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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET LA DÉFENSE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le lundi 18 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd’hui à 13 heures pour étudier, afin d’en faire rapport, les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, et pour étudier les menaces à la sécurité nationale, notamment: a) le cyberespionnage; b) les menaces aux infrastructures essentielles; c) le recrutement des terroristes et le financement d’actes terroristes; d) les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes.

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter les personnes assises autour de cette table et je commencerai. Je m’appelle Dan Lang, je suis sénateur du Yukon. Je vais commencer par ma droite, mais avant cela, je tiens à souhaiter une bienvenue toute spéciale à notre nouvelle sénatrice de l’Ontario, la sénatrice Lankin.

Le sénateur Day: Je m’appelle Joseph Day et je suis sénateur pour le Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Lankin: Frances Lankin, de l’Ontario.

Le sénateur Ngo: Sénateur Ngo, de l’Ontario.

Le sénateur Mitchell: Grant Mitchell, de l’Alberta.

Le sénateur Carignan: Claude Carignan, Québec.

La sénatrice Beyak: Lynn Beyak, Ontario.

Le président: Merci, chers collègues. Je tiens aussi à présenter le greffier de notre comité, Adam Thompson. Et nous avons aussi maintenant le sénateur Dagenais, du Québec.

Maintenant que tout le monde s’est présenté, je vais faire quelques remarques avant d’entendre nos témoins. Nous tiendrons une réunion publique de quatre heures, après quoi nous passerons à huis clos pour parler de nos travaux futurs.

Pour notre premier groupe de témoins, relativement à notre étude des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités de la sécurité de la défense nationale du Canada, nous accueillons trois représentants de l’Agence spatiale canadienne: Sylvain Laporte, président; Luc Brûlé, vice-président; et Manon Larocque, directrice générale par intérim, Politique. Bienvenue au comité. Nous sommes tout ouïe pour votre mise à jour.

Monsieur Laporte, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire. Allez-y.

[Français]

Sylvain Laporte, président, Agence spatiale canadienne: Permettez-moi d’abord de vous remercier de m’avoir offert cette occasion de venir vous parler brièvement du rôle que joue l’Agence spatiale canadienne en soutien à la souveraineté, à la défense et à la sécurité du Canada.

[Traduction]

L’espace joue un rôle essentiel dans notre mode de vie au Canada. Beaucoup de Canadiens ne se rendent pas compte qu’ils dépendent de l’espace pour toutes les facettes de leur vie. Non seulement ils utilisent des services personnels, comme les services de télécommunications, Internet et les services bancaires, mais ils tirent également profit collectivement des satellites qui nous permettent de prévoir la météo, de mieux gérer nos ressources naturelles et de surveiller nos zones côtières.

À de nombreux égards, l’infrastructure et les outils que nous offrent les technologies et les systèmes spatiaux sont devenus essentiels pour l’intérêt national du Canada. Ils sont d’une importance vitale pour notre prospérité, notre défense et notre sécurité.

Pionnier et chef de file en télécommunications, le Canada a été le premier pays à construire et à exploiter un système national de télécommunications par satellite grâce au satellite Anik A1 lancé en 1972 et au satellite Hermès en 1976. Fruit d’une collaboration entre le Canada, la NASA et l’Agence spatiale européenne, Hermès était le satellite de télécommunications le plus puissant à l’époque. Depuis, les satellites de télécommunications font désormais partie de notre infrastructure essentielle en nous permettant d’avoir accès au téléphone, à la télévision et à Internet partout au Canada, y compris dans le Nord où il est pratiquement impossible et trop coûteux de construire des réseaux à fibres optiques.

L’observation de la Terre est un autre domaine où les technologies spatiales offrent des solutions puissantes et innovatrices répondant aux besoins particuliers du Canada. Pour faciliter l’observation et la surveillance de vastes territoires et voies navigables chargées de glace pendant les longs hivers sombres et nuageux du Nord, le Canada a mis au point des technologies radar de pointe qui fournissent des images détaillées de la surface terrestre de jour comme de nuit, peu importe les conditions météorologiques.

RADARSAT-1, lancé en 1995, et RADARSAT-2, lancé en 2007, sont, pour notre nation, des « yeux constamment ouverts dans le ciel » qui permettent à de nombreux ministères et organismes du gouvernement fédéral — notamment à Environnement et Changement climatique Canada, à Ressources naturelles Canada, au ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, au ministère des Pêches et des Océans, à la Garde côtière canadienne et au ministère de la Défense nationale — d’exercer leurs activités quotidiennes.

Pour assurer la continuité de ces données importantes, l’Agence spatiale canadienne travaille en étroite collaboration avec le secteur privé canadien pour mettre au point et construire la prochaine génération de radars spatiaux, la mission de la Constellation RADARSAT, ou MGR. La MGR, qui sera lancée en 2018, comprendra trois satellites en orbite terrestre fournissant des renseignements d’une importance vitale en vue des trois grandes utilisations suivantes: surveillance maritime; gestion des catastrophes; suivi des écosystèmes.

Bien que la MGR ait été au départ mise sur pied pour répondre aux exigences en matière de sécurité maritime, elle favorisera considérablement la sécurité territoriale, en particulier dans l’Arctique. Le système assurera jusqu’à quatre survols par jour du Grand Nord canadien et plusieurs survols du passage du Nord-Ouest. Cette capacité accrue va changer la donne en ce qui concerne la défense et la sécurité du Canada.

Dans une économie moderne, on ne doit pas sous-estimer les graves répercussions que peut avoir toute perturbation touchant l’infrastructure satellitaire du Canada. Par exemple, le matin du 6 octobre 2011, une anomalie technique inhabituelle a perturbé les services fournis par le satellite Anik F2 de Télésat. Plus de 25 000 clients dans des collectivités du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et de certaines parties du nord du Québec et de l’Ontario ont perdu leurs services de téléphonie cellulaire, d’appels interurbains, d’Internet, de câblodistribution et de télédiffusion directe à domicile. Au Nunavut, les guichets automatiques et les terminaux pour cartes de débit ont cessé de fonctionner. FirstAir a été dans l’obligation de retarder 48 vols, bloquant au sol quelque 1 000 passagers, tandis que le premier ministre du Nunavut et la GRC ont fait appel à la Société Radio-Canada pour communiquer avec les résidants du Nord.

[Français]

Plusieurs autres exemples pourraient illustrer notre dépendance grandissante aux systèmes spatiaux et l'importance centrale qu'ils occupent désormais dans nos infrastructures stratégiques commerciales, civiles et militaires. Vous aurez évidemment compris l'importance stratégique des systèmes spatiaux pour l'ensemble du gouvernement du Canada, et plus particulièrement pour le ministère de la Sécurité publique du Canada, la Garde côtière canadienne et les Forces armées canadiennes.

Même si la mission de l'Agence spatiale canadienne reste de promouvoir l'exploitation et l'usage pacifique de l'espace, le fait demeure que nous avons un rôle important à jouer afin d'encourager la collaboration avec les utilisateurs gouvernementaux, y compris le ministère de la Défense nationale. Il est ainsi de notre mandat d'encourager la coordination et l'intégration des différents segments du Programme spatial canadien et de veiller au développement des technologies spatiales afin de répondre aux besoins actuels et émergents du Canada.

Il nous faudra aussi continuer de travailler avec nos partenaires internationaux pour veiller à ce que l'espace reste utilisable à long terme en nous attaquant de façon déterminée au problème grandissant des débris spatiaux qui menacent nos infrastructures satellitaires.

[Traduction]

Pour démontrer l’importance grandissante de l’espace pour la défense, la sécurité et la souveraineté du Canada, l’ASC, en collaboration avec le ministère de la Défense nationale, Recherche et développement pour la Défense Canada et des partenaires du secteur privé, a mis au point un petit satellite unique qui a été lancé en février 2013 en vue d’accroître notre capacité à contrer la menace sans cesse croissante que présentent les débris dans l’espace.

NEOSSat, le satellite de surveillance des objets circumterrestres, est le tout premier télescope spatial au monde dédié à la détection et à la poursuite des astéroïdes et des satellites. Faisant le tour de la Terre toutes les 100 minutes, il scrute l’espace pour détecter des astéroïdes qui pourraient, un jour, s’approcher de notre planète. NEOSSat balaie également le ciel à la recherche de débris menaçants en appui à l’engagement du Canada de maintenir la sécurité de l’espace orbital au bénéfice de tous.

Bénéficiant du savoir-faire et de l’expertise technologique du Canada, cette mission novatrice est l’exemple parfait de collaboration fructueuse non seulement entre le secteur privé et le gouvernement, mais également entre l’ASC et le ministère de la Défense nationale dans le but de mettre à profit les investissements réalisés dans les technologies spatiales.

Dans son examen des secteurs de l’aérospatiale et de l’espace en 2012, l’honorable David Emerson a reconnu l’importance d’un tel partenariat et recommandé la création d’un organe de gouvernance au niveau des sous-ministres pour coordonner les activités spatiales du gouvernement fédéral. J’ai le plaisir de coprésider le Comité de gouvernance des sous-ministres sur l’espace, le CGSME, avec mon collègue John Knubley, sous-ministre d’Innovation, Sciences et Développement économique. Le CGSME est constitué de membres de ministères clés comme celui de la Défense nationale; il joue un rôle important en assurant une surveillance, une responsabilisation et la prise de décisions efficaces en ce qui concerne de grands projets spatiaux interministériels.

Pour terminer, je peux vous assurer qu’une collaboration accrue demeurera un principe fondamental de notre programme spatial afin de répondre aux besoins du Canada, qu’il s’agisse de surveiller les changements climatiques et environnementaux, de renforcer notre économie, de protéger notre souveraineté ou d’appuyer notre défense et notre sécurité.

Merci, monsieur le président. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Laporte. On ne saurait sous-estimer l’importance pour les Canadiens de vos fonctions au sein de l’agence dont vous assumez la charge. Il est dommage que si peu de nos concitoyens comprennent leur effet dans leur vie de tous les jours. Je suis d’autant plus heureux de vous voir ici que votre passage à notre tribune permettra de communiquer ce message à la population et de rappeler la nécessité de soutenir les programmes et les innovations que vous mettez de l’avant.

J’aimerais commencer, si mes collègues le permettent, à titre de député du Yukon qui représente le Grand Nord canadien. Je souhaite aborder plusieurs éléments, notamment une situation dont vous avez parlé, et qui s’est présentée il y a un certain temps au Nunavut.

Dans vos observations liminaires, je crois que vous avez parlé du fait que les satellites nous aident à prévoir la météo, à gérer nos ressources naturelles et à surveiller les zones côtières. C’est vrai que nous avons le système RADARSAT et aussi la Constellation RADARSAT. Depuis quelques années, on a beaucoup travaillé sur le lancement d’un satellite de communications et de prévisions météorologiques pour le Grand Nord. Des négociations sérieuses ont même été menées pendant un temps avec Télésat Canada. Pourriez-vous rappeler aux membres du comité l’importance de ce projet, parce que, pour le Nord et pour l’Arctique, cela soulève la question des communications et prévisions météorologiques dans le Grand Nord et dans l’Extrême-Arctique. Pourriez-vous nous dire où en est le dossier?

M. Laporte: Avec plaisir. À l’époque, on avait dressé le profil d’une mission baptisée PWC, acronyme anglais pour « Télécommunications et météorologie en orbite polaire », qui combinait dans le même satellite des capacités de communication pour le Nord et une charge utile de météorologie. On a envoyé une demande de renseignements à l’industrie; c’était il y a quatre ans environ. Depuis le devis a évolué.

Il s’agit maintenant d’un devis de communication de la Défense nationale, qui répond à un besoin de communication tactique en bande étroite. Les discussions avec la Défense nationale se poursuivent pour compléter le cahier des charges, afin de pouvoir entamer le suivi concernant... À savoir si l’on peut ajouter des capacités à ce satellite, notamment du point de vue météo — est-ce que l’on devrait se limiter à la météo ou, si la météo est exclue, que pourrait-on ajouter d’autre?

Tout cela pour dire qu’on avait effectivement dressé un tel profil il y a quelques années. Les besoins ont évolué depuis. Nous espérons finaliser le devis pour pouvoir reprendre les discussions sur le profil de mission, sur les capacités techniques et sur le développement technique, afin de pouvoir définir la mission de façon concluante.

Le président: Si on me permet de poursuivre, dans quel délai prévoyez-vous prendre une décision? Un an ou deux ans?

M. Laporte: On parle d’années au pluriel, donc plus d’un an, je crois.

Le président: Mais s’agit-il d’une priorité de l’agence?

M. Laporte: C’est une priorité de la Défense nationale, en tout cas, et nous agissons en conséquence.

Le président: Si je peux ajouter une dernière question au sujet du Nord canadien, j’aimerais savoir quelle est votre contribution à la mise en place d’un système d’alerte avancé dans l’Extrême-Arctique. Est-ce que l’Agence spatiale canadienne y participe et, si oui, à quel titre?

Luc Brûlé, vice-président, Agence spatiale canadienne: Permettez-moi de répondre. En un mot, nous ne participons pas à ce programme.

Le président: Eh bien! C’est ce qui s’appelle être concis.

M. Brûlé: J’ai hésité, parce que je suis un ex-militaire. Dans le temps, au milieu des années 1980, j’ai fait partie des ingénieurs qui ont travaillé sur la mise à niveau du système d’alerte avancé. J’ai suivi l’évolution du système depuis son entrée en service. Je reste en contact avec mes collègues, et notre rôle aujourd’hui, à l’Agence spatiale canadienne, consiste avant tout à assurer une observation par toutes conditions météorologiques grâce au système RADARSAT.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Le budget de votre agence est amputé. Vous avez réduit les dépenses de 51 millions de dollars au cours du dernier exercice, ce qui représente des compressions d’environ 10 p. 100 au sein de votre budget. Ce n’est peut-être pas l’arrivée d'un nouveau gouvernement qui changera vos façons de faire, mais il y aura peut-être des modifications dans votre façon de travailler.

Cela dit, pouvez-vous nous dire quels seront les impacts de ces compressions sur l'ensemble de vos programmes, particulièrement en ce qui concerne les infrastructures et l'éducation?

M. Laporte: Du point de vue des infrastructures, il n’y aura pas d'impact. Au chapitre de l'éducation, des compressions assez importantes avaient été annoncées par l’ancien gouvernement en 2013 en ce qui concerne nos programmes d'éducation dans les écoles. Nous sommes déjà contraints par les compressions budgétaires effectuées en 2013. Quant aux nouvelles restrictions budgétaires, je ne prévois pas d'impact important.

Dans la perspective d’un impact plus générique, nous nous assurons d’être en mesure d’opérer les satellites qui sont déjà dans l'espace. Il n'y aura aucune répercussion opérationnelle en ce sens. Certaines des compressions s’imposent en raison des projets majeurs qui sont en cours, entre autres le déploiement de la nouvelle constellation de satellites pour le projet MCR. Souvent, nous reportons le budget d'une année à l'autre, puisque l’industrie avec laquelle nous collaborons étroitement peut accuser des retards. Ainsi, nous chevauchons les exercices financiers en fonction du moment où ont lieu les dépenses. Nous devons exercer une gestion rigoureuse pour éviter qu’il y ait des impacts sur nos projets d’envergure. Dans l’ensemble, nous nous débrouillons assez bien avec notre budget.

Quant au projet MCR, malgré certains retards, nous faisons simplement se chevaucher les exercices financiers. Nous prévoyons terminer le projet à temps. La date fixée pour la mise en orbite des satellites n'a pas changé.

Le sénateur Dagenais: J’aimerais poser une deuxième question. Je souhaite revenir aux essais qu’a effectués la Corée du Nord. Croyez-vous que ces essais pourraient augmenter de façon importante les risques d'attaques électromagnétiques ou de cyberattaques axées sur les satellites que le Canada utilise?

M. Laporte: C'est une question très intéressante. Malheureusement, elle dépasse mes compétences. L'Agence spatiale canadienne a pour mission d’explorer l'espace avec l’objectif de favoriser la paix. C’est au ministère de la Défense nationale qu’incombent les évaluations de risques. Je suis désolé, mais je ne suis pas en mesure de répondre à votre question.

[Traduction]

Le président: Avez-vous une question complémentaire?

[Français]

Le sénateur Carignan: Oui, j’aurais une autre question à poser, à moins que je ne passe mon tour.

[Traduction]

Le président: Est-ce que nous pouvons commencer par le sénateur Day, suivi du sénateur Carignan?

[Français]

Le sénateur Carignan: Dans ce cas-là, je demande plus de temps.

Je comprends qu’en matière de défense, ce n'est pas votre rôle, mais le système de communication par satellite du Canada est tout de même une infrastructure essentielle. En tant qu’organisme, ne devez-vous pas réaliser des évaluations de risques et mettre en place des mesures de sécurité afin de protéger les télécommunications?

M. Laporte: En fait, ce rôle appartient au ministère de la Défense nationale. Sommes-nous au courant des risques? Oui, tout à fait. Toutefois, nous empiétons sur leur champ d'expertise et sur le rôle qu’ils doivent jouer. Lorsque nous élaborons la conception d'un satellite, nous nous assurons de le rendre le plus robuste possible. Nous devons faire des essais et simuler des situations permettant d’évaluer les risques potentiels de catastrophes naturelles. Au Canada, comme ailleurs à l’étranger, c'est le ministère de la Défense qui assume ce rôle sur le plan technologique ou en matière d’ingénierie.

Nous exerçons un rôle un peu plus diversifié en ce qui concerne les débris afin de veiller à ce que les satellites puissent voler dans leur orbite sans être frappés par quoi que ce soit, ce qui représente un grand risque dans l'espace. Nous devons aussi assurer la protection des satellites.

Le sénateur Carignan: Les risques électromagnétiques peuvent provenir du système solaire de façon naturelle. Ils peuvent aussi être « activés » par une menace ou par un tiers qui tente d’attaquer le système, par exemple, un autre pays.

Je présume que le ministère de la Défense veille à établir un plan qui tienne compte des risques d'impulsions électromagnétiques qui proviennent du système solaire. Cependant, avez-vous comme mission de concevoir des satellites dotés de systèmes de protection, tout particulièrement pour faire face à ce type de risques?

M. Laporte: Absolument. En fait, nous menons des recherches avec bon nombre d’universités. Nous menons des recherches à l’échelle internationale sur les effets du soleil et sur la transmission des éruptions solaires. Ceux-ci peuvent avoir un impact électromagnétique similaire à celui d’une bombe atomique qui sauterait dans l'espace. Nous réalisons des progrès importants dans le domaine des sciences, notamment en ce qui concerne les effets du soleil, des radiations et des ondes électromagnétiques qui peuvent provenir du soleil. Par ailleurs, les questions liées aux objets conçus par une puissance ennemie ne nous concernent pas.

Nous nous assurons de concevoir les satellites pour qu'ils puissent absorber ces impacts dans la mesure du possible. Évidemment, il y a des risques associés à une attaque quelconque, et il arrive que des satellites soient détruits.

[Traduction]

Le sénateur Day: Pour le bénéfice de ceux qui nous regardent, quel est votre budget total, monsieur Laporte?

M. Laporte: En fait, il est variable, étant donné que nous travaillons par projets. Au moment où je vous parle, le budget de base tourne autour de 260 millions de dollars, mais notre budget annuel fluctue plutôt entre 450 et 500 millions de dollars, selon l’année.

Le sénateur Day: Et combien d’employés avez-vous?

M. Laporte: Environ 700. Voulez-vous les équivalents temps plein?

Le sénateur Day: Oui.

M. Laporte: Nous en avons 580.

Le sénateur Day: Merci. Dans le document d’information que la Bibliothèque du Parlement nous a préparé, ce n’était pas clair pour moi. Peut-être pourriez-vous clarifier la question de la propriété et votre capacité à produire des revenus, à l’agence spatiale. À plusieurs égards, ces différents satellites sont utilisés à des fins commerciales, en plus de servir à des fins militaires et à des fins publiques normales.

Êtes-vous propriétaire des satellites? Est-ce qu’ils appartiennent à l’agence spatiale, ou est-ce que le gouvernement du Canada et l’agence spatiale gèrent conjointement ces biens fédéraux? À moins qu’ils n’appartiennent à des intérêts privés?

M. Laporte: Il y a toute sorte de situations. Certains satellites nous appartiennent. Certains sont détenus en PPP. Et certains sont purement commerciaux. À moins que je me trompe, nous ne tirons aucun revenu des satellites proprement dits, mais nous avons des installations d’essai très spécialisées et très complexes à la baie Shirleys, ici à Ottawa, que l’industrie utilise contre rémunération, mais cette rémunération n’est pas versée à l’ASC.

Le sénateur Day: À qui est-elle versée?

M. Laporte: Elle est versée au Trésor public. Dans les faits, même si nous tirons un modeste revenu de nos laboratoires, nous n’en voyons pas la couleur.

Le sénateur Day: Qui émet les factures? Le sénateur White et moi ne pouvons pas le faire, mais quelqu’un doit avoir ce pouvoir. Ce n’est pas vous?

M. Laporte: À notre connaissance, il n’y a pas d’autre source de revenus.

Le président: Je peux peut-être clarifier les choses. Ce qu’on demande c’est: si un satellite sert à capter des images et qu’un autre pays ou qu’une organisation donnée désire acheter ces images parce qu’elles sont transmises par satellite, à qui va l’argent?

M. Laporte: Je vais vous donner un exemple. Dans le cas de RADASAT-2, le radar appartient à la société MDA, une société privée. Cette société vend sous licence les images produites. Dans le cadre de notre entente, nous sommes des clients nous aussi. Voilà l’une des situations hybrides que l’on retrouve chez nous.

Pour revenir au système qui entrera en service en 2018, le projet MCR, qui fait appel à la même technologie radar, nous mettrons en orbite trois satellites d’observation en 2018. Ces satellites appartiendront à l’État canadien.

Le président: Allez-vous en tirer des revenus?

M. Laporte: À ma connaissance, nous n’envisageons pas de vendre nos images pour le moment.

Le sénateur Day: Y a-t-il des transferts de fonds avec d’autres éléments de la fonction publique? Nous essayons de tester votre budget pour comprendre pourquoi il est ce qu’il est et pour savoir si une tarification pourrait réduire les crédits dont vous avez besoin. Est-ce que votre mandat se limite à la prestation d’un service public?

M. Laporte: On peut le qualifier de bien des façons. Le projet MCR n’a pas de visée commerciale. D’ailleurs, les ministères participants incluent la Défense nationale, qui, par exemple, espère utiliser toutes les capacités de ces satellites à des fins internes.

Le sénateur Day: Vous parlez de leur nouveau satellite qui sera lancé en orbite?

M. Laporte: Oui, je parle des trois nouveaux satellites qui seront lancés en 2018. En attendant, nous achetons nos images à la société MDA, comme le font la Défense nationale et les autres ministères. En 2018, la situation se renversera: nous cesserons d’être des acheteurs d’images pour devenir des propriétaires d’images.

Le président: On se dit que vous auriez pu faire un pas de plus, et devenir des vendeurs d’images, afin de compenser vos dépenses.

M. Laporte: Actuellement, le projet vise seulement à satisfaire les besoins internes des ministères participants, afin qu’ils puissent remplir leur mandat. On ne prévoit pas ajouter de capacité supplémentaire en 2018.

Le président: Avant de passer au prochain intervenant, pour que les téléspectateurs comprennent bien de quoi il est question, précisons qu’il s’agit d’images qui permettent, par exemple, d’observer les terres agricoles pour savoir ce qu’on peut y planter ou comment on peut en augmenter le rendement, et ainsi de suite. Les satellites fournissent une information cruciale à des secteurs industriels et des individus qui contribuent à notre économie.

Ceci dit, cette information n’aurait pas de prix si on pouvait l’obtenir au moment où le satellite survole, disons, l’Australie. On peut imaginer qu’il serait possible de vendre des images aux agriculteurs australiens ou au gouvernement du pays au passage ou lors de la transmission des données. Est-ce que nous devrions tirer un profit de la technologie pour compenser son coût? Est-ce que je me trompe?

M. Laporte: Les données sont très utiles pour tout un éventail de secteurs, dont l’agriculture, comme vous l’avez dit. On pourrait en dire autant de la banquise et des voies de navigation. Les satellites fournissent beaucoup d’information relative à la circulation maritime.

Pour ce qui est de la tarification, cependant, conformément à certaines orientations de l’État, les données recueillies par ces satellites seront publiées sous forme d’information en libre partage pour que les scientifiques du monde entier puissent les utiliser. Si nous recueillons des images de l’Australie, c’est ainsi qu’elles seront publiées.

Le sénateur Day: Voilà qui est intéressant. Jusqu’ici, on devait payer pour obtenir ces images. Maintenant, vous payez le satellite, mais plus personne ne paye pour les images. Voilà un intéressant changement de philosophie.

M. Laporte: Comme beaucoup d’autres pays, le Canada s’est converti au principe des données en libre partage pour que nos scientifiques aient accès aux sources d’information semblables à l’étranger. Le moment est venu pour notre pays de contribuer à la banque mondiale de données publiques pour que — si vous me permettez l’expression — cela marche dans les deux sens. C’est notre contribution à la communauté scientifique.

Le sénateur Day: Vous parlez de relations entre États, ici. Les satellites privés ne diffusent pas d’images gratuitement.

Le président: Ah non?

Le sénateur Day: Non, ils les vendent.

M. Laporte: Les données de RADARSAT-2 ne sont pas versées dans une base de données publique. RADARSAT-1, par contre, était un satellite public, et toutes les données qu’il a produites sont dans un dépôt de données ouvertes.

Le sénateur Day: Je crois que je ressasse la question depuis assez longtemps, monsieur le président.

Le président: Vous soulevez un point tout à fait incroyable.

[Français]

Le sénateur Carignan: Je ne suis pas expert en matière de satellites, et j’essaie de comprendre. Je comprends que, à l’heure actuelle, tous les besoins sont comblés par des satellites privés ou qui sont contrôlés par des entités privées, sauf peut-être le Sapphire, qui est un satellite militaire de propriété privée. Nous achetons donc des images, mais peut-être pas dans le cas du satellite de la Défense nationale. Si j’ai bien compris, en 2018, le nouveau satellite sera entièrement consacré aux besoins du gouvernement du Canada. Est-ce exact?

