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MDRN - Comité spécial

Modernisation du Sénat (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial
sur la Modernisationdu Sénat

Fascicule n° 7 - Témoignages du 16 novembre 2016


OTTAWA, le mercredi 16 novembre 2016

Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat se réunit aujourd'hui, à midi, afin de discuter des mesures qui permettraient d'améliorer l'efficacité du Sénat dans le cadre constitutionnel actuel.

Le sénateur Tom McInnis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, notre réunion d'aujourd'hui se déroulera en public.

Au cours des prochaines semaines, nous entendrons les dirigeants de différents groupes et caucus du Sénat. J'ai invité chacun d'entre eux à réfléchir à certaines questions bien précises. Nous avons entendu l'honorable Claude Carignan, leader de l'opposition, et avant lui l'honorable Peter Harder, représentant du gouvernement au Sénat.

Les questions que nous avons posées à tous les leaders sont les suivantes : croyez-vous que les caucus des partis politiques ont un rôle à jouer au Sénat et croyez-vous qu'ils ont un avenir devant eux? Un Sénat moderne a-t-il besoin d'une représentation gouvernementale? Un Sénat moderne a-t-il besoin d'une opposition officielle ou de groupes d'opposition? Quels changements devrions-nous apporter à nos règles ou à nos usages?

Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'accueillir notre prochain témoin que tout le monde connaît, l'honorable sénatrice Elaine McCoy, facilitatrice du Groupe de sénateurs indépendants.

Sénatrice McCoy, veuillez commencer votre exposé. Je suis certain que des sénateurs voudront vous poser des questions par la suite.

L'honorable Elaine McCoy, facilitatrice, Groupe des sénateurs indépendants, Sénat du Canada : Je vous remercie beaucoup de votre invitation. J'aimerais simplement dire, en suivant les traces des sénateurs Peter Harder et Claude Carignan qui ont tous deux exprimé leurs opinions personnelles et non celles de leur groupe ou de leur caucus, que je suis également ici pour exprimer mon opinion personnelle et non celle du groupe de sénateurs indépendants. Cela dit, je vais répondre à vos questions.

La première question porte sur les caucus des partis politiques, à savoir s'ils ont un rôle à jouer au Sénat et s'ils ont un avenir devant eux. Ma réponse est un « oui » catégorique. Je l'ai toujours dit. Personnellement, je suis « diplômée », si je puis m'exprimer ainsi, d'un caucus politique de la province de l'Alberta. J'ai grandi au sein de cette famille et je me rends compte des avantages qu'un caucus peut procurer.

Je ne pense pas que la présence d'un caucus politique au Sénat pose problème. Je l'ai déjà dit et je le répète, je pense que le problème vient non pas des caucus politiques, mais de l'abus de pouvoir. Je pense que le problème est que nous avons donné libre cours à une structure qui exerce un duopole ou, si vous voulez, une forme d'oligarchie. Le Sénat doit être composé d'au moins trois groupes, voire davantage, afin d'éviter la tyrannie d'une majorité et d'encourager la négociation et la discussion.

Cela dit, j'insiste sur le fait que vous tous qui siégez dans les caucus politiques avez parfaitement le droit de le faire, et j'espère que ces caucus seront maintenus et que de nouveaux membres y adhéreront à l'avenir. J'espère qu'il n'y aura plus jamais de groupes détenant la majorité absolue en cette enceinte. C'est ma réponse à votre première question.

La deuxième question est de savoir si un Sénat moderne a besoin d'une représentation gouvernementale.

Cette représentation est utile, et je pense que nous en réalisons toute l'importance avec l'équipe qui représente le gouvernement au Sénat, ou le « G3 », comme je l'ai surnommée. En revanche, le nombre de représentants n'a probablement pas besoin d'être très élevé. J'ai eu des discussions à ce sujet avec quelques experts qui m'ont dit que ce n'était pas absolument nécessaire sur le plan des structures législatives. Des projets de loi parrainés par un ministre de la Chambre des communes pourraient être déposés au Sénat. Ce serait des mesures législatives proposées par le gouvernement et nous nous organiserions pour nous en saisir.

D'après ce que j'ai observé, je pense qu'il est utile d'avoir un représentant du gouvernement qui agit comme un phare pour ce genre d'organisation, qui veille à ce que les projets de loi du gouvernement soient dûment présentés et qu'ils passent par toutes les étapes, et qui assure la présence d'un porte-parole, si on veut, entre la Chambre des communes et nous, et plus particulièrement entre l'exécutif, c'est-à-dire entre le Cabinet, et nous.

La troisième question est de savoir si un Sénat moderne a besoin d'une opposition officielle ou d'un quelconque groupe d'opposition.

Je ne pense pas que nous devions nous poser ce genre de question. Avons-nous besoin de groupes organisés? Oui, absolument. Voilà la question qu'il nous faut nous poser. Devons-nous structurer rigoureusement les débats afin d'examiner les mesures législatives? Absolument, oui. Telles sont les questions qu'il nous faut nous poser. En fait, dans toutes vos lectures sur la question, vous savez certainement vu que nous avons le devoir constitutionnel de fournir des conseils et de prêter assistance dans la résolution des questions difficiles et importantes qui préoccupent les Canadiens. Nous avons entendu ces propos à six reprises hier, et je pense que nous les entendrons à huit reprises encore aujourd'hui.

