LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 24 mars 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour étudier les relations étrangères et le commerce international en général (sujet: les accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux: perspectives pour le Canada.)
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente: Chers collègues, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est autorisé à étudier les questions susceptibles de survenir relativement aux relations étrangères et au commerce international en général. Dans le cadre de ce mandat, le comité entendra aujourd’hui des témoignages sur les perspectives pour le Canada liées aux accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux.
À ce jour, le comité a tenu plusieurs séances sur ces questions et il a entendu le témoignage d’universitaires, d’experts et de représentants du gouvernement. Le comité est heureux de poursuivre cette étude et d’avoir l’occasion d’entendre les témoignages de deux spécialistes des accords commerciaux et de la propriété intellectuelle internationale.
Au nom du comité, permettez-moi d’accueillir, en personne, M. Bernard Colas, qui est avocat et associé à la société Colas Moreira Kazandjian Zikovsky LLP. Par vidéoconférence, nous accueillons M. Jim Balsillie, l’ancien président et PDG de Research In Motion, ou RIM.
Les membres du comité ont reçu les notes biographiques au sujet des témoins. Je n’en ferai donc pas la lecture; cela nous donnera du temps pour les questions. Je pense que le comité a déjà procédé ainsi.
Il est d’usage de commencer par les exposés, puis de passer aux questions des sénateurs.
Monsieur Balsillie, je crois savoir que vous deviez être présent en personne, mais que le mauvais temps vous en a empêché. Nous entendrons donc votre témoignage par vidéoconférence. Je suppose que vous nous entendez bien.
Nous commençons par M. Colas.
[Français]
Bernard Colas, avocat et associé, Colas Moreira Kazandjian Zikovsky LLP (CMKZ), à titre personnel: Je vous remercie, madame la présidente, de l'honneur que vous me faites en m’invitant à participer en tant que témoin à votre comité. Mon intervention sera courte, en français, et portera sur deux points.
Le premier élément est de souligner qu’il est temps pour le Canada de se réinvestir au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Le deuxième point est l’importance de répondre aux grands enjeux et de nous assurer que la politique commerciale ne va pas contredire, mais bien accompagner ces grands enjeux et y répondre.
En effet, il est temps que le Canada renouvelle sa contribution au développement de l'OMC. On le constate, le Canada a la compétence, l'expertise, et le talent, ainsi que la crédibilité pour y arriver, et cela ne peut être qu’à son avantage à long terme.
Vous savez, ces récentes années, il y a eu une multiplication des accords de libre-échange et bilatéraux tout particulièrement. Cette multiplication des accords nuit à la crédibilité et à la pertinence de l'OMC, ainsi qu’à son système de règlement des différends, malgré le fait que celui-ci soit encore très utilisé et même utilisé davantage que celui des accords bilatéraux.
De plus, on se rend compte qu'il est difficilement possible de résoudre certaines questions, comme celles des subventions agricoles et du développement des pays moins avancés, autrement que sur le plan multilatéral.
Je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas accorder une place aux accords bilatéraux, parce qu’ils ont tout de même un rôle à jouer. Ils sont utiles, particulièrement pour donner un accès privilégié à nos entreprises et pour diversifier nos marchés. Vous savez, les dispositions les plus utilisées par les entreprises que je sers portent surtout sur l'élimination des droits de douane, la reconnaissance mutuelle, la libéralisation des services, les marchés publics et la circulation des gens d'affaires. Voilà les dispositions auxquelles les entreprises ont recours le plus souvent lorsqu’elles prennent appui sur les accords bilatéraux ou régionaux.
On remarque également, au sein de ces accords de nouvelle génération, des dispositions que l'on retrouve dans le Partenariat transpacifique ou dans l'accord conclu avec l'Europe qui pourraient très bien se retrouver parmi les dispositions de l'OMC. La propriété intellectuelle en est un bon exemple d’ailleurs.
Pour aborder le deuxième point, après la nécessité de réinvestir dans l'OMC, je crois qu'il est utile de rappeler que notre monde fait face à des défis importants auxquels il est urgent de répondre. Ces défis comprennent notamment la réduction des gaz à effet de serre, la réduction de la pauvreté et le développement durable. Vous remarquerez que ces défis sont très différents de ceux qui étaient à l'origine de l'OMC et des accords commerciaux. À l’époque, le défi du GATT était surtout de combattre le protectionnisme qui avait été responsable des deux guerres mondiales.
Pour répondre à ces défis que j'ai énumérés brièvement — car il y en a d'autres —, le Canada aurait avantage à définir des politiques claires qui répondent à ces enjeux et à s'assurer que la politique commerciale soit cohérente ou même subordonnée à l’atteinte de ces objectifs. On constate, avec le nouveau budget, que le gouvernement canadien semble déployer des efforts pour réduire les gaz à effet de serre et favoriser une économie verte. Dans ce contexte, il devra veiller à ce que ses efforts ne soient pas limités par sa politique commerciale.
Mon dernier point, toujours pour maintenir la cohérence, porte sur la nécessité de réaliser des études d'impact économique, environnemental et social qui soient crédibles et de s'engager dans un processus transparent qui permette de discuter ouvertement de ces enjeux avant et pendant les négociations. Je vous donne un dernier exemple. Le Canada peut prendre modèle, notamment, sur l'Union européenne qui mène des études d’impact sur le développement durable qui sont indépendantes et fouillées. Or, l'Union européenne ainsi que les États-Unis donnent un autre exemple que le Canada pourrait suivre: ils ont constitué des comités consultatifs officiels qui interviennent avant et pendant leurs négociations commerciales internationales.
Je vous remercie de m’avoir écouté et je demeure à votre disposition pour répondre à des questions peut-être plus précises sur des sujets comme le commerce international et la propriété intellectuelle.
[Traduction]
La présidente: Nous passons maintenant à M. Balsillie. Bienvenue au comité.
Jim Balsillie, ancien président et co-chef de la direction de Research In Motion (RIM), à titre personnel: Madame la présidente, distingués membres du Sénat, merci de m’avoir invité à vous rencontrer et à vous présenter mes observations sur la propriété intellectuelle et le Partenariat transpacifique. Le PTP n’est pas un accord de libre-échange conventionnel. Il s’agit plutôt, comme le président Obama l’a indiqué, d’un nouveau partenariat dans le cadre duquel « Les États-Unis ont défini les règles de l’économie du savoir du XXIe siècle. »
La raison pour laquelle M. Obama parle du PTP comme d’un ensemble de règles, c’est qu’au cours des 40 dernières années, la structure de l’économie mondiale a changé: la création de la richesse découle désormais de la création et de l’exportation de biens immatériels, notamment la propriété intellectuelle, plutôt que de la fabrication et de l’exportation de biens tangibles.
En 1975, les biens immatériels représentaient le sixième de la valeur des sociétés évaluées selon l’indice S&P 500, contre cinq sixièmes en 2015.
Après la Seconde Guerre mondiale, le commerce des biens immatériels a connu un essor considérable en raison de la baisse systématique des obstacles tarifaires à l’échelle mondiale, ce qui a favorisé la prospérité de l’économie. Dans ce système, les États membres convenaient de réduire les droits pour un secteur ou pour un type de marchandise. La propriété de ces biens posait rarement problème. Une voiture fabriquée en Ontario ou le pétrole produit en Alberta sont, sans équivoque, propriété canadienne. Un acheteur étranger qui voulait importer un produit dans son pays pour pouvoir l’utiliser là-bas devait payer le propriétaire canadien.
Toutefois, contrairement au commerce conventionnel, l’économie des biens immatériels est régie par des règles et des restrictions sur les titres de propriété intellectuelle. L’économie des biens immatériels est le contraire du libre-échange. Elle est fondée sur des règles et des restrictions qui ont pour effet d’accorder un monopole temporaire aux détenteurs des titres de propriété intellectuelle de grande valeur. Ces règles déterminent qui est autorisé à utiliser ces connaissances ainsi que les modalités de cette utilisation.
Un exemple concret est le secteur dans lequel j’ai fait carrière. Aujourd’hui, les téléphones intelligents sont fabriqués avec des biens tangibles, mais les profits qui en découlent sont insignifiants comparativement aux droits de propriété intellectuelle associés aux brevets. En guise de contexte, plus d’un million de revendications de brevets sont associées aux principaux téléphones intelligents d’aujourd’hui.
Dans la chaîne d’approvisionnement, ceux qui récoltent les profits marginaux les plus élevés sont, de loin, les détenteurs des principaux brevets.
Lorsqu’un pays ratifie un accord bilatéral ou multilatéral qui régit la propriété intellectuelle, il s’engage à appliquer ces règles dans son marché intérieur. Il s’agit d’engagements très différents de ceux qui ont été pris dans le cadre d’accords commerciaux conventionnels antérieurs, car de tels accords définissent désormais nos engagements à l’égard d’autres pays et la façon dont sera régie l’économie canadienne.
Le PTP, c’est essentiellement une série de nouvelles règles pour la protection des biens immatériels. Par conséquent, le PTP est avantageux pour les importants détenteurs actuels des titres de propriété intellectuelle parce qu’il élargit la portée, la durée, l’administration et l’application de ce qu’ils considèrent comme leur propriété dans d’autres pays.
Les États-Unis et le Japon sont d’importants exportateurs de propriété intellectuelle. Cette propriété intellectuelle contribue pour 3 500 milliards de dollars annuellement à l’économie américaine. Malheureusement, le Canada n’est pas un important exportateur de propriété intellectuelle, mais il en importe une quantité disproportionnée.
