Aller au contenu
POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 10 - Témoignages - Séance du matin


HALIFAX, le jeudi 29 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 9 h 38, pour étudier la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Pour commencer la réunion, je demanderais aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur McInnis : Sénateur Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l'Ontario, mais mon cœur est au Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Le comité poursuit son étude spéciale sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie, ici, au Canada. Nous venons tout juste de passer deux ou trois jours à Terre- Neuve-et-Labrador, et nous sommes ravis d'être ici, à Halifax, en Nouvelle-Écosse, ce matin, pour entendre divers témoins. Nous croyons savoir que les témoins ont des déclarations préliminaires, mais avant de les écouter, je vous demanderais de vous présenter et de dire qui vous représentez, s'il vous plaît.

Nell Halse, vice-présidente, Communications, Cooke Aquaculture : Bonjour, je m'appelle Nell Halse, et je représente Cooke Aquaculture.

Peter Corey, président, Aquaculture Association of Nova Scotia : Peter Corey, et je suis ici, aujourd'hui, pour représenter l'Aquaculture Association of Nova Scotia.

Bryan Bosien, membre, Aquaculture Association of Nova Scotia : Bryan Bosien, et je représente Snow Island Salmon.

Pamela Parker, directrice exécutive, Atlantic Canada Fish Farmers Association : Pamela Parker, et je suis ici pour représenter l'Atlantic Canada Fish Farmers Association.

Le président : Merci beaucoup.

Madame Parker, voudriez-vous commencer?

Mme Parker : Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous rencontrer, aujourd'hui. J'ai préparé un jeu de diapositives, que vous avez tous en main. Comme mon temps est limité, je vais non pas répéter ce qu'il y a sur les diapositives, mais plutôt vous donner un bref aperçu de l'industrie salmonicole en Nouvelle-Écosse, au fur et à mesure qu'elles défileront.

Le premier point essentiel, c'est que nous sommes des cultivateurs. Tout ce que nous mangeons est cultivé, tous nos légumes, nos fruits et nos viandes. Les fermes n'arrêtent plus au rivage. Le déclin des pêches de poisson sauvage a commencé bien avant la salmoniculture. En fait, la pisciculture a commencé parce que les gens essayaient de trouver une façon de rétablir la pêche sauvage au moyen de programmes d'écloserie et d'élevage. Il n'y a aucune preuve scientifique qui étaye la prémisse selon laquelle les salmonicultures sont une menace pour les espèces sauvages.

Les modèles mathématiques proposés dans des documents produits avant 2009 se sont révélés faux. Les rapports de surveillance du saumon sauvage canadien montrent les tendances liées au retour des poissons sauvages qui sont restées relativement stables tant dans les régions où il y a des sites de salmoniculture que dans celles où il n'y en a pas. À mesure que la population mondiale croît, nous observons une diminution des ressources en eau douce; les terres propices à l'agriculture rapetissent. De plus en plus, les aliments sont cultivés dans des régions où il faut avoir accès à de l'eau douce pour irriguer ces cultures. Les Nations Unies nous disent que, d'ici 2025, soit dans seulement 11 ans, les deux tiers de la population mondiale habiteront dans des régions en proie à des pénuries d'eau douce. Je le dis parce que je crois que nous avons l'obligation morale d'apprendre comment cultiver davantage d'aliments en milieu marin.

La diapositive 5 montre certains faits que nous devons garder à l'esprit concernant les aliments dont nous aurons besoin dans l'avenir. La consommation de fruits de mer augmente; le saumon est maintenant plus populaire que le bœuf. L'aquaculture sera essentielle pour que les pêcheries sauvages continuent d'être gérées de façon appropriée tout en répondant à la demande de plus en plus importante de fruits de mer.

Non seulement la population est en croissance, mais c'est également le cas de la classe moyenne et de ceux qui veulent adopter un régime alimentaire sain. Nous savons que le saumon est un des aliments les plus sains que l'on peut manger. Si les Canadiens ne mangeaient que cinq onces de fruits de mer chaque semaine, plus de 5 800 personnes seraient protégées de l'insuffisance coronaire, ce qui représenterait une économie de plus de 50 milliards de dollars pour notre société, sans parler des milliards de dollars qui seraient épargnés en coûts de soins de santé.

Les gens veulent que leurs aliments soient cultivés de la façon la plus naturelle possible, et c'est ce que nos cultivateurs font. Les écloseries en eau douce servent à préserver nos œufs et nos jeunes poissons, puis ceux-ci sont déplacés vers des sites d'aquaculture, où ils sont stockés à une très faible densité. Le déplacement des poissons est fortement réglementé; les poissons sont mis à l'eau seulement s'ils sont certifiés comme n'ayant aucune maladie ni aucun parasite.

Les données sur la diapositive 7 montrent clairement que les poissons reçoivent beaucoup moins d'antibiotiques que toute autre protéine d'élevage, au Canada. Nos poissons sont en bonne santé, mais lorsqu'ils ont besoin de soins, tous les traitements sont prescrits par un vétérinaire. Tous les médicaments font l'objet d'évaluations du risque rigoureuses fondées sur des recherches internationales et des études locales.

On parle beaucoup du pou du poisson, qui varie selon bon nombre de facteurs environnementaux. À ce jour, il n'y a jamais eu de traitement contre le pou du poisson dans un site de salmoniculture, en Nouvelle-Écosse. Cependant, après 10 ans d'études sur le terrain, en Norvège et au Royaume-Uni, aucun produit de traitement du pou du poisson n'a eu d'impact négatif sur les pêcheries sauvages, y compris la crevette, le homard et le crabe.

Les salmoniculteurs ont tout intérêt à préserver un environnement marin intact, ce qui explique pourquoi ils ont mis en œuvre des codes de pratiques qui gouvernent toutes les activités. Les sites sont minutieusement choisis afin de fournir les meilleures conditions au bien-être des poissons et pour assurer la durabilité environnementale.

Les cultivateurs canadiens atteignent maintenant presque un ratio de conversion de la moulée de un pour un. Non seulement nous utilisons moins de farine et d'huile de poisson, mais nous convertissons davantage de nourriture pour poissons en chair, ce qui signifie qu'il y a moins de perte liée au poisson lui-même, et c'est une des nombreuses raisons pour lesquelles nos sites d'aquaculture arrivent à respecter des normes aussi élevées dans le cadre de leur surveillance annuelle du milieu benthique.

Les salmoniculteurs sont attachés à la conservation. La diapositive 9 présente deux projets auxquels nous participons. Dans le cadre du projet de l'intérieur de la baie de Fundy, les cultivateurs gardent les saumoneaux sauvages dans les sites d'élevage pendant un an afin qu'ils deviennent plus forts et qu'ils soient davantage capables de survivre et de frayer. Ainsi, en 2012, 40 poissons sont retournés à la rivière Upper Salmon, ce qui représente plus de poissons qu'on en a vu dans cette rivière en plus de 20 ans. D'autres membres ont participé à des études inédites sur le homard. Vous pouvez le voir, selon le nombre de femelles œuvées et de crabes qui a augmenté en comparaison du niveau de base après que le site d'aquaculture a commencé ses activités. Lorsque le site a été mis en jachère, ces chiffres ont commencé à diminuer. L'étude se poursuit pendant un deuxième cycle de production, et les premiers résultats montrent que les chiffres augmentent de nouveau.

Une des raisons pour lesquelles nous pensons que les gens ont des craintes à l'égard de notre industrie, c'est que la salmoniculture est en constant changement. Tandis que l'agriculture a évolué pendant des siècles, la salmoniculture, elle, évolue depuis quelques décennies. Nous travaillons également dans les collectivités et au sein d'une société où il y a eu peu de changement pendant trois générations, voire aucun. Cependant, la génération actuelle assiste à d'importants changements, qui sont principalement attribuables à l'évolution des industries primaires traditionnelles et au fait que davantage de gens déménagent dans les centres urbains. Nous sommes enclins, de façon naturelle, à craindre ce que nous ne connaissons pas; le changement est difficile pour les gens. La mise en place de la salmoniculture, qui évolue également rapidement, peut souvent être utilisée comme exemple pour cette crainte du changement.

À la diapositive 10, j'ai également montré que les sites de salmoniculture s'adaptent aux écosystèmes existants sans qu'il y ait de véritables changements ni de préjudices importants ou permanents. On ne peut pas en dire autant des exploitations agricoles traditionnelles. Les salmoniculteurs sont non seulement partenaires dans un secteur riverain, ils sont partenaires dans leurs collectivités. Quand les gens ont du travail, on observe une diminution de la violence familiale, les citoyens sont en meilleure santé, les enfants ont de meilleurs résultats à l'école et il y a de véritables possibilités sur le plan social au sein de ces collectivités. Nous croyons que le développement du secteur aquicole, particulièrement les sites de salmoniculture, est une solution où tout le monde au Canada est gagnant. Nous sommes en meilleure santé grâce à l'accès à des fruits de mer de qualité et à un meilleur avenir socioéconomique pour nos collectivités et notre pays.

Cependant, le Canada n'arrive pas à atteindre son plein potentiel. La diapositive 13 montre que la production du Canada a plafonné, et nous savons que la Nouvelle-Écosse n'exploite pas son plein potentiel. Une croissance responsable et durable du secteur salmonicole est possible dans chaque région du Canada. La production croissante en Nouvelle-Écosse appuiera, par ricochet, un investissement accru dans l'infrastructure, dans les usines de transformation du poisson et dans les écloseries, et elle contribuera à élargir le secteur des services et de l'approvisionnement ainsi qu'à augmenter le nombre d'emplois connexes.

Le travail de votre comité est essentiel, tout comme le fait d'agir rapidement pour obtenir une croissance et un développement responsables au Canada. Les investisseurs doivent avoir un climat de certitude, et nous perdons trop de terrain aux mains des autres pays. Notre système réglementaire est trop complexe, incertain et déroutant, ce qui nuit à la croissance et à l'investissement. La population n'arrive pas non plus à le comprendre, ce qui mine la confiance. Même si nous avons besoin d'une réglementation qui protège l'intérêt public, la mosaïque actuelle de règlements et de politiques ne convient pas. Nous avons besoin d'une stratégie nationale qui permet d'adopter une approche cohérente et contemporaine. Elle doit comprendre une loi sur l'aquaculture qui définit notre industrie comme une forme d'élevage et constitue un engagement national clair à l'égard du développement. Cette stratégie devrait fournir des éclaircissements concernant l'industrie et les relations intergouvernementales.

Le développement ne peut pas être miné par une rhétorique négative ou des hypothèses sur les impacts potentiels ou possibles. La salmoniculture existe depuis plus de 30 ans, et la recherche scientifique n'appuie tout simplement pas ces hypothèses, et ce n'est pas le cas des débarquements enregistrés de la pêche commerciale non plus. La notion de potentiel ne reflète pas nécessairement la réalité, et la corrélation n'est pas la cause.

La salmoniculture est essentielle pour répondre à la demande de plus en plus importante en saumon à l'échelle mondiale. Il s'agit également d'une possibilité sans précédent d'apporter la prospérité économique dans les collectivités rurales du Canada atlantique et de faire en sorte que nos jeunes restent dans la région.

Merci beaucoup.

Le président : Merci, madame Parker.

M. Bosien : Merci, monsieur le président et les membres du comité sénatorial, de me donner l'occasion de comparaître devant vous, aujourd'hui. Je représente Snow Island Salmon, et je suis un membre de l'Aquaculture Association of Nova Scotia.

Je m'appelle Bryan Bosien. J'ai grandi à Deer Island, au Nouveau-Brunswick. Depuis la fin des années 1970, l'aquaculture fait partie intégrante de l'économie et de la culture de l'île. Dans cette région, et dans bien d'autres régions, il s'agit d'un bon exemple de la façon dont le tourisme, la pêche traditionnelle et l'aquaculture peuvent coexister et partager nos ressources naturelles. J'ai commencé à travailler dans le secteur de l'aquaculture durant mes vacances estivales en tant qu'étudiant, et j'en fais ma carrière depuis 20 ans.

L'industrie aquicole se trouve à une époque charnière, au Canada. Nous pouvons devenir des chefs de file, suivre ou tout laisser tomber. Nous suivons depuis des années, c'est-à-dire que nous sommes à la traîne derrière les valeurs de production des autres pays. Le fait de tout laisser tomber n'est pas une option, à une époque où l'aquaculture peut fournir les protéines dont on a tant besoin pour nourrir la population mondiale. Il est maintenant temps pour le Canada d'être un chef de file.

L'aquaculture fournit des avantages considérables et des investissements pour les collectivités dans l'ensemble du monde ainsi qu'au Canada. Le rapport Ivany intitulé Maintenant ou jamais : un rappel urgent à l'action pour les Néo- Écossais a été publié en février. Juste avec ce titre, nous comprenons la gravité de l'état de notre économie. La Nouvelle-Écosse a besoin d'une plus grande activité économique, de quelque façon que ce soit.

L'industrie aquicole peut fournir des emplois et la sécurité dont on a tant besoin dans bon nombre de régions rurales, en Nouvelle-Écosse. Il est toujours surprenant d'entendre certaines des perceptions à l'égard de l'aquaculture et des activités menées dans nos sites. Nous devons effectuer un meilleur travail de communication.

L'aquaculture est le système de production alimentaire dont la croissance est la plus rapide dans le monde. En Norvège, les gens l'ont reconnu et se sont concentrés sur l'utilisation de la pisciculture pour faire croître leur économie. Durant une décennie, ils ont accru leur production, qui est passée de 510 000 tonnes en 2001 à 1,3 million de tonnes en 2012. Il s'agit d'une augmentation de la production de 158 p. 100.

Cependant, le Canada accuse un retard important. Nous ne répondons pas aux besoins en matière de protéines à l'échelle mondiale et ne tirons pas profit de nos avantages inhérents et naturels. En 2001, nous avons produit à peine plus de 105 000 tonnes. Déjà, nous avions un cinquième de la production de la Norvège. Comme si ce n'était pas suffisamment décevant, en 2012, notre production était tout juste supérieure à 108 000 tonnes, une augmentation dérisoire d'à peine plus de 2 p. 100. Seules 5 900 tonnes, ou 5 p. 100 du total, provenaient de la Nouvelle-Écosse.

À Snow Island, nous sommes prêts à fournir une production pendant toute l'année et à apporter la prospérité dans les collectivités rurales de la Nouvelle-Écosse. Si nous réussissons à mettre sur pied notre modèle de rotation à quatre sites, nous pourrons créer environ 60 emplois directs à temps plein. Nous sommes une petite entreprise qui élève le poisson dans un modèle à faible densité lié à un élevage en jachère généralisé. Ce modèle nous permet d'élever un poisson ayant un goût véritablement unique. À ce jour, nous n'avons pas été touchés par le pou du poisson ni l'AIS. Nous nous engageons à veiller à ce que l'environnement, la collectivité, le personnel et les poissons soient traités avec soin et respect ainsi qu'à leur accorder de l'importance. La durabilité est un élément dont on tient compte dans chaque décision de l'entreprise. Je suis très fier de nos résultats. Je considère nos poissons comme étant parmi les plus sains dans le monde, et nos produits sont d'une qualité exceptionnelle.

À l'échelle mondiale, la demande de poissons et de fruits de mer, des sources de protéines saines, est en croissance. Aujourd'hui, le poisson est la première source de protéines animales en importance dans les régimes alimentaires de plus d'un milliard de personnes. Par conséquent, il faut accroître la production et la récolte de poissons et de fruits de mer au moyen de produits et de pratiques durables, bien gérés, sécuritaires et traçables.

Y a-t-il une meilleure façon de savoir ce qui se trouve dans l'assiette des Canadiens que d'assurer la production au Canada? En fait, notre gouvernement provincial a établi un objectif dans la loi sur les objectifs environnementaux et la prospérité durable : d'ici 2020, 20 p. 100 de la nourriture achetée par les Néo-Écossais devra être produite dans la province.

Actuellement, le Canada est le seul grand pays producteur de fruits de mer issus de l'aquaculture à ne pas avoir de législation nationale conçue précisément pour régir et habiliter son industrie. Nous ne nous opposons pas au fait d'être réglementés, nous le voyons d'un bon œil. La réglementation joue un rôle très important pour aider les intervenants à comprendre que ce que nous faisons, nous le faisons de façon minutieuse, appropriée et responsable. La modernisation du cadre de réglementation et de politiques permettra à notre industrie de réaliser son plein potentiel.

Le fait d'adopter des lois et d'approuver des règlements n'est qu'une partie du processus. Il doit y avoir un engagement en matière de consultation publique, de transparence et d'inspection. Aussi, nous aimerions que des certificats soient attribués aux entreprises afin qu'elles les affichent et qu'elles montrent aux intervenants que nous menons nos activités en adoptant des pratiques durables et responsables.

La technologie et les procédures opérationnelles de notre industrie ont évolué de façon considérable. Les entreprises cherchent continuellement des façons d'améliorer leur valeur partagée. Les entreprises du secteur, dont certaines sont dans la salle, ici, aujourd'hui, réalisent des progrès extraordinaires.

Pour que le Canada réussisse à accroître son secteur de la pisciculture, il doit assurer l'accessibilité sociale. Les règlements, les inspections et la transparence l'aideront beaucoup à l'obtenir. Le fait de réorienter le débat actuel afin de recommencer un dialogue permettra de s'assurer que nous créons une valeur partagée émanant du progrès économique et sociétal.

Vous pouvez favoriser la croissance de l'industrie en appuyant une législation modernisée, l'inspection et la consultation publique. Merci.

Le président : Monsieur Corey.