Ce sont les propos que la reine a utilisés par l'intermédiaire du gouverneur général pour sommer chacun d'entre nous de prendre notre place en tant que sénateurs. On nous demande de donner notre avis et de prêter assistance pour toute question importante et difficile qui préoccupe les Canadiens. Et y a-t-il plus lourde responsabilité que celle du processus législatif? Chacun d'entre nous a donc le devoir de fournir des conseils et de prêter assistance pour faire avancer les projets de loi.

Il est également de notre responsabilité — je pense que les 150 années et plus de travaux du Sénat sont là pour le confirmer — de ne pas bloquer les initiatives du gouvernement du pays. Nous n'avons pas connu d'impasses ici, contrairement aux États-Unis ou même à l'Australie.

Il est à mon avis très pertinent de nous poser la question de savoir comment nous nous acquitterons de notre devoir constitutionnel qui consiste à donner des conseils et de l'assistance pour faire avancer les projets de loi. À ce point-ci, je poserais deux questions : avons-nous besoin de groupes organisés? Ma réponse est affirmative. Et avons-nous besoin de structurer les débats rigoureusement pour examiner les projets de loi? Oui, absolument.

Avons-nous besoin d'une opposition officielle? Non. Mais je vais préciser ma pensée sur ce point plus tard.

La dernière question porte sur les changements que nous devrions à mon avis apporter dans nos règles et usages.

Je signale que le Groupe des sénateurs indépendants s'est penché exclusivement sur cette question pendant tout l'été. Nous nous sommes rencontrés le 20 et le 21 septembre et nous avons l'impression que c'est notre document sur la multitude de règles et de procédures administratives que nous devons examiner.

Les points les plus importants sur le plan opérationnel sont abordés par le présent comité. Ils figurent dans les recommandations 7 et 8 et sont actuellement débattus au Sénat. Plus précisément, il s'agit des changements apportés au Règlement qui permettront aux sénateurs indépendants de remplacer un autre sénateur et d'être membres à part entière d'un comité afin d'assumer pleinement leur responsabilité et leur juste part du devoir constitutionnel qui consiste à examiner les lois minutieusement.

Est-ce que je pense que toutes les discussions sur la question de savoir comment nous irons de l'avant avec la transition sont terminées? Non. Est-ce que je pense que nous devons en discuter davantage? Oui. Est-ce que je pense que nous devrions inclure dans ces discussions tous les nouveaux sénateurs qui se joignent à nous? Absolument.

Je pense que nous en discuterons encore au cours des six prochains mois, voire au cours de la prochaine année, et nos discussions évolueront et, une fois de plus, nous nous doterons d'une institution unique au Canada qui brillera probablement comme un phare pour tous les Canadiens. J'ai espoir que nous allons travailler ensemble de manière à ce que nous puissions accomplir efficacement notre devoir constitutionnel.

J'ai dit que je reviendrais sur la question de l'opposition officielle, parce qu'on entend souvent cet argument lorsqu'il est question du modèle de Westminster. Le modèle de Westminster est presque devenu une icône, car tellement de gens l'utilisent. C'est presque — je cherche le terme qui conviendrait le mieux... C'est un symbole et nous l'utilisons souvent à ce titre, sans toujours prêter attention aux exemples de pratiques un peu partout dans le monde fondées sur ce modèle. En réalité, le Canada a fonctionné différemment dès le départ. Je pense en fait que nous avons peut-être été le tout premier fac-similé.

N'étions-nous pas le premier fac-similé du Parlement du Royaume-Uni? Je le pense. Nous nous sommes complètement démarqués dès le départ de la Chambre des lords et, bien sûr, de la Chambre des communes, mais nous avions plus en commun avec la Chambre des communes qu'avec la Chambre des lords.

En 1885, A.V. Dicey, un éminent Britannique de cette époque, a écrit un livre portant exclusivement sur les questions constitutionnelles et l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et sur notre façon de procéder au Canada. Lorsqu'il a examiné notre préambule de la Loi constitutionnelle de 1867, puis de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique, selon laquelle notre constitution est « semblable en principe à celle du Royaume-Uni », A.V. Dicey a dit que cette phrase relevait de la « propension officielle au mensonge ». Il a dit que si les préambules visaient à exprimer la vérité, le terme « États » devait par conséquent être remplacé par « Royaume ». On disait que nous nous étions inspirés du modèle des États-Unis et non de celui du Royaume-Uni, puisque la Constitution du Canada, dans sa conception fédérale, dans sa formulation et son application par le judiciaire, s'inspirait clairement de la Constitution des États-Unis.

Donc, nous nous sommes distingués dès le départ.

Il n'avait pas tout à fait raison, parce qu'à bien des égards nous sommes semblables, sans toutefois être identiques. Bien des gens, et plus particulièrement des universitaires canadiens, ont étayé les travaux de Dicey. Ils considéraient qu'il était allé trop loin dans sa condamnation de notre préambule. Or, il a atténué sa pensée dans sa seconde édition du livre, remplaçant l'expression « propension officielle au mensonge » par « inexactitude diplomatique ».

