates — qui se sont manifestées pour dénoncer publiquement les incidents au cours desquels elles s'étaient heurtées à une chaîne de commandement qui était indifférente ou qui n'était pas disposée à faire tout ce qu'il fallait pour révéler ce qui se passait vraiment. Je les félicite d'avoir eu le courage, le cran et la force d'âme de se manifester et d'aider les forces armées à s'améliorer.

Je considère que d'autres grandes institutions nationales peuvent apprendre beaucoup des expériences que les forces armées ont vécues et vivent encore. Au bout du compte, les forces armées ne sont pas encore parfaites dans ce domaine fort complexe, mais elles ont fait énormément de chemin.

C'est sur ces mots que se termine mon exposé.

Le sénateur Dallaire : C'est un honneur que de voir deux distingués anciens commandants des forces armées comparaître devant le comité pour traiter de ce sujet. Ces deux anciens combattants d'une ère qui a donné lieu à des missions exceptionnellement complexes, souvent dans des situations ambiguës, des hommes, ont pris part à la mise en œuvre de la réforme du corps des officiers et des Forces canadiennes.

J'ai le rapport de d'octobre 1997 sur les recommandations de la Commission d'enquête sur la Somalie que le sénateur Art Eggleton, qui était ministre à l'époque, a signé. Ce rapport comprend près de 100 recommandations, dont certaines portent sur des questions juridiques, mais beaucoup d'autres concernent le leadership.

Vous avez indiqué que dans le cadre de la mise en œuvre, des comités de supervision de l'extérieur des Forces ont eu leur mot à dire ou ont conseillé directement le ministre. Ils ont ainsi influencé la mise en œuvre des recommandations pour veiller à ce que vous alliez de l'avant.

Pourriez-vous nous donner une idée de la manière dont les processus se sont déroulés à l'époque au sujet de ces recommandations, compte tenu du fait que vous avez établi de nouvelles capacités pour relever le défi? Vous avez notamment instauré l'Institut de leadership des Forces canadiennes canadiennes, qui a préparé des documents officiels sur le leadership, dont celui intitulé Challenge and Change in the Military : Gender and Diversity Issues. Ce n'est qu'un parmi beaucoup d'autres.

Pourriez-vous nous donner une idée de la manière dont les dirigeants ont pu progresser et s'épanouir au cours de cette période complexe, que ce soit grâce à l'éducation formelle, au perfectionnement, à l'expérience ou à d'autres démarches connexes?

Lgén Jeffery : Vous avez déjà couvert beaucoup de terrain, sénateur.

Au chapitre de la supervision, je dois admettre qu'à mon avis, le principal responsable a été le Comité de surveillance du ministre en matière de changement, qui a supervisé toute l'affaire. Il y a eu aussi cinq autres comités, que je ne pourrais nommer à cette étape du processus, mais qui ont surveillé diverses composantes. L'un s'est intéressé au système médical, un autre, à la justice et un autre, au Code de discipline militaire, et ainsi de suite, pour veiller à ce que nous réalisions des progrès dans divers domaines. Comme le général Leslie l'a déjà indiqué, le leadership constituait de loin le plus gros problème. Il a fallu revenir aux principes de base avec la formation de l'Institut de leadership des Forces canadiennes, et écrire ou réécrire notre doctrine professionnelle fondamentale, comme le document intitulé Servir avec honneur — le manuel de doctrine des Forces canadiennes qui met vraiment en lumière les valeurs et l'éthique — et une panoplie d'autres documents des Forces canadiennes et de l'armée afin de les institutionnaliser dans le système de perfectionnement professionnel. Pour moderniser ce dernier, on est allé bien plus loin que l'art de la guerre; il a fallu creuser jusqu'au cœur de ce qui constitue la profession militaire et l'examiner d'une manière bien plus théorique et fondée sur les valeurs qu'avant.

Ce sont là les principaux domaines d'intervention. Je pourrais vous parler en longueur des détails, mais c'est dans ces domaines que les avancées se sont effectuées et que la direction a subi des pressions de toutes parts pour réformer l'institution.

Lgén Leslie : Le rapport sur le leadership et l'administration des FC que le MDN a remis en 1997 au premier ministre révélait divers manquements graves en matière de leadership. Si on place la question dans le contexte du projet de loi C-42, je considère que la mise sur pied des six comités a permis d'assurer l'intervention d'un groupe neutre d'experts totalement impartiaux pouvant prodiguer des conseils non seulement à la chaîne de commandement des Forces canadiennes, mais aussi à l'autorité ministérielle. Comme vous le savez, c'est essentiellement le ministre qui est responsable.

Vous avez permis d'atténuer la prévalence des réseaux masculins fermés et la tendance des hauts gradés à minimiser l'importance des problèmes dévoilés, et offert un mécanisme de supervision aux soldates qui se sont dites victimes de harcèlement ou d'abus de pouvoir. Elles se sentaient parfois plus en sécurité en parlant de manière transparente à la structure de comité que lorsqu'elles s'adressaient à la chaîne de commandement. N'est-ce pas là une condamnation de cette dernière?

Heureusement, les choses ont bien changé depuis, et la situation s'est beaucoup améliorée. Je dirais que les Forces armées canadiennes, sans être parfaites, ont évolué et ont franchi des années-lumière en ce qui concerne leur approche, créant une atmosphère plus tolérante, mais se montrant sans pitié à l'égard des harceleurs.

Le sénateur Dallaire : À l'époque, un ombudsman a été affecté aux Forces. Vous avez tous deux travaillé avec lui alors qu'il était en poste depuis quelques années. A-t-il permis d'offrir un mécanisme assurant la confidentialité et la protection aux personnes qui se manifestaient pour faire part de préoccupations que la chaîne de commandement aurait encore eu de la difficulté à résoudre? Le considériez-vous comme un instrument positif ou comme un élément qui n'était pas absolument essentiel?

Lgén Jeffery : Dès le départ, je l'ai considéré comme essentiel. Nous devions offrir un environnement qui convaincrait les soldats qu'ils pouvaient se manifester et résoudre ces problèmes sans craindre de représailles de la chaîne de commandement. Voilà qui ne signifie pas que j'étais toujours d'accord avec l'ombudsman. Il nous est arrivé d'être fortement en désaccord sur certains sujets, mais l'important, c'était qu'il y ait un forum et un processus permettant aux soldats de tous les échelons de faire résoudre leurs problèmes de façon assez satisfaisante.

Je veux ajouter autre chose. Le lieutenant-général Leslie a mis l'accent à quelques reprises sur le harcèlement des soldates membres des Forces canadiennes. Sachez que le harcèlement ne s'arrêtait pas là, loin de là. J'ai trouvé tout aussi préoccupants les cas d'abus de pouvoir où des dirigeants de divers domaines — dans des affaires qui n'avaient rien à voir avec les différences entre les sexes, mais dans le cadre des activités quotidiennes — adoptaient à l'égard de subalternes des attitudes très dominantes totalement inconvenantes de nos jours. C'était digne de l'âge des ténèbres. Nous avons éprouvé de graves difficultés à cet égard également, mais peu importe en quoi consistait le problème ou ce qui préoccupait le soldat, l'ombudsman lui offrait un moyen de résoudre le problème.

Lgén Leslie : Je suis tout à fait d'accord. Je recommanderais que si jamais cet âge des ténèbres refait surface au sein des Forces canadiennes, en espérant que ce ne soit pas le cas, un protecteur ou une protectrice soit nommé au poste d'ombudsman. Ce dernier était essentiel en partie parce que les soldats avaient grandement perdu confiance à l'égard de la chaîne de commandement et de sa capacité de s'attaquer aux racines du mal de manière objective et rigoureuse. L'ombudsman constituait un autre degré de séparation, car il était bien connu que les divers titulaires qui ont occupé ce poste au cours de nos mandats ne mâchaient pas leurs mots, étaient déterminés à prendre ce qu'ils considéraient comme étant des mesures adéquates et avaient à cœur les intérêts des troupes.

Le sénateur Nolin : L'expérience des FC dans ce domaine nous est précieuse. Vous avez tous les deux indiqué que la supervision constituait une facette importante de cette entreprise.

Si vous aviez le pouvoir de créer ou d'approuver une structure ou un organe, quels seraient les principes directeurs que vous voudriez instaurer sur le plan de la supervision? J'ai, bien entendu, le processus d'enquête à l'esprit, mais je veux entendre ce que vous avez à dire sur la capacité d'imposer le changement. Je me demande également s'il convient de procéder en public, à huis clos ou selon un mode mixte. Je veux entendre vos principes directeurs. Comment voulez- vous que ces organes ou ces structures soient mis en place? Quels principes directeurs voudriez-vous instaurer?

Lgén Leslie : Il y a, selon moi, un certain avantage à apprendre de l'expérience. Les résultats des suites de l'enquête sur la Somalie ont profondément marqué les dirigeants de tous les échelons, mais pas parce que les éléments qui avaient été déterminés dans le cadre des résultats étaient inexacts ou mal fondés. C'était tout simplement un choc que de constater l'ampleur de notre déchéance ou le risque qu'il y avait de tomber encore plus bas. L'idée de faire intervenir des groupes d'experts indépendants et autonomes, pas nécessairement spécialistes du domaine militaire, constitués de citoyens distingués, libres de formuler des critiques en public ou en privé, selon la nature de la rétroaction, et de publier régulièrement des rapports et des mises à jour destinés à l'autorité ministérielle, a donné d'excellents dividendes. Ces démarches ont, dans une large mesure, agi comme un catalyseur porteur de changement.

Heureusement, certains dirigeants, d'un grade bien plus élevé que le mien à l'époque, ont relevé le défi et se sont non seulement attaqués au problème, mais ont également adopté la plupart des recommandations. Il existe toujours une tension créative entre ce que les comités peuvent décider et ce que la chaîne de commandement considère honnêtement comme étant ce qu'il convient de faire, mais nous avons accepté l'idée que nous avions un problème, que nous devions travailler ensemble pour le résoudre et que ce serait douloureux. Certains renseignements rendus publics allaient faire mal. Mais cette douleur, en partie tributaire de la profondeur de notre déchéance, a eu un effet presque purificateur.