Le Canada détient et exporte très peu de titres de propriété intellectuelle, parce qu’il n’a jamais eu de stratégie nationale en matière d’innovation. Le Canada n’a jamais mis en place les capacités nécessaires pour évoluer dans l’économie mondiale du XXIe siècle, dans laquelle la richesse découle de la commercialisation de la propriété intellectuelle.
Nous n’aurions pas à nous en préoccuper outre mesure si le PTP était un simple accord de libre-échange digne du XXe siècle qui viserait à réduire les droits sur la plupart des produits que le Canada cherche à vendre, mais le PTP n’a rien à voir avec la bonification des avantages du libre-échange conventionnel. En fait, les études de modélisation les plus récentes au sujet du PTP démontrent que l’accord n’entraînerait que des résultats négligeables sur le plan du libre-échange conventionnel.
Des études crédibles démontrent que:
[...] le PTP entraînera une augmentation d’environ 1,5 %, ou 40 milliards de dollars américains, des échanges commerciaux entre les pays membres du PTP [...] ce qui se traduirait, pour les parties, par une augmentation d’environ 0,074 % du PIB réel, et par des retombées économiques combinées d’environ 29 milliards de dollars américains.
Pourquoi les États-Unis et le Japon consacrent-ils autant d’efforts à la ratification du PTP si on ne prévoit qu’une faible augmentation du PIB, en pourcentage, sur une longue période?
Comme l’a souligné M. Paul Krugman, prix Nobel d’économie et spécialiste du commerce, la plupart des biens tangibles sont déjà exempts de droits. Il en va de même pour les biens immatériels. En effet, 97 p. 100 du commerce mondial des produits des technologies de l’information se fait déjà en franchise de droits, aux termes de l’Accord sur les technologies de l’information de l’OMC.
Donc, sur quoi porte le PTP, s’il n’est pas lié au libre-échange? Le PTP vise à accroître la « liberté d’action » des chefs de file de l’économie de l’innovation et à imposer des restrictions à cet égard aux autres.
Même si on considère souvent qu’il s’agit d’une question d’ordre juridique qui ne concerne que les avocats, la liberté d’action est, pour les entreprises de l’économie du savoir, un facteur fondamental de gestion stratégique et de gestion du risque. Les entreprises de pointe de ce secteur utilisent des stratégies de liberté d’action du lancement de leurs activités de R-D jusqu’aux cycles de commercialisation et de distribution.
À titre de PDG d’une entreprise canadienne du secteur de la technologie qui a émergé d’une idée pour atteindre une valeur de 20 milliards de dollars, ma principale préoccupation pendant deux décennies était d’accroître notre liberté d’action et de restreindre celle de nos concurrents.
Toute entreprise canadienne du secteur du savoir qui vend de la propriété intellectuelle et qui prend de l’ampleur à l’échelle mondiale est régie par des règles sur la liberté d’action. Ces règles sont en constante évolution; elles sont créées et modifiées par des pays de pointe du secteur de l’innovation et visent à favoriser la prospérité de l’économie intérieure de ces pays.
Pour le Canada, le PTP ne serait pas une si mauvaise idée si le pays avait une stratégie en matière d’innovation visant à accroître notre capacité de commercialiser des idées et de prospérer dans le cadre du PTP et d’éventuels accords semblables. Il faut savoir que le Canada s’est lancé dans les négociations du PTP sans avoir consulté un seul innovateur canadien et sans une quelconque stratégie par rapport à l’aspect fondamental de l’économie de l’innovation qu’on appelle la « liberté d’action ».
Actuellement, au Canada, on ne retrouve aucun élément d’une stratégie efficace en matière de liberté d’action. Nous n’avons pas de bibliothèques de documents portant sur des techniques antérieures, de communautés de brevets indépendantes, d’expertise en matière de négociations bilatérales et multilatérales, de stratégies judiciaires à l’échelle provinciale, fédérale ou mondiale, de stratégies avancées en matière de normes ou de réglementation ni de cadres de collaboration visant à favoriser la commercialisation des idées canadiennes à l’échelle mondiale.
Si le Canada veut mettre en place des capacités adaptées à l’économie mondiale du XXIe siècle, il aura besoin de toutes ces capacités évoluées. Il s’agit d’infrastructures essentielles pour l’économie de l’innovation et nous devons de toute urgence les inclure dans notre stratégie en matière d’innovation.
Le PTP est un accord qui renforce et élargit davantage la liberté d’action des importants détenteurs de propriété intellectuelle, et ce, au détriment des innovateurs de moindre importance. Voilà pourquoi les États-Unis et le Japon — deux économies dotées de stratégies avancées en matière de liberté d’action et dans lesquelles on trouve beaucoup de détenteurs de droits de propriété intellectuelle — consacrent tant d’efforts à la ratification du PTP. L’accord favorisera leur prospérité nationale en leur permettant de percevoir des rentes économiques accrues liées à la PI d’autres pays signataires du PTP, comme le Canada.
Même nos industries traditionnelles seront soumises à des pressions accrues, car les droits de propriété intellectuelle constituent une devise pour tous les innovateurs, dans tous les marchés. La prospérité future des secteurs de l’énergie, de l’exploitation minière et de l’agriculture est déjà de plus en plus tributaire de l’innovation et la gestion de la propriété intellectuelle, et ces forces ne feront qu’augmenter au fil du temps.
La meilleure façon pour le Canada de déterminer si le PTP favorise sa prospérité future est de laisser la population canadienne prendre connaissance des coûts totaux du PTP, en portant une attention particulière aux importations des produits de PI à marges élevées. Nous devons être en mesure de comparer ces importations aux exportations accrues potentielles de nos biens traditionnels à faible marge.
Il serait imprudent de ratifier un accord sans savoir s’il sera réellement avantageux pour l’économie canadienne. Merci.
La présidente: Merci, monsieur Balsillie. Nous passons maintenant aux séries de questions.
La sénatrice Johnson: Bonjour et merci, messieurs. C’est un plaisir de vous voir aujourd’hui.
Dans l’édition de ce matin du Globe and Mail, Blayne Haggart a écrit ce qui suit:
Les économistes craignent de plus en plus que ces accords — que nous ne comprenons pas pleinement — renforcent des régimes de propriété intellectuelle qui freinent l’innovation. C’est ce qu’affirme le lauréat du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, l’un des pionniers de l’économie de l’innovation. Milton Friedman, qui se situe au pôle idéologique opposé, s’est prononcé contre le prolongement de la durée du droit d’auteur, ce qui est prévu dans le PTP.
Que pouvons-nous faire pour régler la question du déficit du savoir et celle des répercussions sur la PI qu’évoque Blayne dans son article paru en regard de la page éditoriale? Quel est le rôle du gouvernement du Canada? Proposez-vous que nous demandions une révision du chapitre du PTP sur la propriété intellectuelle?
M. Colas: Merci beaucoup de la question. Je pense que c’est très intéressant.
Il est très difficile de répondre simplement par oui ou par non. Le chapitre sur la propriété intellectuelle compte 75 pages. De nombreuses dispositions du PTP à cet égard renvoient à d’autres traités. Cela touche à divers accords à l’échelle mondiale. Selon les modalités du PTP, on convient de respecter l’OMC, de respecter l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, et cetera. On renforce ce qui existe déjà.
Le deuxième aspect, c’est que certains éléments constituent un prolongement de la protection. Vous devez donc peut-être vous concentrer uniquement sur le prolongement de la protection. Je sais que l’Union européenne a depuis longtemps l’habitude de prolonger la durée de protection pour les produits pharmaceutiques. Parfois, le processus de commercialisation d’un médicament est si long que le détenteur de la PI associée à ce médicament finit par se dire qu’étant donné qu’il a beaucoup investi — notamment pour accéder au marché et mener des études —, avant d’avoir l’autorisation de Santé Canada ou de la FDA, il doit obtenir une protection prolongée pour rentabiliser son investissement. C’est la raison d’être de ce prolongement. Parfois, cela peut être justifié, parfois non.
De nombreux pays ont essayé de conclure une entente par rapport à un autre élément; ils ont signé un accord relatif à la contrefaçon. Cependant, comme le Parlement européen a refusé de ratifier l’accord, l’initiative a été abandonnée. Or, dans le cadre du PTP, les États-Unis ont essayé de rétablir certaines des dispositions qui visaient à renforcer les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce relatives à la propriété intellectuelle.
Par conséquent, tous les pays sont maintenant tenus d’avoir des lois pénales et d’autres mécanismes d’application qui permettent, en cas de divulgation de secrets commerciaux, de réclamer des dommages-intérêts et d’avoir recours au système de justice pénale. Il y a également des sanctions pour les cas de contrefaçon de biens.
Enfin, cet accord comprend une bonne suggestion pour le Canada, soit que le Canada ratifie le Protocole de Madrid. À ce sujet, deux clients m’ont demandé la semaine dernière s’ils pouvaient enregistrer leur marque de commerce à l’échelle mondiale. Je leur ai dit que c’était possible, mais au coût de 1 500 $ par pays. Si le Canada avait ratifié le protocole comme il l’avait promis il y a longtemps — ce que les États-Unis ont déjà fait —, cette entreprise n’aurait eu qu’à payer environ 200 $ par pays pour l’enregistrement des marques de commerce à l’échelle mondiale.
Comme M. Balsillie l’a indiqué, nous entrons dans un monde sans donner à nos entreprises les outils nécessaires, et si nous le faisions, nous pourrions parfois tirer parti de ces accords.