M. Corey : Je veux remercier le sénateur Manning et les membres du comité de m'avoir offert cette occasion de parler au nom de l'Aquaculture Association of Nova Scotia et plus particulièrement du secteur de la pisciculture. Nous sommes fiers du rôle qu'a joué notre association à titre de principal représentant de l'industrie depuis plus de 30 ans. Avec nos membres, 75 exploitants, fournisseurs, représentants d'établissements et particuliers, nous appuyons une diversité d'espèces et de modèles de production afin d'améliorer le sort des économies rurales. Bon nombre de nos membres sont reliés entre eux et sont stimulés non seulement par l'idée de faire progresser leurs propres entreprises, mais également par celle de voir l'industrie de l'aquaculture prospérer en Nouvelle-Écosse. Comme nous reconnaissons le potentiel actuellement inexploité de nos ressources aquatiques, nous contribuons aux économies locales en créant des emplois et en fournissant des investissements dans nos collectivités. Les efforts liés à la mobilisation du public et à l'élaboration de codes de pratiques exemplaires démontrent une fois de plus notre engagement à mener nos activités en étroite collaboration avec les intervenants.

Aussi, nos membres s'appuient sur notre réseau d'universités régionales, particulièrement sur le campus de l'aquaculture de l'Université Dalhousie, pour aborder des questions pratiques portant sur la productivité, les nouvelles espèces et l'amélioration des procédés. Au cours des trois dernières décennies, l'industrie de l'aquaculture en Nouvelle- Écosse a permis la production commerciale de 11 espèces aquicoles : le saumon de l'Atlantique, la truite arc-en-ciel, le flétan, l'omble chevalier, le bar d'Amérique, et de nombreuses espèces de mollusques et crustacés et de plantes marines. Nous sommes d'avis que la diversité des espèces et des modèles de production permet de faire la meilleure utilisation possible d'une ressource provenant des eaux côtières et intérieures, qui est elle-même diversifiée. En mettant continuellement l'accent sur la diversité et la R-D, l'association de l'aquaculture est à même d'appuyer l'expansion de la base de membres actuelle ainsi que la nouvelle vision de l'industrie.

L'Aquaculture Association of Nova Scotia encourage donc cette diversité en faisant la promotion d'une approche sectorielle à l'égard du développement de l'aquaculture dans notre province. La majorité des exploitants aquicoles en Nouvelle-Écosse seraient considérés comme des petites et moyennes entreprises.

La plupart de ces entreprises sont confrontées à deux difficultés principales : l'accès aux baux et l'accès au capital. Une approche sectorielle à l'égard du développement de cette industrie aidera à veiller à ce que nous puissions surmonter les difficultés et exploiter notre plein potentiel en matière de croissance. Comme je constate que mes collègues à la table ici présents parleront plus précisément du saumon de l'Atlantique, j'aimerais attirer votre attention sur d'autres espèces de poissons qui sont actuellement élevées à des fins commerciales en Nouvelle-Écosse.

Le flétan de l'Atlantique et la truite arc-en-ciel peuvent notamment apporter une contribution encore plus importante à notre économie provinciale. Le flétan de l'Atlantique est élevé en Nouvelle-Écosse depuis 1997. L'écloserie de flétan à Clarks Harbour constitue le seul fournisseur de flétans reproducteurs au Canada, avec des installations de grossissement à Woods Harbour et à Advocate Harbour, aussi en Nouvelle-Écosse. Actuellement, 90 p. 100 de ces reproducteurs sont exportés en Norvège et en Écosse aux fins de grossissement. Le secteur du flétan préférerait qu'une grande partie de ces reproducteurs soit directement destinée au secteur du grossissement de la Nouvelle-Écosse.

L'expansion plus importante du grossissement du flétan en Nouvelle-Écosse est bloquée principalement par l'accès au capital. Malheureusement, comme le flétan a tendance à se tenir au fond de l'eau, il ne permet pas d'obtenir un bon rendement avec la technologie conventionnelle en océan. Les réservoirs lui permettent d'adopter ce comportement : ses faibles besoins en oxygène et sa grande valeur marchande compensent les coûts d'exploitation beaucoup plus élevés découlant des activités liées à l'exploitation terrestre. Le flétan de l'Atlantique est donc un excellent candidat pour l'aquaculture terrestre ou en parcs clos, même si les coûts en capital demeurent un facteur limitant majeur.

La production de truite arc-en-ciel était d'environ 1 500 tonnes métriques en Nouvelle-Écosse, en 2012. Cette espèce s'accorde bien avec la gamme d'espèces de notre industrie car elle vit dans certaines zones côtières qui ne conviennent pas à la culture du saumon de l'Atlantique. De nombreux sites ne peuvent être exploités que trois saisons par année, ce qui n'est pas suffisant pour produire des saumons de taille commerciale, mais qui est adéquat pour la production de truites arc-en-ciel. La production saisonnière facilite la mise en jachère annuelle des sites d'élevage, ce qui garantit des impacts environnementaux minimaux. La résistance apparente de la truite arc-en-ciel à l'AIS est un autre avantage de cette espèce.

Il serait possible de tripler l'élevage de la truite arc-en-ciel en Nouvelle-Écosse, même s'il y a plusieurs obstacles qui nuisent à cette expansion. L'approvisionnement en œufs pose un problème majeur. Provenant d'un seul fournisseur américain, la souche de la truite arc-en-ciel qui est actuellement élevée en Nouvelle-Écosse n'est pas précisément destinée à l'environnement marin. Afin de remédier à cette contrainte, un programme de sélection devrait être établi au Canada afin d'obtenir les caractéristiques importantes compte tenu des conditions de l'aquaculture au Canada. Une autre solution potentielle est l'accès aux souches de truite arc-en-ciel à l'extérieur des États-Unis et du Canada, qui conviennent mieux à la culture en milieu marin.

Il ne fait aucun doute que l'aquaculture est le secteur de production alimentaire en Nouvelle-Écosse ayant le plus grand potentiel en matière d'expansion. Les ministères fédéraux peuvent jouer un rôle essentiel pour amener l'industrie sur cette trajectoire et veiller à ce que l'aquaculture contribue de façon encore plus considérable aux économies rurales, en Nouvelle-Écosse.

Merci beaucoup.

Le président : Madame Halse.

Mme Halse : Bonjour, sénateur Manning et autres membres du comité sénatorial. Je m'appelle Nell Halse. Je veux m'assurer que les gens ont une copie de mon exposé, parce que, tout comme Pam, j'ai intercalé des diapositives dans mes notes d'allocution, et elles pourraient être utiles si vous me suivez.

Donc, je suis ici pour représenter la famille Cooke, qui a créé la société Cooke Aquaculture et qui en est propriétaire. Le PDG est Glenn Cooke, et il a travaillé avec son père, Gifford, et son frère, Mike, pour créer cette entreprise. Je représente également environ 2 500 employés, dont bon nombre vivent et travaillent ici, dans le Canada atlantique.

J'ai donc une image d'un œuf embryonné, d'un œuf de saumon. La taille de cet œuf se multipliera de nombreuses fois pour donner un saumon adulte. Nous pensons qu'il s'agit d'une très bonne métaphore pour illustrer Cooke Aquaculture et, en fait, l'industrie aquicole, au Canada.

L'entreprise a eu des débuts modestes il y a 28 ans, lorsque Glenn, en collaboration avec son père et son frère, a stocké 5 000 poissons dans des cages en bois, dans la baie de Fundy. Nous sommes aujourd'hui un joueur majeur dans l'industrie de la salmoniculture à l'échelle mondiale. Nous occupons le sixième rang dans le monde. Cependant, malgré notre présence accrue à l'échelle mondiale, nous continuons d'investir dans notre région, le Canada atlantique.

Actuellement, nous avons des écloseries, des sites d'élevage de saumon et des usines de transformation dans chaque province du Canada atlantique, c'est-à-dire à Terre-Neuve, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du- Prince-Édouard, de même que dans l'État du Maine. Nous élevons également le saumon dans une société située dans le sud du Chili, et nous élevons le bar commun et la dorade dans le sud de l'Espagne. Aussi, plus tôt ce mois-ci, nous avons conclu une entente pour acquérir une société d'élevage du saumon en Écosse. Cette acquisition signifie que nos recettes projetées pour 2014 seront d'environ 1 milliard de dollars.

Nous employons 2 500 personnes, dont environ 1 700 travaillent ici, dans le Canada atlantique. Ce sont de bons emplois à l'année avec des avantages sociaux. Nos employés sont des travailleurs qualifiés aussi bien que des professionnels, comme des vétérinaires, des comptables, des techniciens en TI, des biologistes de la vie marine, des spécialistes de l'environnement et des agents d'administration, pour ne nommer que ceux-là.

La plupart de nos premières années ont été consacrées à la création de l'entreprise, dans le comté de Charlotte, au Nouveau-Brunswick. Le secteur emploie maintenant 16 p. 100 des travailleurs de la région. En 2006, nous avons déménagé à Terre-Neuve avec un investissement de plusieurs millions de dollars et une promesse de créer de nouveaux emplois, là-bas. Nous avons tenu cette promesse. Nous avons maintenant des gens qui travaillent dans la région de Coast of Bays sur des sites d'élevage, dans une toute nouvelle écloserie ultramoderne, et nous venons tout juste de conclure une entente à long terme pour une usine de transformation, à Hermitage, qui procurera des emplois aux gens de cette collectivité.

Nos investissements depuis 2006 ont servi de catalyseur pour cette province. D'autres entreprises d'élevage ont déménagé à Terre-Neuve et ont créé des sites d'élevage et des usines de transformation de grande envergure. Des entreprises de services et d'approvisionnement se sont installées, là-bas. Et comme vous pouvez le voir sur cette diapositive, le gouvernement a également investi considérablement dans l'infrastructure afin d'appuyer le secteur.

Les collectivités de la côte Sud de Terre-Neuve qui ont été dévastées par la fermeture de la pêche sont devenues des collectivités foisonnantes et saines offrant des emplois, de nouveaux logements, de nouvelles infrastructures, comme des quais et des laboratoires sur la santé des poissons, ainsi que de nombreux avantages sociaux. Les gens qui occupent de bons emplois et qui bénéficient d'avantages se portent volontaires pour aider l'administration locale et les écoles, et ils demandent de meilleures installations, recrutent de nouvelles entreprises et encouragent les propriétaires d'épicerie à offrir de meilleurs choix et des aliments plus sains dans les magasins locaux.

Nous croyons que des entreprises comme Cooke et d'autres ont la possibilité et la responsabilité d'assurer la croissance du secteur de la production alimentaire du Canada atlantique. Nous avons pour mandat d'offrir aux gens, à l'échelle tant locale que mondiale, des aliments sains et nutritifs ainsi que de créer des emplois et générer des avantages sociaux pour nos collectivités côtières.

J'ai donc une diapositive qui montre justement notre présence en Nouvelle-Écosse. Nous avons fait une promesse semblable en Nouvelle-Écosse, concernant la création d'emplois et d'avantages pour les collectivités, et nous investissons là-bas, actuellement. Nous créons de nouveaux sites d'élevage et mettons en œuvre une approche de gestion des baies qui comprend une rotation des cultures et une mise en jachère des zones de la baie entre les cultures. Notre objectif est de pouvoir stocker trois millions de poissons en Nouvelle-Écosse chaque année. Cela nous permettrait d'avoir la viabilité commerciale nécessaire en vue de créer une nouvelle écloserie dans la région de Digby, comme celle que vous avez vue à Swangers Cove, à Terre-Neuve, et, ensuite, d'ouvrir une usine de transformation dans la région de Shelburne. Parallèlement, nous investissons également dans l'agrandissement de notre usine de fabrication d'aliments, à Truro.

Pour mettre les choses en perspective, et je vais répéter certains des commentaires que vous avez déjà entendus, si nous stockons trois millions de poissons par année, il faut donc exploiter environ six sites d'élevage en Nouvelle-Écosse et produire environ 11 000 tonnes métriques chaque année. Il s'agit de moins de 1 p. 100 de la production annuelle de la Norvège, le premier pays salmonicole en importance. Nous nous engageons à réaliser une croissance méthodique et responsable d'une industrie durable, qui non seulement produit des aliments sains, qui sont de plus en plus en demande, mais qui crée de bons emplois et qui assure la viabilité de nos collectivités côtières. Il ne s'agit d'aucune façon d'une croissance irréfléchie et insouciante.

Nous nous engageons à effectuer un investissement continu et à mener à bien l'ensemble du projet d'expansion que nous avons annoncé, ici, en Nouvelle-Écosse. Cependant, nous avons besoin d'un cadre réglementaire et de décisions politiques, de la part du gouvernement tant fédéral que provincial, pour faire en sorte qu'il se concrétise.

Je voulais aussi simplement dire que nos activités d'élevage reflètent la vie naturelle du saumon de l'Atlantique. Tout comme leurs cousins sauvages, nos saumons proviennent de souches locales et commencent leur cycle de vie en eau douce. Lorsqu'ils sont prêts sur le plan physiologique pour la transition vers l'eau salée, nos saumons sont transférés dans des sites d'élevage en océan, dans leur environnement naturel. Aujourd'hui, un grand pourcentage de poissons sauvages de la côte Ouest du Canada commencent leur vie dans des écloseries également. Il y a de très, très nombreux saumons qui sont stockés dans les océans par l'Alaska, le Japon et la Russie chaque année, et qui deviennent les pêcheries sauvages. Donc, simplement pour remettre les choses dans leur contexte, on a recours à cette expertise dans le monde entier.

Ce tableau montre quand l'aquaculture a commencé dans le Canada atlantique en ce qui a trait aux débarquements de saumon sauvage. Veuillez noter que la pêche au saumon sauvage a pris fin bien avant l'aquaculture et que les retours du saumon sauvage en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick sont en déclin depuis les années 1940 et 1950. Nous savons qu'il y a de nombreuses raisons qui expliquent ce déclin, notamment la perte de l'habitat causée par les barrages hydroélectriques, la foresterie, le lessivage des terres cultivées, la surpêche et, de façon plus importante, la survie en mer.

Certains essaient de blâmer la salmoniculture, mais il n'y a véritablement aucune preuve scientifique à l'appui de ces allégations. En fait, la salmoniculture a aidé à diminuer le fardeau de la pêcherie sauvage en fournissant aux consommateurs du saumon sain et frais durant toute l'année.

Je veux souligner également que nous avons l'expertise dans notre secteur, dans notre entreprise, afin d'aider à la préservation du saumon sauvage. Cooke a dépensé près d'un quart de million de dollars au cours des 10 dernières années en tant que partenaire dans le cadre du programme de rétablissement du saumon de la rivière Magaguadavic, par exemple. Nous avons fourni des installations et du personnel d'une de nos écloseries sur cette rivière, et nous avons élevé le poisson de rivière en vue de le relâcher à diverses étapes. Et, actuellement, nous sommes partenaires dans le cadre du programme de rétablissement du saumon de l'intérieur de la baie de Fundy et avons offert notre soutien à d'autres groupes locaux responsables des rivières, et nous sommes intéressés à créer d'autres partenariats en matière de préservation.

Depuis ses débuts, Cooke a visé, de façon stratégique, l'intégration verticale. L'entreprise gère maintenant l'ensemble de la chaîne de valeur, de l'œuf à l'assiette, dans ses installations en Amérique du Nord. Donc, nous avons notre propre stock de géniteurs, nos installations d'élevage primaire, nos parcs clos, et des installations en eau douce, et nous nous occupons du grossissement et de la récolte. Nous effectuons nous-mêmes la transformation, la logistique, la distribution, ce qui signifie que nous avons notre propre entreprise de camionnage ainsi qu'une division responsable des ventes et de la commercialisation. Nous avons notre propre usine de production d'aliments, nos équipements ainsi qu'une division responsable de la fabrication, et nous investissons énormément dans la recherche et le développement. L'une des choses dont nous sommes très fiers est l'annonce faite tout juste à l'automne 2013 par le Dr Jon Grant, titulaire de la chaire de recherche industrielle du CRSNG-Cooke en aquaculture durable de l'Université Dalhousie. Il y a un autre domaine de recherche majeur, et c'est les aliments, et nous avons un programme de traçabilité de la descendance fondée sur l'ADN.

Du point de vue commercial, nous nous concentrons sur les produits frais. Ce qui nous distingue sur le marché, c'est la fraîcheur de nos produits, et c'est également vrai pour les autres en Nouvelle-Écosse. Nous sommes donc avantagés par une proximité du marché et nous obtenons un prix plus élevé parce que nous pouvons livrer la marchandise au marché dans les 24 à 48 heures après la sortie du saumon de l'eau du site d'élevage.

Aussi, plus de 50 p. 100 de nos produits ont une valeur ajoutée ce qui aide à renforcer notre entreprise et nous offre des possibilités sur le marché que nous n'aurions pas si nous ne faisions qu'offrir un saumon entier au marché. Il s'agit d'un pourcentage très élevé pour notre industrie.

Même si bon nombre de gens sont au courant de notre succès et de notre contribution à la collectivité et à des activités caritatives, nous constatons également qu'il y a de nombreuses personnes, même ici, dans le Canada atlantique, qui n'en connaissent pas beaucoup au sujet de Cooke et, pour être honnête, au sujet du secteur. Et le fait qu'il y a également des groupes qui fournissent délibérément à la population des informations mensongères à notre sujet n'aide certainement pas. C'est pourquoi nous avons demandé à Corporate Research Associates d'effectuer un sondage d'opinion en Nouvelle-Écosse à au moins quatre occasions depuis 2011. Nous avons appris qu'il continue d'y avoir un appui solide dans l'ensemble de la province à l'égard du développement de l'industrie aquicole en Nouvelle- Écosse. Cependant, bon nombre de gens ont dit qu'ils avaient besoin d'avoir plus d'information et d'en apprendre davantage sur le sujet.