Le sénateur Nolin : Dans quelle mesure ce processus de supervision est-il en mesure d'imposer des changements et dans quelle mesure la chaîne de commandement doit-elle accepter ces changements? Elle peut évidemment faire valoir que l'organe de supervision ne connaît pas la structure, mais au bout du compte, dans quelle mesure est-elle obligée d'accepter les changements?

Lgén Leslie : Quand c'est nécessaire, je crois que le fait de révéler en public ou en privé les lacunes du processus, du leadership et de l'éthos, que ce soit dans des études de cas génériques ou précises, à la chaîne de commandement, puis d'obliger cette dernière à devenir comptable en prenant la décision appropriée ou en ne prenant aucune décision, a pour effet de marquer une distinction nette entre la sagesse d'une structure de comité, qui n'est pas habilitée en vertu de la loi à commander ou à diriger, et la chaîne de commandement, qui a besoin à l'occasion d'un bon coup de pied quelque part pour porter le changement de culture au niveau supérieur. L'évolution peut parfois être douloureuse.

Le sénateur Nolin : Lieutenant-général Jeffery, avez-vous quelque chose à ajouter?

Lgén Jeffery : Je ferais écho aux propos du général Leslie, mais j'ajouterais que la sélection des membres du comité est d'une importance capitale. Je me montrerai un peu plus direct qu'il ne l'a été. La sélection des membres de la commission d'enquête sur la Somalie laissait beaucoup à désirer. Je ne fais pas référence à une personne en particulier, mais à l'équilibre de l'ensemble du comité. Ce dernier doit être très objectif. Une fois encore, avec des institutions complexes, il faut maintenir la pression — c'est essentiel pour réaliser des progrès —, mais il faut également que les membres soient crédibles pour les FC ou l'organisation qu'ils supervisent. Il est donc primordial de choisir un groupe diversifié d'hommes et de femmes équilibrés et crédibles dans leur approche globale.

Le sénateur Mitchell : J'ai l'impression que vous venez de nous exposer le b.a.-ba du changement culturel au sein des grandes organisations. Quiconque est confronté à ce problème devrait prendre connaissance de ce témoignage et peut- être vous appeler pour vous parler.

Je m'intéresse au genre de personnes qui ont fait partie du comité de surveillance et des cinq comités consultatifs. Vous nous en avez donné un aperçu, général Jeffrey. Pourriez-vous toutefois nous donner une idée de la manière dont elles ont été sélectionnées? Est-ce que les Forces ont eu leur mot à dire à ce sujet ou est-ce que le cabinet du ministre s'est chargé de toute l'affaire? A-t-on invité des gens à se proposer? A-t-on choisi un mélange de gens issus d'organisations en général, dotés de connaissances organisationnelles, et d'autres possédant une expérience technique précise dans certains domaines?

Lgén Jeffery : Je resterai bref, car je ne suis certainement pas expert en la matière et je n'ai pas pris part au processus de sélection, qui s'est en fait découlé entièrement à l'extérieur du domaine militaire. Je crois que le chef d'état-major de la Défense a formulé certaines observations au sujet d'aspects importants. Mais le processus s'est en grande partie découlé à l'extérieur des Forces canadiennes.

En ce qui concerne particulièrement le comité de surveillance du ministre et les gens qui le composaient, je crois on y trouvait un assez large éventail d'expertise. Je vous induirais en erreur en en disant plus.

Lgén Leslie : Je ne peux rien dire de plus précis, n'ayant jamais demandé comment le comité avait été constitué. Je suis toutefois certain que l'information est aisément accessible. Je ne veux pas vous donner l'impression que la structure de comité est l'unique responsable du changement de cap.

Il s'est en outre produit des tensions inévitables parce que le gouvernement qui ne voulait pas que de mauvaises nouvelles soient criées quotidiennement sur les toits au lieu de recevoir des renseignements justes sur la rapidité de l'évolution au sein des forces armées. Pareille situation peut évidemment créer des tensions.

Choisissez soigneusement les membres de votre comité. Le processus devra être aussi apolitique que faire se peut dans un environnement hautement politique. À dire vrai, c'est quelque chose dont je n'ai plus à me soucier.

Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse beaucoup au leadership et à son éducation. Il y a trente ou quarante ans, le seul endroit où on mettait l'accent sur cet aspect était les Forces canadiennes. C'est plus répandu maintenant.

Le processus d'éducation que vous avez évoqué m'intéresse. J'ai trouvé fascinant que vous ayez insisté auprès du Collège militaire royal du Canada et peut-être ailleurs pour que les officiers en formation suivent des cours d'arts libéraux. C'est un élément très fort du leadership que de raisonner au-delà de la dimension technique. Pourriez-vous formuler un commentaire à ce sujet?

Lgén Jeffery : C'est intéressant. Quand j'ai obtenu ma première commission, on voulait surtout que tous les officiers obtiennent un diplôme en génie. Je n'ai jamais adhéré à cette doctrine. Nous devons disposer d'une organisation aussi diversifiée que possible, composée de gens de tous les domaines d'études. Heureusement, nous y sommes parvenus de bien des manières.

Ce ne sont pas que les études régulières, mais aussi le perfectionnement professionnel doit être diversifié au sein de l'institution. Notre organisation s'emploie principalement à se préparer à la guerre; rien d'étonnant à ce qu'une bonne partie de notre perfectionnement se fasse dans ce domaine. C'est l'une des erreurs que nous avons commises. Nous avons perdu de vue le fait que les soldats et les officiers doivent notamment comprendre les dynamiques des sociétés et de la nature humaine dans toutes les régions du monde. Nous sommes présents partout dans le monde et y vivons à chaque jour qui passe.

Au cours des 15 à 20 dernières années, nous avons réformé le système de perfectionnement professionnel. Le Collège des Forces canadiennes et le Collège militaire royal du Canada sont aussi bons, si ce n'est meilleurs, que pratiquement toutes les autres universités quand il s'agit d'impartir aux gens une éducation diversifiée en arts libéraux et en sciences humaines, ainsi qu'une compréhension du monde où ils doivent vivre.

Le sénateur Mitchell : Général Leslie, avez-vous des observations à formuler?

Lgén Leslie : On dit qu'on a les forces armées ou la police qu'on est prêt à payer. Il est donc rare de trouver aujourd'hui un officier supérieur des forces armées qui n'a pas deux ou trois diplômes. Habituellement, la moitié de ces diplômes ont été financés par le contribuable, que nous remercions beaucoup. Voilà qui signifie qu'il faut créer une capacité suffisante dans le système de formation pour prodiguer constamment une formation professionnelle, ce qui demande du temps et de l'argent.

Dans des cas très semblables, mon collègue a suivi un cours d'un an bien plus compliqué que n'importe quelle formation que j'ai suivie. Cependant, le temps que nous obtenions trois étoiles, nous avions passé cinq ou six des 30 années précédentes à suivre un perfectionnement professionnel à temps plein, dans un contexte formel strictement examiné ou supervisé.

Voilà qui ne rend personne parfait. Nous savons que des aberrations passent entre les mailles du filet, et nous avons connu notre part de tragédies et de monstres arborant l'uniforme.

Les efforts déployés pour façonner la transformation d'une organisation ont un coût. L'un des avantages ou des approches qui en découlent, c'est que non seulement les officiers supérieurs et les officiers ont été éduqués, mais, et c'est tout aussi important, on a donné des programmes de professionnalisation aux sous-officiers supérieurs — nos sergents et nos caporaux — et à nos soldats, et ce, jusqu'aux membres des troupes. Pour ce qui est littéralement cinq ou sept années, pendant que nous composions avec le cœur de la crise, dans pratiquement tous les cours qu'on suivait pendant 30 ou 40 jours — auxquels assistaient des centaines de membres dans l'armée seulement —, il fallait suivre une formation sur la prévention du harcèlement et les principes de base en leadership.

En fait, avant de devenir sénateur, le général Dallaire a été chef du personnel militaire et a insufflé énormément d'énergie à ce programme au cours de ce qui était certaines de nos heures les plus sombres.

Le sénateur Plett : Ai-je raison de comprendre qu'en vertu de la Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement, les Forces appliquent une politique permettant d'imposer une formation quand une plainte s'avère fondée?

Lgén Leslie : Oui.

Le sénateur Plett : Pouvez-vous nous parler brièvement de la formation offerte? De plus, comment en évaluez-vous le taux de réussite?

Lgén Leslie : Oui, monsieur. Mais je ne peux vraiment parler que de la période au cours de laquelle j'étais général d'un statut relativement supérieur.

Depuis 2002, on a recensé 513 cas de harcèlement qui ont fait l'objet d'une plainte et d'une enquête, après quoi on a déterminé si elles étaient fondées ou non. C'est un chiffre remarquablement bon, étant donné que les Forces comptent en moyenne une population de 100 000 membres avec les forces régulières et la réserve. Je ne veux pas laisser entendre que nous devrions nous assoir sur nos lauriers, mais ce sont 513 cas sur une période de 10 ans.

De ces 513 cas, 31, ou 6 p. 100, étaient des plaintes pour harcèlement sexuel, dont un certain nombre se sont avérées fondées et ont donné lieu à des mesures très sérieuses.

L'éventail de programmes de formation est très large, s'étendant sur plusieurs semaines et même des mois, pour ceux qui suivent une formation de conseiller sur le harcèlement. L'élaboration de cette formation se fait dans le cadre d'un partenariat public-privé. Divers spécialistes traitant de la question de manière fort professionnelle sont venus nous prêter main-forte au cours de la dernière décennie. Ils abordent tous les sujets, qu'il s'agisse d'inculquer les dernières techniques de divers établissements d'enseignement ou d'offrir des programmes de mise à jour de trois jours aux carabiniers et aux femmes qui sont en poste en Afghanistan ou qui s'apprêtent à s'y rendre.