M. Balsillie: Je vous remercie de la question. Oui, nous devrions réviser le chapitre du PTP sur la propriété intellectuelle. Ce chapitre se trouve à renforcer la position déjà avantageuse des importants détenteurs de PI. Les dispositions de RDIE sont particulièrement préoccupantes. Pour la toute première fois, une disposition de RDIE traite de la propriété intellectuelle. Selon les modalités des dispositions de RDIE contenues dans le PTP — qui suscitent des préoccupations en Europe —, les comités d’examen doivent être tenus dans le pays de la société demanderesse. Les décisions sur ces questions seront donc prises dans un pays étranger et non plus devant les tribunaux canadiens ni au Canada. C’est dans ce secteur qu’on trouve les cinq sixièmes de l’argent. Je suis donc très préoccupé par la structure de cet accord, par le fait que la PI fait l’objet d’un volumineux chapitre de 85 pages, mais aussi par le fait que le sujet est aussi abordé dans beaucoup d’autres chapitres du PTP, notamment les chapitres sur la transparence, l’harmonisation et le règlement des différends entre investisseurs et États. Il s’agit sans aucun doute de l’aspect économique dominant de cet accord.
La deuxième partie de votre question portait sur le rôle du gouvernement. Je dirais que le rôle du gouvernement est d’être le centre d’influence d’un système d’innovation. J’ai fait des affaires dans 135 pays du monde sur une période de 20 ans. J’ai donc pu constater que les économies qui connaissent du succès sur le plan de l’innovation évoluent dans un écosystème complet et avancé en matière d’innovation, lequel a été créé par le gouvernement en partenariat avec les innovateurs. L’économie canadienne en est totalement dépourvue. Nous n’avons pas besoin d’une stratégie en matière d’innovation; nous avons plutôt besoin d’une stratégie qui tient compte de l’absence d’une stratégie canadienne en matière d’innovation pendant 40 ans et du grave retard qui en découle.
Nos décideurs ont confondu « stratégie en matière de science et de technologie » et « stratégie en matière d’innovation », qui sont deux choses très différentes. Donc oui, le gouvernement doit élaborer une stratégie, en partenariat avec les innovateurs canadiens. La stratégie doit viser à rattraper ce retard et à comprendre que les accords multilatéraux et bilatéraux que nous ratifions constituent pour ainsi dire un élément central de l’infrastructure dans laquelle nous demandons à nos innovateurs d’évoluer.
La sénatrice Johnson: Il est plutôt intéressant, n’est-ce pas, de savoir que nous n’avons pas de stratégie depuis 40 ans. Que doit-on faire, maintenant? Vous avez indiqué que la liberté d’action est le principe fondamental de l’économie du savoir. Pourriez-vous nous parler davantage de la liberté d’action dans le domaine de la propriété intellectuelle? Aimeriez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?
M. Balsillie: Non. Je pense qu’il est regrettable que nous ayons confondu la stratégie des sciences et de la technologie avec la stratégie d’innovation, car le domaine des sciences et de la technologie a d’excellentes idées. La liberté d’action est au cœur de la commercialisation de ces idées. Ainsi, lorsque nous déplorons notre capacité à mettre en marché les idées, ceux qui ne comprennent pas le principe de la liberté d’action ont recours à des mythes non fondés, à savoir que les Canadiens sont peu enclins à prendre des risques et qu’ils ne sont pas ouverts. Au contraire, tous les faits et les études révèlent que nous sommes dotés d’un excellent esprit d’entrepreneuriat, et que nous sommes très ouverts et bien prêts à prendre des risques, mais nous lâchons nos gens dans l’arène avec une main attachée derrière le dos. Il y a un fossé énorme dans la scène politique publique canadienne, et les dirigeants devront fournir beaucoup d’explications aux contribuables au sein de l’économie de l’innovation.
La sénatrice Johnson: Dans un pays comme le nôtre, comment est-il possible de confondre les sciences et la technologie avec l’innovation? Comment est-ce arrivé?
M. Balsillie: C’est une question à laquelle la scène politique devra répondre.
La sénatrice Johnson: La situation a été très difficile pour vous.
M. Balsillie: Je trouve la faute inexcusable, et nos façons de faire n’ont rien à voir avec celles des économies de l’innovation qui se portent bien dans le monde. Voilà pourquoi on nous a constamment bernés dans ces ententes, et pourquoi notre production n’augmente jamais. Statistique Canada nous indique que la croissance de l’innovation est nulle au Canada depuis 32 ans, et tout le monde hausse les épaules en se disant que ce doit être attribuable à notre génétique et en donnant des prétextes culturels. Non, c’est plutôt notre infrastructure incomplète qui est en cause. Il y a eu une confusion catastrophique de la stratégie des sciences et de la technologie avec la stratégie d’innovation, et en plus, la liberté d’action est un nouveau concept qui vous a été présenté en mars 2016, alors qu’il était au cœur de ce que j’ai fait pendant 20 ans. C’était l’épicentre de mon dialogue avec les gouvernements du monde dans le cadre de la commercialisation du BlackBerry. Je pense que la scène politique canadienne a bien des comptes à rendre à ce chapitre.
La sénatrice Johnson: Quel pays est le meilleur à cet égard, monsieur Balsillie?
M. Balsillie: J’ai beaucoup de respect pour la méthode de l’Allemagne, qui est unique en son genre. Vous remarquerez que le PDG de Facebook a entrepris une opération de charme et qu’il passe quatre jours en Allemagne à discuter de sa liberté d’action, justement, avec les organismes de réglementation. Je trouve que les Japonais et les Coréens ont des pratiques très poussées, et je peux vous décrire en détail leur façon de faire dans les domaines que j’ai évoqués dans mon exposé. Les États-Unis sont évidemment les meilleurs. Israël s’est doté de stratégies fort astucieuses et uniques en matière de liberté d’action, tout comme la Suède. Voilà donc les pays pour lesquels j’éprouve le plus de respect, après 20 années de relations commerciales avec eux.
La sénatrice Johnson: Je vous remercie infiniment tous les deux.
La présidente: Monsieur Colas, aviez-vous quelque chose à ajouter?
M. Colas: Nous devons faire la même chose: adopter une politique puis en évaluer véritablement les répercussions. Vous constaterez ceci à la lecture des études de l’incidence réalisées au Canada — prenons l’exemple des études environnementales: nous disons que le libre-échange peut avoir une incidence sur l’environnement, mais que ce ne devrait pas être le cas étant donné que nous avons de bonnes lois. Les conséquences seront donc atténuées. Si vous lisez l’évaluation de l’incidence que l’Union européenne a réalisée sur l’Accord de libre-échange entre le Canada et l’Association européenne de libre-échange, vous y apprendrez que l’entente causera des problèmes dans le secteur des transports. L’UE indique donc le problème sans vraiment essayer de le camoufler.
Si vous voulez une politique en matière d’innovation, vous devez adopter la mesure, après quoi vous déterminerez quels textes législatifs permettent de l’appliquer et d’en analyser les répercussions. Il ne faut pas avoir peur des mauvaises nouvelles lorsqu’une évaluation de l’incidence est commandée. Or, le Canada est parfois craintif lorsqu’il demande une telle étude parce qu’il souhaite convaincre la population du bien-fondé de l’accord et obtenir l’appui des électeurs. Il est toutefois logique sur le plan politique de parler de l’avenir et de savoir ce que nous signons avant de le faire.
[Français]
Le sénateur Rivard: Ma question s'adresse à Me Colas, mais M. Balsillie pourra répondre également.
Dans votre présentation, vous avez soulevé le point selon lequel nous sommes de plus en plus conscients de la protection de l'environnement tout en travaillant sur des projets économiques. L’un des projets très importants pour l'ensemble du Canada, ou, du moins, pour le centre du Canada jusqu'à l'Atlantique, est le projet Oléoduc Énergie Est de TransCanada. Nous savons que le gouvernement fédéral a donné le feu vert. Le projet est bloqué en ce moment au Québec, parce que le gouvernement a maintenant décidé qu’il doit passer par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). Donc, pour le Québec, la réponse peut être oui ou non, on espère le savoir un jour.
Devrait-on imaginer un seul organisme, ou jugez-vous qu’il serait sain que le gouvernement fédéral se prononce et que chacune des provinces se prononce à l’aide de normes qui ne seraient pas différentes? Pour revenir aux accords de libre-échange, est-ce de nature à nuire aux projets s'il faut toujours passer par le gouvernement fédéral et ajouter un autre tribunal administratif pour évaluer le projet?
M. Colas: Je ne suis pas spécialiste du droit constitutionnel. Dans le fond, la question que vous soulevez touche l'organisation de la Confédération. Dans une logique commerciale, la vieille théorie de Ricardo prévaut, soit l'avantage comparatif. Si vous offrez un produit qui est moins cher, vous gagnerez plus de clients. Si vous avez un système qui permet de transporter du pétrole rapidement et efficacement, vous pourrez vendre votre pétrole moins cher et gagner des marchés. Cependant, dans notre monde, nous devons également tenir compte d’autres facteurs, comme le facteur environnemental. C’est là que la politique doit jouer un rôle d’arbitrage, à savoir si nous devons optimiser notre production pour vendre, ou comprendre que, si nous optimisons trop, nous risquons de porter atteinte à l'environnement. On revient donc à la question de déterminer quelle est la politique fondamentale du gouvernement. Envoie-t-on le message selon lequel on veut développer de façon durable ou plutôt commercer sans tenir compte d'autres facteurs, comme l’environnement?
Aujourd’hui, on peut se poser la question à savoir quelles sont les valeurs que le Canada veut défendre et quels sont les moyens qu’il doit mettre en œuvre pour arriver à ses fins.
Le sénateur Rivard: Monsieur Balsillie, voulez-vous ajouter un commentaire?