Néanmoins, ce qu'il faut comprendre, c'est que la Chambre haute a toujours été unique au Canada et elle l'est encore.

Si l'on examine les autres modèles de Westminster ailleurs dans le monde, nous constatons — et je l'ai déjà dit auparavant — que l'un des rares articles rédigés par des universitaires est celui d'Andrew Harding, qui a été publié dans l'Oxford University Commonwealth Law Journal. Il a dit qu'il y avait un modèle interne et un modèle d'exportation, et que chaque modèle exporté dans les différents pays comportait des différences. En fait, la plupart de ces différences concernaient la Chambre haute.

Certaines questions revenaient de façon systématique et Thomas Hall en a relevé quelques-unes, notamment la question concernant le chef d'État et le chef du gouvernement. Le chef d'État est toujours souverain et il y a toujours un gouvernement responsable en place, et c'est toujours la Chambre basse. Or, le chef du gouvernement est toujours un premier ministre, lequel est tributaire de la majorité des membres élus à la Chambre basse, c'est-à-dire du gouvernement responsable qu'on appelle parfois le Cabinet.

Les Chambres fondées sur le modèle de Westminster sont parfois bicamérales et parfois unicamérales. Le modèle n'insiste même pas sur le fait qu'il y a une Chambre haute. Ce qui est clair, c'est qu'il y a plus de différences que de similitudes. Je pense que nous pouvons examiner la manière dont nous fonctionnons et encore une fois nous demander si nous voulons nous organiser pour avoir de très bons débats. Comment nous assurer de l'excellence de nos recherches? Comment pouvons-nous examiner minutieusement les lois du gouvernement et les projets de loi privés? Ce sont là les questions que je serais intéressée de débattre avec vous tous réunis autour de cette table et à la Chambre.

Thomas Hall s'est penché sur trois différentes Chambres hautes, soit celles de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie. En Australie, comme vous le savez, la Chambre haute est élue, mais la dernière fois que je l'ai examinée, il y avait impasse entre les deux principaux partis. Les partis indépendants ou à tout le moins les partis qui se sont ligués contre les partis les plus importants détenaient la balance du pouvoir, mais ce modèle ne m'a pas semblé très intéressant. Je préfère notre manière de faire.

Bien sûr, la Nouvelle-Zélande a pour sa part éliminé sa Chambre haute il y a longtemps; elle n'en a plus du tout.

La Tasmanie n'est pas un pays; c'est un État, et de petite taille en plus. Si je me souviens bien, des sénateurs y sont nommés et ce sont en majorité des députés indépendants. Quelques-uns sont également membres de partis politiques.

Donc nous avons trois exemples, tous dans le même hémisphère, si vous voulez, et ils sont tous assez différents les uns les autres.

Nous avons en ce pays même des exemples de différences, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, notamment. J'ai récemment parlé à Nick Sibbeston, l'ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Il n'y a pas de partis politiques là-bas et il a dit que leur système fonctionnait très bien.

J'ai parlé à Dan Lang, qui vient du Yukon, un territoire où l'on procédait de cette façon; on y tient maintenant des caucus politiques, mais cela n'a pas bien fonctionné pour eux. On dit que c'est une question de culture. Les provinces et les territoires choisissent ce qui fonctionne bien et ce qui leur convient le mieux. Je pense que ce qui fait la grandeur de notre système, c'est que nous pouvons choisir de fonctionner, de nous organiser à notre manière, selon ce qui nous convient le mieux, ce qui nous rend le plus efficaces, afin d'obtenir les meilleurs résultats possible.

Nous avons longuement examiné les Chambres hautes ailleurs dans le monde, en partie avec l'aide de la sénatrice Bellemare qui a fait des recherches, mais nous nous sommes plus particulièrement penchés sur les démocraties parlementaires qui se fondent sur le modèle de Westminster. Dans bien des cas, ce sont les différences et non les similitudes entre les Chambres hautes qui nous ont frappés.

D'aucuns prétendent que lorsqu'il y a des votes pour ou contre un projet de loi du gouvernement, il y a forcément une opposition officielle. Je ne pense pas qu'il soit approprié de tirer cette conclusion lorsqu'il y a des votes pour et contre un projet de loi gouvernemental. Le fait est que nous sommes des législateurs. Nous sommes ici pour adopter, modifier et abroger des lois. Selon l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867, le Sénat doit prendre ses décisions à la majorité des voix. Cela me fait toujours sourire, car c'est une charte de l'époque victorienne. J'ai toujours l'impression que « voix » porte la majuscule. Les décisions sont prises à la majorité des voix, et nous nous prononçons toujours favorablement ou défavorablement. Cela ne signifie pas que nous ayons une opposition officielle, ni même une opposition tout court. Cela signifie que nous ne sommes pas d'accord avec une certaine mesure législative.

Une dernière chose que j'aimerais faire à ce sujet, c'est de me pencher sur l'histoire canadienne. Bien des choses ont été dites sur la question. Je ne suis pas historienne et je ne prétends pas avoir le dernier mot non plus sur ces questions, mais depuis que je suis ici, je fais des recherches, simplement par curiosité, et je réalise que je ne connais pas grand-chose et que j'en apprends toujours.