M. Laporte: J’ai une correction à apporter. Vous avez dit au début de votre question que nous achetons les images de la plupart des satellites. Cependant, nous parlons ici d’un type de satellite qui est consacré à l’observation terrestre, car nous avons d’autres types de satellites et plusieurs autres types d’instruments, qui mesurent, par exemple, l’atmosphère, les taux de produits chimiques et toutes sortes de choses. Nous nous concentrons vraiment sur les satellites d’observation terrestre. Je peux donc confirmer que, effectivement, nous avons un satellite, le RADARSAT 2, qui appartient à MacDonald, Dettwiler and Associates Ltd. (MDA), dont nous achetons des images sous licence.

Le sénateur Carignan: Si nous déployons un nouveau satellite en 2018 et que nous prévoyons qu’il soit utilisé uniquement pour les besoins du gouvernement du Canada, et qu’il n’y aura pas d’espace pour autre chose, c’est donc qu’il y aura une augmentation importante de la capacité d’utilisation d’un ou de plusieurs satellites, n’est-ce pas?

M. Laporte: Effectivement.

Le sénateur Carignan: Donc, si, aujourd’hui, nous avons une sous-capacité d’utilisation des satellites, comparativement à l’utilisation prévue en 2018, quels sont les domaines ou les départements qui sont laissés pour compte à l’heure actuelle, pour lesquels nous n’avons pas de capacité satellite et dont nous pourrons combler les besoins en 2018?

M. Laporte: Je ne crois pas avoir dit que nous avions une sous-capacité d’utilisation de satellites.

Le sénateur Carignan: Non, c’est ce que j’ai conclu.

M. Laporte: Donc, pour rectifier, nous avions un plan qui prévoyait l’achat d’un nombre d’images de MDA sur RADARSAT 2, et nous suivons ce plan. Nous répondons aux besoins que nous avions établis lorsque nous avons passé un contrat avec MDA.

Le sénateur Carignan: En quelle année?

M. Brûlé: Le contrat pour RADARSAT 2 remonte à environ 1998.

Le sénateur Carignan: Donc, c'est obsolète par rapport aux besoins actuels.

M. Laporte: Oui, c’est sûr.

Le sénateur Carignan: Quels sont les besoins actuels qui ne sont pas comblés par les satellites?

M. Laporte: Depuis ce temps, beaucoup de recherche s’est effectuée aux ministères des Pêches et des Océans, de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources naturelles. Leurs scientifiques ont développé de nouvelles applications qui nécessitent beaucoup plus d'information, beaucoup plus de données. Ces travaux ont été à l’origine, il y a environ sept ou huit ans, du démarrage de la MCR, qui se compose de trois satellites et qui sera mise en orbite en 2018. Nous avons déterminé que, en mettant les trois satellites dans l'espace selon une orbite assez précise, nous pouvions optimiser la couverture au-dessus du Canada et cibler des terrains d'intérêt. Nous croyions ainsi pouvoir répondre aux besoins émergents qui font maintenant partie du mandat de ces ministères. Donc, nous ne passons pas d’une sous-capacité à un surplus de capacité; nous répondons plutôt aux besoins au fur et à mesure que nous faisons appel à une différente technologie de satellite.

Le sénateur Carignan: Quels sont les secteurs ou les domaines qui profiteront de la mise en orbite de ces trois nouveaux satellites?

M. Laporte: Ce sont ceux que je viens de nommer. Lorsque nous avons envisagé l’élaboration du projet MCR, nous avons non seulement travaillé avec les ministères utilisateurs, mais ceux-ci ont contribué financièrement au projet. Nous avons consulté les représentants des ministères de l’Agriculture, de l’Environnement, des Pêches et des Océans et, selon leurs besoins, ils ont contribué à un certain pourcentage du projet. Le principal revenait tout de même à l'agence.

Selon ma perspective, j'ai des clients captifs, et je me mets surtout dans une position de pourvoyeur de services et d'images. Nous offrons donc des services aux agents des ministères des Pêches et des Océans, de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources naturelles, et certainement de la Défense nationale. En fait, la Défense nationale est de loin l’utilisateur le plus important de la nouvelle constellation. Il y a aussi Environnement Canada, bien entendu.

Le sénateur Carignan: Compte tenu de l'importance de ces trois nouveaux satellites et de leur couverture, et de leur importance stratégique pour les Canadiens, vous n’avez pas d’autres responsabilités en matière de sécurité des satellites, et vous laissez cette responsabilité à la Défense nationale. Quelle est la participation de la Défense nationale, ou quel lien entretenez-vous avec ce ministère pour assurer la sécurité de cette infrastructure essentielle qui sera lancée en 2018?

M. Laporte: Je comprends votre question. Mettre un satellite en orbite nous oblige à respecter de nombreux règlements, de même que des lois internationales, dans le cadre de nos responsabilités et de celles de nos partenaires. Il s’agit d’un environnement qui est relativement complexe et qui n’est pas dicté par la loi de la jungle. Nous devons respecter toutes ces exigences qui, au fil du temps, ont évolué pour assurer la meilleure sécurité possible des satellites dans l'espace.

La protection d'un satellite diffère de la façon dont on protégerait une cible importante, comme une tour à micro-ondes, en théâtre de guerre. Le satellite peut voyager à plusieurs fois la vitesse du son et faire plusieurs fois le tour de la terre. Nous nous en remettons aux ententes internationales et aux traités internationaux en ce qui concerne la protection des satellites.

Si un pays hostile décide qu'il veut éliminer tout ce qui est dans l'espace, il devra faire face aux mesures que prendront les superpuissances. Dans ce cas, on entre dans le domaine de la défense, et cela dépasse mon champ d'expertise. Si quelqu'un voulait faire des dommages dans l'espace avec des intentions très malveillantes, il y aurait toute une panoplie d'activités ou de protections qui entreraient en jeu, ce qui relève clairement du domaine de la défense.

[Traduction]

La sénatrice Beyak: Merci beaucoup, monsieur Laporte. Comme le dit le président, l’espace est un sujet passionnant et, pour les téléspectateurs, je suis sûre que la description de tout ce que vous faites a été très impressionnante. Personnellement, j’ai beaucoup appris.

Pouvez-vous me dire si l’Agence spatiale canadienne travaille sur le programme de télescope James Webb et, si oui, nous donner des détails à ce sujet?

M. Laporte: De fait, nous jouons un rôle de premier plan dans ce projet. Nous avons été l’un des premiers partenaires, et c’est une entreprise fascinante. Si, comme moi, vous avez suivi l’aventure du télescope Hubble et que vous savez à quel point il a contribué à la découverte de formations planétaires jusqu’alors inconnues — étant donné que dans l’espace, comme on est libéré des perturbations produites par l’atmosphère terrestre, on peut obtenir des images beaucoup plus claires d’objets très éloignés... Enfin, je crois que le télescope James Webb est une technologie qui sera 100 fois ou 1 000 fois plus efficace pour explorer les confins de l’univers.

Cette technologie mènera à des découvertes extraordinaires, d’un ensemble de choses d’une envergure qu’on ne peut même pas imaginer aujourd’hui, et nous permettra de pénétrer dans des régions de l’univers que nous n’avons encore jamais pu observer.

C’est vraiment passionnant. Comme on prévoit toujours lancer le télescope en 2018, nous suivons de près sa construction et nous sommes impatients de voir ce que les scientifiques pourront tirer des données qu’il produira.

La sénatrice Beyak: Est-ce que l’Agence spatiale canadienne collabore avec la NASA pour ce qui est de l’exploration spatiale? Est-ce qu’il y a du nouveau de ce côté-là?

M. Laporte: Tout à fait. Nous avons été l’un des principaux partenaires de la NASA pour la navette spatiale et nous avons un astronaute dans la Station spatiale internationale en permanence depuis presque 15 ans — depuis le tout début, en fait.

Le Canada a joué un rôle crucial dans la Station spatiale internationale: après avoir utilisé le Canadarm dans la navette spatiale, la NASA a vite reconnu la valeur de notre contribution sur le plan de la robotique et a demandé au Canada de fournir un télémanipulateur comparable pour la station spatiale.

Ce qui n’était au départ qu’un appareil intéressant pour déplacer des objets d’un endroit à un autre de la station est devenu aujourd’hui l’un des éléments indispensables à l’exploitation de la Station spatiale internationale.

En fait, le Canadarm est maintenant utilisé avec un autre robot, baptisé Dextre, qui est beaucoup plus petit et qui ressemble d’ailleurs à un robot, avec beaucoup de bras. Alors que le Canadarm est une grue capable de déplacer quelque chose d’aussi gros qu’un autobus scolaire dans la station, le Dextre est beaucoup plus petit. On peut le placer à l’extrémité du bras canadien et l’amener jusqu’à un élément crucial installé à l’extérieur de la station; comme il est beaucoup plus précis dans ses manipulations, on peut s’en servir pour couper un fil, dévisser un boulon, ouvrir un verrou ou réalimenter un dispositif.

La combinaison des deux avantages — la force brute et la taille du Canadarm avec l’agilité du Dextre — représente une contribution significative à l’entretien et à l’exploitation de la Station spatiale internationale. Le revers de cette médaille, c’est que nos astronautes ne sortent plus que si les robots sont incapables de faire le travail.

Nous sommes très fiers de cette contribution canadienne et nous sommes l’un des principaux partenaires de la NASA, de ce point de vue.

La sénatrice Beyak: Merci beaucoup. Je suis toujours impressionnée par le nombre de Canadiens et de Canadiennes qui suivent les audiences du Sénat de chez eux. Votre témoignage a été très instructif et vous nous avez beaucoup aidés aujourd’hui.

Le sénateur Mitchell: Merci à tous les deux. En vous écoutant, je me suis rappelé que j’ai vu le film Gravité; je sais donc quelque chose au sujet des débris spatiaux. Je suis heureux d’apprendre que vous travaillez là-dessus.

Je m’intéresse beaucoup à l’éducation. Quelle que soit la vision qu’on a de l’économie de demain, une chose est évidente: la science y jouera un rôle important, et même de plus en plus important.

J’aimerais connaître le montant des compressions qui vous ont obligé à sabrer dans le programme d’éducation, et combien il en coûterait pour remettre sur pied ce programme. Qu’avons-nous perdu parce que vous ne pouvez plus aller à l’école pour enseigner la science, à de jeunes élèves, je présume.

M. Laporte: Pour être sûr de ne pas vous donner une impression fausse, je dirais que, oui, il y a eu des compressions dans le budget des programmes de STIM — c’est-à-dire de science, technologie, ingénierie et mathématiques — qui sont les programmes pédagogiques. C’est vrai. Les compressions nous ont contraints d’abandonner certains types de programmes éducatifs. Cela ne veut pas dire que nous avons tout arrêté, loin de là.

Comme tous nos partenaires étrangers, nous reconnaissons que l’espace, sujet passionnant par définition, intéresse les enfants. Il stimule leur imagination. Il est vraiment magique. Comme nous le faisons, la plupart des agences spatiales étrangères profitent de cet intérêt pour passer beaucoup de temps à l’école afin de faire comprendre aux enfants la valeur de la science et leur montrer ce que le Canada et d’autres pays sont capables de faire dans l’espace. Nos astronautes, par exemple, passent beaucoup de temps dans les classes. Je ne sais pas si vous avez eu le plaisir d’observer ce qui se passe lors de ces visites. J’ai rarement vu des élèves du primaire avec des yeux aussi allumés que lorsqu’un astronaute entre dans leur gymnase, et cela vaut aussi pour les professeurs. Il suscite un émerveillement qui lui permet de transmettre un message capital sur l’importance de finir ses études, pour valoriser la persévérance scolaire, mais aussi pour valoriser les métiers scientifiques et techniques.

C’est une chose que nous faisons beaucoup. D’ailleurs, Jeremy Hansen, l’un de nos deux astronautes, revient tout juste d’une tournée en Ontario et à Regina. Il a participé à quelques pow-wow dans les villages du Nord, il a fumé le calumet de la paix et il a fait plusieurs conférences diffusées en direct dans les écoles. Si je me fie à ma mémoire défaillante, je crois qu’environ 7 000 personnes ont suivi en direct son émission sur les réseaux sociaux.

Nous sommes encore très présents les écoles.

Le président: Le sénateur Mitchell a posé une question précise. De combien votre budget a-t-il diminué? Voilà ce qu’il a demandé.

M. Laporte: Il y avait toute sorte d’initiatives. Nous avions une exposition itinérante de matériel spatial qui pouvait alimenter plusieurs cours de science. Elle a circulé dans de multiples écoles du pays. Elle a été victime des compressions.

Nous avions un cours d’été qui permettait aux enseignants d’acquérir des notions de base en exploration spatiale, notions qu’ils pouvaient ensuite enseigner aux enfants. Lui aussi a succombé aux compressions.

Le sénateur Mitchell: Du côté du programme d’observation, le satellite qui fournira des images, est-ce qu’il nous permettra d’évaluer avec plus de précision les effets du changement climatique dans notre pays et dans le monde? Est-ce qu’il nous permettra de mieux prédire ces effets et donc, à terme, le coût du changement climatique?

M. Laporte: Chose certaine, avec données plus précises, captées avec plus de fréquence grâce à un nombre accru de révolutions par jour, c’est sûr. Pour ce qui est de prédire, tout dépend de l’utilisation que l’on fait des données. Cela dépend des scientifiques d’Environnement Canada, par exemple. C’est une question d’utilisation des données, qui ne nous concerne pas, en fait.

Le sénateur Mitchell: Vous avez mentionné que vous faites des PPP, et il est clair que vous collaborez avec le secteur privé et ainsi de suite. Avez-vous évalué le levier économique que votre investissement dans le secteur privé représente pour la croissance de l’industrie aérospatiale au Canada, le nombre d’emplois, l’effet d’entraînement par rapport au PIB? Considérez-vous que vous avez un rôle à jouer pour soutenir et développer l’industrie aéronautique et l’industrie aérospatiale au Canada?

M. Laporte: Oui, tout à fait. Nous faisons partie du portefeuille Innovation, Science et Développement économique. Il est clair que la croissance industrielle est une grande préoccupation. Nous avons d’ailleurs un cadre de la politique spatiale qui prévoit une collaboration accrue avec l’industrie, ainsi qu’avec les universités, dans une perspective scientifique, dans une optique de croissance, et notamment le développement d’entreprises dans des domaines prometteurs sur le plan de l’exportation.

C’est certainement un de nos soucis, et c’est un critère important quand nous envisageons d’investir dans un nouveau projet.

Le sénateur Ngo: Selon le Rapport ministériel sur le rendement 2014-2015, le lancement du satellite M3MSat, originellement prévu pour 2014, a été reporté à avril 2016 pour des raisons géopolitiques. Donc, au lieu de deux satellites, nous n’en avons qu’un seul.

Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est le satellite M3MSat et à quoi il sert? Quelles sont ces « raisons géopolitiques » dont vous parlez? Allez-vous lancer ce satellite en avril comme prévu?

M. Laporte: En ce qui concerne votre dernière question, au sujet de la date de lancement...

Le sénateur Ngo: Est-ce que le lancement du satellite M3MSat, qui a été reporté à avril 2016, va avoir lieu ce mois-ci?

M. Laporte: La mission M3MSat est un projet mené conjointement avec le ministère de la Défense nationale, plus précisément RDDC, qui concerne le Système d’identification automatique permettant de suivre les déplacements des navires. Le projet fait appel à une nouvelle technologie, qui repère les navires avec un peu plus de précision que celle qu’on utilise dans les autres satellites. Il y a donc encore pas mal d’intérêt à ce que l’on procède au lancement.

Vous avez évoqué nos raisons géopolitiques. La période de lancement initiale tombait à un moment de grande tension entre le Canada et la Russie, alors que c’est la Russie qui devait lancer notre satellite. On a donc décidé de changer le programme.

Nous avons approché l’État indien, qui a accepté de se charger du lancement et, un retard en entraînant un autre, nous avons fini par le repousser jusqu’en avril de cette année.

M. Brûlé: La nouvelle date de mise en orbite est en juin de cette année; l’Inde vient de nous l’annoncer, la semaine dernière.

Le président: Vous dites que le nouveau système « repère les navires avec un peu plus de précision »; que va-t-il apporter de plus que le système actuel, exactement?

M. Brûlé: Le système est basé sur des transpondeurs embarqués, dont le satellite détecte les signaux. Nous captons les signaux émis par tous les navires, nous les relayons au sol et, à partir de ces données, nous pouvons situer la position exacte des navires quand l’engin spatial les survole, partout dans le monde.

Le président: Et ce système fonctionne 24 heures par jour, 7 jours par semaine?

M. Brûlé: C’est exact.

Le président: Est-ce que nous ne possédons pas déjà cette capacité?

M. Brûlé: Il y a déjà des satellites en orbite qui font ce travail. Comme nous l’avons dit, nous devons renforcer la résilience du réseau grâce à un mécanisme de redondance. À mesure que les satellites vieillissent, on doit les remplacer. Le M3MSat est un satellite neuf, doté de capacités supérieures, qui nous permettra de détecter avec plus de précision la position des navires dans le monde entier. Il est aussi un précurseur des systèmes qui seront déployés dans le cadre de la mission Constellation RADARSAT; en effet, chacun des satellites composant la constellation sera équipé d’un transpondeur capable de capter les messages de tous les navires en mer.

[Français]

Le sénateur Carignan: Est-ce la même chose pour les avions?

M. Brûlé: Non, la technologie n'est pas compatible pour les avions. En termes de vitesse, il y a des satellites et des avions qui voyagent à très grande vitesse. Le temps de passage est donc trop court pour que nous soyons en mesure de les suivre correctement.

[Traduction]

Le président: Permettez-moi de revenir sur la question de la sécurité publique. L’information que recueille votre agence est plus précise. Le MDN y a accès. Comment communique-t-on cette information à nos alliés? On parle de navires dont la mission n’est pas nécessairement pacifique. Comment se situe votre agence, dans ce contexte? Est-ce que vous vous contentez de fournir l’information, sans vous soucier de son destinataire?

M. Brûlé: Eh bien, nous collaborons étroitement avec le ministère de la Défense nationale, Transport Canada et le MPC, par l’entremise de la Garde côtière. Toutes ces administrations reçoivent des données fiables sur tous les navires détectés.

De leur côté, elles ont des ententes avec leurs partenaires étrangers. Il est vrai qu’elles communiquent de l’information, en fonction des ententes en question. Par exemple, on a des ententes avec les États-Unis depuis longtemps, et l’échange d’information se fait de façon régulière, mais tout dépend de ces ententes internationales.

La sénatrice Lankin: Ma première question porte sur ce que vous avez dit au sujet de la NASA et de la contribution du Canada à cette agence. Vous avez parlé du Canada et vous avez dit « nous ». J’essaie de comprendre la différence entre ce que fait déjà votre agence et ce qu’elle pourrait faire en collaboration avec l’industrie canadienne, l’industrie aérospatiale, la SPAR, le Canadarm. Avez-vous un rôle spécifique en matière de développement économique et de collaboration avec l’industrie aérospatiale? Pourriez-vous expliquer quel est le rôle ou la contribution de l’agence par rapport à l’ensemble du secteur au Canada?

M. Laporte: La fonction de développement économique relève du ministère. C’est le ministre Bains qui s’en occupe. Cependant, comme l’agence fait partie du portefeuille dont M. Bains a la charge, nous contribuons aussi au développement de l’industrie. Nous collaborons étroitement; par exemple, la politique spatiale du Canada est définie par le ministère. Notre contribution à nous se situe plutôt au niveau de la tactique et des connaissances internationales. Nous travaillons de très, très près avec les services du ministère qui sont chargés de la stratégie spatiale.

Cette collaboration au niveau des orientations nous pousse à favoriser le développement de l’industrie. Le cadre de la politique spatiale est très clair là-dessus. Si nous avons le choix entre développer quelque chose nous-mêmes et confier le travail à l’industrie, par exemple, nous accordons la préférence à l’industrie.

La sénatrice Lankin: Merci. Vous avez parlé de l’appui que vous apportez au ministère de la Défense nationale. Est-ce que vous fournissez un soutien et des services à des organismes de renseignement comme le SCRS ou le CSTC ou d’autres du même genre?

M. Brûlé: Nos principaux échanges se font avec le ministère de la Défense nationale. Il est possible que le MDN communique avec le SCRS et le CSTC, mais nous n’avons pas de contacts directs avec eux. Nous collaborons avec Sécurité publique Canada en matière de protection civile, mais pas avec ces organismes de renseignement.

Le président: Merci, chers collègues. Je tiens à remercier les témoins pour leur temps et cette séance qui a été très instructive. Je ne doute pas que nous allons vous réinviter à un moment donné pour savoir ce que fait votre agence.

Pour notre deuxième groupe de témoins, tandis que nous allons examiner la question de la recherche et du sauvetage, nous entendrons Lori MacDonald, sous-ministre adjointe, Secteur de la gestion des urgences et des programmes à Sécurité publique Canada; Dominik Breton, directeur, Secrétariat national Recherche et sauvetage à Sécurité publique Canada; Gregory Lick, directeur général, Opérations à la Garde côtière canadienne; Peter Garapick, surintendant, Recherche et sauvetage, Région du Centre et de l’Arctique, à la Garde côtière canadienne; et le contre-amiral Peter Ellis, commandant adjoint, Commandement des opérations interarmées du Canada, Défense nationale et Forces armées canadiennes.

Comme Sécurité publique Canada est désormais l’organisme responsable en matière de recherche et de sauvetage, je crois comprendre que c’est Mme MacDonald qui va commencer par une déclaration. D’autres personnes ont-elles préparé des interventions? Nous disposons d’une heure pour ce groupe.

Lori MacDonald, sous-ministre adjointe, Secteur de la gestion des urgences et des programmes, Sécurité publique Canada: Bonjour, honorables sénateurs, et merci de me donner l’occasion de faire le point sur le Programme national de recherche et de sauvetage du Canada.

Le Canada fait partie des pays où les activités de recherche et de sauvetage sont les plus difficiles au monde, en raison de ses conditions météorologiques extrêmes et de ses caractéristiques géographiques. Notre pays est vaste, et sa population est grandement dispersée. La recherche et le sauvetage sont une responsabilité que se partagent les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux, ainsi qu’un certain nombre d’organisations de recherche et de sauvetage bénévoles.

Les Forces armées canadiennes interviennent en cas d’incidents aéronautiques, et la Garde côtière canadienne intervient en cas d’incidents maritimes. Les deux collaborent à la coordination des opérations de recherche et de sauvetage par le truchement des centres conjoints de coordination du sauvetage.

Parcs Canada est l’agence responsable de la recherche et du sauvetage dans les parcs nationaux et les lieux historiques nationaux, tandis que les gouvernements provinciaux et territoriaux prennent en charge la recherche et le sauvetage sur terre. Cependant, ces pouvoirs sont souvent délégués aux services de police locaux, y compris à la Gendarmerie royale du Canada; à Transports Canada, à Environnement et Changement climatique Canada et à d’autres ministères et organismes qui jouent aussi des rôles essentiels à l’appui de la prestation des services de recherche et de sauvetage.

Le Secrétariat national Recherche et sauvetage est chargé de gérer le cadre de coordination des activités stratégiques du Programme national de recherche et de sauvetage. Ces activités sont appuyées par un réseau pancanadien de plus de 18 000 bénévoles formés spécialement en recherche et en sauvetage aériens, terrestres et maritimes.

Cette responsabilité partagée permet l’exploitation du Programme national de recherche et de sauvetage, un programme national de collaboration qui met l’accent sur l’intervention et la prévention grâce à la coopération et à l’échange de renseignements. Le nombre d’intervenants et d’administrations prenant part aux efforts de prévention, d’intervention, de sensibilisation, de réglementation et d’application de la loi complique le Programme national de recherche et de sauvetage. Au fil des ans, le programme a évolué pour s’harmoniser aux responsabilités et aux rôles opérationnels de ses partenaires clés, et pour assumer des responsabilités additionnelles dans le Nord.

La prévention fait partie du mandat de base du Programme national de recherche et de sauvetage. Elle peut avoir une incidence énorme sur la fréquence et la gravité des incidents nécessitant des activités de recherche et de sauvetage, en haussant la sensibilisation, en atténuant les risques et en modifiant les comportements, afin d’inciter les Canadiens à se prendre en main lorsqu’ils mènent des activités extérieures.

Le fait d’encourager la collaboration et l’interopérabilité caractérise l’intervention. Même si une mission de recherche et de sauvetage est lancée par un organisme particulier en fonction de la nature et de l’emplacement d’un incident, il arrive souvent que plusieurs administrations prennent part à l’intervention opérationnelle complète. Ce sont des activités de recherche et de sauvetage « harmonisées » dont l’objectif premier est de sauver une vie. L’aide mutuelle des organismes est l’un des principes fondamentaux du système.

En juillet 2015, le Programme national de recherche et de sauvetage a été confié au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, dans le cadre du transfert du Secrétariat national Recherche et sauvetage. Ce secrétariat met l’accent sur les questions non opérationnelles. Il encourage l’intégration et l’interopérabilité parmi les autorités fédérales, provinciales et territoriales, ainsi que les organismes de bénévoles partenaires prenant part aux activités de recherche et de sauvetage aériennes, terrestres et maritimes.

En ce qui a trait à l’avenir, nous disposons d’un certain nombre de possibilités pour améliorer le Programme national de recherche et de sauvetage. En raison des pouvoirs que confère la Loi sur la gestion des urgences au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, il est possible d’accroître les liens entre la gestion des urgences et la recherche et le sauvetage, et d’améliorer la coordination et la collaboration, y compris le fait de mieux tirer profit des mécanismes actuels et d’établir une structure de gouvernance modernisée.