Une fois encore, le plus important est de conserver l'œil sur l'objectif, afin d'accorder le temps et les fonds nécessaires pour veiller à maintenir une bonne forme éthique, comme on le ferait de la forme physique.

Lgén Jeffery : Entre 1997 et 1999, quand nous nous occupions des grandes réformes, nous avons instauré un certain nombre de programmes où chaque personne portant l'uniforme devait suivre plusieurs jours de sensibilisation sur ces questions et leur rappelant les valeurs et l'éthique à respecter. Ils apprenaient ainsi ce qu'il convenait de faire et de ne pas faire en ce qui concerne le harcèlement sexuel et d'autres problèmes.

Le sénateur Plett : Je conviens certainement qu'un cas est un cas de trop, mais compte tenu des chiffres, vous avez raison de dire qu'ils sont relativement bas. Il serait très difficile de déterminer à quel point la formation porte fruit.

Lgén Leslie : Sénateur, je comprends ce que vous voulez dire. L'absence de crime ne signifie pas que la communauté ne compte pas de criminels en puissance qui ont constamment besoin de rappels et de cours de mise à jour pour les garder dans le droit chemin.

J'estime que les statistiques parlent d'elles-mêmes, et qu'un nombre relativement bas étalé sur 10 ans indique que la formation porte fruit. Cela me rappelle l'intéressant débat que j'ai eu avec le juge-avocat général à ma deuxième ou troisième année comme commandant. Il était d'avis que la principale base de formation au combat de l'armée, située à Wainwright, recensait un nombre hors de l'ordinaire de cas de non-respect de la discipline attribuables à de jeunes soldats, lesquels avaient été inculpés pour décharge accidentelle ou défaut de s'être présentés correctement vêtus ou en retard. Cela indiquait-il que nous avions des problèmes de discipline? Non. Cela indiquait que la discipline fonctionnait très bien, et que des mesures de redressement devaient être imposées à ces jeunes hommes et ces jeunes femmes avant leur départ pour l'Afghanistan, où ils ne recevraient pas de deuxième avertissement. S'ils gaffaient là-bas, c'est la mort qui les attendait.

Le sénateur Day : La première chose à laquelle j'ai pensé lorsque nous avons procédé à cette analyse est l'époque où vous aviez de la difficulté avec les forces armées, dans les années 1990. Vous souvenez-vous vous être tournés vers la GRC et avoir conclu que celle-ci était l'exemple à suivre, qu'elle devait faire certaines choses comme il faut, des façons de faire qu'il fallait que l'armée reprenne.

Lgén Jeffery : J'ai observé ce que faisaient les autres armées, car c'était la chose à faire, mais je ne me suis certainement pas tourné vers la GRC.

Lgén Leslie : Monsieur, j'étais au courant de ce qui se faisait à la GRC. J'étais à Regina, et je me souviens y avoir vu une classe terminale presque exclusivement composée d'agentes de sexe féminin. Cela m'avait beaucoup impressionné. En ce qui concerne la réalisation d'une étude ou la possibilité de tisser des liens plus robustes entre l'armée et la GRC, cela ne s'est pas produit, et je le regrette.

Le sénateur Day : En ce qui concerne l'enseignement, le modèle de la GRC consiste à envoyer les recrues au dépôt pour une formation d'une durée de six ou sept mois. Les agents apprennent surtout sur le terrain. Pour autant que je sache, ils sont encore en période d'apprentissage lorsqu'ils se retrouvent sur le terrain.

Comparez cela à la décision prise par les forces armées — comme l'a dit le lieutenant-général Leslie — de veiller à ce que les hauts gradés aient maintenant plusieurs diplômes. Il est obligatoire d'avoir au moins un diplôme dans les forces armées. Vous ne perdez pas votre admissibilité à une promotion par ce que vous prenez une année de congé pour aller à l'université.

Pouvez-vous comparer le modèle de la GRC avec celui que nous avons décidé d'adopter pour les forces armées? Cette transformation de leadership pourra-t-elle se faire par le biais du programme d'apprentissage qu'utilise la GRC?

Lgén Leslie : Je ne connais pas très bien le modèle de la GRC. J'ai l'impression que nous discutons au sujet de l'ordre dans lequel les choses doivent se faire. Les Forces canadiennes s'interrogent depuis plusieurs années afin de savoir si elles ont le bon modèle. Il existe un modèle qui prétend que le fait de donner la formation et l'expérience de base aux jeunes recrues avant d'investir dans leur éducation est en fait une bonne façon de procéder.

Comme je l'ai dit à un ancien collègue qui dirigeait le collège militaire, nous devons tenter d'éduquer ceux qui sont motivés plutôt que d'essayer de motiver ceux qui sont éduqués. Il y a là un certain équilibre que nous devons nous efforcer d'atteindre.

Je ne crois pas que nous disons que les membres de la GRC ne sont pas bien éduqués. J'en connais beaucoup qui ont des diplômes de haut niveau, alors il s'agit d'une question de priorité.

L'éducation est l'une des choses dont vous devez disposer pour diriger une organisation de grande taille. Bien que je reconnaisse que les ressources ne sont pas illimitées et qu'il nous faut faire attention à cet aspect, je rappelle au comité que l'armée et la police sont les deux seules composantes de la société autorisées de par la loi à utiliser la force.

Vous voulez donc que les personnes qui dirigent ces institutions soient bien équilibrées et qu'elles comprennent bien tous les tenants et aboutissants des situations complexes auxquelles elles auront affaire. Un placement judicieux serait d'investir dans l'éducation de manière à assurer que les échelons supérieurs de ces institutions disposent du leadership professionnel requis.

Lgén Leslie : Je ne crois pas que l'armée aurait eu le succès qu'elle a eu à changer la culture en éliminant les éléments misogynes et en lui permettant de faire ses preuves avec toute l'intensité qu'il a fallu en Afghanistan si elle s'était fiée à un modèle devant compter sur une formation initiale de six mois et dont toute la formation subséquente — du moins presque toute — aurait consisté en un apprentissage sur le terrain. Le lieutenant-général Jeffery a évoqué la nécessité de centraliser toute cette formation, et cela prend un énorme système de soutien.

La majeure partie de la formation influe sur la façon de se comporter de nos soldats et sur leur façon de réagir dans certaines situations. Cette formation n'est pas complètement centralisée, mais, pour des raisons géographiques, elle l'est en très grande partie, car nous voulons que les soldats aient accès aux meilleurs maîtres possible pour les aider à poursuivre leur formation continue. Il est assez rare qu'un soldat passe une année sans suivre un cours centralisé. Vous rassemblez les soldats à former, et les instructeurs sont mis au courant des plus récentes techniques relatives au sujet de la formation avant d'être mis en contact avec les étudiants.

Le changement de culture dont avait besoin l'armée, qui est le gros des Forces canadiennes, n'aurait pas été réussi s'il n'y avait pas eu de formation centralisée et si nous n'avions pas continuellement ramené de nouveaux effectifs pour renouveler le personnel et voir à ce que tout se passe bien.

Le sénateur Day : Ces renseignements sont très utiles. Merci.

Le sénateur Dallaire : Dans la phase moderne, il a fallu du temps aux gens pour se familiariser avec des concepts tels que l'éthos, l'éthique, l'autodiscipline, et même avec des termes devenus monnaie courante comme celui de « tolérance zéro ». Il s'agissait d'une phase où la chose militaire n'était plus aussi isolée qu'auparavant et qu'elle souhaitait en fait devenir un instrument progressiste de la société plutôt qu'un bastion conservateur dépassé. Combien de temps s'est-il écoulé entre le moment où le ministre a donné ses ordres en 1997 et celui où cet état de capacité permanent a été établi? Comment cet état a-t-il été maintenu, et pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour y arriver?

Lgén Jeffery : Il a fallu plusieurs années avant que l'on réussisse seulement à s'assoir pour rédiger la doctrine. Je crois que « Servir avec honneur » est sorti en 2000 ou 2001. Il aura donc fallu quatre ou cinq ans pour l'élaborer. Déjà, avant cela, nous avions pris certaines parties de cette réflexion et nous les avions intégrées à la formation de perfectionnement professionnel, mais nous étions au début des années 2000, alors il a fallu quatre ou cinq ans avant que cela commence à devenir la norme pour l'ensemble de nos cours et de nos formations. Le progrès a été continu. Je suis à la retraite depuis 2003, mais je dois venir ici et affirmer que je ne suis pas convaincu que tout cela est réglé. C'est un problème qui revient constamment, et nous avons encore du chemin à parcourir pour le régler. Je crois qu'il faudra encore quatre ou cinq ans avant de voir ces efforts porter fruit.

Lgén Leslie : C'est exactement ce que disent les statistiques : il faudra quatre ou cinq ans avant de voir des changements sérieux dans l'évolution de la culture.

Le sénateur Nolin : Lieutenant-général Leslie, j'aimerais revenir à votre liste des quatre étapes importantes sur cinq, dont le rendement et l'évaluation. J'ai trois questions, mais je les ai regroupées en une.

Le processus, l'importance de l'indépendance des évaluateurs, qui impose les changements après l'évaluation... Pour ce qui est du processus, s'agit-il d'un instrument permanent ou périodique? Quelles sont les grandes lignes de son fonctionnement? Je crois que le processus est l'aspect central de tout ce que nous souhaitons faire. Le changement est le bienvenu, mais qui évaluera si ces changements sont efficaces?

Lgén Leslie : Sénateur, le cinquième point portait sur le rendement, la surveillance et la mesure du rendement. Lorsqu'il est question du processus, d'indépendance et de qui s'occupe de le modifier, il est avant tout important d'avoir des données quantifiables. Ces données peuvent être produites en instaurant un climat propice à l'exécution d'enquêtes, de sondages d'opinion, à la tenue de discussions avec la chaîne de commandement et avec les troupes. Cela peut se faire lorsque vous avez réussi à instaurer un climat dans lequel ils se sentiront à l'aise de répondre avec sincérité et pas nécessairement en fonction de ce que leurs patrons veulent entendre.