Il y a un autre point intéressant, et c'est qu'il y a une forte majorité de Néo-Écossais qui appuient, dans une certaine mesure, la création d'une loi nationale sur l'aquaculture, dont vous avez beaucoup entendu parler aujourd'hui.

Nous avons donc pris de nombreuses mesures fondées sur ces rapports et avons investi des sommes considérables pour sensibiliser la population et favoriser l'engagement communautaire. Nous avons maintenant un comité de liaison communautaire dans la région de Jordan Bay/Shelburne et nous nous employons à finaliser la sélection des membres d'autres comités dans les régions de Liverpool et de Digby. Les mandats des comités figurent sur notre site web de la Nouvelle-Écosse, et il y a également une section questions et réponses où figurent toutes les questions qui nous sont adressées par l'intermédiaire du comité. Les membres sont des gens d'affaires, des pêcheurs, des représentants des administrations portuaires et des dirigeants communautaires, y compris ceux qui n'appuient pas l'aquaculture. Nous avons un intervenant indépendant qui préside le comité, et nous avons constaté qu'il s'agissait d'un excellent modèle pour favoriser le dialogue. Donc, nous allons continuer à effectuer cet investissement dans le cadre de nos activités.

Et nous nous appuyons sur un certain nombre d'initiatives en matière d'éducation et de sensibilisation, y compris l'affichage de vidéos « day in the life », une journée dans la vie d'une personne, sur YouTube et des mises à jour régulières apportées à une longue liste d'intervenants. Nous avons aussi récemment investi dans une importante campagne intitulée « Farms don't stop at the land », il n'y a pas que des fermes agricoles, et nous avons un site web, www.cookefarms.ca, qui comprend tout ce matériel.

De façon plus importante, nos gestionnaires interagissent régulièrement avec les membres de la collectivité et réagissent rapidement pour régler les problèmes lorsqu'ils surviennent. Nous employons des gens de la région qui ont à cœur le succès et la viabilité à long terme de notre entreprise, mais également de leurs collectivités.

J'aimerais terminer en revenant sur le sujet du petit œuf embryonné du saumon. Nous avons commencé de façon modeste, mais nous n'avons pas cessé de croître. Nous sommes un gros poisson, aujourd'hui, mais nous voyons un monde de possibilités et de croissance, tant pour Cooke Aquaculture que pour l'aquaculture, en Nouvelle-Écosse.

Merci.

Le président : Merci, chers témoins, de nous avoir fourni un excellent aperçu de l'industrie aquicole, ici, en Nouvelle- Écosse.

Nous allons commencer les questions avec le sénateur Wells.

Le sénateur Wells : Merci, chers intervenants, d'être venus nous présenter vos exposés. J'ai deux ou trois questions, dont une pour Mme Parker.

Vous avez formulé une déclaration qui m'a surpris : le saumon est plus populaire que le bœuf. Pouvez-vous me dire comment vous en êtes venue à cette conclusion ou nous fournir quelques données à l'appui de cette affirmation?

Mme Parker : En fait, il s'agit des ventes, donc, les ventes de saumon dépassent maintenant celles du bœuf. Je n'ai pas l'étude. Il s'agissait d'un rapport sur la consommation qui a été publié l'année dernière.

Le sénateur Wells : D'accord, donc vous n'êtes pas certaine s'il s'agit de la consommation ou...

Mme Parker : Il s'agit des ventes et de la consommation, donc de la quantité de saumon. Et, plus récemment, cette année, au Royaume-Uni, le saumon a été le mets le plus servi durant la période de Noël, en Grande-Bretagne.

Le sénateur Wells : Pas la dinde?

Mme Parker : Ni la dinde ni l'oie.

Le sénateur Wells : Monsieur Bosien, vous avez parlé de l'aspect de l'acceptabilité sociale. C'est un concept que nous avons vu à plusieurs reprises pendant notre étude sur l'aquaculture. Nous savons que cela constitue un enjeu, et j'aimerais que vous m'aidiez à ce chapitre. L'industrie doit tenir compte d'une foule d'enjeux en matière de réglementation de nombreux ministères et de nombreuses administrations. Il lui faut également établir son acceptabilité sociale dans ce que j'appellerais, étant donné les témoignages entendus depuis deux ou trois mois, un environnement dans lequel les buts changent constamment. Certains groupes sont catégoriquement opposés à l'aquaculture, peu importe les mesures d'atténuation qui pourraient être mises en place. Pourriez-vous m'en dire un peu plus au sujet de l'acceptabilité sociale?

Madame Halse, étant donné que vous vous occupez de cette question un peu plus directement peut-être, et de façon plus régulière, pourriez-vous parler de ce que vous faites pour établir cette acceptabilité sociale si nécessaire?

M. Bosien : Actuellement, avec l'Aquaculture Association of Nova Scotia, nous organisons des consultations des intervenants et nous arrivons vraiment à en faire, chez nous, des réunions informelles où il est réellement possible de converser plutôt que de débattre. J'ai été plongeur commercial dans l'industrie aquicole pendant 15 ans; je vois les images publiées sur Internet de ce qui se passe dans le monde de l'aquaculture, de ce qui se passe sous les enclos, et ce que j'y vois, ce n'est pas la même chose que ce que j'y ai vu pendant ces 15 années. Donc, bien des gens tirent leurs informations, à mon avis, de ce que nous appelons les « vérités d'Internet ». On trouve beaucoup d'information sur la place publique et le mieux, c'est d'en faire le tri et d'en discuter, et nous avons constaté que cela donne de très bons résultats. Et je crois que nous devons commencer à discuter plutôt que de débattre.

Le sénateur Wells : Madame Halse?

Mme Halse : Je suis certainement d'accord avec Bryan. C'est tout à fait vrai; cela revient à nouer des relations dans les collectivités.

J'ai parlé du processus plus officiel que nous avons mis en œuvre, l'année dernière, avec les comités de liaison avec la collectivité, qui constituent une bonne forme de dialogue. Mais rien ne pourra remplacer nos employés et nos gestionnaires se tenant sur le quai pour parler aux gens du quartier, travailler avec eux et les aider. Et plus vous avez de gens qui travaillent dans le secteur, dans une collectivité, plus la mobilisation est possible. Je crois que c'est la base de tout.

C'est pour cette raison également que nous avons fait un sondage d'opinion, car il est très difficile, parfois, d'entendre ce qui se dit tout le temps dans les médias; ceux qui parlent le plus fort ont souvent des opinions partagées. Par exemple, on pourrait penser qu'en Nouvelle-Écosse, la plupart de gens s'opposent à l'aquaculture. Les médias vont parfois publier des articles qui disent cela, qui parlent de préoccupations accrues, mais ce n'est pas confirmé par ce que nous avons appris lorsque nous avons fait notre sondage d'opinion publique. En général, ce sont leurs activités, les communications, et les communications ne constituent qu'un très petit volet de mes activités, par exemple. C'est donc au niveau local.

Pour parler franchement, nous savons qu'avant d'aller dans une nouvelle collectivité ou de mettre sur pied de nouvelles fermes, nous devons prendre contact avec cette collectivité, lui expliquer ce que nous voulons faire, lui demander son avis. Parfois, nous devons aller sur l'eau avec un pêcheur ou un groupe de pêcheurs de cette collectivité pour leur dire : « C'est ici que nous envisageons de créer une ferme aquicole, et voici nos raisons. » Nous leur demandons leur avis et nous sommes prêts à apporter des changements en fonction de leurs commentaires. Cela ne nous garantit pas qu'il n'y aura pas d'opposition, mais c'est à coup sûr un aspect très important de ce que nous faisons aujourd'hui.

Le sénateur Wells : J'ai une dernière question pour Mme Halse. Nous avons entendu un certain nombre de personnes, et en particulier Ruth Salmon, de l'AICA, qui disaient que la production aquicole du Canada n'augmentait pas comme elle le devrait ou qu'elle semblait plafonner. Je vois sur le graphique que Mme Parker a distribué que la production du Nouveau-Brunswick est en déclin depuis cinq ou six ans. J'imagine que le principal producteur, au Nouveau-Brunswick, est Cooke. Est-ce que la production de cette entreprise est en augmentation, au Canada, est-elle en diminution, a-t-elle plafonné? Ou peut-être que ce graphique indique qu'il serait possible de déménager à Terre- Neuve pour favoriser une augmentation de la production? Pourriez-vous m'expliquer rapidement comment les choses se présentent pour Cooke du côté de la production?

Mme Halse : Bien sûr, avec plaisir.

Tout d'abord, Cooke n'est pas le seul producteur, au Nouveau-Brunswick; il y a une autre grande entreprise, Northern Harvest, et quelques autres plus petits joueurs. Je suis contente que vous ayez abordé le sujet car, en réalité, ce qui se passe au Nouveau-Brunswick reflète en partie le problème qui se présente partout au Canada au chapitre de la réglementation : un manque de clarté. Il n'y a pas réellement de vision de l'aquaculture au Canada; il n'y a aucune loi fédérale, et je suis sûre que Ruth vous en a touché un mot. Et ça veut dire bien des choses.

Tout d'abord, nous n'avons pas en main les outils dont nous aurions besoin pour gérer de façon appropriée notre exploitation piscicole. À l'heure actuelle, au Canada, nous n'avons accès qu'à un nombre limité d'outils ou d'options de traitement pour lutter contre un parasite donné. C'est le pou du poisson aujourd'hui, ce pourrait être autre chose demain. Étant donné que nos options sont limitées, nous avons diminué l'ensemencement, au Nouveau-Brunswick, et je sais que d'autres entreprises ont fait la même chose. Dans les régions où les poissons pourraient être davantage menacés par un parasite particulier, on met moins de poissons ou on n'en met aucun. Par contre, si vous élevez des bœufs et qu'un problème semblable se présente, nous sommes à peu près certains que le ministre de l'Agriculture interviendrait et se porterait à la défense du secteur, en cherchant dans le monde entier une solution au problème sanitaire qui se pose. Nous n'avons rien de tel, aujourd'hui, en ce qui concerne l'élevage des saumons. Nous ne nous contentons pas de tendre la main et de dire que nous voudrions que le gouvernement règle le problème ou qu'il se contente de nous donner ce que nous demandons. Nous sommes prêts à nous tourner vers la science et à faire des recherches pour tout ce qui concerne l'approbation de produits, mais nous investissons également des millions de dollars dans des options de traitement non chimique. Notre préférence va à l'utilisation d'un traitement qui ne comprend aucun produit chimique, mais les composantes chimiques font parfois partie de la solution; c'est ce que d'autres pays utilisent, après des années de recherche. C'est la raison pour laquelle la production diminue.

Cooke investit d'ailleurs dans d'autres régions du monde, en Écosse, par exemple, pays qui s'est doté d'une stratégie de croissance du secteur aquicole, mais nous restons très liés au Canada atlantique. Nous sommes très engagés à l'égard du Canada et, s'il était possible de régler certains de ces problèmes de réglementation, nous pourrions en faire beaucoup, beaucoup plus.

La Nouvelle-Écosse est un excellent exemple. Nous avons mis en œuvre un programme d'expansion de plusieurs millions de dollars, en Nouvelle-Écosse, mais il a été ralenti par quelques éléments de l'examen de la réglementation, auxquels nous sommes favorables et que nous soutenons, mais il doit être achevé, et nous devons pouvoir continuer nos activités et prospérer.

Le sénateur Wells : D'accord, merci beaucoup.

Le sénateur Munson : Merci d'être venus ici ce matin.

Je suis curieux : quel est le salaire moyen dans le secteur aquicole, combien gagne un éleveur de poisson qui travaille huit heures par jour, selon les statistiques? J'aimerais avoir un chiffre.

Mme Parker : Le salaire est en réalité un bon salaire. Il est plus élevé que le salaire minimum, pour commencer, et il dépend totalement du niveau d'expérience requis pour cet emploi. Mais ce sont de bons emplois, et tous les avantages sociaux sont également offerts.

Le sénateur Munson : C'est la même chose qu'à Terre-Neuve, 14 $ ou quelque chose comme ça?

Mme Halse : Oui, 14 ou 15 $, en moyenne, mais, bien sûr, nous embauchons également des gens très qualifiés qui reçoivent un salaire à titre de professionnel.

Le sénateur Munson : En ce qui concerne le plafonnement et le fait que la réglementation est restrictive et complexe, quelqu'un peut-il me donner plus de détails? Quels règlements sont complexes et restrictifs? J'aimerais que vous me donniez un exemple de chevauchement, car personne n'a encore répondu à cette question.

Mme Parker : Eh bien, il y a des additifs alimentaires, des aliments naturels que les humains peuvent manger mais que nous ne pouvons pas ajouter aux aliments des saumons, même si, en réalité, ils empêcheraient les poux du poisson de se coller à eux. Cela fait maintenant deux ans et demi que ces aliments fonctionnels sont offerts en Norvège et au Royaume-Uni, mais, en deux ans et demi, l'ACIA n'a toujours pas modifié son annexe touchant les additifs alimentaires. Il faut modifier le permis pour simplement changer la configuration de l'exploitation piscicole, sans même l'étendre, et on ne peut s'en tirer en moins d'un an. C'est la responsabilité du gouvernement provincial, mais c'est parfois le gouvernement fédéral.

Nous avons obtenu un règlement sur les activités aquicoles pour appuyer l'approche de la lutte antiparasitaire intégrée, dans le cadre du pou du poisson, et depuis maintenant près de quatre ans, il est passé par différentes formes. Voilà donc deux ou trois exemples qui concernent le saumon. Mais je suis sûre qu'il y a aussi des problèmes en ce qui concerne les mollusques et les crustacés ou les frontières des zones louées, et cetera.

Le sénateur Munson : Nous avons parlé de la question de l'acceptabilité sociale et vous avez également parlé des certificats que les entreprises doivent afficher. De quel type de certificat s'agit-il? Que sont ces certificats? Quelle serait la valeur ajoutée de ces certificats que vous demandez?

M. Bosien : Les certificats à afficher, parce que nous devons nous conformer à de nombreux règlements, étant donné les nombreux tests que nous devons faire pour l'environnement. Nous devons afficher ces certificats pour montrer aux gens que nous faisons beaucoup de choses; il ne s'agit pas tout simplement de pêcher du poisson et de le vendre, nous faisons d'autres choses. Le certificat, c'est tout simplement une affiche qui indique que nous avons répondu à toutes leurs exigences, que nous dépassons telle ou telle norme et que nous prenons des mesures proactives dans le domaine de l'aquaculture.

Le sénateur Munson : Dans le rapport Ivany, qui a beaucoup circulé partout au pays, et qui traite des besoins des habitants de la Nouvelle-Écosse, du double financement de la recherche et des doubles partenariats entre les entreprises commerciales et le collège communautaire... Est-ce qu'il est question du financement de la recherche par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse? Je crois que le gouvernement a changé depuis le mois dernier. Avez-vous rencontré des représentants du gouvernement et avez-vous parlé avec eux? Est-ce que le gouvernement provincial est prêt à en faire davantage? Avez-vous obtenu des indications sur l'élimination de ce plafond et sur la situation de votre secteur aquicole par rapport au reste du monde? Êtes-vous optimistes?

Mme Halse : Je suis sûre que nous pourrions tous faire des commentaires à ce sujet, pendant une minute, mais je crois qu'il s'agit d'une situation complexe, pour une industrie, quand le gouvernement change, parce qu'il existe toujours une incertitude quant aux politiques qui seront maintenues ou qui seront modifiées. Mais nous avons constaté, en Nouvelle-Écosse, que notre secteur bénéficie d'un solide soutien. Le gouvernement en place n'arrête pas de nous dire qu'il soutient l'aquaculture et qu'il faut que le secteur prospère.

Le gouvernement précédent a fait quelques investissements ciblés dans notre entreprise, en particulier en soutenant notre plan d'expansion à l'aide d'un investissement qui était en fait un prêt; il nous fallait le rembourser. Pour répondre à votre question touchant la recherche, une partie de ces sommes pourrait ne pas être remboursable si nous l'investissions dans la recherche faite par les institutions de la Nouvelle-Écosse au profit de l'industrie de la province.

Donc, oui, il y a eu quelques expériences positives, mais ce que nous devons faire, en réalité, c'est les encourager. En tant qu'entreprise et en tant qu'association professionnelle, nous investissons déjà dans des projets de recherche axés sur la collaboration, mais nous adorerions, certainement, que la province nous appuie de façon plus directe.

Le sénateur Munson : Merci.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup; je vois bien ce qui se passe ici. Je ne connais pas très bien votre situation exacte, mais je suis en train d'apprendre. Cela crève les yeux, nous devons vraiment réfléchir à cette question, c'est-à- dire la place de l'aquaculture dans les collectivités. Je suis certaine que vous voulez que les piscicultures, les exploitations piscicoles soient situées près du lieu où vivent vos employés, puisque c'est moins cher d'assurer leur transport jusqu'au lieu de travail, c'est tout simplement plus commode pour les travailleurs. Mais il y a aussi le fait que des gens ont investi dans des maisons de retraite ou des établissements de loisir, et ils ont fait des investissements importants, et s'ils l'ont fait, c'est parce qu'ils ont été séduits par le paysage, par l'état parfaitement sauvage de la région et ils s'attendaient à ce que rien ne change, mais maintenant, ça change. C'est ce qui explique, en Nouvelle- Écosse, je crois, et à coup sûr dans l'Ouest, la grande résistance devant l'aquaculture, qui est fondée non pas sur la science, mais sur les émotions humaines. Nous ne pouvons pas écarter ce fait du revers de la main. L'achat d'un terrain a une valeur, et le paysage et la situation géographique font partie de cette valeur. Il y a une différence entre les gens qui vivent dans des collectivités rurales, qui apprécient ce travail et qui comprennent que l'océan est un lieu de travail et les gens qui pensent que l'océan est un terrain de jeux ou un simple paysage.