Sécurité publique Canada s’est engagé à diriger le renouvellement du Programme national de recherche et de sauvetage, ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre d’un cadre stratégique national dans le domaine qui regroupera avec davantage d’efficacité les efforts déployés par tous les ordres du gouvernement, les premiers intervenants, les bénévoles et les organismes non gouvernementaux, afin d’améliorer l’approche intégrée en matière de recherche et de sauvetage. En fait, le ministre a reçu le mandat de travailler avec les provinces et les territoires, les Autochtones, ainsi que les municipalités, afin de créer un plan d’action complet en gestion des urgences. Ce dernier permettra de mieux prévoir les catastrophes, de mieux s’y préparer et de mieux intervenir. Les activités de recherche et de sauvetage seront intégrées à ce cadre général d’intervention.

Le renouvellement comprendra un examen de la meilleure façon d’harmoniser la recherche et le sauvetage en milieu urbain à l’aide d’équipement lourd au Programme national de recherche et de sauvetage. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada s’est engagé à rétablir le financement des équipes de recherche et de sauvetage en milieu urbain à l’aide d’équipement lourd. Sécurité publique Canada collaborera avec les provinces et les territoires pour lancer un dialogue national qui permettra de définir une capacité d’intervention efficace en milieu urbain, dans l’ensemble du continuum de la recherche et du sauvetage en milieu urbain à l’aide d’équipement léger, moyen et lourd.

Mon ministère collaborera étroitement avec nos partenaires, à l’appui d’un engagement significatif tout au long des processus de renouvellement.

Honorables sénateurs, le Canada a le privilège d’avoir réussi autant d’activités de recherche et de sauvetage au fil des ans, activités auxquelles un vaste éventail de partenaires dotés de capacités et de compétences diversifiées ont pris part. Cette mosaïque complexe d’administrations et de responsabilités a évolué afin de combler les besoins uniques du Cana da. Au cours des prochains mois, nous allons poursuivre le dialogue en vue de moderniser le Programme national de recherche et de sauvetage.

Merci pour votre temps et votre intérêt.

Le président: Merci, madame MacDonald. J’invite M. Lick à enchaîner.

Gregory Lick, directeur général, Opérations, Garde côtière canadienne: Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je suis heureux d’être ici présent aujourd’hui, afin de discuter de l’état actuel du système de recherche et de sauvetage du Canada avec les partenaires cruciaux qui font que ce système fonctionne bien.

Permettez-moi de vous présenter mon collègue, Peter Garapick, surintendant, Programme de recherche et de sauvetage, Région du Centre et de l’Arctique et expert concernant les initiatives de la Garde côtière dans l’Arctique.

Mes remarques porteront surtout sur le secteur de responsabilité de la Garde côtière canadienne dans la composante maritime du système fédéral de recherche et de sauvetage.

Je tiens, d’emblée, à souligner que la navigation maritime continue d’être dangereuse. La Garde côtière répond à plus de 6 000 appels de détresse tous les ans, allant de la petite embarcation endommagée aux gros navires qui ont connu une mer déchaînée ou éprouvé des urgences à bord. Il est essentiel que le Canada maintienne une capacité de recherche et de sauvetage à la fois solide et très efficace. Chaque jour, la Garde côtière sauve 15 vies et aide 52 personnes en détresse partout dans les vastes étendues de notre pays. Quand on songe que plus de 200 vies sont perdues chaque année au Canada dans le cadre d’activités maritimes, cela donne à réfléchir.

Nous n’exerçons pas toutes ces activités importantes en vase clos. Nos succès sont possibles grâce à notre partenariat avec les Forces armées canadiennes, avec lesquelles nous exploitons trois Centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage, situés à Halifax, à Trenton et à Victoria. En outre, la Garde côtière exploite un centre secondaire de sauvetage maritime à Québec pour faciliter les efforts de coordination locaux, en raison de l’importance d’assurer la prestation de nos services dans les deux langues officielles. De plus, nous collaborons avec notre Garde côtière auxiliaire, un réseau pancanadien de centaines de collectivités côtières dont les 4 000 et quelques volontaires apportent de précieuses ressources aux efforts de sauvetage menées par la Garde côtière. Les actifs de ces collectivités sont particulièrement en demande dans les régions de l’Arctique, où les équipes locales ont énormément d’expérience et peuvent intervenir là où les ressources sont moins nombreuses et très espacées.

[Français]

Nos services de recherche et sauvetage sont disponibles 24 heures sur 24, sept jours sur sept, pour les navigateurs dans les eaux canadiennes. La Garde côtière canadienne surveille également les appels de détresse par l'intermédiaire de son réseau de centres des Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) et transmet ces appels aux centres de sauvetage, qui prennent les mesures nécessaires.

Tous les navires et hélicoptères de la Garde côtière canadienne appuient les activités de recherche et sauvetage, en plus des 39 stations d’embarcations de sauvetage (soit 40 stations lorsque la base de Kitsilano sera opérationnelle) et des 25 embarcations de sauvetage côtier saisonnier qui sont déployées à des endroits stratégiques au Canada. Le temps de réaction des actifs de recherche et sauvetage est de 30 minutes ou moins.

Au printemps 2013, la Garde côtière canadienne et les Forces armées canadiennes ont renforcé davantage cette étroite collaboration en mettant sur pied le comité fédéral de gouvernance des opérations de recherche et sauvetage pour répondre aux recommandations de la vérification menée par le Bureau du vérificateur général et en vue d'assurer une supervision rigoureuse de la gestion fédérale des opérations de recherche et sauvetage.

[Traduction]

J’ai parlé brièvement des efforts déployés dans l’Arctique qui dépendent des partenariats entre la Garde côtière, la Garde côtière auxiliaire et les Forces armées canadiennes. La Garde côtière investit dans les opérations de recherche et de sauvetage dans l’Arctique afin de faire face aux préoccupations croissantes en matière de sécurité maritime dans cette région. Nous avons augmenté le financement destiné à la Garde côtière auxiliaire canadienne afin d’appuyer son expansion immédiate dans l’Arctique. La Garde côtière auxiliaire reçoit maintenant 500 000 $ chaque année pour soutenir l’augmentation du nombre de membres et leur formation dans l’Arctique.

De plus, la Garde côtière mène un projet d’examen de deux ans, approuvé aux termes de la Stratégie sur les corridors de transport maritime dans le Nord, qui doit appuyer les prochaines propositions d’expansion des services de recherche et sauvetage maritimes dans la région de l’Arctique.

La Garde côtière mène actuellement un projet pilote de quatre ans sur les navires des collectivités autochtones afin qu’elles participent aux activités d’intervention d’urgence en milieu marin comme membres de la Garde côtière auxiliaire canadienne. Nous augmentons nos efforts afin d’intégrer les compétences et les connaissances maritimes des Autochtones au système de recherche et sauvetage grâce à une formation pertinente. Parmi les exemples de réalisations, on peut mentionner le centre de formation à l’utilisation des canots pneumatiques à coque rigide à Bamfield, en C.-B., et le futur centre de formation sur les fonctions d’urgence en mer qui doit faire partie de la base de la Garde côtière de Kitsilano.

Nous utilisons un système de recherche et de sauvetage qui fonctionne bien, mais que chaque personne qui l’utilise tente d’améliorer chaque jour. Ce système fonctionne grâce aux milliers de personnes passionnées qui interviennent sur l’eau ou dans les airs tandis que tous les autres veulent rentrer au sec. Le système fonctionne grâce à tous ceux et celles qui le surveillent et coordonnent leurs efforts afin d’assurer le succès. Tous nos efforts concertés chaque jour doivent faire en sorte que ceux qui sont en détresse et tous ceux qui les aident nous reviennent en toute sécurité.

Je remercie les membres du comité de m’avoir donné cette occasion.

Le président: Merci beaucoup, monsieur.

[Français]

Contre-amiral Peter Ellis, commandant adjoint, Commandement des opérations interarmées du Canada, Défense nationale et les Forces armées canadiennes: C'est un honneur pour moi de discuter avec vous aujourd'hui de la situation actuelle relative au système de recherche et de sauvetage en présence de nos partenaires clés fédéraux qui contribuent grandement à son bon fonctionnement. Je voudrais souligner que nous travaillons ensemble de manière concertée, non seulement dans un contexte de recherche et de sauvetage, mais aussi dans d'autres domaines de gestion de situations d'urgence pour les Canadiens, et ce, tant au pays qu'à l'étranger.

La zone de recherche et de sauvetage canadienne est la plus étendue dans le monde. Comme vous le savez, elle comprend 18 millions de kilomètres carrés d'étendue terrestre et maritime. Sa géographie est variée et exigeante, et son climat peut être rude toute l'année. L'étendue de la zone et la nature variable de son environnement confrontent la communauté de recherche et de sauvetage à de véritables défis.

Comme l'ont déjà souligné mes collègues, la responsabilité des activités de recherche et de sauvetage est partagée par plusieurs parties prenantes. Je voudrais souligner que les Forces armées canadiennes travaillent en étroite collaboration avec tous les autres partenaires afin de fournir un service de recherche et de sauvetage de première classe aux Canadiens.

[Traduction]

Je vais surtout vous parler des responsabilités des Forces armées canadiennes au sein du système de recherche et de sauvetage et, plus précisément, des aspects opérationnels. En ma qualité de commandant adjoint du Commandement des opérations interarmées du Canada, j’aide mon patron, le lieutenant-général Bowes, à assurer le commandement et le contrôle des opérations des FAC, ce qui comprend les activités de recherche et de sauvetage (SAR). Les commandants militaires des trois régions de recherche et de sauvetage canadiennes — qui ont tous le grade de contre-amiral ou de major-général — relèvent du commandant du Commandement des opérations interarmées du Canada, le COIC. Ils disposent de tous les pouvoirs en ce qui a trait à leur région respective, mais c’est le COIC qui est responsable à l’échelle nationale. Je copréside également le Comité de gouvernance opérationnelle de recherche et de sauvetage auquel Greg a fait référence dans son intervention. J’ai le privilège de partager la présidence avec le sous-commissaire de la Garde côtière canadienne, Mario Pelletier.

Les Forces armées canadiennes sont chargées d’assurer une coordination efficace des activités de recherche et de sauvetage aériennes et maritimes, et elles s’acquittent de cette tâche par l’entremise des trois centres conjoints de coordination de sauvetage, les CCCS, situés à Victoria, à Trenton et à Halifax, où des contrôleurs aériens de l’Aviation royale du Canada travaillent aux côtés de contrôleurs maritimes de la Garde côtière canadienne. À Halifax et à Victoria, les CCCS partagent leurs locaux avec les centres des opérations de la sûreté maritime et avec les centres des opérations régionales des forces armées.

Les Forces armées canadiennes sont également chargées de la conduite des activités de recherche et de sauvetage aéronautiques, pour lesquelles nous employons des plateformes spécialisées dans le domaine. Quelque 9 300 incidents sont signalés aux trois CCCS chaque année, ce qui donne normalement lieu à 950 missions pour les aéronefs de l’ARC.

À l’échelle du Canada, nous comptons environ 950 membres des Forces canadiennes qui offrent des services de recherche et de sauvetage en tout temps. Ce nombre comprend les membres du personnel qui s’occupent des CCCS, ainsi que les techniciens en recherche et sauvetage, les pilotes, les navigateurs et les mécaniciens de bord qui composent l’équipage de nos appareils, ainsi que les techniciens qui assurent le bon fonctionnement de 12 Hercules, de 6 Buffalo, de 14 Cormorant et de 5 Griffon, qui sont désignés éléments primaires dans les interventions de recherche et de sauvetage, et qui sont basés à Trenton.

[Français]

Ces ressources sont basées à Comox, à Winnipeg, à Trenton, à Greenwood, en Nouvelle-Écosse, et à Gander, à Terre-Neuve-et-Labrador.

[Traduction]

En plus des ressources spécialisées de recherche et de sauvetage, les Forces armées canadiennes réquisitionnent souvent ce que nous appelons des ressources secondaires, soit n’importe quel navire ou aéronef. Il peut s’agir de n’importe lequel de nos aéronefs ou navires qui sont généralement prêts à contribuer aux opérations de recherche et de sauvetage. Il arrive aussi fréquemment, dans le Nord, que nous fassions appel à des éléments terrestres, surtout aux patrouilles de Rangers canadiens que nous appelons fréquemment pour nous donner main-forte dans les opérations de recherche et de sauvetage au sol. Nous faisons appel à ces ressources de recherche et de sauvetage si elles sont bien adaptées aux conditions environnantes et si elles sont disponibles pour intervenir.

En plus de nos partenaires ici présents, nous collaborons étroitement avec les autorités provinciales, territoriales et municipales, avec l’Association civile de recherche et de sauvetage aériens, l’ACRSA — il en a déjà été question et je suis sûr qu’on en reparlera tout à l’heure —, et bien sûr, comme nous l’avons indiqué précédemment, avec la Garde côtière auxiliaire canadienne.

À l’échelle internationale, nous collaborons avec nos voisins dans les zones de recherche et de sauvetage adjacentes à la nôtre, y compris dans l’Arctique où les huit pays arctiques ont convenu de collaborer en matière de recherche et de sauvetage.

Bien que je me concentre sur les opérations et les interventions, je dois insister sur l’importance de la prévention. Je veux dire par là que les personnes qui pourraient se trouver dans des environnements reculés ou difficiles, en mer ou dans le Nord, devraient veiller à être bien préparées. Cela signifie disposer de balises, de survêtements protecteurs, de matériel à jour et bien entretenu, ainsi que posséder l’entraînement nécessaire pour éviter une catastrophe, ou pour y survivre s’il n’est pas possible de l’éviter.

[Français]

En conclusion, les Forces armées canadiennes continueront à travailler étroitement avec les autres organisations qui se partagent la responsabilité pour offrir une prestation de services de recherche et de sauvetage efficace au Canada. Je voudrais d'ailleurs vous remercier de m'avoir invité à participer à la séance du comité aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Je voudrais saisir cette occasion, si vous me le permettez, chers collègues, en ma qualité de président et de représentant du Yukon et du Nord, pour demander au contre-amiral Ellis si son organisation a testé des drones à long rayon d’action en région arctique? Si oui, êtes-vous en train d’en acquérir ou comptez-vous le faire? Veuillez aussi nous renseigner sur les capacités que nous pourrions dériver de cette technologie moderne.

Cam Ellis: Le Commandement des opérations interarmées n’a pas testé de drones à long rayon d’action en tant que tel. Au sein des Forces canadiennes, c’est l’Aviation royale canadienne qui est chargée des systèmes aériens sans équipage. Il y a le projet JUSTAS, un projet d’investissement majeur pour l’acquisition, au nom des Forces canadiennes, d’un grand nombre de véhicules de surveillance sans équipage.

Pour moi, commandant des opérations, la perspective d’un système aérien téléguidé offre de toute évidence de grandes possibilités en matière de surveillance au Canada, outre des applications directes pour la recherche et le sauvetage — ne fusse que pour le repérage et l’identification de sites spécifiques.

Nous possédons une grande expérience opérationnelle sur le plan stratégique, en Afghanistan, par l’usage de véhicules aériens sans pilote, les UAV, de plus petite taille; sans oublier les UAV lancés depuis des navires de notre marine.

Le président: Pourriez-vous nous en dire plus? Si l’acquisition de drones relève d’une autre institution gouvernementale, quelle incidence cela a-t-il sur vos activités courantes?

Cam Ellis: Effectivement, monsieur. L’Aviation royale canadienne agit comme responsable de projet et le SMA(Mat) est chargé de le mener à terme; comme cela se fait pour tous nos projets d’investissements majeurs.

Pour ma part, COIC sera l’entité qui les emploiera; ces capacités contribueront certainement à la surveillance et à la souveraineté du Canada ainsi qu’à la surveillance de nos approches. Avec ce savoir particulier, nous sommes davantage en mesure de savoir ce qui se passe et d’effectuer des missions de recherche et de sauvetage, tout à fait.

Le président: Selon vous quand cette acquisition se fera-t-elle et quand l’équipement sera-t-il livré?

Cam Ellis: Je ne suis pas certain du calendrier prévu.

Le président: Au cours de cette année?

Cam Ellis: Non, monsieur. Je ne pense pas que ce sera pour cette année-ci. Je dois consulter le bureau chargé du projet et l’Aviation royale canadienne quant au calendrier prévu.

Le président: Veuillez nous en tenir informés par écrit, je vous prie.

Cam Ellis: Je le ferai certainement.

Le sénateur White: Merci à tous d’être présents. Ma question portera en premier sur la nécessité d’acquérir un nouvel aéronef destiné aux opérations de recherche et de sauvetage. Pourriez-vous alors faire le point sur l’acquisition d’un nouvel aéronef pour les opérations de recherche et de sauvetage? Je pense qu’il en est question dans le rapport du vérificateur général de 2014—2015 ou d’avant.

Cam Ellis: Les soumissions concernant l’avion ont été reçues en janvier de cette année et elles sont en cours d’évaluation. Ce projet vise à remplacer notre flotte d’avions Hercules affectés aux opérations de recherche et de sauvetage ainsi que nos avions Buffalo affectés à la recherche et au sauvetage; probablement par une cellule commune répondant aux deux objectifs.

Comme je vous le disais, les soumissions sont en cours d’évaluation et nous prévoyons de signer un contrat vers la fin de 2016 ou au début de 2017.

Comme je le disais, l’Aviation royale canadienne supervise ce processus en collaboration avec MDN(Mat). Je ne suis pas ou courant des aspects administratifs de la question, mais nous attendons la livraison de ce matériel.

Le sénateur White: Vous avez éveillé ma curiosité à propos des UAV et des drones à long rayon d’action. Vous connaissez l’Arctique, mais on peut aussi considérer les régions extrêmes sur les côtes Est et Ouest. Envisagez-vous de positionner ces drones en ces lieux et de les y maintenir ou plutôt de le faire à partir de Trenton comme pour les aéronefs avec équipage?

Cam Ellis: Je pense que nous n’avons pas encore tranché quant à leur emplacement. Certains des systèmes qui nous intéressent ont un long rayon d’action, si bien que nous pourrions décider de les stationner là où nous avons d’autres matériels en raison des économies d’échelle que nous pourrions réaliser. Cela dépasse cependant mon champ de compétence…

Le président: Je vais accorder au sénateur White un peu de temps supplémentaire, d’autant que certains sénateurs ont eu plus de latitude pour poser leurs questions que d’autres. Sénateur White, poursuivez, je vous prie.

Le sénateur White: Envisagerions-nous d’avoir des drones dotés de caméras infrarouges à balayage frontal, semblables à ceux utilisés le long de la frontière sud des États-Unis — je pense que les Américains les déploient tout au long de la frontière entre le Mexique et les États-Unis? J’essaie simplement de comprendre comment cela va fonctionner. J’ai vécu dans l’Arctique pendant 19 ans, et nous sommes partis à plusieurs reprises à la recherche et au secours de gens.

Cam Ellis: Il existe une différence entre cette plateforme, celle de l’aéronef sans équipage et les diverses charges utiles et capteurs possibles. Idéalement, en tant qu’opérateur, ma préférence va à l’électro-optique, à l’infrarouge. Je voudrais voir en place un système d’identification automatique, éventuellement doté d’un radar.

J’ignore les spécifications, mais ce projet vise non seulement à développer l’avion, mais aussi sa cellule et son système de balayage par capteur.

Le président: Monsieur Lick voudrait se prononcer là-dessus.

M. Lick: Je puis vous renseigner quelque peu sur la façon dont la Garde côtière canadienne utilise les véhicules aériens sans pilote. Nous les avons testés, surtout ceux qui s’avèrent les plus utiles pour nos programmes d’interventions environnementales, de surveillance du déglaçage et de télédétection à partir de nos tours, tout particulièrement pour les services de communication et de navigation maritimes.

En fait, vendredi, nous avons donné un exposé au Comité de gouvernance opérationnelle des activités de recherche et sauvetage qui a surtout porté sur un projet auquel collabore Transports Canada et divers partenaires fédéraux.

En essence, notre fonction, relativement aux drones, consiste à appuyer les commandants en étendant la vue et l’écoute des vaisseaux qu’ils commandent. Dans notre contexte, cela s’avère particulièrement important pour le déglaçage, mais nous nous en servons aussi pour mieux voir et mieux entendre lors d’opérations de recherche et de sauvetage.

Le sénateur Mitchell: Je vous remercie tous. C’était captivant. Ma première question s’adresse à Mme MacDonald et portera sur les opérations de recherche et sauvetage avec équipement lourd en milieu urbain.

Si je ne me trompe, Calgary dispose d’une zone réservée aux simulations d’opérations de recherche et de sauvetage à l’aide d’équipement lourd, J’ai assisté à son inauguration il y a presque 10 ans. Je me demande comment fonctionne ce site et s’il est utilisé à plein rendement. J’ai entendu dire qu’on ne s’en sert pas autant ou aussi bien qu’on devrait.

Mme MacDonald: Merci beaucoup pour votre question.

Je dirais, histoire de vous situer, que, pour le moment, des opérations de recherche et de sauvetage à l’aide d’équipement lourd ont lieu à Victoria, à Calgary, au Manitoba et à Toronto. En fait, nous avons effectué une visite de plusieurs emplacements ces dernières semaines, après l’annonce du rétablissement du financement des opérations en question.

Ces emplacements présentent des capacités variables. Certains ont perdu une partie de leur capacité au fil du temps à cause de changements apportés au programme, au financement, aux structures de soutien et ainsi de suite. Certains emplacements disposent de capacités mécaniques plus robustes. Certains comportent même de larges masses de gravats, permettant aux ingénieurs et aux opérateurs de matériel lourd de s’exercer.

Je n’ai pas été à Calgary ces dernières semaines. Nous nous sommes rendus à Vancouver et, dans quelques semaines, nous irons à Toronto. Je pourrais me renseigner sur la capacité à Calgary. Je sais cependant que l’équipe là-bas est fonctionnelle et qu’on peut y faire appel en tout moment.

Le sénateur Mitchell: Merci de bien vouloir soumettre cela au greffier.

J’ai une deuxième question. Voilà plusieurs années, le comité s’est rendu à Comox pour rencontrer le collectif de recherche et de sauvetage de l’endroit. Un sous-officier supérieur très costaud et en excellente forme a soulevé — comme il se le devait — la question du remplacement de l’avion Buffalo. Cela le préoccupait beaucoup et nous lui avons fait la promesse que nous n’oublierions pas sa requête et que nous ferions tout notre possible pour qu’elle soit traitée. Il tenait à ce que le nouvel avion comporte une rampe d’accès arrière, au motif qu’il est impossible de sauter d’une porte latérale à une vitesse de 300 ou 400 miles à l’heure avec 400 livres d’équipement et de s’en sortir vivant.

Pourriez-vous nous dire si vous pouvez respecter cette requête? Sinon, comment sortiront-ils de ces avions?

Cam Ellis: Je ne sais pas exactement à quelle étape nous en sommes relativement aux soumissions et au cahier des charges et je ne voudrais pas induire le comité en erreur. Je pourrai vous dire plus tard si la rampe figure parmi les exigences.

Le sénateur Mitchell: Puis-je poser une autre question ou cela serait-il inéquitable? Je pourrais attendre le deuxième tour.

Le président: Allez-y, très rapidement.

Le sénateur Mitchell: Les Cyclone. Ils répondent à un objectif précis. Pourriez-vous faire le point à leur sujet? Je sais que nous en avons pris livraison, ce qui signifie que nous héritons de leurs problèmes. Sont-ils opérationnels? Sont-ils entièrement fonctionnels? Avons-nous pu enfin résoudre tous leurs problèmes techniques et autres?

Cam Ellis: Nous sommes en train de les intégrer à notre flotte. Il y a quelques pépins, comme cela s’entend pour tout nouvel équipement très perfectionné. Nous cherchons à développer graduellement cette capacité; ses aspects les plus simples sont mis à l’essai en premier, sa capacité à voler, à décoller, à revenir à bord, à effectuer des tâches utilitaires, notamment du transport — ce qui rend possible leur utilisation dans des opérations de recherche et de sauvetage —, puis, graduellement, nous passerons à la lutte anti-sous-marine, à la lutte contre des bâtiments de surface et à leur emploi dans des scénarios de guerre considérés plus ardus et requérant une intégration plus fine avec les capacités sensorielles et avec tous les systèmes de mission à bord du navire.

Une fois que tout sera en place, cette capacité s’avérera exceptionnelle. C’est un excellent hélicoptère. Il offre une grande agilité et avec l’ensemble de ses capteurs et leur intégration, il sera une formidable plateforme. Ce sera comme avoir un Aurora décollant de nos navires, pour ce qui est des capteurs et de leur comptabilité. C’est une excellente capacité à anticiper.

[Français]

Le sénateur Carignan: J’ai écouté votre présentation, et ma première question s’adresse au contre-amiral Ellis. Vous avez dit qu'une des premières responsabilités était de se protéger soi-même. Il s’agit d’un principe de base en matière de sécurité chez nous également; on doit assurer tout d’abord sa propre sécurité, et ensuite celle des autres pour les éléments externes.

Nous avons reçu tout à l'heure des invités de l'Agence spatiale canadienne, avec qui nous avons parlé de satellites. Ceux-ci semblaient dépendre énormément de vous en ce qui concerne la protection des satellites, notamment en matière d’impulsions électromagnétiques. Que faites-vous, de votre côté, pour prévenir ce type de situation, et quel lien entretenez-vous avec l'Agence spatiale canadienne en termes de communication, afin de vous assurer de bien répondre à ses besoins?

Cam Ellis: Nous travaillons de très près avec l'Agence spatiale canadienne. Au sein des Forces armées canadiennes, nous avons mis en œuvre un projet visant justement à cerner les risques liés aux satellites, en examinant la menace qui pourrait venir de l'extérieur, qu’il s’agisse de particules, d’autres objets en orbite, et cetera.

Nous collaborons donc avec l'Agence spatiale canadienne. Notre directeur général de l'espace travaille avec le chef du développement des Forces interarmées qui lui, dans le cadre des projets, assure une liaison soutenue. Au sein du Commandement des opérations interarmées du Canada (COIC), notre centrale d’opérations, il y a un petit groupe d'opérateurs dans le domaine spatial qui font la liaison avec l'Agence spatiale canadienne et avec nos alliés qui travaillent dans le domaine de l'espace.