Nous sommes des artilleurs : nous aimons les chiffres et les faits. C'est donc une bonne chose qu'il y ait des enquêtes tous les deux ans — ce qui est devenu une habitude, maintenant —, et que l'on puisse en lier les résultats aux types et au nombre de plaintes qui trouvent leur chemin jusqu'au bureau de l'ombudsman et qui sont communiquées à la chaîne de commandement, puis d'en faire rapport à des surveillants externes qui ne doivent rien à personne. Ces derniers se contentent de vérifier les faits et de rendre compte de ce qu'ils constatent, ce qui demande un certain degré d'indépendance implicite. C'est un processus très utile, duquel les troupes tirent aussi de la confiance, surtout lorsqu'il s'agit d'une chaîne de commandement qui aurait perdu la majeure partie de la confiance et du respect des troupes, comme c'était le cas juste après l'épisode de la Somalie.

Qui met les changements en œuvre? Cela ressemble beaucoup aux six comités qui avaient été mis sur pied, qui donnaient des conseils à la chaîne de commandement, qui l'éperonnaient, la réprimandaient à l'occasion, parfois publiquement, et l'incitaient à aller de l'avant. Si votre chaîne de commandement ne va pas de l'avant, vous vous retrouvez avec une institution qui est sans doute sur le point de s'écrouler, parce que ses dirigeants ne répondent ou ne répondront pas au message leur indiquant la direction que la population canadienne souhaite que l'institution prenne.

Nous avons frôlé cette situation de près durant cette sombre période, certes, mais nous avons toujours des problèmes sur les bras. Je dis « nous », mais vous savez que je suis retraité. Nous vivons toujours des jours sombres; nous constatons encore des incidents malencontreux. Ma fille est une soldate en service et elle est allée un an en Afghanistan. C'est moi qui commandais l'armée à l'époque et, croyez-moi, elle m'en aurait parlé. Le fait qu'elle était toujours armée a probablement aidé un peu.

Les forces armées ont fait un très bon bout de chemin. Une variété d'articles de journaux et de livres publiés de par le monde — dont un qui est paru il y a trois ou quatre ans au sujet de certains des problèmes qu'avait notre plus grand ami et allié — mentionne comment la politique-cadre a permis aux forces armées et à l'équipe de direction de composer avec ce problème au cours de la dernière décennie. Il s'agissait en fait d'un modèle fort admirable. Le Canada, la Nouvelle-Zélande et un ou deux autres pays reçoivent beaucoup d'éloges de la part des universitaires américains.

Le sénateur Mitchell : Cet aspect m'intéresse énormément. Je me souviendrai longtemps de cette intervention qui, je crois, a été faite par vous, lieutenant-général Leslie, au cours de laquelle vous avez salué, au nom des forces armées, je présume, les braves jeunes hommes et les braves jeunes femmes qui se sont décidés à parler. Cela soulève le problème que nous constatons dans une certaine mesure et que nous entendons — et la même chose s'applique à la GRC —, à savoir que les gens craignent de parler par peur des répercussions. Vous avez tous les deux soulevé la question.

Pouvez-vous nous indiquer plus précisément comment vous avez réussi à mettre les gens en confiance? Y a-t-il eu des rencontres spéciales avec le personnel haut placé et la haute direction au cours desquelles les victimes pouvaient ouvertement dire ce qu'elles ressentaient? Les rencontres étaient-elles réservées aux groupes consultatifs externes? À l'ombudsman? Comment avez-vous réussi à créer une atmosphère où les gens ont pu sentir qu'ils pouvaient parler sans se faire harceler encore davantage?

Lgén Leslie : J'étais lieutenant-colonel à l'époque de l'enquête sur la Somalie. Mike Jeffery était lieutenant-général, Roméo Dallaire était lieutenant-général et le général Baril était le chef d'état-major de la Défense. Ce sont eux qui devaient s'occuper de ces problèmes. Je pourrais dire de belles choses à leur sujet qu'ils ne diraient probablement pas eux-mêmes.

D'abord, ils étaient prêts à faire face au changement. Ils ont reconnu qu'il y avait un problème et ils ont été sans pitié avec les récalcitrants qui n'arrivaient pas à comprendre qu'il y avait un sérieux problème posé et à résoudre. Ils ont eux- mêmes suivi la formation SHARP, un programme de sensibilisation au harcèlement sexuel, avec les soldats : vous avez récolté trois étoiles auprès des soldats. Le général Baril est venu me voir plus tard, quand j'étais rendu colonel. Je dirigeais un énorme exercice de brigade mobilisant 5 000 militaires, et il voulait nous parler de la façon dont nous, en tant qu'armée, étions en danger de nous éloigner du centre moral. Il a répondu à une avalanche de questions, avec, en toile de fond, le soleil qui se couchait sur les plaines de Suffield. Certaines de ces questions étaient très pointues et certaines des réponses l'étaient plus encore. C'est ce qu'on appelle le leadership.

Lgén Jeffery : Je mettrais l'accent là-dessus : le leadership personnel qui vient d'en haut. À l'instar du général Baril, de nombreux autres hauts gradés et moi sommes allés sur le terrain à l'époque et nous avons passé du temps avec les effectifs, à l'occasion de grands rassemblements, en prenant le temps de leur parler, en leur permettant de formuler leurs questions et en leur donnant les réponses les plus honnêtes possible.

Comme je l'ai dit, et je sais que le général Baril a dit la même chose, vous pouvez poser n'importe quelle question et je vous répondrai, mais vous devez être certain d'être en mesure d'encaisser la réponse. Il y avait certains mythes qui couraient sur les endroits où nous étions et sur ce que nous faisions. C'était un amour difficile à vivre, si vous voulez le voir comme cela. Ce n'était pas facile.

En tant que chef, si vous n'étiez pas en mesure de vous présenter devant vos troupes et d'avoir ces échanges, cela signifiait que votre crédibilité ne valait pas cher. Certaines personnes n'ont pas été capables de franchir ce fossé. C'est cette génération que nous avons tissée durant ce processus.

Le président : Lieutenant-général Jeffery et lieutenant-général Leslie, merci beaucoup pour tous les services que vous avez rendus à notre pays et merci pour les exposés très instructifs que vous nous avez livrés cet après-midi.

Commissaire, soyez de nouveau le bienvenu. Nous sommes heureux que vous soyez revenu pour nous faire part de vos idées sur la façon dont la GRC traite le problème du harcèlement. Je sais que vous avez un exposé à nous faire et je vous invite tout de suite à procéder.

[Français]

Bob Paulson, commissaire, Gendarmerie royale du Canada : Honorables sénateurs, merci de vous pencher sans relâche sur le harcèlement à la GRC et de m'avoir invité aujourd'hui.

[Traduction]

Je peux affirmer que la GRC fait d'importants progrès dans la transformation du lieu de travail et dans la mise en œuvre des mesures prévues aux termes de son plan d'action Égalité entre les sexes et respect. Je tiens aussi à prendre quelques instants pour donner un aperçu de la façon dont la GRC perçoit à l'heure actuelle les défis relatifs au lieu de travail.

J'ai essayé de ne jamais être ou de ne jamais paraître sur la défensive au sujet de ce qui se passe dans la force. Je serai le premier à reconnaître les aspects sur lesquels nous avons erré ou les erreurs que nous avons commises. Je suis aussi rompu à l'idée de rendre la force meilleure, alors je serai toujours disposé à ce qu'on me signale nos problèmes. La seule chose qui soit pire que des mauvaises nouvelles est de ne pas avoir de nouvelles du tout. Je ne demande qu'à prêter l'oreille.

Comme suite à son examen exhaustif de nos politiques sur le harcèlement et de nos enquêtes en matière de harcèlement, la Commission des plaintes du public contre la GRC a dit :

Les données analysées n'étayent pas l'hypothèse selon laquelle la GRC est aux prises avec un problème systémique de harcèlement en milieu de travail, notamment le harcèlement sexuel.

Toutefois, je comprends que les Canadiens s'attendent à plus de notre part, et je crois que nous sommes tenus à une norme plus rigoureuse. C'est pourquoi nous avons adopté les recommandations du Parti conservateur et nous les appliquons. C'est aussi pourquoi nous avons réalisé un examen de nos pratiques et produit un plan d'action exhaustif; je suis heureux de vous annoncer sa mise en œuvre. Nous avons déployé des programmes efficaces pour le respect en milieu de travail dans chacune de nos 14 divisions dans l'ensemble du pays. La plupart de nos mesures de suivi respectent les échéances. J'ai reçu les commandants à l'administration centrale la semaine dernière. Je veille à la mise en œuvre de ces mesures de suivi.

Messieurs, nous réalisons des progrès, croyez-moi. Toutefois, comme dans tout milieu de travail, certaines personnes refusent d'adopter la mission de l'organisation, pour une raison ou pour une autre, et cherchent la facilité.

Je comprends que vous vouliez entendre le point de vue du caporal Roland Beaulieu de la Colombie-Britannique, et que son absence vous préoccupe. Selon ce que je comprends, nos médecins lui ont dit que s'il pouvait se rendre à Ottawa pour témoigner devant le comité, alors il pouvait certainement retourner au travail en Colombie-Britannique.

Le caporal n'a pas travaillé depuis un bon moment. Il prétend souffrir du trouble de stress post-traumatique à la suite d'un conflit au travail, et en raison d'une promotion qu'il n'aurait pas obtenue. Il critique toutefois vertement la GRC.

Le président : Puis-je intervenir? Je ne crois pas que le comité doive entendre parler d'une situation ou d'une question abordée par un autre comité. Par souci d'équité, je crois que nous devrions laisser le soin à l'autre comité de traiter cette question.

Le sénateur Nolin : Ne parlez pas de cela.

Le président : Est-ce que cela vous convient, monsieur le commissaire?