Est-ce que votre association a exploré, par exemple, le zonage, a-t-elle proposé un zonage pour les sites aquicoles? Est-ce que vous avez accumulé une expérience suffisante pour savoir avec exactitude, du point de vue de l'océanographie, quelles sont les exigences en matière de débit et en matière d'eau? Pouvez-vous trouver des endroits éloignés, que les gens ne verront pas ou, s'ils ne veulent pas en voir dans leur paysage, des endroits quand même accessibles, par exemple, des endroits où vous pourriez transporter les travailleurs par bus jusqu'au quai ou jusqu'à cet endroit éloigné?

Je me demande tout simplement qui est concerné par ce problème. En tant que société, je crois que nous devons comprendre que, oui, nous devons exploiter les ressources de l'océan, c'est sensé. Mais si vous avez une incidence sur la valeur des investissements d'une personne, faudrait-il offrir une compensation? Que pouvez-vous faire pour établir votre acceptabilité sociale?

Je ne sais pas qui pourrait me répondre. Il y en a probablement parmi vous qui ont davantage d'expérience sur le sujet que d'autres, mais j'aimerais que vous m'en parliez.

Mme Halse : Vous avez posé deux ou trois questions vraiment importantes, mais, quant à votre question qui visait à savoir si nous savions comment choisir l'endroit où serait située une exploitation piscicole, tout le travail d'océanographie, la réponse est oui. Nous faisons ce travail depuis 30 ans. Nous comptons un grand nombre de partenaires scientifiques qui sont au courant des exigences exactes touchant la température, le débit d'eau, toutes ces choses-là. Certes, notre littoral est magnifique, mais on ne peut pas créer une ferme piscicole n'importe où, pour le saumon de l'Atlantique, du moins — et les autres témoins pourront vous répondre pour les autres espèces. Il y a toujours des gens qui viennent nous demander pourquoi on n'irait pas ici ou là. Mais nous investissons beaucoup de temps et d'argent dans les firmes de génie environnemental pour savoir où nous pouvons nous installer avant de demander un permis d'exploitation piscicole. Nous comptons donc sur cette expérience touchant la science et l'information et nous sommes limités à certaines régions.

Par ailleurs, j'ai deux ou trois choses à souligner. Je suis contente que vous ayez parlé du travail dans l'océan, car je crois que nous devons faire un travail de mémoire et nous rappeler que nous avons une culture du travail en bord de mer; c'est ainsi que ça se passe dans les Maritimes. Parfois, des gens s'installent près d'un port où des gens travaillent, un port en exploitation depuis des siècles — il y a eu des usines de poisson, il y a eu des chantiers navals, des choses du genre —, ils achètent un terrain sur le bord de l'eau puis ils s'indignent parce qu'il y a une pisciculture. Il faut remettre les pendules à l'heure, quand on parle des attentes des gens. Quand vous achetez une charmante propriété, vous ne pouvez pas non plus choisir chacun de vos voisins. Il faut donc en quelque sorte gérer les attentes, mais pour ce faire, il faut être rationnel. Comme vous l'avez dit, c'est un enjeu qui suscite des émotions, et je crois que quand vous vous demandez qui ce problème concerne, c'est un problème qui nous concerne tous. C'est pourquoi j'ai expliqué que, dans notre cas, lorsque nous nous installons dans une nouvelle collectivité, nous devons prendre beaucoup de temps pour discuter au préalable avec les gens. Et quand vous arrivez à savoir qui est susceptible de s'opposer à votre projet, il faut se demander s'il est possible de travailler avec ces gens pour les amener à considérer que c'est un projet positif. S'il s'agit d'une collectivité qui a besoin d'emplois, s'il y a un moyen d'exploiter votre ferme de manière à réduire au minimum les impacts, si vous vous préoccupez de son apparence, de la façon dont vos employés doivent se comporter, toutes ces choses peuvent vous aider à dissiper ces préoccupations. L'océan est le meilleur endroit, selon nous, mais nous ne pouvons pas nous installer n'importe où.

M. Bosien : J'ai quelque chose à ajouter. Les sites qui nous intéressent sont habituellement situés à entre 1,8 et 2 kilomètres de distance du littoral et, la plupart du temps, on ne peut même pas les voir. Nous avons exploité une ferme piscicole pendant huit ans, après quoi nous avons demandé un permis pour en créer une nouvelle. Cela a rendu les gens nerveux, parce qu'ils craignaient que le paysage soit gâché, ils ont dit qu'ils ne voulaient pas de fermes piscicoles à cet endroit. Nous leur avons répondu que nous exploitions une ferme piscicole à cet endroit depuis huit ans. Ils ne savaient même pas qu'elle était là. C'est donc également une question de perception et de respect mutuel.

Mme Parker : Il s'agit également des attentes. Traditionnellement, nous nous sommes tournés vers les marinas ou les chantiers navals. En Colombie-Britannique, on pense aux estacades flottantes, et c'est correct. Mais une ferme d'élevage de saumon, c'est différent, les gens n'y sont pas habitués. Ils vont s'opposer à un permis d'élevage de mollusques et de crustacés alors que, pourtant, ces espèces grandissent sous la surface de l'eau, et ce n'est pas vraiment visible, mais, oui, il y a des gens qui s'y rendent quelques fois par année pour y travailler ou pour récolter. C'est donc assez près de ce que Nell a dit : il faut gérer les attentes et éduquer les gens.

Au Nouveau-Brunswick, quand vous vous tenez sur le rivage, vous pouvez voir un nombre assez élevé de fermes piscicoles et elles sont toutes visibles de l'endroit où les gens vivent. Certaines personnes qui viennent d'ailleurs ne sont pas habituées à en voir, et elles doivent s'ajuster, mais notre industrie a en fait pris des mesures proactives et travaille avec le voisinage pour régler le problème, qu'il s'agisse d'une nuisance sonore ou d'une nuisance paysagère. Et ces problèmes doivent se régler au cas par cas. Nous ne devons pas oublier que, dans le Canada atlantique, les marées sont extrêmement fortes et mettent l'équipement à rude épreuve. Nos exploitations piscicoles sont spécialement aménagées. C'est pourquoi, à l'heure actuelle, on ne peut pas les établir trop loin du littoral, parce qu'il nous faut quand même nous y rendre pour nous occuper des poissons, les nourrir, et cetera.

La sénatrice Raine : Nous savons tous qu'il existe un groupe très passionné de gens qui s'opposent à l'aquaculture et qui savent très bien utiliser Internet pour faire connaître leur opinion. Que fait l'industrie face aux mensonges, aux insinuations et aux demi-vérités qui circulent partout et qui sont repris et qui se disséminent constamment? Existe-t-il un moyen de contrer ces opinions et est-ce que vous essayez de le faire?

Mme Parker : Dans le Canada atlantique, les intervenants de l'industrie de l'élevage du saumon ont travaillé de concert pour créer d'autres sites Web qui permettent de corriger les renseignements erronés. Nous distribuons des dépliants. Je sais que les collectivités ont organisé des assemblées. Nous nous rendons dans des foires et nous participons à d'autres événements, des salons de l'alimentation. Nous sommes sur la corde raide.

Comme vous le savez, c'est un groupe de gens assez peu nombreux, en fait, et, comme vous le dites, ces gens savent très bien utiliser Internet et leur réseau international, ce qui fait que les commentaires ne sont pas nécessairement ceux des gens qui vivent dans la région en question. Et nous devons faire attention de ne pas diffuser nous aussi des informations erronées. Si vous voyez un article négatif, dans un journal, et que vous voulez y répondre par une autre lettre, vous allez amener d'autres gens à envoyer des lettres au journal. Dans certains cas, les gens hésitent à répondre ou craignent de le faire parce que, s'ils se manifestent, s'ils font partie de la collectivité, leur entreprise pourrait être prise pour cible ou ils pourraient même personnellement recevoir des courriels ou attirer une attention dont ils ne veulent pas.

Dans un site web qui a pour titre « Act for Aquaculture », un site utilisé par l'industrie de l'élevage du saumon, nous avons reçu une lettre d'un entrepreneur qui voulait réagir aux informations négatives ou erronées circulant dans sa collectivité. Il craignait de le faire parce qu'il avait peur que son entreprise ne soit prise pour cible. C'est donc nous qui avons publié la lettre. Nous ne pouvons que continuer à faire ce travail dans les collectivités, car je crois que notre industrie établit son acceptabilité sociale là où elle s'installe. Nous devons tout simplement nous assurer de continuer à diffuser l'information de la façon la plus efficace possible, par divers moyens.

M. Corey : C'est vraiment une situation épineuse. À mon avis, les perceptions ou les informations que font circuler ces autres groupes sont vraiment convaincantes. Comme vous l'avez dit, ils sont très professionnels, et ce sont souvent des scientifiques; ils présentent des informations convaincantes et ils sont impartiaux. Si nous réagissons à ces renseignements, nous sommes partiaux, par définition, étant donné que nous sommes les exploitants. Nous devons donc trouver un moyen très créatif de répondre, de toute évidence. Notre association dispose d'un certain nombre d'outils pour sensibiliser la collectivité par le truchement de programmes estivaux, d'outils en ligne, et ainsi de suite, qui lui permettent de réagir de manière proactive. Mais selon divers rapports que me font parvenir mes collègues, lorsque des gens qui s'opposaient prennent connaissance de l'information correcte et qu'ils comprennent la valeur de l'élevage des poissons, leur opinion va changer dans la mesure où ces exploitations piscicoles peuvent contribuer à la vie de la collectivité côtière. C'est difficile, mais nous arrivons à sensibiliser les collectivités de manière proactive quand il s'agit de relever ces défis.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je vous souhaite la bienvenue. Ma question s'adresse à Mme Halse.

Vous avez dit que vos membres comprenaient des dirigeants d'entreprise, des pêcheurs, des représentants des administrations portuaires et des représentants des collectivités. Est-ce que votre industrie compte parmi ses membres des Autochtones?

Mme Halse : C'est une très bonne question. Il y a un comité qui est actif depuis quelque temps déjà dans la baie de Jordan et Shelburne. Il n'y a pas de représentant des Premières Nations en tant que tel, mais nous reconnaissons ce fait. Nous travaillons au cas par cas avec les collectivités, donc, si nous travaillons avec une collectivité qui compte une bande des Premières Nations, et je crois que pour le groupe de Liverpool que nous tentons de mettre sur pied, nous avons inscrit sur notre liste de représentants des gens de la région.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci.

Où est situé votre marché et comment expédiez-vous votre produit?

Mme Halse : Étant donné que nous mettons l'accent sur la fraîcheur, notre premier marché, pour nos exploitations de l'Amérique du Nord, c'est bien sûr le Canada et les États-Unis, et un peu l'est de Toronto, l'est de Chicago et surtout la Nouvelle-Angleterre. Mais si vous voulez ajouter de la valeur, vous pouvez peut-être parfois aller un peu plus loin. Mais comme nous mettons vraiment l'accent sur la fraîcheur, nous nous appuyons surtout sur les marchés américain et canadien. Je parle pour Cooke. Vous connaissez peut-être notre marque, le saumon True North, qui approvisionne les supermarchés et les restaurants. Les autres entreprises d'élevage de saumon du Canada atlantique font à peu près la même chose. Nous ne nous attachons pas aux produits congelés, parce que nous ne pouvons pas entrer en concurrence avec d'autres pays comme le Chili, par exemple, qui produit beaucoup de produits congelés qu'il expédie partout dans le monde. En fait, nous avons une entreprise chilienne qui fait cela. Nous ciblons donc, en réalité, le Canada et les États-Unis, où il y a une énorme demande pour ces produits.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Comment expédiez-vous vos produits?

Mme Halse : Par camion. Nous avons également notre propre division de camionnage et nous transportons nous- mêmes la plupart de nos produits.

La sénatrice Lovelace Nicholas : La raison pour laquelle je pose cette question, c'est qu'à Terre-Neuve, on a du mal à expédier les produits, ou les animaux, comme certains le disent, alors je vous remercie de votre réponse.

La sénatrice Raine : Pour faire suite au commentaire de la sénatrice Lovelace, nous avons constaté qu'à Terre- Neuve, il y avait un problème de traversier. Auriez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet, je pense en particulier à Cooke, étant donné que vous expédiez des produits à partir de Terre-Neuve? Est-ce que le traversier ou la capacité du traversier est un obstacle, pour vous?

Mme Halse : La réponse est oui, parce que nous sommes aussi une entreprise importante à Terre-Neuve. Les problèmes dont vous avez entendu parler là-bas sont également nos problèmes. Mais tout dépend du processus de transformation. Nous voulons bien sûr transformer les poissons de Terre-Neuve à Terre-Neuve et expédier le produit à partir de là. Je sais que certaines entreprises faisaient une partie de la transformation sur place, mais cela coûte très cher et fait augmenter énormément les coûts de production. Et c'est vraiment ce que nous voulons faire également en Nouvelle-Écosse, nous élevons du poisson en Nouvelle-Écosse, aujourd'hui, et nous voulons le traiter sur place, lui aussi. Mais, en effet, si vous pouviez nous aider à régler le problème du traversier, ce serait magnifique.

Le président : Monsieur Corey, avez-vous quelque chose à ajouter pour répondre à la question précédente?

M. Corey : Oui, j'aimerais répondre, si vous me le permettez, à la question qui concerne les Premières Nations.

J'aimerais le préciser au cas où il n'en est pas question aujourd'hui, même si je sais qu'il va y avoir, dans un autre groupe de témoins, un représentant de cette entreprise particulière : un de nos membres a établi un partenariat avec la Première Nation Waycobah, à Cap-Breton, dans le cadre d'une ferme d'élevage de la truite arc-en-ciel, au lac Bras d'Or. C'est aujourd'hui une exploitation modèle pour les autres collectivités des Premières Nations du pays. On me dit qu'il s'agit du seul employeur à temps plein, dans cette collectivité-là, à part les autres entreprises de la bande. Elle apporte donc une contribution substantielle à la collectivité des Premières Nations.

Le sénateur McInnis : Merci d'être venue ici.

Si le comité a entrepris une étude sur l'aquaculture, c'est que ses membres en ont vu le potentiel, mais qu'ils ont également vu qu'il y avait des difficultés. Nous allons entendre des témoins représentant l'industrie, le gouvernement, les chercheurs du milieu universitaire et le grand public. Parfois, j'ai l'impression que nous formons un jury; nous entendons la défense, puis nous entendons la poursuite et, je l'espère, à la fin, nous serons en mesure de formuler des recommandations raisonnables.

Laissez-moi vous parler rapidement de la loi fédérale. Je crois que nous avons vraiment besoin d'une loi fédérale, mais j'aimerais vous demander vos commentaires à ce sujet. On peut avoir une loi fédérale et il est possible que cette loi relève du ministre de l'Agriculture, comme il a été demandé. Mais à mon avis, ça ne changerait pas grand-chose, si on ne s'occupe pas des lois des 10 ou 11 provinces du pays et des protocoles qui sont en vigueur.

Ici, en Nouvelle-Écosse, on est en train de consulter le public. Il y a un comité d'experts qui s'occupe de la réglementation. Il y a cinq ou six ans, la province a signé un PE avec les autres provinces de l'Atlantique dans le but de travailler ensemble à un processus de simplification des règlements, mais, je peux le parier, vous constaterez qu'elles n'ont pas parlé aux autres provinces. Donc, si vous voulez une loi, méfiez-vous. Cette loi devrait coïncider. La loi devrait tenir compte des provinces, qui doivent accepter ce caractère fédéral, de façon à éviter une courtepointe et à assurer l'uniformité à l'échelle du pays. Pourriez-vous s'il vous plaît faire un commentaire à ce sujet?

Mme Parker : Premièrement, je soulignerais que le Canada dispose bel et bien de lois en matière d'agriculture, d'exploitation minière, et cetera, et que ces lois sont toujours gérées par les provinces; il y a donc un modèle.

Le groupe de travail national industrie-gouvernement, qui s'occupe de la stratégie nationale, a mobilisé les provinces. Nous croyons que les provinces ont un rôle à jouer dans notre industrie, puisque nous sommes en activité dans les provinces, et nous voulons protéger ce rôle.

Comme je l'ai mentionné, nous croyons qu'il y a déjà un précédent dans d'autres industries primaires. En tant qu'association professionnelle, nous travaillons en fonction d'une approche généralisée aux provinces atlantiques dans le cadre de nombreuses initiatives. Nous travaillons donc actuellement avec Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sur des codes en matière de confinement dans le but que la gouvernance des mesures de prévention des évasions s'appuie sur une approche généralisée à l'échelle des provinces atlantiques. Nous travaillons sur une initiative similaire touchant la gestion de l'anémie infectieuse du saumon de façon que le problème soit géré de la même façon dans toutes les régions. Tous les vétérinaires des provinces de même que les gouvernements des provinces participent à cette initiative aux côtés de l'ACIA, du MPO et de l'industrie. Je suis d'accord avec vous, et nous travaillons certainement dans ce but.

Je vais également clarifier certaines choses et je crois que je vais rassurer le public sur le fait que l'industrie est gérée de manière équitable, ce qui fait qu'il est beaucoup plus facile de comprendre la réglementation. Une loi nationale pourrait également servir de cadre qui consoliderait les PE conclus avec les provinces. Étant donné que nos activités ont pour cadre l'océan, nous allons toujours devoir respecter les dispositions de la Loi sur les pêches, mais nous serons au moins reconnus comme étant des producteurs d'aliments.

