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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 9 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui à 16 h 15 pour poursuivre son étude sur les relations étrangères et le commerce international en général.

La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous nous excusons d’être légèrement en retard. Le Sénat s’ajourne normalement à temps pour ce comité, mais nous avons 15 minutes de retard. Je suis sûre que nous pouvons les rattraper. Les témoins feront leurs présentations, et je suis persuadée que nos questions et réponses seront succinctes pour que tout le monde ait la chance d’être entendu.

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est autorisé à examiner les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les affaires étrangères et le commerce international en général. Dans le cadre de ce mandat, le comité continuera d’entendre des témoignages sur les accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux ainsi que les perspectives pour le Canada.

Nous avons un premier groupe devant nous. Je suis ravie d’accueillir, par vidéoconférence, Richard Ouellet, professeur titulaire en droit international économique, à la faculté de droit et à l’Institut québécois des hautes études internationales de l’Université Laval. Ses cours magistraux et travaux de recherche portent sur les accords de l’Organisation mondiale du commerce, l’intégration économique nord-américaine et les droits des investissements. Sa recherche actuelle s’attache précisément au contenu juridique de l’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne et du Partenariat transpacifique.

Je suis ravie d’accueillir en personne M. Gus Van Harten, professeur agrégé, Osgoode Hall Law School, Université York. M. Van Harten est spécialiste du droit des investissements. Il a publié des livres et de nombreuses études sur le droit des investissements internationaux et le règlement des différends entre investisseurs et États.

Merci à tous les deux d’être venus témoigner aujourd’hui. Nous nous réjouissons à la perspective d’entendre vos exposés et, comme je l’ai mentionné, nous aurons des questions à vous poser. Nous entendrons d’abord M. Richard Ouellet, qui témoignera par vidéoconférence. Bienvenue au comité.

[Français]

Richard Ouellet, professeur titulaire en droit international économique, Faculté de droit et Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval, à titre personnel: Merci à tous les gens qui sont présents au Sénat pour nous entendre cet après-midi. Je suis très honoré de pouvoir participer aux travaux.

J'ai préparé une courte intervention, comme il m'a été indiqué, et je voudrais faire cinq petites remarques d'ordre général sur la teneur que prend la mondialisation aujourd'hui et qui, à mon avis, doivent influencer les choix que fait le Canada.

La première de ces remarques, qui est sans doute la plus importante, c'est qu'il m'apparaît que — et je suis en bonne compagnie, car plusieurs auteurs vont dans le même sens — nous entrons dans une nouvelle ère d'accords économiques internationaux. Pendant longtemps, il a été question de multilatéralisme, donc de négociations qui réunissaient l'ensemble des États du monde autour d'une même table pour négocier en même temps un ensemble d'enjeux autour d'un consensus, d'un engagement unique, de l'unanimité.

Il a aussi été question longtemps de régionalisme, donc d'États qui se trouvent dans une même région, qui partagent des intérêts économiques, et qui choisissent de négocier un accord souvent plus approfondi que ne le serait un accord multilatéral. Ces accords permettent une intégration souvent continentale ou régionale.

Nous sommes aujourd’hui devant une nouvelle forme d'accord. Je vous en donne un certain nombre d'exemples. D'abord, il y a le Partenariat transpacifique. Le Partenariat transpacifique regroupe 12 États qui ont pour seule caractéristique géographique en commun de partager un littoral sur l'océan Pacifique. Il ne s'agit pas à coup sûr d'un accord qu'on peut qualifier traditionnellement de régional. Il ne s'agit pas non plus d'un accord multilatéral, à l'évidence.

Devant quoi sommes-nous? Nous sommes devant un accord qui regroupe 12 États qui sont qualifiés en anglais de « like-minded countries », des pays qui voient la mondialisation sensiblement du même œil, qui partagent les mêmes intérêts et objectifs.

Un autre exemple qui est important, et le Canada en fait encore partie, c'est l'Accord sur le commerce des services, mieux connu sous l'acronyme anglophone TISA. Là encore, nous avons un groupe d'États, ils sont plus ou moins une trentaine, et vous savez que ces négociations ne sont pas publiques. Donc, ce sont des États qui veulent revoir le contenu de l'Accord sur le commerce des services à l'OMC et qui se regroupent entre eux, parce qu'ils voient le commerce des services sensiblement du même œil.

Il y a deux autres exemples qui vont dans le même sens et qui tentent à vous montrer que nous sommes dans une ère d'accords entre États de même opinion plutôt que d'accords régionaux multilatéraux. Ce sont donc deux accords qui sont intervenus à l'OMC. Vous savez sans doute que, depuis le début des négociations du Cycle de Doha, depuis 2001, uniquement deux accords ont été adoptés et vont changer l'état du droit, c'est l'accord sur la facilitation des échanges, qui est le fruit des négociations des deux dernières conférences ministérielles, un accord plurilatéral qui regroupe un certain nombre d'États, membres de l'Organisation mondiale du commerce, qui sont d'accord pour favoriser la baisse des formalités douanières et administratives entre eux.

L'autre accord adopté à l'OMC est aussi un accord plurilatéral, donc un accord qui ne regroupe que certains membres de l'OMC, et c'est l'accord sur les marchés publics. Là encore, le Canada en est parti.

Ce que je voudrais que l'on retienne, c'est que nous sommes entrés dans une nouvelle ère de conclusion d'accords économiques internationaux qui regroupent des États qui voient la mondialisation du même œil. Il ne s'agit plus forcément d'États qui ont la géographie en commun ou qui participent à des négociations multilatérales.

Mes autres remarques seront plus brèves. J’ai d’abord une remarque sur l'Organisation mondiale du commerce. Malgré le fait que l'Organisation mondiale du commerce voie ses accords stagner, elle demeure une actrice incontournable de la mondialisation, et je souhaiterais que le Canada redevienne un champion des travaux de l'OMC.

Le système de règlement des différends de l'OMC est encore ce qu'on peut trouver de plus solide dans le droit économique international. Tous les États qui ont une tradition de commerce en sont membres, personne ne menace d'en sortir au jour d'aujourd'hui. Donc, il faut que cette organisation retrouve ses lettres de noblesse, et le Canada est un acteur particulièrement bien placé pour jouer un rôle de rehaussement de l'importance de l'Organisation mondiale du commerce.

En matière d'investissement, il faut prendre conscience que, de plus en plus, la demande des gens d'affaires est une demande de libéralisation des investissements, souvent au-delà de la demande d'abaissement des barrières aux frontières.

Ma quatrième remarque est que nous avons observé, ces dernières années, une bascule de la croissance économique qui se faisait autour de l'océan Atlantique jusqu'au milieu des années 1990 ou jusqu'au début des années 1990. Il y a eu bascule de la croissance économique qui ne se fait plus entre des États qui ont des frontières ou des littoraux en commun sur l'Atlantique. Aujourd'hui, après cette bascule, c'est plutôt vers le Pacifique qu'on constate les grands vecteurs de développement et de croissance économique.

Ma dernière remarque vise à vous situer en contexte. L'Europe est aujourd'hui un partenaire qui est coincé dans la mondialisation. Elle est très dépendante de ses voisins sur le plan énergétique. Elle est mal située géographiquement pour nouer des alliances avec des régions qui sont de grands vecteurs de croissance. Elle est une naine sur le plan militaire aux côtés de ses voisins, et elle ne peut pas se tourner vers ses anciens partenaires économiques que sont l'Afrique, l'Amérique latine et le Moyen-Orient. Elle doit trouver des amis, des alliés, et je pense que les partenaires nord-américains que sont le Canada et les États-Unis sont des partenaires privilégiés pour l'Europe. Ainsi, nous ne devons pas hésiter à signer avec ce continent un accord de libre-échange ambitieux qui ferait l'affaire des deux côtés de l'Atlantique. L'Europe, malgré tous ses défauts et handicaps, reste le grand marché de consommateurs riches dans le monde, et c'est un avantage que le Canada doit saisir pour entrer dans cette économie de services que nous voulons développer.

C'était les quelques commentaires que je voulais vous faire. C’est avec plaisir que je répondrai aux questions des sénateurs sur le contenu des accords que je connais bien, mais j'ai voulu situer un contexte qui m'apparaît trop peu décrit jusqu'à maintenant dans l'ensemble des débats que nous avons autour de la mondialisation et de la politique commerciale canadienne.

[Traduction]

La présidente: Merci. Nous entendrons maintenant notre deuxième témoin, Gus Van Harten. Bienvenue au comité.

Gus Van Harten, professeur agrégé, Osgoode Hall Law School, Université York, à titre personnel: Merci de m’avoir invité à discuter avec vous et merci à M. Ouellet pour ses remarques.

Les accords commerciaux contemporains ne se limitent pas à l’idée que M. Tout-le-monde se fait du commerce, loin de là. Ils abordent de très nombreux sujets au-delà, par exemple, de la réduction des tarifs douaniers. Un des sujets très vastes sur lesquels portent les accords commerciaux est celui des investissements, et dans les chapitres sur les investissements que contiennent ces accords, ou parfois simplement dans les traités d’investissements en tant que tels, on retrouve parfois ce qu’on appelle des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États. C’est mon domaine de spécialisation, alors je vais en parler.

Le règlement des différends entre investisseurs et États porte à controverse. Il est devenu extrêmement controversé en Europe au cours des dernières années et très controversé aux États-Unis, mais un peu moins au Canada, selon moi. Pourquoi soulève-t-il la controverse?

Si vous me le permettez, je vais vous décrire le règlement des différends entre investisseurs et États comme je le ferais à un de mes étudiants qui n’en a jamais entendu parler, un membre du public bien informé. Il s’agit, en gros, d’une réforme quasi constitutionnelle qui s’opère par le truchement d’un accord commercial. Au plan fonctionnel, un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États est un peu comme si on avait une Cour suprême qui permettrait au monde d’examiner tout ce qu’un pays fait dans le seul but de protéger les droits de propriété seulement et ceux des étrangers exclusivement, surtout des grandes sociétés multinationales, sauf qu’il s’agit d’une cour sans juge. C’est plutôt un tribunal au centre duquel trois avocats siègent comme arbitres et qui fonctionne efficacement comme organisme sans but lucratif, ce qui est typique en arbitrage, mais atypique et, comme je le fais valoir depuis de nombreuses années, tout à fait inapproprié pour examiner ce que les pays font dans l’exercice de leur rôle public et souverain de législateurs, de gouvernements, d’organes de réglementation ou de tribunaux nationaux. C’est ainsi que je l’expliquerais brièvement à M. Tout-le-monde.

Je vais maintenant vous donner quelques détails et m’arrêter aux deux principaux aspects du règlement des différends entre investisseurs et États qui, selon moi, créent le plus de problèmes et soulèvent le plus la controverse. Le premier est le transfert du pouvoir institutionnel que détenaient les corps législatifs, les gouvernements et les tribunaux à tous les échelons aux trois avocats siégeant au tribunal qui sera mis sur pied chaque fois qu’un investisseur étranger choisira de présenter une plainte au titre de l’accord commercial — il s’agit là d’un changement fondamental. Il existe des mécanismes pour examiner les mesures que prennent ces avocats, mais ils sont plutôt limités et, dans bien des cas, non judiciaires.

C’est ce transfert de pouvoir institutionnel essentiel qui suscite toutes sortes de débats et de controverses en raison de ses implications au plan démocratique, car on permet que les décisions législatives aux échelons les plus élevés soient examinées par un organe non législatif et non judiciaire.

