Délibérations du Comité sénatorial spécial
sur la Modernisationdu Sénat
Fascicule n° 6 - Témoignages du 19 octobre 2016
OTTAWA, le mercredi 19 octobre 2016
Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation su Sénat se réunit aujourd'hui, à 12 h 3, pour examiner les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel.
Le sénateur Tom McInnis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, la séance du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat est ouverte. La séance d'aujourd'hui est publique.
Au cours des prochaines semaines, nous continuerons d'entendre les représentants des divers caucus et groupes du Sénat. Dans l'invitation que j'ai transmise à chacun d'entre eux, j'ai demandé aux leaders de réfléchir aux questions suivantes : premièrement, croyez-vous que les caucus des partis politiques ont un rôle à jouer et un avenir au Sénat? Deuxièmement, est-ce qu'un Sénat moderne a besoin de la représentation gouvernementale? Troisièmement, est-ce qu'un Sénat moderne a besoin d'une opposition officielle ou de groupes d'opposition? Enfin, à votre avis, quels changements devrait-on apporter à nos règles ou pratiques?
Lors de notre dernière séance publique, nous avons entendu le représentant du gouvernement au sénat, Peter Harder. Aujourd'hui, je suis heureux d'accueillir notre prochain témoin, le sénateur Claude Carignan, leader de l'opposition. Sénateur Carignan, vous avez la parole.
[Français]
L'honorable Claude Carignan, C.P., leader de l'opposition : Je vous remercie tous de cette invitation. Cette présentation se veut une réponse à la demande du président du comité pour vous faire part de mes réflexions sur le rôle que devrait jouer le gouvernement, le leader du gouvernement, l'opposition, le leader de l'opposition et les caucus en général. Elle énonce aussi d'autres avenues de réflexion pour le comité.
En guise de préambule, j'aimerais faire une mise en garde. Vous m'avez invité à titre de leader de l'opposition, mais je souhaite préciser que les commentaires que je ferai aujourd'hui sont personnels, ils n'engagent que moi-même et aucun autre membre du groupe conservateur. Nous sommes tous indépendants et avons chacun notre point de vue, notamment sur les sujets liés aux changements à apporter au Sénat.
Donc, il m'apparaît important, lorsqu'on parle de changements au Sénat, d'examiner la façon dont nous devrions aborder les questions de modernisation du Sénat et cerner quelques critères qui pourraient nous guider. Nous devons nous poser quelques questions lorsque nous étudions un changement.
Premièrement, cela permettra-t-il au Sénat de mieux remplir sa mission? Deuxièmement, ce changement permettra-t- il aux sénateurs de mieux faire leur travail? Et troisièmement, ce changement est-il conforme aux lois et aux conventions, notamment au pacte constitutionnel et à la mission du Sénat?
Le but des changements n'est pas de favoriser le gouvernement du jour ou un parti politique quelconque, non plus de rendre le Sénat à ce point inefficace qu'il en devient inutile. Attention aux arguments d'efficacité. Je vous mets en garde contre les arguments d'efficacité, car la démocratie est parfois lente et difficile. Il est facile de penser, lorsqu'on pense avoir formulé une proposition parfaite et qui répond à un problème urgent, que le Parlement devrait l'adopter immédiatement.
Ce n'est pas non plus que les gens qui ont des arguments contraires font traîner le débat, le font de mauvaise foi ou par pur esprit partisan. Ce n'est pas parce que le débat est plus long qu'il est motivé par des intentions malicieuses. Le but est souvent d'attirer l'attention des Canadiens sur un sujet et de leur permettre de se faire une idée qui soit la plus juste possible. Soyons prudents avec les gestes posés sous le couvert de l'efficacité ou d'une meilleure collégialité, et veillons à ne pas restreindre le droit des parlementaires de défendre des idées qui ne sont pas celles du gouvernement du jour.
J'aimerais également, à titre de mise en garde, parler de l'argument de l'esprit non partisan. Le Sénat est un forum de débats politiques où des visions contraires s'affrontent. Chacun aimerait que sa vision l'emporte. Alors, oui, le débat devient partisan au sens où chacun a un parti pris, mais soyons prudents face à ces arguments que le Sénat devrait être aseptisé et débarrassé de l'esprit partisan. Il y a un risque d'émasculer le Sénat, d'en faire une société de débats théoriques sans pouvoir, sans lien avec les vrais enjeux politiques du jour.
Dans son témoignage, le sénateur Harder a mentionné que la Cour suprême du Canada a souligné que le Sénat était moins partisan que la Chambre des communes. Mais la Cour suprême n'a jamais remis en cause l'existence des partis politiques au Sénat. Je vois mal comment on peut y voir une théorie voulant que les sénateurs doivent couper tout lien avec la réalité politique ou, plus encore, ne doivent jamais avoir milité. D'ailleurs, le résultat de l'élection se traduit au Sénat par des changements aux rôles de leader du gouvernement et de l'opposition. La population parle, et le Sénat doit s'adapter à ce changement apporté aux rôles de ses membres.
Permettez-moi de vous lire quelques extraits du texte du constitutionnaliste, Gil Rémillard, un éminent professeur de droit, qui a également milité et a été un acteur important à titre de ministre libéral au Québec, qui a écrit des passages dans l'ouvrage du sénateur Joyal, Protéger la démocratie canadienne, aux pages 116 et 117, et je cite :
Parmi toutes les fonctions du Parlement, l'une des plus fondamentales dans la démocratie canadienne demeure celle de favoriser le débat. C'est en fait grâce au débat que le Parlement peut s'acquitter de toutes ses autres fonctions. Le débat au Parlement sert à attirer l'attention du public sur des questions de politiques gouvernementales, provoque les échanges d'idée et suscite la réflexion essentielle à l'élaboration et à la mise en œuvre de saines politiques pour le pays. Un débat ouvert et complet garantit la prise en compte des intérêts et des diverses composantes de la société avant que le Parlement adopte une loi ou que le gouvernement prenne une décision. De plus, le processus du débat lui-même devient aussi important que la décision qui en découle en ceci qu'il permet l'élaboration d'options stratégiques et légitimise la décision finale du fait qu'il a permis à ceux qui préconisent d'autres approches ou solutions de se faire entendre.
Dans l'une des affaires constitutionnelles les plus célèbres au Canada, l'ancien juge en chef de la Cour suprême, Sir Lyman Duff, affirmait que le débat public était essentiel au bon fonctionnement du Parlement. L'éminent juriste précisait que le débat public était un principe constitutionnel fondamental inscrit non seulement dans les dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, qui a créé le Parlement, mais aussi dans son préambule.
En vertu de la Constitution établie par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, le Parlement est constitué d'un souverain, d'une Chambre haute appelée Sénat, et de la Chambre des communes, qui est investie du pouvoir législatif pour le Canada. [...]
Le préambule de la loi montre assez clairement que la constitution du Dominion doit ressembler en principe à celle du Royaume-Uni. La loi prévoit un Parlement dont l'activité est influencée par l'opinion et la discussion publiques. Il ne peut y avoir de controverse au sujet du fait que ces institutions tirent leur efficience de la libre discussion publique des affaires, de la critique, de la réponse et de la contre-critique, des attaques qui visent les politiques et l'administration, de leur défense et de leur contre-attaque, des propositions politiques les plus libres et les plus complètes. [...]
C'est donc dire que chaque chambre apporte au départ une contribution importante en garantissant la tenue d'un débat public concernant tant les mesures législatives que les politiques et les activités du gouvernement en général. En ce sens, ce rôle du Parlement, qui consiste à promouvoir la discussion publique, serait incomplet sans les débats tenus à la Chambre des communes, et il faut dire qu'il le serait tout autant s'il n'y avait pas la possibilité d'une « seconde réflexion » qui permet un examen attentif et particulier de certaines politiques auxquelles il faut réfléchir davantage avant de les adopter du fait de leur complexité administrative ou de leur impact important sur la population. C'est à ce niveau que le rôle du Sénat, s'il est bien joué, devient vraiment complémentaire de celui de la Chambre des communes.
C'est une longue citation, mais le professeur Rémillard traduit bien ma vision du rôle des chambres et des débats au sein du Sénat.
Ma première question est la suivante : quel est le rôle du groupe gouvernemental au Sénat? Le Sénat est la chambre législative complémentaire à la Chambre des communes, mais il a un rôle à jouer dans l'étude et la modification des projets de loi, en particulier ceux qui sont présentés par le gouvernement. Le gouvernement doit donc disposer de représentants et d'outils lui permettant de proposer et de défendre ses projets de loi et de faire avancer son programme législatif. Également, les sénateurs doivent avoir l'occasion de questionner ces représentants du gouvernement au sujet de ces projets de loi. C'est la présence du gouvernement au Sénat qui permet ce dialogue avec la Chambre des communes en cas de divergence de points de vue entre celle-ci et le Sénat.
Évidemment, le Sénat a également un rôle d'enquêteur. Il est donc nécessaire que le gouvernement y soit représenté et que ses représentants puissent répondre aux questions des sénateurs.
Troisièmement, le Sénat est le porte-parole des régions et des minorités, ceux qu'on appelle les « sans voix ». Le gouvernement doit donc y avoir des représentants qui feront le lien avec les sénateurs, qui pourront, comme le propose souvent le sénateur Harder, rapporter au gouvernement les doléances ou autres remarques des sénateurs.