Le sénateur Carignan: Quels sont les principaux risques de menace que vous avez cernés?

Cam Ellis: En ce qui concerne les menaces, il y a les objets en orbite qui peuvent poser des risques à tout satellite. Chaque fois que quelqu'un jette une poussière ou des déchets en orbite, ceux-ci demeurent en orbite et, compte tenu de la grande vitesse à laquelle ils circulent, les collisions peuvent être très importantes.

Vous avez parlé aussi de l'interférence électromagnétique, qui figure parmi les risques. En outre, il y a les phénomènes naturels, comme les éruptions solaires.

Le sénateur Carignan: J'ai compris que les éruptions solaires pouvaient être créées par des ogives nucléaires lancées par des pays ennemis. Cela fait-il aussi partie des risques que vous étudiez et tentez de prévenir?

Cam Ellis: Dans ce cas, il ne s’agirait pas d’éruptions solaires. Ce serait plutôt une impulsion électromagnétique qui pourrait avoir l'effet de la détonation d'un engin nucléaire. Je suis au courant de cette possibilité, mais comme je ne suis pas spécialiste dans le domaine, je ne puis vous dire quelle en est la probabilité ou qui pourrait en être à l’origine. Cependant, en théorie et en pratique, on sait que cela peut être l’effet d'une détonation nucléaire.

Le sénateur Carignan: Pouvez-vous nous transmettre le nom de la personne qui pourrait répondre à cette question?

Cam Ellis: Bien entendu.

[Traduction]

La sénatrice Beyak: Vous avez répondu à la majorité de mes questions dans votre admirable exposé, je vous en remercie. Ma question porte sur la sécurité des opérations maritimes et sur leur intégration.

Dans quelle mesure, selon vous, les services de la police de nos côtes et du lac Ontario sont-ils intégrés?

Mme MacDonald: Je vais peut-être inviter mon voisin à vous répondre aussi. Dominik Breton, dirige le Secrétariat national Recherche et sauvetage. Il vous renseignera davantage sur ce sujet.

Le fait que le Secrétariat national Recherche et sauvetage soit maintenant logé à Sécurité publique Canada, nous pouvons profiter d’un solide modèle de gouvernance établi avec les provinces et les territoires. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux, presque quotidiennement. Cet avantage renforce notre interaction avec les autorités et les municipalités, avec les gens œuvrant dans nos eaux intérieures, avec notre marine, et dans les eaux côtières.

Par exemple, l’automne dernier nous avons organisé une conférence nationale sur la recherche et le sauvetage à l’Île-du-Prince-Édouard. Cet événement a rassemblé plus de 400 personnes venues de partout au pays pour examiner des enjeux similaires. Les experts du domaine ont pu ainsi se rencontrer, échanger, parler de leurs réussites et aussi des points sur lesquels il faut améliorer la collaboration. Récemment, il y a quelques semaines, notre ministre a autorisé notre secrétariat à tenir une seconde conférence sur la recherche et le sauvetage à Edmonton cette année. Nous réunirons un grand nombre de personnes pour réfléchir sur nos interactions, nos modes d’échanges et de communication de l’information et sur les possibilités d’améliorer ce que nous faisons dans le domaine de la recherche et du sauvetage.

Je laisse la parole à Dominik Breton s’il souhaite ajouter quelque chose.

Dominik Breton, directeur du Secrétariat national Recherche et sauvetage, Sécurité publique Canada: Cela couvre tout pour l’instant. Si vous faites référence aux Centres pour la sécurité des opérations maritimes et leurs interactions, cela relève de nos collègues, s’ils souhaitent en dire plus.

M. Lick: Comme l’a indiqué le contre-amiral Ellis dans ses remarques liminaires, les deux centres des côtes Est et Ouest sont bien intégrés aux CCCS et aident à mieux cerner les questions maritimes dans le cadre des opérations de recherche et de sauvegarde et des autres objectifs.

Dans la région des Grands Lacs, la GRC assume cette responsabilité. En matière d’intégration, les trois centres d’opérations de la sûreté maritime coopèrent étroitement. Ils sont fortement intégrés aux cinq partenaires sur place. C’est d’ailleurs un modèle de réussite démontrant l’intégration harmonieuse de diverses fonctions, des rôles, des degrés d’expérience et du partage du savoir, des outils et des méthodes pour appréhender, dans chaque région, les CDM. Ce modèle de réussite est à reproduire ailleurs au pays.

Le président: Que signifie « CDM », pour la transcription?

M. Lick: « Connaissance du domaine maritime » et MSOC signifie « Centre des opérations de la sûreté maritime ».

Le sénateur Ngo: En 2013 le vérificateur général a mentionné ceci:

Le système de gestion de l’information utilisé pour gérer les opérations de recherche et sauvetage ne répond pas à toutes les exigences opérationnelles et approche du point où il cessera de fonctionner.

Pouvez-vous nous renseigner sur le système de gestion de l’information et sur ses objectifs? Quels seraient les risques si ce système tombait en panne?

Cam Ellis: D’abord, ce système sert à archiver les données relatives à la recherche et au sauvetage et il sert d’outil permettant à divers centres de coordination des opérations de recherche et de sauvetage et autres centres à planifier et à communiquer entre eux. Par exemple, au Centre de commandement interarmées, notre quartier général à Ottawa, nous puisons des données dans ce système de gestion des opérations de recherche et de sauvetage. Nous en tirons diverses informations afin d’évaluer les situations et d’analyser les archives ou effectuer des analyses en rétrospective.

Le vieillissement du système pose problème, comme l’a relevé le vérificateur général dans son rapport; il nécessite des réparations majeures. Nous avons beaucoup investi pour soutenir cette capacité et la garder fonctionnelle en attendant de pouvoir mettre en ligne un nouveau projet. Pour l’instant ce projet se trouve en phase de définition au ministère de la Défense nationale. Je ne sais pour le moment pas quand la livraison pourrait avoir lieu, mais je dirais d’ici deux ou trois ans.

Entretemps, nous gérons le système tel quel avec de grandes précautions. Nous avons engagé un contractuel pour le garder en état.

Le sénateur Ngo: Quels seraient les risques si ce système tombait en panne?

Cam Ellis: Si ce système tombait en panne, il nous faudrait en revenir à tout documenter à la main, et nous devrions aussi récupérer la banque de données. Je ne sais pas comment cela fonctionne du côté de la protection de l’intégrité de la banque de données, mais je ne crois pas que cela pose un risque énorme. Le problème serait une baisse d’efficacité et d’efficience du système qui alourdit l’échange automatique de données et d’information.

Le sénateur Ngo: Vous dites que le système sera remplacé dans quelque deux à trois ans?

Cam Ellis: Oui, monsieur. Je pense que c’est envisagé pour deux à trois ans d’ici. Je peux vous fournir ultérieurement la date au programme.

Le sénateur Ngo: Faites ainsi, s’il vous plaît.

Cam Ellis: Oui.

Le sénateur Day: Madame MacDonald, vous avez parlé des 18 000 bénévoles spécialement entraînés pour des opérations aériennes, terrestres et maritimes. Cela fait pas mal de monde à former et à organiser.

Un budget a-t-il été prévu? Comment faire en sorte qu’ils reçoivent une formation spéciale pour accomplir les tâches sur lesquelles le peuple canadien compte?

Mme MacDonald: Merci pour cette question très valable, mais la réponse s’annonce complexe à cause des processus mis en place pour y arriver.

Quand la grande majorité des bénévoles — nous parlons des secteurs terrestres, aériens et maritimes — est regroupée, les interventions se font à l’échelon local; les autorités provinciales, territoriales et municipales ont mandat de former des gens. Un entraînement est offert au palier fédéral également, mais je demanderai à mes collègues de vous répondre plus en détail là-dessus.

Les provinces et les territoires établissent leurs normes de formation. Ils fournissent l’entraînement et déterminent les normes professionnelles requises. Celles-ci diffèrent d’un ressort à l’autre, mais elles suivent toutes certains principes directeurs.

Notamment, les bénévoles qui font de la recherche et du sauvetage terrestres sont présents un peu partout au pays et ils doivent se conformer à une série de critères professionnels prévus dans leur formation. Il existe, pour cette formation, diverses formules: des subventions et contributions pour faciliter la formation, outre que plusieurs organisations et municipalités offrent leurs propres programmes de formations.

Aucun fond en particulier n’a été identifié pour couvrir ces diverses initiatives de formation. Le financement provient en partie d’institutions indépendantes, d’organisations sans but lucratif endossant ces responsabilités. Des montants proviennent des municipalités, des gouvernements provinciaux et territoriaux et de subventions et contributions du gouvernement fédéral.

Je demande à Dominik et à mes autres collègues présents s’ils ont quelque chose à ajouter.

M. Breton: En effet, cette formation se déroule dans les différentes provinces pour leur permettre de respecter les normes en fonction desquelles les bénévoles peuvent aider les autorités qui effectuent la recherche. L’Association canadiennes des volontaires en recherche et sauvetage, communément appelée ACVRS, a été le catalyseur principal dans l’élaboration des normes de compétences de base, aujourd’hui approuvées par l’Association canadienne de normalisation.

Nous sommes en train d’élaborer le programme sur lequel appuyer l’établissement d’une norme d’emploi des bénévoles que les provinces et territoires pourront utiliser pour déterminer les compétences de base associées nécessaires aux différents rôles en recherche et sauvetage. Voici pour le volet terrestre, et je cède le micro à nos collègues pour ce qui est du volet maritime et aérien.

Peter Garapick, surintendant de Recherche et sauvetage, Région du Centre et de l’Arctique, Garde côtière canadienne: Je vais parler de la Garde côtière auxiliaire canadienne. Comme son nom l’indique, le service auxiliaire relève de la Garde côtière, mais nous sommes très indépendants.

Le service existe depuis plus de 40 ans et il a tranquillement évolué au fil du temps. L’équipe de la Garde côtière auxiliaire canadienne possède un haut niveau de compétence. Elle a ses propres cours de formation pratique et théorique; ils nous sont soumis et nous les approuvons, et ce sont les instructeurs du service auxiliaires qui dispensent la formation.

Le tout dernier cours produit est constitué des modules pouvant être enseignés les soirs et les week-ends, parce que c’est ainsi plus facile pour les bénévoles.

Il est très important de souligner que l’équipe est composée de vrais experts. Nous travaillons avec elle, mais les bénévoles consacrent beaucoup de temps. La formule n’est pas très coûteuse parce que les cours ont lieu les soirs et les week-ends.

Le sénateur Day: Nous sommes beaucoup à connaître le travail des pompiers volontaires dans les petites collectivités. Ces gens-là s’apparentent-ils à des pompiers bénévoles ou à des réservistes de classe A dans les Forces armées canadiennes?

M. Garapick: Je connais les deux cas, mais je vous répondrai ainsi. La Garde côtière auxiliaire est présente dans cinq régions: l’Ouest, l’Ontario, le Québec, Terre-Neuve et les Maritimes. Chaque région est subdivisée en districts et en zones, avec un directeur à la tête de chacune région et des instructeurs sous ses ordres. Les formations sont offertes en partie au niveau des régions, en partie dans les districts et en partie au niveau des zones et, parfois même, dans les unités. La formation dans les unités se déroule généralement à bord de navires durant les exercices de recherche et de sauvetage. Au niveau des régions, la formation est offerte sous forme de cours, comme sur les opérations de recherche ou sur l’exploitation d’un bâtiment.

Le sénateur Day: Je veux en fait savoir s’ils sont rémunérés pour leur travail. Et s’ils ne sont pas considérés comme des pompiers volontaires, devraient-ils l’être traités et bénéficier d’un allègement fiscal leurs uniformes et leur formation?

M. Garapick: La Garde côtière auxiliaire ne rémunère pas ses bénévoles pour leur temps.

Le sénateur Day: C’est ce que je pensais.

M. Garapick: Les gens sont indemnisés pour les déplacements, les repas et l’hébergement. C’est accepté dans la culture de la Garde côtière auxiliaire dont les gens sont très fiers. Par contre, je crois savoir qu’ils peuvent obtenir un crédit d’impôt pour leurs heures de bénévolat.

Le sénateur Day: Tout comme les pompiers volontaires?

M. Garapick: Oui, ils y ont droit depuis peu.

Le sénateur Day: Bien.

Ma dernière question concerne la coordination des opérations. C’est un travail d’envergure quand on pense aux différents éléments qui entrent en jeu dans les opérations de recherche et de sauvetage. Il peut arriver qu’une opération de recherche débute sur l’eau et se poursuive à terre, qu’elle passe d’une phase aérienne à une phase terrestre.

Qui prend les décisions en matière de recherche et de sauvetage, si les zones d’intervention ne sont pas clairement définies en partant?

Cam Ellis: Les recherches aériennes et maritimes et les opérations de sauvetage sont coordonnées par le Centre conjoint de coordination de sauvetage, le CCCS, de chacune des trois régions canadiennes, qui est placé sous le commandement d’un officier général comme moi. Le commandant de la recherche et du sauvetage de la région dispose d’une certaine marge de manœuvre dans la direction des opérations. Comme nous l’avons mentionné, il assume un rôle de coordonnateur.

Il peut aussi mobiliser d’autres ressources pour la recherche et le sauvetage. Par exemple, la Garde côtière peut demander à un navire marchand de lui fournir une aide en recherche et sauvetage. Nous pouvons aussi faire appel aux ressources de l’ACRSA ou à tout autre aéronef prêt à collaborer dans l’espace aérien.

Comme Lori l’a expliqué, les opérations de recherche et de sauvetage au sol relèvent de la responsabilité des provinces ou des territoires, sauf dans les parcs nationaux.

Le commandant régional de la recherche et du sauvetage peut être saisi d’une demande d’assistance d’une organisation provinciale de gestion des urgences. Dans de tels cas, les appareils des Forces canadiennes reçoivent occasionnellement pour mandat de participer à des missions humanitaires. Nous pouvons aussi dépêcher des patrouilles rangers pour prendre part aux recherches. Nous agissons tous sous la gouverne du Centre conjoint de coordination de sauvetage.

Le sénateur Day: Si un hélicoptère est disponible et qu’un enfant est égaré dans les environs, est-ce le CCCS — l’unité de coordination de Trenton, d’Halifax ou de Victoria — qui prend la décision de le déployer, même s’il n’est pas mobilisé au départ?

Cam Ellis: Oui, monsieur. Dans ce cas-ci, nous apporterons du renfort à l’équipe de la province ou du territoire en question qui aura épuisé toutes ses ressources et qui demandera de l’aide.

Le président: Permettez-moi de revenir sur la Garde côtière auxiliaire. Vous n’avez pas parlé de l’Arctique ou du Nord en tant que région. Pourriez-vous nous en dire plus sur le rôle des Rangers? Sont-ils autorisés à intervenir en eaux libres? Sinon, que faudrait-il faire pour qu’ils le soient?

Le sénateur Day: C’est de plus en plus le cas dans le Nord.

M. Garapick: C’est une très bonne question. À l’heure actuelle, il y a la région du Québec qui couvre en partie l’Arctique, avec le Nunavik qui est situé au nord de la province, et la région Centre et Arctique, dont le commandement est à Toronto et qui supervise tous les autres territoires de l’Arctique, sauf le Nunavik.

Le projet que je dirige actuellement, sous le nom d’Arctic SAR, a pour objet de développer le service auxiliaire dans l’Arctique. Nous sommes en train de fusionner le Nunavut, le Nunavik et les Territoires du Nord-Ouest et tout se déroule très bien. Deux auxiliaires du Sud travaillent ensemble dans la région de l’Arctique. Nous verrons bien ce que cela va donner.

Avant d’entamer ce projet, j’ai observé le travail des Rangers pour voir dans quelle mesure ils pouvaient opérer en mer. J’ai déposé un rapport affirmant que ce serait très difficile. Les Rangers sont d’excellentes spécialistes sur la terre ferme. Ils relèvent de la Défense nationale, et leurs missions et leur rémunération diffèrent de beaucoup de ce qui se pratique au sein de la Garde côtière auxiliaire. En ce qui concerne les missions, par exemple, les bénévoles du Centre conjoint de coordination de sauvetage peuvent répondre au téléphone, appeler une unité et se rendre sur les lieux. Ils sont entièrement assurés et sont chargés d’intervenir. Je laisserai au contre-amiral le soin de vous expliquer les tâches d’un Ranger.

De plus, on paye les Rangers quand ils doivent aller effectuer un sauvetage, qu’ils soient auxiliaires ou non. En fait, la question ne se pose même pas, ils interviennent et les questions d’argent sont secondaires. Ils y vont d’abord. S’ils sont appelés par le CCCS, ils répondent rapidement et font preuve d’une grande expertise sur l’eau. Voilà pourquoi nous continuons de poursuivre nos efforts en Arctique.

Au bout d’un an, nous avons visité presque 30 collectivités où l’expérience a été positive. Nous sommes très optimistes quant à la possibilité d’implanter, à l’avenir, des unités dans toutes ces collectivités.

Cam Ellis: Si vous me le permettez, sénateur, quand on demande aux Rangers d’intervenir, c’est comme avec des réservistes, c’est-à-dire qu’on les appelle et qu’ils effectuent un service de garde rémunéré.

Les commandants régionaux de la recherche et du sauvetage ainsi que les commandants des Forces opérationnelles interarmées régionales sont habilités à dépêcher les Rangers canadiens. Par exemple, les commandants des Forces opérationnelles interarmées régionales, qui se trouvent à Toronto avec compétence pour intervenir en Ontario, peuvent envoyer des patrouilles de Rangers sur leur territoire afin de donner un coup de main aux activités de recherche et de sauvetage dans cette province. L’information est transmise au Centre conjoint de coordination de sauvetage. L’articulation du commandement et du contrôle sont légèrement différents quand on apporte un soutien dans sa propre province.

Le sénateur White: Les communautés dont on parle comptent souvent 125 à 600 personnes. Il serait naïf de croire que ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont Rangers ou bénévoles. Cela fait longtemps que je fréquente ces communautés et je vois les gens qui continuent de porter le même chandail à capuchon, même après avoir quitté le service. Ce qu’il y a d’injuste, c’est qu’en ne les rémunérant plus, nous les mettons à part. S’ils doivent retrouver quelqu’un, je suis d’avis qu’ils devraient recevoir une petite allocation pour leur travail.

M. Garapick: Vous avez entièrement raison. Quand nous sommes allés dans les collectivités, nous avons vu que nous faisions affaire avec des Rangers. Beaucoup portent le chandail à capuchon rouge, car c’est ainsi là-bas. S’il faut leur annoncer qu’ils ne seront pas payés, nous le faisons avec beaucoup de tact. Ils réagissent. Certains quittent la pièce alors que d’autres restent. En règle générale, la majorité des communautés disposent d’une société de recherche et de sauvetage. Les gens sont un peu au courant de la Garde côtière auxiliaire et de la Garde côtière, et ils sont très optimistes quant au modèle de la Garde côtière auxiliaire, qui est abordable et efficace et qui permet à tous d’y adhérer. Oui, il peut y avoir un pompier, un Ranger, un premier intervenant sur place, par exemple. Ils viennent ensemble et font la même chose. Ils sont en mesure d’effectuer un sauvetage maritime selon le modèle de la Garde côtière auxiliaire, sans être payés. Par contre, nous interagissons avec deux cultures différentes. Ils apprécient ce que nous leur offrons.

Le sénateur White: Je crois que nous avons créé ces deux cultures. La culture d’entraide est celle qui prévaut dans ces communautés. Je parle principalement de la région de l’Arctique de l’Est et de l’Inuvik. Là-bas, la culture d’entraide est absolue. Nous avons divisé la culture en répartissant le travail de manière que certains soient payés et d’autres non. Pour moi, qui ai travaillé dans ces communautés, je peux vous dire que je les voyais en sauveteurs. Selon moi, on devrait les rémunérer si nous nous attendons à ce qu’ils interviennent et à ce qu’ils mettent leur vie en danger.

M. Garapick: Le service auxiliaire va être offert là où les Rangers se trouvent déjà. Nous apportons une nouvelle culture là-bas. C’est un modèle qui a fait ses preuves. Il y a même des gens qui veulent se joindre à nous. Nous savons qu’il faut beaucoup de temps pour changer une culture. Comme nous avons présentement un modèle efficace et prometteur, j’aimerais qu’on continue de l’explorer. Je sens que notre milieu y adhère aussi.

Le sénateur White: Sauf votre respect, nous ne sommes pas d’accord.

La sénatrice Beyak: Je vous remercie beaucoup. Maintenant, pouvez-vous me dire si des systèmes de détection nucléaire sont utilisés à bord des navires de la Défense ou de la Garde côtière? Ces systèmes pourraient-ils nous prévenir à l’approche de navires nucléaires qui n’auraient pas la permission de posséder ce type de matériel, que ce soit de l’armement ou des armes nucléaires?

Cam Ellis: Les navires de guerre sont munis de capteurs pour des missions particulières ou à des fins d’autodéfense, afin de les protéger. Le nucléaire constituait un risque majeur, surtout pendant la Guerre froide. Il nous a fallu une longue formation. Nos navires de guerre sont équipés de sorte qu’ils puissent détecter toute menace.

En ce qui a trait à la capacité de repérer des marchandises illicites, nous n’en avons pas la capacité sur le plan organique. On peut toutefois lancer une mission particulière et faire appel à une agence spécialisée extérieure aux Forces armées canadiennes.

La sénatrice Lankin: J’ignore si cela concerne la Garde côtière auxiliaire ou un autre service bénévole, mais je sais qu’il est question de sanctionner les actes méritoires sous la forme d’une médaille ou d’une récompense pour les bénévoles. Êtes-vous au courant? Si oui, pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit? Est-ce que nous y en accordons de l’importance? Pour ma part, j’encouragerais fortement toute forme de reconnaissance.

M. Lick: Bien sûr que nous sommes au courant. Il s’agit du régime des distinctions honorifiques et des prix du Gouverneur général. Il a quelques mois, une cérémonie de la sorte a eu lieu à Vancouver. Le gouverneur général se penche sur la reconnaissance des bénévoles dans différents domaines d’activités, qu’il s’agisse de recherche et de sauvetage ou de missions humanitaires. C’est très répandu.

La sénatrice Lankin: Question supplémentaire. Je croyais que des sociétés bénévoles et des collectivités locales avaient réclamé une forme de reconnaissance, comme une médaille honorifique à l’intention des bénévoles en recherche et sauvetage.

M. Lick: La Garde côtière auxiliaire canadienne a son propre programme de distinctions honorifiques et de prix. Elle a sa propre médaille pour services distingués ou pour tout autre type d’acte héroïque qui pourrait ne pas correspondre aux critères du régime des distinctions honorifiques du gouverneur général. Quant au service auxiliaire, il a sa propre médaille. Mis à part cela, je ne connais pas un autre régime de ce genre.

[Français]

Le sénateur Carignan: Ma question s'adresse aux représentants de la Garde côtière. De façon précise, quelles sont vos trois faiblesses les plus importantes en matière d’organisation dans la recherche et le sauvetage? Autrement dit, quels sont les trois principaux besoins que le gouvernement pourrait combler afin que vous puissiez être pleinement opérationnels?

[Traduction]

M. Lick: C’est une très bonne question, sénateur. Elle est très complexe.

Sans vouloir exagérer, nous vivons dans un pays immense. Encore plus depuis que les eaux de l’Arctique deviennent navigables. Nous constatons que la circulation augmente dans cette région avec une présence accrue de petits navires, de pacotilleurs et de bateaux de croisières. Comme l’a mentionné M. Garapick, nous pourrions accroître les effectifs du service auxiliaire dans cette région.

N’oublions pas que, tous les étés, nous avons au moins six brise-glaces sur place qui patrouillent dans l’Arctique, non seulement pour briser les glaces, pour assurer notre souveraineté ou l’avitaillement d’autres embarcations, mais aussi pour effectuer des missions de recherche et de sauvetage. L’Arctique est sans aucun doute l’une des régions vers lesquelles nous allons devoir nous tourner, pour accroître notre présence ou notre capacité d’interventions.

D’une certaine manière, je crois que d’autres régions connaîtront presque la même situation. La circulation d’embarcations de plaisance augmente aussi dans diverses régions, comme à Vancouver, ce qui nous a conduits à rouvrir la base de Kitsilano, pas uniquement pour assurer des missions de recherche et de sauvetage, mais aussi pour accroître notre capacité à répondre à toutes les situations d’urgences dans la région de Vancouver et le long de la côte de la Colombie-Britannique. C’est pourquoi la base de Kitsilano sera plus qu’une simple station de recherche et de sauvetage. Elle sera aussi un centre de formation en opérations d’urgence pour les collectivités de la province et notamment pour l’un des plus grands groupes auquel nous consacrons actuellement tous nos efforts afin de l’amener à faire partie du système de recherche et sauvetage. Il s’agit des communautés autochtones installées le long de la côte, mais aussi partout ailleurs dans le pays.

Si, pour répondre à votre question, je devais vous en nommer trois, je parlerais des zones arctiques où l’on remarque une circulation accrue de bateaux de plaisance et d’autres types d’embarcations. Dans cette région, on peut faire appel aux méthodes fondées sur le risque pour déterminer quelles zones du pays présentent le plus de risques, quelles mesures d’intervention ont déjà été mises en place sur le terrain et quelles autres actions il faudrait prendre en cas de risque. Je crois que le troisième point serait d’intégrer, au sein de l’équipe de recherche et sauvetage, des marins autochtones très chevronnés issus des communautés de Premières Nations.

Le président: Merci, chers collègues. Nous sommes au terme du temps qui nous était alloué et je remercie nos témoins. Nous apprécions les informations que vous avez communiquées au comité.

Chers collègues, nous allons maintenant combiner le troisième et le quatrième volet de la séance d’aujourd’hui. Nous allons continuer de traiter des menaces à la sécurité du Canada, en parlant notamment du cyberespionnage, des menaces relatives aux infrastructures essentielles, du recrutement et du financement terroristes, ainsi que des opérations de lutte et de poursuite contre les terroristes. Dans le cadre de ce mandat, nous nous concentrons sur les problèmes reliés aux infrastructures essentielles.