En outre, ce transfert de pouvoir influe sur la vision que nous avons de l’indépendance judiciaire, de l’équité procédurale et des procédures judiciaires, car nous avons maintenant une procédure non judiciaire qui est autorisée à examiner les décisions du plus haut tribunal d’un pays. Imaginons, par exemple, qu’au Canada — comme ce fut le cas dans d’autres pays — la Cour suprême rende une décision. On croirait qu’il s’agirait de l’ultime décision dans une affaire, mais l’investisseur étranger peut contester la décision en question au titre d’un traité d’investissement en ayant recours au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États et obtenir une ordonnance de paiement en argent contre le pays ou, dans d’autres cas, les décisions législatives ou gouvernementales.

Le second aspect qui suscite la controverse est la réparation. L’élément central du pouvoir du tribunal d’avocats qui siègent comme arbitres est qu’ils peuvent ordonner le versement d’une indemnisation. Vous pourriez penser que c’est un pouvoir moindre que celui d’ordonner à une législature de ne pas adopter une loi en particulier, c’est-à-dire de lui imposer une réparation non financière. Cependant, dans certains cas, un pays, un gouvernement, préférerait en fait modifier sa décision plutôt que de payer des dommages-intérêts rétrospectifs pour une décision prise des années auparavant.

Le pouvoir que les avocats ont sur les deniers publics est si grand qu’il n’y a pas de limites au montant de l’indemnisation qu’ils peuvent imposer. Au cours des cinq dernières années, les montants des indemnisations dont ils ont ordonné le versement se sont, en fait, élevés à des milliards de dollars. Il n’est pas ici question de montants sans conséquence.

Qu’est-ce que ce pouvoir implique et pourquoi est-il controversé? Est-ce parce que les gens s’inquiètent du fait que ce pouvoir spécial qu’on les investisseurs étrangers de menacer les décideurs de soulever des contestations à l’issue incertaine, mais susceptibles de coûter des milliards de dollars en dommages-intérêts, changera la dynamique de la prise de décisions de diverses façons dont le public n’est pas conscient?

L’effet inhibiteur fait l’objet de discussions et il n’est pas le seul. Je serais ravi de parler des détails de ces discussions si vous le souhaitez, mais je voulais parler, en particulier, de la raison pour laquelle je pense que le système est aussi profondément controversé et pourquoi il est très important, à l’heure actuelle, de bien réfléchir au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, car s’il s’applique actuellement à environ 20 p. 100 de l’économie mondiale, cette proportion pourrait bientôt s’élever à 90 p. 100.

Avec le Partenariat transpacifique et le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement États-Unis-Europe, nous quadruplerions, en gros, la portée actuelle du pouvoir sur les pays des arbitres du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Dans le cas du Canada, les accords clés importants sont le Partenariat transpacifique et l’EACG, au-delà de ce que nous avons maintenant surtout dans l’ALENA et l’Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers Canada-Chine.

Le Canada est le seul pays de l’Ouest, le seul pays industrialisé, qui ait convenu d’avoir recours au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États pour examiner en profondeur ses décisions alors qu’il se trouvait dans la position plus vulnérable, si vous voulez, de l’importateur de capitaux. Le Canada est le seul pays au monde à l’avoir fait avec les États-Unis dans le cadre de l’ALENA. Même à ce jour, plus de 20 ans après, aucun autre pays occidental industrialisé n’a soumis ses décisions législatives et souveraines à un examen dans le cadre de ce processus. Par le passé, ce sont toujours des pays en développement et en transition qui l’ont fait.

Pourquoi le recours au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États est-il sur le point de devenir si répandu? C’est parce que ces quelques accords l’appliqueront aux relations entre économies développées, ce qui ranime la controverse, car on a toujours justifié le recours à ce mécanisme sous prétexte qu’on ne pouvait pas faire confiance aux tribunaux de certains pays comme, par exemple, le Vietnam; je n’ai rien contre le Vietnam — ce pourrait être un autre pays. On fait maintenant valoir qu’on ne peut faire confiance aux tribunaux nulle part, car les investisseurs étrangers doivent pouvoir contester la décision de n’importe quel pays sans devoir s’adresser d’abord à ses tribunaux; c’est donc dire que l’on part du principe que les tribunaux de tous les pays ne sont systématiquement pas des endroits raisonnables où régler des différends impliquant des investisseurs étrangers sans que ceux-ci aient à donner la moindre justification que ce soit pour se soustraire aux tribunaux du pays.

Dans le droit international, aucune autre partie privée ne bénéficie de ce type d’options et de protection. Il s’agit d’un aspect du droit international qui confère des droits très importants.

Voilà ce qui conclut mes remarques liminaires.

La présidente: Vous avez commencé par nous dire que vous nous donneriez un cours de droit commercial 101, si je puis dire, et je suis probablement toujours au niveau 90. Vous dites que ces tribunaux ou mécanismes de règlement des différends ont d’abord été mis en place parce que nous ne faisions pas confiance aux autres pays avec lesquels nous faisions affaire, alors nos investisseurs cherchaient une police d’assurance au cas où les tribunaux en question étaient, selon nous, moins que compétents. Il semble maintenant que nous soyons coincés dans ce système, si je vous ai bien compris.

Je suis un peu confuse en ce qui concerne le nouvel article plus détaillé que nous avons vu lors de la signature de l’AECG au sujet du tribunal visant à régler les différends dans le cas d’investissements multilatéraux. Quelle est sa position sur ce point, le cas échéant?

M. Van Harten: Je devrais insister sur le fait que, depuis longtemps, les accords commerciaux contiennent des clauses d’arbitrage pour régler les différends, et ils se font généralement d’État à État, y compris lorsqu’il est question de différends relatifs à des investissements étrangers.

L’ALENA était une nouveauté, car il contenait un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. L’AEGC est un des rares accords auquel pareil mécanisme est intégré dans des circonstances où ce n’aurait généralement pas été le cas. C’est le règlement des différends entre investisseurs et États dans les relations entre pays en développement qui est de plus en plus répandu; dans le cas de l’AEGC, c’est entre des pays de l’Europe occidentale et le Canada principalement, où il n’y a toujours pas de traité qui prévoit un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États entre ces régions du monde.

Il s’agit d’une partie du chapitre sur les investissements dans l’AEGC. Cet accord n’avait pas à le faire. Nous avons d’autres accords commerciaux qui ne contiennent pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. L’Accord de libre-échange Canada-États-Unis n’en avait pas. Les États-Unis ont conclu un accord de libre-échange avec l’Australie qui n’en contient pas non plus. C’est ce que je voulais dire quand j’ai parlé de l’élargissement très important du Partenariat transpacifique, du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement et de l’AEGC.

La présidente: Monsieur Ouellet, j’ignore si c’est votre domaine ou si vous avez un commentaire à formuler ou si je peux poser des questions.

[Français]

M. Ouellet: Oui, je veux bien. Le professeur Van Harten m'excusera du fait que je ne sois pas tout à fait au même endroit que lui sur ces enjeux. Je pense que le système de règlement des différends en matière d'investissement peut parfois mener à des décisions étonnantes. Dans l'ensemble, il s'agit du meilleur système que l'on puisse trouver pour protéger des investisseurs qui amènent leurs capitaux dans des forums juridiques où il est difficile de se protéger s'agissant de l'intervention d'un État souverain. Je pense que le fait d'avoir confié à des arbitres le règlement des différends en matière d'investissement n'était pas la meilleure solution, mais c'était peut-être la meilleure à l'exception de toutes les autres, comme le disait Churchill à propos de la démocratie.

Peut-être que la proposition des Européens dans l'AECG de créer une cour permanente permettrait de pallier un certain nombre de problèmes, notamment cette espèce d’imprévisibilité qui existe en matière d'investissement et d’arbitrage. Le fait d'avoir affaire à une cour pourrait stabiliser la jurisprudence, et rassurer un peu quant au rôle de l'État en matière d'investissement. Je suis aussi conforté par l'idée que cette cour serait d'abord l'idée de l'Union européenne, qui se plaît bien dans l'interventionnisme étatique en matière économique. Je n'ai pas le même sentiment d'urgence que mon collègue sur ces propos.

[Traduction]

Le sénateur Downe: Pourriez-vous me dire comment on sélectionne et on rémunère les arbitres qui siègent au tribunal chargé du règlement des différends entre investisseurs et États, monsieur Van Harten?

M. Van Harten: Trois arbitres siègent habituellement à un tribunal. L’investisseur étranger et le pays répondant en choisirait chacun un, et s’ils n’arrivaient pas à s’entendre sur l’arbitre-président, un candidat leur serait imposé par un organe de nomination par défaut désigné dans le traité. L’organisme de nomination le plus important est, au fond, la Banque mondiale. Par défaut, différents représentants de la Banque mondiale peuvent officiellement choisir le président-arbitre.

La seconde partie de votre question porte sur leur rémunération. Ils sont payés de façon conventionnelle à l’heure ou à la journée, contrairement à un juge qui aurait un salaire fixe et une permanence. Bien sûr, ces arbitres sont nommés au cas par cas. Si on critique le manque d’autonomie des arbitres, c’est qu’ils ont un intérêt financier évident à encourager les contestations de la part de la seule partie qui puisse en soulever. Dans ce système, il s’agit des investisseurs étrangers. En outre, ils ont intérêt à peut-être faire durer l’affaire parce qu’ils sont payés à l’heure ou à la journée.

Les récentes modifications apportées à l’AECG ne changent pas cet aspect, car la rémunération des membres du tribunal dépendra toujours des nominations dans certaines affaires. Il y aura une avance mensuelle, mais ils seront payés par affaire encore une fois.

On a pris pour modèle le mécanisme d’arbitrage de l’Organisation mondiale du commerce pour régler les différends entre États, mais la difficulté est que, dans ce système, les deux parties peuvent se poursuivre l’une l’autre, alors on estime que cela assure l’intégrité du processus d’arbitrage. Lorsque l’on a affaire à un système unilatéral dans lequel seuls les investisseurs étrangers peuvent contester une décision et sont les seuls qui possèdent des droits au titre des traités, cela rend le recours à l’arbitrage difficile dans ce contexte.

Le sénateur Downe: Ma question suivante porte sur les modifications à l’AECG. Le gouvernement précédent a signé un accord et nous a dit qu’il était en plein examen juridique et qu’il lui faudrait du temps. Autrement dit: le projet ne s’est jamais concrétisé. Le gouvernement au pouvoir a annoncé en février dernier qu’il y apportait des modifications pendant l’examen juridique. Il me semble que des parties ont été renégociées. En ce qui concerne le règlement des différends, quelles sont les modifications entre la version précédente et la version actuelle, et dans quelle mesure cela reflète-t-il l’accord qu’ils espèrent conclure avec les États-Unis plutôt que leurs préoccupations concernant le Canada?

M. Van Harten: Je pense qu’il y a deux modifications principales d’importance. La première est que les États dresseront une liste de référence des membres du tribunal à partir de laquelle ceux-ci devront tous être choisis. L’investisseur étranger ne choisira plus l’un des membres du tribunal; les membres seront plutôt choisis à même la liste de référence, qui contient le nom de candidats de l’État. J’estime qu’il s’agit d’une amélioration.

La seconde modification importante est l’ajout d’un libellé général sur le droit de réglementer de l’État. Je le décris comme un euphémisme pour signifier démocratie, tribunaux et réglementation. Le concept juridique du droit de réglementer est censé englober tous ces éléments. Il fait modestement contrepoids aux droits généraux des investisseurs que contient l’accord, mais il compte aussi certaines limites. Je n’ai probablement pas besoin d’en parler.

Il existe d’autres aspects du débat qui n’ont pas été abordés dans le modèle de réforme, mais je pense que ce sont les deux modifications les plus importantes que je soulignerais.