M. Corey : J'ajouterais que, à mon avis, il est très important de simplifier et de clarifier la réglementation. En outre, je crois qu'on pourrait montrer aux Canadiens qu'il s'agit d'une industrie en croissance reconnue par le gouvernement fédéral et que le gouvernement fédéral est prêt à l'appuyer, alors que, pour le moment, c'est quelque chose qui pourrait nous échapper, si vous comprenez ce que je veux dire. Je ne m'exprime pas bien, mais, une fois qu'une loi sur l'aquaculture aura été adoptée, elle témoignera de l'engagement à permettre et à faciliter la croissance d'une industrie que le gouvernement reconnaît être un réel débouché pour le Canada.

Le sénateur McInnis : Nous revenons justement de Terre-Neuve, où on nous a parlé des zones de gestion des baies, les zones prédéterminées d'aménagement. Je les compare au zonage en douce des zones prédéterminées, et c'est ce à quoi la sénatrice Raine a fait allusion. Je suis étonné que vous ayez pu compter à l'avance sur l'engagement public parce qu'à l'heure actuelle, en Nouvelle-Écosse du moins, l'engagement public fait cruellement défaut et c'est pour cette raison, d'ailleurs, que le gouvernement a décidé d'organiser des consultations publiques. Comme vous le savez peut- être, j'ai participé à ces consultations publiques, et c'était horrible. Alors, qu'en pensez-vous? Il y a un fondement scientifique, à Terre-Neuve, mais ne seriez-vous pas d'accord pour dire que ce serait une meilleure façon de faire?

Mme Halse : La gestion des baies, en fait, est une approche de gestion de la culture. Elle s'attache à toutes les exploitations piscicoles d'une région qui élèvent des spécimens du même âge, et il y a partage. Tout ce qu'il y a à faire, par exemple les traitements, est fait en collaboration. Dans certains cas, il n'y a qu'une seule entreprise dans la région, mais lorsqu'il y en a plus d'une, elles doivent travailler ensemble. Au Nouveau-Brunswick, cette approche a été intégrée au règlement il y a plusieurs années déjà, et il a fallu du temps pour l'élaborer. Les scientifiques, les collectivités, les gouvernements et l'industrie ont travaillé ensemble pour l'élaborer. Les poissons ne peuvent se trouver que dans les zones désignées. Cette année, par exemple, il n'y a des poissons que dans la zone 1, les poissons prêts à être commercialisés se trouvent dans la zone 2 et la zone 3 n'est pas exploitée; il y a une rotation. Mais il faut quand même s'assurer de faire sortir les poissons à une date donnée, à défaut de quoi vous pouvez recevoir une amende.

Cette approche est appliquée de façon très minutieuse, au Nouveau-Brunswick. Elle a donné d'excellents résultats en ce qui concerne la gestion des répercussions sur l'environnement et la gestion des maladies et de la santé. Nous avons en conséquence très bien réussi, puisque tout cela va de pair avec des protocoles, des mesures de biosécurité et des choses du genre.

Donc, à Terre-Neuve, l'industrie a fait d'énormes pressions pour officialiser de la même manière la gestion des baies, mais je crois qu'il s'agit presque de deux choses différentes, la gestion des baies et la pratique de gestion des cultures qui, je crois, obtiendraient l'aval de tous les intervenants du secteur de la pisciculture.

Notre entreprise essaie de faire adopter cette pratique en Nouvelle-Écosse également. Nous avons recommandé au comité d'examen de la réglementation d'intégrer cette pratique à la réglementation.

Il y a aussi peut-être une autre question, la façon dont vous organisez vos consultations. Je suis d'accord avec vous. J'ai pris part à certaines consultations publiques et j'ai vu que les gouvernements essaient différentes formules. Ils ont l'obligation de mobiliser le public, et nous voulons nous aussi être mobilisés. Quand les consultations ressemblent à une journée portes ouvertes, il me semble qu'elles sont plus efficaces que quand vous installez des micros où des gens vont s'installer pour parler sans arrêt, car les gens qui ont des questions vont souvent préférer quitter les lieux, ils ne veulent pas prendre la parole dans un environnement aussi instable.

Il est très difficile de déterminer quelle est la meilleure façon de faire. Je crois que notre approche, quand nous voulons nous installer dans une collectivité, consiste à commencer par parler nous-mêmes aux gens, leur exposer tout simplement nos plans et leur demander leur avis, et je crois que c'est la seule façon de faire. Dans certaines collectivités, cette façon de faire fonctionne très bien. À Shelburne, nous avons un groupe de « citoyens pour l'aquaculture durable » qui a envoyé 600 lettres d'appui à notre demande de site. Nous n'avons pas obtenu cet appui du jour au lendemain. Nous avons travaillé auprès de cette collectivité pendant plusieurs années avant que ce soit possible. Malheureusement, je crois que vous aviez demandé à la mairesse de se présenter, mais elle n'a pas pu accepter.

Selon moi, il y a cependant de belles réussites ici. Dans la région de Meteghan, de Digby, on bénéficie d'un soutien semblable des dirigeants municipaux et des leaders de la collectivité. La situation n'est donc pas totalement sombre, mais nous devons constamment travailler; nous ne pouvons jamais baisser les bras. En fait, nous savons que nous devons en faire plus.

M. Bosien : Dans la zone que nous voulons développer, j'ai fait du porte-à-porte et parlé à des gens. Ils éprouvaient le même genre de sentiment, dans la situation actuelle, avec tous les microphones, ils ne voulaient pas nous parler par peur de représailles. Mais, en général, ils se rangent maintenant derrière nous. J'obtiens un soutien, et ils disent : « Oui, nous voulons créer des emplois ici », mais ils ne veulent pas le dire haut et fort sur la place publique. Il s'agit d'une petite collectivité, mais les gens sont prêts à se ranger derrière nous maintenant. Nous organisons de petites réunions communautaires et des rencontres en tête-à-tête, et il s'agit d'une approche beaucoup plus positive, selon moi.

Le sénateur McInnis : L'un des autres secteurs, c'est là où il faut obligatoirement procéder à une mise en jachère. Il faut obligatoirement enlever les excréments des poissons. C'est un peu comme un dépôt de sécurité qu'il faut donner pour la remise en état du site. Êtes-vous d'accord sur ce point? C'est ce qui se produit à Terre-Neuve.

Mme Halse : C'est nous qui avons commencé à utiliser toute cette approche de gestion des baies. Je peux vous fournir beaucoup, beaucoup de lettres et de dates de réunions où nous avons dit au gouvernement : « Ce n'est pas juste une bonne idée, c'est seulement si vous le voulez ». Il faut mettre un tel cadre en place. Il faut intégrer cette pratique dans la réglementation afin que tout le monde le fasse. Ce n'est pas bon si seulement certains intervenants le font. Cette méthode fonctionnera seulement si tous les intervenants de l'industrie le font. Et c'est là qu'il faut travailler dur. Il a fallu beaucoup de temps pour mettre le cadre en place au Nouveau-Brunswick, parce que les entreprises exploitent des sites dans différentes baies, et elles ont donc dû apprendre à travailler en collaboration, pour s'entendre sur l'utilisation des différents quais. Ce n'est pas un processus simple, mais la mise en jachère permet aux élevages de se régénérer, et nous utilisons cette pratique dès que nous pouvons au sein de notre entreprise. Cependant, je ne crois pas que quiconque au sein de l'industrie pourrait s'opposer à cette pratique aujourd'hui.

Le sénateur McInnis : Merci.

M. Corey : J'aimerais réagir rapidement au sujet de la question du zonage et de la gestion des baies. Prenons Snow Island. L'entreprise le fait proactivement, volontairement. Bryan est mieux placé pour vous en parler, mais nous n'aurons probablement pas le temps. L'entreprise tente de louer quatre sites afin qu'elle puisse procéder à une rotation appropriée. La mise en jachère est favorable pour l'élevage, c'est aussi bon pour l'environnement. Il ne fait aucun doute qu'il se dépose une certaine quantité de déchets sous les élevages. Cependant, un autre exploitant en Nouvelle-Écosse nous a informés que les conditions du fond marin s'étaient en fait améliorées sous l'élevage ou dans les alentours, du moins. Je suis convaincu que Cooke Aquaculture peut aussi procéder à une mise en jachère et qu'il le fait dans ses élevages en Nouvelle-Écosse, compte tenu du nombre de sites que l'entreprise possède, mais je ne peux pas le confirmer. De toute façon, ce que je veux dire, c'est que des entreprises comme Snow Island cherchent volontairement à appliquer, essentiellement, des stratégies de gestion des baies et de mise en jachère.

Le sénateur Mercer : Merci d'être là. Je ne suis pas un membre régulier du comité. Je suis le vice-président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, mais j'apprécie vraiment certains des renseignements que vous nous avez communiqués. Il y a un fait que j'entends chaque jour, et c'est que, en 2050, il y aura 9 milliards d'habitants sur la planète et qu'il faudra trouver une façon de tous les nourrir. L'aquaculture est l'une des clés du problème. J'ai aussi l'impression que tous ceux qui sont contre l'aquaculture semblent avoir beaucoup de temps pour protester contre des gens qui tentent de faire le travail, qui s'efforcent de faire ce qu'il faut, qui créent des emplois et qui aident l'économie de la Nouvelle-Écosse.

J'aimerais poser une question touchant les attitudes. Depuis le dépôt du rapport Ivany, en février — je rappelle à tout le monde que le titre du rapport est Maintenant ou jamais : un rappel urgent à l'action pour les Néo-Écossais —, y a- t-il eu ou avez-vous constaté un changement d'attitude, pas seulement au sein du grand public, mais, ce qui est encore plus important, au sein du gouvernement provincial? Vous avez obtenu un nouveau gouvernement en plus de ce rapport qui souligne le besoin de changement. Nous avons un premier ministre que j'ai entendu dire un certain nombre de fois qu'il était déterminé à appliquer bien des recommandations formulées par Ivany. Avez-vous constaté un changement positif en ce qui concerne les attitudes?

Mme Halse : Ce n'est pas une question facile, en partie parce que notre secteur fait actuellement l'objet — nous sommes un peu en attente en raison du processus d'examen de la réglementation — d'un processus qui a été entrepris par le gouvernement précédent et qui se poursuit. Par conséquent, nous nous demandons tous ce qui arrivera. Comme d'autres entreprises, nous planchons sur certains plans. Nous travaillons sur certaines choses, nous veillons à la croissance de nos entreprises.

Actuellement, le gouvernement nous dit qu'il ne prendra pas de décisions relativement aux nouveaux élevages avant la fin du processus d'examen. Mais ça ne signifie pas que nous ne pouvons pas présenter des demandes et que les représentants du gouvernement ne peuvent pas traiter les demandes à l'interne. Cependant, la décision est celle que le gouvernement précédent avait indiqué attendre.

De notre point de vue, c'est un message important parce que nous sommes au beau milieu d'un processus d'expansion majeur. Nous voulons construire cette écloserie, ouvrir une usine, mais nous avons besoin de plus d'élevages, et c'est en raison de toute cette question de la gestion des baies. C'est pourquoi j'ai dit que, si nous exploitons six élevages par année, ce sera parfait pour nous. Nous ne voulons pas construire des élevages partout, nous voulons simplement pouvoir procéder à une rotation entre les secteurs. Le message que nous voulons communiquer à la province, c'est qu'il s'agit d'un processus important. Il faut le faire afin que nous puissions aller de l'avant parce que nous avons un peu les mains liées actuellement. Je ne sais pas ce que les autres en pensent.

M. Corey : On est un peu en attente, mais je crois que c'est stratégique, parce que, comme Nell l'a dit, le processus réglementaire a été mis en œuvre par le gouvernement précédent. Le gouvernement actuel a adopté délibérément un rôle d'observateur pour s'assurer que l'influence des tierces parties est dominante. Cependant, à la lumière des conversations avec le ministre, le gouvernement appuie vraiment le développement de l'aquaculture dans la province.

Le président : Merci à nos témoins. Je suis sûr que les sénateurs ont d'autres questions, mais le temps dont nous disposons est limité, et le prochain groupe de témoins commence dans deux ou trois minutes.

Je tiens à ajouter que, si vous pensez à quelque chose que vous voulez nous dire ou que vous avez des rapports à transmettre, n'hésitez pas à communiquer avec le greffier du comité. Notre étude se poursuit jusqu'en juin l'année prochaine. Je suis convaincu que ceux d'entre vous qui sont intéressés par cette question entendront parler de nous de temps en temps. Par conséquent, si vous croyez que quelque chose doit être précisé ou que vous voulez nous fournir des renseignements supplémentaires, n'hésitez pas à le faire, n'importe quand. Nous vous remercions du temps que vous nous consacrez ce matin.

Je vais maintenant souhaiter la bienvenue à notre prochain groupe de témoins. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de venir nous voir aujourd'hui. Pour commencer, veuillez vous présenter. Je crois savoir que certains d'entre vous ont des déclarations préliminaires. Nous commencerons par Mme Swan, et les autres passeront ensuite.

Mme Vicky Swan, coordonnatrice de la recherche et du développement, Aquaculture Association of Nova Scotia : Je suis la coordonnatrice de la recherche et du développement de l'Aquaculture Association of Nova Scotia.

Tom Taylor, gestionnaire des ventes et du soutien technique, Northeast Nutrition Inc. : Je m'appelle Tom Taylor, je travaille pour Northeast Nutrition, qui fait partie de Cooke Aquaculture. Mon bureau se trouve au Nouveau- Brunswick, mais je travaille dans toutes les provinces atlantiques dans le domaine des ventes et du soutien technique.

Brian Blanchard, membre, Aquaculture Association of Nova Scotia : Brian Blanchard. Je travaille pour Scotian Halibut Limited, ici, en Nouvelle-Écosse. Nos bureaux sont à Halifax, mais je travaille aussi pour un autre élevage de flétan, à Advocate, en Nouvelle-Écosse, qui s'appelle Canaqua Seafood.

Le président : Comme je vous l'ai déjà dit, merci d'avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd'hui.

Madame Swan, je crois savoir que vous avez une déclaration préliminaire. La parole est à vous.

Mme Swan : Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je suis une biologiste de la vie aquatique, et je travaille sur des recherches liées au secteur de l'aquaculture depuis un peu plus de 10 ans maintenant. Je suis vraiment heureuse d'avoir l'occasion de vous transmettre un peu de mon expérience au sein de l'industrie durant cette période.

Je crois que mon expérience est un peu unique du fait que j'ai travaillé dans le cadre de programmes de recherche à titre d'étudiante, à titre d'universitaire travaillant avec le gouvernement et dans mon rôle actuel de représentante des membres de l'industrie. Puisque j'ai assumé ces divers rôles, qui ont tous permis de contribuer à l'avancement du secteur de l'aquaculture, j'ai acquis un bon point de vue général qui me permet d'avoir une meilleure vue d'ensemble de mes priorités de recherche et de mes travaux actuels. Par conséquent, je suis à même de comprendre le potentiel de ces diverses contributions, surtout si elles sont toutes bien harmonisées.

J'aimerais profiter du temps qui m'est accordé pour vous transmettre quelques leçons clés et renseignements tirés de mon point de vue et de mon expérience au sein de l'industrie jusqu'à présent. Compte tenu de cette expérience et des divers rôles que j'ai assumés, je crois que certains des messages que je veux vous transmettre aujourd'hui concernent vraiment la collaboration avec d'autres industries de soutien et au sein du secteur en tant que tel.

Une des choses importantes qui vous ont probablement été dites dans le cadre de vos travaux, mais qu'il vaut la peine de répéter, c'est que l'industrie veut vraiment en savoir plus et réaliser plus de recherches. Les membres de notre association et d'autres intervenants avec d'autres provinces de l'Atlantique à qui j'ai parlé cherchent activement des façons d'en apprendre plus au sujet de tous les aspects de leurs activités. Ils veulent obtenir de plus amples renseignements sur la biologie des espèces qu'ils élèvent. Par conséquent, même si les éleveurs connaissent les espèces qu'ils élèvent encore mieux que les experts universitaires les plus réputés, ils reconnaissent que les outils de recherche actuels leur permettent d'en apprendre encore plus.

Par exemple, les membres de notre association qui œuvrent dans le secteur des mollusques et des crustacés reconnaissent que les fluctuations environnementales qu'on a constatées en raison de l'augmentation des températures et de la menace liée à l'acidification de l'océan constituent de réels défis pour la durabilité biologique au sein des populations animales élevées. C'est pourquoi ils cherchent activement à réaliser des recherches afin de cerner des populations naturelles d'huîtres et de moules qui ont les meilleures caractéristiques génétiques pour résister à ces menaces potentielles.

Nos éleveurs s'intéressent aussi aux environnements naturels qu'ils exploitent. Bon nombre d'entre eux sont aussi de fins observateurs des environnements qu'ils ont loués. Une bonne partie de leur travail de surveillance de leur élevage leur a permis de recueillir les données les plus précises qui soient au sujet de ces environnements côtiers. Ils savent que plus il y a d'information, plus les pratiques de gestion des élevages pourront évoluer afin d'être mieux adaptées à l'environnement et au paysage exploité.

Nos éleveurs s'intéressent aussi à l'interaction entre la dynamique des élevages, l'environnement et les autres espèces. J'ai beaucoup parlé avec nos membres du besoin d'en apprendre davantage au sujet des interactions entre nos élevages et l'environnement où ils se trouvent. Ce sont les éleveurs qui engagent une bonne partie de ces conversations. Ils m'appellent pour me dire qu'il faut réaliser une étude pour analyser un certain nombre d'interactions parce qu'ils ont parlé à un membre de la collectivité dans un café du coin et qu'aucun des deux n'avait vraiment les données probantes nécessaires pour quantifier ou caractériser les interactions précises dans la région. Il s'agit de quelque chose qu'il faut considérer comme une excellente occasion, parce que les gens conviennent du fait que des études scientifiques plus poussées sont nécessaires pour assurer la santé de l'écosystème, et ce, pour toutes les parties intéressées. Des études axées sur la collaboration sont essentielles à la promotion de discussions éclairées au sujet de ces enjeux.