Le sénateur Nolin : Il s'agit d'une situation délicate, monsieur. Le Comité du Règlement traite de cette question, et je crois que nous devrions restreindre...

M. Paulson : Monsieur le président, je ne remets pas en question le bien-fondé de son témoignage, mais je crois qu'il est important d'avoir tous les renseignements sur ces circonstances.

Le sénateur Nolin : L'autre comité s'en chargera.

M. Paulson : Dois-je poursuivre, monsieur le président?

Le président : Oui. Pour ce qui est de cette question en particulier, un autre comité en est chargé. Si vous voulez faire part de votre point de vue à ce sujet, c'est à ce comité que vous devrez vous adresser.

M. Paulson : On parle du harcèlement et de l'interprétation qu'on en fait, monsieur le président.

Le sénateur Nolin : C'est une question de privilège. C'est un sujet très délicat, et je crois que le Comité du Règlement devrait s'en charger.

Le président : Veuillez poursuivre votre exposé. Je ne veux pas être difficile, mais je tente d'être raisonnable, et de veiller à ce que les questions soient présentées devant les bons comités.

Monsieur Plett, vouliez-vous faire un commentaire?

Le sénateur Plett : Oui. Le commissaire est d'avis que la question est pertinente aux fins de notre audience sur le harcèlement, et la situation émane de cette audience. Je ne crois pas qu'il veuille porter un jugement ou dire au Comité du Règlement quoi faire. Je suis désolé, je ne fais pas partie de ce comité. On me demande de traiter d'un rapport sur le harcèlement. Nous avons demandé à un commissaire de témoigner devant nous. Il croit qu'il est important que nous l'écoutions, et j'ai un problème avec le fait de refuser de l'écouter.

Le sénateur Day : Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Plett. Le commissaire est ici, et nous l'en remercions grandement.

Pour être honnête, je crois que vous ne devriez pas restreindre vos commentaires.

Je crois que le commissaire Paulson a dit ce qu'il voulait dire à ce sujet, mais je ne crois pas que nous devions imposer des limites à nos témoins, monsieur le président.

Le sénateur Nolin : Si vous me permettez, je ne veux pas lui imposer de restrictions.

Au contraire, monsieur le commissaire; je crois qu'il est important que vous puissiez vous adresser à nous, et présenter votre argument. Ce que je voulais dire, c'est qu'une question de privilège a été soulevée au Sénat, et que selon le Règlement, elle a été renvoyée au Comité du Règlement. C'est lui qui sera chargé de la question. Si le comité le souhaite, le commissaire pourra témoigner devant lui.

Je ne veux pas restreindre vos droits en tant que témoin. C'est pourquoi je fais valoir ce point.

Le président : Chers collègues, nous n'avons pas beaucoup de temps.

Monsieur le commissaire, je vous demanderais de poursuivre.

M. Paulson : Je respecte les suggestions du comité, et j'éviterai de faire tout commentaire au sujet du bien-fondé de son témoignage — ou de l'absence de témoignage —, ou de toute question de privilège. Je crois toutefois qu'il est important de comprendre que le caporal Beaulieu est le secrétaire d'un nouveau syndicat en Colombie-Britannique, et qu'il n'a pas de difficulté à assumer ces fonctions. Il y a à peine une semaine, il m'a envoyé une demande de 700 000 $ — ou de 500 000 $ libres d'impôt, comme il dit —, en plus de quelques promotions et de certaines prestations de retraite supplémentaires. En échange, il dit qu'il quittera les Forces. Selon moi, il s'agit d'une menace.

Selon ce que je comprends, vous avez entendu l'autre jour le caporal Merrifield, qui vous a présenté son point de vue au sujet des Forces. Il a fait valoir que ses supérieurs l'avaient tous harcelé, et qu'ils prenaient du bon temps avec des prostituées. Il revient tout juste au travail après une longue absence. Il est à la tête d'un syndicat en Ontario et était contrarié lorsque nous avons contesté sa candidature aux élections législatives, en raison des règles établies à cet égard. Il était également contrarié lorsque nous avons contesté ses commentaires non autorisés sur des questions de sécurité nationale et sa tentative d'entreprendre des enquêtes qui iraient à l'encontre de notre éthique. Nous avons aussi de règles à cet effet.

Vous avez sans aucun doute entendu les récentes nouvelles au sujet de la poursuite intentée par un ancien membre du Carrousel, la sergente d'état-major O'Farrell. Les événements invoqués dans sa déclaration se sont produits il y a 25 ans. Les Forces avaient alors modifié leurs politiques et leurs pratiques, et discipliné les membres en cause. Six personnes ont tenu le poste de commissaire depuis.

Les événements décrits sont terribles. Comprenez-moi bien; je ne les conteste pas. Comment pourrais-je?

J'ai rencontré personnellement la sergente d'état-major, qui a été promue à trois reprises depuis ces événements. Je lui ai demandé ce que nous pouvions faire, moi ou quiconque d'autre, pour l'aider.

Elle a refusé notre aide. Elle m'a seulement offert de me remettre sa déclaration avant de la déposer, et m'a dit que ces événements gêneraient la GRC s'ils étaient rendus publics. Elle avait tout à fait raison.

Ce que je veux dire, messieurs les sénateurs, c'est que je mets en œuvre des stratégies de pointe pour veiller à ce que notre milieu de travail soit respectueux et convivial, mais aussi pour veiller à maintenir un corps policier efficace et productif qui suscitera la confiance et la fierté des Canadiens.

Soyons honnêtes. Les ambitions de certains dépassent leurs capacités. Je ne peux pas gérer une force qui tolère ou indemnise des gens qui ont des ambitions inachevées.

Le maintien de l'ordre est un travail très difficile. Il est très gratifiant, mais aussi très exigeant. Pour être franc, ce n'est pas pour tout le monde.

Le trouble de stress post-traumatique me préoccupe grandement, et préoccupe aussi la GRC. Il peut empêcher quelqu'un de fonctionner et, lorsque cela arrive, nous travaillons avec nos membres pour le sortir de cette situation.

La grande majorité de nos membres et employés sont sur le terrain jour et nuit, et se démènent pour assurer la sécurité du Canada et des Canadiens, parce qu'ils aiment leur travail, et leur pays.

Je leur suis redevable. Ils méritent un milieu de travail respectueux, positif et habilitant, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de défis à relever ou de problèmes à régler. J'ai admis très franchement les problèmes de l'organisation. Il y a eu d'autres victimes de harcèlement au sein de la GRC et, malheureusement, il y en aura peut-être encore. Lorsque de tels événements se produisent dans la GRC, ils sont très médiatisés, puisque les Canadiens ont — et à juste titre — des attentes élevées envers leur service de police national. Ils sont déçus. Toutefois, les conflits en milieu de travail constituent un défi dans toutes les organisations. Je dis : moins il y en a, mieux c'est. Plus nous intervenons tôt, plus nous pourrons rétablir rapidement les relations, trouver des solutions et poursuivre notre mission importante.

Mais, pour l'amour, il faut garder un esprit ouvert et être objectifs lorsqu'on entend parler de ces questions, pour éviter qu'elles ne soient dénaturées ou pire, mal comprises, et considérées pour ce qu'elles ne sont pas. Je ne peux pas défendre continuellement des allégations dont le bien-fondé n'a pas été prouvé, mais auxquelles on croit dur comme fer et qu'on considère comme le reflet de l'expérience actuelle de travail au sein de la GRC, parce que ce n'est pas le cas.

J'ai besoin de votre soutien, et d'outils pour gérer et diriger mon personnel de manière à favoriser la productivité et l'efficacité et à assurer la sécurité des Canadiens, chez eux et dans la collectivité.

[Français]

Il me faut les outils pour gérer les employés, pour les diriger, pour être efficaces et productifs dans notre mandat d'assurer la sécurité des foyers et des collectivités.

Je vous remercie. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, monsieur le commissaire. J'aimerais tout d'abord reconnaître votre travail et la tâche difficile qui est la vôtre. Au nom de mes collègues, je tiens à vous assurer que nous vous comprenons. Vous faites du bon travail au nom des Canadiens. Même si vous connaissez certains problèmes, nous sommes là pour vous aider, vous et vos membres. Nous réalisons cette étude pour formuler des recommandations qui aideront votre organisation.

Voudriez-vous répondre aux allégations selon lesquelles les responsables de la GRC n'ont fait preuve d'aucune compassion ni d'aucune compréhension à l'égard des victimes, ou des personnes qui souffrent encore à la suite du harcèlement? Qu'avez-vous entendu? Avez-vous eu l'occasion de rencontrer ces personnes?

M. Paulson : Les responsables de la GRC ne font pas preuve de compassion lorsqu'ils répondent aux plaintes de ses membres. Je répète la question pour m'aider à formuler une réponse; je n'y acquiesce pas. On m'a toujours dit de répéter la question au moment de formuler une réponse. Cela me donne du temps et cela m'aide.

Eh bien, comme je viens de le dire, la question suscite beaucoup d'émotions. Certains dirigeants sont venus témoigner. Je pense au sous-commissaire Callens de la Colombie-Britannique, qui a grandement fait avancer les choses par sa façon d'échanger avec ses employés en personne ou par voie électronique et surtout, qui a su démontrer clairement la volonté des Forces d'apaiser les préoccupations. C'est l'expérience de la Colombie-Britannique. J'ai aussi fait ce travail lors d'assemblées générales ailleurs au pays, au nom des Forces.

Il faut prendre le temps d'analyser les défis auxquels est confrontée la force nationale de police dans la réalisation de sa mission au quotidien, et les éléments à prendre en considération pour les hommes et les femmes qui consacrent leur vie à cette mission, comme nous. Il faut aussi offrir des systèmes, des processus, des formations ainsi que des mesures de soutien et d'encouragement, ce que nous faisons. C'est ce qu'il faut vérifier.

Certaines des personnes dont j'ai parlé et qui expriment clairement le sentiment que vous avez décrit dans votre question n'ont pas toujours une conduite exemplaire, et ne reflètent pas toujours bien l'organisation.