Je me suis notamment penchée il y a plusieurs mois déjà sur la nomination des 72 premiers sénateurs en 1867. Ils figurent sur le site web du Parlement, comme vous le savez probablement, et j'ai le lien ici, si cela vous intéresse. Les 72 premiers sénateurs n'ont pas été nommés par le premier ministre, mais par proclamation royale.

Cette question a éveillé ma curiosité. Comment cela a-t-il pu se produire? J'ai examiné les débats de la Chambre des lords lorsqu'ils ont débattu l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB) en février 1867, le 19 plus précisément. Lord Carnarvon était le parrain du projet de loi et secrétaire des colonies à l'époque. Son père a découvert la tombe de Toutankhamon. C'est très intéressant. On le surnommait « Tweety ». C'est très moderne comme surnom. Sa famille est originaire de l'endroit où la série télévisée Downton Abbey a été filmée.

Voici ce qu'a dit lord Carnarvon :

Conformément à la clause 25, Vos Seigneuries veilleront à ce que la première liste de sénateurs soit constituée à l'abri de toute influence partisane. Leurs noms seront prudemment soumis à la Couronne et confirmés par celle-ci, et la liste sera intégrée à la proclamation de l'Acte d'union.

Ce sont là des propos très nobles, mais ils sont assez fallacieux. J'ai commencé par examiner les noms et j'ai regardé d'où ils venaient. Vingt-quatre sénateurs venaient de l'Ontario. Oh mon dieu! Regardez-moi ça! Les 24 premiers sénateurs qui ont été nommés à la Chambre haute de la province du Haut-Canada à ce moment-là venaient de l'Ontario.

Savez-vous d'où venaient les 24 premiers sénateurs du Québec? De la Chambre haute du Bas-Canada.

Les 24 sénateurs de l'Atlantique venaient essentiellement de la Chambre haute dans les deux provinces de cette région. Personne ne voulait y aller, alors ils ont puisé à même l'effectif de la Chambre basse afin de pourvoir les postes au Sénat. Donc, ils étaient nommés sous influence partisane; ils étaient tous partisans. Ils étaient élus et ils étaient partisans.

Mais je vois que cela peut avoir induit en erreur certaines personnes qui ont dit que nos pères fondateurs n'étaient pas... enfin, cela faisait beaucoup parler à l'époque.

Un terme bien français pour qualifier les allégations de lord Carnarvon serait « balivernes », et il traduit assez bien notre pensée.

Mais ne nous emballons pas, notre histoire n'appuie pas l'idée selon laquelle les caucus politiques seraient la norme et que pour cette raison, un genre d'hégémonie justifierait une opposition officielle.

Quelqu'un m'a dit que seulement quatre livres avaient été écrits sur le Sénat. En voici un. L'auteur est F.A. Kunz, et il a pour titre The Modern Senate of Canada, 1925-1963 : an appraisal. Le livre a été imprimé en 1965; nous voilà 50 ans plus tard. Il est temps que nous publiions une autre analyse du Sénat.

L'auteur aborde la manière dont le Sénat fonctionnait. Il mentionne la présence d'un leader du gouvernement, bien sûr, et d'un leader de l'opposition. Puis il discute de la nature de leur travail. Si je me reporte à la page 90 de cet ouvrage, il est question des caucus politiques. Il cite Arthur Meighen en passant :

La nature de leur travail est purement organisationnelle; ils veillent à ce que les membres du parti soient présents, assurent le maintien du quorum, envoient des avis au parti (ou aux whips) au sujet des futurs travaux, réunions, et cetera, et ils veillent parfois à ce qu'il y ait une présence raisonnable des membres de leur parti lorsque des votes importants ont lieu, mais ils ne peuvent en aucun cas exercer de pression sur leur vote; leur seule arme est la persuasion.

Ce passage tiré d'un ouvrage publié en 1941 montre comment les caucus fonctionnaient à cette époque.

Le sénateur Hardy, qui a été membre du Sénat pendant de nombreuses années, est remonté 20 ans en arrière afin de déterminer le nombre de caucus qui ont été tenus à la chambre entre 1922 et 1942. Il a dit n'avoir participé qu'à un seul au cours de cette période. Il était peut-être libéral.

Parlant au nom du Parti conservateur au Sénat, le sénateur Calder s'est exprimé ainsi :

[...] bien qu'ils aient tenu des caucus plus souvent que les libéraux, ces réunions avaient simplement pour but d'« analyser certaines mesures dont nous avions été saisis et de nous enquérir de différents points de vue. Le but n'était pas d'avoir un parti unifié dont les membres penchent d'un côté ou de l'autre.

Ainsi, malgré le nombre relativement peu élevé de sénateurs qui souhaitaient se prévaloir de ce droit, il semble que la valeur générale rattachée à la participation aux caucus n'a commencé à augmenter que plus tard.

La sénatrice Cools : Les difficultés du transport expliquaient en grande partie cet état de fait.