Je voudrais d’abord accueillir M. Peter Pry, directeur général de l’EMP Task Force on National and Homeland Security des États-Unis. Il occupe aussi le poste de directeur au United States Nuclear Strategy Forum et il collabore à la rédaction du magazine Family Security Matters. Il a travaillé auprès des trois commissions du Congrès, l’une sur l’EMP, l’autre sur la position stratégique des États-Unis, la troisième étant celle des services armés. Il est aussi l’auteur de l’ouvrage Apocalypse Unknown: The Struggle To Protect America From An Electromagnetic Pulse Catastrophe.

Nous entendrons ensuite, Cynthia Ayers, directrice adjointe de l’EMP Task Force on National and Homeland Security. Avant d’accepter ce rôle, elle a été vice-présidente du EMPact America, elle a pris sa retraite après plus de 38 ans de service dans l’administration fédérale, à l’agence de sécurité nationale (NSA). Dans son parcours au sein du milieu du renseignement, elle a notamment été représentante de la NSA et directrice du contre-espionnage au National Counterterrorism Center, au quartier général de la CIA. Elle y travaillait lors de l’attentat contre l’USS Cole et des attentats du 11 septembre 2001, soit entre 2000 et 2002. Elle a aussi été professeure invitée de la NSA au United States Army War College.

Bienvenue au comité, monsieur Pry et madame Ayers.

Enfin, je tiens aussi à accueillir Thomas S. Popik. Il avait prévu de comparaître par vidéoconférence, mais il a décidé de quitter le New Hampshire pour se joindre à nous en personne. Nous vous sommes reconnaissants pour votre temps et vos efforts.

M. Popik est président de la fondation américaine Foundation for Resilient Societies. Il y est chercheur principal et se spécialise dans l’évaluation de la vulnérabilité, dans l’analyse comparative des risques ainsi que dans la modélisation économique. Il possède une maîtrise en gestion des entreprises de l’École d’études commerciales d’Harvard et un baccalauréat en génie mécanique et scientifique de l’Institut de technologie du Massachusetts. Bienvenue au comité, monsieur Popik.

Je vois que les deux parties ont des déclarations préliminaires. Monsieur Pry, vous pouvez commencer si vous le souhaitez.

Peter Vincent Pry, directeur exécutif, EMP Task Force on National and Homeland Security: Merci, monsieur le président.

L’impulsion électromagnétique (IEM) pourrait représenter la plus grande menace existentielle pour l’Amérique du Nord et les sociétés technologiques modernes du monde entier. Paradoxalement, c’est aussi la moins bien comprise. Une IEM est comparable à une onde radio de très forte amplitude capable de provoquer la destruction massive d’appareils électroniques et une panne généralisée des réseaux électriques et des autres infrastructures nécessaires au maintien de la vie. Le soleil peut provoquer des super-tempêtes géomagnétiques potentiellement catastrophiques. L’Homme peut aussi être à l’origine de catastrophes dues aux IEM à cause de l’utilisation d’armes nucléaires ou non nucléaires.

La commission sur les IEM des États-Unis émet une mise en garde: une panne du réseau électrique nord-américain induite par une IEM et se prolongeant pendant un an pourrait annihiler jusqu’à 90 p. 100 de la population par la famine, la maladie et l’effondrement du tissu social. Pourtant, un article paru dans le Wall Street Journal annonçant le retour du NORAD à son ancienne base de Cheyenne Mountain, ainsi que l’engagement de dépenses de 700 millions de dollars pour blinder la montagne contre une éventuelle attaque nord-coréenne à coup d’IEM nucléaires, a fait l’objet de centaines de commentaires de lecteurs sous le choc, dont la moitié croyait que les IEM relevaient du domaine de la science-fiction.

Le sénateur Carignan: Excusez-moi, monsieur le président. Pourriez-vous demander au témoin de ralentir un peu, parce que je pense que les interprètes ont de la difficulté à suivre?

M. Pry: Je pourrai certainement ralentir, mais je risque de ne pas pouvoir respecter la limite des sept minutes.

Le président: C’est parfait. Prenez votre temps.

M. Pry: Très bien, merci.

Parlons des IEM d’origine naturelle. Nous savons que les IEM naturelles induites par le soleil sont bien réelles. En 1989, une tempête solaire a provoqué une panne généralisée sur le réseau d’Hydro-Québec, plongeant dans le noir la moitié du Canada pendant une journée et entraînant des pertes économiques de plusieurs milliards de dollars.

Nous sommes cependant davantage préoccupés par les rares, mais combien puissantes, super-tempêtes solaires comme la plus puissante jamais enregistrée, celle de l’événement dit de Carrington survenu en 1859. Si un événement comme celui de Carrington se produisait aujourd’hui, il causerait l’effondrement des réseaux électriques et des infrastructures essentielles au maintien de la vie du monde entier, mettant en péril la vie de milliards de personnes. Selon la NASA, la probabilité d’occurrence d’une super-tempête solaire est de 12 p. 100 par décennie. Il est donc pratiquement certain que nous-mêmes ou nos enfants connaîtrons une super-tempête solaire particulièrement dévastatrice.

La commission sur les IEM du Congrès américain émet la mise en garde suivante: la Russie, la Chine et la Corée du Nord possèdent la capacité opérationnelle et les plans d’urgence pour mener une attaque IEM nucléaire contre l’Amérique du Nord, tandis que l’Iran aspire à cette capacité dans sa doctrine et ses manœuvres militaires, et que des terroristes pourraient, éventuellement, lancer une attaque IEMN.

Dans un scénario d’attaque IEM type, une seule ogive explosant à une altitude de 300 à 400 kilomètres au-dessus du centre des États-Unis générerait un champ d’impulsions électromagnétiques sur les 48 États contigus de ce pays et la majeure partie du Canada. La Corée du Nord et l’Iran se sont tous deux entraînés à un exercice à d’attaque IEM nucléaire contre les États-Unis. Les deux pays ont mis en orbite des satellites dont la trajectoire passe par le pôle Sud et échappe aux radars d’alerte lointaine et au système national de défense antimissile. Si ces satellites étaient munis d’ogives nucléaires, ils produiraient un champ d’IEM sur l’ensemble du territoire nord-américain.

La Corée du Nord et l’Iran se seraient aussi entraînés à un exercice d’attaque IEMN en larguant un missile depuis un cargo. Une telle attaque pourrait être menée dans l’anonymat afin d’éviter des représailles américaines, au mépris de la dissuasion nucléaire.

Si les IEM nucléaires et d’origine naturelle ne relèvent pas de la science-fiction, nous savons aussi que la menace constituée par les IEM provenant d’armes non nucléaires, communément appelées armes à radiofréquences ou armes RF, est bien réelle aussi. En général, les armes RF sont beaucoup moins puissantes que les armes nucléaires, et leur effet est beaucoup plus localisé, leur portée étant habituellement d’un kilomètre ou moins. Cependant, elles présentent des avantages considérables en comparaison des armes à feu et des bombes conventionnelles. Comme les dommages généralisés subis par les appareils électroniques sont causés par le champ d’IEM que ces armes produisent, la précision du tir est beaucoup moins importante.

Au cœur des doctrines, de la planification et des exercices militaires de la Russie, de la Chine, de la Corée du Nord et de l’Iran, l’attaque aux IEM nucléaires est l’arme absolue de toute cyberopération ayant pour objectif de vaincre une nation en désintégrant ses réseaux électriques et autres infrastructures essentielles. Par exemple, dans son manuel militaire intitulé « guerres sans contact », le général russe Vladimir Slipchenko définit l’utilisation combinée de cybervirus, du piratage informatique, des attaques physiques, des armes RF et, en dernier lieu, des attaques IEMN, en tant qu’offensive contre les réseaux électriques et les infrastructures de base, comme étant non seulement une nouvelle méthode de guerre, mais aussi la plus grande révolution dans les affaires militaires de l’histoire.

Même son de cloche en ce qui concerne la doctrine militaire chinoise dans le manuel de l’Armée populaire de libération intitulé en anglais The Third World War—Total Information Warfare. L’Iran, dans un manuel militaire récemment traduit, réitère à 20 reprises au moins son adhésion aux théories du général Slipchenko sur les effets décisifs potentiels d’une attaque IEM nucléaire. Dans un article paru dans un journal politico-militaire iranien, on peut lire que l’attaque IEM nucléaire est devenue l’élément clé pour vaincre les États-Unis et que « si les grands pays industrialisés ne réussissent pas à élaborer des moyens de défense efficaces contre les attentats informatiques, leur désintégration n’est qu’une question d’années ».

La Corée du Nord semble avoir mis en pratique les doctrines mentionnées ci-dessus, notamment en simulant une attaque IEM nucléaire contre les États-Unis. Le 7 février 2016, dans la foulée de la crise nucléaire en cours avec la Corée du Nord, Pyongyang a mis un autre satellite en orbite, le KSM-4, sur la même trajectoire que le KSM-3 — une trajectoire apparemment calculée pour esquiver les radars d’alerte lointaine et les systèmes de défense antimissile du NORAD — cela pour effectuer une attaque-surprise aux IEM contre l’Amérique du Nord. Ce soir, le KSM-4 survolera le Kansas, en un lieu et à une altitude auxquels une détonation d’ogive nucléaire projetterait un champ d’IEM sur les 48 États contigus des États-Unis et sur une grande partie du Canada.

En raison de son profond manque d’imagination stratégique, l’Occident ne fait pas un plus un égale deux. À l’instar des Alliés avant la Blitzkrieg lors de la Seconde Guerre mondiale, nous sommes aveugles à la menace existentielle sans précédent qui est sur le point de s’abattre du ciel comme la foudre, au sens propre et au sens figuré, sur notre civilisation. Parce qu’il est situé sous les latitudes les plus septentrionales de l’hémisphère nord, là où les tempêtes solaires sont les plus fréquentes, le Canada est plus vulnérable aux IEM induites par ces tempêtes que ne l’est son voisin du Sud. Sur le plan des attaques IRM nucléaires, le Canada et les États-Unis sont dans le même bateau. Tributaires du même réseau électrique, les deux pays sont littéralement connectés l’un à l’autre.

Que doit faire le Canada? Le Canada doit blinder son réseau électrique national contre une attaque IEM. En se protégeant contre la pire des menaces, il atténuera du coup les menaces moins graves que représentent les IEM d’origine naturelle, les armes IEM non nucléaires, les cyberattaques, le sabotage physique et les conditions météorologiques extrêmes. Le Canada devrait accorder la priorité à la protection de ses réacteurs nucléaires.

Ainsi, les réacteurs nucléaires, qui représentent un risque important, peuvent être convertis en un atout majeur pour la résilience du réseau et le rétablissement après une catastrophe IEM. Le Canada doit se montrer sceptique à l’égard des services publics et de la North American Electric Reliability Corporation qui se dit experte en IEM, en cyberattaques et en sabotage physique et qui déclare qu’on peut s’en remettre à elle pour assurer la protection du réseau contre ces menaces.

Aux États-Unis, la protection du réseau contre les IEM va de l’avant, mais elle progresse lentement en raison de la résistance de l’industrie énergétique. L’armée américaine a commencé à blinder ses installations clés, de nombreux États rendent obligatoire la protection de leurs réseaux et le Congrès américain a rétabli la Commission sur les IEM et est en train d’adopter un projet de loi pour la mise en œuvre des recommandations de la Commission.

En cette période marquée la détérioration de la situation géopolitique mondiale, il reste à espérer que ces correctifs viendront à temps. Ce soir, quand vous irez vous coucher, rappelez-vous qu’à 22 h 42 un satellite, peut-être porteur d’une ogive nucléaire, survolera le centre de l’Amérique du Nord. Il a été mis en orbite par une nation dont le dirigeant, connu pour son instabilité, a menacé de rayer les États-Unis de la carte. Le Canada en subirait les dommages collatéraux.

Merci d’avoir écouté mon témoignage.

Le président: Merci, monsieur Pry. Madame Ayers, avez-vous un exposé?

Cynthia Ayers, directrice adjointe, EMP Task Force on National and Homeland Security: Oui, et je tiens à vous remercier de cette occasion de parler d’un sujet de toute première importance pour la sécurité nationale des États-Unis et du Canada: les menaces qui guettent l’infrastructure essentielle des réseaux électriques de nos deux pays.

Mais j’aimerais d’abord ajouter quelque chose à ma notice biographique, car j’ai maintenant l’honneur de siéger au conseil d’administration de l’Institut Mackenzie au Canada.

Mon témoignage portera sur la possibilité d’une cyber-attaque catastrophique sur les réseaux dont nous dépendons pour la distribution de l’électricité, qui est l’élément vital de notre civilisation moderne.

Les cyber-analystes disent que les pays du monde entier s’affrontent depuis un certain temps dans une cyber guerre froide. En admettant qu’il en soit ainsi, en rétrospective, l’année 2015 pourrait être le point tournant où cette guerre froide s’est intensifiée jusqu’au niveau d’une guerre mondiale réelle. Cela a commencé par des révélations sur l’infiltration de réseaux et la destruction massive de données et s’est achevé par un coup de force, un message sous forme de ce que l’on pourrait qualifier de démonstration du concept, l’étalage d’une première frappe stratégique contre un centre de gravité militaire et civil d’un adversaire.

Le 23 décembre, plusieurs compagnies électriques régionales de l’Ukraine ont été la cible d’une cyber-attaque massive qui a laissé 225 000 usagers sans électricité. Il s’agissait de ménages et d’entreprises et non de personnes individuelles.

Pour l’Ukraine, cette démonstration du concept a été un acte de guerre. Pour le reste du monde, c’était un avant-goût de ce qui pourrait se produire. Selon une analyse des aspects opérationnels connus du maliciel utilisé pour cet événement, qui comprenaient une variante de BlackEnergy, la Russie aurait été à l’origine de cette attaque contre l’Ukraine. Conçu au départ à des fins d’espionnage, le maliciel BlackEnergy a été adapté et peut menacer désormais les réseaux de distribution de l’eau et de l’électricité ainsi que les systèmes financiers du monde entier.

La dévastation causée par une cyber-attaque massive est sans doute limitée par rapport à ce que l’on peut attendre d’une arme nucléaire de haute altitude ou d’une forte tempête géomagnétique, mais les agresseurs se perfectionnent pendant que nous ne faisons rien pour remédier à nos vulnérabilités.

Pour le moment, il faudrait une bien meilleure coordination pour causer l’effondrement de tout un continent pendant une longue période, mais les capacités se multiplient et demeureront sans doute très abordables, sans parler de l’avantage qu’il sera difficile, voire impossible, d’attribuer les faits aux agresseurs. Par exemple, le maliciel KillDisk, qui est utilisé en conjonction avec BlackEnergy, nettoie complètement les systèmes infectés, ce qui aggrave les perturbations. Cela peut en fait limiter l’attribution.

La Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord sont les grands coupables à ce niveau. Des intervenants semi-étatiques ou privés tels ceux affiliés à l’État islamique, le groupe « hacktiviste » Anonymous et à l’Armée électronique syrienne sont un peu moins préoccupants, même si les attaques aux rançongiciels, qui deviennent de plus en plus fréquentes et complexes, continuent de menacer pratiquement toutes les infrastructures essentielles.

Les perturbations causées par une cyber-attaque inattendue préparent le terrain pour un autre événement: l’action cinétique. On peut d’ailleurs constater les progrès d’une première frappe numérique dans les agressions russes, en commençant par la cyber-attaque sur l’Estonie. Des cyberactivités et des opérations militaires sont en cours en Ukraine depuis le début de 2014, sans que l’on n’ait encore atteint le point d’une invasion complète. Pourtant, les analystes ukrainiens estiment qu’il existe des similitudes marquées entre l’aggravation de la situation en Ukraine et le conflit d’avant 2008 entre la Russie et la Géorgie, qui a été effectivement considéré comme un prototype de guerre cybercinétique.

L’absence d’activité cinétique en Ukraine en ce moment, de type panne totale du réseau, peut s’expliquer par la volonté d’envoyer simplement un message au monde ou la nécessité d’obtenir plus d’informations, notamment tirer des enseignements en vue de causer éventuellement des dommages plus importants sur une cible de plus grande envergure.

L’utilisation de cyber-armes pour une première frappe comporte de nombreux avantages. La flexibilité concernant la synchronisation en est un, la possibilité d’utiliser les mêmes armes cybernétiques déjà déployées pour la surveillance et le renseignement et pour l’activation d’armes en est un autre, ainsi que la capacité de surveiller et de modifier les armes cybernétiques déployées selon les besoins. Si le déploiement réussit, la cyber-attaque peut se servir de la corruption des données ou autre forme de distraction pour camoufler d’autres activités liées au conflit, notamment l’arrivée d’armes cinétiques, de forces militaires et de cyber-mandataires prépositionnés.

Bien que la protection nécessaire contre les cyber-attaques soit la méthode habituelle — c’est-à-dire la défense passive — elle ne suffit pas à contrecarrer les grandes cyber-opérations. Un rapport de Verizon de 2014 indiquait que c’est une bataille perdue d’avance que de vouloir trouver des vulnérabilités concrètes et bloquer des actions spécifiques.

La gestion des risques pose également un problème. On peut s’attendre au pire. Par conséquent, on ne peut pas et on ne doit pas miser sur la gestion des risques pour assurer notre sécurité nationale.

L’importante intrusion cybernétique qui est venue compromettre l’inventaire national des barrages dressé par le Corps of Engineers de l’armée américaine et qui a été attribuée à des cyber-attaques chinoises dans certains rapports de source libre est un exemple d’alarme soulevée concernant une future cyber-attaque chinoise sur le réseau électrique nord-américain. Les attaques se sont produites pendant plusieurs mois, à compter de janvier 2013, mais ce n’est qu’en avril qu’elles ont été découvertes. Ce genre de retard peut s’avérer très onéreux, voire mortel, en cas de première frappe de cyber-guerre.

Les dispositifs de blocage et les limiteurs de surtension spécialement conçus pour éliminer la menace des PGM et des IEM contribueront énormément à atténuer les effets d’une cyber-menace car les mini cyber-attaques manipulent les données pour causer des dommages à des pièces d’équipement. Il ne s’agit pas de renoncer aux pratiques de défense passive, mais de les compléter par des mesures d’atténuation physiques.

Je vous demande de penser à la possibilité que lors d’une attaque décisive, une action décisive, les vulnérabilités de notre infrastructure électrique puissent être si bien exploitées que la première et la dernière bataille de la prochaine guerre pourraient avoir lieu simultanément. Avec une bonne coordination et suffisamment de ressources et d’effectifs, une attaque pourrait avoir des effets catastrophiques sur les populations américaines et canadiennes. L’analogie de Pearl Harbour qu’évoquent de nombreux hauts dirigeants serait loin de suffire pour décrire les dommages qui en résulteraient.

La cybersécurité est l’affaire de tous, mais les dirigeants, dans les secteurs public et privé, doivent assurer un environnement propice à la préservation de la sécurité nationale. La destruction de nos infrastructures essentielles n’est pas seulement le pire des scénarios, c’est quelque chose qui n’arrivera probablement jamais. C’est une arme de choix qui assurera la victoire à l’agresseur.

Nos ennemis sont déjà protégés contre l’effondrement des infrastructures essentielles. Les États-Unis et le Canada ne peuvent pas et ne doivent pas attendre pour protéger leur propre centre de gravité contre une attaque inévitable. Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter, monsieur le président, et je répondrai volontiers à vos questions.

Thomas S. Popik, président, Foundation for Resilient Societies: Je m’appelle Thomas Popik et je suis président de la Foundation for Resilient Societies. Avant de vous lire les remarques que j’ai préparées, j’aimerais faire une déclaration d’ordre personnel. Je suis extrêmement reconnaissant de me retrouver ici, car ma participation à la défense du Canada, ma participation personnelle, remonte au début des années 1980. Comme sous-lieutenant de l’U.S. Air Force, j’ai été affecté au bureau des programmes qui s’occupait de la mise à jour du réseau d’alerte avancé. Mon premier superviseur à l’U.S. Air Force et mon mentor était un majeur de l’Aviation royale du Canada. C’est donc pour moi une occasion de contribuer à mon tour, ne serait-ce que modestement, à votre admirable pays.

J’ai également pu voyager et connaître une bonne partie de votre pays. En plus des grandes villes, j’ai été à Cambridge Bay, sur l’île Victoria. J’ai aussi contemplé les vastes étendues de l’île de Baffin. Je me sens proche de votre pays, non seulement du Sud, mais aussi des vastes étendues de l’Arctique.

Le sénateur Day: Vous devriez visiter le Nouveau-Brunswick également.

M. Popik: Bien sûr, j’ai déjà été au Nouveau-Brunswick. En effet.

Avec cette petite mise en contexte, je voudrais simplement parler de ce que fait la fondation Resilient Societies. Nous participons de près au système de réglementation du réseau électrique. Ce système de réglementation est confié à la North American Electric Reliability Corporation, qui est un organisme d’autoréglementation privé dirigé par des représentants de l’industrie. L’organisme établit des normes de fiabilité du réseau, normes qui doivent être approuvées par les gouvernements du Canada et des États-Unis. Aux États-Unis, le processus d’approbation dépend de la Federal Energy Regulatory Commission, alors qu’au Canada, ce sont les divers gouvernements provinciaux qui s’en occupent. Je suis allé visiter les gens de la FERC, la Federal Energy Regulatory Commission, à maintes reprises. J’ai rencontré le personnel. J’ai personnellement rencontré les commissaires plusieurs fois. Ils connaissent très bien notre organisation, et nous savons comment fonctionne ce processus de normalisation de la fiabilité du réseau. Ces échanges nous ont permis de mieux comprendre les faiblesses des infrastructures essentielles, tant aux États-Unis qu’au Canada.

J’avais préparé un témoignage plus long. Je suis désolé, mais le document n’a pas encore été traduit. Notre avocat devait le revoir parce qu’il s’agit d’un témoignage international. Vous l’aurez donc par la suite. Je vais simplement vous en donner des extraits très brièvement.

Menaces aux infrastructures essentielles et attaque physique: Il y a déjà eu des attaques physiques importantes du réseau nord-américain, notamment à la sous-station Metcalf à San Francisco en avril 2013 et au réseau d’Hydro-Québec en décembre 2014. J’ai pu assister à une réunion d’exploitants du secteur où on a discuté de l’analyse criminalistique de cette attaque qui a causé une panne d’électricité et inversé presque instantanément le flux d’énergie, qui circule normalement du Québec vers les États-Unis. Cet acte de terrorisme intérieur aurait pu provoquer des pannes en cascade.

Il y a eu également la menace d’une cyber-attaque importante en Ukraine, comme Mme Ayers l’a très bien expliqué. Mon organisation a procédé à une analyse approfondie des normes de fiabilité pour la cybersécurité en faisant une comparaison avec ce qui s’était réellement passé en Ukraine et nous avons conclu que même si les Ukrainiens avaient suivi toutes les normes nord-américaines en matière de cybersécurité, ils auraient été vulnérables à cette attaque. Encore une fois, je vous encourage à me poser des questions à ce sujet.

Une troisième menace réside dans les impulsions électromagnétiques et M. Pry en a magistralement parlé.

Enfin, il y a la menace des impulsions électromagnétiques naturelles ou tempêtes solaires. Comme beaucoup d’entre vous le savent, il y a déjà eu plusieurs pannes d’électricité au Canada dues à des tempêtes solaires, une à Toronto dans les années 1950 et une autre en mars 1989 dans la province de Québec.

Sur ce, je vais vous parler brièvement de la façon dont les infrastructures essentielles seront le nouveau champ de bataille de ce XXIe siècle, car elles seront la cible d’attaques de plus en plus nombreuses contre les populations humaines. Nous l’avons déjà constaté en Ukraine, non seulement pour la cyber-attaque, mais aussi pour l’attaque physique des lignes de transmission qui a précédé la cyber-attaque en Crimée.

Des études ont été faites par la Federal Energy Regulatory Commission sur la vulnérabilité du réseau électrique nord-américain. Selon les conclusions, qui se fondaient sur une analyse qui devait être confidentielle, mais qui a fini par faire l’objet d’une fuite, il suffirait d’une attaque contre neuf sous-stations essentielles pour faire tomber le réseau électrique des États-Unis et, par conséquent, causer des effets considérables sur le réseau canadien qui y est relié, et ce pendant plus d’un an. Les conséquences seraient dramatiques pour les populations humaines et les pertes de vies se compteraient dans les dizaines de millions. Je vous invite à consulter mon témoignage écrit pour plus d’explications à ce sujet.

Nous sommes également dans une situation où il y a un écart entre la protection des infrastructures et la défense militaire. Aux États-Unis, nous avons une loi dite Posse Comitatus Act qui empêche l’armée américaine de participer à l’application des lois à l’intérieur du pays, d’où un manque de coordination entre la défense des infrastructures civiles et l’armée.

Ensuite, nous consacrons une partie énorme de notre budget de la défense nationale à des choses comme l’avion d’attaque interarmées JSF. Il en est de même au Canada. Le coût pour l’ensemble du cycle de vie de ces avions s’élève à lui seul à 1,5 billion de dollars. La simple allocation d’une petite partie des budgets de la défense du Canada et des États-Unis à la défense des infrastructures essentielles aurait un impact énorme.

Des mesures rentables pourraient être prises pour protéger les infrastructures essentielles. J’en décris quelques-unes dans mon témoignage écrit. Je vais vous parler de l’une d’entre elles en détail: les tempêtes solaires. Les dispositifs de protection contre les tempêtes solaires coûtent seulement 350 000 $ par installation. Nous estimons qu’il faudrait quelque 300 installations pour protéger l’ensemble du Canada. Il s’agit d’une somme infime par rapport aux coûts sociaux découlant d’une panne d’électricité qui pourrait se prolonger pendant des semaines, des mois, voire des années.

Permettez-moi de terminer en quelques minutes en parlant des défis que doivent relever les sociétés démocratiques et capitalistes. Encore une fois, vous trouverez des explications plus détaillées dans mon témoignage écrit.