Mes propos ressemblent à du déni. Je ne nie pas les problèmes, je les reconnais. Comme je l'ai dit, nous travaillons à changer nos méthodes de gestion, de leadership et de formation. Ces changements s'opèrent.

Tout cela pour dire que je ne suis pas d'accord avec cet énoncé. Je conviens que nous devons prendre les mesures proposées, c'est-à-dire de comprendre ce qui se passe et de veiller à aider les hommes et les femmes des Forces qui en ont besoin.

Le sénateur Dallaire : Vos réponses au sujet des plaignants me surprennent, monsieur le commissaire.

Vous avez de hautes responsabilités. Certains des plaignants ne semblent peut-être pas crédibles, mais ils obtiennent une visibilité qui donne lieu à des tensions au sein de votre force.

En 1994, j'étais commandant adjoint dans l'armée, et je supervisais 55 000 personnes; un régiment était délinquant. Pour la population, l'armée complète était malhonnête. Un sondage d'opinion publique révélait que 17 p. 100 des Canadiens avaient confiance en l'armée; elle comptait beaucoup de bonnes personnes, mais aussi des pommes pourries. Les dirigeants ont dû prendre des mesures importantes pour séparer le bon grain de l'ivraie, et c'est ce que nous attendons de vous. Vous nous dîtes que vous vous en occupez.

L'an dernier, j'ai rencontré quatre femmes de la GRC. Deux étaient sur le terrain en Afrique et les deux autres étaient au Canada. Ce n'est pas un grand échantillon. Elles ont toutes les quatre dit qu'elles entendaient régulièrement des expressions du genre « il faut que jeunesse se passe ». Elles ont entre quatre et 27 ans d'expérience. Leurs superviseurs semblent prendre des mesures qui vont à l'encontre de vos politiques. Les problèmes persistent et il ne semble y avoir aucun processus de réprimande ou de discipline en place pour les régler. C'est ce qui crée cet environnement.

Je m'intéresse surtout à la formation et aux ateliers sur l'éthique offerts dans votre force, au sens de l'éthique du corps des officiers supérieurs et à l'autodiscipline des corps de sous-officiers, à toutes les mesures qui peuvent aider à enrayer ce problème. Le projet de loi C-42 vous permet de le faire.

Avez-vous vraiment amorcé la réforme que vous décrivez pour s'attaquer à ce genre de comportement ou d'atmosphère dans la Gendarmerie afin de l'éradiquer d'une quelconque façon? Excusez-moi de la longueur de ma question.

M. Paulson : Non, je crois qu'elle illustre un certain nombre de difficultés auxquelles je suis confronté, et peut-être comme vous, quand vient le temps d'essayer de comprendre de quoi nous parlons.

Il est sans aucun doute inacceptable que les agentes soient exposées à ce genre de situation dans leur milieu de travail, ou n'importe où à proximité. D'après mon expérience, cela ne se produit pas souvent de nos jours.

Pour être franc, il semble que ce soit plutôt occasionnel, ce qui n'est tout de même pas une bonne chose.

Nous sommes en train de changer la situation à l'aide de nos programmes pour le respect en milieu de travail. Il ne s'agit pas de simples affiches. Vous avez d'ailleurs entendu parler des mesures prises dans chacune de nos divisions. Les programmes sont une sorte de sondage qui vise à trouver un terrain d'entente pour tous nos employés, un engagement à établir un nouveau mode de fonctionnement à la GRC. Pour s'attaquer au problème, ils prévoient la nomination de coordonnateurs ainsi que des réunions de détachement et d'unité. Nous ne pouvons pas tolérer la situation; ce n'est pas représentatif de la Gendarmerie. Nous prendrons donc des mesures là où c'est nécessaire.

Je mène une lutte qui a pour fondement le témoignage de quatre agentes. J'en ai rencontré beaucoup que je considère comme d'authentiques victimes. J'ai tenu la main de femmes avec qui j'ai pleuré après qu'elles m'aient raconté leur histoire d'horreur des 25 à 30 dernières années dans la Gendarmerie. C'est ce qui nous pousse à agir et ce qui doit motiver notre réforme. C'est la raison pour laquelle nous l'avons mise en œuvre. Nous ne voulons pas de ce genre d'histoires. Je ne veux pas que cela se produise. Nos initiatives en matière de leadership menées auprès des agents, des officiers et des sous-officiers et des superviseurs de première ligne, ainsi que les mesures législatives que nous proposons nous aideront tous à mettre de l'ordre dans notre milieu de travail, à y promouvoir le respect et à accroître la productivité.

Le sénateur Manning : Bonjour, monsieur le commissaire. Je vous souhaite beaucoup de succès dans vos fonctions. Je ne vais pas vous demander exactement ce que vous pensez étant donné que votre exposé m'en a donné une bonne idée.

J'aimerais parler de la façon dont sera évaluée la réussite de la transformation de la GRC. Quels repères avez-vous mis en place pour que vous puissiez revenir dans un an nous donner une certaine idée des progrès réalisés et nous dire où nous en sommes?

Étant donné que la question du harcèlement à la GRC est délicate, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de la création d'un poste d'ombudsman ou d'une reclassification à cette fin?

M. Paulson : Pour répondre à la première question, nous avons un certain nombre de repères. Je ne vais pas relancer le plan d'action, mais vous vous souviendrez qu'il contient 37 éléments et que des repères ont été établis pour chacun d'eux. En fait, j'ai passé beaucoup de temps la semaine dernière à revoir la liste point par point avec des commandants divisionnaires. Je me suis engagé à rendre compte des progrès aux Canadiens. Vous verrez les repères utilisés pour la mise en œuvre dans notre plan d'action.

La GRC compte 14 divisions, et chaque commandant divisionnaire doit avoir en place un programme pour le respect en milieu de travail. Par exemple, un commandant de la division du Manitoba m'a dit qu'il s'apprêtait à sonder tous les employés et m'a demandé si j'étais prêt à recevoir une autre fois les données recueillies. J'ai répondu oui. Je pense que c'est peut-être la meilleure façon d'évaluer la perception des employés par rapport aux changements des conditions de travail. C'est une autre façon d'effectuer une analyse comparative. Je n'aime malheureusement pas beaucoup les données d'enquête, mais je pense que c'est très important dans ce cas-ci.

Certains des autres repères que contient notre plan concernent le nombre de plaintes de harcèlement, les délais nécessaires dans un premier temps pour les régler de manière informelle et la façon initiale de résoudre un conflit. J'estime que nous avons un certain nombre de mécanismes d'évaluation objectifs pour chacun de ces éléments et que nous serons capables de rendre des comptes aux Canadiens et à votre comité sur la façon dont nous nous débrouillons.

À propos de votre deuxième question, je n'ai pas songé à recourir aux services d'un ombudsman. J'ai quelques observations à faire à ce sujet. Premièrement, je me suis doté d'une défenseure — je déteste ce terme — du plan d'action, qui est une agente responsable de sa mise en œuvre. Il s'agit d'Angela Workman-Stark, qui est quelqu'un de très accompli et de bien instruit. Il n'appartient pas à un ombudsman de jouer ce rôle.

J'ai également un agent d'intégrité professionnelle de même qu'une procédure applicable aux griefs. J'ai également la CPP, la commission des plaintes du public de la GRC, qui sera bientôt à notre service avec l'adoption de loi.

Selon ce que j'ai compris, les ombudsmans sont utiles lorsqu'il n'y a pas d'autres processus en place pour permettre aux employés de faire part de leurs préoccupations, et je crois que ce n'est pas le cas pour nous.

Le sénateur Mitchell : Monsieur le commissaire, un des messages très clairs et forts des deux généraux à la retraite qui ont joué un rôle déterminant pour apporter des changements dans l'armée lorsqu'on y a connu la même situation était que le problème provenait d'en haut, de leurs supérieurs.

Je suis surpris que vous soyez disposé à mettre deux subalternes sur la sellette, en les exposant ainsi à la critique générale. Je suis frappé par le message que cela envoie, et je vous demande ce que vous croyez que les gens qui veulent déposer une plainte ou exprimer une préoccupation en pensent quand ils constatent qu'ils pourraient être montrés du doigt dans un environnement très public. Quel genre de message est-ce que cela envoie aux supérieurs de votre organisation qui pourraient être tentés — certains d'entre eux, mais pas tous — de fermer un peu les yeux sur le problème? Quel genre de leadership de la part des supérieurs venons-nous tout juste de voir?

M. Paulson : Cela ne revient pas à fermer les yeux sur le problème, et je ne pense pas que mes officiers supérieurs le fassent d'une quelconque façon.

Je peux vous assurer, sénateur, qu'ils participent activement à nos démarches. Ce que j'ai dit dans mon exposé à propos de certains de ces officiers est qu'il y a des gens avec qui nous ne pouvons pas nouer le dialogue ni s'attendre à ce qu'ils contribuent à résoudre le problème. C'est tout simplement impossible. Je ne veux pas qu'on se serve d'eux pour définir le problème.

Pour être parfaitement honnête avec vous, depuis ma nomination, les membres me demandent de me rendre sur le terrain et de tirer certaines de ces choses au clair. Nous avons effectivement des problèmes, tout le monde le sait, mais ils doivent être correctement définis. Je pense que mon rôle en tant que dirigeant est d'arriver à comprendre de quoi il s'agit en faisant preuve d'équité et de justice.

Le sénateur Mitchell : Dans votre rapport sur le programme concernant l'égalité entre les sexes et le respect, vous dites :

La GRC n'a rien à gagner à nier l'évidence — et elle ne le fera pas.

Cette citation fait référence aux nombreuses actions en justice. On vous a informé de centaines de poursuites pour harcèlement. Nous entendons très souvent parler d'attaques contre ceux qui les ont entamées. Il s'agit de personnes qui ont des problèmes d'alcool, de drogue ou autres. Vous arrive-t-il de régler certains de ces dossiers? S'il est vrai que vous ne voulez pas nier l'évidence, pourquoi la GRC n'est pas davantage disposée à accepter que ces personnes ont des problèmes et à régler ces dossiers plutôt que de s'attaquer à elles en public? Quel est ce genre de leadership?