[Traduction]
M. Balsillie: J’ai simplement une brève observation: l’expression « changements climatiques » ne figure dans aucune des 6 000 pages du partenariat transpacifique, ou PTP, qui comptent je ne sais combien de millions de mots. Cette entente façonnera la façon dont nous soutiendrons notre économie dans un monde qui tient compte de l’environnement, mais elle demeure pourtant étrangement silencieuse sur la question des changements climatiques. Si vous estimez que les changements climatiques sont au cœur de nos valeurs et de nos politiques, je trouve pour le moins incongru qu’il n’en soit nullement question dans l’accord.
[Français]
Le sénateur Rivard: Madame la présidente, je voulais vous demander, lorsque nos collègues auront posé les questions qu’ils jugent à propos…
[Traduction]
La présidente: Vous pourrez intervenir au deuxième tour sans problème.
J’aimerais simplement revenir sur une question. Monsieur Balsillie, les accords commerciaux d’autrefois étaient traditionnels et plutôt simples. C’étaient des accords commerciaux sans artifices et habituellement axés sur les marchandises. C’est du moins ce avec quoi j’ai grandi. Nous avons ensuite élargi leur portée encore et encore. Rappelez-vous que c’est dans l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, ou ALE, et dans l’Accord de libre-échange nord-américain, ou ALENA, que nous avons abordé pour la première fois des questions relatives au travail et au climat, entre autres. Il était généralement admis qu’à la conclusion d’un accord commercial, nous pouvons y intégrer d’autres accords secondaires, ce qui permet de s’attaquer d’une manière différente aux questions relatives au climat ou au travail. Je pense qu’il reste à déterminer à quel point un accord commercial peut être sans artifices, ou à quel point il englobe désormais bien plus de mesures.
Vous dites que nous n’avons aucune véritable stratégie nationale en matière d’innovation depuis 40 ans. Vous avez aussi formulé des remarques générales sur le PTP et sur l’absence de politique. Avez-vous trouvé ce qui fait défaut? Le problème réside-t-il dans les milieux gouvernementaux? Est-il attribuable à la fonction publique, qui ne s’intéresse pas à ce genre d’élaboration de politique et qui conseille le gouvernement en place? La responsabilité incombe-t-elle aux universités et aux groupes de réflexion? Est-ce parce que nous avons incité notre société et nos gouvernements à chercher les réponses différemment, en raison des communications instantanées auxquelles vous avez d’ailleurs contribué? Pour les groupes d’intérêts et d’autres, il est désormais très facile d’intervenir rapidement et de créer stratégiquement une situation à laquelle le gouvernement doit réagir, plutôt que de laisser les décideurs avoir recours au processus décisionnel raisonnable qui était toujours axé sur l’avenir dans le bon vieux temps. Autrement dit, la vitesse a changé la donne. Où la politique fait-elle défaut de nos jours?
M. Balsillie: La question est fort importante, selon moi. Je pense que les lignes qui séparent nos établissements postsecondaires, la classe politique, la fonction publique et les groupes de réflexion ne sont pas très nettes. Ces groupes échangent beaucoup, de sorte qu’on peut difficilement tracer une ligne ferme. Je pense que vous posez une question tout à fait légitime à ce sujet.
Je trouve que le dogmatisme qui prévaut au pays ne concorde pas avec la façon dont le monde a évolué. La façon de voir le libre-échange non interventionniste et l’ouverture des frontières au sein de l’économie traditionnelle… Les économies de l’innovation ont des infrastructures sophistiquées qui sont très différentes. La sphère politique a fermé les yeux sur ce changement, comme en témoignent le genre de politiques qui ont été adoptées ces 40 dernières années, de même que l’absence de stratégie.
Les chiffres sur la production ne mentent tout simplement pas. Au pays, des centaines de milliards de dollars ont été investis dans l’innovation ou dans les sciences et la technologie pendant des décennies, ce qui ne s’est toutefois traduit par aucune croissance de la production. C’est inexplicable, à moins qu’il n’y ait des lacunes fondamentales.
Je crois qu’il faut examiner attentivement l’origine du problème. Je ne fais que partager mon expérience au comité, moi qui ai transformé une idée en une entreprise de 20 milliards de dollars faisant affaire avec 135 pays à partir du Canada, et moi qui ai dû mettre en place et employer une infrastructure de commercialisation hors du pays puisqu’il n’y avait rien de tel au Canada. Je crois donc que nous devons examiner de très près ce dogmatisme et son origine dans le cadre de l’élaboration des politiques.
J’ai constaté pas mal de rapports très actifs entre les groupes de réflexion, les associations commerciales, les fonctionnaires et les politiciens. En ce qui a trait à ce dogmatisme, tous les intervenants semblent former une bande, et il est loin d’être facile de les convaincre que cette façon de penser peut présenter des lacunes, puisqu’ils s’y sont investis.
Il y a des gens très brillants au pays qui en ont long à dire sur là-dessus. Il a été mentionné, en réponse à une question précédente, que des décideurs et des chercheurs tentent de se faire entendre depuis longtemps à ce sujet. Je pense qu’on commence à les écouter. Pour commencer à remettre ce dogmatisme en question, il serait fort utile d’obtenir l’aide de personnes comme Blayne Haggart, Dan Ciuriack, David Wolfe et Danny Breznitz, de même que de gens qui semblent s’exprimer beaucoup dernièrement, comme Richard Gold et Michael Geist, qui présentent un point de vue différent. Il faut aussi laisser ceux qui s’accrochent au dogmatisme traditionnel expliquer leur point de vue, sans toutefois les laisser rejeter généralement l’idée sous prétexte qu’elle est évolutionnaire, qu’elle n’est pas si importante, qu’il ne s’agit que d’un chapitre, ou que les gens ont un problème. Je pense que ces gens doivent défendre et formuler leur point de vue comme il se doit, sans se contenter de rejeter allègrement ceux qui ne sont pas absolument d’accord avec eux. Je doute que ce soit juste, surtout si l’on tient compte de notre production et de l’écart entre le reste du monde et ce que nous avons fait au Canada.
La présidente: Si j’ai bien compris, c’est différent de notre nouveau regard sur les chaînes de valeur mondiales; il s’agit du moins d’un chaînon manquant.
M. Balsillie: En ce qui concerne votre représentation de la valeur, j’ai tenté d’expliquer la façon de participer à la chaîne de valeur dans mon exposé. Je pense qu’il est vraiment question ici de la façon de s’emparer de l’argent au sein d’une chaîne de valeur. Le problème lorsqu’il s’agit de biens intangibles, c’est qu’un intervenant peut s’emparer de 99 p. 100 de la valeur en ne faisant que 1 p. 100 du travail traditionnel au sein d’une chaîne de valeur. Les chaînes de valeur ont été chamboulées, et le PTP vise à les restructurer au sein d’une économie fondée sur les idées. Si vous ne savez pas comment être chevronné dans ce contexte, vous pourriez finir par faire tout le travail sans toucher le moindre sou.
Le milieu du téléphone intelligent dans lequel j’évoluais illustre parfaitement ce phénomène. Un iPhone est formé de 400 composantes, mais les fournisseurs obtiennent 60 $ de la valeur du produit, y compris pour les parties tangibles. Il n’y a pas que votre position au sein de la chaîne de valeur qui compte, mais aussi la façon dont vous vous emparez des bénéfices marginaux dans ces chaînes. Voilà qui se rapporte pleinement à la liberté d’action.
Je vous invite à comprendre ce principe, puis à l’intégrer à une stratégie d’innovation et à l’incorporer pleinement à nos accords commerciaux, car d’après mon interprétation, le PTP aura de lourdes conséquences économiques qui procureront des avantages relatifs à la liberté d’action aux grands titulaires de propriété intellectuelle, à savoir le Japon et les États-Unis. Ce sont eux qui vont s’enrichir puisque c’est dans leur intérêt.
La présidente: Monsieur Colas, vous avez avancé des arguments convaincants sur l’Organisation mondiale du commerce, ou OMC, et sur le fait que celle-ci serait davantage mise à contribution. Je pense que le monde a déjà essayé de le faire. Après les cycles de négociation de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou GATT, entre autres, il était permis d’espérer que l’OMC s’imposerait, mais il est très difficile de conclure une entente entre tous les pays du monde, en raison des différences. Les choses n’ont donc pas avancé très rapidement. Même notre comité s’est demandé où ce pourrait être fait si ce n’est pas au sein de l’OMC. Il est donc question d’accords bilatéraux et régionaux.
Dans le cas du PTP, c’est selon moi la première fois qu’un accord est lié aussi étroitement à l’OMC, encore une fois. Vous dites en quelque sorte que le PTP n’est pas la solution, puis vous parlez de l’OMC, mais ce sont pourtant les normes de l’OMC qui sont visées. Pourriez-vous m’expliquer un peu mieux ce que vous entendez par là?
M. Colas: Oui. Dans la vie, il faut traverser différentes phases, et je crois que les négociations du Cycle de Doha ont plus ou moins été mises de côté. Le programme de travail n’a rien à faire en ce moment. On est en pause, en quelque sorte. C’est un aspect de la situation.
Aussi, c’est que le Canada s’est toujours montré intéressé au bien-être global, à la communauté, et c’est ce que le monde veut entendre: on veut savoir que quelqu’un a le bien du système à cœur, pas seulement l’intérêt de quelques marchands locaux. La première chose à faire est donc de réitérer clairement notre position face à cette préoccupation.