En conclusion, sur le point de la représentation du gouvernement au Sénat, pour que le Sénat puisse pleinement jouer son rôle et que les sénateurs puissent mieux faire leur travail, il doit y avoir un groupe gouvernemental au Sénat. Je constate, d'ailleurs, qu'après avoir flirté avec l'idée contraire, le gouvernement Trudeau est arrivé à la même conclusion en installant un petit groupe présent et partisan qui défend les politiques du gouvernement et joue le rôle de représenter le gouvernement au Sénat. J'ai constaté cette semaine qu'on lui donnait le sigle GRT, « Government Representative Team ». C'est une équipe qui représente le gouvernement, et je pense que c'est à bon escient et souhaitable.
En ce qui concerne le rôle de l'opposition au Sénat, je crois fermement qu'il doit y avoir un groupe gouvernemental organisé. Je crois également, en contrepartie, qu'il doit y avoir un groupe d'opposition organisé afin de faciliter l'organisation des débats. Cela respecte les traditions historiques et les valeurs démocratiques, permet d'assurer que les opposants au gouvernement aient des moyens démocratiques de faire valoir leur point de vue, et rend le Sénat plus efficace en lui permettant de jouer pleinement son rôle.
La présence d'une opposition organisée facilite l'organisation des débats de plusieurs façons. Les débats contradictoires sont à la base de notre système parlementaire. Il est facile de comprendre que le fait d'avoir deux côtés structurés favorise l'organisation de débats contradictoires. On s'assure de voir les deux côtés de la médaille. En outre, on dit souvent que du choc des idées jaillit la lumière. Face à un groupe partisan du gouvernement, ceux qui n'adhèrent pas à la philosophie de ce gouvernement doivent pouvoir se regrouper pour faire valoir leur point de vue.
La présence d'une opposition organisée respecte également les traditions historiques. Le système de Westminster est à la base du Sénat. Les Pères de la Confédération ont choisi ce modèle, car ils le trouvaient démocratique, efficace, et le meilleur moyen de représenter les intérêts de la population. Ils ont délibérément choisi d'organiser le Sénat en se basant sur ce modèle, avec un côté gouvernemental et un côté d'opposition. Avec la proclamation royale de 1867, le gouvernement de Sir John A. Macdonald a nommé 25 sénateurs libéraux qui se sont regroupés en caucus avec un chef de l'opposition, Luc Letellier de Saint-Just, un libéral férocement partisan.
Les initiateurs du Sénat auraient très bien pu structurer le Sénat différemment, en ne nommant que les sénateurs non affiliés à un parti et en n'ayant ni côté gouvernemental ni opposition, mais ils ne l'ont pas fait. Les Pères de la Confédération ne voulaient pas d'un comité consultatif, mais plutôt une chambre législative où il y a des débats. Je crois que c'est en raison de leur sagesse. Ils ont compris que l'organisation d'un Parlement en deux côtés opposés était la meilleure façon de veiller à ce que les valeurs démocratiques soient protégées et que le Sénat puisse jouer pleinement son rôle.
La présence d'une opposition organisée respecte également les valeurs démocratiques. Le fait d'avoir des débats contradictoires n'est pas limité au Parlement de type Westminster. Il est inhérent à la démocratie de permettre des points de vue contraires à ceux du gouvernement et de pouvoir s'exprimer à l'intérieur d'un Parlement. Je n'ai pas trouvé d'exemples — si vous en trouvez, dites-le-moi — de Parlement sans opposition organisée, sauf, évidemment, dans le cas de dictatures. C'est l'évidence même, dans le cadre d'un débat démocratique, que les deux côtés soient organisés et puissent exprimer leurs différents points de vue, surtout ceux qui diffèrent de ceux du gouvernement.
Le rôle de la loyale opposition est vital en démocratie. Il s'agit de représenter ceux qui s'opposent non seulement à un projet de loi, mais aussi à la politique générale du gouvernement. L'opposition permet de canaliser au Parlement une opposition au gouvernement qui ne s'exprime pas dans la rue, mais au Parlement, de façon civilisée, en faisant une distinction entre la volonté légitime de changement du gouvernement et une volonté révolutionnaire associée à un changement de régime. La présence d'une opposition au Parlement permet aussi à ceux qui s'opposent au gouvernement de savoir que, à la fin, même si le gouvernement pourra utiliser sa majorité et prendre une décision comme bon lui semble, au moins la minorité aura eu la chance d'exprimer son point de vue et aura l'impression d'avoir été entendue et défendue, ce qui est aussi un aspect important du processus.
Évidemment, le Sénat joue aussi un rôle de contre-pouvoir en ce qui concerne la substance des projets de loi. Il est important d'insister sur le rôle de contre-pouvoir du Sénat lorsqu'on regarde le système parlementaire tel qu'il existe actuellement. On sait très bien que le premier ministre est très puissant et qu'il contrôle l'exécutif, ce qui lui permet de contrôler la Chambre des communes, donc de gagner les votes. Donc, où se situerait le contre-pouvoir en ce qui concerne la substance d'un projet de loi qui pourrait influer de façon importante sur la population canadienne ou qui pourrait apporter des changements importants?
Vous me direz que c'est le rôle des médias. Oui, les médias peuvent attirer l'attention, mais en fin de compte, si le gouvernement décide d'abuser de son pouvoir, il pourra le faire quand même. Vous me direz qu'il y a les tribunaux. Oui, lorsqu'il y a un contrôle de la constitutionnalité d'une loi, mais si ces changements brusques se font à l'intérieur du cadre constitutionnel, le dernier rempart à ces changements brusques de substance au sein d'une loi, c'est le Sénat, et il m'apparaît important que nous puissions exercer ce rôle pleinement.
[Traduction]
Comment le Sénat peut-il jouer son rôle à titre de Chambre législative si les opposants à un projet de loi se retrouvent systématiquement en situation de désavantage par rapport au gouvernement? Peut-on vraiment croire que le leader du gouvernement agira à titre d'intermédiaire impartial et qu'il fournira à tous les sénateurs les faits et arguments contre la position du gouvernement sur les mesures législatives? D'après les comptes rendus d'étude présentés par le sénateur Harder, on constate que l'équipe du représentant du gouvernement ne présentera qu'un seul côté de la médaille, et c'est normal. C'est son travail. Comment le Sénat peut-il s'acquitter de son travail de second examen objectif si le gouvernement peut à lui seul dicter le moment des débats et la façon dont ils se dérouleront?
Comment le Sénat peut-il jouer son rôle à titre de « grand enquêteur de la nation », comme l'ont dit la Cour suprême et le juge Binnie dans son rapport, si l'opposition — ceux qui veulent améliorer la reddition de comptes du gouvernement — n'a pas les droits et privilèges qui lui permettent de poser les questions difficiles? Comment le Sénat peut-il représenter adéquatement les minorités et ceux qui ne peuvent pas se faire entendre si le gouvernement peut taire leur voix parce qu'il est le seul à avoir les ressources et les moyens?
[Français]
Un mot également sur l'opposition ad hoc, défendue par le sénateur Harder. Dans le modèle proposé par le sénateur Harder, seul le gouvernement disposerait de ressources et d'outils spécifiques. L'idée que l'opposition devrait s'organiser au jour le jour, selon les sujets, m'apparaît impraticable, antidémocratique et fait fi de nos traditions. Comment arriverait-on à présenter une opposition crédible à un projet de loi si on devait approcher en quelques jours les quelque 100 sénateurs qui ne sont ni présidents ni membres de l'équipe du gouvernement, et cela, face à un groupe gouvernemental organisé, soutenu par toute la machine ministérielle et bureaucratique? Le gouvernement serait le seul maître à bord et le Sénat ne jouerait plus aucun rôle utile.
Le Sénat proposé par le gouvernement est une façon de tuer l'opposition au gouvernement. C'est de faire du Sénat l'équivalent d'un grand comité consultatif, sans pouvoir, comme un groupe de bureaucrates et de non-législateurs. Cette façon de faire tuerait le Sénat et le transformerait en un groupe consultatif de bureaucrates. Ce n'était évidemment pas l'intention des Pères de la Confédération. Pour moi, il est clair qu'il faut une opposition organisée qui dispose de ressources et d'outils.
Voici quelques principes directeurs que le Sénat devrait suivre dans ses décisions sur la présence d'une opposition. Premièrement, il faut un principe de réciprocité avec le gouvernement. En fait, le groupe de l'opposition devrait avoir des ressources et des outils sensiblement équivalents à ceux dont dispose le groupe gouvernemental, comme c'est le cas en ce moment selon nos règlements et nos pratiques, parce que cela est conforme aux principes de la démocratie parlementaire. Nos collègues libéraux pourront le confirmer, les conservateurs ne se sont pas servis de leur majorité, au cours des dernières années, pour écraser les libéraux ou pour balayer l'opposition. Au contraire, leurs ressources ont été augmentées. L'opposition libérale a été traitée avec respect et a toujours eu l'espace nécessaire pour faire valoir son point de vue.
Il y a aussi le principe de la crédibilité de l'opposition.
[Traduction]
L'opposition au Sénat doit être crédible. Le Sénat ne peut pas être perçu comme étant la marionnette du gouvernement. Par conséquent, l'opposition officielle doit être composée de sénateurs qui s'opposent à la philosophie générale du gouvernement. Pour ce faire, la plus facile consiste à reconnaître que l'opposition officielle doit être associée à l'un des partis de l'opposition de la Chambre. Cela ne signifie pas que l'opposition ne peut accepter un élément du programme du gouvernement ou que d'autres sénateurs qui appuient la philosophie générale du gouvernement ne peuvent pas s'opposer à un élément précis.