Nos éleveurs s'intéressent aussi aux nouvelles technologies qui peuvent permettre de maximiser l'efficience des activités d'élevage. Ce sont eux-mêmes des innovateurs. Ils trouvent des façons nouvelles et diversifiées de produire de façon optimale des fruits de mer de haute qualité. Lorsqu'ils éprouvent des problèmes ou qu'ils reconnaissent que certains volets de leurs systèmes de production ne sont pas aussi efficients ou durables qu'ils devraient l'être, ils peuvent essayer de trouver de nouvelles solutions par eux-mêmes ou chercher des partenaires qui les aideront à trouver des solutions.

Bon nombre d'éleveurs viennent me voir pour me parler de problèmes qu'ils rencontrent dans leurs élevages, et nous travaillons ensemble pour mettre sur pied de nouveaux projets de recherche et de développement avec une diversité de partenaires au sein du milieu universitaire ou d'institutions privées pour relever ces défis en faisant preuve de créativité et d'enthousiasme. Nos éleveurs ne s'intéressent pas au statu quo. Ils évoluent constamment pour optimiser leurs pratiques d'élevage et élaborer de nouvelles technologies à l'appui de leurs activités d'aquaculture.

Un autre message clé que j'aimerais vous communiquer aujourd'hui, c'est que la collaboration et la coopération sont la pierre angulaire de l'industrie de l'aquaculture et continuent d'être primordiales pour sa réussite. Bon nombre des initiatives de R-D que diverses entreprises entreprennent pour améliorer leurs activités peuvent être menées à bien aux termes d'ententes de non-communication exclusives conclues avec des chercheurs et des institutions ou être réalisées de façon privée, à l'interne. D'après notre expérience à l'Aquaculture Association of Nova Scotia et, en effet, à l'échelle régionale, de très grandes quantités d'information ont été mises en commun pour promouvoir le secteur et continuer de répondre aux besoins communs au sein de l'industrie.

Récemment, nos membres de l'industrie des huîtres ont reconnu que, actuellement, le manque d'accessibilité du naissain était un problème courant qui touchait de nombreux exploitants, et ce, pour diverses raisons. Afin de régler proactivement ce problème, les membres de l'industrie ont commencé à communiquer entre eux et ont déterminé qu'ils voulaient recevoir une formation pratique sur les méthodes de télécaptage afin de commencer des essais expérimentaux liés à ces méthodes durant la saison actuelle. J'ai préparé une proposition de financement fondée sur ce besoin collectif, et grâce à l'appui du ministère provincial du Développement économique et rural et du Tourisme, plusieurs compagnies membres recevront une formation ciblée sur le recours au télécaptage du Horn Point Laboratory, à l'Université du Maryland, au cours des prochaines semaines. Sans cette communication ouverte et cet alignement sur un objectif commun, cette initiative n'aurait probablement pas lieu. Il s'agit d'un des nombreux exemples de coopération au sein des différents secteurs de l'aquaculture et entre eux qui favorisent l'avancement de toute l'industrie.

Pour terminer, j'aimerais formuler quelques observations et souligner certaines choses dont on parle moins souvent, mais qui sont très importantes dans le cadre de l'évaluation du potentiel d'expansion future de l'aquaculture au Canada.

L'expansion et les percées dans les domaines de l'océanographie, des technologies aquatiques et de la biotechnologie marine et les intervenants qui possèdent une expertise dans ces domaines sont des facteurs de croissance de l'industrie sur lesquels on peut s'appuyer et que l'on peut maximiser au sein d'une industrie de l'aquaculture diversifiée, solide et en croissance. Lorsqu'on discute des répercussions positives du développement de l'aquaculture, les industries de soutien qui approvisionnent les producteurs du secteur de l'aquaculture sont souvent mentionnées. Même si ces industries de soutien sont très importantes lorsqu'on évalue le cadre de développement, il convient aussi de souligner l'existence du potentiel d'industries en croissance et de reconnaître l'incidence qu'aurait leur perte si on n'arrive pas à poursuivre l'expansion de l'aquaculture au Canada. Une production dynamique et durable en aquaculture favorise la réalisation de recherches sur nos environnements marins, la création d'instituts de recherche et la formation d'experts scientifiques. Le développement de nouvelles technologies favorise l'arrivée de joueurs nouveaux et novateurs dans le secteur, qui abordent l'élevage avec de nouvelles idées et, par conséquent, font avancer l'industrie. On peut accroître les efficiences de production, on peut cerner des ressources à valeur ajoutée à chaque étape du cycle de production, on peut réduire les déchets en leur trouvant des utilisations dans d'autres industries et, ce qui est l'aspect le plus important, de réelles innovations peuvent se produire et mener à des découvertes et des nouveautés insoupçonnées.

La Norvège a réussi parce qu'elle a bénéficié de la croissance du secteur des biotechnologies en raison des avancées continues réalisées dans le domaine de la production aquicole. Le pays compte actuellement 16 installations de recherche clés qui effectuent directement des expériences liées à l'aquaculture. Cela n'inclut pas les nombreuses petites entreprises de biotechnologie et de génie établies pour saisir les occasions créées par une industrie aquicole dynamique qui cherche à promouvoir la recherche et le développement. Le Canada est un chef de file dans le domaine des biotechnologies, et, très certainement, dans la recherche marine. L'harmonisation plus poussée des initiatives de recherche de l'industrie de l'aquaculture, des gouvernements fédéral et provinciaux, du milieu universitaire et des institutions et du secteur privé sera bénéfique pour les collectivités, grâce à la promotion de ces importants moteurs de notre économie, et permettra d'acquérir une meilleure compréhension de nos environnements marins. Ces collaborations sont facilitées par une industrie qui est diversifiée, dont la croissance est couronnée de succès, qui est appuyée par un solide cadre de réglementation et qui bénéficie d'un bon soutien public.

Merci.

M. Taylor : Je suis un témoin de dernière minute. Je devais comparaître hier, à Truro, mais, heureusement, j'ai éprouvé des problèmes mécaniques sur la route et non dans les airs. Je suis donc heureux d'être ici aujourd'hui.

Je représente Northeast Nutrition, alors je vais vous donner le point de vue des intervenants du secteur des aliments pour animaux. J'ai fourni un document. J'en vois des copies sur la table, alors c'est bien. Je sais que je vous l'ai fournie à la dernière minute.

En guise d'introduction, j'œuvre au sein de l'industrie depuis 1991. J'ai commencé sur l'océan, et je suis ensuite revenu sur la terre pour m'occuper du volet des écloseries et du système de recirculation de l'eau; j'ai donc de l'expérience en la matière. Je me suis tourné vers l'alimentation et la nutrition en 1998. J'ai eu la chance de travailler avec beaucoup de personnes et de voir de nombreux aspects de l'industrie, dans laquelle je fais carrière depuis mon passage à l'université.

Northeast Nutrition fait partie d'une entreprise intégrée verticalement, Cooke Aquaculture, ce qu'on vous a déjà appris aujourd'hui dans d'autres réunions. Les activités de recherche et de développement dans lesquelles nous continuons à investir des efforts, du temps et de l'argent sont notre avantage et l'occasion que nous devons continuer à saisir pour rester un producteur très compétitif sur le marché mondial.

En ce qui concerne l'importance de la recherche, j'ai fourni quelques exemples ici, à la page 4, pour en brosser les grandes lignes. Le titulaire de la chaire de recherche industrielle de l'Université Dalhousie reçoit beaucoup d'argent de notre entreprise. Nous réalisons des recherches fondées sur la collaboration liées à la santé des poissons. Comme Mme Swan l'a dit, c'est extrêmement important de voir au transfert des connaissances et des compétences du milieu universitaire à la réalité et de travailler avec les connaissances et les compétences que nous tirons de notre expérience sur l'océan. C'est donc important. Nous nous occupons aussi de génomique. Il y a la conception mécanique et l'innovation. Nous ne pouvons pas acheter des produits du commerce, alors nous devons habituellement innover nous- mêmes en ce qui concerne nos cycles de production. Le cinquième élément lié à la recherche est la nutrition, ce dont je vais parler maintenant. Voilà pour le contexte.

Northeast Nutrition, notre usine de fabrication d'aliments, est située à Truro, en Nouvelle-Écosse. Nous affichons une production annuelle d'environ 73 000 tonnes métriques d'aliments destinés aux animaux, et cette production fluctue selon les saisons. Dans la région de l'Atlantique, les animaux ne mangent pas beaucoup en hiver, parce que la température de leur sang est fonction de la température de l'eau, et nous savons, et vous avez pu voir directement hier que, à Terre-Neuve, en raison des tempêtes de neige, il peut faire très froid. Par conséquent, notre niveau de production s'élève à 73 000 tonnes métriques.

Nous comptons environ 54 employés en ce moment. Nous prévoyons accroître la capacité de production de notre usine de fabrication d'aliments, mais tout dépendra de notre expansion générale future, comme Mme Halse l'a dit précédemment.

En ce qui concerne notre approche en matière de recherche et de développement touchant la conception de nos formulations, chez Northeast Nutrition, nous avons eu le plaisir de travailler avec des entreprises très bien gérées dans le passé. Nous nous appelions Shur-Gain avant de devenir Northeast Nutrition, lorsque nous avons été intégrés à Cooke Aquaculture. Nous étions aussi une composante de Maple Leaf Foods. Nous avons toujours appliqué les méthodes et les approches utilisées dans le cadre des activités de recherche et de développement sur l'alimentation des animaux et dans le cadre des études sur les animaux terrestres dans nos recherches sur l'alimentation des poissons. On n'en connaissait pas beaucoup sur la nutrition du poisson avant qu'on entreprenne la production de saumon de l'Atlantique il y a plus de 30 ans. Ces activités ont commencé durant les années 1960 avec la truite, en Norvège. Il s'agissait des frères Vik. Puis, on s'est intéressé à la production du saumon de l'Atlantique en collaboration avec des chercheurs de la station de biologie de St. Andrews qui travaillaient avec des chercheurs de la Norvège. Nous participions aux travaux sur le terrain à la naissance de cette industrie. Nous avons pris un peu de retard, malheureusement, mais nous retrouverons notre erre d'aller.

En ce qui concerne l'approche en matière de recherche, nous avons acquis ces compétences dans le cadre de la production d'animaux terrestres. Nous utilisons notre souche de la rivière Saint John, qui fait partie de notre stock de géniteurs et sert au développement, à notre programme de généalogie, de façon à favoriser notre autonomie et la durabilité au profit des animaux.

L'approvisionnement en ingrédients à l'échelle mondiale est de plus en plus difficile en raison de l'augmentation de la production alimentaire nécessaire pour nourrir de plus en plus d'humains à mesure que la population mondiale augmente. Nous devons donc utiliser de façon plus intelligente les ingrédients qui sont accessibles et nous devons poursuivre nos recherches et nos activités de développement liées à de nouveaux ingrédients pouvant entrer dans la composition d'aliments pour animaux aux fins de consommation humaine.

L'alimentation des animaux représente plus de 50 p. 100 des dépenses de production. C'est le plus important intrant dans le cadre des activités d'élevage, et c'est donc évidemment notre principale priorité. C'est pourquoi les activités de recherche et développement sont extrêmement importantes et pourquoi nous continuons à œuvrer dans le domaine.

Les ingrédients utilisés dans l'alimentation du saumon proviennent presque exclusivement de sous-produits d'autres activités de production alimentaire destinée à la consommation humaine. Par conséquent, nous prenons les sous- produits d'industries comme celle de la volaille et nous achetons auprès de nos fournisseurs des produits qui sont très utiles et sécuritaires. Ils sont approuvés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Nous utilisons ces produits pour établir des régimes alimentaires pour nos saumons et nos truites destinés à la consommation humaine. Il s'agit de matières qui n'auraient pas pu être consommées par des humains et que nous pouvons utiliser dans l'alimentation des animaux, pour concevoir leur régime alimentaire.

Je tiens à souligner aussi que les poissons ont besoin de nutriments et d'un apport énergétique précis, pas d'ingrédients précis. Il faut comprendre que les besoins alimentaires des animaux durant le cycle de vie de production sont satisfaits, dépassés légèrement, mais pas trop, parce que, sinon, il y a suralimentation, et, par le truchement du métabolisme et de l'excrétion des déchets, on provoque un gaspillage des protéines et de l'apport énergétique fournis. Il faut donc que la formulation réponde aux besoins, et les dépasse un peu, et il faut utiliser les ingrédients qui peuvent permettre de répondre aux besoins en nutriments et en énergie des animaux.

Cela dit, dans le passé, dans les premiers temps de l'industrie, on utilisait beaucoup la farine et l'huile de poisson pour nourrir les animaux en reproduisant leur écosystème naturel puisqu'ils sont carnivores. Les poissons se nourrissent d'autres poissons. À mesure que nous avons approfondi nos recherches et approfondi notre connaissance de leurs besoins et exigences, nous avons appris à répondre à leurs besoins en matière de nutriments et d'énergie avec d'autres ingrédients. C'est très important de le dire.

À la page 8, il est question du ratio de poissons entrants et poissons sortants. C'est un ratio dont vous entendrez parler de temps à autre, et, en passant, les gens mentionnent souvent des chiffres qui ne sont plus pertinents ni exacts. Si, par exemple, on vous dit qu'il faut 10 unités d'un poisson sauvage pour produire une unité d'un saumon d'élevage, c'est inexact. Nous cultivons des produits de la mer. Nous utilisons des protéines animales et des protéines végétales. Il y a très peu de protéines de poisson dans l'alimentation, et pour ce qui est des huiles, nous utilisons des huiles animales et végétales ainsi qu'un peu d'huile de poisson. En réalité, le ratio des poissons entrants et des poissons sortants révèle que nous sommes, au bout du compte, un producteur de fruits de mer, pas un consommateur. Le ratio est en fait de 0,5 pour 1, qui est une approximation compte tenu des niveaux actuels de nos formulations, de notre conception et de notre utilisation. C'est un important message qu'il faut transmettre et que je voulais partager avec vous.

Chez Northeast Nutrition, nous réalisons nos activités de recherche et de développement à l'interne, au Centre des sciences de la mer Huntsman, à St. Andrews, au Nouveau-Brunswick. Nous y avons nos champs de réservoir où nous réalisons nos recherches internes. Nous faisons aussi certaines recherches en collaboration avec des fournisseurs.

Je vais passer rapidement sur le volet de la fabrication des aliments, qui est réalisée dans nos installations de Truro. Le processus est informatisé. Nous utilisons une technologie d'extrusion qui nous permet de gonfler les aliments à mesure qu'ils sortent du cylindre d'extrusion, ce qui fait que des poches d'air se forment dans les granules. Puis, lorsqu'on applique l'huile et qu'on l'ajoute aux aliments, l'huile passe à travers les granules et les remplit. Par conséquent, lorsque l'animal consomme les aliments, il bénéficie des niveaux de protéine et d'apport énergétique appropriés pour répondre à ses besoins nutritionnels durant toutes les étapes du cycle de vie.

Je vous ai fourni quelques photos. En fait, je vais vous fournir la présentation que je voulais donner hier. Elle est plus facile à consulter que celle-ci.

Nous emballons notre production en sacs de manutention de 25 kilogrammes pour réduire nos besoins en matière d'emballage. Le contrôle de la qualité est essentiel pour s'assurer que nous respectons les spécifications de notre conception et de notre formulation. On procède à l'assurance de la qualité de chaque lot produit, et les échantillons sont conservés pendant deux ans après la production au cas où il faudrait procéder à un rappel. Nous appliquons donc notre norme de l'ACIA, notre programme d'analyse des risques et maîtrise des points critiques, ou programme HACCP. Nous possédons aussi la certification Best Aquaculture Practice, et notre système de production alimentaire possède donc des accréditations de tierces parties.

Une fois les aliments produits, de quelle façon faut-il les utiliser? Il faut savoir comment les utiliser pour en faire une utilisation efficiente et efficace et pour éliminer toute possibilité d'alimentation excédentaire. C'est pourquoi nous fournissons une formation en gestion alimentaire à nos équipes de gestion des sites en eaux salées, et nous utilisons des caméras, sous l'eau et en surface, pour surveiller le comportement des animaux durant l'alimentation afin de réduire au minimum tout potentiel d'alimentation excédentaire. Encore une fois, l'alimentation est l'intrant qui coûte le plus cher. Nous ne voulons pas polluer notre environnement, alors nous faisons tout en notre pouvoir pour utiliser nos aliments pour animaux de façon efficace et efficiente. Nous possédons des systèmes d'alimentation automatisés qui nous ont coûté très cher. Je vais vous donner un exemple de nos plus grosses unités utilisées à Terre-Neuve. Elles possèdent une capacité de stockage de 400 tonnes métriques. Il s'agit de systèmes informatisés qui fournissent les aliments en doses mesurées afin que les bons niveaux d'aliment soient fournis dans les cages pour répondre aux besoins des animaux que nous élevons.

Par conséquent, les aliments sont produits et ils sont utilisés de façon efficiente et efficace dans les sites grâce à des technologies et des pratiques novatrices dans lesquelles nous investissons.

Je passe certaines parties de la présentation, désolé.

Notre produit final, c'est du saumon de l'Atlantique, un poisson très sain, goûteux et durable. Ce que nous faisons au sein de notre industrie aide à nourrir les habitants de la terre, et j'espère que nous pourrons accroître nos activités dans le cadre de la production du saumon de l'Atlantique.