De plus, avec l’OMC, il faut respecter la règle du consensus. Bien des ententes ont été conclues, et ce sont des ententes plurilatérales. Ce ne sont donc pas des ententes unanimes, mais des ententes qui unissent les parties qui le voulaient bien. Des négociations sont en cours sur le commerce des services, l’Accord sur le commerce des services (ACS). Et même si cela ne se passe pas dans l’enceinte de l’OMC, cela pourrait très bien être le cas. Une façon d’intégrer ces négociations à l’OMC est d’appliquer le même mécanisme de règlement des différends que celui employé par l’OMC. Il y aurait ainsi un lien entre l’accord et le mécanisme de règlement des différends de l’OMC.
Ce n’est pas nécessairement gagné d’avance. C’est plus difficile que de rencontrer un ministre du Costa Rica et de lui proposer un accord de libre-échange. Cependant, à long terme, si le Canada s’est assuré une place, il y sera pour conclure des affaires. Il a un rôle de premier plan à jouer. Nous ne devrions pas déclarer forfait. Il y a certainement de l’espoir. Les gens vont se rendre compte à quel point tout cela est complexe quand il faudra appliquer des règles sur le pays d’origine pour le Canada et les États-Unis, et que cela s’applique aussi aux composantes de votre iPhone ou de votre voiture que vous voulez vendre en Union européenne. Il faut changer ces composantes en raison des nouvelles règles sur le pays d’origine. On comprend que la chose devient assez chaotique.
La présidente: Je crois que nous comprenons cela. Le problème, c’est comment arriver à un consensus ou à un accord pour y remédier. C’est là que cela se complique avec l’OMC.
Nous avons concentré nos efforts sur le PTP. Nous pensons également à l’AECG. J’ai une dernière question à poser à nos deux témoins. Vous avez surtout parlé de vos réserves à l’égard du PTP. Est-ce que les difficultés sont les mêmes pour l’AECG, ou est-ce que cela ne fait pas partie de votre secteur d’intérêt? Je vous écoute, monsieur Colas.
M. Colas: Le processus de négociation entourant l’AECG a été beaucoup plus transparent, et la société civile, les provinces et la population en générale y ont pris part de façon beaucoup plus marquée.
Les pays de l’Union européenne suivent la primauté du droit et ont des normes de travail plus ou moins semblables aux nôtres, et il en va de même pour les règles environnementales, alors le choc est moins grand. Je crois que tout le monde est favorable à ce rapprochement avec l’Union européenne et à l’harmonisation des normes, entre autres, de manière à resserrer nos liens avec ces pays. Je ne vois donc pas d’inconvénient majeur qui devrait nous empêcher de ratifier cet accord.
La présidente: Monsieur Balsillie, avez-vous des commentaires à formuler à propos de l’AECG?
M. Balsillie: Oui, madame la présidente. Merci pour cette question. Je crois que dans le système économique mondial actuel et avec cette panoplie d’accords, aucune norme ne fait l’objet d’un consensus d’emblée. L’Europe et les États-Unis sont aux antipodes en ce qui a trait au TTIP, et ils résistent aux normes qui sont mises de l’avant dans le cadre du PTP. La Chine résiste elle aussi aux pressions exercées dans ce processus.
Il y a trois grandes structures qui s’opposent et qui ont différentes réserves, et le Canada essaie de tisser des liens avec les trois. Nous devons faire preuve d’une grande prudence devant ce qui deviendra la norme, les incompatibilités et les contradictions.
Je suis beaucoup plus à l’aise avec l’AECG, mais je n’ai pas épluché le document avec autant de soin que celui du PTP. Ce que j’ai trouvé d’encourageant, c’est qu’on demande des changements au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS), précisément pour les mêmes raisons qui me font avoir des réserves à l’égard du PTP. Ce n’est pas le Canada qui inquiète. C’est plutôt que l’ancienne version de l’AECG établirait un précédent à propos de l’ISDS, et qu’on serait contraint de l’adopter dans le cadre du PTCI.
J’aime les précédents établis en Europe en matière d’ISDS. Je crois qu’on ne vient pas trop farfouiller dans nos affaires avec ces règles sur le marché. C’est un excellent précédent, mais nous pourrions être aux prises avec de dangereuses contradictions si nous adhérons au PTP; il se pourrait qu’une entreprise européenne ayant une filiale aux États-Unis décide d’intenter des poursuites contre le Canada par l’entremise des États-Unis, parce que les capacités procédurales sont plus favorables là-bas. Elle serait en mesure de défendre le pire de chaque accord, et le Canada n’aurait jamais le dessus. Et puis, on tenterait de faire la même chose en Chine.
Le Canada joue à un jeu très dangereux. Je ne pense pas que le discours tenu soit approprié. Je ne pense pas non plus qu’on ait demandé l’avis des experts. En soi, l’AECG est une bonne entente, généralement parlant, mais il comporte son lot d’éléments profondément complexes. Les ramifications pour le Canada sont beaucoup plus grandes que celles de l’ALE il y a 35 ans, et à l’époque, on avait effectué une étude sur cinq ans, mené un débat national sur trois ans et tenu une élection. Je crains fort que nous n’ayons pas examiné comme il se doit toutes les complexités que comportent ces ententes auxquelles nous sommes en voie d’adhérer. Ce sont des ententes à sens unique; impossible d’en sortir une fois que c’est ratifié.
La sénatrice Johnson: C’est une discussion fascinante que nous avons aujourd’hui. Je me demandais quelles conditions le Canada devrait faire appliquer concernant les brevets chinois, par exemple, pour faire des affaires avec la Chine, dans l’éventualité où le Canada concluait un accord de libre-échange avec la Chine ou que la Chine allait de l’avant avec le PTP. Est-ce qu’un de vous deux pourrait répondre à la question?
M. Balsillie: Il est primordial de souligner que dans la guerre des brevets qui touche le monde entier en ce moment, la Chine émet environ un million de brevets par année, ou pas tout à fait, et les États-Unis environ 500 000. Tout le monde revendique tout pour avoir la liberté d’exploiter des idées, et empêcher les autres de le faire. Et c’est précisément parce que la Chine craint de perdre cette liberté et d’être confinée à jamais à une « sous-classe », alors qu’elle aspire à se tailler une plus grande place dans la chaîne de valeur mondiale. J’oserais affirmer avec quasi-certitude que les dispositions qui me font craindre la façon dont les autres pourraient régir notre marché interne sont les mêmes qui inquiètent la Chine, et qu’elle voudrait elle aussi apporter ces modifications.
Oui, ce sont des règles très complexes sur la manière dont sera gouvernée l’économie mondiale, sur ce que sera l’issue de ces accords, et sur ce qui sera acceptable aux États-Unis par rapport à la Chine et à l’Europe, alors que le Canada est une économie relativement modeste, ouverte et disposant d’une infrastructure insuffisante.
Nous nous sommes mis les pieds dans les plats en adhérant à des accords qui ont des répercussions énormes. Votre question est excellente et c’est un sujet délicat. Devons-nous nous empêcher de conclure les ententes qui nous conviennent avec la Chine dans le cadre du PTP s’il y a un malaise de ce côté? Est-ce que les entreprises chinoises pourraient recourir à la stratégie européenne dont je parlais tout à l’heure, c’est-à-dire de passer par les États-Unis pour intenter des poursuites, et doit-on empêcher cela ou le permettre?
D’après mes interactions avec les responsables des politiques, les négociateurs et les acteurs politiques, je ne suis pas prêt à dire que ces choses ont fait l’objet de réflexions sérieuses, pas du tout.
La sénatrice Johnson: Merci. C’est loin d’être encourageant.
M. Colas: Non, ce n’est pas si terrible. Quand on fait des affaires avec la Chine, une préoccupation demeure: sera-t-on copié ou non par un partenaire chinois? Est-ce que cette copie sera vendue en Chine ou à l’étranger? Parfois, il faut faire enregistrer un brevet en Chine pour protéger ses droits. Depuis que la China a ratifié l’entente de l’Organisation mondiale du commerce, son régime de propriété intellectuelle a énormément changé. Ce n’est pas parfait, mais le monde a la Chine à l’œil, car on veut s’assurer que les juges, la police et tout le système protège la propriété intellectuelle.
On n’enregistre jamais un brevet qu’à un seul endroit. Généralement, on le fait aussi aux États-Unis. Alors, si le concurrent chinois veut vendre ses produits aux États-Unis, il suffit d’appeler un juge du Delaware pour que des mandats soient émis. On sait que le système juridique des États-Unis est assez solide pour faire appliquer les règles en matière de propriété intellectuelle. Il faut négocier avec le faussaire chinois; il faut user de stratégie.
Mais pour revenir à ce que disait M. Balsillie, on manque d’argent au Canada. Pour un investisseur de la Californie, les entreprises à financer courent les rues. Pourquoi se donner la peine de faire un long trajet d’avion pour aller investir au Canada? Là-bas, les occasions pleuvent. Ici, nous n’avons pas suffisamment de capital de risque, et ce sont des capitaux réfractaires au risque. Ceux qui ont de bonnes idées et qui veulent faire financer le développement de leur propriété intellectuelle ont du mal à trouver les bons investisseurs. Ce serait la portion innovation de la politique.
La présidente: Je sais que le sénateur Rivard a une question qui est un peu hors sujet, mais qui est néanmoins très importante.
[Français]
Le sénateur Rivard: Monsieur Balsillie, si vous aviez été présent dans cette salle, je vous aurais demandé une entrevue privée. Je vais tout de même me permettre de vous poser la question, mais si vous ne voulez pas y répondre, soyez à l'aise.
Il y a plus d’une dizaine d’années, vous avez tenté d'acheter une franchise de la ligue nationale pour l’implanter à Markham ou à Hamilton, pour avoir une équipe d'expansion. Je suis un sénateur de la province de Québec, de la ville de Québec, et vous vous rappellerez que Québec a perdu son équipe de hockey il y a précisément 21 ans. Maintenant, nous avons un nouvel amphithéâtre. Vous vous êtes donc frotté aux bonzes de la ligue nationale sans succès.