La sénatrice McCoy : L'auteur, M. Kunz, commence par parler d'un sénateur, un dénommé Dandurand qui est entré à la Chambre en 1922 pour y décéder 20 ans plus tard. Il a occupé la fonction de leader du gouvernement et tout le monde le considérait comme — pour devenir bon sénateur, il fallait faire comme lui. Il était estimé à ce point-là.

Laissez-moi vous citer cet autre passage :

[...] il dominait littéralement la Chambre, et sa personnalité, ses points de vue et la manière dont il exerçait son leadership ont fini par être considérés comme un modèle à suivre pour le Sénat. L'idée qu'il se faisait de la Chambre haute était celle d'un organisme indépendant, composé d'hommes d'État d'un certain âge, qui assuraient l'impartialité judiciaire avec sérénité, sans appareil officiel de parti qui ne ferait qu'accentuer un esprit qu'il fallait absolument éradiquer. Dans une lettre au sénateur Lambert, peu avant son décès, il a dit qu'« idéalement il ne devrait pas y avoir de leader du gouvernement à la Chambre haute et le ministre responsable d'un ministère devrait confier ses projets de loi à un membre du Sénat de son choix qui assurera leur passage à toutes les étapes du processus législatif. Les sénateurs ne siégeraient plus en deux groupes séparés, l'un à droite et l'autre à gauche du président, de manière à éviter toute division selon les affiliations politiques.

Donc, ces questions que nous débattons actuellement ne sont même pas nouvelles pour nous.

Voici un autre passage :

Dans sa croisade contre tout risque de partisanerie au Sénat il a coupé court à tout renvoi à des termes traditionnels tels que leader du gouvernement, leader de l'opposition, député d'arrière-ban, et cetera. Il a accueilli les nouveaux arrivants au Sénat non pas comme des membres du parti, mais comme des « collaborateurs » et il reconnaissait l'existence de deux courants de pensée seulement, « un courant conservateur et un courant libéral, qui doit nécessairement apparaître dans nos discussions, mais ici nous n'avons pas la loyale opposition de Sa Majesté comme c'est le cas à la Chambre des communes.

Je vous fais part de ce passage, parce que c'est un précédent historique. Nous avons des précédents historiques qui ont façonné les différentes manières de faire, par rapport au passé immédiat. J'espère donc que ces extraits non seulement vous intéresseront, mais qu'ils piqueront votre curiosité et qu'ils nous aideront à faire preuve d'ouverture d'esprit.

Je ne prétends pas que c'est la seule manière de faire non plus. Ce que je suggère, c'est que nous fassions appel à la méthode fondée sur le poids de la preuve, à la recherche, à la preuve historique, et quand on examine les Chambres hautes des démocraties parlementaires dans le monde, on constate que celles-ci varient énormément. Je pense que nous avons une excellente occasion de choisir la formule qui semble le mieux nous convenir.

Faisons-nous les choses du mieux que nous pouvons en 2016 au Canada? Honnêtement, je ne pense pas. Je pense que nous pourrions faire mieux, et cela commence à émerger dans la manière dont nous structurons nos débats et dans la façon dont nous examinons les mesures législatives.

Je pense qu'il n'y a aucun risque que nous devenions un simple club d'art oratoire, car ces clubs ne prennent pas de décisions en temps réel. Nous prenons des décisions en temps réel sur des mesures législatives. Nous adoptons des lois; nous les amendons; nous les rejetons. Nous ne sommes pas un club d'art oratoire. Telles sont nos responsabilités et nous continuerons de les assumer. Et je n'y vois aucun danger, sinon un danger rhétorique.

Néanmoins, notre rôle consiste en essence à tenir des débats ouverts, et je pense que nous pourrions encourager davantage de débats non seulement dans nos caucus, mais également sur le parquet de la Chambre. Les caucus sont de riches viviers d'idées et d'excellents endroits pour mettre les idées à l'épreuve, mais je pense que nous devrions aujourd'hui tenir plus de débats sur le parquet de la Chambre, et j'espère que cela se produira.

Nous avons actuellement un très bon système qui fonctionne rondement. Les réunions de préparation du plumitif ont inclus nos quatre groupes : les conservateurs, les libéraux, le Groupe des sénateurs indépendants, ou GSI, et le gouvernement, et cela donnent de très bons résultats.

Je pense que nous adhérons assez fermement aux principes de Bourinot. Les cinq principes viennent évidemment de Londres, en Angleterre :

Protéger la minorité et restreindre l'imprévoyance et la tyrannie de la majorité, régler les affaires d'intérêt public de manière convenable et ordonnée...

— et je pense vraiment que c'est important —

... donner à chaque parlementaire la possibilité d'exprimer son avis dans les limites du décorum et éviter les pertes de temps inutiles...

— très bien —

... accorder la latitude voulue pour l'examen de chaque mesure et faire en sorte qu'aucune décision législative ne soit prise à la légère ou sur une impulsion soudaine.

Ce sont là des principes que nous honorons dans nos pratiques en général, je pense.

Mais nous comptons sur deux caucus politiques pour organiser nos débats. L'un est parrainé et l'autre vient de la prétendue critique. Mais ce ne sont pas les seules manières de procéder.