[Français]
Troisièmement, il y a le principe du respect du caractère consensuel des changements. Les changements au Règlement doivent être faits en fonction d'un consensus, sauf dans des cas extrêmes. Je souligne que les conservateurs, alors qu'ils avaient la majorité au Sénat, n'ont apporté aucun changement au Règlement sans obtenir un consensus.
[Traduction]
Le Règlement du Sénat a évolué au fil des années, pour rendre l'institution meilleure. Au lendemain de la Confédération, les débats n'étaient presque pas structurés. La situation a peu à peu évolué, pour atteindre un équilibre entre l'efficience et les droits démocratiques. D'importants changements ont été apportés après les grandes crises alors que le Sénat était plus ou moins paralysé, surtout en 1906 et en 1991. Certains diront que l'opposition a abusé de ses pouvoirs, mais qu'est-ce qui justifierait aujourd'hui la destruction de l'opposition?
Je crois que le travail réalisé par le Sénat au printemps, surtout pour les projets de loi C-7, C-10 et C-14, montre que le système en place fonctionne et qu'une opposition organisée accroît la pertinence et l'efficacité du Sénat.
Chers collègues, je vous invite à la prudence. L'élimination de l'opposition au Sénat sous prétexte qu'elle est trop partisane serait un geste antidémocratique, et elle entraînerait de graves conséquences. Après l'opposition au Sénat, quelles seront les prochaines victimes de cette fausse lutte contre la partisanerie? Les caucus de la Chambre? Les partis politiques?
[Français]
Finalement, j'aimerais vous parler du rôle des caucus. Y a-t-il une place pour les groupes parlementaires au Sénat? Je crois que oui. Je constate avec satisfaction que l'idée d'avoir 105 électrons libres n'a pas beaucoup d'adeptes. Il semble se développer un consensus voulant que les sénateurs puissent former des groupes parlementaires, et voyons pourquoi.
Premièrement, cela favoriserait le fonctionnement du Sénat. L'organisation en groupe permet au Sénat de mieux fonctionner, comme l'a souligné le sénateur Harder, notamment les groupes qui permettent d'assurer la présence et la participation des sénateurs aux débats et aux comités. Le rôle des caucus permet également aux sénateurs de mieux faire leur travail. Il peut y avoir un partage de ressources, un partage de connaissances, d'expérience, de mentorat. Les groupes parlementaires permettent d'échanger, de mieux comprendre le point de vue de collègues ayant une expertise particulière, de mieux saisir comment une politique publique influerait sur une région ou un groupe de la population.
Comme le sénateur Joyal l'a expliqué lors de ses remarques au sénateur Harder, la présence de caucus réduira la tentation du gouvernement de mieux diviser pour régner. Le sénateur Harder est resté muet sur cet aspect, mais pour lui, les caucus ne seraient que de simples structures administratives, comme c'est le cas pour une opposition organisée. Le sénateur ne semble pas croire aux groupes parlementaires structurés et organisés. Avec respect, je trouve sa vision beaucoup trop bureaucratique, et elle aurait pour effet de transformer le Sénat en un gros comité consultatif qui n'aurait aucun pouvoir.
Le rôle du caucus est également important lorsqu'on examine des questions liées à l'organisation des groupes parlementaires. Cela soulève la question à savoir si on peut avoir des groupes parlementaires qui ne sont pas nécessairement affiliés à des partis politiques. Les questions soulevées sont les suivantes : sur quelle base les sénateurs devraient-ils pouvoir s'affilier, si ce n'est pas en fonction de leur adhésion à un parti politique? Également, la participation à un groupe devrait-elle être obligatoire ou optionnelle? Quels seraient les ressources et les outils dont devraient disposer les groupes parlementaires? Ce sont trois questions importantes, mais avant d'y répondre, j'aimerais aborder la question des caucus régionaux.
J'ai fait quelques réflexions sur cette notion de caucus régionaux. Je partage l'inquiétude de plusieurs d'entre vous devant l'idée avancée par le leader du gouvernement d'avoir des caucus régionaux. Je ne reviendrai pas sur tous les arguments qui ont été présentés à l'encontre de ce concept, mais j'aimerais en ajouter certains.
[Traduction]
Tout d'abord, il est faux de dire que les caucus régionaux respectent le Sénat d'origine. Le Sénat était organisé selon des caucus politiques dès le départ. Comme je l'ai dit plus tôt, c'était un choix délibéré des Pères de la Confédération et d'autres acteurs politiques de l'époque. À l'origine, au Sénat, il y avait d'un côté les conservateurs et de l'autre, les libéraux. Nous pensons peut-être devoir le changer aujourd'hui, mais de grâce, ne soyons pas révisionnistes en propageant un mythe sur le fonctionnement du Sénat en 1867.
[Français]
Aussi, je ne peux pas souscrire à l'idée que, pour jouer son rôle de défenseur des régions, le Sénat doit être divisé en caucus régionaux. Le Sénat est le défenseur des minorités. Devrions-nous avoir un caucus basé sur le genre, la religion, la langue, ou l'orientation sexuelle? Ce serait ridicule. Devrions-nous avoir des caucus divisés pour les francophones et pour les anglophones? C'est impensable. Cependant, c'est le cas en Belgique. Certains groupes parlementaires sont divisés par la langue. Au Canada, nous avons choisi de faire les choses différemment, parce que, dès le début, nous avons compris les dangers d'une telle approche sectaire. Nous avons compris les bienfaits des groupes parlementaires qui nous permettent d'aplanir nos différences et de ne pas les exacerber.
Donc, sur quelle base les sénateurs devraient-ils s'appuyer? Les partis politiques sont, au sein de la démocratie, des entités qui élaborent les programmes électoraux qui sont présentés aux électeurs et qui motiveront leur vote. Il est donc normal que ces mêmes partis, qui sont représentés au Parlement, soient les acteurs des débats et jouent le rôle que l'électorat leur a confié.
Le modèle selon lequel les groupes parlementaires suivent les partis est le modèle le plus populaire dans le monde. Certains parlements ont des liens plus directs avec les partis politiques. Dans d'autres cas, comme le Parlement européen, le lien est plus indirect, mais je n'ai trouvé aucun cas de Parlement où la vie parlementaire, le débat démocratique ne sont pas organisés en fonction d'une philosophie politique générale qui développe une certaine vision de la société ou qui la défend. Oui, il y a des parlementaires indépendants, sans appartenance. Il y a des groupes comme les cross-benchers de la Chambre des lords qui sont des groupes plutôt administratifs. Il y a toujours des groupes qui sont fondés sur une philosophie politique, et la raison en est simple : ces groupes sont naturels et ils sont légitimés par le processus électoral.
Souvenons-nous que, lorsqu'ils ont été éjectés du caucus national, nos collègues libéraux ont tenu à se regrouper tout de suite après en caucus. Malgré le fait que M. Trudeau ait déclaré qu'il n'y avait plus de sénateurs libéraux, ils ont formé un caucus sous la bannière libérale. Ils ont montré leur volonté de maintenir le lien avec leur famille politique, le Parti libéral du Canada. Ils l'ont fait en bloc sans se diviser sur des bases régionales ou linguistiques. Ce réflexe est intéressant, car il démontre la nécessité pour un bon nombre de sénateurs de se regrouper autour de valeurs communes et de mettre en commun leurs ressources et leurs compétences. Une partie de leur action était dictée par le message qu'a communiqué l'électorat en appuyant le programme libéral. Je crois donc que ce sera aux sénateurs eux-mêmes de décider avec qui ils veulent se regrouper. Je ne vois pas pourquoi on devrait les empêcher de se regrouper selon leur philosophie politique. Il faut respecter la liberté des sénateurs. Est-ce que la participation à un groupe parlementaire devrait être obligatoire? Voilà une autre sous-question.
Je souligne que, selon le modèle défendu par le sénateur Harder, la réponse serait oui. Chaque sénateur serait forcé de participer à un caucus régional. En contrepartie, les caucus régionaux devraient accepter tous les sénateurs de cette région. Je ne crois pas en un modèle coercitif. Je ne vois pas comment cela peut faciliter la gestion du Sénat. C'est irrespectueux des droits des sénateurs, plus particulièrement du droit de s'associer avec qui ils veulent. Certains sénateurs aiment mieux travailler seuls, et se considèrent comme des loups solitaires. Je ne partage pas cette philosophie, mais je la respecte. Il ne faut pas enchaîner les gens à des regroupements plus ou moins artificiels. Il faut respecter la liberté de chacun.
Quels sont les ressources et outils dont les groupes parlementaires devraient disposer? Je crois que l'appartenance à un groupe parlementaire, sans être obligatoire, comme le propose le sénateur Harder, devrait être encouragée. Je crois fermement aux vertus de groupes parlementaires, je crois qu'ils devraient disposer de ressources pour l'organisation de leurs travaux et la coordination de leurs activités, et d'outils spécifiques dans l'organisation de leurs débats. Ce ne serait pas nécessairement au même niveau que le gouvernement et que l'opposition officielle, puisque ces derniers ont un rôle précis à jouer, mais les groupes parlementaires tiers devraient également avoir le droit de cité. Chacun des groupes devrait avoir la liberté de se structurer comme ses membres le désirent et de discipliner ses membres. Il faut, encore une fois, respecter la liberté de chacun.