M. Paulson : Sénateur, nous ne les attaquons pas en public, et j'ignore à quelles centaines de plaignants vous faites allusion. Nous avons tenu des discussions avec un avocat au sujet du recours collectif.

Le sénateur Mitchell : Trois cents.

M. Paulson : Nous tentons de cerner le problème, mais cela revient selon moi au jeu du chat et de la souris.

Le sénateur Mitchell : Ce n'est pas un jeu.

M. Paulson : C'en est un pour certains, sénateur. J'ai écrit le paragraphe que vous avez lu, et j'étais sincère. Cela dit, je ne vais pas intervenir en fonction d'assertions peu détaillées. Nous devons mettre un peu d'ordre dans notre façon de comprendre de quoi il s'agit. Je vais tenir compte de vos conseils sur la manière dont nous devrions procéder, sénateur, tout comme je serai heureux d'accepter ceux des autres.

Le sénateur Plett : J'aimerais tout d'abord vous remercier d'être revenu témoigner. Je veux également répéter pour le compte rendu que je crois que la GRC est le meilleur service de police au monde. Je le dis au risque d'être réprimandé par mes bons amis à mon retour à Winnipeg. Je crois néanmoins que c'est vrai.

Nous menons une enquête d'intérêt public sur le harcèlement à la GRC. Je pense qu'il convient d'inscrire au moins une autre fois au compte rendu que, en ce qui concerne les cas de harcèlement en milieu de travail signalés, la GRC occupe le 7e rang sur 10 services de police canadiens choisis. En fait, on y recense un cas signalé pour chaque groupe de mille personnes. Nous n'en voulons aucun — je le sais bien —, tout comme vous, mais c'est un bon bilan.

Cela dit, je vais poser deux questions sur un autre sujet. Monsieur le commissaire, en cas de grief ou de violation du code de conduite susceptibles de constituer une infraction au Code criminel, quelle est actuellement la marche à suivre, et sera-t-elle modifiée si le projet de loi C-42 est adopté?

M. Paulson : Merci de me poser la question. Vous parlez d'un grief ou d'une violation du code de conduite. Nous allons pour l'instant séparer ces deux éléments.

Si, dans le cadre d'une enquête relative au code de conduite, nous prenons connaissance d'un comportement criminel ou que nous avons des raisons de croire qu'il y en a eu un, on procédera à une enquête criminelle. Selon la nature des faits sous-jacents — autrement dit, s'il est question de blessures ou de lésions corporelles graves, d'un décès ou d'autres circonstances délicates ou graves —, notre politique relative aux enquêtes externes doit actuellement être appliquée.

Il existe un certain nombre de variantes, et il faut tenir compte de la situation, mais il en sera question dans la nouvelle loi. Autrement dit, si nous prenons connaissance d'actes criminels dans le cadre d'une enquête sur une infraction au code de conduite, la loi prescrira ce qui est actuellement prévu dans notre politique, c'est-à-dire des enquêtes externes. Il faut respecter des niveaux d'indépendance ou d'externalité progressifs.

Je ne suis pas certain si cela répond à votre question.

Pour en revenir aux griefs, la nouvelle loi propose de consolider les divers processus de règlement de notre organisation, ce qui simplifiera la marche à suivre pour nos membres et nos employés grâce à une approche mieux adaptée.

Le sénateur Plett : Vous avez déclaré ce qui suit : « Ce n'est pas la GRC dont je suis devenu membre, et nous ne pouvons pas continuer ainsi. » Pouvez-vous nous donner des précisions sur cette déclaration et nous dire quelles sont les difficultés liées à la transformation culturelle qui vise à ce que la GRC soit à la hauteur de vos attentes?

M. Paulson : Oui. Je faisais allusion au nombre élevé de dossiers disciplinaires et de plaintes rendues publiques, je crois que nous en avons tous parlé, qui ont terni l'image de l'organisation et qui doivent être réglés par un leadership direct, comme beaucoup d'entre vous me l'ont demandé. Dès mon arrivée en poste, j'ai dit que les deux principaux moyens de résoudre la situation sont le leadership et l'obligation de rendre des comptes.

Mon expérience au sein de l'organisation n'a pas été grandement marquée par ce genre d'événements. Je n'en ai donc pas été témoin, et ce n'est certainement pas quelque chose que je peux tolérer en tant que premier dirigeant de la GRC. C'est pourquoi nous adoptons une approche très sérieuse, réfléchie et mesurable pour apporter les changements nécessaires.

J'ai également parlé publiquement de la difficulté de réaliser un changement de culture parce que, selon moi, ce n'est pas aussi simple que de mettre en place de nouvelles règles. En effet, il faut trouver des moyens de changer fondamentalement le comportement des gens qui composent l'organisation avant de pouvoir parler de changement de culture. Il y a toutes sortes de processus ou de systèmes pour y parvenir et je compte m'en servir. C'est pourquoi je dis que nous ne pouvons pas continuer ainsi. Je ne veux pas que cela se produise de nouveau, quel que ce soit le niveau hiérarchique des personnes impliquées. C'est ce qui émane de mon expérience en tant que commissaire.

Le sénateur Nolin : Merci, monsieur le commissaire, d'avoir accepté notre invitation. Pouvez-vous nous dire ce que vous projetez pour le nouveau code de conduite?

M. Paulson : Le nouveau code de conduite sera un peu plus détaillé. J'ai passé en revue le code actuel et la plupart de nos processus disciplinaires avant de venir témoigner. Ils sont tous effectivement axés sur une des infractions du code, la conduite déshonorante, ce qui est très vaste et semble être le chef d'accusation utilisé dans la plupart des cas. Nous essayons d'encadrer le tout un peu mieux.

Dès que le code de conduite sera terminé, il fera l'objet d'un règlement, pourvu que le projet de loi soit adopté. Nous disposerons ensuite d'un règlement qui énoncera pour tout le monde le genre de comportements que nous cherchons à prévenir et à éviter. Beaucoup d'infractions seront dans notre code de conduite, mais nous devrons mener des discussions plus approfondies pour délimiter ce qu'on entend par conduite acceptable.

[Français]

Le sénateur Nolin : Monsieur le commissaire, étant le policier le plus haut gradé de l'organisation policière fédérale, vous avez certainement entendu souvent l'expression « ce n'est pas tout que justice soit rendu, mais il faut que l'on perçoive qu'elle a été rendue ». En matière de code de conduite comme en matière de loi criminelle, la même règle doit s'appliquer.

Nous avons entendu la semaine dernière un de vos collègues, le chef Hanson, chef de la police de Calgary, et nous lui avons posé des questions sur le code de conduite qui prévaut à Calgary. Une des facettes qui nous intéressait était toute la question des peines associées au bris du code de conduite de la police de Calgary. Le chef Hanson a été très ouvert sur la question. Ce qui nous préoccupe ce sont les peines associées au bris d'un code de conduite. Je veux savoir si, dans l'application ou la mise en œuvre de ce nouveau code de conduite, il y aura justement des peines associées clairement au bris du nouveau code de conduite de la GRC.

Ma question est donc la suivante : est-ce qu'il y aura, dans le code de conduite, des peines spécifiques associées au bris du code de conduite?

M. Paulson : Oui, je comprends votre question très clairement. Je ne suis pas certain que nous allons avoir des peines associées avec le code de conduite. Nous allons avoir une échelle des peines.

[Traduction]

Nous aurons une liste de sanctions qui pourront être infligées par diverses autorités. Des sanctions plus sévères seront données à ceux qui occupent des postes plus élevés. Comme je l'ai dit aujourd'hui, arriver à bien comprendre ce qui se passe demande certains efforts ainsi que beaucoup de travail et de patience. Nos sanctions comprendront du counseling, des blâmes, des journées sans salaire, des exigences liées au counseling ou peut-être une mutation.

De plus, notre approche accordera dorénavant aux autorités disciplinaires, comme nous les appelons, une certaine marge de manœuvre pour innover quant à la façon dont une sanction peut être adaptée à une inconduite. Il faut se rappeler, malgré tout ce qui a été dit au sujet de notre nouvelle approche, que l'exigence sous-jacente est de régler les comportements inacceptables. Punir les gens est le dernier recours. Nous essayons d'adopter une approche corrective.

[Français]

Le sénateur Nolin : Par prévention?

M. Paulson : C'est ça. Peut-être que ce n'est pas suffisamment clair.

Le sénateur Nolin : Non, c'est très clair. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Day : Monsieur le commissaire, comme le sénateur Plett l'a indiqué, nous avons examiné le projet de loi C-42 et nous espérons qu'il vous donnera les outils nécessaires pour réaliser la transformation culturelle et régler les problèmes de comportement dont vous avez parlé.

Pendant votre témoignage, vous avez dit que votre plan allait amener l'ordre, la responsabilité et la productivité. Qu'entendiez-vous par productivité? Il n'en a pas été question dans les discussions sur le changement et la transformation de la culture.

M. Paulson : Nous nous penchons sur la notion depuis quelques années. Il est difficile de comprendre comment chaque membre d'une organisation contribue à sa productivité. On a beaucoup parlé dernièrement des paramètres économiques des services de police, et, selon moi, on ne peut pas aborder le sujet sans qu'il soit question dans une certaine mesure de productivité.

Par exemple, en matière de prévention, comment utilise-t-on ses agents et comment peut-on s'assurer d'obtenir les résultats souhaités? Combien de présentations font-ils dans les écoles? Avec combien d'enseignants se sont-ils associés? Quel est le nombre de travailleurs en santé communautaire avec qui ils ont noué le dialogue? En ce qui a trait à l'application de la loi, combien de chefs d'accusation ont-ils déposés? Il semble hérétique de nos jours de demander à des agents le nombre d'accusations qu'ils ont faites. Nous encourageons certains de nos membres les plus productifs en fonction du nombre d'arrestations pour conduite avec facultés affaiblies ou pour vol qu'ils ont effectuées et du nombre d'homicides qu'ils ont résolus.