Si vous aviez une prédiction, des commentaires ou des suggestions à faire sur l'issue du dossier, sentez-vous bien libre de les exprimer.
[Traduction]
M. Balsillie: Je ne suis pas au courant. Je ne connais pas les détails entourant le dossier, et je n’ai pas reçu d’appel depuis plusieurs années. Je suis désolé. Mais si c’est votre projet, je vous souhaite bonne chance.
[Français]
Le sénateur Rivard: Vous feriez un bon politicien. Merci.
[Traduction]
M. Balsillie: Non.
La présidente: Je crois qu’il tenait à vous faire part de son expérience personnelle.
Votre contribution, à tous les deux, est extrêmement importante. Vous êtes allés plus loin encore que d’autres témoins que nous avons entendus concernant des points précis du PTP. L’idée d’une stratégie nationale en matière d’innovation et votre point de vue à ce sujet sont d’une très grande utilité pour notre étude. Nous n’avons pu que jeter un œil aux versions préliminaires. Nous n’avons pas vu la législation sur le PTP ou l’AECG encore, mais nous jugions important de solliciter l’avis des Canadiens et d’étudier ces accords sous tous les angles. Vous aurez deviné que certains sont totalement en faveur du PTP, et que d’autres sont inquiets des difficultés qu’il pourrait entraîner.
J’aurais aimé que nous ayons plus de temps, car je vous aurais demandé ce qui risquerait d’arriver si nous décidions de ne pas aller de l’avant. À ce stade-ci, c’est à prendre ou à laisser. Les négociations sont terminées, et nous en sommes là. C’est un peu comme si nous attendions tous de voir ce qui va se passer aux États-Unis, avec le président qui semble être en faveur, mais pas les candidats en lice. Voyons voir s’ils changeront d’idée après les élections.
Nous avons du temps devant nous pour réfléchir à tout cela. Lorsqu’on nous soumettra un projet de loi, ce sera pour prendre une décision, pas pour proposer des modifications. Nous avons cependant une bonne marge de manœuvre pour trouver des façons d’améliorer les choses, si nous devions adhérer au partenariat. Vous nous avez donné bien des idées pour produire un rapport stratégique qui permettra d’arriver à de meilleurs résultats pour la population canadienne.
Monsieur Balsillie, merci d’avoir tenté de vous rendre à Ottawa. Certains d’entre nous allons essayer d’en sortir ce soir, alors nous aurons peut-être les mêmes problèmes que vous avez eus. Merci d’avoir accepté de vous joindre à nous par vidéoconférence. Monsieur Colas, merci de nous avoir fait part de vos grandes connaissances, sur l’OMC mais aussi sur d’autres dossiers. Ce fut une véritable chance pour nous de vous recevoir tous les deux, et nous allons tenir compte de ce que vous nous avez dit.
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit son étude pour entendre des témoins sur le sujet des accords commerciaux bilatéraux, régionaux et multilatéraux: perspectives pour le Canada.
Nous avons entendu d’autres témoins, alors je ne répéterai pas ce que j’ai dit en présentant le premier groupe.
Nous avons le plaisir de recevoir, par vidéoconférence, Matthew Kronby, avocat et associé, Commerce et investissement international et transactions commerciales étrangères, Bennett Jones Toronto. M. Kronby se spécialise dans le domaine du commerce international, des investissements et de la conformité réglementaire. Il connaît très bien l’OMC, l’ALENA et d’autres accords commerciaux. Nous sommes heureux de pouvoir profiter de son expertise dans le cadre de notre étude générale. Merci, monsieur Kronby, d’avoir accepté notre invitation. Nous aimons entendre les exposés de nos invités, mais nous aimons aussi leur poser des questions par la suite. Bienvenue à cette séance du comité.
Matthew Kronby, avocat et associé, Commerce et investissement international et transactions commerciales étrangères, Bennett Jones Toronto, à titre personnel: Merci, madame la présidente. Honorables sénateurs, si vous me le permettez, je vais commencer par un exposé que je veux bref, et qui devrait vous laisser amplement de temps pour poser des questions.
Je vous remercie d’abord de m’avoir invité à prendre part à la discussion aujourd’hui. Je vous félicite de prendre le temps d’étudier ce sujet important.
Depuis un mois, vous avez pu entendre et interroger différents experts du gouvernement, du secteur privé et du milieu universitaire, qui ont abordé une vaste gamme de sujets relatifs aux accords commerciaux et d’investissements, et qui vous ont parlé de leurs avantages, ou de leurs inconvénients, selon le point de vue, pour les intérêts économiques du Canada. J’ai eu l’occasion de lire le témoignage des témoins qui m’ont précédé, mais je n’ai pas pu entendre ceux de ce matin.
Je vais donc tâcher de ne pas répéter dans mon introduction ce qui a déjà été dit. Je vais plutôt vous proposer cinq choses à améliorer pour que le Canada puisse négocier efficacement les accords commerciaux et d’investissements et ainsi en maximiser les retombées pour le pays. Je me fonde sur l’expérience que j’ai acquise dans la négociation d’ententes au nom du Canada et sur ce que j’ai pu observer à cet égard, mais aussi sur mes interactions avec les clients et les autres intervenants du secteur des affaires qui sont touchés par les accords négociés par le Canada.
Premièrement, il faut resserrer et officialiser le processus de consultation auprès des entreprises canadiennes et des autres intervenants des échelons supérieurs, tant lors de la préparation des négociations commerciales que pendant celles-ci. Auparavant, le gouvernement fédéral le faisait par l’entremise du Comité consultatif sur le commerce extérieur et des Groupes de consultations sectorielles sur le commerce extérieur, les GCSCE, mais ces processus institutionnels ont été mis de côté après la signature de l’ALENA.
Bien que je ne sois généralement pas du même avis que le professeur Geist à propos des résultats de fond des négociations entourant le PTP, je présume qu’il a raison lorsqu’il avance que le manque de coordination et de transparence entre les négociateurs du gouvernement et les parties prenantes ont désavantagé le Canada.
Je peux vous dire, pour avoir participé à différentes négociations, y compris celles de l’AECG, que tenter d’obtenir des renseignements précis sur les intérêts offensifs et défensifs du Canada auprès des parties prenantes est une source constante de frustration. Nos négociateurs en chef pour le PTP et l’AECG, que vous avez entendus tous les deux, ont fait un travail formidable, de même que leurs équipes respectives, mais on leur aurait grandement facilité la tâche s’il y avait eu des mécanismes de consultation mieux établis, comme aux États-Unis et en Union européenne, et comme au Canada autrefois.
Deuxièmement, et c’est un peu dans la même veine, plusieurs témoins ont indiqué que le commerce des services est d’une importance vitale et que pour que le gouvernement fédéral puisse mieux gérer le dossier dans les négociations commerciales, il doit élaborer une meilleure méthode de mesure. Je suis entièrement d’accord.
Troisièmement, afin d’accroître le volume des échanges, nous devrions accorder davantage d’importance à la convergence réglementaire dans les négociations. Il est certes vrai que l’élimination des tarifs demeure un élément essentiel de nos accords commerciaux récents. Le Canada a obtenu d’excellents résultats dans ce domaine à la fois aux termes de l’AECG et du PTP, mais la plupart des tarifs visant des produits non agricoles sont déjà bas. Le taux moyen des tarifs appliqués aux biens manufacturés parmi les membres de l’OMC est seulement de 2,6 p. 100. Il serait toujours utile d’éliminer les tarifs résiduels, en partie à cause de leur effet cumulatif sur le commerce dans le modèle de chaîne d’approvisionnement.
On pourrait toutefois réaliser des gains importants en ce qui concerne l’accès aux marchés en intensifiant nos efforts relativement à l’harmonisation de la réglementation ou à la reconnaissance des équivalents réglementaires. Je sais que ce serait difficile, comme le montrent bien les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne sur le PTCI, mais des études menées par l’OCDE contiennent des estimations selon lesquelles les obstacles techniques au commerce concernent environ 30 p. 100 des échanges internationaux et les mesures sanitaires et phytosanitaires visent plus de 60 p. 100 des échanges de produits agricoles, ce qui fait que des avantages énormes sont possibles si nous relevons le défi. Soyons clairs: cela ne veut pas dire que nous allons assouplir nos normes ou niveler vers le bas. Cela veut tout simplement dire qu’il y a plus d’une façon d’obtenir des résultats comparables dans des dossiers comme la santé, la sécurité et la protection de l’environnement, et que la flexibilité devrait faire partie de nos accords commerciaux.
Quatrièmement, la rationalisation des règles d’origine: dans nos accords conclus récemment, comme l’AECG et le PTP, nous avons réalisé de bons progrès pour ce qui est de la bonification des règles selon lesquelles l’origine d’un bien est évaluée afin de déterminer s’il est admissible à des préférences tarifaires, et ce, dans le but de rendre les règles plus simples et plus souples. Toutefois, les procédures concernant les règles d’origine prévues par nos divers accords commerciaux demeurent complexes et incohérentes. Une étude menée par l’OMC en 2011 a montré que les préférences tarifaires sont souvent sous-utilisées en raison des procédures compliquées visant les règles d’origine, ce qui fait que les coûts de la conformité sont plus élevés que la valeur perçue des marges préférentielles. Certaines études indiquent que les coûts de la conformité peuvent représenter de 5 à 25 p. 100 de la valeur des biens finis dont il est question. Ces coûts et la complexité constituent un obstacle particulier pour les petites et moyennes entreprises, et nous aurions intérêt à étudier certaines des solutions plus ambitieuses qui sont maintenant proposées, comme l’élimination de la plupart de nos tarifs douaniers.