La Commission européenne a modifié son modèle en réponse au tollé général qu’a soulevé le règlement des différends entre investisseurs et États dans nombre de pays européens. Je connais bien le dossier. C’était surtout vrai en Allemagne, mais aussi dans bien d’autres pays. Ils tentaient de réagir à la crise politique à laquelle ils faisaient face. Je pense que ces changements sont censés donner un type de justification pour expliquer cette énorme expansion du règlement des différends entre investisseurs et États. Personnellement, je doute que les Américains acceptent ces modifications, mais il est très difficile de prévoir à ce stade.

Le sénateur Dawson: Vous qui avez passé en revue le mécanisme de règlement de différends, qu’en est-il des représailles contre ceux qui y ont recours?

Avez-vous l’impression qu’une des parties pourrait prendre des mesures de représailles dans de futures négociations ou un futur contrat?

[Français]

Pour le professeur Ouellet, j’ai une question sur un autre sujet. Vous avez parlé de rehausser l'OMC. Je pense que le nouveau gouvernement est tout à fait d'accord avec vous. Il semble y avoir un mouvement vers le multilatéralisme. Cependant, avez-vous des recommandations précises sur ce qui pourrait être fait rapidement par le gouvernement canadien pour améliorer nos relations avec l'OMC?

[Traduction]

M. Van Harten: Parlez-vous de représailles de la part de l’autre pays?

Le sénateur Dawson: Oui. Si un pays perd et qu’il prend des mesures de représailles, les gens pourraient hésiter à remettre cela?

M. Van Harten: Si un pays perd et obtient une indemnisation très importante, les responsables du pays pourraient penser « Nous ne paierons pas l’indemnisation » car, en droit international, il arrive souvent que l’on puisse simplement faire fi d’une ordonnance contre son pays.

Le système a été conçu par des avocats très intelligents, et ils y ont déjà pensé. Ainsi, le système se greffe aux mécanismes d’exécution des décisions arbitrales du régime d’arbitrage commercial international, qui est utilisé en cas de différends entre sociétés. Lorsque l’investisseur étranger obtient une sentence contre le pays, il peut demander qu’elle soit appliquée aux actifs que détient le pays à l’étranger, dans beaucoup d’autres pays, sans devoir se soumettre à un autre examen par les tribunaux de ces pays. Il s’agit là d’une partie extraordinairement puissante du système.

Cela signifie que le système tend à fonctionner séparément des relations générales d’État à État, et c’est sur ce plan que peuvent se manifester pareils différends diplomatiques. Advenant un très gros différend, il arrive que les deux travaillent ensemble. Autrement dit, le pays d’origine, l’investisseur, pourront invoquer d’autres formes de pression à l’égard d’un pays, parallèlement au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.

Le sénateur Dawson: Je comprends.

[Français]

Professeur Ouellet, avez-vous une réponse au sujet de l'OMC?

M. Ouellet: J'aimerais commencer par une petite remarque personnelle. La première fois que j'ai eu l'occasion d'entrer dans un bureau de vote, lorsque j'étais petit garçon et que j'accompagnais mon père, nous résidions dans le comté de Louis-Hébert. Donc la première fois que j'ai vu un X inscrit sur un bulletin de vote, c'était à côté de votre nom.

Le sénateur Dawson: J'avais 12 ans. Je ne demanderai pas de quel côté vous avez voté. Je pourrais vous demander l'année pour savoir si j'avais gagné ou perdu.

M. Ouellet: Vous aviez gagné cette fois.

Pour répondre à votre question, oui, il y a un certain nombre de choses que le Canada pourrait faire. Évidemment, on est dans un contexte multilatéral, avec plus de 160 États. Il est difficile de faire sa marque à titre de moyenne puissance. Cependant, le Canada était un acteur central à l'Organisation mondiale du commerce et au GATT. Or, ces dernières années, nous avons perdu cette aura. Nous avions un pouvoir d'influence qui allait bien au-delà de notre taille économique en termes d'État, et il faut reprendre un peu de ce vernis.

Que peut-on faire concrètement? Il faut savoir qu'il y a des négociations actuellement à l'Organisation mondiale du commerce pour renouveler le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Le Canada a une expertise extraordinaire, les Canadiens sont renommés pour leur capacité à régler de façon pacifique et avec une procédure relativement facile ce genre de règlement. Nous avons longtemps été des chefs de file, et il faut reprendre ce leadership et être à l'avant-plan de ces négociations.

Il faut aussi redevenir le médiateur que nous avons longtemps été. Jusqu'au milieu des années 1990, le Canada organisait de temps à autre des mini conférences entre certains acteurs particulièrement influents de l'OMC et, depuis 10 ou 12 ans, nous ne l'avons pas fait. Il est temps que nous recommencions à le faire, et que nous redevenions des médiateurs.

Plusieurs pays à travers le monde, et on tend à l'oublier, nous perçoivent comme le pivot idéal entre les États-Unis et une bonne partie des autres pays membres de l'OMC. Ils nous perçoivent comme l'acteur central capable de jouer le rôle de pivot entre le géant américain et d'autres pays. Il faut rejouer cette carte, reprendre notre place au sein des discussions.

Il y a deux autres dossiers pour lesquels nous pouvons reprendre un rôle de leadership, et il s’agit des questions agricoles. On sait que les négociations à l'OMC achoppent beaucoup sur les questions agricoles. Nous avons une expertise incomparable au Canada sur ce genre de questions. Nous pouvons jouer sur les deux tableaux, celui de l'abaissement des barrières au commerce, parce que nous sommes en mesure de prendre notre place sur de grands marchés, et celui de la protection de la diversité agricole avec le dossier de la gestion de l'offre. Nous avons une sensibilité pour ces dossiers. Nous pouvons avoir l'oreille du monde entier, parce que nous adoptons des positions équilibrées. Il faut reprendre ce leadership.

Le dernier élément pour lequel nous pouvons reprendre beaucoup de place, c'est dans la formation. Nous avons une expertise en droit international et économique au Canada qu’ont peu de pays de la même population. Nous sommes renommés pour cela. Il y a un besoin énorme de formation en droit international économique dans les pays en développement. Nous avons longtemps offert de la formation sous différentes formes; nous ne le faisons plus et nous pouvons reprendre ce leadership.

Je vois des choses assez concrètes que nous pouvons faire, plutôt à court terme, pour redonner au Canada la place qu'il occupait dans ce système.

[Traduction]

Le sénateur Oh: Ma question porte sur le Partenariat transpacifique et l’OMC. Compte tenu de sa portée et étant donné l’éventualité que de nouveaux membres s’y ajoutent, le Partenariat transpacifique risque-t-il d’influer sur les négociations multilatérales de l’OMC? Dans l’affirmative, quels en seraient les avantages et les désavantages pour le Canada?

 

[Français]

M. Ouellet: Les liens entre le PTP et l'OMC sont indirects, il faut bien le dire. Le Partenariat transpacifique est d'abord et avant tout un accord entre pays qui partagent une certaine vision du monde. Il ne vise pas à intégrer tous les États voisins. Il est beaucoup question d'intégrer la Chine, par exemple, dans le Partenariat transpacifique. Je pense que ce ne serait pas chose facile, notamment en raison de la teneur du chapitre sur les entreprises d'État. Il serait peut-être compliqué à court terme d'inclure la Chine dans le Partenariat transpacifique.

Le partenariat pourra certainement s'étendre, pourra connaître une certaine expansion et couvrir d'autres pays, mais, seulement à moyen terme. Dans le cas de la Chine, il ne faut pas penser que cela pourrait se faire rapidement.

Quant à l'impact du PTP sur les accords de l'OMC, je le vois comme une possibilité de relance des négociations de l'Organisation mondiale du commerce. Plusieurs questions très tendues, notamment en matière agricole, ont été en partie réglées — je dis bien « en partie » — dans le cadre du Partenariat transpacifique, ce qui redonne espoir de rapprocher les parties à l'Organisation mondiale du commerce.

[Traduction]

M. Van Harten: Le Partenariat transpacifique est un accord dirigé par les États-Unis. Ce sont eux qui ont décidé quels pays pourraient participer aux négociations dès le départ. Les États-Unis ont choisi des pays amis ou complaisants en Amérique latine et en Asie, ainsi que certains pays du Pacifique. Le Partenariat transpacifique est donc un accord américain. Le Canada, le Mexique et le Japon se sont joints aux négociations à mi-chemin du processus, lorsque le train était déjà en marche.

Quand on évalue le Partenariat transpacifique, force est de constater que la plupart des dispositions correspondent aux souhaits des États-Unis. C’est donc dire que cela aidera la position des États-Unis dans les négociations multilatérales à l’OMC, puisque les États-Unis pourront invoquer, comme point de référence, cet important accord plurilatéral.

[Français]

Le sénateur Rivard: Merci de votre présence, messieurs les avocats et professeurs.

Prenons l'exemple de l'ALÉNA, du traité avec l'Union européenne et du futur Partenariat transpacifique. Croyez-vous que c'est la Chambre des communes qui devrait décider si le Canada accepte ou non d’en faire partie? La négociatrice en chef pour le Canada dans le cadre du traité de l'Union européenne a comparu devant notre comité il y a quelques semaines. Elle nous disait qu'elle avait écouté les provinces. On sait que le Québec, avec Pierre-Marc Johnson, entre autres, et d’autres provinces étaient représentés pour protéger nos intérêts.

Je suis d'accord avec cela, mais j'ai entendu à plusieurs reprises que les provinces souhaitaient que le traité avec l'Union européenne soit ratifié par chacune des provinces.

Croyez-vous qu’on devrait inclure les provinces dans le processus de ratification — pas seulement la Chambre des communes et le Sénat —, surtout lorsqu’on se rappelle l’époque du lac Meech dans les années 1990, où le premier ministre Mulroney avait eu l'accord unanime des provinces et des territoires? Puis, quand est venue l’heure de la ratification, tout a sauté.

Donc, pour le gouvernement canadien, en ce qui concerne la ratification par les 28 pays membres de l'Union européenne, croyez-vous que c'est la formule à suivre, ou est-ce qu’on devrait tenir compte d'une ratification par les provinces?

M. Ouellet: Je vous remercie, sénateur Rivard. On sait que ces négociations entre le Canada et l'Union européenne ont donné place aux provinces. Les provinces avaient voix au chapitre lorsque venait le temps de participer aux négociations. J’ai souvent entendu dire que le Canada était heureux d'être accompagné de ses délégations provinciales. Bravo! J'applaudis cela, et tant mieux. Cependant, après quelques séjours en Europe, j’ai entendu dire à quelques reprises que les négociateurs européens ont demandé aux Canadiens de s'assurer qu'il n'y aurait pas de difficulté de mise en œuvre par la suite lorsque l'accord serait signé. Ce qui a été dit très précisément à la table de négociation, c'est qu'on ne veut pas que, en matière de marchés publics notamment, certaines provinces continuent d’accorder de gré à gré des contrats à Bombardier, entre autres. C'est l'exemple qui a été donné à la table de négociation. Un accord sur les marchés publics entre nos deux puissances, l'Europe et le Canada, devrait mettre en compétition Bombardier avec Alstom, CAE et d'autres compagnies européennes.

Ce sont surtout les Européens qui ont demandé la présence des provinces à la table de négociation. Tant mieux. Cela a facilité les choses, et personne ne s’en est plaint. Le drame, c'est que cet exercice ne s'est pas répété dans le cadre du Partenariat transpacifique, ce qui aurait sans doute été profitable. Pourquoi? Parce que la mise en œuvre de ces accords dépend en grande partie des provinces. Elles doivent mettre en vigueur plusieurs dispositions prévues dans les accords en raison du partage des compétences. Je suis parmi ceux qui pensent que le Canada devrait prendre l'habitude d'amener, non pas 10 délégations provinciales, mais, à tout le moins, des délégations provinciales représentatives à l’étape des négociations.