On m'a dit que je disposais de 1 h 45. Je me suis donc permis de préparer une présentation d'une trentaine de minutes. Il y a des points sur lesquels j'aimerais que le comité se penche et que je tiens également à souligner. Le rapport que le comité a présenté récemment constitue une bonne base de discussions pour ce qui est des changements que nous pourrions apporter au Sénat. Toutefois, j'aurais quelques suggestions.
Ma première suggestion concerne la période des questions. Le fait de demander au gouvernement de rendre des comptes sur ses actions est une fonction essentielle des sénateurs. C'est d'ailleurs une règle obligatoire dans plusieurs assemblées délibérantes. Dans le milieu municipal d'où je viens, la tenue d'une période de questions est une condition essentielle à la validité de la réunion. Sans période de questions, l'assemblée d'un conseil municipal devient nulle. Pourquoi? Parce que c'est un élément essentiel de la démocratie.
On pourrait revoir les règles de la période de questions, notamment en ce qui concerne la présence des ministres, la durée de la période des questions et réponses, de même que l'ordre de préséance, et formuler des recommandations. Nous devrions aussi revoir les règles relatives aux questions écrites. Devrait-on disposer d'un délai? Hier, une réponse écrite a été déposée à une question qui portait sur le délai du gouvernement pour répondre à une question écrite. Le gouvernement nous a indiqué, dans sa réponse d'hier, qu'un délai de 45 jours serait raisonnable pour lui permettre de fournir l'information requise. Je crois qu'on devrait prévoir cet aspect dans nos règles et y indiquer qu'une réponse doit être donnée par le gouvernement dans un délai de 45 jours pour assurer une meilleure responsabilisation. En ce moment, il n'existe aucun délai au Sénat pour répondre à ce genre de question, alors qu'un délai existe à la Chambre des communes.
Comme on le sait, les comités sont un joyau du Sénat. Le Comité sur la modernisation devrait se pencher sur le rôle des comités au sein de notre institution et sur les attentes que nous devrions avoir par rapport à leur fonctionnement. Plus particulièrement, le comité devrait se pencher sur les questions suivantes. Devrait-on revoir le mandat des comités? La description des mandats devrait être modernisée de façon à mieux correspondre au Canada du XXIe siècle. Certains défis de notre société devraient être inclus dans les mandats des comités. Devrait-il y avoir plus de comités, qui seraient composés de moins de membres? Cela permettrait de multiplier les études et de mieux cibler le travail de chacun. Les comités devraient-ils disposer de budgets particuliers pour engager des recherchistes? On entend souvent cette demande ou cette suggestion. C'est un élément sur lequel on devrait se pencher. Les rapports des comités devraient-ils inclure la possibilité de présenter des avis dissidents? Devrait-on permettre aux comités de siéger en même temps que le Sénat? Devrait-on permettre aux comités de se réunir par téléphone en cas d'urgence? Comment les présidents des comités pourraient-ils utiliser de façon plus efficace la période des questions pour faire rapport de leurs travaux?
Pour être à l'écoute des citoyens, nous devrions utiliser davantage le système de pétitions. Dans le cas du dépôt de pétitions écrites ou électroniques, lorsqu'elles ont obtenu un certain appui, le sujet de ces pétitions émanant de la population devrait faire l'objet d'une interpellation au Sénat et, si nécessaire, d'une étude en comité. Ce serait une bonne façon de se mettre au diapason de la population canadienne et d'amener en Chambre des débats qui sont d'actualité dans la société civile, même si ces sujets n'ont pas de porte-parole au sein du Sénat.
J'aimerais également parler de l'importance des régions. On essaie de trouver des façons de donner une meilleure écoute aux régions. Je suis heureux de constater, dans les recommandations formulées dans le rapport intérimaire, l'idée d'inclure systématiquement le volet de l'impact sur les régions dans le cadre de l'étude d'un comité. Lorsqu'un projet de loi a un impact particulier sur une région, l'idée de joindre une note au rapport est excellente. En outre, on devrait ajouter un élément de plus à cette initiative. Par exemple, lorsqu'un projet de loi a un impact particulier sur les provinces, pourquoi ne pas inviter des représentants des provinces, des ministères des Affaires intergouvernementales ou des ministères de la Santé des provinces, à venir témoigner en comité plénier devant le Sénat sur l'effet des politiques ou des projets de loi? Cela donnerait l'occasion aux ministres provinciaux de s'exprimer et au Sénat de saisir l'importance et l'impact du projet de loi sur les différentes provinces.
De plus, je crois qu'on devrait penser à créer des commissions sénatoriales régionales pour chacune des quatre régions. Cela permettrait de garder un lien avec celles-ci et d'entendre leurs préoccupations, qu'elles soient économiques, sociales, culturelles ou communautaires, afin de mieux connaître les besoins de la population canadienne. Ces commissions pourraient être composées de sénateurs issus de ces régions. Elles pourraient se réunir publiquement dans leur région une fois ou deux par année pour entendre les groupes sur des sujets d'intérêt. Des audiences pourraient se tenir dans plus d'une ville dans chacune des régions. Chaque commission sénatoriale pourrait choisir les sujets de discussion et faire part au Sénat de leurs études et constatations.
En conclusion, les changements que nous apporterons au fonctionnement de notre institution doivent être mûrement réfléchis. Il s'agit d'effets à long terme. On parle, dans certains cas, de la remise en question de conventions et de façons de faire qui ont traversé l'histoire. On devrait accorder la priorité aux changements qui améliorent la transparence, qui renforcent le rôle de conseiller du Sénat, qui alimentent les débats, et qui favorisent de meilleures relations avec les régions et une meilleure écoute des préoccupations de celles-ci. Il peut être tentant pour quelqu'un qui arrive, s'estimant investi d'une mission de changement, de vouloir tout bousculer et de mettre une institution vieille d'un siècle et demi à sa main. Cependant, les Canadiens seront-ils mieux servis par le Sénat grâce à ces changements?
Il faut veiller à ne pas réduire le rôle du Sénat et en faire un groupe de pseudo-experts indépendants qui parlent et suggèrent, mais qui n'ont ni les ressources, ni les outils pour agir efficacement, ni la possibilité de jouer pleinement leur rôle constitutionnel d'amender les projets de loi. Il faut veiller à ne pas émasculer le Sénat au point d'en faire un gros comité consultatif.
Le modèle de Westminster a fait ses preuves, et il est sûrement perfectible. Il peut être amélioré et raffiné pour tenir compte des particularités du Sénat. Toutefois, on ne saurait s'en débarrasser avant de trouver quelque chose de mieux. La sénatrice McCoy donnait l'exemple, lors de la comparution du sénateur Harder, de la Rolls-Royce à laquelle on mettrait le volant de l'autre côté. Je suis bien d'accord avec ce point. Il ne faut toutefois pas changer la Rolls-Royce pour une calèche, parce que ce serait plus romantique.
Les changements qui seront faits devront permettre au Sénat de mieux jouer son rôle. Ils ne devront pas être faits pour régler des comptes entre nous et régler des comptes avec le passé. Ces changements ne devraient surtout pas avoir comme conséquence de réduire les sénateurs au silence, d'écraser l'opposition et d'asseoir l'autorité du gouvernement sur le Sénat en muselant un de ses chiens de garde de la démocratie canadienne.
Je terminerai mon allocution en vous lisant deux citations de John Diefenbaker :
Si l'on veut sauvegarder le Parlement à titre d'institution, il faudra que la loyale opposition de Sa Majesté joue bravement son rôle [...] L'histoire nous a montré que, lorsque la critique cesse, la liberté disparaît.
Et sur une note plus savoureuse, en parlant de la notion de caucus, il parle ici du caucus conservateur :
Quelle est la différence entre un cactus et le caucus conservateur? Les épines du cactus sont à l'extérieur.
Comme quoi il y a des avantages et des inconvénients à avoir des caucus, mais je pense qu'il y a plutôt des avantages.
[Traduction]
Quelle est la différence entre un cactus et le caucus conservateur? Les épines du cactus sont à l'extérieur.
Le président : Je ne m'en souviens pas. Je n'étais pas là.
Merci, sénateur Carignan. Comme vous pouvez vous l'imaginer, la liste des intervenants est longue. Nous commençons toujours par le vice-président du comité directeur.
Les questions sont nombreuses, et nous disposons de 50 minutes. Nous commençons par le sénateur Joyal. Allez-y, monsieur.
Le sénateur Joyal : Merci, monsieur le président.
[Français]
Le sénateur Joyal : Merci, sénateur Carignan. Ma première question traite de la conclusion de vos propos. Je vous remercie de votre soumission cet après-midi. Essentiellement, votre présentation tourne autour du rôle de l'opposition au Sénat comme étant essentielle à la vigueur du débat et afin d'assurer que le Sénat tienne compte de toutes les dimensions, de tous les aspects et des opinions.
La situation dans laquelle on se retrouve est liée au fait que l'opposition a besoin d'outils et de ressources pour jouer son rôle. La première ressource de l'opposition, ce sont les femmes et les hommes qui la composent. Il arrive que cette ressource s'épuise en raison du départ à la retraite de ces femmes et hommes et que l'opposition manque de ressources humaines. Quelque part dans le livre — je vous invite à consulter ce chapitre —, il est clairement dit que le premier ministre a la responsabilité, et je vais utiliser l'expression sexiste anglaise, « to man the opposition », c'est-à-dire qu'il a la responsabilité de s'assurer que l'opposition a suffisamment de ressources humaines pour assurer son rôle.