Enfin, je comprends bien que votre comité ait comme mandat le commerce international, mais si nous les Canadiens souhaitons profiter au maximum de nos marchés et générer le volume dont nous avons besoin pour être concurrentiels sur la scène internationale, nous devons éliminer les obstacles au commerce interprovincial. L’Union européenne, qui regroupe 28 pays souverains et une population totale de plus de 500 millions de personnes, jouit d’un marché intérieur de biens et services essentiellement libre de tarifs. Le Canada, un seul pays ayant une modeste population de 35 millions d’habitants, soit moins que la Pologne et la Californie, ne peut se vanter d’un tel marché.
L’un des témoins précédents, mon collègue John Weekes, a indiqué que nous accordons peut-être à nos partenaires commerciaux étrangers de plus grands droits et avantages lorsqu’ils vendent leurs biens et services dans certaines provinces que ne connaissent les Canadiens qui vivent dans d’autres provinces. John était trop timide dans ses propos. Ce n’est pas peut-être; c’est effectivement le cas. L’AECG créera de telles conditions pour les marchés publics, par exemple. Notre gouvernement fédéral et les provinces devraient être extrêmement gênés du fait que nous demandons à d’autres pays de nous ouvrir leurs marchés, alors que nous ne sommes pas prêts à faire de même pour nos concitoyens. Je ne crois pas que notre structure fédérale soit tellement ankylosée que nous ne soyons pas capables d’accomplir une telle ouverture, à condition d’avoir la direction qu’il faut aux deux ordres de gouvernement.
Merci encore de m’avoir donné la possibilité de m’adresser à vous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
La présidente: Merci. En ce qui concerne votre dernière observation, sachez qu’un comité différent, le Comité des banques, se penche sur certaines questions interprovinciales encore une fois et nous étions d’avis que notre mandat était bien la politique étrangère. Le Sénat étudiera toutes les préoccupations que vous avez soulevées. Je suis ravie de l’excellente coopération entre les comités.
Je vais me faire l’avocat du diable avec vous, puisque j’ai occupé des postes en Europe. Nous pouvons effectivement conclure de bons accords. À titre d’exemple, les divers pays de l’Union européenne ont conclu de bons accords entre eux, mais il devient intéressant de voir comment ces accords sont interprétés sur le plan de la politique. Lorsque nous représentons le Canada en Europe, nous commençons par le pays où nous nous trouvons, et les Européens nous disent qu’il y a une réglementation européenne. Viennent ensuite les questions phytosanitaires et là, il faut voir si elles sont de compétence européenne, portugaise, espagnole… On se retrouve confronté à non seulement une bureaucratie, mais à plusieurs. Je ne suis pas d’accord avec vous pour dire que leur système fonctionne mieux que le nôtre.
À mon avis, il faut se poser la question suivante: Que pensez-vous des accords que nous avons conclus et dans quelle mesure sont-ils politisés? Nous parlons des États-Unis. Nous concluons des accords, et ensuite nous voyons que la volonté politique est ailleurs. Nous devons exercer des pressions politiques pour régler les différends, comme c’est le cas pour l’industrie du bétail. On en a bien vu l’incidence pour nous au Japon et la Corée, et ainsi de suite.
M. Kronby: Si vous me le permettez, je vais commencer par votre observation concernant l’Union européenne. Je sais qu’il est illusoire de dire que l’Union européenne est un parfait marché libre. Ce n’est pas le cas, et nous l’avons constaté dans divers domaines, dont le commerce des organismes génétiquement modifiés.
Parallèlement, je ne pourrai pas m’empêcher de souligner que le Canada, un pays, un seul petit pays, doit vraiment s’organiser s’il veut être plus concurrentiel et davantage en mesure de participer au commerce international en améliorant et en ouvrant ses marchés intérieurs. C’est ce que je voulais dire, mais je ne voulais pas vous faire croire pour autant que l’Union européenne est parfaite, et on ne pourrait pas s’y attendre, vu la nature de sa structure.
En ce qui concerne votre dernière observation, si j’ai bien compris votre question, vous disiez que ces accords ne sont qu’un point de départ. Il faut ensuite en respecter les dispositions et les mettre en application, et vous avez certainement raison. Il faut énormément de volonté, qui est parfois présente en plus grande quantité à certains moments que d’autres. Nous avons connu de temps en temps des problèmes aux termes de l’ALENA, par exemple, et avec l’OMC. C’est l’une des raisons pour laquelle nous avons justement divers types de mécanismes de règlement des différends prévus par ces accords, et ces mécanismes, quoique c’est moins vrai dans le cas de l’ALENA mais beaucoup plus avec l’OMC, ont très bien servi le Canada au fil des ans, notamment en ce qui concerne les dossiers comme l’exportation du bœuf vers la Corée et, plus récemment, les exigences américaines en matière d’étiquetage du pays d’origine dans le cas des bovins et des porcs.
La présidente: Croyez-vous que les mécanismes de règlement de différends prévus par le PTP et l’AECG vont dans la bonne direction? Ils sont plutôt différents par rapport à ce que nous avions dans le passé. J’ai suivi l’évolution de l’Accord de libre-échange qui est devenu l’ALENA, et c’était certes une amélioration. Les gens se plaignaient des retards et des difficultés, mais nous avions toujours comme réponse que si nous n’avions pas ces accords, la situation serait encore pire. Le PTP et l’AECG contiennent-ils des outils utiles qui conviennent à nos situations actuelles?
M. Kronby: Je crois que oui. Il y aura toujours des problèmes. Pour ce qui est des mécanismes de règlement des différends entre États, il y aura toujours un problème, car on est axé sur l’avenir, mais c’est un problème également à l’OMC. Nous n’avons pas encore trouvé de solution efficace qui nous permettrait d’aller en arrière et d’imposer des sanctions aux pays ou encore de rendre moins intéressantes les mesures prises. On peut seulement contester ces mesures de façon prospective et obtenir une compensation prospective.
Les mécanismes prévus par le PTP et l’AECG, d’après ce que je peux voir, sont sensés et règlent certains des problèmes que nous avons connus aux termes de l’ALENA au cours des dernières années pour ce qui est de nommer des membres, de constituer des groupes spéciaux et d’être en mesure d’avancer sur un dossier même si l’une ou plusieurs parties au différend se montrent récalcitrantes. Je crois que ces mécanismes peuvent être efficaces.
Il reste à savoir si ces mécanismes sont utilisés souvent, par contre. Dans le cas des accords de commerce régionaux et bilatéraux, on y a moins recours que dans le cas de l’OMC, et ce, pour diverses raisons. Je crois que nous y aurons recours périodiquement en vertu du PTP et de l’AECG du fait que les obligations, qui sont plus nombreuses et plus exigeantes, pourraient être à l’origine de différends.
La sénatrice Johnson: Madame la présidente, vous avez essentiellement posé ma question. Je ne sais pas si un autre membre a une question concernant les accords commerciaux. Je n’en ai pas pour l’instant.
La présidente: Permettez-moi donc de continuer en ma qualité de présidente. Nous avons l’impression que certaines parties du PTP sont utiles, alors que d’autres ne le sont pas, selon les divers secteurs et industries du Canada. Êtes-vous d’avis, et je révèle peut-être mon parti pris, que les accords commerciaux contiennent de toute évidence certains compromis et que le gouvernement au pouvoir doit en tenir compte? S’il faut apporter des changements à un secteur donné, il doit y avoir d’autres mécanismes de soutien pour renforcer le domaine en croissance. Le PTP ne prévoit pas « tout ou rien ». Il se peut que nous ayons à prendre d’autres mesures et à faire les choses différemment au Canada. Vous avez souligné un changement très positif, les questions interprovinciales et la réglementation. Existe-t-il d’autres mécanismes que nous devrions utiliser, autres que les subventions ou la période de grâce accordée pour que les intervenants s’habituent aux nouvelles conditions?
M. Kronby: On n’a jamais caché aux gens qu’il y aura toujours des gagnants et des perdants en ce qui concerne les intérêts vis-à-vis des accords de libre-échange. Je n’ai pas encore rencontré un négociateur qui soit tellement habile qu’il arrive à défendre dans 100 p. 100 des cas ses intérêts tout en obtenant toutes les concessions que veut son pays.
Le PTP et l’AECG, comme tout autre accord, prévoient des compromis, et ceux-ci ne feront pas le bonheur de tout le monde. Un des avantages dont nous avons joui au Canada au fil des ans, c’est que nous comprenons cette réalité. Nous offrons de meilleurs filets de sécurité sociale à ceux qui sont déplacés par certaines des conséquences à court terme des accords de libre-échange attribuables à une concurrence accrue de la part de nos partenaires commerciaux que ne le font d’autres partenaires commerciaux comme les États-Unis.
Au fil des ans, par contre, nous avons reconnu que certains secteurs auront peut-être besoin d’une aide de transition afin de les aider à s’adapter à un milieu plus concurrentiel. L’exemple qui est souvent donné, du fait que c’est un bon exemple, c’est le soutien que nous avons accordé à l’industrie viticole à l’époque de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et de l’ALENA, afin de rendre cette industrie plus concurrentielle, de changer ses pratiques et de l’aider à se tailler une place sur les marchés étrangers. Je crois que les résultats sont parlants. Je ne serais pas contre des mesures semblables pour les secteurs qui pourraient être touchés par l’AECG ou le PTP.