Par la suite, la ratification par les provinces — je sors un peu de ma zone de confort —, du point de vue constitutionnel, pose toutes sortes de difficultés. Notamment, les provinces n'ont pas la possibilité de ratifier les traités sur le plan international. C’est un mécanisme qui imposerait beaucoup de limites. À tout le moins, ce que le Canada doit préconiser à l'avenir, c'est de réunir des délégations provinciales à la table des négociations pour s'assurer que, par la suite, les mises en œuvre ne posent pas trop de difficulté.

Les choses se déroulent plutôt bien pour le Partenariat transpacifique. On n'a pas entendu de province regimber. Cependant, si on avait octroyé des concessions trop élevées en matière de gestion de l'offre sur les produits laitiers, et que l’une des deux provinces qui profitent le plus de ce système avait décidé de ne pas faire la mise en œuvre, on aurait été confronté à de sérieux problèmes.

À mon avis, la solution de la ratification n'est pas une mauvaise solution en soi, mais elle pose toutes sortes d'obstacles en raison des difficultés constitutionnelles. La solution pratico-pratique serait de faire participer les provinces aux négociations.

Le sénateur Rivard: Je partage votre avis. J’ai soulevé cette hypothèse, parce qu’on avait entendu dire que certaines provinces souhaitaient ratifier et modifier l’accord. J’espère que le Canada continuera de consulter les provinces. C'est la position canadienne. En Europe, parmi les 28 pays, j'ai cru entendre que la République tchèque et la Roumanie continuaient de faire du chantage, à savoir qu’elles ratifieront l’accord si le Canada accepte d’enlever les visas obligatoires pour leurs visiteurs. J'ose espérer qu'une position comme celle-là ne tiendra pas. S'il fallait en plus qu'on demande à chacun des 28 pays d'aller consulter leurs territoires, leurs provinces ou leurs États, on n'en finirait plus.

Je suis heureux d'entendre que vous partagez mon avis, à savoir que le Canada devrait permettre aux provinces de participer aux négociations. C'est le Canada qui doit décider. On ne veut pas revivre l’accord du lac Meech, qui avait été unanime, mais qui a été défait.

M. Ouellet: J’aimerais faire le point sur ce que vous venez de dire. J’ai rencontré deux ou trois éminents hauts fonctionnaires de la Commission européenne l’automne dernier. En raison des principes de libre circulation européenne — l’égalité de traitement entre les Européens —, ils sont d'avis qu'ils n'ont pas le choix que de laisser la République tchèque et la Roumanie s'objecter. Ils ne leur mettront pas de pression, parce qu'il faudrait que tous les Européens circulent de la même façon. Si deux visas concernent deux pays en particulier, la Commission européenne n’exercera pas de pression sur eux. Le Canada devra se poser de sérieuses questions sur le maintien de ces visas. Cela pourrait devenir un obstacle politique important.

[Traduction]

M. Van Harten: Vous mettez le doigt sur une des principales questions constitutionnelles en suspens qui découlent du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, et c’est ce sur quoi je vais m’attarder. Si un investisseur étranger porte plainte contre le Canada en raison d’un manquement de la part d’une province, les arbitres pourraient rendre une sentence contre le Canada. Mais qui doit payer les dommages-intérêts? Cela devrait-il être le gouvernement fédéral, qui n’est pourtant pas responsable de la violation du traité, ou le gouvernement provincial, qui n’a pourtant jamais ratifié le traité?

Au cours de notre histoire, les provinces ont été appelées à ratifier certains traités ou à adopter une loi de mise en œuvre à leur égard, avant que le gouvernement fédéral ne les ratifie. À titre d’exemple récent, songeons à la Convention sur le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, soit le CIRDI. Dans le cas de l’AECG, les provinces ont été autorisées à prendre part aux négociations de certains chapitres seulement. J’ai demandé à un délégué commercial de l’Ontario si la province avait pu participer aux pourparlers sur le chapitre sur l’investissement relativement à la disposition sur le règlement des différends entre investisseurs et États, mais il n’a pas voulu me le dire.

Cela signifie que, dans les cas extrêmes — disons, dans le pire des scénarios, s’il faut verser des dommages-intérêts de 1 milliard de dollars —, aucun des deux ordres de gouvernement ne voudra payer une telle somme. La sentence pourra alors être appliquée contre les actifs du Canada à l’étranger, y compris les actifs d’une province du Canada. C’est là une question complexe. Cela dépendrait des lois du pays où l’on cherche à exécuter la sentence.

Il faut régler la question constitutionnelle de savoir quel ordre de gouvernement est responsable de verser une somme d’une telle ampleur, exposant ainsi les actifs tant provinciaux que fédéraux à une saisie éventuelle à l’étranger, et, à mon sens, il faut s’y prendre avant que le Canada ratifie ces accords, et non après. Il est fort possible que les provinces soient appelées à ratifier ces accords, et leurs pouvoirs sont certes touchés par le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.

La présidente: C’est une question constitutionnelle intéressante qui mérite d’être discutée. Nous parlons de ratification, mais la question de savoir si cette possibilité existe est une tout autre question constitutionnelle. Nous aurons peut-être à étudier cet aspect.

La sénatrice Poirier: Je me contenterai de vous demander, à l'un ou l'autre, votre opinion sur les accords commerciaux futurs du Canada. Nous avons entendu certaines critiques, notamment sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, mais nous avons aussi entendu parler des avantages, comme le commerce des services. Selon vous, quelles leçons pourrions-nous tirer du dénouement de l’AECG et du Partenariat transpacifique afin de négocier des accords de libre-échange encore plus avantageux à l’avenir?

M. Van Harten: Brièvement, je dirais qu’une fois que le Canada aura ajouté le Partenariat transpacifique et l’AECG à l’ALENA et à l’APIE Canada-Chine, il n’y aura plus grand-chose à faire sur le plan du règlement des différends entre investisseurs et États, puisque toute notre économie appartenant à des intérêts étrangers sera assujettie à ce mécanisme selon le modèle américain, sous réserve de quelques variations modestes dans l’AECG.

Je pourrais parler des leçons tirées en vue des négociations futures, mais cela devient un peu inutile parce que nous sommes déjà exposés aux plaintes d’investisseurs étrangers qui détiennent la vaste majorité des actifs étrangers dans notre économie.

Je ne suis pas bien placé pour me prononcer sur les autres parties de l’accord commercial; je laisserai donc à M. Ouellet le soin de le faire.

[Français]

M. Ouellet: Je suis d'avis que le Canada doit continuer d'être actif sur cette scène de signature d'accords régionaux et multilatéraux en matière de protection des investissements. Cela fait partie du jeu aujourd’hui. Si vous observez la politique commerciale des grands pays au cours des dernières années, tout le monde joue cette course à la signature de nombreux accords. Nous ne pouvons pas faire l'économie de cette course. Nous avons un marché de 36 millions d'habitants qui comprend une bonne part de technologie de pointe et de produits et de services à exporter. Il faut que les marchés soient ouverts pour les Canadiens.

Je suis plutôt d'avis qu'il faut continuer de signer des accords de libre-échange importants avec des partenaires importants. Si, en matière de règlement des différends qui touchent l'investissement, il faut resserrer la possibilité des recours, soit, mais je ne pense pas que cela doive nous amener à nous retourner sur nous-mêmes.

[Traduction]

La sénatrice Cordy: Merci aux deux témoins d’aujourd’hui. Nous avons eu droit à des observations très intéressantes. J’aimerais, à mon tour, parler du règlement des différends entre investisseurs et États. En théorie, on peut comprendre le raisonnement, mais quand on se met à examiner des situations, on finit par se dire que c’est très injuste.

Je voudrais parler d’une situation qui s’est produite en Nouvelle-Écosse. Cela concerne une cause que le Canada a perdue aux termes du chapitre 11 de l’ALENA. Bilcon, la société américaine, avait invoqué l’ALENA pour contester les évaluations environnementales équitables qui avaient été réalisées à l’échelle provinciale et fédérale. Donc, les gouvernements provincial et fédéral avaient, tous deux, rejeté les plans de cette société, qui proposait de construire une mégacarrière industrielle à Digby Neck, une belle petite région de la Nouvelle-Écosse, qui est ma province.

Faisant fi du recours aux tribunaux canadiens, Bilcon a plutôt choisi d’accéder directement au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. C’était un arbitrage secret, mais Bilcon a été déboutée dans une décision à deux contre un, et il se trouve que le vote dissident provenait de l’arbitre canadien. Ayant perdu l’arbitrage, Bilcon a donc demandé 300 millions de dollars en dommages-intérêts.

En l’espèce, il y a eu une voix dissidente — un Canadien a voté contre —, mais la société américaine a réussi à faire par la porte arrière ce qu’une entreprise canadienne n’aurait jamais été en mesure de faire, parce que les gouvernements provincial et fédéral avaient décidé, à l’issue de leur évaluation, de ne pas donner le feu vert au projet de carrière proposé par Bilcon.

Comment expliquez-vous aux citoyens de la Nouvelle-Écosse, particulièrement aux habitants de Digby Neck, qu’une société américaine a pu faire ce qu’aucune entreprise canadienne n’aurait pu faire au terme des évaluations, à l’échelle tant provinciale que fédérale? Comment expliquez-vous cela aux habitants de ma province?

M. Van Harten: Ils devraient être très troublés par cette situation, tout comme devraient l’être l’ensemble des contribuables canadiens.

Permettez-moi de vous parler d’un aspect précis. Si, en l’occurrence, l’investisseur étranger s’était adressé aux tribunaux canadiens pour demander une révision judiciaire du processus d’évaluation environnementale, il n’aurait pas été en mesure d’obtenir une indemnité pécuniaire — ce serait presque impossible. Il aurait pu obtenir une certaine ordonnance du tribunal à l’égard de l’évaluation environnementale. Ici, l’investisseur a choisi d’exclure carrément le recours aux tribunaux canadiens, mais en vertu de la disposition sur le règlement des différends entre investisseurs et États, il aurait pu faire les deux. Il aurait pu, d’une part, s’adresser aux tribunaux canadiens pour obtenir une ordonnance non financière et, d’autre part, recourir au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États pour récupérer l’argent. C’est un aspect puissant du système: à force de manœuvres et de petits jeux, les avocats trouvent moyen de se soustraire aux tribunaux nationaux, ce qui est chose commune en droit international.

En ce qui concerne la décision dans l’affaire Bilcon, les deux arbitres formant la majorité ont opté pour une interprétation large du libellé ambigu de certains droits conférés aux investisseurs étrangers, ce qui présente toujours un risque, car cela crée la possibilité que, dans les évaluations environnementales futures, ce risque soit pris en considération. Cela change donc la dynamique de la prise de décisions.

Je tiens à insister sur un point précis: si l’investisseur étranger s’était adressé aux tribunaux, les habitants de votre province auraient eu le droit de demander la reconnaissance de leur qualité pour agir devant les tribunaux. Si leurs intérêts étaient touchés par la révision de l’évaluation environnementale, ils auraient pu avoir la qualité pour agir, ce qui est une règle d’équité procédurale établie depuis longtemps. Une des critiques soulevées contre le règlement des différends entre investisseurs et État, c’est que ce mécanisme est inéquitable sur le plan de la procédure, parce qu’il n’inclut pas toutes les parties dont les droits juridiques, les intérêts et la réputation sont en cause — que ce soit le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, le tribunal d’évaluation environnementale lui-même, un groupe local de citoyens ou encore, une Première Nation; aucun de ces intervenants n’a le droit d’être partie prenante dans le cadre du processus, ce qui est fondamentalement injuste.