Pour terminer, j'ai ajouté quelques diapositives de Kontali, qui datent de 2013. Elles sont uniquement là à titre indicatif. Je sais qu'il y a là beaucoup d'information, mais il s'agit de renseignements sur le marché du saumon de l'Atlantique à l'échelle mondiale et la production par région, que vous trouverez sur la diapositive 30. La diapositive est un peu touffue, alors vous pourrez l'examiner plus tard si vous ne l'aviez pas vue avant.

Pour ce qui est de la diapositive 31, ce dont il faut se rappeler, c'est que la production mondiale d'espèces de saumon d'élevage s'élève actuellement à 2,841 millions de tonnes métriques dans le monde entier, dont le Canada fait partie. Des 2,841 millions de tonnes métriques, près de 2 millions de tonnes sont du saumon de l'Atlantique. C'est la principale espèce produite à l'échelle mondiale, et il est extrêmement important de rester concurrentiel ici, l'alimentation étant l'une des très, très importantes composantes pour y arriver.

Il y a deux autres diapositives, et je vais m'arrêter après. L'approvisionnement total des espèces de saumon de l'Atlantique : la diapositive 32 contient un graphique à barres qui montre toute l'importance de la production du saumon de l'Atlantique.

Pour ce qui est de la dernière diapositive, je la trouvais intéressante. On peut y voir une estimation des saumons sauvages pêchés en 2012. Remarquez l'absence du saumon de l'Atlantique sur cette diapositive. Si ce n'était de la production de saumon de l'Atlantique, il y aurait un immense déficit de l'offre de produits du saumon pour la consommation humaine.

Voilà donc le tour d'horizon rapide que je voulais vous présenter aujourd'hui. Je vais m'arrêter ici. Merci de votre temps et de m'avoir invité aujourd'hui.

Le président : Merci, monsieur Taylor. Je suis désolé que vous n'ayez pas pu être là hier, mais vous nous avez présenté un très bon résumé.

Monsieur Blanchard.

M. Blanchard : Merci beaucoup d'être venus à Halifax et en Nouvelle-Écosse pour apprendre des choses sur ce que nous faisons. Si je me rappelle bien, c'est en 2003 que j'ai comparu la dernière fois devant le comité. Je crois que le sénateur Mahovlich était le responsable à l'époque. Il a visité nos sites à Clarks Harbour. À ce moment-là, nous travaillions activement avec le flétan, ce que nous faisons encore.

Je vais vous fournir des renseignements précis sur l'aquaculture du flétan de l'Atlantique. Malheureusement, je vais devoir lire mes notes, ce que je préférerais ne pas faire, mais c'est la seule façon pour moi de vous communiquer les renseignements que je veux vous transmettre. Le document vous a-t-il été distribué? Oui, voilà. Alors je vais essentiellement paraphraser tout le document au fur et à mesure.

Le flétan de l'Atlantique est l'espèce marine la plus près d'une commercialisation au Canada atlantique. Nous avons la capacité technique et l'expérience en commercialisation nécessaires pour appuyer une industrie de 5 000 tonnes métriques au cours des 10 prochaines années.

Il y a trois principaux intervenants situés en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard actuellement qui essaient de faire avancer les choses au sein de l'industrie. Ces intervenants ont mis sur pied un programme de stock de géniteurs reconnu à l'échelle internationale, ont déjà réalisé des productions en écloserie et ont une capacité de grossissement éprouvée dans le cadre d'activités de production et de commercialisation du flétan. C'est un solide fondement sur lequel appuyer le développement d'une industrie d'aquaculture du flétan locale intégrée et stable. Ce dont les entreprises ont le plus besoin, c'est de fonds de roulement pour permettre aux opérations de réaliser les économies d'échelle requises pour être rentables. Il faut devenir rentable rapidement avant que le petit groupe d'investisseurs privés engagés épuise ses ressources.

Les provinces de l'Atlantique ont depuis longtemps cerné le besoin de diversification de l'industrie de l'aquaculture. Le flétan de l'Atlantique est l'une des premières espèces de rechange pour laquelle on a cerné un potentiel de développement et c'est aussi l'espèce dont la production est le plus près d'une commercialisation dans le Canada atlantique. Et voici pourquoi : la compétence technique est prouvée. Nous avons accumulé 25 ans d'expérience de recherche dans l'élevage de cette espèce et avons amassé une très grande quantité de renseignements sur sa biologie, particulièrement en ce qui concerne les étapes de reproduction et d'éclosion. Des études antérieures ont confirmé qu'on a la capacité sur le plan biologique de produire des flétans durant toutes les étapes de son processus de croissance. D'autres régions de l'Atlantique, l'Écosse et la Norvège, ont réussi à produire du flétan pour les marchés.

Plus important encore, il y a un marché bien établi. Le flétan d'élevage est produit et vendu sur le marché de façon stable depuis plus de 10 ans, et on obtient un prix élevé. Le marché du flétan d'élevage est estimé à plus de 10 000 tonnes métriques. La production canadienne totale est inférieure à 50 tonnes. Nous avons de l'expérience liée à la vente et à la commercialisation du flétan de l'Atlantique. Il s'agit d'un poisson à chair blanche prisé et de haute valeur. Le marché du flétan de l'Atlantique est solide, et ce poisson a depuis longtemps une grande valeur. Il y a amplement de place sur le marché pour introduire un produit d'élevage.

Il y a trois étapes reconnues dans le développement de l'aquaculture : la recherche, le développement précommercial et le développement commercial. Le flétan de l'Atlantique est rendu à la deuxième phase, le développement précommercial. À cette étape, l'industrie de l'aquaculture du saumon a reçu beaucoup de financement et un bon soutien en matière de formation tandis que la phase précommerciale de l'aquaculture du flétan de l'Atlantique n'a bénéficié que d'un soutien minime. Lorsqu'un soutien est fourni, la réussite s'ensuit. Prenons l'exemple de l'élaboration du stock de géniteurs. Un programme de développement de stocks de géniteurs a été mis en place en collaboration avec Pêches et Océans Canada grâce à du financement du PCRDA, en 2001. Il s'est poursuivi grâce à un projet très réussi appuyé par Génome Canada qui a permis le séquençage du génome du flétan de l'Atlantique. On a aussi obtenu un soutien par l'entremise du FIA de l'APECA. Scotian Halibut Limited a été un joueur central dans le cadre du programme de développement depuis sa création, et l'entreprise a obtenu un financement du FIA en 2004, qui s'est révélé la pierre angulaire de l'industrie canadienne.

Le principal résultat du programme, c'est que le stock de géniteurs de génération F1 est maintenant utilisé dans le cadre d'activités dirigées de fraie, et la production commerciale d'une population exclusivement femelle a aussi été réalisée au cours des dernières années. On estime être de sept à huit ans d'avance sur les programmes des autres pays. Nous conservons une longueur d'avance sur tous les autres, et les autres pays n'ont pas vraiment l'occasion de combler l'écart durant cette période.

Le défi en ce qui concerne le stock de géniteurs, ce sont les coûts. Ce fardeau fait augmenter artificiellement les coûts de la production de juvéniles et met d'extrêmes pressions financières sur chaque entreprise. La solution consiste à fournir un financement public pour les programmes de développement de stock de géniteurs.

En ce qui a trait à la production de juvéniles, une seule entreprise en produit dans le Canada atlantique. La production a lieu dans les installations de Scotian Halibut, à Clarks Harbour. La capacité de production annuelle est estimée à 300 000 juvéniles, et cette capacité pourrait être élargie à 600 000. Actuellement, 80 p. 100 de toute la production canadienne est estimée être envoyée aux marchés étrangers. Par conséquent, essentiellement, nous les produisons ici, et nous les exportons en Norvège et en Écosse pour le grossissement. C'est donc dire que nous passons à côté d'une production à valeur ajoutée au pays.

Quant au grossissement dans le Canada atlantique, on a commencé à élever le flétan au début des années 1980 dans des cages flottantes en pleine mer à partir de flétan sauvage pris dans les eaux locales. Durant les deux ou trois décennies qui ont suivi, on s'est de plus en plus intéressé à l'élevage de l'espèce, ce qui a mené à la réalisation d'activités de grossissement en cages flottantes en pleine mer et de commercialisation du flétan.

En 2005, Canadian Halibut Incorporated, en collaboration avec un certain nombre d'organismes publics et d'universités, a mis sur pied un programme de recherche dans le but de répondre à des questions essentielles avant d'investir dans des activités commerciales. Ils ont réussi à éliminer une bonne partie des défis que représentait le grossissement en cages flottantes en pleine mer du flétan.

Les constatations découlant de ces travaux donnent à penser que l'aquaculture du flétan de l'Atlantique sera rentable dans des cages flottantes en pleine mer et que cette pratique a de nombreuses caractéristiques positives. Notamment, le flétan de l'Atlantique peut être intégré dans les élevages de saumon, puisqu'il n'est pas un vecteur de l'AIS. Une surveillance environnementale intense réalisée jusqu'à présent révèle que les cages remplies à des niveaux commerciaux ne provoquent pas le niveau de dégradation environnementale provoqué par les cages de saumon. C'est parce que les matières fécales ne se déposent pas. Elles restent très bien en suspension et elles ont un peu une texture de peluche, ce qui fait qu'elles se dispersent très bien dans l'environnement. En outre, puisque la culture du flétan semble viable en plus petits nombres que dans le cas du saumon, on peut utiliser de plus petits sites. On peut donc utiliser les anciens sites de saumon qui ne servent plus puisque la production du saumon a été transférée dans de plus grands sites. Il y a donc tout un groupe de petits sites qui pourraient être réactivés et utilisés pour l'élevage du flétan de l'Atlantique. L'aquaculture du flétan utilise en grande partie la même infrastructure, les mêmes technologies et les mêmes ensembles de compétences utilisés par l'industrie de l'aquaculture du saumon et exige peu ou très peu de modifications.

Le problème, c'est que, tant que la viabilité économique n'a pas été prouvée au secteur privé, il n'y aura aucun investissement privé et les institutions de prêt ne prendront aucun risque. Cela signifie qu'il n'y a pas de financement disponible pour les entreprises de grossissement en cages. La croissance du poisson est aussi très variable, alors il faut continuellement améliorer le stock de géniteurs.

En ce qui concerne le grossissement terrestre, il y a deux installations de grossissement sur terre dans le Canada atlantique, Halibut P.E.I., sur l'Île-du-Prince-Édouard — je crois que vous avez visité ces installations — et Canaqua Seafoods Limited, située à Advocate, en Nouvelle-Écosse. Ces deux entreprises élèvent avec succès du flétan à partir de juvéniles jusqu'à leur vente sur le marché et elles fournissent régulièrement sur le marché des produits qui sont appréciés et vendus à gros prix.

Ces installations sont confrontées à des défis. Elles n'atteindront pas la masse critique requise pour être rentables tant qu'on n'aura pas mis en place plus de systèmes de grossissement qui maximisent les conditions environnementales. La solution est une aide financière pour l'expansion des systèmes de réutilisation et de recirculation, dans une certaine mesure, qui permettra de réaliser des efficiences en matière de production. De plus, l'accès à des capitaux et des marges de crédit est nécessaire pour accroître la biomasse qui est élevée.

En conclusion, l'industrie du flétan de l'Atlantique est prête pour une expansion et pourrait devenir une industrie de 100 millions de dollars dans les Maritimes, mais il manque de financement de développement adéquat pour prouver la viabilité économique de l'opération. Les partenaires de l'industrie du flétan de l'Atlantique du Canada ont indiqué que le manque d'accès en temps opportun à du capital est la principale contrainte qui empêche l'industrie de progresser et de passer au niveau commercial. La viabilité des élevages, de l'écloserie au grossissement, est surtout touchée par les faibles niveaux de production qui empêchent toute économie d'échelle. Les niveaux de production sont faibles parce qu'il y a une importante lacune dans les programmes de financement des activités de développement. En effet, les programmes de financement actuels sont à court terme et, par conséquent, ne permettent pas de tirer profit au maximum des fonds d'autres intervenants. Comme l'industrie est encore à l'étape de développement, les institutions de prêt privées ne s'intéressent aucunement aux projets d'aquaculture du flétan. Nous devons donc obtenir un financement public pour garantir notre avancement dans le cadre de cette période critique de développement.

Merci beaucoup.

Le président : Merci à vous tous pour vos exposés.

Nous allons commencer les séries de questions avec le sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Merci d'être là.

Monsieur Taylor, vous avez dit que les aliments pour les animaux sont inspectés par l'ACIA, l'Agence canadienne d'inspection des aliments. À quelle fréquence y a-t-il des inspections et à quel moment dans le cadre du processus l'ACIA procède-t-elle aux inspections et aux approbations? Comment se passent vos interactions avec l'ACIA? J'ai entendu divers rapports d'intervenants du milieu de l'aquaculture sur leurs interactions avec les gens de l'ACIA.

M. Taylor : L'ACIA inspecte notre fabrique d'aliments une fois par année. Il devrait y avoir une deuxième inspection si nous n'avions pas obtenu notre certification HACCP d'une tierce partie, dans le cadre du programme Feed Assure de l'Association de nutrition animale du Canada. Nous possédons aussi une certification touchant nos pratiques exemplaires en aquaculture à Northeast, à Truro. Il s'agit d'un programme d'inspection réalisé par une tierce partie. Il y a donc une inspection par année de l'ACIA. Il peut y avoir des visites de routine aussi, mais il y a seulement une inspection officielle de conformité. Les intervenants du programme Feed Assure procèdent à une inspection relativement à notre certification HACCP, puis il y a une inspection réalisée par une tierce partie dans notre fabrique d'aliments relativement à notre certification BAP. Pour répondre à votre question, l'ACIA nous inspecte une fois par année. L'agence viendrait deux fois si nous ne participions pas à d'autres programmes de certification. La relation est solide.

Je peux aussi vous parler de la fabrique de Charlotte Feeds, à St. George, que je gère. Je n'assure pas la gestion des installations de Truro, je m'occupe des ventes et du soutien technique. Nos liens avec l'ACIA à cet endroit sont aussi très solides.

Le sénateur Mercer : Un des rapports parle de deux millions de livres en tout. S'agit-il de saumon de l'Atlantique utilisé? Évidemment, la Norvège est un joueur important. Quelle souche généalogique utilise-t-elle?

M. Taylor : Elle possède ses propres programmes de stock de géniteurs. Elle utilise probablement des souches de saumon norvégien. Je ne sais pas si Marine Harvest, par exemple — cette entreprise est le plus gros producteur mondial — a des programmes de stock de géniteurs dans les régions où elle élève sa production. Je peux seulement vous parler de ce que nous gérons chez nous, à Cooke Aquaculture. De toute évidence, l'approvisionnement, la santé du poisson et le rendement de nos familles et de nos lignées sont extrêmement importants pour notre entreprise.

Le sénateur Mercer : Monsieur Blanchard, vous avez piqué ma curiosité. Vous avez dit que certains de vos sites sont plus petits, que vos besoins sont moins importants que ceux des élevages de saumon. Le flétan est beaucoup plus gros qu'un saumon, alors je suis surpris. Est-ce que vous élevez tout simplement moins de flétan en raison de la taille du poisson?

M. Blanchard : Le site peut accueillir moins de poissons. La taille du poisson sur le marché est d'environ 5 kilos, alors ce n'est pas différent de la taille du saumon vendu sur le marché. Cependant, en raison du prix plus élevé du flétan, on peut exploiter des sites plus petits tout en étant rentables.

La sénatrice Poirier : Monsieur Taylor, avec les aliments que vous produisez à votre usine, approvisionnez-vous uniquement Cooke Industries ou d'autres entreprises aussi?

M. Taylor : Désolé. Je n'en ai pas parlé. C'est une bonne question.

Nous utilisons la majeure partie de notre production à l'interne, mais nous avons aussi certains clients externes clés. Il y a un producteur de truites qui produit en Ontario, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. C'est notre principal client externe. Il y a aussi un producteur à forfait au sein de notre entreprise qui est l'une des entreprises externes avec lesquelles nous travaillons.

La sénatrice Poirier : Et quelle est la durée de vie des aliments que vous produisez?

M. Taylor : La durée de conservation?

La sénatrice Poirier : Oui.

M. Taylor : Le produit reste stable tant qu'il n'est pas exposé au soleil et qu'il est conservé dans un milieu sec. On peut facilement le conserver pendant neuf mois.

La sénatrice Poirier : Êtes-vous la seule entreprise d'aliments dans le Canada atlantique?

M. Taylor : Non. Skretting, qui est l'une des plus grandes entreprises de production du monde entier, est située à Bayside, au Nouveau-Brunswick. Il y a aussi Corey Feed Mills, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick aussi.

La sénatrice Poirier : Mon autre question est pour M. Blanchard. À la page 7 de votre présentation, on peut voir une cage de flétan que vous possédez au Nouveau-Brunswick. Je me demande quels sont les problèmes sociaux. Avez-vous rencontré des problèmes au moment de la mise en place des élevages de flétan comparativement aux élevages de moules et d'huîtres et de saumon, et avez-vous eu à gérer des problèmes sociaux dans la collectivité, en raison de la taille des cages? Avez-vous éprouvé de tels problèmes?

M. Blanchard : Nous n'avons pas eu ce genre de problèmes. Le site qui était utilisé pour le flétan était un ancien site d'élevage de saumon, et le permis avait été modifié pour inclure la production de flétan. Alors visuellement, rien n'a changé, le site est resté tel quel.

Comme je l'ai mentionné, l'équipement et l'infrastructure de l'élevage du saumon et de l'élevage du flétan sont quasi identiques. La plus importante modification que nous apportons est au fond, qui doit être plat parce que le flétan s'y couche habituellement après avoir mangé. On peut utiliser un système étagé, mais le fond doit rester plat. L'équipement est effectivement le même.