La présidente: Je suis d’accord avec vous pour ce qui est de l’industrie viticole. C’est un exemple qui revient sans cesse lorsque nous parlons de vins de qualité: nous nous retournons de plus en plus vers notre propre marché. Le résultat est excellent.
La sénatrice Marshall: Au fur et à mesure que vous négociez des accords commerciaux, les finalisez et entamez ensuite les négociations d’un nouvel accord, est-ce que les leçons que vous en tirez sont plutôt générales ou est-ce qu’elles varient, par exemple, s’il s’agit d’un accord commercial visant essentiellement les biens ou la propriété intellectuelle? Les leçons tirées s’appliquent-elles à un autre accord?
M. Kronby: Je crois que nous en tirons beaucoup de leçons. Ce que j’ai constaté à partir des négociations visant l’AECG et le PTP et des résultats obtenus, c’est que nos représentants en matière de politique commerciale et nos négociateurs ont tiré des leçons.
Pour vous en donner quelques exemples, prenons la simplification des règles d’origine, dont j’ai parlé plus tôt. Les leçons tirées des négociations visant l’ALENA ont certainement donné lieu à des améliorations dans le cas de l’AECG et le PTP. Nous avons également appris quelque chose pour ce qui est des mécanismes de règlement des différends entre un investisseur et un État dans le cas de l’AECG et du PTP. C’est le fruit des leçons apprises au cours des 20 dernières années au moyen de l’ALENA, notamment les leçons apprises à titre de répondant dans le règlement des différends entre l’investisseur et l’État. Tout à fait. Nous en apprenons des accords déjà conclus, qu’il s’agisse de biens, de services, d’investissements ou d’autres enjeux. Nous en apprenons grâce aux accords conclus, et j’en félicite les négociateurs du Canada.
La sénatrice Marshall: Une fois qu’un accord commercial est en vigueur pendant cinq ans, prévoit-on un processus officiel qui permettrait d’en faire l’examen et d’en déterminer l’utilité afin que nous puissions faire le constat et reconnaître les bons coups ainsi que les mauvais?
M. Kronby: Je ne crois pas que le Canada prévoit ce genre de processus. Il se peut que j’aie tort. Je sais que certains pays ont un processus semblable en place. C’est une idée formidable. C’est tout à fait logique.
La sénatrice Marshall: Ce serait un genre de disposition de temporisation. Au bout de cinq ans, nous regardons en arrière pour voir l’incidence de l’accord. Je crois qu’une telle pratique conviendrait bien aux accords commerciaux.
M. Kronby: Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’une disposition de temporisation, mais je serais certainement pour un mécanisme intérieur d’examen automatique. Tout à fait.
La sénatrice Marshall: Je sais qu’il ne faudrait pas parler d’examen post mortem non plus, mais c’est dans la même veine.
La présidente: À mon avis, c’est un mécanisme d’examen. Nous n’en avons pas prévu de façon officielle, mais nous y recourons de façon informelle, et notre comité fait partie de ceux qui effectuent l’examen et le suivi de ce genre de dossiers. Nous comptons sur nos sources pour nous signaler des problèmes. Parfois, nous étudions certains aspects du commerce. Nous étudions d’autres pays pour voir s’ils ont perdu ou gagné des occasions, mais vous avez raison, nous n’avons pas de mécanisme régulier.
La sénatrice Marshall: Il est certes utile de tirer des leçons, mais il me semble qu’il serait plus avantageux de prévoir un processus officiel qui nous permettrait d’effectuer un tel examen.
La sénatrice Beyak: Je m’intéresse aux obstacles au commerce interprovincial depuis des décennies. J’étais membre de divers comités pendant les années 1980, et j’ai remplacé un collègue au comité des banques il y a quelques semaines, lorsque le ministre Bains a comparu et nous a assuré que les choses allaient changer, mais l’histoire n’est guère rassurante sur ce point. J’aimerais savoir si vous avez vu un modèle en Europe que nous pourrions reprendre. Quelque chose qui existe déjà et qui est tellement simple que personne n’y avait pensé avant.
M. Kronby: Je n’ai vu aucun modèle. L’Europe, qui regroupe 28 États souverains, est certainement très différente d’un pays fédéral comme le Canada, comme vous le savez bien. Chaque pays fédéral qui est aux prises avec ce genre de problèmes doit tenir compte de la structure fédérale particulière et du régime constitutionnel auquel il est soumis. Malheureusement, je n’ai pas d’autre modèle à vous proposer. Je me ferai un plaisir de me pencher sur la question et de vous revenir. La question est intéressante.
La présidente: Cela nous serait certainement utile. Vous pourrez envoyer votre réponse à la greffière du comité, qui nous la fera suivre.
La sénatrice Johnson: Monsieur Kronby, j’ai une question concernant les services, un secteur important qui prend de l’ampleur dans notre économie. Quelles devraient être les priorités du Canada pour faciliter l’exportation de nos services?
M. Kronby: Parlez-vous de secteurs particuliers ou en termes plus généraux?
La sénatrice Johnson: L’un ou l’autre, les deux. Qu’en pensez-vous?
M. Kronby: Je sais que nous avons réalisé des progrès considérables quant à l’accès de certains secteurs à d’autres marchés, comme les services environnementaux et le génie. On a accordé la priorité aux services éducatifs, et on devrait continuer à le faire. Il y a des domaines dans lesquels le Canada brille.
Un autre domaine, qui est plurisectoriel, mérite davantage d’attention qu’il n’en reçoit, bien que nous ayons obtenu pas mal de résultats avec l’AECG et le PTP: il s’agit des déplacements temporaires des gens, en général des gens d’affaires, afin d’appuyer les investissements commerciaux, la vente des biens et l’approvisionnement en services dans d’autres pays. Je crois que c’est un domaine qui mérite une attention continue.
De façon plus générale, l’ouverture des marchés de services à l’étranger, aux termes d’accords comme le PTP et l’AECG, a été plutôt limitée. La plupart des progrès ne concernent pas l’accès à de nouveaux marchés, mais plutôt la conservation d’obstacles existants, afin de les empêcher de devenir plus restrictifs, ce qui donne au moins un certain degré de certitude aux sociétés canadiennes qui souhaitent vendre leurs services à l’étranger. Parallèlement, on s’assure ainsi que si ces marchés étrangers sont libéralisés à l’avenir, l’accès sera garanti. C’est le résultat obtenu.
Je travaille actuellement sur l’Accord sur le commerce des services, un accord plurilatéral qui fait l’objet de négociations à Genève à l’extérieur de l’OMC et qui concerne un groupe de pays ayant une position semblable. Nous tentons de libéraliser le commerce des services au-delà de ce qu’a pu accomplir l’OMC au moyen d’un accord général sur le commerce et les services. Il sera très intéressant de voir comment l’accord fera augmenter le commerce des services. Le Canada est très actif à la table. Nos négociateurs cherchent à accroître les accès des entreprises canadiennes dans toute une gamme de secteurs des services de toutes ou presque les parties à l’accord.
La sénatrice Johnson: En ce qui concerne le PTP, le président Obama a dit qu’on y a consigné les règles de la nouvelle économie du savoir. Que pensez-vous du résultat du PTP au final? Il semble y avoir tant d’avantages et d’inconvénients. Le tout est très compliqué et nous ne comprenons pas tous les détails. Vous avez travaillé à Washington au cours de votre carrière et vous connaissez l’attitude américaine. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez être les résultats?
M. Kronby: J’espère sincèrement que le PTP sera ratifié et entrera en vigueur. Il existe beaucoup d’incertitude, vous le savez bien, notamment en ce qui concerne les États-Unis. Le Japon semble être entièrement pour. Comme vous le savez probablement, pour que le PTP entre ne vigueur et que les dispositions soient structurées de façon efficace, les États-Unis et le Japon doivent le ratifier. Pour l’instant, une incertitude règne quant à la ratification par les États-Unis. Le processus s’est enlisé dans des tractations au Congrès et la politique électorale, donc au Congrès et au niveau du président.
Dans une certaine mesure, nous avons déjà vu ce scénario lors de la négociation des accords précédents, qui ont tous été source de controverse. J’ai encore un certain optimisme vis-à-vis de la ratification par les États-Unis, même si l’attitude des Américains à l’égard des accords commerciaux semble avoir changé. Ils ne bénéficient plus du même soutien constant des républicains et de certains éléments du Parti démocrate qu’autrefois.
Je ne suis pas assez intelligent pour savoir ce qui découlera de tout cela, mais je pense que si les États-Unis ratifient l’accord du PTP, le Canada devrait aussi le ratifier. Ce serait pour le Canada une grande occasion manquée si l’accord du PTP entrait en vigueur sans qu’il en fasse partie.
La sénatrice Johnson: Cela se fera vraisemblablement quand la nouvelle administration américaine sera installée, d’après ce qu’on nous a dit à Washington, il y a deux semaines. Il faudra encore beaucoup de temps pour tout résoudre.
M. Kronby: En effet. On parle depuis quelques mois de la possibilité de faire en sorte que le Congrès approuve le PTP pendant la session interrégime qui suivra les élections de l’automne, mais je ne sais pas s’il est toujours réaliste d’envisager cela.
La présidente: Monsieur Kronby, je vous remercie de nous avoir présenté une perspective différente concernant les accords commerciaux ainsi que certains de vos commentaires sur la question interprovinciale, que nous devons résoudre pour obtenir des avantages concurrentiels dans le cadre des accords commerciaux. Vous avez été très aimable de lire nos témoignages et d’arriver préparé pour émettre vos commentaires, mais aussi pour confirmer d’autres témoignages ou manifester votre désaccord. C’est très utile. Merci beaucoup.
La séance est levée.
(La séance est levée.)