En fait, le projet de réforme du modèle de règlement des différends entre investisseurs et États, que la Commission européenne a rendu public en novembre, comprenait une disposition permettant aux tiers de présenter une demande pour participer à part entière, si leurs intérêts sont touchés, mais jusqu’ici, selon mon examen du libellé modifié de l’AECG, cette disposition n’y figure pas. Nous avions l’occasion de corriger cette lacune, mais pour autant que je sache, d’après ce que j’ai examiné jusqu’à présent, nous avons raté cette occasion.

[Français]

M. Ouellet: J’aimerais faire un commentaire additionnel pour dire que vous avez raison de souligner que l'affaire Bilcon n'est pas très élégante. Cette affaire met en lumière l’un des problèmes que reconnaissent plusieurs experts du domaine, soit le manque de transparence dans le secteur des investissements et le manque de diffusion de l'information lorsqu’une affaire est déposée. On devrait pouvoir se porter partie prenante à ces litiges. Sur cet élément en particulier, je suis d'accord avec le professeur Van Harten.

[Traduction]

La présidente: Si le comité me le permet, qu’est-ce qui pourrait venir remplacer le processus actuel concernant les investisseurs, si nous voulons continuer à jouer un rôle dans le contexte économique mondial qui semble se profiler à l’horizon? Nous pouvons être de la partie ou non, mais si nous le sommes, quelle est la solution de rechange proposée pour que nous puissions nous y reporter à l’avenir?

M. Van Harten: Des occasions se sont présentées. Je n’entrerai pas dans les détails, mais nous avons eu l’occasion, dans le cas de l’AECG et du Partenariat transpacifique, de défendre la position selon laquelle le Canada ne consentirait pas au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États prévu dans ces accords. La Commission européenne, d’après ce que m’a dit un de ses représentants, était très ouverte à cette position au début des négociations sur l’AECG. Dans le cadre des pourparlers sur le Partenariat transpacifique, l’Australie avait adopté la même position pendant un certain temps. L’occasion était là. Malheureusement, à mon avis, nous ne l’avons pas saisie. Par conséquent, nous avons le choix de ne pas adhérer à ces accords ou de chercher à réformer le processus de règlement des différends entre investisseurs et États une fois que les négociations seront achevées, ce qui est très embêtant.

S’il n’y a pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, les investisseurs étrangers ne vivront pas dans l’âge des ténèbres, et je tiens à le souligner. Ils mèneront leurs activités sur un marché mondial. Ils auront à évaluer chaque pays afin de déterminer où investir. Ils feront ce qu’ils ont toujours fait, c’est-à-dire qu’ils évalueront le niveau de risque dans un pays donné. Ils essaieront de négocier des contrats avec les autorités gouvernementales dans le pays retenu afin de leur offrir des protections, notamment par l’ajout de dispositions, dans leurs contrats, sur le règlement des différends entre investisseurs et États, comme c’est souvent le cas. S’ils s’inquiètent vraiment, ils peuvent souscrire une assurance contre les risques sur le marché. Le mécanisme du règlement des différends entre investisseurs et États vient fausser le marché, parce qu’il n’est offert qu’aux investissements étrangers d’une certaine taille. Le marché mondial des investissements étrangers pourra se passer du règlement des différends entre investisseurs et États; d’ailleurs, la plupart des investissements étrangers se font toujours sans un tel mécanisme issu de traités.

[Français]

M. Ouellet: Deux solutions pourraient se poser à deux moments différents.

À court terme, je peux d'abord imaginer que l'on négocie différemment les termes des APIE, soit les Accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers. On pourrait d'abord prévoir des exclusions un peu plus nombreuses que celles qui existent actuellement.

Comme vous le savez peut-être, dans le cadre du Partenariat transpacifique, une disposition d'exclusion pour les litiges touchant le tabac est en vigueur. Nous pourrions avoir des dispositions d'exclusion beaucoup plus larges qui pourraient toucher l'environnement, par exemple.

Une autre solution à court terme serait de négocier aussi, au sein de ces accords qui protègent les investissements, des dispositions protectrices pour les investisseurs, mais qui ne seraient pas assorties d'un arbitrage. L'Union européenne l'a fait avec la Corée. Il faut le savoir, et c'est une option qui existe.

Ensuite, et je terminerai ainsi, à long terme, je pense qu'il faudra en venir à une uniformisation du droit des investissements pour freiner ce phénomène de multiplication des accords. Il faudra en venir à un tribunal qui pourrait juger sur le fond de façon beaucoup plus stable. Je parle donc de la création d'une cour qui entendrait de façon régulière toute plainte soulevée par rapport à un accord multilatéral.

[Traduction]

La présidente: Le temps est écoulé. Les invités pourront, s’ils le veulent, nous transmettre d’autres observations sur ce dernier point, car il y a toujours des questions pratiques, constitutionnelles, juridiques et, somme toute, politiques sur ce qu’on peut et ce qu’on ne peut pas négocier. Cela tient à la position de force qu’occupe le Canada par rapport aux autres partenaires. Je vous ai entendus, tous deux, parler d'une foule de notions, que nous travaillons à soupeser afin de déterminer comment maximiser l’avantage du Canada à cet égard. Reste à savoir si nous devrons miser, selon le cas, sur le sens pratique, les principes théoriques ou l’esprit d’initiative; voilà une question que nous continuerons d’étudier.

Je vous remercie d’avoir témoigné, par vidéoconférence et en personne, devant le comité. Vos observations nous ont permis de comprendre les différentes notions. J’espère que vous nous aiderez à passer du cours 101 au cours 201 ou 301 lorsque nous vous inviterons à comparaître de nouveau pour parler des accords commerciaux précis.

Sur ce, nous allons passer au deuxième groupe de témoins, toujours dans le cadre de notre étude sur les accords commerciaux, bilatéraux, régionaux et multilatéraux et les perspectives pour le Canada. Merci d’avoir patienté. Nous avons commencé en retard, alors nous vous remercions de votre indulgence.

Je suis ravie d’accueillir Mme Jacqueline Palladini, économiste principale au Centre du commerce mondial du Conference Board du Canada. Son travail consiste, entre autres, à étudier la nature évolutive du commerce avec l’Asie et l’importance des services dans le bilan commercial du Canada.

J’ai aussi le bonheur d’accueillir M. Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique et professeur titulaire à la faculté de droit — section common law — de l’Université d’Ottawa. La recherche et le travail de M. Geist portent sur les questions de droit lié à la technologie et sur la propriété intellectuelle. Nous avons reçu des CV détaillés, mais faute de temps, j’ai dû m’en tenir à ces points.

Merci d’avoir accepté notre invitation dans le cadre de notre étude sur les questions commerciales. Nous avons hâte d’entendre vos exposés. Comme vous le savez, nous attendons toujours avec impatience la période des questions. Si vous n’avez pas décidé de l’ordre dans lequel vous voulez intervenir, je vais céder la parole à Mme Palladini, puisque je l’ai présentée en premier.

Jacqueline Palladini, économiste principale, Centre du commerce mondial, Le Conference Board du Canada: Merci de m’avoir invitée. Aujourd’hui, je vais vous parler du commerce des services. Il y a quelques points que j’aimerais souligner, le premier étant l’importance des services pour notre économie.

Nous aimons à penser que notre économie est axée sur les ressources et la fabrication, mais en réalité, le dynamisme de notre économie repose sur les services. Au Canada, le secteur des services représente quatre emplois sur cinq, et il constitue aussi un atout plutôt important sur le plan international. Vous ne pourriez pas le deviner, à voir les statistiques conventionnelles sur le commerce, car les services ne comptent que pour 16 p. 100 des exportations canadiennes. Cependant, quand on tient compte de la valeur que les services ajoutent aux chaînes d’approvisionnement — par exemple, la recherche et le développement, les mesures destinées à assurer la compétitivité de nos produits, les services de marketing, le transport —, force est de constater que les services représentent près de 50 p. 100 de nos exportations. En fait, 44 p. 100 de la valeur est attribuable aux services.

Quelques tendances importantes se sont dessinées dans le commerce des services, mais elles ne datent pas d’hier. Premièrement, il importe de savoir que les services sont vendus bien souvent par l’entremise de sociétés étrangères affiliées, au lieu d’être exportés. La valeur des ventes des sociétés étrangères affiliées est le double de celle des exportations de services, ce qui est logique. Quand on vend un service, il est avantageux, et parfois essentiel, de recourir à des gens situés près des marchés visés. En général, le droit des assurances ne permet qu’aux entreprises ayant une présence dans un pays donné de vendre de l’assurance. Par exemple, nous ne pouvons pas exporter nos services d’assurance au Vietnam. Il faut avoir pignon sur rue, au Vietnam, pour pouvoir vendre nos services là-bas.

Les politiques commerciales doivent tenir compte de la grande importance de ce facteur pour les services en général et pour certaines mesures visant à protéger les investissements potentiels des Canadiens à l’étranger, de façon à encourager les Canadiens à adopter de telles pratiques commerciales.

Le deuxième point est l’émergence et la prévalence de produits intégrés. Nous avons tendance à considérer les produits et les services comme étant deux choses distinctes, mais on voit de plus en plus un amalgame entre les deux. Prenons par exemple un téléphone intelligent, une tablette ou l’Internet des objets. Il y a un produit, mais il est inutile sans les télécommunications, le logiciel et le stockage en nuage qui y sont associés. Cela signifie que tout obstacle au commerce des services aura une incidence sur votre produit, et vice versa.

Enfin, on observe chez les fabricants une tendance croissante à vouloir offrir des services complets avec leurs produits. Cela rend les entreprises plus concurrentielles, en plus d’être une activité lucrative. À titre d’exemple, Bombardier ne veut pas seulement vendre un avion à réaction; elle veut aussi obtenir le contrat d’entretien de l’appareil. Siemens Canada ne veut pas vendre un instrument médical à un hôpital en Italie sans vendre les services connexes de formation et de soutien technique.

Assurer le mouvement de la main-d’œuvre pour la prestation de ces contrats de service rendra les fabricants canadiens plus concurrentiels.

Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique et professeur titulaire, faculté de droit — Section common law, Université d’Ottawa, à titre personnel: Je remercie le comité de l’invitation. Comme vous l’avez entendu, je suis spécialiste des questions de droit liées à la technologie. Cela touche un vaste éventail d’enjeux, notamment la politique numérique, en particulier la propriété intellectuelle, le droit d’auteur, la protection des renseignements personnels, les télécommunications, la diffusion et la gouvernance d’Internet.

Il y a quelques années, dans le domaine des politiques numériques, on discutait rarement des accords commerciaux. Les questions de politique numérique étaient principalement liées aux choix de politiques nationales et à la réglementation nationale. L’intégration de considérations d’ordre international pourrait mener à des traités internationaux comportant des exigences ou des lignes directrices sur les pratiques exemplaires à l’échelle internationale. Le Canada a participé activement à ces négociations qui, à bien des égards, ont été très transparentes et ouvertes.

Aujourd’hui, la situation est toute autre, à mon avis. À bien des égards, les accords commerciaux sont désormais le principal déterminant des politiques numériques nationales. Ils ont une incidence considérable sur la réglementation canadienne. De nos jours, ces accords commerciaux sont négociés en secret, puis présentés au public sous forme d’ententes à prendre ou à laisser. Il est donc plus difficile d’évaluer les compromis qui ont été faits; l’érosion de la souveraineté en matière de politiques ou de réglementation est très réelle.