Le problème de notre système politique c’est que les dirigeants ont beaucoup de difficulté à comprendre les événements qui ne se sont pas encore produits et à en expliquer l’importance à leurs citoyens. Bon nombre de citoyens seraient étonnés de connaître les problèmes dont nous parlons tous les trois aujourd’hui. Le plus souvent, ils pensent que les gouvernements ont diligemment tenu compte de ces problèmes et pris les mesures de protection nécessaires; or, nous savons que ce n’est pas le cas. Je dois dire en passant que j’admire énormément le leadership dont fait preuve votre comité pour tenter de régler ces questions en ce moment.

Un autre problème réside dans un système capitaliste qui est motivé par le profit. La majorité des infrastructures essentielles aux États-Unis, plus de 90 p. 100, sont détenues par des entreprises privées. Il y a un but lucratif, et les infrastructures essentielles continuent souvent de présenter des risques au-delà de la fin du mandat des dirigeants. C’est un problème que nos sociétés doivent affronter.

Enfin, nous avons quelques lacunes dans le système de réglementation. J’ai déjà mentionné la North American Electric Reliability Cooperation, NERC. La Federal Energy Regulatory Commission, FERC, est censée adopter des normes dans l’intérêt public. Or, l’« intérêt public » coïncide souvent avec l’intérêt des entreprises. Nous essayons de les amener à se pencher de plus près sur les aspects qui touchent l’intérêt public. C’est un véritable défi, car, à bien des égards, la FERC traite essentiellement des normes de fiabilité comme une négociation privée avec la NERC.

Je tiens à remercier le comité pour le leadership tout à fait extraordinaire dont il fait preuve en tenant cette audience et en essayant de répondre à certaines de ces questions. Vous pourriez jouer un rôle très important à l’avenir. Je vous remercie une fois de plus de m’avoir donné l’occasion de témoigner et je ne demande qu’à répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie tous d’avoir pris le temps de venir témoigner, particulièrement M. Popik, qui a dû faire beaucoup d’efforts pour se retrouver ici en personne, car il était censé participer par vidéoconférence.

Je voudrais commencer par une question générale, en parlant de notre comité et de ce que nous étudions. Si je comprends bien, la question de l’impulsion électromagnétique a déjà été débattue. Le débat aurait commencé il y a environ 14 ans dans certains milieux aux États-Unis et ne fait que prendre de l’ampleur depuis. Ce n’est pas ce qui s’est passé au Canada. Nous sommes le premier forum public qui commence vraiment à se poser des questions sur la menace des attaques, la validité de la menace, ce que cela signifierait pour le Canada et ce que nous pouvons faire pour la repousser ou la prévenir. Passons aux États-Unis et à vos connaissances. Vous pourriez peut-être répondre tous les trois pour que nous puissions lancer cette conversation publique.

Quelles sont les mesures concrètes prises aux États-Unis, que ce soit au niveau fédéral, au niveau des États ou au niveau municipal, pour répondre aux préoccupations que vous avez énoncées ici en ce qui concerne la possibilité d’éviter ce type d’attaque et ses dommages sans que l’on prenne des mesures pour l’en empêcher? Nous pourrions peut-être commencer par vous, monsieur Pry, pour passer ensuite à Mme Ayers et M. Popik.

M. Pry: Je vais commencer par répondre à l’aspect du débat qui porte sur les applications des IEM ainsi que la nature et l’ampleur de la menace. Compte tenu du fonctionnement de notre politique publique ou de la façon dont elle devrait fonctionner aux États-Unis, le débat est clos, ou aurait dû l’être. C’est ce à quoi servent les commissions du Congrès. Dans le cas d’une question très technique ou scientifique susceptible de toucher les enjeux existentiels d’une société, une commission du Congrès ou une commission présidentielle est formée pour réunir les meilleurs esprits, les meilleurs scientifiques que nous avons en la matière. Ces commissions reçoivent de vastes pouvoirs, comme dans le cas de l’EMP Commission à laquelle j’ai siégé, pour s’adresser aux organes de renseignement et au Département de la Défense et obtenir toutes les informations nécessaires pour s’acquitter de leur tâche analytique. La commission tranchera ensuite sur la nature de la menace, si menace il y a et sur sa gravité.

L’EMP Commission s’est prononcée en 2008. Selon notre système, lorsqu’il s’agit d’une question de politique publique, une fois que la commission s’est exprimée et a donné à tout le monde l’occasion de témoigner, sa conclusion devient le fondement de la politique publique.

Il ne devrait pas y avoir de débat, mais il y en a un, car beaucoup de gens qui ne sont pas des experts de même que l’ensemble du secteur de l’énergie électrique refusent d’accepter les décisions de la commission sous prétexte qu’ils ne veulent pas être réglementés ou dépenser de l’argent. D’un point de vue scientifique et technique et compte tenu de la façon dont la politique publique est censée fonctionner dans notre pays, le débat devrait être clos.

Outre l’EMP Commission du Congrès, nous avons plusieurs autres commissions, comme la Commission du Congrès sur la position stratégique des États-Unis, une étude scientifique sur l’économie nationale, et une importante étude en laboratoire sur les armes nucléaires menée par la FERC et le Département de la Défense. Ils sont tous arrivés à la même conclusion, à savoir qu’une IEM, qu’elle soit naturelle ou artificielle, aurait des conséquences catastrophiques pour la société.

À l’échelle fédérale, je suis désolé de dire qu’aucun suivi n’a été donné aux conclusions et aux recommandations de la commission jusqu’à tout récemment. La commission a déposé son rapport en 2008, et la majorité au Congrès a essayé d’approuver des projets de loi. En fait, des projets de loi ont été adoptés à l’unanimité. Par exemple, la GRID Act a été unanimement soutenue à la Chambre des représentants, mais la situation à Washington est tellement difficile qu’un seul sénateur peut mettre en veilleuse un projet de loi; et c’est ce qui est arrivé à la GRID Act. La Chambre des représentants, Démocrates et Républicains, l’a acceptée et elle est passée au Sénat, où un sénateur l’a mise en veilleuse. Les sénateurs peuvent d’ailleurs agir de façon anonyme aux États-Unis, sans avoir à assumer leur responsabilité. On ne sait donc pas trop quel sénateur a pu agir ainsi.

Cela dit et malgré les frustrations que nous connaissons au niveau fédéral depuis si longtemps, nous avons réalisé cette année des progrès assez spectaculaires pour ce qui est de l’adoption d’initiatives législatives. La SHIELD Act, qui languissait à la Chambre des représentants, a finalement été adoptée et intégrée à la loi sur l’énergie. Un autre projet de loi sur la protection des infrastructures essentielles a été approuvé par la Chambre l’an dernier, de nouveau à l’unanimité. Il semble qu’elle bénéficie d’un appui solide, et je m’attends donc à ce qu’elle soit adoptée.

L’EMP Commission a été rétablie et est de retour. Je travaille pour elle à nouveau, car le Congrès se plaint du manque de progrès dans cette question.

Des progrès considérables ont été accomplis au Département de la Défense, car notre commission a fait des recommandations non seulement concernant les infrastructures essentielles civiles, mais également, en priorité, les avoirs du Département de la Défense. Le DOD fait beaucoup au sujet de ce dont j’ai parlé dans mon témoignage. C’est du domaine public. Il dépense près de 1 milliard de dollars pour protéger Cheyenne Mountain, l’autre poste de commandement du NORAD. Le Département de la Défense fait encore bien d’autres choses à la suite des recommandations de l’EMP Commission, sans que nous ne puissions entrer dans les détails ici.

Quant à la protection du réseau électrique et d’autres infrastructures essentielles, le problème tient au fait que le secteur de l’énergie électrique est la seule infrastructure essentielle qui est encore régie par un cadre de réglementation qui remonte au XIXe siècle. La Federal Energy Regulatory Commission des États-Unis n’a pas le pouvoir d’ordonner à la NERC et aux services publics de prendre des mesures pour protéger leurs réseaux, par exemple, comme la Federal Aviation Administration peut le faire pour l’industrie aérienne si elle découvre une faille sur un avion de ligne. Comme des centaines de vies sont en jeu, la FAD peut commander qu’un avion ou toute une flotte d’avions soient réparés ou cloués au sol. Elle a le pouvoir de le faire si l’industrie du transport aérien ne respecte pas ses directives.

La Federal Energy Regulatory Commission n’a pas de pouvoirs équivalents, et c’est sur cette lacune que portaient la SHIELD Act et la GRID Act. La GRID Act vise à octroyer ces pouvoirs à la FERC.

C’est une première étape importante que nous avons franchie au niveau politique en accordant ces pouvoirs juridiques.

Compte tenu de notre frustration, mon groupe de travail s’est adressé aux États, car dans certains d’entre eux, les commissions des services publics exercent un pouvoir sur leurs services publics. Voilà ce dont il s’agit dans ce livre. Les États représentés ici en blanc, le Maine, la Virginie, la Floride et l’Arizona, ont adopté des lois. Plusieurs d’entre eux prennent des mesures concrètes pour installer des dispositifs de blocage, des limiteurs de surtension et des cages de Faraday pour bien renforcer leurs réseaux électriques. Au niveau des États, des progrès concrets ont été réalisés. La Virginie est particulièrement impressionnante, car en plus de l’IEM nucléaire, les mesures prises devraient servir de protection contre toutes les menaces dont nous avons discuté aujourd’hui, les cyber-attaques, le sabotage physique et les IEM d’origine naturelle et nucléaire.

La principale recommandation de l’EMP Commission avait été de se protéger en toute priorité contre l’IEM nucléaire. Cette menace est non seulement la plus dangereuse, mais en se protégeant contre elle, on peut atténuer en même temps les menaces moins graves: IEM non nucléaire, IEM solaire, sabotage physique et les pires cyber-menaces possibles.

Ce sont les aspects pour lesquels de nombreux progrès ont été réalisés au Département de la Défense où des mesures concrètes sont prises. Nous avons été frustrés au niveau fédéral, mais nous réalisons finalement des percées législatives qui, nous l’espérons, se traduiront par des progrès à l’échelle nationale.

Je devrais mentionner que le Président a adopté un plan d’action national sur la météorologie spatiale qui exige essentiellement que l’on réalise de nouvelles études pour protéger le réseau contre les IEM solaires.

Les progrès réalisés jusqu’à présent l’ont été cependant au niveau des États. Pour conclure, je pense qu’il importe de noter que s’il a fallu attendre huit ans après le dernier rapport de l’EMP Commission pour que Washington commence à bouger, il n’a fallu que six mois à l’État du Maine pour se mobiliser, et il en a été de même dans d’autres États. Même si de nombreuses législatures n’ont jamais entendu parler de l’IEM, une fois qu’elles sont au courant et qu’elles comprennent l’urgence de la question, elles agissent plus rapidement que Washington.

Mme Ayers: J’ai constaté que sur le plan de la cybernétique, le Président et les hauts dirigeants comprennent beaucoup mieux ce qu’est une cyber-attaque importante. La description qu’ils en font ressemble davantage à une explosion nucléaire à haute altitude qu’à une cyber-attaque qui aurait pu avoir lieu au moment où on a commencé à nous en avertir.

Mais la bataille a été difficile à bien des égards, surtout parce que les mesures proposées par le Président et le Congrès étaient de nature facultative, comme on peut le lire dans un article de la Brookings Institution intitulé « Bound to Fail: Why Cyber Security Risk Cannot Simply Be ‘Managed’ ». L’article a déclenché un débat sur le fait que la gestion des risques n’est pas un bon outil pour protéger les infrastructures essentielles.

Autrement, dans la foulée de l’événement ukrainien, le FBI, le DHS, la NSA, quelques services publics, les fournisseurs de services d’information et de communication et d’autres employés du gouvernement ont tenu des réunions pendant tout le mois pour discuter des répercussions et de ce qui devrait être fait. Je ne peux pas rentrer dans les détails pour des motifs de classification, mais je suis toujours étonné par cette étape importante au niveau du gouvernement fédéral.

Pour ce qui est des exercices, l’Army War College des États-Unis a commencé à mettre à l’essai des aspects des infrastructures essentielles en cas de panne d’électricité totale, que ce soit à cause d’une IEM naturelle, d’une forte tempête géomagnétique ou d’une cyber-attaque.

La National Defense University a procédé à un exercice il y a quelque temps. C’était en fait le deuxième, car l’Army War College avait organisé un événement plutôt modeste juste avant celui de la NDU. Il y a eu ensuite un arrêt, mais nous avons repris ces initiatives et l’Army War College a récemment commencé une série d’exercices où l’on étudie tous les dangers et ce qui pourrait être fait à l’échelle fédérale, et par les militaires plus précisément, pour résoudre ce problème.

Une chose encore: La National Security Agency et le DHS ont affiché sur le Web un document, que vous pouvez consulter, intitulé « Seven Steps to Effectively Defend Industrial Control Systems ».

Il s’agit encore une fois d’un grand pas en avant, et même s’ils ne proposent pas beaucoup plus qu’un logiciel conventionnel et de la défense passive, il est évident que les gens sont inquiets. Il me semble que l’inquiétude est plus vive qu’elle ne l’était même en 2012, quand nous avons entendu l’ancien secrétaire à la Défense, Leon Panetta, le secrétaire du Département de la Sécurité intérieure et de nombreux autres exprimer leur propre préoccupation au sujet des grandes cyber-attaques.

M. Popik: Aujourd’hui, la Corée du Sud a annoncé que son gouvernement croit que la Corée du Nord est sur le point de mener son cinquième essai nucléaire. Je vais donner une réponse très directe à votre question, mais avant de le faire, je voudrais avoir l’avis de M. Pry. Monsieur Pry, pensez-vous que le cinquième essai puisse être un super dispositif d’IEM?

M. Pry: À l’instar de la commission, je soupçonne que tous les essais qu’ils ont effectués auraient pu concerner des super dispositifs d’IEM.

M. Popik: En fait, d’ici la semaine prochaine, le dirigeant de la Corée du Nord pourrait annoncer le développement réussi du super dispositif d’IEM. Cette annonce pourrait changer la perception du public sur l’IEM du jour au lendemain. Dans ce cas, votre comité sera bien placé pour changer la perception du public.

Que peut-on faire en 12 mois pour prendre des mesures dissuasives efficaces contre le super dispositif d’IEM nord-coréen? L’installation de dispositifs de blocage en terrain neutre sur les transformateurs de très haute tension y contribuerait largement. Ce ne serait pas une protection totale, mais elle susciterait une grande incertitude chez les adversaires étrangers.

Je pense que mon organisation estime que l’on pourrait le faire en 12 mois. C’est simplement une question de volonté politique.

[Français]

Le sénateur Dagenais: Ma première question s'adresse à M. Pry. Il y a beaucoup de similitudes entre les cibles potentielles des États-Unis et celles du Canada, et je comprends qu’une même opération de sabotage par émission électromagnétique contrôlée par un pays ennemi pourrait causer des dommages, autant aux États-Unis qu'au Canada.

Vous l'avez mentionné plus tôt dans votre réponse, mais pourriez-vous nous dresser un résumé des recommandations que vous avez faites au Congrès américain? Cela pourra certainement nous aider dans la rédaction de notre rapport.

[Traduction]

M. Pry: Les recommandations n’étaient pas les miennes. C’était celles de la Commission sur les IEM mandatée par le Congrès et dirigée par les meilleurs experts du monde libre sur le sujet, notamment mon président et le président de mon groupe de travail, M. William Graham.

La commission a en gros recommandé d’installer des limiteurs de surtension et des dispositifs de blocage pour protéger non pas la totalité, mais les éléments les plus importants du réseau nord-américain, c’est-à-dire les transformateurs de très haute tension, qui sont à la base de notre civilisation électronique moderne. Ils sont à notre civilisation ce qu’étaient les routes et les aqueducs pour les Romains. Ils permettent de prendre l’électricité aux chutes du Niagara et de l’envoyer à des centaines de kilomètres où un autre transformateur THT prend le relais pour qu’elle puisse être consommée et distribuée localement.

La plupart de ces transformateurs sont construits sur mesure; ils ne peuvent pas être produits en série. Il faut 18 mois pour en construire un à un coût de millions de dollars. Ils sont très lourds. Ils sont plus gros qu’une maison et pèsent des centaines de tonnes. Il faudrait renforcer les routes et les ponts et il n’existe que trois wagons aux États-Unis susceptibles de transporter un de ces transformateurs. Pourtant, il y en a 2 000 aux États-Unis.

Il y en a moins au Canada, mais on en compte probablement des centaines et il faut les protéger.

Il y a également les générateurs, par exemple, qui doivent être protégés en y installant des limiteurs de surtension. La prise murale dans laquelle vous branchez votre ordinateur est plus grosse qu’une prise ordinaire. Elle est munie d’un limiteur de surtension qui empêche que la foudre qui frapperait la ligne électrique vienne brûler votre ordinateur.

Bien entendu, il existe des limiteurs de surtension beaucoup plus gros qui ont pour but de protéger les énergies dont nous parlons contre une attaque aux IEM nucléaires et qui peuvent protéger les générateurs et les transformateurs THT.

Il y a également les systèmes de contrôle. Les centres de contrôle et les systèmes de contrôle et d’acquisition de données, ou SCADA, sont des petits ordinateurs. Il en existe des centaines de milliers qui font fonctionner les réseaux électriques, les gazoducs et les réseaux d’eau et régulent les feux de circulation. Il en existe des centaines de milliers qui permettent à notre société électronique de fonctionner. Ils sont vulnérables aux IEM, mais ils peuvent être blindés. On peut aussi en commander de nouveaux quand on doit les remplacer pour que le concepteur les conçoive de façon à ce qu’ils résistent aux IEM.

Selon le Département américain de la Défense, la conception d’un dispositif résistant aux IEM n’ajoute que 1 à 6 p. 100 du coût. Le remplacement de ces dispositifs ne représenterait qu’un coût minime. Ce serait une façon plus lente et moins difficile que de tout remplacer.

Voilà en gros les recommandations. Il faudrait également former les gens du secteur de l’électricité et d’autres infrastructures essentielles aux IEM pour qu’ils y soient sensibilisés, planifient et soient prêts pour ce genre d’événement. La planification et la réflexion sur les moyens de remise en état représentent 90 p. 100 et les investissements dans la technologie de blindage ne représentent que 10 p. 100.

Ce sont donc les éléments essentiels: transformateurs THT, gros générateurs et systèmes SCADA. Ce sont là les principales vulnérabilités du réseau électrique.

Nous avons également constaté que le simple fait de protéger le réseau électrique serait déjà un pas considérable pour améliorer la résilience de l’ensemble de la société, car le réseau peut ainsi être sauvegardé et continuer de fonctionner, ce qui permet de remettre les infrastructures essentielles en état de marche assez rapidement.

Comme je l’ai dit dans mes remarques liminaires, une panne du réseau électrique qui dure un an pourrait annihiler jusqu’à 90 p. 100 de la population par la famine, la maladie et l’effondrement du tissu social. Il n’est pas besoin d’être ingénieur pour savoir que s’il faut 18 mois pour remplacer un transformateur THT et si l’on en perd des centaines, la panne durera plus d’un an.

Le président: Concernant l’adaptateur sur cette infrastructure, la station haute tension, si l’on en décidait l’installation, en aurions-nous à notre disposition et combien de temps faudrait-il pour le faire? S’agirait-il d’une semaine par station?

M. Pry: Nous en avons et il y a des entreprises qui les fabriquent. Il existe plus d’une technologie, que ce soit les limiteurs de surtension, les différents types de dispositifs de blocage, les différents types de limiteurs de surtension des différentes entreprises.

Ce que je proposerais — et ce que j’ai suggéré à chaque État — c’est de s’adresser aux différentes entreprises, de les mettre en concurrence pour établir un plan pour le Canada; qui peut le faire de la façon la plus économique? Au lieu que ce soit vous et le gouvernement qui s’en chargent, mettez les entreprises en concurrence pour en arriver au meilleur plan, au plan le plus rentable.

C’est un peu comme pour protéger sa maison contre les incendies. Vous allez vous demander combien cela va coûter et comment vous allez vous y prendre. Vous pourriez ne dépenser que le prix d’un détecteur de fumée. Si vous n’avez aucune protection contre les incendies dans la maison, mais que vous installez seulement un détecteur à 15 $, vous augmentez considérablement votre sécurité et réduisez la probabilité que votre famille meure intoxiquée par la fumée en cas d’incendie. Mais vous pouvez accroître encore la sécurité en achetant des extincteurs pour la cuisine ou le garage. Vous pouvez même installer des gicleurs.

Tout cela améliorera la sécurité, mais en fin de compte, c’est une décision politique que de se demander où l’on va dépenser l’argent, quel niveau de sécurité on veut acheter et quelle entreprise offre la meilleure technologie.

Il faut comparer. Il n’y a pas de solution unique. Je vous recommanderais de vous adresser à toutes les entreprises qui font ce genre de travail.

S’agissant du temps nécessaire, la commission a estimé que pour nous protéger, à un rythme normal — en tenant compte de la durée de vie et du cycle de vie d’un SCADA — pour changer suffisamment de SCADA pour être en sécurité et installer les dispositifs de blocage et les limiteurs de surtension et les cages de Faraday, il faudrait environ trois ans et demi. En suivant un rythme tranquille, il faudrait trois ans et demi pour protéger le pays.

Si vous voulez en faire un Projet Manhattan — je dirais que compte tenu de la situation actuelle, c’est-à-dire que la Corée du Nord fait orbiter des satellites au-dessus de l’Amérique du Nord dont on ne sait pas s’ils transportent une arme nucléaire ou non, nous en sommes peut-être au stade d’un Projet Manhattan qui nous oblige à agir plus rapidement. Je suis d’accord avec Tom Popik que l’on peut faire beaucoup en un an et même en six mois. On peut faire énormément de choses en six mois.

Un de mes collègues à la Commission sur les IEM, John Kappenman, pensait que le plus important était de protéger les gros transformateurs THT qui entretiennent la vie dans les grandes villes. Vous ne les protégez pas tous, mais vous protégez les principaux. Ces travaux coûteraient environ 200 millions de dollars et prendraient environ six mois. Vous ne seriez plus complètement vulnérables et réduiriez considérablement le risque et le danger pour la population.

[Français]

Le sénateur Dagenais: J'ai une dernière question pour Mme Ayers. Jusqu'à quel point les services d'espionnage des États-Unis sont-ils efficaces à déceler les complots de sabotage? Est-ce que les renseignements que possède votre commission sont partagés entre le Canada et les autres pays alliés?

[Traduction]

Mme Ayers: Je ne sais pas dans quelle mesure je peux répondre à la première partie de votre question, car ces informations sont classifiées. D’après ce qui est publié, il semble que nous soyons relativement bons à détecter les menaces. Mais c’est très difficile à dire en matière de cyber-attaques car tout est instantané. C’est instantané, et nous avons constaté à maintes reprises — tout au moins dans le domaine public — qu’une menace était présente dans des systèmes pendant un certain temps avant qu’elle ne soit découverte.

Excusez-moi, pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question?

[Français]

Le sénateur Dagenais: La deuxième partie de ma question concernait la façon dont votre commission peut partager ces renseignements avec d'autres pays, comme le Canada et les pays alliés. J'imagine que, si vous avez une information privilégiée sur un système d'espionnage, vous devez la partager avec vos alliés.

[Traduction]

Mme Ayers: Absolument. Venant de la National Security Agency, je sais que nous faisons affaire avec les partenaires canadiens, néo-zélandais, australiens et britanniques. Oui, je suis tout à fait certaine que si une menace importante allait toucher le Canada, nous ferions part de cette information.

Le sénateur Mitchell: Personne ne voudrait minimiser l’importance d’une attaque IEM.

J’ai consulté votre site Web ou j’ai vu un article: « Deep-sixing another useful climate myth » et un autre « Climate Fraud », soit la négation du changement climatique. Je vois ensuite « WATCH: Hillary Clinton dances to Latin music in Washington Heights. » D’un côté, vous craignez la destruction de la planète, votre site web et votre organisation, mais de l’autre, vous avez un article qui nie le climat, si c’est bien le bon site.

M. Pry: Cela ne peut pas être mon site web.

Le sénateur Mitchell: familysecuritymatters.org?

M. Pry: Ce n’est pas mon site web. Je collabore à ce magazine. J’écris des articles pour Family Security Matters, mais je ne suis pas responsable du contenu de la publication.

Le sénateur Mitchell: Bon. Je comprends.

J’aimerais aborder la question de la crédibilité: D’après ce que vous dites, vous ne faites pas du tout confiance à l’Iran.

M. Pry: Oui.

Le sénateur Mitchell: Je vois ici une citation, « Des chercheurs iraniens… ont construit un filtre d’impulsion électromagnétique (IEM) qui protège les organisations vitales du pays contre des cyber-attaques. »

M. Pry: C’est ce qu’ils disent.

Le sénateur Mitchell: Mais c’est votre seule preuve qu’ils ont. S’ils l’ont, pourquoi ne l’aurions-nous pas aussi facilement? Si nous ne l’avons pas, comment peuvent-ils avoir cette technologie?

M. Pry: Mais nous l’avons. Cette technologie n’est pas très difficile à obtenir, mais dans leur article, ils disent eux-mêmes qu’ils enfreignent les sanctions internationales qui leur interdisent d’avoir cette technologie. Ils l’ont obtenue grâce aux Français et aux Allemands. Ils se vantent ouvertement d’avoir cette technologie.

Il est possible qu’ils mentent au sujet de leur puissance. Il est possible qu’ils ne disent pas la vérité et qu’ils n’ont pas acquis la technologie et sont très vulnérables aux IEM.

Mais j’aimerais que notre journal officiel — à vrai dire, nous n’avons pas de journaux officiels. Notre administration craint une attaque IEM sur nos infrastructures essentielles et devrait être aussi ouverte que l’est le gouvernement iranien. Ce sont des médias contrôlés par l’État. Cela montre qu’au niveau de l’État, on est sensible à la menace des IEM. Ils veulent protéger leur pays. C’est peut-être de la paranoïa parce qu’ils ont peur que les Israéliens les empêchent de poursuivre leur programme nucléaire. Je pense qu’ils ont probablement acquis la technologie de façon illicite. Après tout, ils ont acquis illicitement des capacités qui sont bien plus sensibles, comme les centrifugeuses qui leur permettent de fabriquer des armes atomiques et de placer des satellites en orbite, ce qu’ils font. Ils ont fait la preuve de leur capacité à placer des satellites en orbite polaire, ce qui est beaucoup plus difficile que de fabriquer un filtre IEM.