Nous devons comprendre que nous sommes avant tout un service de police, et que notre rôle principal est de maintenir l'ordre. Lorsque nos membres exercent d'autres activités, nous ne devons pas oublier d'utiliser nos ressources, c'est-à-dire l'argent des contribuables canadiens, de manière productive et efficace en obtenant le meilleur rendement possible.

Les discussions sur la productivité m'intéressent énormément, et nous nous apprêtons à mesurer de manière plus objective la façon dont chaque agent, chaque équipe et chaque unité contribuent à la sécurité publique.

Le sénateur Day : Merci. Vos explications m'aident à comprendre.

Vous avez entendu une partie du témoignage du lieutenant-général Leslie et du lieutenant-général Jeffery, qui ont comparu avant vous. Ils ont mentionné qu'ils n'auraient pas pu réaliser le changement et la transformation de culture qui s'avéraient nécessaires sans avoir commencé par éduquer les officiers pour ensuite en faire autant avec le reste des membres. Ils ont parlé de sortir les gens de leur milieu de travail, de les rassembler et de leur enseigner des notions de psychologie et de sociologie qui n'ont rien de technique comme le nombre de contraventions que l'on donne ou la façon dont on les écrit, mais qui relèvent de questions liées aux relations humaines, telles que les langues et les cultures.

Vous apprêtez-vous à en faire autant? Cela nécessite un renforcement des capacités pour permettre à certaines personnes sur le terrain d'aller suivre la formation. Vous ne pourrez pas régler un problème de comportement si vous envoyez après six mois un agent subalterne dans une unité où la manière d'agir des gens l'influencera de manière négative. Vous devez élaborer une philosophie qui sera adoptée par toute l'organisation, et vous ne pourrez pas y arriver avec le système que vous avez actuellement en place.

M. Paulson : Non, en effet.

Je vais parler de deux groupes d'initiatives de formation. Le premier est la formation en milieu de travail qui s'échelonne sur des jours, des semaines et des mois pour aider les agents dans le cadre de leurs fonctions. Nous devons apprendre à mieux utiliser certains appareils, comme les ivressomètres, à mieux connaître le droit qui s'applique aux vols et ainsi de suite.

Ce qui est peut-être plus pertinent pour vous, et les généraux ont abordé le sujet et je suis d'accord avec eux, est la création — comme j'en ai déjà parlé devant votre comité — d'un corps d'officiers professionnels, c'est-à-dire un groupe de leaders qui peut comprendre d'une nouvelle façon ce qui, dans la population active, dans notre société ou dans le monde, a des répercussions sur notre travail. C'est ce que nous prévoyons dans le cadre du perfectionnement de nos officiers.

J'envisage d'enrôler directement à titre d'officiers des gens qui ont des compétences particulières, un parcours précis à l'université ou dans l'industrie, pour éventuellement les faire travailler ensemble. Nous songeons à utiliser notre collège de police d'une toute nouvelle façon. Comme je vous l'ai déjà dit, nous dépendons actuellement, de manière ponctuelle, de notre contribution fragmentaire à diverses initiatives en matière de leadership et de perfectionnement des supérieurs dans d'autres organisations et secteurs, tels que l'armée, l'industrie et le milieu bancaire. Nous devons mettre sur pied notre propre programme de perfectionnement de base pour maintenir en place un corps d'officiers professionnels. C'est ce que nous sommes en train de faire.

Le sénateur Day : Merci.

Le sénateur Patterson : Dans son rapport sur le harcèlement en milieu de travail, la Commission des plaintes du public contre la GRC a mentionné que l'étendue réelle du problème était difficile à évaluer à cause de mauvaises pratiques de documentation. J'aimerais avoir votre opinion sur le sujet.

Vous avez maintenant un meilleur bilan en matière de dépôt et de résolution de plaintes officielles et non officielles, ce qui devrait procurer davantage de données de base fiables pour évaluer les progrès réalisés. Dans ce contexte, je me demandais, dans l'éventualité où nous voudrions examiner de nouveau la question, ce qui est possible, si vous seriez d'accord pour que nous ayons accès à ces données? Je veux dire à l'avenir, comme dans trois ans.

M. Paulson : Tout à fait. Je m'engagerais à rendre disponibles toutes les données nécessaires pour examiner la question. Cela va de soi, je crois, mais je vais quand même le mentionner.

À propos de la première partie de votre question, j'ai souvent dit à des comités, y compris le vôtre, que nous avons centralisé l'administration, la surveillance et la gestion des plaintes de harcèlement.

Ce qui peut créer une certaine confusion et donner lieu à des critiques est la mise en œuvre, sous forme de sondages des employés, de nos programmes pour le respect en milieu de travail. Nous demandons à un groupe de membres dans une division, par exemple ici à Ottawa : « Combien d'entre vous ont déjà été harcelé dans votre service? » On obtient ainsi d'autres chiffres assez distincts et plus élevés — j'ai moi-même fait ces sondages, et j'ai répondu « oui » parce que j'ai déjà été harcelé, même si je ne l'ai jamais signalé. Votre comité s'est entre autres servi du travail effectué par M. Smith et d'autres intervenants en Colombie-Britannique, qui ont eu une discussion franche avec les employés à propos de ce qui leur était arrivé. Quand on procède ainsi, on se rend compte que le problème est plus important que le laissent croire les statistiques sur les plaintes officielles.

Les données seront ambiguës pendant un certain temps alors que nous continuons de sonder nos employés et de discuter avec eux dans le cadre d'initiatives sur le respect en milieu de travail. Comme je l'ai dit tout à l'heure, au Manitoba, le commandant divisionnaire a été inquiet d'apprendre que 40 p. 100 de ses employés avaient subi du harcèlement. Je suis sûr que la nouvelle fera les manchettes et qu'on en entendra parler. Il est très important de comprendre, et nous le savons. C'est pourquoi nous sommes prêts à vous fournir toutes les données dont nous disposons.

Le sénateur Patterson : Merci de ces explications.

Le Plan d'action de la GRC intitulé Égalité des sexes et respect s'articule autour de deux axes : la culture et la composition de la Gendarmerie. Pouvez-vous nous parler du recrutement de femmes à la GRC? Premièrement, pouvez-vous nous dire pourquoi c'est important pour vous?

Deuxièmement, je crois que l'objectif est d'avoir 30 p. 100 de femmes parmi les membres réguliers d'ici 2025. Pourquoi pas 50 p. 100? S'agit-il d'un objectif à plus long terme?

M. Paulson : Si vous lisez le plan d'action, vous comprendrez pourquoi 30 p. 100 d'ici 2025 est un objectif très ambitieux. L'arrivée massive de nouveaux membres au cours des quelques dernières années a biaisé les chiffres liés aux efforts de recrutement futurs en ayant une incidence sur le nombre total.

On n'a jamais entendu parler de forces de l'ordre composées de 50 p. 100 de femmes. Cela dit, ce serait l'idéal étant donné que le principe fondamental veut que la composition d'un service de police reflète celle de la collectivité où il maintient l'ordre.

La difficulté réside dans le nombre de candidats potentiels, c'est-à-dire le nombre de femmes intéressées par la Gendarmerie, ainsi que dans nos besoins prévus en matière de recrutement d'ici 2025, inclusivement, pour nous permettre d'atteindre notre objectif. C'est ambitieux, mais je crois que c'est possible. Essayer d'atteindre un pourcentage plus élevé en moins de temps serait voué à l'échec.

Nous nous tournons vers les collectivités, les écoles et les groupes qui pourraient aider notre organisation à atteindre son objectif. C'est un défi de taille.

Le président : Monsieur le commissaire, j'aimerais revenir au code de conduite, qui à mon avis est très important pour la Gendarmerie et le grand public. Il établit les normes et les repères moraux que défend votre organisation, conformément à nos attentes et aux vôtres.

Je suis préoccupé par le nombre de décisions concernant des infractions au code, bien qu'il y en ait eu peu, que certains membres ont commises au cours de la dernière année et par les sanctions qui leur ont été infligées. Afin d'illustrer son importance, pouvez-vous nous parler de l'examen du code et de ce qui a mené aux attentes de la Gendarmerie et aux sanctions liées aux infractions graves pour que le public et les membres sachent comment vous avez procédé?

M. Paulson : Je suis d'accord avec vous à propos de l'importance du code de conduite, et c'est pourquoi je pense qu'il est primordial que le projet de loi soit adopté. De mon point de vue de simple policier de campagne, je crois que notre régime disciplinaire est devenu tellement accusatoire et réglementé, en plus d'être empêtré dans de nombreux processus similaires à ceux de notre système de justice pénale, que nous sommes devenus incapables d'adopter une approche de gestion des comportements efficace sur le plan administratif. Le nouveau système prévoit la désignation d'autorités disciplinaires. Les commissions seront moins légalistes et accusatoires qu'avant. Elles seront conçues pour nouer rapidement le dialogue avec les membres concernés et prendre des mesures disciplinaires correctives. Nous aurons également un mécanisme pour régler les cas où la nature scandaleuse du comportement est évidente. Si les processus en place ne permettent pas de résoudre ces cas, l'autorité disciplinaire et moi-même pourrons interjeter appel, tout comme le membre concerné. Je n'ai pas pu le faire dans le passé. J'ai entre autres essayé de porter l'affaire Ray — dont votre comité a débattu à plusieurs reprises — devant la Cour fédérale, mais sans succès.

Le projet de loi C-42 règle le problème. Il est très important d'être en mesure d'uniformiser la façon dont toutes les causes sont entendues d'un bout à l'autre du pays.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le commissaire. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venu témoigner. Vous avez toujours accepté nos invitations avec enthousiasme.

Une lourde tâche vous attend. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes ici pour vous aider dans la mesure de nos possibilités.

(La séance est levée.)


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