De plus, comme l’ont indiqué des témoins du précédent groupe d’experts, étant donné le mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État, on s’expose, en cas d’erreur, à des dommages-intérêts substantiels, mais cela, c’est en supposant qu’on parvienne à mettre en œuvre son propre accord commercial. Dans le cas d’un accord commercial avec les États-Unis, comme le PTP, les États-Unis maintiennent leur propre processus de certification, qui impose les modalités relatives à la ratification de l’accord.

Comment cela fonctionne-t-il? L’expérience récente avec le PTP est riche d’enseignements. Il y a trois principaux enjeux. Il y a d’abord le prix que le Canada a dû payer pour participer aux négociations du PTP et la faiblesse relative du pays pendant ces négociations. Comme vous l’avez entendu précédemment, le Canada n’était pas l’un des participants initiaux aux négociations du PTP. Ce n’est qu’en 2009 que nous avons commencé à en parler; nous avons présenté une demande officielle en 2011. Les États-Unis ont mené des consultations officielles sur la participation au PTP. Certains groupes de pression ont exhorté le gouvernement américain à tenir le Canada à l’écart jusqu’à ce que nous ayons adopté une loi sur le droit d’auteur conforme à leurs demandes. Le gouvernement canadien a répondu que nous adopterons un projet de loi. Puis, nous avons signé un autre accord commercial, l’Accord commercial relatif à la contrefaçon, qui a été abandonné en raison de la forte opposition de l’Europe. Les demandes des États-Unis ont eu une incidence considérable sur la Loi sur le droit d’auteur adoptée par le Canada en 2012.

Après avoir obtenu la certitude que le Canada satisferait à leurs demandes en matière de PI, les États-Unis ont imposé deux conditions supplémentaires à la participation du Canada aux négociations du PTP. La première était que le Canada ne demanderait pas la réouverture des chapitres de l’accord qui étaient déjà négociés lorsqu’il commencerait à participer aux négociations. L’autre, qui est probablement la plus importante, est que le Canada n’aurait pas un droit de veto pour quelque chapitre que ce soit, ce qui signifie que nous ne pouvions retarder les négociations pour un chapitre quelconque. Plus tôt, vous vouliez savoir ce qui se passerait si nous nous opposions au mécanisme de RDIE. La réalité, dans le cas du PTP, c’est que le Canada avait convenu au préalable qu’il devait céder s’il était le seul pays à s’opposer au RDIE; nous ne pouvions rien y faire. C’est dans ces conditions que nous nous sommes lancés dans ces négociations.

Au moment où les négociations étaient presque terminées, la négociatrice principale du Canada dans le cadre du PTP, le sous-ministre et le Cabinet du premier ministre ont été informés — j’ai obtenu ces informations en vertu de la Loi sur l’accès à l’information — que le Canada était désavantagé en raison d’un manque de coordination et de transparence entre les négociateurs du gouvernement et les parties intéressées. Nous sommes tout de même allés de l’avant et avons conclu l’accord.

Qu’avons-nous accepté? Je vais porter une attention particulière aux enjeux liés à la propriété intellectuelle. En ce qui concerne le droit d’auteur, nous avons accepté, dans le cadre du PTP, d’en prolonger la durée. Actuellement, cette durée correspond à la vie de l’auteur, plus 50 ans, ce qui est conforme à la norme internationale. Il s’agit également de la norme qui est adoptée dans la moitié de l’accord du PTP. Le Japon, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, Brunei et le Vietnam bénéficient tous d’une protection du droit d’auteur équivalente. Le PTP exige que le Canada prolonge cette durée de 20 ans, ce qui représente d’importantes retombées pour les États-Unis et une perte nette considérable pour le Canada.

Le gouvernement néo-zélandais a mené une étude sur le coût du prolongement de la durée auquel il a consenti et estime que le prolongement de la durée fera perdre à lui seul 55 millions de dollars par année à la Nouvelle-Zélande. Cette évaluation laisse entrevoir qu’au Canada, dont l’économie fait neuf fois celle de la Nouvelle-Zélande, le coût dans le secteur de l’éducation et d’autres secteurs pourrait s’élever à des centaines de millions de dollars.

Ce ne sont pas les seuls changements en matière de PI. Le PTP comprend des changements aux règles de verrouillage numérique. Il s’agit, dans certains cas, du prolongement de la durée de la protection des brevets, de la criminalisation du droit en matière de secret commercial, de modifications au droit des marques, de nouvelles mesures frontalières, et cetera. Cela va encore plus loin. Un des problèmes du PTP, c’est que le chapitre sur la PI comporte une exigence selon laquelle tous les pays doivent ratifier ou accepter jusqu’à neuf traités sur la PI. Autrement dit, les traités inclus dans ce traité constituent une partie importante des obligations associées au PTP.

Ce n’est pas seulement une question de propriété intellectuelle; c’est aussi lié à la culture. On déroge complètement de la politique commerciale canadienne, car le PTP ne comporte aucune exclusion complète pour les produits culturels. Le PTP comprend une mesure qui restreindrait la capacité du Canada d’élargir et de prolonger la durée des politiques sur la contribution au contenu canadien. Cela signifie que dans les faits, les contributions visant à favoriser la création de contenu canadien sont maintenues aux niveaux actuels. Le PTP empêche leur application aux nouveaux services et aux nouvelles technologies.

On parle de services. Cela entraîne, pour les industries des services, l’adoption d’un ensemble complexe de règlements qui aura presque certainement des conséquences inattendues. En fin de compte, des dossiers chauds comme la réglementation des sites de jeux de hasard en ligne ou des services de covoiturage comme Uber seront réglés par l’intermédiaire du PTP et non par les administrations provinciales ou municipales qui chercheraient à réglementer ces activités.

Le PTP touche aux questions liées à la protection des renseignements personnels en limitant la capacité des gouvernements d’imposer des restrictions sur le transfert des données ou d’exiger la localisation des données. Il établit un seuil très bas en matière de protection des renseignements personnels ou de règles antipourriel, un seuil beaucoup plus bas que ce qu’on aurait habituellement ou ce qu’on voudrait voir pour d’autres aspects.

Cela touche aussi le secteur de la santé et aura probablement pour effet d’entraîner les prix des médicaments à la hausse et de fixer la durée de la protection pour les produits pharmaceutiques de la prochaine génération — connus sous le nom de produits biologiques —, voire de déterminer les modalités d’un éventuel régime d’assurance-médicaments national.

Nous pourrions dire bien d’autres choses au sujet du PTP et de ses effets sur la réglementation. Ce qui est remarquable, à mon avis, c’est qu’il touche presque tous les aspects de notre économie moderne, en particulier les politiques sur les technologies numériques, et ce, de façon telle que les choix en matière de politiques nationales seront supplantés par des choses qui ont été négociées en coulisse, dans le cadre de tractations secrètes.

C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

La présidente: Merci. Monsieur Geist, nous avons accueilli votre collègue quelque temps au cours des deux ou trois dernières séances. Elle nous avait assuré que vous auriez un point de vue différent du sien. Il y a un vif débat dans votre secteur, si je comprends bien. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion d’entendre les divers points de vue ici.

Le sénateur Dawson: Monsieur Geist, c’est plutôt inquiétant. Vous avez parlé d’Uber qui suscite un débat, en particulier au Québec, entre les villes et la province, débat auquel participent divers intervenants. Maintenant, vous amenez le débat à un tout autre niveau en évoquant les conditions qui pourraient être imposées dans le cadre du PTP. Cela m’amène à vous poser une question, à tous les deux, concernant la mesure des services.

Lorsqu’on parle de marchandises, la mesure des échanges commerciaux est quantifiable. Cela se mesure en tonnes. On parle de volume de bois d’œuvre, par exemple. Vous avez indiqué que vous comparez le commerce des services et le commerce des marchandises. Comment pouvez-vous mesurer des produits qui sont commercialisés de la même façon? Comment faites-vous pour déterminer le contenu canadien ou américain d’un iPad? Quel est le contenu canadien d’un BlackBerry? Dans quelle situation le considère-t-on comme un produit d’importation ou un produit d’exportation? Il faut également mesurer le contenu ou le nuage. Comment se fait le choix d’unités de mesure comparables d’un pays à l’autre?

Mme Palladini: C’est une question difficile. Je pense qu’il est préférable d’éviter de mesurer chaque aspect et de vouloir en tenir compte de façon distincte. Il convient plutôt d’examiner la question sous un angle différent, soit de savoir quelles activités des chaînes de valeur mondiales sont menées au Canada.

Beaucoup de services et de biens entrent dans la fabrication d’un produit. Ces différentes activités peuvent être réparties à l’échelle mondiale. Certaines peuvent avoir lieu au Canada, et d’autres, n’importe où ailleurs.

Lorsqu’on regarde les activités qui ont la plus grande valeur pour le Canada, c’est-à-dire les activités qui entraînent la création d’emplois bien rémunérés, on constate que beaucoup d’entre elles sont des services qui sont offerts d’entrée de jeu, à l’étape de la conception et de la recherche, et parfois à la fin, comme les services après-vente et la formation sur l’utilisation du produit. Cela forme un « U », et les services offrant la plus grande valeur se situent aux deux extrémités.

À mon avis, c’est sur ce type d’activité qu’il convient de se concentrer plutôt que de comptabiliser la valeur de toute petite activité d’exportation.

M. Geist: Vous avez soulevé des enjeux intéressants. Lorsque je pense à la question des mesures et des services, en particulier du point de vue de la technologie, il est utile de savoir que deux des principaux chefs de file du secteur des technologies, qui sont en outre très axés sur les services — sont les derniers grands entrepreneurs canadiens dans ce domaine — pour la génération précédente, dans un sens. Il s’agit de M. Jim Balsillie, le cofondateur de BlackBerry, et de M. Tobi Lütke, le PDG de Shopify, l’actuelle société chérie du secteur des technologies. Ces deux hommes sont actuellement les deux plus virulents détracteurs du Partenariat transpacifique. Il convient de se demander pourquoi des chefs de file du secteur de l’innovation critiquent cet accord.

Cela découle en partie du fait qu’en réalité, comme certains l’ont indiqué, dont M. Balsillie, il existe des restrictions très limitées pour percer ces marchés et y offrir des services. La société BlackBerry est devenue un distributeur et un acteur à l’échelle mondiale, et fut un temps un chef de file de l’industrie des téléphones intelligents. Ses principaux problèmes n’étaient pas liés aux obstacles au commerce. L’accord commercial ne traite pas de ce genre de problèmes.

En ce qui concerne les mesures, l’un des problèmes concrets est que nous n’avons pas mené beaucoup d’études sur les répercussions de tels accords. J’ai beaucoup écrit sur le sujet et, à titre d’exemple, l’une des principales études sur le PTP indique que parmi les 12 pays du PTP, le Canada est celui où les pertes d’emplois seront les plus élevées, par habitant. Il s’agit d’une étude de l’Université Tufts; d’autres pointent vers d’autres études qui démontrent que le Canada compte parmi les pays pour lesquels l’accord sera le moins avantageux sur le plan économique. La difficulté tient dans la façon dont on mesure ce genre de choses. Je crois que vous avez raison de souligner que si nous commençons à regarder les coûts liés aux droits d’auteur, à la culture, ou d’autres coûts potentiels liés aux services, nous verrons qu’il n’est pas certain qu’on ait tenu compte de beaucoup de ces facteurs.