La sénatrice Poirier : Les zones côtières où vous êtes situés sont-elles des zones résidentielles?

M. Blanchard : Oui. Dans ce cas-ci, il s'agit de la baie Lime Kiln, au Nouveau-Brunswick. C'est un site de saumon qui était déjà là.

La sénatrice Poirier : Combien d'élevages y a-t-il au Canada atlantique?

M. Blanchard : Actuellement, il y a seulement deux élevages terrestres en activité. Comme elle n'avait pas accès à des fonds de roulement pour acheter les aliments pour animaux, Canadian Halibut n'a pas été en mesure de maintenir ses activités et de croître. Par conséquent, actuellement, il n'y a aucun élevage en cage dans le Canada atlantique. Cependant, 95 p. 100 de tout le flétan produit dans le monde est produit dans des cages en Écosse et en Norvège. Ces pays utilisent la même infrastructure.

Le sénateur Wells : Monsieur Blanchard, vous avez dit que l'accès à du financement public est nécessaire pour réaliser certaines des activités que vous devez effectuer.

Je me tourne aussi vers Mme Swan. Au dernier paragraphe de votre présentation, vous avez indiqué que la Norvège est un excellent exemple et que le pays a affiché une croissance en raison de son industrie de biotechnologie évoluée. Voici ma question : avons-nous créé des partenariats avec le secteur des biotechnologies en Norvège pour tirer profit de ses nombreuses recherches et de ses grandes connaissances?

Mme Swan : Je ne suis au courant d'aucun partenariat actuellement. Cependant, au cours de la dernière année, la conférence destinée aux entreprises du domaine biomarin a eu lieu à Halifax, et des liens ont été tissés entre nos producteurs aquicoles locaux et des entreprises internationales dans le domaine de la biotechnologie. Bon nombre des chefs de file étaient là, et plusieurs séances ont été organisées tout spécialement sur l'aquaculture et l'alignement avec les industries de biotechnologie marine.

M. Blanchard : Nous travaillons en collaboration avec un client norvégien sur un projet de génomique dans le cadre d'un accord de partenariat conclu avec lui. Puisqu'il n'y a en fait aucun programme pour poursuivre de tels travaux au Canada, nous travaillons en collaboration avec lui.

Le Conseil de recherche norvégien a récemment investi plus de 5 millions de dollars canadiens pour des recherches en génomique sur le flétan en Norvège, alors nous nous appuyons sur ses travaux et lui apportons les nôtres. Malheureusement, il faut transmettre nos propres travaux pour faire partie de ce partenariat.

Nous réalisons aussi de plus petits projets. Il y a donc des exemples de collaboration qui a cours dans le secteur du flétan. Si nous nous penchons sur le milieu de la recherche en tant que tel au cours des deux dernières décennies, nous voyons qu'il y a eu de nombreux cas de collaboration entre le Canada et la Norvège.

Le sénateur Wells : Le Conseil national de recherches du Canada possède un certain nombre de centres d'expertise au pays. Je constate qu'il y en a un certain nombre qui pourrait être applicable. Bio-industrial Innovation Canada, à Sarnia, a 15 millions de dollars. Le Réseau canadien de l'eau, à Waterloo, a 61 millions de dollars. Il y en a aussi un à l'Université Dalhousie, le Marine Environmental, Observation Prediction and Response Network, qui a accès à 25 millions de dollars. Travaillez-vous en collaboration avec l'un ou l'autre de ces centres d'excellence?

Mme Swan : Le centre d'excellence à l'Université Dalhousie a préparé une proposition de projet que notre association a appuyée par le truchement d'une lettre de soutien. Nous ne participons pas activement au programme de recherche dans le cadre de ce projet.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bonjour. Ma question s'adresse à Mme Swan.

Comme vous le savez, le poisson sauvage consomme des types d'aliments différents et les animaux d'élevage sont nourris à l'aide de granules qui contiennent du poulet ou je ne sais quoi. Se pourrait-il que le saumon d'élevage que les gens mangent soit modifié génétiquement? Quel pourrait être l'impact à long terme sur les humains?

M. Blanchard : Les ingrédients dans les aliments des saumons ou du poisson au Canada n'entraînent pas une modification génétique des animaux d'élevage. Il n'y a aucun risque simplement parce que ça ne fonctionne pas ainsi. Le fait de fournir une protéine animale au poisson ne modifie pas le poisson. Le poisson absorbe les nutriments qu'il peut, et ceux-ci sont utilisés pour assurer la croissance naturelle du poisson. Ce n'est pas transférable aux humains.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Ce que j'essaie de dire, c'est que nous mangeons du saumon sauvage depuis des années et que, maintenant, le saumon est produit et élevé. Vous ne prévoyez rien de néfaste pour les années à venir?

M. Taylor : C'est une bonne question, et je comprends pourquoi vous la posez. Je crois que la meilleure façon de vous répondre est de vous dire que tous les ingrédients que nous utilisons sont approuvés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Il s'agit des mêmes ingrédients qui seraient utilisés pour nourrir les animaux terrestres, le porc, la volaille, les produits laitiers, le bœuf, alors ils sont sécuritaires.

Pour le poisson, ça reste une protéine de poisson, comme Brian l'a mentionné, alors c'est semblable au saumon sauvage.

Le sénateur McInnis : J'ai deux ou trois questions rapides.

Le régime de réglementation du flétan est-il le même que pour le saumon?

M. Blanchard : Oui.

Le sénateur McInnis : C'est exactement le même? Alors il faut respecter toutes les mêmes étapes?

M. Blanchard : Absolument.

Le sénateur McInnis : Éprouvez-vous des difficultés?

M. Blanchard : Il faut beaucoup de temps pour faire avancer les choses. Des tâches qui nous semblent simples, disons, modifier un premier permis pour élever une autre espèce sur un site, doivent se faire en respectant le même processus, qu'il s'agisse du flétan ou de la morue. Le processus est le même. Ce sont les délais de traitement qui sont les plus problématiques pour nous.

En fait, je peux vous donner un exemple très rapidement. Nous avons un peu d'espace libre dans notre élevage de Woods Harbour. Nous aimerions réaliser un projet avec un élevage local d'huîtres parce que nous avons des réservoirs suffisamment gros pour procéder à des activités de télécaptage. Nous avons présenté une demande en janvier, je crois, pour apporter une modification et faire quatre jours de travail, essentiellement pour remplir le réservoir, y mettre les naissains, mettre un peu d'air, asseoir les huîtres, puis les transporter à l'élevage d'huîtres. Nous essayons encore d'obtenir un permis pour le faire. Pendant ce temps, l'horloge biologique continue de tourner. Je crois que c'est un bon exemple en raison des activités d'élevage et qu'il y a des contraintes biologiques, mais la réglementation, parfois, ne tient pas compte de ces contraintes biologiques. Si nous n'obtenons pas un permis à temps, alors il faudra attendre un an avant de pouvoir réaliser le projet.

C'est un projet très petit. Il est de nature expérimentale, mais il faut passer par le long processus de modification de notre permis.

Le sénateur McInnis : Ce que vous dites est utile.

L'aquaculture marine existe depuis des décennies. J'ai été récemment nommé sénateur. J'interagis depuis peu avec les fonctionnaires à Ottawa. Avez-vous l'impression qu'ils n'appuient pas cette industrie en ce moment? Croyez-vous qu'ils la prennent au sérieux?

M. Blanchard : Vous savez, je crois que tout le monde prend cette industrie au sérieux. Cependant, ce qu'il manque, c'est peut-être l'attention nécessaire pour faire avancer les choses du point de vue bureaucratique. Parfois, il peut y avoir de très bonnes directives qui viennent d'en haut et un bon soutien sur le terrain, mais dans le milieu, selon, par exemple, l'annonce d'élections, on peut décider de mettre cette question sur les tablettes de peur que ça ne devienne un enjeu électoral. Je crois que, parfois, il y a une incidence sur la façon dont les choses avancent.

Prenons cette loi nationale que nous espérons tous obtenir. Laissez-moi vous dire que j'ai participé aux discussions sur le besoin de créer une telle loi il y a près de 20 ans. Puis encore, récemment, il y a cinq ans. Parfois, nous devons nous adapter à l'environnement politique pour déterminer si nous avons assez de temps pour permettre l'adoption d'une loi. Vous savez, nous bénéficions d'un bon soutien actuellement, et nous essayons d'obtenir notre loi, et nous manquons de temps à l'occasion parce que les activités du gouvernement tombent au neutre pendant six mois en vue des élections. Je crois donc qu'il y a une volonté de faire avancer les choses, je crois que nous avons un soutien. Je crois simplement que, parfois, il y a des influences externes qui rendent le système ingérable, et c'est ce que le constate depuis des années. Nous pouvons produire tous les cinq ans une nouvelle stratégie de développement, qui est en fait une reproduction de la stratégie de développement précédente, mais nous n'obtenons jamais les résultats escomptés dans le cadre de la stratégie précédente.

Les choses stagnent totalement au pays. Je travaille dans le monde entier, et je vois à quel point les choses avancent ailleurs. Je reviens au pays et je veux m'arracher les cheveux. On reprend constamment le débat sur le poisson d'élevage et le poisson sauvage, débat qui, actuellement, oppose l'aquaculture en parc clos, l'aquaculture terrestre et l'aquaculture en mer. Et pendant ce temps-là, nous avons des ressources aquatiques dont on ne se sert plus activement dans le cadre des activités de pêche pélagique qui pourraient être utilisées pour produire des protéines.

J'étais là, en 2003, et c'était la même chose. Je ne sais pas si je serai encore là la prochaine fois, mais je crois que le soutien est là.

Je suis désolé de me plaindre, mais je crois que, parfois, il y a des influences externes qui ont vraiment un impact sur le très bon travail que nous faisons. Actuellement, le fait qu'on tente de créer une loi permet de voir clairement ce qu'il faut faire pour faire avancer les choses au sein de l'industrie. La réalité des neuf milliards de personnes qu'il faudra nourrir nous rattrape à grands pas. Et la situation au pays touchant la sécurité alimentaire est telle que nous ne sommes tout simplement pas prêts. Il faut savoir que nous possédons des ressources que nous pouvons utiliser dans le cadre de la production alimentaire. Je vois les terres agricoles de ma famille subdivisées. Ces terres devraient être protégées, et c'est la même chose pour les ressources aquatiques. Ces ressources aquatiques doivent être protégées.

Le sénateur Munson : Je vais poser mes deux questions en même temps même si elles ne sont pas liées.

Dans un témoignage précédent, M. Corey a parlé de la production de truites arc-en-ciel. J'ai été surpris de lire que, selon lui, l'approvisionnement en œufs est un problème majeur pour l'expansion du secteur. Il y a un seul fournisseur américain. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire preuve d'innovation et faire ce genre de choses ici, madame Swan? Pourquoi ne le faisons-nous pas ici? Pourquoi devons-nous nous appuyer sur les États-Unis pour les œufs?

Pour ce qui est de l'argent, monsieur Blanchard, c'est dit en toutes lettres ici, les intervenants de l'industrie de l'aquaculture du flétan de l'Atlantique du Canada ont cerné le besoin d'avoir accès en temps opportun à des capitaux. Nous avons tellement de retard sur les autres pays que je ne crois pas que nous allons un jour pouvoir les rattraper. Si l'industrie était vraiment durable, on pourrait croire que les gens feraient la file pour la financer. Vers qui vous tournez- vous pour obtenir des fonds, et que faites-vous pour rendre ce secteur plus attirant qu'il ne l'a été jusqu'à présent?

Ma première question porte sur les œufs, la deuxième, sur l'argent.

Mme Swan : L'accessibilité du stock de géniteurs et l'approvisionnement en œufs sont une priorité pour l'association dans le cadre des activités liées à un certain nombre de nos espèces. Il y a quelques exemples d'espèces pour lesquelles nous nous tournons vers un fournisseur unique. C'est difficile pour nos producteurs et c'est une source d'anxiété pour eux. Jusqu'à présent, nous n'avons pas pu trouver de partenaires de recherche pour nous attaquer à ces enjeux pour diverses raisons, et l'absence de financement pour faire avancer les travaux est aussi problématique.

Le sénateur Munson : Quelles sont ces raisons?

Mme Swan : En ce qui concerne l'expertise? Je crois qu'un certain nombre de partenaires de recherche avec lesquels nous avons communiqué se concentrent sur d'autres domaines et n'ont pas les moyens ou la volonté de se pencher sur cette question précise.

M. Blanchard : En ce qui concerne le financement des activités liées au flétan et le financement des élevages, nous avons principalement besoin de fonds de roulement pour acheter des aliments pour les poissons. On ne peut pas acheter les aliments pour animaux à crédit aux entreprises productrices. On ne peut pas se tourner vers des prêts commerciaux pour financer l'achat des aliments pour animaux, et c'est parce que les banques ont besoin de garanties, qu'il s'agisse de biens ou de stocks.

L'industrie du saumon est en place depuis très longtemps et elle est très stable. C'est donc facile avec les banques, en fait, je devrais dire relativement facile. Pour le flétan, puisqu'il s'agit d'une nouvelle espèce d'élevage qui n'a pas encore fait ses preuves, nous n'avons pas accès à des prêts commerciaux.

Dans la province, le vérificateur général a dit qu'il ne veut pas de garanties de prêt dans les documents comptables, parce que cela fait peser une plus grande responsabilité financière sur la province. C'est pourquoi les garanties de prêt pour l'industrie ont été retirées, je crois, en 2003. Alors nous ne pouvons pas obtenir une garantie de prêt de la province pour nous tourner ensuite vers une banque et avoir accès à du financement. Si nous voulons construire un bâtiment, nous pouvons obtenir de l'argent, mais pourquoi construire quelque chose si on ne peut pas payer la main-d'œuvre, l'électricité et l'oxygène ni obtenir de fonds de roulement?

Le défi vient en partie du fait que nous sommes réglementés par le ministère des Pêches et des Océans et non par le ministère de l'Agriculture. Nous n'avons pas accès aux programmes offerts dans le secteur de l'agriculture. Par exemple, prenons un exemple simple, celui de la diversification des cultures. Il y a environ cinq ans, il y avait un programme à l'intention des agriculteurs afin que ceux-ci puissent passer d'une culture à une autre. Il y avait un financement de plus de 250 millions de dollars accessible. Ces programmes n'existent pas dans le domaine de l'aquaculture ni des pêcheries. Nous ne pouvons donc pas nous tourner vers la Commission des prêts aux pêcheurs locale et avoir accès au même type de programmes auxquels ont accès les agriculteurs traditionnels. On revient au besoin de créer une loi pour préciser toutes ces choses. Où est notre place?

Nous exploitons des élevages terrestres ou des élevages en cage en mer. Nous intégrons les juvéniles, et nous assurons leur croissance jusqu'à la récolte. Il s'agit d'une activité d'élevage, même si nous utilisons soit des ressources communes soit des élevages terrestres. Et, malgré tout, nous sommes traités comme des pêcheries. C'est pourquoi la situation est très difficile si on ne clarifie pas les choses.

J'aimerais revenir à la question de la diversification. Lorsqu'un agriculteur traditionnel veut effectuer la transition entre deux types de cultures, il bénéficie de programmes de soutien durant la période de transition entre les cultures jusqu'à ce qu'il puisse faire des économies d'échelle qui rendent la nouvelle culture viable. Dans le cas d'un éleveur de saumon ou de truite qui possède un site et qui veut passer à l'élevage du flétan ou d'autres espèces, la période nécessaire pour obtenir les économies d'échelle et être rentable est trop longue sans financement de transition ou mécanisme de soutien. Et c'est à ce moment-là que l'éleveur doit se demander : « Pourquoi me diversifier? Pourquoi devrais-je envisager des solutions de rechange si cela me fera perdre mon entreprise parce que je n'ai pas les fonds de roulement nécessaires durant la période de deux, trois ou quatre ans qu'il faudra pour obtenir les économies d'échelle? » Pour les agriculteurs traditionnels, il y a des mécanismes leur permettant de le faire.

C'est donc ma réponse courte.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. J'apprécie beaucoup que vous soyez tous venus.

Il y a un certain temps, nous avons réalisé une étude sur les phoques gris et leur prolifération. En fait, nous avons recommandé un abattage sélectif. Durant l'étude, nous avons appris que la qualité des protéines du phoque gris ainsi que la qualité de l'huile de phoque sont très élevées.

Monsieur Taylor, avez-vous envisagé de vous tourner vers le phoque en tant que source de protéine pour les poissons?

M. Blanchard : Vous serez heureuse d'apprendre qu'un tel projet a été réalisé à Terre-Neuve au début des années 1990. En fait, un ancien ministre des pêches de Terre-Neuve était l'un des partenaires dans le cadre de ce projet. On utilisait une alimentation humide. On a mélangé la viande de phoque, et les saumons ne s'en approchaient pas. On n'a pas réussi à les faire manger.

La sénatrice Raine : C'est dommage. Merci.

Le président : Quelle belle façon de conclure.

Encore une fois, je tiens à remercier nos témoins pour leurs exposés. Un rappel pour tous les témoins : si vous pensez à quoi que ce soit par la suite qui, selon vous, pourrait nous être utile dans le cadre de notre étude, n'hésitez pas à nous le communiquer.

J'ai écouté attentivement, et j'ai aimé apprendre que le flétan a certains traits humains : il aime s'étendre après avoir mangé. Nous allons nous-mêmes aller manger bientôt, honorables sénateurs. Nous allons revenir à 13 heures, alors personne n'a le droit d'aller s'étendre.

(La séance est levée.)


Haut de page