Je n’ai pas eu le temps de l’intégrer dans l’article. On voit dans l’article du magazine iranien une illustration qui montre un satellite d’où sort une explosion d’IEM qui couvre une grande partie de la terre. C’est ce qu’illustrent les propres explications des Iraniens.

Le sénateur Mitchell: Votre association avec ce site me préoccupe. Oui, l’IEM représente une menace considérable. Comment évaluez-vous cette menace sur les infrastructures et les infrastructures essentielles? Comment compareriez-vous cette menace avec celle du changement climatique et l’inondation des ports militaires? C’est une préoccupation des administrations portuaires du Canada. Des tempêtes énormes sans précédent qui pourraient anéantir des infrastructures dans des villes et des régions entières. Voyez-vous une analogie? C’est beaucoup plus probable puisque cela s’est déjà produit. Êtes-vous en train de dire que ce n’est pas le cas?

M. Pry: Je ne suis pas climatologue, mais ce que je peux vous dire, c’est que dans notre pays, il n’y a pas de politiques publiques sur une question complexe comme celle-ci qui fait intervenir de nombreuses questions scientifiques et est extrêmement controversée sur le plan scientifique.

Le sénateur Mitchell: Je ne pense pas qu’il y ait une controverse sur le plan scientifique; 99 p. 100 des scientifiques sont d’accord.

M. Pry: Il y a des gens qui ne seraient pas d’accord, moi y compris. Ce n’est pas vrai que 99 p. 100 des climatologues sont d’accord sur le changement climatique. Cette théorie a été complètement démentie. Il n’y a jamais eu de commission mandatée par le Congrès ou le Président sur le changement climatique. C’est ce qu’il faut faire avec une question comme celle-là, étudier tous les travaux scientifiques, comme ce qui a été fait sur les IEM, pour lesquels on n’a pas eu seulement une commission du Congrès bipartisane, mais plusieurs. Les membres ont été choisis et on sait donc qu’il n’y a pas de partialité politique. Les données ont été examinées par les meilleurs scientifiques. Cela n’a pas été le cas pour le changement climatique.

Pour ce qui est des décisions de politique publique et l’imminence du risque, je ne suis pas climatologue, mais s’agissant des possibilités d’inondation de nos villes et tout le reste, je dirais que la menace d’une attaque aux IEM nucléaires représente un danger plus évident et plus immédiat. Nous avons deux satellites nord-coréens qui se trouvent à une altitude optimale pour détruire nos défenses antimissiles nationales et placer un champ IEM. Le chef d’État qui a fait cela, Kim Jong-un, est un psychopathe. Il est instable. C’est Caligula avec des armes nucléaires.

Quelle serait l’imminence d’une menace selon vous si un de vos voisins pointait sur vous son fusil chaque fois qu’il sortait de chez lui et vous disait: « Un de ces jours, je vais vous tuer, vous et votre famille. » Est-ce que vous diriez que c’est une menace imminente? C’est ce que fait la Corée du Nord presque tous les jours. Ils nous menacent d’une attaque nucléaire contre nos sociétés et contrairement à nous, il n’y a aucune police vers qui se tourner.

Le sénateur Mitchell: Je vois que vous avez travaillé pour la CIA. Ne pensez-vous pas que la CIA comprend cette menace? Nous avons parlé à des généraux américains. Ce ne sont pas des idiots. J’essaie de placer tout cela en perspective. Je ne dis pas que l’on ne devrait rien faire. Vous avez travaillé pour la CIA.

M. Pry: Effectivement, j’ai travaillé pour la CIA. Voulez-vous dire que la CIA estime que la menace nord-coréenne n’est pas imminente?

Le président: Sénateur, s’il vous plaît. Nous sommes ici pour…

M. Pry: Ce n’est pas vrai du tout, si c’est ce que vous laissez entendre.

Le président: Chers collègues, nous sommes ici pour discuter de la menace imminente d’une impulsion électromagnétique en Amérique du Nord. Pourrions-nous limiter nos questions à ce sujet, car ce que nous voulons savoir c’est l’importance et la portée de la menace et éventuellement ce que le Canada et les provinces devraient faire.

[Français]

Le sénateur Carignan: Si je comprends bien, il semblerait que, aux États-Unis, cette information relativement aux impulsions électromagnétiques ne serait pas une information classifiée. Ici, au Canada, on nous dit souvent, quand on creuse un peu, qu’il y a de l’information qui est classifiée. Est-ce qu’on aurait intérêt dans le cas présent à déclassifier cette information? Quels seraient les avantages de le faire?

[Traduction]

M. Pry: C’était la même chose aux États-Unis jusqu’aux travaux de la Commission sur les IEM. Lorsque j’étais le principal expert sur les IEM à la CIA, toute cette information était confidentielle. Nous n’aurions pas pu en parler. Elle n’était connue que de quelques spécialistes experts en stratégie nucléaire et conception d’armes nucléaires. Le président de notre commission, William Graham, a été le conseiller scientifique du président Reagan, l’administrateur de la NASA et le principal expert sur ce sujet dans le monde libre. Les opinions que j’exprime ici aujourd’hui sont celles de sa commission. Il a estimé que l’on devait déclassifier pour que le secteur privé, qui possède et contrôle les infrastructures essentielles, les réseaux électriques, l’alimentation en eau, les télécommunications et tout le reste soient au courant de cette menace et blindent leurs industries pour que notre société puisse survivre. La population américaine était la seule à être dans l’ignorance à ce moment-là. Les Russes, les Chinois, les Nord-Coréens et les Iraniens étaient tous au courant.

Les rapports de la Commission sur les IEM publiés en 2004 et 2008 ont été déterminants. C’était la première fois que l’on rendait publiques des informations aussi détaillées sur la menace des IEM et sur la façon d’y réagir. Nous continuons dans cette voie. Il y a une limite à ce que nous pouvons faire, notamment au sujet des détails de la conception des armes nucléaires et ce qui constitue l’IEM. Les gens doivent savoir que la menace est réelle et imminente, que nous devons réagir et que nous prenons des mesures. Nous pouvons nous protéger contre cette menace. Voilà le genre d’information qui devait être déclassifiée selon la Commission sur les IEM.

Je suis d’accord. Je pense que le Canada aurait intérêt à suivre l’exemple de la Commission, ou tout au moins à rendre publics ses rapports. Lisez les rapports de la Commission qui sont déjà déclassifiés par les États-Unis et suivez leurs conseils.

[Français]

Le sénateur Carignan: Quelle est la collaboration entre le Canada et les États-Unis sur ce sujet? Est-ce qu’il y a beaucoup d’échanges d’information, à votre connaissance, entre les deux pays? En ce qui concerne autant le pallier fédéral que provincial, comparativement aux États, vous avez mentionné que le Maine semblait avoir une politique de protection plus importante. Par exemple, Hydro-Québec vend de l’électricité au Maine. Cela signifie-t-il qu’il faut aller jusqu’à prévoir, dans les contrats de fourniture d’électricité, que la société Hydro-Québec soit protégée contre ce type de menaces ou d’accidents?

Quelle est la collaboration de pays à pays, et avons-nous des exemples concrets de collaboration entre État et province?

[Traduction]

M. Pry: Le Maine agit seul et ne collabore pas avec le Canada. Le Maine a installé un limiteur de surtension sur la ligne qui vient du Canada de sorte qu’en cas d’IEM au Canada, le Maine serait protégé.

Le Canada a fait la même chose lors de la tempête de 1989 qui a touché Hydro-Québec et a plongé dans le noir la moitié du Canada et entraîné des pertes économiques de plusieurs milliards de dollars. Il faut au minimum reconnaître la réalité des IEM d’origine naturelle dues aux éruptions solaires, car il y en a déjà eu au Canada. Après la tempête de 1989, Hydro-Québec n’a pas blindé son réseau au niveau permettant de résister à une attaque IEM nucléaire, mais a suffisamment protégé son transformateur pour protéger ses systèmes au Canada, ce qui s’est révélé utile lors de la grande panne de 2003 dans le nord-est des États-Unis. Une photo satellite des conséquences de la panne de 2003 montrerait que la panne s’est arrêtée à la frontière. La plupart des réseaux ont résisté au Canada en raison des mesures prises en 1989 pour se protéger contre la tempête géomagnétique. Bien sûr, ce n’est pas un événement de type Carrington. Ce n’est pas une super-tempête. Ce n’est pas une attaque aux IEM nucléaires. Mais vous avez fait ce qu’il fallait dans ce cas-là. Je pense que nous allons être confrontés à des menaces d’IEM plus importantes prochainement et que vous devez prendre à nouveau les mesures qui s’imposent.

En matière de collaboration, je ne peux pas parler de ce qui est classifié, bien entendu, mais le Canada collabore avec le NORAD et y est représenté. Il est bien connu que le NORAD prend tellement au sérieux la menace des IEM qu’il consacre presque 1 milliard de dollars pour blinder la Cheyenne Mountain, son quartier général, contre une attaque nord-coréenne aux IEM nucléaires. C’est là joindre les actes à la parole. Le Département américain de la Défense compte de nombreux autres éléments, dont le NORAD. Étant donné que le Canada en est membre, je suppose qu’il y a une prise de conscience, une collaboration quelconque — tout au moins entre le NORAD et son partenaire au Canada — à ce sujet.

Le sénateur Beyak: Merci pour vos exposés très intéressants. Bienvenue au Canada. J’ai travaillé ces dernières années sur les questions de défense nationale dans votre pays avec Newt Gingrich et quelques autres. Merci pour tout ce que vous faites.

J’étais préoccupé par le fait qu’ici au Canada — mais après ce comité cela ne sera plus déclassifié, mais ça fait longtemps que ce débat sur les impulsions électromagnétiques se tient derrière des portes closes. D’après vous quelle est la meilleure manière pour le gouvernement de faire comprendre aux gens l’importance de la menace?

Monsieur Popik, que peuvent faire les collectivités pour protéger leurs réseaux à l’échelle municipale?

M. Popik: Merci beaucoup pour votre question. C’est une question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi, car mon épouse et moi avons trois enfants — le cadet vient d’avoir 12 ans — et que nous sommes très préoccupés par la sécurité de notre famille, surtout en ayant connaissance de ces menaces, qui sont bien réelles. J’ai fait beaucoup d’introspection.

Il y a des gens dans notre société qui ont renoncé au gouvernement et qui essaient de se préparer eux-mêmes à l’éventualité d’un événement touchant les infrastructures. Je suis arrivé à la conclusion que la meilleure solution est une solution émanant du gouvernement qui protègerait tous les éléments de la société. Il est très important que les citoyens, les particuliers, comprennent la gravité de cette menace.

C’est pour cette raison que le travail que vous faites aujourd’hui dans ce comité est d’une grande valeur. Nous devons nous préparer à assurer une défense commune. Les préparatifs individuels peuvent avoir du bon, mais au-delà d’un certain laps de temps, ils ne sont plus efficaces. Encore une fois, c’est ce type de sensibilisation du public qui est fondamentale, pas seulement au niveau national, mais aussi au niveau de la communauté.

Le président: Les autres témoins veulent-il apporter d’autres commentaires? Je croyais que vous aviez deux questions.

Le sénateur Beyak: C’était à propos de la manière dont nous pourrions sensibiliser nos concitoyens au même niveau que ce que vous avez réussi à faire aux États-Unis et pour dire l’importance d’une telle sensibilisation.

M. Pry: Vous avez peut-être besoin d’un romancier. Je suis un peu gêné et un peu déçu de devoir l’admettre, malgré toutes les audiences du Congrès que nous avons eues. La première commission EMP a duré près d’une décennie. Nous avons tenu des audiences du Congrès et émis des rapports. Nous avons essayé de diffuser certaines de ces audiences à la télévision. La commission va revenir. Il y a aussi eu d’autres groupes — celui de Tom, le mien, plusieurs autres groupes sans but lucratif — qui ont essayé de sensibiliser et d’éduquer le public.

Il y avait un roman intitulé Une seconde après, de Bill Forstchen, un professeur à l’Université de Caroline du Nord. Ce roman en a sans doute fait davantage pour sensibiliser les gens au sujet des EMP. Quelques films ont également parlé des EMP. Il me semble que le dernier Godzilla en parle. Hélas les gens ne lisent plus. J’ai l’impression qu’ils font leur éducation par les films et le divertissement. Un programme d’éducation populaire sera plus efficace s’il passe par le divertissement.

Peut-être que, pour les 10 p. 100 de la population qui étudient encore les rapports, lisent et suivent les actualités, il faut faire la même chose que pour n’importe quoi d’autre — comment le changement climatique est-il devenu connu de tous? Il y a eu des auditions et des rapports. Je crois que ce qui a sensibilisé les gens, franchement, c’est qu’il y a eu beaucoup de divertissements à ce sujet et que des acteurs et des célébrités ont pris conscience de cette cause et s’en sont emparés.

J’aimerais avoir la réponse magique à cette question, car nous avons du mal à sensibiliser suffisamment le public sur cette question. Dès que vous dites « EMP » les gens décrochent. Ils pensent que c’est un sujet très technique. C’est un repoussoir et les gens s’en détournent. Mais à mon avis, avis qui est partagé par la commission dont j’ai fait partie, c’est la plus importante menace pour notre société à l’heure actuelle. Cela peut venir du soleil; la NASA estime que c’est 12 p. 100 de chance par décennie. Cela peut venir d’armes nucléaires ou non nucléaires, dont certaines ne sont même pas des armes. Ce sont des appareils qui peuvent être achetés sur Internet. Il n’y a même pas besoin d’une licence pour les acheter. Ils peuvent être utilisés comme armes à fréquence radio non nucléaires. Si vous attaquez ces neuf postes clé de transformation THT, vous provoquerez une panne de courant qui durera 18 mois et tuera l’essentiel de la population. Même si nous disons cela depuis longtemps, les gens n’en ont toujours pas conscience.

J’en suis au même point que vous. Je ne sais pas quoi faire de plus, à part ce que j’ai déjà mentionné, pour sensibiliser davantage le public.

Le sénateur Beyak: J’ai une autre question pour Mme Ayers si vous le permettez. Lors de votre présentation, j’ai marqué d’un astérisque les termes électricité noire et logiciel malveillant. Pourriez-vous développer un peu sur ces sujets. « BlackEnergy » — je n’avais jamais entendu ce mot.

Mme Ayers: Malheureusement les caractéristiques BlackEnergy sont classifiées à ce que je sache. Mais c’est une source ouverte et il y a des détails sur le site Internet de l’ICS-CERT pour ceux qui sont intéressés par la technique.

BlackEnergy est un logiciel malveillant de fabrication russe qui était conçu au départ pour collecter des renseignements et il est installé dans beaucoup de SCI en attendant que quelque chose arrive. C’est une description de source ouverte. Nous ne savons pas exactement ce qu’il attend. Il y a plusieurs variantes et ce sont plus ou moins des plugiciels. On peut ajouter ces plugiciels au logiciel malveillant BlackEnergy d’origine et il peut faire beaucoup d’autres choses selon ce que vous voulez faire. C’est un peu difficile à décrire, mais je sais que c’est le maliciel BlackEnergy 3 qui nous préoccupe le plus en ce moment et qu’il a été repéré dans nos propres systèmes.

Le sénateur Beyak: Nous devrions probablement nous appuyer sur nos systèmes actuels de gestion du risque.

Mme Ayers: Malheureusement, il n’est pas facile de trouver des informations de source ouverte sur les détails. Même si ICS-CERT fait du bon travail en ce qui concerne le suivi de ces maliciels, tout n’est pas publié à cause de la classification.

J’aimerais compléter ce que disait M. Pry. Personnellement j’ai constaté, en regardant ça depuis le Collège militaire, que le livre que vient d’écrire Ted Koppel intitulé Lights Out a eu une influence considérable sur beaucoup de gens qui ne s’intéressaient pas à cela auparavant. On dirait que les gens sont prêts à le croire.

Par ailleurs, bien souvent lorsque je parle à des gens d’EMP ou d’autres enjeux de cybersécurité, ils disent: « Si c’est si difficile à gérer, si la menace est si forte, alors pourquoi le gouvernement ne nous dit-il rien? » En vérité c’est leur seule préoccupation: ce que leur dit le gouvernement. Tant que le gouvernement ne leur dit rien, ils ne vont pas s’en inquiéter.

Je crois qu’il est très important que le gouvernement nous en parle et peut-être que cela devrait venir du département de la Défense. Je crois que le département de la Défense est au courant et qu’il étudie cette question depuis de nombreuses années.

Je ne sais pas si cela vous aide.

Le sénateur Beyak: Oui, merci.

La sénatrice Lankin: J’ai deux questions que je vais regrouper. Monsieur Pry, j’ai été troublée de vous entendre dire qu’il ne faut pas croire que la NERC a une quelconque expertise dans ce domaine et que la NERC prétend avoir une expertise qu’elle n’a pas. Beaucoup de personnes concernées, y compris à des niveaux réglementaires, croient que les services publics sont à la hauteur — par exemple, ici en Ontario, le service public de transport et de distribution, Hydro One, s’engage à répondre à ces normes — et que nous bénéficions d’un certain niveau de protection de la fiabilité.

J’aimerais que vous parliez un peu plus des normes et en quoi elles ne répondent pas de manière satisfaisante à la question de l’IEM.

Monsieur Popik, vous appelez de vos vœux une structure réglementaire plus forte que la FERC aux États-Unis. En regardant province par province, je me dis « Qu’avons-nous ici? » Des générateurs disparates à différents niveaux, des services publics aux échelons municipaux et provinciaux, le transport et la distribution — un ensemble de mesures disparates. Rien que pour la province de l’Ontario, il y a dans les 70 distributeurs locaux qui sont reliés d’une façon ou d’une autre à un réseau de transport plus vaste. De votre point de vue, en tant qu’observateur extérieur à ce pays, quels devraient être nos objets de réflexion en tant que comité et quelles devraient être nos recommandations au sujet d’une structure réglementaire qui apporterait une norme de référence dans tout le Canada?

M. Pry: Tout d’abord, la NERC n’est pas une agence gouvernementale. La North American Electrical Reliability Corporation était au départ une association professionnelle représentant les 3 000 services d’électricité qui y contribuaient, payaient ses salariés et la maintenaient en activité. Dans les faits, c’est ce qu’elle est toujours, sauf qu’après la grande panne de courant de 2003 — la grande panne de courant du Nord-Est — la NERC est devenue le partenaire désigné pour travailler avec la FERC des États-Unis afin de garantir la sécurité du réseau électrique.

Cela n’a jamais bien fonctionné. Si vous prenez le point de départ qui nous a incités à nous tourner vers la NERC, la grande panne de courant du Nord-Est de 2003 a été provoquée par la chute d’une branche d’arbre sur une ligne électrique entraînant des pannes en cascade qui ont fini par priver 50 millions de personnes d’électricité. Le gouvernement s’est tourné vers la NERC en disant: « C’est inacceptable. Le réseau est tellement peu fiable et peu sûr qu’un incident mineur comme celui-là peut provoquer une panne de courant affectant 50 millions de personnes. » Même s’il n’y a pas eu de morts et que cela n’a duré qu’une demi-journée, à New York les gens ont dû traverser le pont de Brooklyn à pied pour rentrer chez eux. Les métros ne fonctionnaient pas. Manhattan était privé d’électricité.

Il a fallu 10 ans à la NERC pour proposer ce qui s’appelle un plan de gestion de la végétation qui est un plan approuvé pour protéger le réseau des branches d’arbres.

Ce comportement — cette lenteur de la réponse et parfois cette absence de réponse — et une volonté de créer une pseudoscience, franchement, pour dire que les menaces auxquelles ne croient pas les gens ne sont pas des menaces — se reflète aussi dans le domaine de la cybersécurité et des IEM.

Voici un excellent exemple, prenons la menace d’IEM nucléaires émanant du soleil. Par le passé, la NERC ne voulait même pas prendre cela en compte. En gros sa réponse première devant les questions du Congrès et de ceux qui étaient préoccupés par les menaces d’IEM du soleil était la suivante: « Eh bien nous connaissons l’existence des orages géomagnétiques naturels. » La NERC connaissait l’orage Hydro-Québec et disait: « Ne vous inquiétez pas nous avons la situation en main. » En réalité, en gros, la NERC niait avoir à se préoccuper du fait qu’un orage géomagnétique de classe Carrington — quelque chose de 100 fois plus puissant que l’orage d’Hydro-Québec de 1989 — puisse survenir. C’est un phénomène qui se produit en moyenne une fois par siècle, mais comme je l’ai dit, il y a maintenant 12 p. 100 de chances par décennie qu’il se produise, puisque Carrington remonte à plus d’un siècle, c’était en 1859. Nous avons largement dépassé la récurrence de Carrington.

La NERC s’est débattue et il a fallu la contraindre. Au départ elle a dit qu’en gros elle ne voulait pas du tout s’occuper de super orages géomagnétiques, mais la FERC des États-Unis lui a imposé une norme. La NERC avait tout d’abord publié une étude pseudoscientifique prétendant qu’elle était en mesure de rétablir le réseau sous 24 heures — je crois que c’était 24 heures pour un orage géomagnétique de classe Carrington.

Il me semble que c’est seulement une ou deux semaines après cette publication que le Royaume-Uni a mené une autre étude indépendante qui corroborait les résultats de la Commission sur les IEM disant que la récurrence de Carrington serait catastrophique et que nous n’y sommes pas préparés. Puis il y a eu un événement climatique quelconque. Je ne me souviens plus. C’était une canicule ou quelque chose comme cela et cela a provoqué une panne de courant dans la région de Washington D.C. et de la Virginie. Par endroits, cela a duré deux semaines. C’était la preuve qu’ils n’étaient pas prêts à gérer un temps normal, banal, terrestre, qui se produit très souvent. Il a fallu se rendre à l’évidence, l’affirmation selon laquelle un super orage géomagnétique de classe Carrington pouvait être géré en 24 heures ne pouvait pas être vraie.

Nous avons eu une réunion technique. J’y étais. Nous avions réuni quelques-uns de nos meilleures scientifiques pour contrer les gens de la NERC. Cela a été un véritable procès et il en est ressorti qu’il n’y avait aucune base scientifique ni aucune base d’ingénierie valable à l’appui des déclarations de la NERC disant qu’elle était en mesure de gérer un tel événement. En gros, le rapport de 2012 est mensonger. En réalité, une bonne partie de mon livre Apocalypse Unknown, que vous avez cité, décrit cet épisode avec la NERC avec davantage de détails hideux que vous ne voulez probablement en connaître.

En tout cas la NERC a été contrainte et forcée par la FERC des États-Unis d’admettre qu’elle n’était pas prête à gérer une telle situation et il a fallu qu’elle propose une norme. La FERC peut imposer à la NERC de mettre en place une norme, mais elle ne peut pas lui imposer le contenu de cette norme. Elle a donc passé des années à attendre. Récemment, au cours des 18 derniers mois, la NERC a finalement proposé une norme qui met la barre si bas qu’elle est en réalité inutile.

Je vous garantis que lorsque vous allez discuter de ces problèmes avec la NERC, on vous dira: « Eh bien, vous savez, nous avons travaillé avec la FERC des États-Unis. Nous avons les choses bien en main et nous avons même une norme en préparation, alors allez vous recoucher et ne vous en faites plus pour ça. Nous, la NERC, avons la situation en main. »

Comment se fait-il que l’industrie se comporte comme cela? Cela semble si contre-intuitif. Ne serait-il pas dans leur intérêt de protéger leurs actifs? Je crois que c’est pour cela que nous avons un gouvernement. La main invisible d’Adam Smith dans le marché libre est la meilleure manière qu’a trouvée la société pour organiser la mise à disposition de biens et de services aux personnes. Mais lorsqu’il s’agit de s’occuper de la sécurité publique et de la protection contre un orage à fréquence centennale, d’une attaque d’IEM nord-coréenne ou d’une possible attaque terroriste, l’homme d’affaires, quand il a de l’argent en main et qu’il doit prendre la décision d’assurer la protection contre un orage géomagnétique de fréquence centennale, choisira toujours de mettre l’argent dans sa poche.

Toutes les industries sont passées par là. Il fut un temps où les journalistes à scandales ne venaient pas encore dire à l’industrie alimentaire et pharmaceutique — de ne pas mettre de cocaïne dans le Coca-Cola. C’est pour cela que ça s’appelait cocaïne cola. On y mettait de la cocaïne. Vous tuez vos clients; ce n’est pas dans votre intérêt de faire cela, mais ils le faisaient. La viande qui était produite était si mauvaise que les gens mouraient d’en avoir mangé.

C’est pour cela que nous avons un gouvernement: pour réglementer et obliger ces gens à prendre les bonnes décisions.

Prenez l’industrie du zeppelin. Si un peu plus d’argent avait été dépensé, on aurait utilisé de l’hélium au lieu d’utiliser de l’hydrogène pour faire voler ces zeppelins. Mais ils se sont persuadés, ainsi que leurs clients, que leurs procédures opérationnelles étaient si bonnes qu’il n’y aurait jamais d’accident de type Hindenburg, ce qui mettrait toute leur industrie en faillite. Mais c’est arrivé.

C’est la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui. La NERC est en gros le capitaine du Hindenburg volant vers un rendez-vous avec un nouvel événement Carrington. Et c’est pour cela que nous avons un gouvernement — parce que le gouvernement s’engage pour la protection publique et la sécurité nationale. C’est son rôle légitime de déterminer qu’« il faut dépenser un petit peu plus d’argent ». C’est pour cela que nous avons la Federal Aviation Administration — pour réguler l’industrie aéronautique. Nous ne faisons pas confiance à l’industrie aéronautique pour nous dire pourquoi un avion s’est écrasé. La FAA récupère les morceaux d’avion et les réunit dans un hangar afin d’établir ce qu’il s’est passé, parce qu’on ne peut pas faire confiance à l’industrie pour se réguler elle-même dans ce genre de situations.