Le sénateur Ngo: Merci, monsieur Geist. Merci aussi à Mme Palladini. Vous parlez des protections de la propriété intellectuelle qui sont souvent incluses dans les négociations commerciales. Nous savons qu’il y a au Canada environ 25 000 brevets par année, contre environ un million de brevets par année en Chine. Selon vous, pour le Canada, quels sont les avantages et les désavantages liés à l’inclusion de telles dispositions dans l’accord commercial? Le Canada doit-il produire plus de brevets pour être concurrentiel avec d’autres pays?

M. Geist: Je vous remercie de la question. Honnêtement, je ne pense pas que le PTP entraînera une hausse du nombre de brevets au Canada. Nous sommes déjà passés par là dans d’autres domaines. À titre d’exemple, il y a un certain nombre d’années, dans le secteur des produits pharmaceutiques, nous avons modifié nos règles sur les brevets, à la demande de grandes sociétés pharmaceutiques qui faisaient valoir qu’elles augmenteraient leurs activités de recherche et de développement au Canada si nous augmentions la protection offerte par les brevets canadiens. Elles ont fourni des cibles fermes et mesurables, qu’elles n’ont jamais atteintes. En fait, le nombre d’activités a baissé rapidement au fil du temps. L’idée selon laquelle nous continuerons de nous frapper la tête contre les murs en entendant de telles préoccupations me semble plutôt insensé.

Il y a certes de l’innovation au Canada, mais comme l’indiquent des gens tel M. Balsillie, les règles qui font partie intégrante du PTP — que les États-Unis présentent littéralement comme un accord « fait aux États-Unis » — avantagent ceux qui détiennent déjà la propriété intellectuelle. Cela avantage des entreprises américaines. Voilà pourquoi le Tout-Silicon Valley et certaines entités américaines importantes ont participé si activement. Il est surprenant d’apprendre que les entreprises canadiennes du secteur des technologies et les innovateurs canadiens n’ont pas participé à ces discussions, en général.

J’ai mentionné les avertissements qui ont été présentés à des gens comme la négociatrice principale du Canada, avertissements selon lesquels nous étions désavantagés lors de l’avant-dernière ronde de négociations. Cela découle en partie de l’approche adoptée par les États-Unis, qui a été d’intervenir, littéralement, et de divulguer le texte de l’accord, en vertu d’ententes de non-divulgation, à des entreprises américaines novatrices et aux entreprises évoluant dans ce contexte. Le Canada n’a pas agi ainsi. Les entreprises canadiennes n’étaient pas à la table, pour ainsi dire. Les innovateurs canadiens n’ont pas participé aux négociations.

Faut-il alors nous étonner de retrouver entériné dans le texte de l’accord ce désavantage que nous avions signalé au départ?

Le sénateur Ngo: Vous parlez du PTP, mais qu’en est-il de l’AECG? Si la même chose s’applique, comment le Canada devrait-il selon vous procéder dans ses négociations avec d’autres pays concernant la propriété intellectuelle?

M. Geist: L’AECG est un cas intéressant. Les Européens ont entamé les négociations avec des exigences vraiment très strictes en matière de propriété intellectuelle. Dans différents secteurs, nous avons exercé des pressions en faisant valoir que les approches stratégiques conçues au Canada étaient en fait préférables, et les Européens ont finalement laissé tomber bon nombre de leurs exigences. Il ne faut pas en conclure pour autant que nous étions fermés à l’idée de tout changement, car nous en avons accepté plusieurs, mais ils étaient de beaucoup moins grande portée que ce que les Européens souhaitaient obtenir à l’origine.

Voilà qui nous démontre qu’il y a bien des façons d’arriver à ses fins en défendant son point de vue et en faisant valoir que différentes solutions peuvent permettre à la fois de se conformer au droit international et de répondre aux besoins de sa propre économie. Il suffit de penser à l’exemple du Canada qui, à l’issue d’une dizaine d’années de débat, s’est donné en 2012 de nouvelles règles assurant un juste équilibre dans l’application des droits d’auteur. Ces règles s’inscrivent dans une série d’approches novatrices qui n’ont pas manqué d’attirer l’attention d’autres pays qui se disent que le Canada a su faire les choses différemment des États-Unis et de l’Europe. Certaines de ces politiques sont en effet vraiment avant-gardistes.

Le PTP n’en tient toutefois aucunement compte, et c’est l’un des aspects regrettables de cet accord. Notre approche est quasi exclusivement défensive. Nous cherchons à en concéder le moins possible, plutôt que d’essayer d’être plus proactifs en mettant en valeur nos règles en la matière qui sont parmi les meilleures, les mieux équilibrées et les plus novatrices au monde, et en indiquant que nous aimerions voir les autres pays les adopter, ce qui serait bénéfique pour l’ensemble des créateurs. Ce n’est malheureusement pas l’approche qui transpire de cet accord.

Le sénateur Ngo: Madame Palladini, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Palladini: Le respect des droits de propriété intellectuelle est l’un des principaux obstacles jugés préoccupants par bon nombre des exportateurs canadiens de produits et de services informatiques. Ils hésitent à vendre leurs produits sur certains marchés où ils ont l’impression que leur propriété intellectuelle n’est pas protégée.

Pour ce qui est des mesures précises à prendre et de la pertinence d’utiliser les politiques commerciales ou d’autres outils pour ce faire, je ne saurais trop vous dire. Reste quand même que c’est une inquiétude bien concrète pour beaucoup de gens et beaucoup d’entreprises, et que cela constitue pour eux un obstacle ou tout au moins une entrave aux échanges commerciaux.

La présidente: Nous n’en sommes pas encore à l’étape de l’examen en profondeur des différents accords. Nous cherchons à obtenir de l’information sur les ententes commerciales d’une manière générale.

J’ai grandi à une époque où nos échanges commerciaux se faisaient essentiellement avec les États-Unis. Nous connaissions bien les contraintes. Nous savions aussi que ce n’était pas toujours les droits de douane qui entravaient le commerce. Bien des considérations politiques entraient aussi en ligne de compte.

On a conclu un accord de libre-échange pour atténuer les irritants, d’abord et avant tout, et pour maximiser les avantages tout en établissant un mécanisme plus efficace pour le règlement des différends. Ce mécanisme n’a pas toujours donné les résultats souhaités, car le Congrès américain n’a pas hésité à intervenir à l’occasion pour contrecarrer le tout.

Je me souviens aussi du moment où nous avons décidé de participer aux négociations sur l’ALENA. Nous n’étions pas dans le portrait au départ. C’est le Mexique qui voulait conclure une entente avec les États-Unis. Le Canada a eu alors un choix à faire. Nous pouvions être partie prenante ou rester à l’écart. Pour toutes sortes de raisons, nous avons convenu qu’il était plus avantageux pour nous d’y participer.

Je pense que nous devons maintenant déterminer s’il est mieux pour nous de renoncer au PTP ou si nous devrions en faire partie malgré toutes ses lacunes. Et la même question se pose dans le cas de l’AECG. Nous savons qu’il y a encore l’étape de la ratification à franchir. À bien des égards, l’Europe se trouve actuellement à la croisée des chemins.

Comment pouvons-nous évaluer la situation? De quels indicateurs devrions-nous tenir compte pour faire ce choix? Auparavant, nous considérions le nombre d’emplois gagnés ou perdus pour déterminer si l’accord était bénéfique. Dans le contexte actuel d’une chaîne de valeurs planétaire, nous n’avons pas de mécanisme qui nous permettrait de suivre le cheminement de nos produits et services, comme le soulignait le sénateur Dawson.

Les gens s’intéressent à ces questions, mais ont-ils les outils nécessaires pour comprendre toute la complexité de la circulation des services et des marchandises? Contrairement à ce qu’indiquait le sénateur Dawson, j’estime qu’il est maintenant tout aussi difficile d’évaluer l’ampleur des échanges de produits. Ainsi, une pièce d’auto peut amorcer son parcours au Canada, se retrouver au Mexique, puis au Japon avant de revenir au pays dans la voiture que vous achetez.

Sommes-nous bien conscients de toute la complexité d’un système commercial planétaire déjà pleinement intégré, et comment pouvons-nous déterminer s’il est préférable de faire partie du PTP ou si nous devrions y renoncer? Bon nombre de ces choix ne sont pas de notre ressort. Nous pouvons seulement décider si nous ratifions l’accord ou non. Qu’est-ce que cela va nous rapporter en définitive, c’est effectivement la bonne question à se poser, sénateur Smith. Nous aurions aimé pouvoir faire ceci, nous voudrions pouvoir faire cela. Il se présente différentes possibilités que nous pouvons choisir d’exploiter ou non. Sur quelles bases notre comité devrait-il se fonder pour formuler des suggestions et des recommandations quant à l’approche à adopter relativement à ces accords?

Mme Palladini: Il y a de nombreuses études, dont celle mentionnée par M. Geist, qui ont porté sur les répercussions des accords commerciaux pour le Canada. Les chercheurs comparent toujours la conjoncture mondiale actuelle à la situation hypothétique où le PTP serait ratifié avec la participation du Canada. Ce n’est toutefois pas une façon réaliste d’envisager les choses. Le PTP pourrait aller de l’avant sans que le Canada soit de la partie, et on ne sait pas vraiment si cela nous placerait en moins bonne posture, et quelle serait éventuellement l’ampleur des dégâts. Il n’y a pas eu à ma connaissance d’analyse approfondie des différentes conséquences d’un tel scénario. Ce serait pourtant la meilleure façon pour nous de savoir vraiment à quoi nous en tenir.

On pourrait par exemple examiner la situation de tous les pays qui ne jouissent pas actuellement d’un accès privilégié au marché américain, comme c’est le cas pour le Canada dans le cadre de l’ALENA. Dans quelle mesure un tel accès privilégié améliorerait-il le sort de l’Australie et du Japon, et comment pourrions-nous soutenir la concurrence de ces deux pays si jamais le PTP leur assure cet accès dans des conditions plus favorables que ce que prévoit pour nous l’ALENA? C’est le genre d’analyse comparative qu’il convient d’effectuer, et je n’ai pas l’impression que cela ait été fait d’une façon vraiment satisfaisante.

M. Geist: J’aurais une ou deux choses à ajouter. Je suis vivement préoccupé par la façon dont les négociations du PTP se sont déroulées et par la mesure dans laquelle les différentes contributions ont été prises en compte. J’ai comparu devant plusieurs comités de la Chambre des communes pour y soulever des préoccupations en m’appuyant sur des documents ayant fait l’objet d’une fuite. On m’a toujours répondu que je devais attendre qu’une entente soit conclue pour que l’on puisse en discuter. On me répond maintenant qu’il est trop tard; c’est à prendre ou à laisser. J’ai l’impression qu’il y a un gros problème quand on se fait dire durant les négociations qu’il est trop tôt pour exprimer des préoccupations et que l’on nous indique, une fois l’entente conclue, qu’il est désormais trop tard pour faire quoi que ce soit.

Quant à la façon de faire son choix dans certains cas semblables, je vous dirais d’abord qu’il vous suffit d’avoir jeté un coup d’œil aux actualités hier soir pour savoir que la ratification du PTP est loin d’être chose faite aux États-Unis. En effet, le meneur dans la course à l’investiture républicaine et, semble-t-il, les deux candidats démocrates se sont opposés vigoureusement au PTP. Ce serait même le facteur décisif au Michigan. Le PTP n’entrera pas en vigueur tant que les États-Unis n’auront pas décidé de le ratifier.