Vous n'étiez pas au Sénat à cette époque, mais lorsque le gouvernement Martin est arrivé au pouvoir après plusieurs années de gouvernements libéraux, l'opposition n'était plus en mesure d'être présente au sein de tous les comités et de faire le travail parlementaire dont on s'attend d'une opposition dans un régime démocratique. Est-ce qu'on ne se retrouve pas dans une situation semblable où, éventuellement, l'opposition, qui doit exister de façon organisée comme dans le régime de Westminster, serait à ce point privée de ressources humaines qu'elle ne sera plus en mesure d'assumer son rôle? Par conséquent, qui agira à titre d'opposition? Est-ce qu'on ne se retrouve pas dans la logique où, par la nomination de sénateurs indépendants à répétition, l'opposition officielle n'existera plus que sur papier avec trois ou quatre ou six ou sept individus qui n'auront pas les moyens physiques de couvrir le terrain à couvrir?
Après tout, le Sénat n'a que 105 membres, contrairement à la Grande-Bretagne. Il y a là une différence fondamentale. En Grande-Bretagne, le premier ministre a toujours la possibilité d'ajouter un nombre infini de nombre de sièges, tandis que dans notre système, comme vous le savez, le premier ministre est limité par le nombre de sièges disponibles. Il y a donc une double pression sur l'opposition dans notre système qui ne se retrouve pas dans le système britannique.
Comment peut-on s'assurer que l'opposition, sur chaque projet de loi important, sur chaque décision gouvernementale, sur les budgets, et sur les initiatives gouvernementales, soit vigoureuse au point où le débat démocratique puisse subsister? Comme vous l'avez très bien dit, la crédibilité d'un gouvernement est liée à la vigueur de son opposition. Le gouvernement contrôle la machinerie et les votes, mais dans le cas d'une institution démocratique, c'est l'opposition qui incarne la vigueur du Parlement. Comment voyez-vous la dynamique en cause actuellement, où il y a une croissance accélérée du groupe des indépendants et une décroissance lente du groupe de l'opposition, qui arrivera à un moment donné au point où elle ne sera plus en mesure d'assumer son rôle?
Le sénateur Carignan : Ce danger existe à long terme. Il faut donc en être conscient. Pour l'instant, il n'y a pas de menace à court ou moyen terme. C'est pour cela que l'opposition devrait toujours avoir un statut spécial, peu importe le nombre de sénateurs qui la composent. On entend souvent la question de la proportionnalité, de la composition, des moyens accordés en fonction du nombre de représentants des groupes de sénateurs non affiliés par rapport aux membres du caucus, mais je pense que l'opposition devrait toujours avoir des moyens, sans tenir compte de son nombre, au moins à court et moyen terme. Nous verrons dans les prochaines années si le gouvernement change son orientation. Nous avons justement appris ce matin qu'il change une de ses orientations sur la réforme électorale. Le premier ministre qu'on aura dans 8, 12 ou 16 ans fera face à un enjeu majeur si on continue de cette façon-là. Ce sera un changement constitutionnel sans modifier la Constitution, parce qu'on aura apporté des modifications aux fondements du Sénat qui iraient à l'encontre de l'esprit constitutionnel. C'est une question qu'il faudra peut-être soulever auprès de la Cour suprême.
Le sénateur Joyal : Dans le contexte où on aura un groupe de sénateurs indépendants inédit dans l'histoire par son volume, son importante et sa capacité humaine d'expertise et de connaissances, pour ces nouveaux sénateurs indépendants, en termes de ressources humaines, n'y aurait-il pas une possibilité de partager le rôle de l'opposition? Je vous donne un exemple : comme opposition, quand vous arrivez au bureau le matin, votre rôle est de vous opposer à nous. Quand nous formions l'opposition, notre rôle était de nous opposer à vous. Nous avons la responsabilité de structurer le débat afin d'ajouter d'autres éléments et de confronter le gouvernement à ses choix, à ses décisions. Pourrait-on concevoir que le groupe des indépendants puisse se définir une responsabilité identique, c'est-à-dire qu'il assumerait une responsabilité de soulever les implications d'un projet de loi et de mettre le gouvernement au défi de les justifier? Autrement, on assiste à une situation où on divise pour régner, où on émiette le débat.
Le plus grand casse-tête de la situation est de veiller à ce que l'opposition existe, et qu'elle existe de façon ordonnée, structurée, compétente et quotidienne. Il ne s'agit pas de venir quand on veut. On a vu ce que font les cross-benchers à Londres. Ils ne votent pas, ou ils votent dans une faible proportion. Ils ne viennent que quand la situation correspond à leur expertise. Ils n'ont pas la responsabilité collective de faire fonctionner la Chambre, alors que l'opposition a cette responsabilité. Voilà un élément essentiel du système auquel il faut faire face.
Le sénateur Carignan : Dans la formation de groupes parlementaires, ces groupes doivent avoir une certaine affinité. Ce pourrait être par conviction et non pas seulement par simple besoin administratif. Dans cette composition de groupes parlementaires, dans quatre ou huit ans, certains comprendront peut-être le besoin du rôle attribué à l'opposition et son importance et pourront se regrouper par conviction et non seulement par le fait qu'ils sont non affiliés.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Chers collègues, je comprends que vous voulez tous poser des questions. Étant donné la durée de l'exposé et de la première question, je serai très brève.
Sénateur Carignan, je tiens d'abord à vous remercier de votre exposé exhaustif. Je suis heureuse de dire que je suis d'accord avec vous sur certains points. Je suis surtout d'avis qu'il faut en tout temps viser l'excellence. J'ai donc aimé votre métaphore au sujet de la Rolls Royce.
Je suis également heureuse d'avoir entendu votre référence à la Constitution. Bien sûr, nous convenons que nous travaillons selon le cadre de la Constitution et que nous y sommes assujettis. L'article 21 de Loi constitutionnelle de 1867 énonce que le Sénat doit se composer de 105 membres. En d'autres termes, nous ne sommes pas une société; nous sommes un collectif de 105 personnes. Ensuite, l'article 36, je crois, énonce que les questions soulevées dans le Sénat seront décidées à la majorité des voix. Dans la version anglaise, le mot « Voices » prend la lettre majuscule. Cela me fait toujours sourire, parce qu'il s'agit d'une loi victorienne.
Ma question, très rapidement, est la suivante : croyez-vous que ces articles nous lient aux trois principes que vous avez soulignés, ou du moins au principe fondamental de l'égalité entre les sénateurs? Le deuxième principe veut qu'en vertu de la Constitution, nous nous exprimions à titre de majorité et que la majorité l'emporte au Sénat.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le Sénat, au chapitre constitutionnel, a le devoir ou la capacité de gérer ses propres affaires, de s'organiser et d'assurer son bon fonctionnement. Il a même le pouvoir de discipliner ses membres et de déclarer un siège vacant. Il y a également, à l'intérieur de la Constitution et des coutumes constitutionnelles, tous les outils nécessaires au Sénat pour qu'il puisse jouer pleinement son rôle dans l'organisation des débats.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Je vais m'arrêter ici pour laisser du temps à mes collègues. Je sais que j'aurai l'occasion de poser d'autres questions.
Le sénateur Eggleton : La semaine dernière, au Sénat, j'ai présenté le rapport du comité sur la recommandation 21, qui traite de la formation des comités et de la notion d'égalité entre les sénateurs. J'avais alors fait valoir que 17 sièges étaient occupés par des personnes qui se disent « indépendantes », qu'on appelle aussi « non affiliées », tandis qu'elles représentent 27 p. 100 des membres du Sénat.
Donc, j'ai présenté la recommandation 21 du comité, qui traite de la structure du comité. J'ai fait valoir que les sénateurs « indépendants » ou « non affiliés » représentaient 27 p. 100 des membres du Sénat, mais seulement 17 p. 100 des membres des comités, et qu'ils siégeaient à ces comités notamment en raison d'un accord que vous avez conclu avec le sénateur Cowan et d'autres sénateurs au printemps, pour libérer des sièges.
Je tiens à rappeler à la sénatrice Cools que j'ai la parole. Merci.
Toutefois...
La sénatrice Cools : En fait, je n'ai pas dit un mot.
Le sénateur Eggleton : Je vous entends clairement tout le temps.
La sénatrice Cools : Le sénateur Joyal peut vous confirmer que je n'ai pas dit un mot. Il s'est penché pour me parler.
Le sénateur Eggleton : Eh bien, je vous entends constamment.
La sénatrice Cools : C'est bien dommage, mais le seul enjeu est celui que vous venez de soulever.
Le sénateur Tkachuk : Il n'est pas étonnant qu'ils ne fassent pas partie du même caucus.
Le sénateur Eggleton : J'ai la parole; vous n'avez pas la parole.
La sénatrice Cools : Je ne veux pas la parole; je n'essaie pas de la prendre.
Le sénateur Eggleton : Vous ne faites que crier tout le temps.
Le président : À l'ordre, s'il vous plaît.
La sénatrice Cools : Je vous trouve désagréable et impoli.
Le sénateur Eggleton : Je crois que c'est vous qui êtes désagréable et impolie; je suis désolé.
La sénatrice Cools : Vous m'avez accusée...
Le sénateur Eggleton : Eh bien, je vous entendais clairement d'ici.
Le président : À l'ordre, s'il vous plaît! Sénateur Eggleton, veuillez continuer.
La sénatrice Cools : Arrogant.