J'ai commencé à poser des questions ici et là et, à ce propos, le légiste et conseiller parlementaire m'a dit que la France et le Parlement européen organisaient leurs débats tout à fait différemment, bien qu'ils aient des partis politiques et des indépendants. Je ne vous parlerai pas de leur système avec toute l'aisance que vous souhaiteriez, parce que je n'ai pas eu beaucoup de temps, mais j'ai obtenu de l'aide dans mes recherches et différents points ont été portés à mon attention.

Dès que la Chambre est saisie d'un projet de loi, elle le confie à une personne appelée « rapporteur ». Des ressources assez importantes lui sont allouées afin que le projet de loi soit passé au crible et examiné sous tous ses angles, et qu'un rapport soit déposé et qu'il soit renvoyé aux législateurs qui en débattront en soupesant le pour et le contre. C'est un autre moyen de prendre la décision de voter pour ou contre une mesure législative ou de la modifier. Celle-ci passe par plusieurs comités à différents niveaux avant de revenir pour un vote final; c'est une autre approche possible de l'organisation et de la structuration d'un débat. Je le mentionne ici pour vous intriguer et susciter votre curiosité, peut-être, sur d'autres moyens possibles d'organiser les débats.

Une autre idée portée à mon attention est le concept de l'amicus curiae. Les avocats connaissent bien ce terme évidemment et j'imagine que vous savez tous qu'il s'agit d'un terme latin qui désigne un « ami de la cour ». Si cela vous intéresse, vous pourrez demander à Murray Sinclair d'approfondir cette idée. Lorsqu'un juge a devant lui un intérêt qui n'est pas représenté en cour ou lorsque plusieurs intérêts sont en présence et qu'ils semblent dire la même chose, mais pas nécessairement tout ce qui doit être dit, le juge peut désigner un ami de la cour afin que tous les points de vue soient soulevés. Ainsi, il y a équilibre, non seulement en ce qui touche les faits, mais également en ce qui touche la loi et les opinions soumises au juge, et ce dernier peut alors porter un jugement fondé sur la preuve. C'est une idée qui offre des possibilités également.

L'un des meilleurs exemples — et nous l'avons nous-mêmes créé de toutes pièces — c'est le projet de loi C-14, et il nous a valu des éloges. Je suis allée à la réunion — c'était mercredi soir, je pense — à la salle 356-S de l'édifice du Centre, où il devait y avoir une bonne trentaine de sénateurs. Je n'avais aucun amendement à proposer; je n'envisageais pas de prendre la parole. Je me suis dit que c'était un moment historique et je voulais y assister. Il y avait des libéraux, des conservateurs, des indépendants, le greffier, le légiste et divers autres experts en législation qui travaillent pour nous. On y discutait de la manière dont nous allions structurer nos débats.

Nous avons regroupé les éléments d'un débat très bien structuré et quelques idées bien réfléchies en proposant des amendements. Nous les avons même présentés en cascade : si l'on adoptait tel amendement, les autres étaient déjà couverts par celui-ci, et sinon, on continuait. Nos débats étaient dans une large mesure consécutifs, si bien qu'il nous était plus facile de nous souvenir des idées débattues et de proposer des idées contraires que nous échangions avec les collègues, ce qui à mon sens enrichissait notre compréhension.

Je pense que ces moments constituaient la quintessence du Sénat canadien et je pense que nous devrions essayer de créer davantage de moments comme ceux que l'on a vécus lors de la passation de ce projet de loi C-14.

J'ai également observé que dans ce processus nous conservions les conventions parlementaires anciennes ou à tout le moins assez anciennes. Nous n'insistions pas pour avoir gain de cause. Nous disions à la Chambre : « Nous pensons que vous n'avez pas fait les choses tout à fait correctement, et voici nos suggestions. Si vous n'êtes pas d'accord, vous en porterez l'entière responsabilité. Nous sommes un organisme élu. » Je pense que nous faisions les choses avec élégance.

Je pense également que c'était une très bonne pratique parlementaire. En fait nous observions les traditions qui se sont développées ici même et ailleurs dans le monde.

L'essentiel est que nous scrutions toutes les lois à la loupe, et ce, plus que jamais. Il n'y a pas que deux points de vue. Je ne suis pas d'accord avec Dandurand sur ce point. Les libéraux et les conservateurs ne sont plus seuls. Nous le voyons bien dans notre société. Nous sommes une société pluraliste. Nous le constatons du côté des élus par la manière dont les partis politiques se sont fracturés. Nous le constations par le nombre de personnes qui n'appartiennent à aucun parti politique. Nous pouvons le voir par le mouvement Occupons Wall Street. Nous le voyons sur la grande twittosphère. Et nous parlons de la suppression des intermédiaires. Bref, les points de vue se font plus nombreux.

Et les questions deviennent plus complexes. Comme notre société est pluraliste et que les enjeux sont complexes, je pense que nous devrons plus que jamais faire de la recherche afin que le Sénat canadien puisse atteindre l'excellence.