J’ai l’impression que le Canada devrait tout au moins s’assurer de ne pas bouger dans un sens ou dans l’autre tant qu’il n’est pas absolument certain que les États-Unis vont aller de l’avant. Alors que les candidats à la présidence des deux partis ont précisé qu’ils n’entendaient pas le faire, il ne serait pas logique pour nous d’apporter bon nombre des changements fondamentaux exigés par ce partenariat sans avoir même la perspective d’en tirer quelque avantage que ce soit.

Même si nous décidions de foncer, nous avons toujours eu pour pratique de ne pas nécessairement renégocier de larges pans de l’accord, mais de tabler plutôt sur des échanges de lettres en vue de clarifier et de régler certains points préoccupants. C’est la façon dont nous avons procédé par le passé. Étant donné que nos relations avec les États-Unis ne cessent de s’améliorer, comme nous avons pu le constater encore cette semaine, nous pourrions fort bien cerner les points que nous jugeons préoccupants dans l’espoir de pouvoir régler le tout au moyen de lettres d’accompagnement.

Même si nous en arrivions au point d’avoir à décider si nous souhaitons être partie prenante ou non après avoir essayé de régler ces considérations, je note que votre question portait à la fois sur l’AECG et le PTP. Ce sont pourtant des accords nettement différents. L’AECG ouvre vraiment de nouveaux marchés pour les produits canadiens. Nous n’avons rien de comparable pour l’instant avec l’Union européenne. En revanche, nous avons déjà des accords commerciaux avec environ la moitié des pays membres du PTP, notamment les États-Unis, le Mexique, le Pérou et le Chili. Nous avons conclu des accords de libre-échange avec ces pays, de même qu’avec la Corée du Sud, et nous sommes en cours de négociation avec le Japon.

Je dois dire que je ne suis pas d’accord avec ceux qui prétendent qu’en renonçant à participer au PTP, on se ferme carrément les portes de l’Asie. Je ne vois pas du tout les choses sous cet angle. De fait, à la lumière de certaines discussions au sujet d’un effort stratégique pour essayer d’engager les Chinois dans ce processus alors même que le PTP vise à bien des égards à isoler la Chine, il semblerait beaucoup plus avantageux pour le Canada de relancer ses négociations avec le Japon, d’explorer les possibilités qui se présentent du côté de l’Inde et de la Chine, et de mettre en place des accords commerciaux bilatéraux avec ces pays. Nous nous retrouverions ainsi dans une position plus avantageuse qu’en vertu du PTP à lui seul, d’autant plus que les ententes en vigueur avec une bonne partie de ces pays nous placent déjà en bonne posture.

La présidente: Il faut alors se demander si nous conservons cet avantage par rapport au marché américain dans le cas où nous ne participons pas à l’entente. Pouvons-nous améliorer la situation?

Il y a un autre aspect que l’on ne semble pas vouloir aborder. Pendant que nous nous demandons s’il faut ou non conclure des ententes commerciales, d’autres font valoir que ces ententes ne sont que l’un des outils à notre disposition. Nous devrions aussi chercher à influer sur notre productivité et les nombreux autres facteurs susceptibles d’améliorer notre capacité concurrentielle, mais nous semblons nous intéresser uniquement aux accords commerciaux comme s’il n’y avait pas d’autre façon d’améliorer les choses. Quelles autres mesures pourraient être prises par le gouvernement pour faire en sorte que nos exportateurs puissent vraiment soutenir la concurrence sur les marchés internationaux?

M. Geist: Même les partisans et les défenseurs du PTP reconnaissent que cet accord ne règle en rien les préoccupations relatives à la capacité d’innovation du Canada. Selon moi, il n’y a personne qui se berce d’illusions quant à la possibilité que le PTP soit la solution à nos principaux problèmes en matière d’innovation. Le PTP nous permettra seulement de vendre un peu plus de bœuf, de porc, de canola et de différents autres produits. C’est aussi dans le contexte de ce partenariat que nous avons dû nous engager à verser une indemnisation de 4 milliards de dollars à l’industrie laitière pour les pertes qu’elle va encourir.

Vous devriez d’ailleurs inviter les gens de l’industrie vinicole à comparaître devant vous. Il y a environ une semaine, ils ont reconnu ne pas être du tout en position de tirer avantage du PTP. Cette industrie se heurte principalement à des barrières interprovinciales. Les petits établissements vinicoles ne peuvent même pas vendre leur vin dans la province voisine, comment voulez-vous qu’ils le vendent au Vietnam? Il est bien évident que le PTP n’est pas la solution à ces différents problèmes.

La présidente: Je ne parle pas vraiment de régler les problèmes, mais ne devrions-nous pas examiner ces accords en nous demandant comment ils peuvent être un outil contribuant à améliorer la situation à l’égard de bons nombre des enjeux de portée générale qui touchent le Canada?

M. Geist: Personne ne conteste l’importance du travail de ce comité et des politiques commerciales. Je voulais surtout faire valoir qu’il y a bien des façons d’essayer de placer le Canada dans une position commerciale avantageuse, tant par rapport à plusieurs marchés existants qu’à d’autres qui pourraient devenir très intéressants, tout en reconnaissant que certains des choix qui devront être faits nous feront perdre une partie de notre liberté et de notre souveraineté dans l’établissement de nos politiques nationales.

Vous n’avez qu’à demander au chauffeur de taxi que vous réussirez à attraper s’il croit que c’est le Partenariat transpacifique qui devrait décider du sort d’Uber. Il ne saura sans doute pas au départ de quoi vous lui parlez, mais une fois les explications obtenues, il va se demander pour quelle raison une entente négociée par ces pays derrière des portes closes pourrait dicter à la Ville d’Ottawa ou à celle de Montréal la façon dont on va réglementer efficacement des services comme Uber.

La présidente: Je vais résister à la tentation de parler d’Uber et des taxis, mais ce n’est pas l’envie qui manque.

Le sénateur Downe: Vous avez parlé des comités de la Chambre des communes où l’on vous a dit que l’on pourrait discuter de ces questions une fois l’accord conclu, puis qu’il n’y a plus rien à faire maintenant que les parties se sont entendues. Je trouve vraiment déplorable que ces négociations se soient déroulées sous le sceau de la confidentialité. S’ils avaient pu compter sur la contribution des parlementaires, des groupes d’intérêt et des autres parties touchées favorablement ou non, les négociateurs auraient pu en arriver à une bien meilleure entente. Sauriez-vous par hasard si le Canada est le seul pays à fonctionner de cette manière? À titre d’exemple, je sais que les sénateurs et les membres du Congrès américain peuvent signer un serment de non-divulgation et prendre connaissance des résultats des négociations au fur et à mesure. Il est possible que vous ne puissiez pas me répondre, mais est-ce que les négociations se déroulent de façon plus ouverte dans d’autres pays ou est-ce que le Canada constitue la norme en la matière?

M. Geist: Je vous dirais en fait qu’il n’y a pas de norme. D’ailleurs une partie du problème; on nous dit que c’est la norme, alors que ce n’est pas le cas. Bon nombre de ces questions font généralement l’objet de négociations aux Nations Unies ou sur des tribunes semblables. Ces négociations ont lieu de façon ouverte avec un texte intégral entièrement accessible de telle sorte que les gens puissent discuter en profondeur de tous les aspects de l’entente. Dans le contexte des échanges commerciaux, l’accès à ces renseignements est beaucoup plus facile en Europe, comme nous avons pu le constater avec l’AECG. En toute franchise, s’il y a eu plus de fuites relativement à cet accord, c’est parce que les documents étaient plus facilement accessibles. Comme je viens de l’indiquer, les Américains signent des ententes de confidentialité avec bon nombre des parties prenantes qui ont ainsi droit à un niveau d’accès à l’information dont nous ne bénéficions habituellement pas au Canada.

Le recours à une approche de négociation derrière des portes closes est notamment problématique du fait qu’elle suscite beaucoup de scepticisme et de crainte quant à la façon dont les choses peuvent se passer, sans compter qu’elle mène à une entente moins avantageuse. Le secteur des services illustre parfaitement mon propos. Pour bon nombre des ententes commerciales conclues concernant les services, on adopte une approche sectorielle dans le but de favoriser une plus grande ouverture. On cherche par exemple la façon de permettre à un plus grand nombre d’avocats ou de médecins de pratiquer au pays. Le PTP procède un peu à l’inverse en décrétant que tous les secteurs seront ouverts et qu’il faudra ensuite cerner les exceptions applicables à chacun d’eux.

Ces négociateurs ont beau être très compétents, il leur est impossible, je vous prie de me croire, de penser à toutes les exceptions qui peuvent se révéler nécessaires dans ce contexte. Notamment en raison du choix que l’on a fait de négocier entièrement derrière des portes closes, il est presque certain que l’on va passer à côté de certains cas où il serait nettement préférable d’imposer des règles ou des restrictions.

Le sénateur Downe: Le gouvernement canadien peut bien décider de ne pas communiquer certains renseignements, mais qu’advient-il lorsqu’il les transmet aux gouvernements étrangers qui eux-mêmes les rendent publics de telle sorte que nous y avons accès par la bande? Pour vous donner un exemple, j’essayais d’obtenir des renseignements concernant le PTP. J’ai ainsi pu apprendre d’un parlementaire néo-zélandais auquel j’avais posé une question que le gouvernement canadien avait dû, pour se joindre au PTP, soumettre un document indiquant que toutes les questions liées à la gestion de l’offre allaient être mises sur la table, ce qui répondait bien évidemment aux préoccupations de la Nouvelle-Zélande. J’ai pu mettre la main sur ce document parce qu’il est du domaine public en Nouvelle-Zélande. Parallèlement à cela, il était toujours impossible de le trouver sur le site web du gouvernement du Canada, et il ne servait à rien non plus de présenter une demande d’accès à l’information. C’est pourtant un document public dans un autre pays. La façon dont ces accords sont négociés dépasse l’entendement.

M. Geist: Je suis d’accord.

La présidente: C’était une déclaration.

Le sénateur Downe: C’était une déclaration factuelle.

La présidente: Dans une autre déclaration factuelle, vous avez indiqué, monsieur Geist, que les accords commerciaux internationaux sont négociés en toute transparence. Si ma mémoire est fidèle, ce n’est pas comme ça que les choses se passent à l’Organisation mondiale du commerce. On y travaille à huis clos.

M. Geist: Je parlais de traités internationaux comme ceux de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Union internationale des télécommunications. Vous n’avez qu’à regarder ce qui se passe à l’OCDE, surtout pour les ententes régissant les enjeux qui m’intéressent généralement, soit la propriété intellectuelle, les brevets, les droits d’auteur, les télécommunications et la protection de la vie privée. La plupart de ces négociations se déroulent publiquement. Ainsi, le plus récent accord d’importance conclu par le Canada au sujet des droits d’auteur est le Traité de Marrakech, pas encore ratifié, qui fait en sorte que les aveugles et les malvoyants ont plus facilement accès à des livres. Si vous essayez de voir comment le tout a été négocié, vous constaterez que tout le monde avait pleinement accès au texte de l’entente. Peu importe l’endroit où vous vous trouviez, vous pouviez consulter le texte en ligne et voir les efforts déployés pour mener à bien ces négociations. Cela n’a pas rendu plus difficile la conclusion de ce traité, bien au contraire.

La présidente: Madame Palladini, votre exposé a été clair et direct. Je crois que nous avons bien saisi toute l’importance que vous accordez au secteur des services.

Merci, monsieur Geist, de nous avoir fait profiter d’une perspective différente. Nous nous efforçons en effet de prendre en considération autant de points de vue que possible pour pouvoir mieux déterminer comment nous allons procéder pour étudier les différentes ententes commerciales. Merci d’avoir contribué à parfaire nos connaissances en témoignant devant nous et merci encore de votre patience.

(La séance est levée.)


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