Le sénateur Eggleton : Eh bien, je dirais que vous êtes bête, mais quoi qu'il en soit... Comme on nommera bientôt 20 nouveaux sénateurs, on se retrouvera dans une situation où 40 p. 100 des membres du Sénat seront indépendants et non affiliés, mais n'auront que 17 sièges dans la structure des comités. Ma question est donc en deux volets : premièrement, appuyez-vous la recommandation 21 du comité? Deuxièmement, comment croyez-vous qu'on doive procéder pour corriger le plus tôt possible la différence entre la composition du Sénat et la composition des comités?
[Français]
Le sénateur Carignan : J'ai examiné les recommandations. Je n'ai pas encore préparé ma position ni mes notes officielles sur les conséquences des changements de la recommandation 21, donc je vais plutôt réserver mes commentaires pour la Chambre lorsque je ferai mon discours sur la recommandation 21.
Je veux simplement expliquer le contexte, la façon dont on a traditionnellement formé les comités. Après chaque discours du Trône, par tradition, en fonction de la représentation qu'il y avait à l'intérieur de la Chambre, une négociation était lancée entre les représentants des partis pour déterminer la composition des comités, le nombre de membres qui en feraient partie, et quels seraient les comités. Parfois, mathématiquement, ce n'était pas nécessairement exact. Alors, il pouvait être question de décider dans quel comité l'opposition pouvait faire siéger plus de membres que le gouvernement ou l'inverse, selon les sujets qui intéressent les partis, et cela s'est toujours fait par consensus et sans problème. Lorsqu'il y avait des sièges vacants, ils se comblaient automatiquement. Il y avait quelques sénateurs indépendants qui occupaient certains sièges et ça fonctionnait ainsi. Lors de chaque discours du Trône, selon la composition de la Chambre, on revoyait la composition des comités.
Le problème lié à la composition des comités est lié au fait que, à l'intérieur du groupe des dirigeants d'un caucus, nous faisions le premier tri, si on peut parler ainsi, dans le choix de la composition des comités. Donc, si nous avions cinq membres qui voulaient siéger à un comité, c'était à nous, à l'intérieur que nos quatre ou cinq sièges, de faire l'arbitrage de ces choix. Nous procédions selon l'intérêt et l'expérience des membres. Bien entendu, lorsqu'on arrive ici, au Sénat, idéalement, il y a certains comités qui nous intéressent, mais il y a aussi des règles liées à l'ancienneté et à la proportion de sièges disponibles, que nous devons respecter également.
Mon fils commence justement à travailler dans une entreprise où il y a 20 000 employés. Il a beaucoup d'ambition, et je suis convaincu qu'il aimerait être président de l'entreprise, mais il y a des étapes à suivre avant d'accéder à la présidence. Il devra occuper les postes nécessaires ou qui sont disponibles au moment opportun en souhaitant qu'un jour il puisse réaliser son rêve.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : On parle d'un processus de gouvernance ici. Cela diffère un peu de cette analogie. Avec la nomination imminente de 20 nouveaux sénateurs, les personnes s'identifiant comme étant indépendantes ou non affiliées formeront le plus grand groupe. Leur groupe sera plus grand que le vôtre et certainement plus grand que le nôtre. Pourquoi vos membres devraient-ils être plus nombreux que les leurs au sein des comités? Les nôtres ne devraient pas l'être, je suis d'accord, mais pourquoi devriez-vous avoir plus de membres? Pourquoi ne pas tenter de corriger la situation plutôt que d'attendre un discours du Trône ou une nouvelle législature?
[Français]
Le sénateur Carignan : Je n'ai pas dit que je n'étais pas d'accord avec votre position, j'ai expliqué comment nous fonctionnions traditionnellement. Il y a une situation exceptionnelle où nous accueillons 20 nouveaux sénateurs. Nous verrons s'ils arrivent tous en même temps, ou si les nominations se limiteront à cinq ou six sénateurs dans un premier temps. Il faudra attendre les nominations. Nous traverserons le pont lorsque nous serons rendus à la rivière.
En ce qui concerne la composition, votre question portait davantage sur la recommandation 21. Je vais réserver mes commentaires sur la recommandation 21 pour un discours que je présenterai en Chambre.
Le sénateur Massicotte : Je trouve votre présentation bien formulée et très cohérente, sénateur Carignan, et elle contribue à notre débat. Je suis d'accord avec l'importance du débat, d'avoir un processus ouvert et critique, mais je ne suis pas encore convaincu de la nécessité d'organiser une opposition officielle permanente.
On a vu, lors de l'étude du projet de loi C-14, que votre caucus n'était pas uni sur cette question, mais qu'il a contribué au débat. Quant à la formulation du caucus, j'apprécie votre suggestion de permettre un regroupement selon le désir des sénateurs. Je n'ai aucune difficulté quant aux valeurs et aux philosophies politiques. Ma principale difficulté est lorsque le lien ou l'indépendance du caucus est contrôlé par le caucus ou le parti politique de la Chambre des communes. C'est potentiellement un problème majeur. J'ai aussi de la difficulté avec les caucus régionaux. Je ne demeure pas convaincu qu'ils représentent nos intérêts.
Nous avons eu un exemple avec le projet de loi C-14. Il y a eu un bon débat. Le Sénat a bien fait ses délibérations. À la fin, des amendements ont été acceptés. Le Sénat a bien agi dans le cadre des délibérations, où quelques amendements proposés ont été acceptés, quelques-uns ont été refusés par la Chambre des communes. À l'avenir, au Sénat, nous ferons de plus en plus d'amendements. Par contre, si nous demeurons en désaccord avec la Chambre et qu'elle refuse nos amendements, je me demande si nous devons retenir la position de la Chambre des communes ou nous servir d'un mécanisme de comité mixte afin de trouver une solution.
Devrions-nous accepter, comme ils le font en Angleterre, une date limite pour étudier la question dans une période de temps donnée et avec un veto de la Chambre? Que pensez-vous de cela?
Le sénateur Carignan : Je vais reprendre mon vote sur le projet de loi C-14. J'ai continué à voter contre le projet de loi, étant donné qu'il était inconstitutionnel malgré le retour de la Chambre. Je pense que nous n'aurions pas dû adopter le projet de loi ou, du moins, nous aurions dû insister sur nos amendements pour le rendre constitutionnel.
Concernant le projet de loi dans le cadre du programme électoral du gouvernement élu, notre rôle est d'améliorer, de perfectionner et d'attirer l'attention sur les éléments qui sont à améliorer. Par contre, si au bout de tout ce processus, le projet de loi ne se trouve pas dans le programme électoral du parti et viole les droits des minorités et la Constitution, notre rôle serait de protéger les droits des minorités et de la Constitution. Nous devons tenir notre bout en ce sens, et cela s'est fait par le passé.
L'avortement aurait été criminalisé à nouveau si le Sénat n'avait pas tenu son bout. Tout le monde est conscient de cela. Vous avez parlé du projet de loi C-14. On a eu un très beau débat. Cela démontre que le système n'est pas si mauvais que cela et qu'il fonctionne assez bien. Il a la capacité de s'adapter rapidement.
Selon moi, nous avons un rôle constitutionnel. Il est sûr que notre rôle constitutionnel a évolué dans le temps. Quand on parle de contrôler ou de voter contre une loi qui est inconstitutionnelle, en 1867, la Constitution permettait le partage des pouvoirs. Le partage se fait entre le fédéral et le provincial. Il y avait une liste des différents pouvoirs dans chacune des provinces. Donc, quand on disait qu'une loi était inconstitutionnelle, c'est qu'elle relevait du champ de compétences de la province, et moi, en tant que sénateur qui défendait la province, je devais m'y opposer.
La Constitution a évolué, et nous avons maintenant une Charte canadienne des droits et libertés. De façon pratique, on a étendu notre mandat au contrôle de la constitutionnalité vis-à-vis de la Charte canadienne des droits et libertés. Je pense que c'est un élément qui est important. On doit être conscient de cela. Mais si nous voulons jouer pleinement notre rôle, nous devons garder ce pouvoir, sinon, les sénateurs deviendront un groupe d'experts qui serait l'équivalent d'un comité consultatif de bureaucrates, ce que le gouvernement peut très bien faire à l'externe. Par exemple, le gouvernement pourrait décider qu'il veut un rapport d'experts sur le sujet de la santé.
Ils proposeront un projet de loi et pourront le tester et, si je ne suis pas d'accord avec eux à la fin, je pourrai l'adopter comme je veux et le faire passer. Il faut éviter de transformer le Sénat pour en faire un comité consultatif.
Le sénateur Massicotte : Vous avez dit qu'on avait raison de s'opposer à la Chambre des communes quand il y a une question de constitutionnalité, de respect des minorités. Le sénateur Joyal nomme quatre exceptions où le Sénat devrait tenir son bout, malgré l'opposition de la Chambre des communes. Ensuite, vous avez donné comme exemple un cas où le projet de loi en question n'est pas lié à la plateforme électorale, et n'a donc pas de mandat public. S'il n'y a pas de mandat public, pensez-vous que le Sénat devrait s'opposer au projet de loi?
Le sénateur Carignan : Si le gouvernement n'a pas eu le mandat d'agir dans un sens déterminé et que le Sénat tient son bout, que se passera-t-il? À un moment donné, il y aura prorogation, et il y aura une élection. Si le gouvernement tient autant à son programme ou à cet élément, il pourra le soumettre à l'électorat. Quand les citoyens, lors d'une élection, rééliront ce gouvernement avec cet élément au programme, le Sénat recevra alors le message et, à ce moment- là, on pourra faire preuve de déférence. Sinon, c'est notre rôle de protéger les citoyens, les minorités et les régions et de faire en sorte que ce projet de loi ne soit pas adopté tel qu'il est proposé.