C’est la même chose dans l’industrie de l’électricité, sauf que, comme je l’ai dit, à l’heure actuelle elle est dans un contexte réglementaire datant du XIXe siècle, en tout cas aux États-Unis. Je ne connais pas vos lois ici au Canada. J’espère qu’elles sont plus robustes pour que vous puissiez donner des ordres à ces gens: vous allez mettre en place ces limiteurs de surtension, ces dispositifs de blocage et des cages de Faraday parce que 90 p. 100 de la population du Canada en dépend pour sa survie et qu’il faut que vous soyez prêts pour le super orage géomagnétique, ou l’attaque d’IEM nucléaires, ou la cyberattaque, lorsque cela se produira.

M. Popik: Il y avait plusieurs parties dans votre question. Je vais vous donner un exemple qui illustrera à quel point les normes de la NERC sont déficientes.

La NERC a développé une norme pour la sécurité physique des installations de réseaux électriques vitales à la direction de la FERC. Lorsque cette norme a été établie, il n’y avait absolument aucune exigence concernant la sécurité physique des régies centrales. Il y avait 16 régies centrales en Amérique du Nord; il n’y avait pas d’exigence de sécurité physique. Mon groupe s’est battu contre cela. Nous nous sommes battus lors du processus initial d’établissement de la règle; nous avons aussi lancé une procédure d’appel administratif que nous avons perdue.

Je ne vais pas vous expliquer en détail pourquoi c’est si important et quelles sont les vulnérabilités spécifiques, dans ce contexte public, mais si je devais l’expliquer lors d’une session à huis clos, je pense que vous comprendriez la gravité de la situation. Ces normes sont vraiment déficientes et elles affectent non seulement les États-Unis, mais aussi le Canada.

Mon groupe a beaucoup réfléchi à ce que pourrait être la solution. Nous avons mis au point une proposition pour ce que nous appellerions une commission de fiabilité électrique. Le problème avec la FERC à l’heure actuelle, c’est qu’il s’agit essentiellement d’un régulateur économique qui s’est vu greffer en 2005 ce rôle de fiabilité électrique par une loi.

La FERC, l’agence des États-Unis, n’établit pas de normes par elle-même. Elle dépend d’un groupe qui est dominé par les services d’électricité. En fait, la NERC est gouvernée par un vote et 70 p. 100 des représentants qui votent à la NERC sont des employés de services d’électricité. Vous voyez que l’on se trouve un peu dans la situation du loup qui garde la bergerie.

De plus, dans la loi des États-Unis, la FERC doit s’en remettre à la NERC en matière d’analyse technique. Nous avons proposé qu’une commission séparée soit mise en place, avec la capacité d’établir ses propres normes, comme c’est le cas pour les normes de sécurité alimentaire ou de sécurité aéronautique; et que cette commission indépendante ait également des compétences en matière d’expertise technique.

Il se trouve que parce que la FERC est d’abord un régulateur économique, ses commissaires ont tendance à être des avocats. Actuellement, pas un seul des commissaires de la FERC n’a de formation technique. Nous pouvons comparer cela avec la Commission de réglementation de l’énergie nucléaire aux États-Unis dans laquelle la majorité des commissaires ont une formation d’ingénieur nucléaire.

Mon organisation a fait un certain nombre de recommandations spécifiques et si cela intéresse votre comité, nous pourrions vous faire parvenir des documents de référence sur ces propositions après l’audition.

Le président: Cela serait utile. Peut-être qu’aux fins du compte rendu, pour les spectateurs, vous pourriez éclaircir ces deux acronymes, FERC et NERC, afin qu’ils puissent comprendre la conversation que nous avons aujourd’hui.

M. Popik: C’est très important. La North American Electric Reliability Council était une association professionnelle de services d’électricité. Après la panne de courant de 2003, il y a eu un groupe de travail commun Canada — États-Unis et cette association professionnelle a été transformée en un corps autorégulé et le nom a légèrement changé pour devenir North American Electric Reliability Corporation. Aux États-Unis, le régulateur est la Federal Energy Regulatory Commission que nous appelons la FERC. Au Canada vous n’avez pas d’équivalent; vous avez les organisations provinciales. Par exemple en Ontario, c’est le Commission de l’énergie de l’Ontario.

La sénatrice Lankin: Exact. Nos services publics, tels que Hydro One, sont membres de la NERC.

M. Popik: Absolument. Je dois dire que j’ai participé à de nombreuses réunions de la NERC et j’ai eu des échanges avec les représentants de Hydro One et d’Hydro-Québec, c’est vrai.

Le président: J’ai quelques questions à vous poser.

Nous avons reçu plusieurs témoins qui nous ont dit, en allant dans votre sens, que les impulsions électromagnétiques constituaient clairement une menace. On peut débattre du niveau réel de cette menace.

Y a-t-il des gens qui disent que ce n’est pas une menace?

M. Pry: Vous trouverez toujours des gens pour vous dire que l’atterrissage sur la lune était un complot.

Le président: Je ne parlais pas de ce genre de choses, monsieur Pry, je voulais dire quelqu’un qui aurait des arguments fondés sur des données scientifiques ou de sécurité publique.

M. Pry: La NERC a déclaré que les orages géomagnétiques ne constituent pas une menace existentielle catastrophique. Cela faisait partie de ce rapport pseudoscientifique de 2012, qui a été démasqué à l’époque comme étant une supercherie. La position de la NERC n’a jamais vraiment changé bien qu’elle n’en fasse pas état.

À ma connaissance, même la NERC ne prétend pas qu’une attaque d’IEM nucléaires ne serait pas catastrophique. Sa position consiste à dire que la protection du pays contre une attaque d’IEM nucléaires ne fait pas partie de son travail, que c’est le travail du département de la Défense. Elle essaie de s’en laver les mains de cette manière. Mais le réseau électrique ne fait pas partie de la juridiction du département de la Défense, à moins qu’il ne soit nationalisé ou quelque chose comme cela.

Toutes les commissions du Congrès et toutes les études majeures du gouvernement des États-Unis de ces 50 dernières années ont étudié la phénoménologie d’IEM nucléaires. Nous avons des simulateurs d’IEM; nous avons des résultats d’essais nucléaires. La Russie a mené des essais nucléaires très agressifs à la fin des années 1960. Lors de la dernière série d’essais nucléaires, la Russie a déclenché des armes nucléaires à haute altitude au-dessus de leur propre pays, au-dessus du Kazakhstan, une zone plus vaste que l’Europe de l’Ouest — détruisant délibérément la zone — juste pour être sûre qu’il était possible d’utiliser ces effets lors d’une guerre. La Russie dispose probablement de la meilleure base de données sur les effets d’attaques d’IEM nucléaires — elle est secrète — au monde.

En ce qui concerne les IEM nucléaires, il n’y a pas de controverse. Par contre pour ce qui est des orages géomagnétiques, je dirais qu’il est possible que la NERC défende encore aujourd’hui une position selon laquelle cela ne serait pas très sérieux.

J’ai vu des affirmations émanant de la NERC ou de l’un des services disant qu’une cyberattaque à l’échelle du pays pourrait peut-être provoquer une panne de courant qui durerait au maximum deux semaines. Permettez-moi de vous le dire: les autorités crédibles et dignes de confiance qui sont affiliées avec la communauté du renseignement ou avec le gouvernement des États-Unis ou avec des entités scientifiques indépendantes sont toutes d’accord — il y a consensus parmi elles…

Le président: Nous arrivons au bout de notre temps de parole, alors pour rebondir là-dessus, est-ce que ce débat existe en Europe ou dans d’autres régions, concernant des telles possibilités? Le savez-vous?

M. Popik: Si je peux dire quelques mots ici, mon organisation a fait une recherche à ce sujet. C’est un vrai casse-tête. Premièrement, je suis tout à fait d’accord avec M. Pry. Je ne crois pas qu’on ait débattu de la question de savoir si l’IEM est une menace technique. La physique de la menace existe, mais le débat porte sur les répercussions stratégiques de cette menace. Certains diraient: « Eh bien, l’impulsion électromagnétique est un sous-ensemble de la menace nucléaire globale, qui pourrait faire exploser des dispositifs nucléaires. » Mais je pense que l’argument ne tient pas parce qu’il suffirait d’un seul dispositif pour qu’une impulsion électromagnétique nucléaire entraîne des effets cataclysmiques, alors que, avec les effets de chaleur et d’explosion des armes nucléaires conventionnelles, il faudrait de nombreux autres dispositifs pour entraîner des répercussions à l’échelle d’un continent.

Mon organisation a fait une étude qualitative. Nous avons communiqué par courriel avec plusieurs centaines de spécialistes de politique étrangère et nous leur avons demandé leur avis au sujet de l’impulsion électromagnétique, parce que nous n’avions pas trouvé beaucoup d’articles de journaux dans les cercles de la politique étrangère à ce sujet.

Les réponses que nous avons reçues étaient très intéressantes. Nous avons découvert, premièrement, que l’impulsion électromagnétique était classifiée depuis si longtemps que les spécialistes de politique étrangère ne s’étaient pas fait une opinion claire et, deuxièmement, que la plupart de ces spécialistes n’avaient pas de connaissances techniques. Et, comme il s’agit d’une menace technique, l’information technique est importante. Ils ne comprenaient pas la menace et, par conséquent, ne s’y intéressaient guère.

Et puis il y a les tenants de la dissuasion mutuelle, autrement dit la destruction mutuelle garantie, qui serait applicable à l’IEM nucléaire à haute altitude.

Mais je pense que cet argument ne tient probablement pas, parce que certains leaders, comme l’a rappelé M. Pry, peuvent se montrer instables, et il suffirait d’un lancement ou d’un dispositif pour entraîner une catastrophe.

Encore une fois, c’est une question de politique étrangère très intéressante, et nous avons fait une certaine recherche à ce sujet. Mais il en faut encore.

Le président: Pourrions-nous vous poser juste une autre question, monsieur Popik?

Vous avez dit tout à l’heure, je crois, que le prix s’élevait à 350 000 $, mais je ne sais plus si c’était par station. Ensuite, vous avez parlé de 200, si je ne me trompe pas. Certaines modernisations seraient effectuées, et cela nous mettrait dans une position plus avantageuse qu’aujourd’hui. D’où viennent ces chiffres? Qui vous les a fournis et pensez-vous qu’on peut s’y fier?

M. Popik: Certainement. C’est une question très importante. Il existe de nombreux distributeurs de dispositifs de protection contre les effets des IEM. L’un d’eux offre un produit qui a été testé par le gouvernement américain au Laboratoire national de l’Idaho. Le test a été concluant. On est en train d’installer ce dispositif dans une grille électrique opérationnelle au Wisconsin. Le prix annoncé par le distributeur pour ce dispositif, installation comprise, est de 350 000 $.

Ensuite, il suffit de calculer. Aux États-Unis, il existe environ 2 500 postes de transformation à très haute tension. Au Canada, je dirais qu’il doit y en avoir 10 p. 100 de plus. Donc, on parle de 3 000 postes, peut-être, au Canada. Faites le calcul: 350 000 fois environ 3 000 dispositifs. On arrive à un peu moins d’un milliard de dollars.

Et cela ne nous protégerait pas complètement d’une IEM nucléaire. Cela nous protégerait seulement contre ce qu’on appelle l’impulsion E3, mais ce serait, à notre avis, un excellent moyen de dissuasion nucléaire.

Pour une protection plus complète, mon organisation a fait une estimation depuis la base. Nous avons essayé de faire le compte des stations et des types d’appareils qu’il faudrait protéger. Puis nous avons demandé aux distributeurs ce qu’il en coûterait, et nous avons fait les multiplications dans une feuille de calcul Excel, que nous avons affichée sur notre site web.

Au moins, c’est une méthodologie. Je dirais qu’une protection complète contre les IEM coûterait très cher et qu’il faudrait étaler ces installations sur une certaine période. Mais, pour obtenir le premier niveau de protection et produire une certaine dissuasion nucléaire, ce serait très abordable. L’ordre de grandeur est d’un milliard de dollars, et cela pourrait être fait rapidement, avec le matériel disponible dans le commerce, actuellement en vente, et qui ont été testés par le gouvernement américain.

Le président: Avant de conclure, j’ai d’autres questions si vous permettez, chers collègues. J’aimerais revenir sur la SHIELD Act et d’autres mesures législatives du gouvernement fédéral des États-Unis.

À quoi exactement ces mesures serviront-elles dans l’avancement de ce dossier et à l’égard de l’assurance que les mesures nécessaires sont prises pour atténuer la menace?

M. Pry: La SHIELD Act attribue à la commission fédérale de réglementation de l’énergie les pouvoirs dont elle a besoin pour ordonner…

Le président: Oh, c’est à elle qu’est conféré le pouvoir?

M. Pry: Oui. C’est en tout cas ce qui est prévu. Mais, comme l’a fait remarquer Tom, les commissaires sont-ils effectivement compétents à cet égard? Il s’agit le plus souvent d’avocats, et nous pensons qu’il y a quelque chose comme une emprise réglementaire, de sorte que la commission fédérale a tendance à apporter de l’eau au moulin du centre national de recherche sur l’énergie.

S’ils avaient la compétence et la volonté nécessaire, ils pourraient, mais se serviront-ils de ces mesures législatives?

Comme nous étions inquiets que la commission fédérale ne se prévale pas de ces pouvoirs, le Congrès a adopté une loi de protection des infrastructures cruciales, une loi de protection émanant de la Chambre, qui attend l’approbation du Sénat. Elle a l’appui de Ron Johnson, président du comité sénatorial de la sécurité du territoire. Il faudra que le ministère de la sécurité du territoire ajoute un seizième scénario de planification nationale. Nous avons 15 scénarios canoniques de planification nationale pour le ministère de la sécurité du territoire: l’explosion d’une arme nucléaire terroriste dans une ville, des ouragans, des tremblements de terre, des cyberattaques, des attaques biologiques, en tout, 15 scénarios canoniques. Rien qui ressemble à une attaque par IEM.

Tout ce qui concerne la planification nationale, la formation, et la répartition des ressources à l’échelle du gouvernement fédéral, des gouvernements d’État et des administrations locales, tout est fonction de ces 15 scénarios canoniques de planification nationale. Si on y ajoute la menace d’IEM comme seizième scénario, on introduit un changement radical dans notre perspective. Cela apparaîtra sur les écrans radars de tous les planificateurs et répondants d’urgences et cela modifiera la répartition des ressources.

Donc, il s’agit de deux éléments. Il y en a d’autres dans le projet de loi sur l’énergie. Il y a une disposition exigeant que les entreprises de production d’électricité se mettent à entreposer des pièces de rechange, des transformateurs de rechange, des systèmes SCADA de rechange pour pouvoir en remplacer en cas d’urgence.

C’est mieux que rien. C’est une solution optimale parce que la commission recommanderait qu’on commence par protéger ces installations pour ne pas avoir à les remplacer, mais l’entreposage de pièces de rechange est mieux que rien.

Et puis, bien sûr, la Commission sur les IEM a été reconstituée. Je pense que c’est un signe énorme, et pas seulement pour les entreprises, mais pour tout le monde. Le rétablissement de la commission vise à conseiller le Congrès sur la façon dont nous pouvons protéger le pays rapidement et faire avancer ce dossier.

Ils pensaient qu’ils y étaient arrivés en 2008, quand la commission a adressé ses recommandations au Congrès. Maintenant, la raison pour laquelle la commission a été rétablie est que l’avis majoritaire est qu’on n’en fait pas assez pas assez rapidement et que le travail de la commission sera de faire avancer le dossier.

L’une des raisons pour lesquelles je suis ici au Canada est que c’est dans l’intérêt des États-Unis. Ce n’est pas seulement par souci que le Canada se protège, mais parce que les États-Unis ont intérêt à ce que le Canada se protège.

Si nous ne bougeons pas assez vite aux États-Unis, si nous échouons, mais que vos lumières restent allumées au Canada, cela nous permettra de nous rétablir. Comme n’importe quel État, vous pouvez vous isoler. Vous vous êtes déjà partiellement isolés après la tempête de 1989 qui a touché Hydro-Québec, et vous avez donc été protégés de la grande panne de 2003 dans tout le Nord-Est. Vous avez moins souffert que nous. Cela met le Canada dans une position qui permettrait à notre société de se rétablir elle aussi, plus rapidement, si le Canada fait ce qu’il faut pour protéger sa population.

Le sénateur Day: Je voulais juste une confirmation, parce que certains d’entre nous ont visité le complexe de NORAD à Cheyenne Mountain, et nous savons qu’il était question de quitter la montagne. Mais c’est toujours là. Nous avez-vous dit qu’ils sont en train de s’y réinstaller? Est-ce que c’est ce que vous nous avez dit?

M. Pry: Oui, en avril 2015, l’an dernier, l’amiral William Gortney, qui commande le NORAD, l’a dit à une conférence de presse au Pentagone. Ils ne déménagent pas le quartier général de la base aérienne de Peterson. Le quartier général reste où il est, mais parce que Peterson n’est pas convaincu du danger que représentent les IEM, mais que les gens de la montagne le sont, on rapatrie du matériel crucial pour le commandement à Cheyenne Mountain. Et puis, ils commencent à protéger plus solidement la montagne contre les menaces associées aux IEM. Ils sont en train de dépenser près d’un milliard de dollars, 700 millions de dollars pour être plus exact, pour protéger la montagne et beaucoup d’autres centres de commandement, de contrôle et d’alerte contre cette menace. NORAD n’est pas le seul. Il y a d’autres centres de commandement qui veulent s’installer dans la montagne.

Le sénateur Day: Intéressant.

Monsieur Popik, voici l’autre partie de la question. Nous avions commencé à parler de cybersécurité et nous avons dérivé vers une discussion presque exclusivement axée sur la grille électrique. Peut-on rétablir le lien entre les deux sujets? Je comprends les mécanismes de contrôle de la grille électrique visant à éviter une surcharge; c’est du matériel électrique permettant de prévenir une surcharge électrique qui incendierait les transformateurs et beaucoup de mécanismes de contrôle. Mais il y a aussi l’aspect cybernétique de ces mécanismes, les ordinateurs qui contrôlent les interrupteurs, et cetera. S’agit-il de l’autre partie vulnérable de la grille électrique, les contrôles informatiques qui seraient également tous incendiés? Est-ce que c’est de cela que nous parlons entre autres?

M. Popik: Tout à fait. Effectivement. En fait, j’ai deux réponses à votre question.

Le sénateur Day: Cela fait trois questions, donc.

M. Popik: En effet. Il se trouve que, pour une explosion due à une IEM nucléaire en haute altitude, il y a trois types de vagues: ce qu’on appelle l’impulsion E1 ou impulsion très courte, qui brûle les puces informatiques. L’impulsion E2 est tout à fait comme un éclair, et la plupart des systèmes sont déjà protégés à cet égard. Et il y a l’impulsion E3 ou impulsion longue, qui détruit les transformateurs à haute tension.

L’autre partie de votre question, très judicieuse, concernait le lien avec les systèmes de contrôle et la vulnérabilité de ces systèmes à l’égard des IEM et des cyberattaques. Il se trouve que, dans le domaine des cyberattaques, il existe une vulnérabilité particulière qu’on appelle la vulnérabilité Aurora, où des disjoncteurs de sous-stations peuvent être activés et désactivés à distance très rapidement. C’est une menace classifiée qui a fait l’objet d’une fuite. Ensuite, à cause d’une communication accidentelle d’information par le ministère de la sécurité du territoire, beaucoup d’autres renseignements ont été rendus publics. Quand on parle de vulnérabilité Aurora, la situation est celle-ci: si on active et désactive rapidement la source d’alimentation de n’importe quel matériel rotatif relié à la grille électrique, et cela inclut les génératrices et les moteurs, ces appareils s’autodétruiront. C’est un très bon exemple de lien entre cyberattaque et surcharges électriques susceptibles d’endommager du matériel.

[Français]

Le sénateur Carignan: Je regarde sur le site web de votre organisation, et je vois qu’il y a eu des rapports sur les États-Unis et qu’il y en a un aussi sur le Royaume-Uni. À votre connaissance, à l’exception du Canada, est-ce que d’autres gouvernements vous ont consultés et font des études sur la menace électromagnétique? Par souci de transparence, compte tenu de la question soulevée par mon collègue, le sénateur Mitchell, et compte tenu du fait que vous êtes une organisation à but non lucratif qui est financée par des fonds privés, et qu’il y a une partie qui porte sur la recommandation et l’achat d’équipements, pourrions-nous avoir un rapport énonçant la liste des membres de votre organisation, de même que les membres des compagnies ou les principaux financiers de vos organisations respectives?

[Traduction]

M. Pry: La Commission sur les IEM sera financée par le ministère de la Défense. Elle n’accepte pas de fonds privés. Mon groupe de travail est un organisme sans but lucratif. Les fonds peuvent également venir du Congrès, quoique nous n’ayons rien reçu de ce côté-là. La plupart de mes gens travaillent bénévolement et ne reçoivent rien. J’aimerais qu’il en aille autrement. J’aimerais bien pouvoir les payer. Mon directeur adjoint, par exemple, ne reçoit pas un sou. On fait tout cela parce qu’il faut le faire. Le peu d’argent que nous avons vient d’une autre fondation sans but lucratif. Nous n’acceptons pas et n’avons pas de fonds venant d’entreprises qui en tireraient profit et feraient de l’argent avec cela.

Vous aviez aussi demandé si nous consultons d’autres gouvernements. Je vais souvent en Israël, parce que son gouvernement m’a fait venir un certain nombre de fois pour parler de cette menace et de ce qu’ils pourraient faire pour se protéger. Nous n’avons pas reçu de fonds ni rien de la sorte de la part d’Israël. Tout est fait bénévolement. Israël a pris la décision politique de protéger sa grille. Je ne sais pas s’ils ont effectivement commencé à le faire. Peut-être que c’est en cours, mais, il y a deux ans, à la suite de nos consultations, ils ont pris la décision politique de consolider leur grille.

La plupart des pays européens de l’OTAN sont dans une meilleure situation que la nôtre à l’échelle de l’hémisphère occidental parce qu’ils ont une commission technique qui fixe des normes, et ils ont donc une norme sur l’IEM. Ce n’est pas à la hauteur de ce que je souhaiterais, mais, au moins, ils ont une norme sur l’IEM nucléaire. C’est évidemment sur leur écran radar.

Le Royaume-Uni s’intéresse à la question et s’inquiète à la fois des tempêtes géomagnétiques et des IEM solaires. Un organisme appelé Electric Infrastructure Security Council se réunit alternativement à Washington et à Londres. Le Congrès américain le reçoit une année, et le Parlement britannique le reçoit l’année suivante. L’EISC se réunira en juillet prochain à Londres et sera l’hôte du Parlement. Ils essaient de sensibiliser les pays du monde et d’en inciter d’autres à se protéger contre les IEM naturelles et les IEM fabriquées par l’homme.

J’ai également participé aux travaux de ce groupe. On m’invite généralement comme conférencier, quoique, cette année, je n’irai pas. J’ai eu, jusqu’ici, l’occasion de m’adresser à l’EISC presque tous les ans, toujours bénévolement.

M. Popik: Merci, sénateur, de poser cette question très importante. J’apprécie votre diligence, parce qu’il est important que vous compreniez tous les raisons qui animent les témoins qui viennent vous parler.

Mon organisme est financé par des fondations et par des donateurs individuels. Nous avons délibérément pris la décision de ne pas solliciter et de ne pas accepter de fonds de la part d’entreprises commerciales qui pourraient tirer profit des positions que nous défendons. Par exemple, nous ne sollicitons pas les distributeurs d’appareils de protection. Nous n’acceptons pas de fonds de leur part et nous n’avons pas l’intention de le faire. Si vous voulez une liste de nos donateurs, nous devrons d’abord obtenir leur autorisation de la rendre publique.

Je tiens également à dire que je fais ce travail depuis cinq ans. Durant les quatre premières années, c’est avec mon budget familial que j’ai financé mes voyages à travers les États-Unis, au Canada et à l’étranger. C’est puisé à même le budget familial, qui est assez limité. Je sais que c’est aussi le cas d’autres responsables de mon organisme. Les gens qui militent en faveur de ce genre de protection sont personnellement engagés dans ce travail. Je pense que c’est vrai de nous tous que nous n’avons rien à gagner financièrement.

Mme Ayers: J’aimerais simplement mentionner deux autres organismes qui sont très actifs à cet égard. L’un d’eux est un groupe appelé InfraGuard. C’est un partenariat public-privé entre le FBI et tous ceux qui peuvent être acceptés après une très légère vérification de sécurité et des antécédents. La plupart de ces gens connaissent le domaine cybernétique, mais ce n’est pas le cas de tous. C’est devenu un enjeu si important qu’InfraGuard a son propre groupe d’intérêt spécial concernant les impulsions électromagnétiques et les problèmes liés à l’infrastructure électrique de base.

L’autre s’appelle EMPact America, auquel M. Pry et moi-même avons participé. Il a été créé juste après la publication du rapport de la Commission sur les IEM vers 2009. Le monsieur qui finance EMPact America est Henry Schwartz. Il le fait de sa propre initiative. Il le fait parce qu’il s’est rendu compte que la population devait être informée. Il a compris que personne ne disait rien aux gens à l’époque et il a décidé de faire quelque chose. Il finance tout le travail du groupe et a dépensé quelques millions de dollars jusqu’ici.

Beaucoup de gens de ma connaissance, comme M. Pry, dépensent beaucoup de leur propre argent pour cela, et c’est à leur détriment. Cela en dit long sur l’importance de cette question dans notre esprit.

Le président: Sur ce, nous vous remercions de nous avoir consacré du temps. Vous nous avez donné des renseignements très utiles sur ce à quoi font face le Canada et les États-Unis.

Nous espérons que cette conversation publique ouvrira d’autres discussions sur ce qui peut être fait à cet égard dans l’avenir.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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