Des gens prétendent que tout va bien, que nous avons une opposition et que par conséquent nous avons des critiques, et que nous ne sommes pas simplement un club de débat. J'ai entendu ces propos le 18 octobre, je crois. Nous étions allés à la Chambre directement et devinez quoi? Un critique s'est levé et s'est prononcé sur un projet de loi d'initiative gouvernementale dans les termes suivants : « Je n'ai rien à dire contre ce projet de loi; je suis d'accord avec chacune des mesures proposées », puis il s'est rassis. Nous avons eu cinq cas de ce genre depuis le 19 octobre. Le critique se lève et dit : « Je suis totalement d'accord avec ce projet de loi, je l'appuie entièrement. » Il n'y a rien de mal à cela. Je ne laisse pas entendre qu'il y en a, mais ce n'est pas de l'opposition. Je fais acte de foi en espérant que cette personne a examiné la mesure législative à fond. Je ne nommerai personne ici, je ne pointerai personne du doigt ni ne féliciterai les personnes qui s'illustrent, parce qu'un grand nombre d'entre vous méritent toutes nos félicitations.

Le sénateur Tkachuk : S'agissait-il de projets de loi émanant du gouvernement ou des députés?

La sénatrice McCoy : Celui-là était un projet de loi émanant du gouvernement.

Le sénateur Tkachuk : Les cinq?

La sénatrice McCoy : Non.

Le sénateur Tkachuk : Combien de projets de loi émanaient du gouvernement alors?

La sénatrice McCoy : Laissez-moi vérifier. Voilà, il y en avait deux.

Ce que je veux souligner, c'est que nous apprenons au fil du temps passé au Sénat à avoir un légitime et profond respect pour l'expertise de chacun. Et c'est un plaisir en fait de voir cette expertise s'accroître au fil des ans. Nous sommes portés à écouter ce qu'une personne en particulier a à dire sur un certain sujet. Et c'est tout à fait légitime également. Dans certains cas, nous entendions parler des qualités de telle ou telle personne et c'est pourquoi je pense que l'examen de cette mesure législative a été bien fait.

C'est un bon exemple, mais il n'est pas nécessaire d'appeler cela de l'opposition. Ce serait bien d'appeler cela un examen. Je pense en fait qu'une fois — je ne suis certainement pas la seule — les associations commerciales nous ont appelés en disant : « Au fait, nous pensons que vous avez oublié quelque chose. » Nous devons retoucher la mesure législative. Bref, le système n'est pas infaillible.

Mais nous avons besoin de tous les groupes; nous devons connaître tous les points de vue. Nous avons besoin de tous les sénateurs et nous devons fournir toute l'aide possible à tous nos sénateurs, que ce soit de la part du personnel ou de l'Administration du Sénat, et je pense que c'est nécessaire, parce que nous voulons fournir des examens en profondeur. Nous voulons former des praticiens chevronnés qui deviendront des experts et des champions dans leurs domaines respectifs. Nous voulons des gens qui font preuve d'esprit critique et qui excellent à ce chapitre et qui peuvent ainsi saisir les nuances et expliquer les questions complexes de manière à se faire comprendre. Nous voulons trouver un moyen de mettre à profit l'incroyable matière grise, sans oublier toute la compassion, bien sûr, ainsi que la vaste expérience des affaires que nous avons en cette enceinte.

Cela dit, est-ce que les groupes que nous avons ici au Sénat s'en trouvent diminués? Pas du tout. Je ne pense pas que le problème réside dans la structure des débats ni dans le regroupement de nos talents collectifs. Je vois que mis à part le G3 — le gouvernement — et le Président, nous sommes 101 sénateurs et sénatrices déterminés à effectuer un examen approfondi des mesures législatives au fur et à mesure qu'elles sont déposées, que ce soit sous l'initiative du gouvernement ou de celle des députés. Voilà ce que j'espère faire avec vous tous.

Je termine là-dessus.

Le sénateur Joyal : Merci, sénatrice McCoy, pour votre présentation. Je vais passer directement à la question que je voulais vous soumettre.

Je pense que vous étiez autour de la table, lorsque nous avons entendu lord Hope, facilitateur des groupes d'indépendants (cross-benchers) à la Chambre des lords, en Grande-Bretagne. Quelle est la différence entre le modèle des groupes d'indépendants que vous voyez fonctionner à la Chambre des lords avec les autres partis et le modèle que vous souhaiteriez ou proposeriez que nous adoptions pour éviter le modèle de groupes d'indépendants de la Chambre des lords, en Grande-Bretagne.

La sénatrice McCoy : Je pense qu'une importante différence entre nous et la Chambre des lords réside dans le fait que l'on ne s'attend pas à ce qu'ils quittent leurs fonctions. Ils ont 400 sièges et plus de 800 lords ou pairs. J'y suis allée une fois. Le sénateur Nolin m'avait aimablement demandé de l'accompagner en mission exploratoire, peu avant son décès. Un membre du personnel administratif de la Chambre m'a dit qu'ils vivaient dans la crainte qu'ils ne se manifestent tous à un moment donné. Je pense qu'ils appellent ceux qui ne se présentent pas des « coureurs des bois ».

La mentalité était totalement différente à l'époque. On ne peut établir aucun parallèle avec la situation de nos 105 sénateurs aujourd'hui. Nous ne serons jamais plus nombreux. Nous ne sommes que 105 sénateurs et nous avons une lourde responsabilité sur les épaules. Chaque sénateur doit assumer sa part de responsabilité constitutionnelle. Je pense que c'est là toute la différence.