On l'a vu lors du débat sur la TPS, il y a des façons de changer cet équilibre. Le pouvoir constitutionnel de nommer plus de sénateurs existait, et c'est ainsi que le gouvernement de Brian Mulroney a brisé cet équilibre, mais il y a d'autres façons de le faire. Vous avez parlé des comités mixtes, des comités entre la Chambre des communes et le Sénat. Ce sont d'autres solutions, mais je ne pense pas que nous devions abdiquer notre rôle de sénateur et afin de devenir un regroupement de comités consultatifs sans pouvoir. Ce n'est pas notre rôle.
[Traduction]
Le président : Il nous reste 20 minutes. Il y a encore sept sénateurs sur la liste et nous voulons qu'ils puissent s'exprimer.
Le sénateur Tannas : Je serai bref. Je vous remercie de votre présence et de votre exposé, qui était exhaustif. Nous vous en sommes reconnaissants.
Vous avez parlé des raisons de l'opposition officielle et avez fait valoir qu'elle devait refléter l'opposition à l'autre endroit. C'est logique. Ce serait à mon avis la façon la plus logique et la plus efficace de veiller à ce qu'on présente l'autre côté de la médaille, comme vous l'avez dit, à ceux d'entre nous qui veulent comprendre la question et voter de manière indépendante et éclairée.
Dans votre exposé, vous vous êtes dit ouvert à l'idée de créer des caucus non partisans; vous avez dit que c'était une bonne idée. C'est ce que j'ai compris. J'en conclus donc que la création de caucus indépendants qui ne gravitent pas autour des partis politiques vous semble logique et que selon vous, l'idée d'une opposition officielle et celle des caucus non partisans ne sont pas mutuellement exclusives. Les deux peuvent bien fonctionner ensemble selon la bonne vieille tradition canadienne et on ferait une sorte de mélange avec le système de Westminster.
Je trouve cela fantastique. Comme vous le savez, les recommandations 7 et 8 du comité se centraient sur les caucus et sur la façon de les former. Ma question est donc la suivante : selon quelles circonstances pourrait-on former ces caucus? Je sais que vous ne parlez pas au nom du caucus conservateur et que vous êtes ici en tant que sénateur indépendant.
Confirmez-vous votre appui à l'égard des recommandations 7 et 8 telles qu'elles sont rédigées dans le rapport?
[Français]
Le sénateur Carignan : C'est le même point. Je veux garder mon droit de parler et de compléter mes propos sur les effets des recommandations, parce que je n'ai pas eu le temps de mesurer l'ensemble des impacts. Je veux surtout me concentrer sur la présentation d'aujourd'hui.
Le sénateur McIntyre : Merci de votre présentation. Chose certaine, le débat est nécessaire au bon fonctionnement du Parlement. Naturellement, l'objectif est d'avoir un Sénat plus complémentaire, plus indépendant et moins partisan.
Alors, en vous écoutant, je comprends que, selon vous, il est nécessaire qu'il y ait un parti ministériel et un parti d'opposition dans un modèle parlementaire de type britannique. Ma question comprend deux volets.
Premièrement, si, malgré la présence de groupes de sénateurs n'appartenant pas à des caucus politiques, la vigueur des débats est maintenue et l'examen des initiatives ministérielles demeure efficace, l'existence d'un parti ministériel et d'un parti d'opposition est-elle toujours nécessaire au Sénat?
Ma deuxième question est la suivante : si oui, selon vous, un modèle sans parti ministériel et sans opposition officielle viendrait-il fragiliser ou, pire, mettre en péril l'existence même du Sénat, sachant que l'essence de cette existence est le débat contradictoire, c'est-à-dire le côté qui propose et le côté qui oppose?
Le sénateur Carignan : Si on regarde tous les parlements du monde, il y a la présence d'un parti politique qui propose et d'un autre qui s'oppose. Le débat se fait là. Les Chambres acceptent jusqu'à un certain niveau d'indépendance ou de groupe d'indépendants, mais comme l'a dit le sénateur Joyal, à la Chambre des lords, avec les cross-benchers, il y a un genre de convention selon laquelle il n'y aurait pas plus de 20 ou d'environ 20 p. 100 de cross-benchers. Les autres doivent s'associer à l'un des différents partis politiques.
Cette notion, si on la pousse à l'extrême, comme le sénateur Joyal l'a souligné, en vient à enlever l'essence même du débat ou du rôle de la Chambre qui est composée d'un gouvernement et d'une opposition, et on tue l'institution telle qu'elle a été créée, car on en fait un grand comité consultatif composé de bureaucrates qui ne peuvent pas vraiment s'opposer au gouvernement, mais qui donnent leur avis. C'est parfait dans les débats, cela se produit au sein du conseil d'administration d'une compagnie où il n'y a pas de parti politique, mais où les gens débattent de questions. Ils ne sont pas nécessairement du même avis, mais cela reste un comité consultatif, ce qui ne correspond pas au rôle que les Pères de la Confédération ont donné au Sénat.
Le sénateur McIntyre : Peu importe la formule que nous trouverons, l'importance est de ne pas mettre en péril l'existence même du Sénat.
Le sénateur Carignan : Exactement. Pour ce qui est de l'opposition, il faut rappeler que le gouvernement a énormément de pouvoir et d'outils à sa disposition. Même au Sénat, le leader du gouvernement actuel, dont l'équipe est composée officiellement de trois membres, a des moyens beaucoup plus importants que son nombre, autant sur le plan financier qu'en matière d'outils à l'intérieur du Règlement. Pourquoi? Parce qu'il en a besoin pour faire fonctionner son programme gouvernemental. La contrepartie de cela est que l'opposition doit aussi avoir des moyens, et c'est d'autant plus important que l'opposition, ici, ne profite pas de l'appareil gouvernemental. Elle n'a ni les moyens, ni l'aide, ni le soutien de l'appareil gouvernemental.
Je ne sais pas combien de sénateurs, parmi les membres actuels du Sénat, ont été et leader du gouvernement et leader de l'opposition. Je suis sûrement l'un des seuls, peut-être le seul à avoir occupé ces deux postes, et je peux voir la différence entre les moyens dont disposent les deux côtés. C'est énorme. C'est pour cela que le leader du gouvernement doit collaborer avec l'opposition sur plusieurs éléments, par exemple, les rencontres d'information pour les critiques de projets de loi.
Le sénateur Harder a affirmé qu'on organiserait des réunions particulières pour tous les sénateurs de manière équitable, mais pas nécessairement pour le porte-parole du projet de loi. On ne peut pas procéder ainsi. Il faut que le porte-parole du projet de loi puisse rencontrer officiellement les fonctionnaires, poser des questions et recueillir l'ensemble des renseignements nécessaires pour effectuer son travail. Il ne peut pas être considéré comme tous les autres. Il a un rôle essentiel et spécifique à jouer.
La sénatrice Bellemare : Ma question est liée à la notion de débat. Pourquoi faut-il toujours tenir un débat contradictoire? Je vous remercie de votre présentation, qui, par ailleurs, était très cohérente. Vous avez dit qu'il n'y a aucun Sénat dans le monde qui ne soit pas composé d'un groupe du gouvernement et d'un groupe de l'opposition. Toutefois, il y a une exception qui confirme peut-être la règle, et c'est le Sénat de l'Irlande. Ce dernier est composé de 60 sénateurs, dont 11 sont nommés par le premier ministre, et tous les autres ne représentent pas de partis politiques. Ils sont élus par le monde universitaire et cinq grands secteurs sociaux professionnels, qui sont définis par la Constitution. Le premier englobe la culture, la langue nationale, la littérature, l'art et l'éducation; le deuxième, l'agriculture et la pêche; le troisième, le travail; le quatrième, l'industrie et le commerce; et le cinquième, l'administration publique et les services sociaux. Donc, au lieu de tenir des débats contradictoires, ce Sénat aborde différents points de vue de façon constructive. Dans les débats contradictoires, souvent, si certains proposent et d'autres s'opposent, cela donne lieu à de nombreuses rhétoriques, parce que les gens ne savent pas toujours pourquoi ils doivent s'opposer et pourquoi ils doivent proposer.
Dans le Sénat actuel, où on aurait une opposition officielle et pas de caucus du gouvernement, comment peut-on s'assurer que le débat, qui donne lieu à des propositions et à des oppositions, soit constructif pour améliorer les projets de loi quand l'opposition participe à l'élaboration de stratégies tactiques et électoralistes avec les députés de l'autre Chambre? Comment l'opposition, qui participe au caucus national avec l'opposition de la Chambre des communes, peut-elle vraiment avoir une vision constructive sans s'opposer pour s'opposer?
[Traduction]
Le président : Pourriez-vous conclure?
[Français]
Le sénateur Carignan : En ce qui concerne l'Irlande, j'ai retenu quatre mots : « ...définis par la Constitution ». Dans un premier temps, si l'Irlande a décidé dans sa Constitution que, pour représenter les différents groupes, qu'il s'agisse des professionnels, des scientifiques, ou des professionnels de la santé, elle devait obtenir l'avis de ces milieux-là et défendre leurs intérêts dans le cadre du processus législatif, c'est son choix. Les Pères de la Confédération n'ont pas décidé de définir le processus législatif ainsi.
Dans un deuxième temps, nous sommes membres d'un caucus conservateur et, à moins que vous soyez d'avis que nous sommes bassement partisans et que nous agissons de manière irresponsable, il me semble que nous représentons le Sénat de bonne foi et de façon responsable et non selon des intérêts bassement partisans. On le constate dans la qualité des débats, et l'un ne va pas sans l'autre. Ce n'est pas un péché d'être membre d'un parti politique.
La sénatrice Bellemare : Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Loin de là. C'est simplement la structure que je remettais en cause. Pour ce qui est de l'Irlande, ce sont uniquement les cinq groupes qui sont définis dans la Constitution, et non pas le processus dans son entièreté.
Le sénateur Carignan : Le contact avec les élus m'anime énormément. Le fait qu'un élu puisse me faire part de ses préoccupations concernant une politique qui le touche personnellement, c'est important pour moi dans ma prise de décision, pour guider mon vote. À quoi me servirait-il d'être dans une tour d'ivoire, dans une bulle, sans avoir de contacts avec la population, en croyant que ce que je fais est bon pour le peuple?
Le sénateur Pratte : Je fais face à un problème de nature pratique et à un problème d'équité, c'est-à-dire que les sénateurs indépendants sont sous-représentés. Dans certains comités, ils ne sont pas présents, et dans d'autres, ils sont beaucoup moins présents que ce à quoi leur nombre au Sénat leur donne droit. Êtes-vous favorable au principe de proportionnalité?
Le sénateur Carignan : Je suis d'accord qu'il doit y avoir une représentation suffisante aux comités pour que chaque sénateur puisse assurer sa pleine participation. Certains postes sont disponibles dans certains comités, et aucun sénateur indépendant n'a posé sa candidature. Si vous souhaitez siéger au Comité sénatorial permanent des langues officielles, la sénatrice Tardif sera heureuse de vous accueillir. Le problème, c'est que certains sénateurs participent uniquement aux comités qui les intéressent.
Le sénateur Pratte : Je vous demande si vous êtes d'accord avec le principe de proportionnalité.
Le sénateur Carignan : Vous avez dit que vous faisiez face à des problèmes pratiques. C'est vrai. D'autres personnes qui ont occupé le poste avant vous avaient également un intérêt et une expertise. Mon ami, Rhéal Fortin, chef intérimaire du Bloc Québécois, fait face à un problème pratique lui aussi.
Le sénateur Pratte : Attardons-nous à la question des principes, puisque vous l'avez vous-même évoquée. Je vous demande si vous êtes d'accord avec le principe de proportionnalité, soit qu'un groupe parlementaire soit représenté à un comité sur la même base que le nombre de sénateurs auquel il a droit en vertu de sa représentation au Sénat.
Le sénateur Carignan : J'ai dit que j'étais d'accord avec le principe de proportionnalité si on tient compte du rôle de chacun. Si les représentants gouvernementaux, au nombre de trois, ont un budget 600 000 $, c'est normal. Ils ont un rôle gouvernemental à jouer. Ils ont besoin de plus de ressources qu'un sénateur qui n'a pas de rôle particulier à jouer dans le processus autre que législatif. Il s'agit du rôle de l'opposition officielle. Il doit y avoir une pondération excessive, compte tenu du statut spécial de l'opposition officielle.
Le sénateur Pratte : Pour ce qui est des ressources financières, c'est zéro pour le groupe des sénateurs indépendants.
Le sénateur Carignan : Non, vous recevez 7 000 $ chacun. Ceci dit, c'est la même chose pour l'opposition officielle. Je ne parle pas forcément des ressources financières. Je parle de l'ensemble des ressources nécessaires pour faire fonctionner le Sénat, soit la présence et la participation aux travaux.
[Traduction]
La sénatrice Cools : Je remercie le sénateur Carignan de son exposé, que j'ai trouvé exceptionnel. Je le remercie également pour son rôle à titre de leader de l'opposition au Sénat, dont il s'acquitte de manière équilibrée depuis un bon moment déjà.
Ma question n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air. J'ai fait des recherches, et je ne trouve aucune autorité constitutionnelle voulant qu'un premier ministre ne recommande pas ou choisisse de ne pas recommander au gouverneur général la nomination de personnes « partisanes » au Sénat. Je ne trouve aucune autorité à cet égard. Je ne trouve pas non plus d'autorité quant à la façon dont on peut déléguer cette décision à d'autres groupes de personnes, qui recommanderont la nomination de certaines personnes au premier ministre.
Je ne sais pas si ces pouvoirs peuvent être délégués. J'ai toujours cru que le pouvoir du premier ministre de recommander les nominations au gouverneur général était hautement protégé et valorisé.
J'ai toujours cru aussi qu'après la nomination des sénateurs, celle des juges de la Cour suprême du Canada était la plus privilégiée. Pouvez-vous m'aider à trouver une telle autorité? Cela m'aiderait.
Là n'est pas ma question, toutefois. Ma question est la suivante : quelle serait la position du Sénat et des sénateurs si le prochain premier ministre décidait que ce qu'il y avait avant était bien ou peut-être même mieux? Quelle serait alors la position du Sénat et quelles seraient les conséquences pour la politique au pays? Nous savons tous deux que c'est possible.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le choix revient au premier ministre de nommer les personnes selon son désir. Comme vous le voyez dans nos règlements, on peut adhérer à un parti politique et siéger à un caucus ou changer d'allégeance. Que la personne soit nommée ou non par un premier ministre, je crois que le Sénat pourrait s'adapter.
J'aimerais revenir à la notion d'indépendance et d'appartenance à un parti politique. L'indépendance d'un sénateur ne tient pas au fait qu'il soit affilié ou non à un parti politique. Cela n'affecte pas son indépendance. La question de l'affiliation ou du risque de non-indépendance vient plutôt du fait que c'est le premier ministre qui nous a nommés. Les gens peuvent avoir tendance à ne pas vouloir déplaire au premier ministre qui les a nommés, et c'est le principe du fonctionnement.
Je me sens pleinement indépendant, même si je suis membre du caucus conservateur. Je ne ressens aucune influence de l'extérieur ou de la part du premier ministre qui m'a nommé. Je ne dois rien à personne. En fait, le premier ministre qui m'a nommé n'est plus là.
[Traduction]
Le président : La sénatrice Lankin posera la dernière question, et je crois que nous n'aurons pas beaucoup de temps. Je vous remercie beaucoup; vous nous avez été d'une grande aide.
La sénatrice Lankin : Sénateur Carignan, je vous remercie de votre exposé éclairé, qui nous porte à réfléchir. Dans vos commentaires, le sénateur Joyal et vous avez parlé des propositions et des oppositions, et de la nature essentielle du débat. Tout comme le sénateur Massicotte, je garde l'esprit ouvert. Je veux continuer d'explorer les idées et savoir si d'autres modèles sont possibles, parce que je crois qu'on peut établir une discussion discursive qui ne se fonde pas sur l'opposition officielle à la Chambre des communes.
Vous avez dit quelque chose qui est, à mon avis, très important. Quelles sont les ressources offertes pour comprendre la portée de l'opposition au pays à partir de plusieurs ensembles de valeurs? Il se peut que le sénateur Tkachuk et moi ayons des visions opposées au sujet d'un projet de loi et que nous nous y opposions tous les deux, mais pour des motifs différents. Donc, pour qu'on puisse tenir un débat large et éclairé, il me semble que les ressources responsables de la recherche et de la documentation ne devraient pas uniquement être offertes au groupe d'opposition officielle, quel qu'il soit.
Je ne sais pas si on peut examiner la question, mais à un certain moment donné, selon le système de Westminster, il y avait à Whitehall un bureau de recherche qui aidait les partis de l'opposition de la Chambre des communes. Je n'ai aucune idée de sa relation avec le Sénat, mais il serait bon que tous les sénateurs aient accès aux divers documents produits sur un sujet et puissent bâtir leur argumentation en fonction de leurs valeurs, de leur parti ou de toute autre chose. Je me demande si nous pourrions y songer, même s'il y a une opposition officielle. Vous avez peut-être une opinion à ce sujet. Je pense au débat sur le projet de loi C-14, qui n'a pas été alimenté par la présence d'une opposition officielle et des représentants du gouvernement, mais bien par la contribution réfléchie et bien documentée de tous les intervenants, qu'ils soient pour ou contre le projet de loi, qui ne relevait pas de la tradition dont vous avez parlé.
Je suis toutefois heureuse de vous entendre parler de l'accès aux ressources et de l'importance de tenir un débat fondé sur des opinions éclairées. Pourrions-nous voir s'il existe d'autres modèles, pour alimenter nos prochaines discussions?
[Français]
Le sénateur Carignan : Oui, sûrement. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le débat sur le projet de loi C- 14 s'est bien déroulé. C'est également dû au fait que le Règlement permettait au leader du gouvernement, au leader de l'opposition et au leader des libéraux de s'asseoir ensemble et de négocier une façon de fonctionner. À la limite, on aurait pu proposer une allocation de temps afin d'éviter que le débat ne dérape. C'est la présence de groupes, de caucus et de leaders qui a permis la qualité de ce débat.
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Je crois que d'autres y ont contribué également et pas seulement les deux caucus.
Le président : Je vous remercie beaucoup. Comme à l'habitude, les échanges ont été nombreux et la discussion fort intéressante. Je vous remercie de votre présence, sénateur Carignan. Nous avons eu une excellente discussion, je crois. Vous nous avez donné de nombreuses pistes de réflexion.
Je vous remercie beaucoup. La séance est levée.
(La séance est levée.)