Le sénateur Joyal : Est-ce à votre avis la seule différence? Comme vous le savez, les activités quotidiennes de la Chambre des lords sont organisées par tous les partis présents à la Chambre des lords par le biais de leurs divers groupes et caucus. Il y a une opposition officielle. D'autres partis sont responsables de l'organisation du travail pourvu que le facilitateur fasse partie de l'organisation. Néanmoins, les membres des groupes indépendants, ainsi que j'ai entendu lord Hope l'expliquer, sont des membres de la Chambre des lords qui, contrairement aux autres membres de parti, n'ont aucunement l'obligation de faire le travail quotidien des lords. Les commentaires que nous avons entendus au sujet de la participation au vote étaient à cet égard on ne peut plus clairs. Leur nombre n'était pas très élevé; je pense qu'il y en avait 8 ou 10 p. 100. La participation aux comités est très épisodique; en d'autres termes, ils sont présents lorsque le sujet les intéresse ou intéresse l'un d'entre eux, parce qu'ils ont le sentiment d'avoir l'expérience et l'expertise nécessaires pour participer au débat.

De ce que je comprends, ils ne doivent pas s'acquitter de la responsabilité quotidienne qu'ont les partis de participer au débat parce que, comme vous le savez très bien, le travail est structuré en fonction de l'organisation du parti et des responsabilités du parti.

Ma question au sujet des membres indépendants est la suivante : en ce qui a trait aux éléments essentiels, quelle est la distinction qui rendrait votre modèle aussi efficient sur le plan de l'examen des projets de loi que le modèle comportant une structure de partis qui a cours présentement dans la Chambre des lords et ici au Sénat?

La sénatrice McCoy : Je pense que j'ai répondu à la question sur les différences. Je dirai une fois de plus que j'ai été convoquée au Sénat. Chaque année, je signe la déclaration relative à l'éthique attestant ainsi du fait que j'ai lu notre code d'éthique et notre code sur les conflits d'intérêts. Le paragraphe 2(1) stipule que je dois d'abord et avant tout me consacrer à mon devoir sénatorial, avant toute chose. Je pense que vous en étiez l'auteur principal de ce paragraphe et nous l'avons ajouté en 2014.

Il s'agit d'un fardeau de responsabilité que j'accepte, comme le font tous les autres sénateurs. Vu la capacité limitée dans la Chambre de 105, hormis le groupe des huit nommés dans le cadre de l'adoption de la TPS, cela fait toute la différence. Il ne me vient jamais à l'esprit que je peux venir uniquement lorsque j'ai envie de le faire.

Le sénateur Joyal : Toutefois, à qui incombera la responsabilité de s'assurer de la présence continue aux comités des sénateurs indépendants?

La sénatrice McCoy : Ce n'est pas différent de la situation actuelle au sein de votre caucus, sénateur. Vous dites que vous n'avez pas de whip. Par conséquent, qui s'assure de votre présence? Je me souviens d'une journée où un représentant du gouvernement se démenait afin d'obtenir un quorum pour que nous puissions obtenir la sanction royale vers la fin de juin. Je ne me souviens pas d'avoir vu un libéral dans la Chambre ce jour-là. Vous savez qui était là : les conservateurs et les indépendants.

Ce que je suggère a trait à la façon dont vous décrivez votre caucus, donc je vous pose la même question : sans whip, comment vous organisez-vous et comment vous assurez-vous que les gens prennent leur responsabilité au sérieux?

Le sénateur Joyal : Eh bien, très simplement. Parce que chaque semaine, nous recevons une feuille. Nous devons y inscrire si nous serons présents le mardi ou le jeudi et si nous assisterons aux réunions des comités dont nous sommes membres. Sur le plan de l'organisation, il y a quelqu'un qui coordonne notre présence sur une base régulière afin de s'assurer de la présence des membres, et non seulement des membres, mais également des personnes qui souhaitent prendre part aux débats, qui assistent à la réunion après avoir lu le projet de loi et s'être préparés à poser des questions aux experts, qui veulent, si possible, assister aux délibérations et à l'étude du projet de loi.

À titre de membre indépendant, vous ne relevez pas d'un groupe, si ce n'est que pour échanger de l'information que le représentant du gouvernement peut vous donner lors d'une séance de compte rendu. Ce n'est pas du tout la même chose que de s'acquitter de responsabilités quotidiennes.

Voilà pourquoi j'essaie de comprendre, sans caucus politique, qui est responsable de s'assurer d'une présence assidue ainsi que de la préparation de tous les membres — et non seulement d'un seul expert en la matière, afin de s'assurer qu'ils soient prêts et qu'ils s'acquittent des tâches que l'on s'attend d'eux?

Comme vous le savez, nous sommes ouverts au public; donc, ce dernier peut assister pour constater combien de sièges autour de la table sont vides et combien de fois un membre du comité autour de la table peut dire : « Ma question a été posée par le membre précédent. » C'est simple. Ainsi vous retournez à votre bureau et le tour est joué.

Le Sénat se doit d'organiser ses travaux. Je ne conteste pas ce que vous dites. Je me demande plutôt comment on s'assurera de l'organisation des travaux du Sénat, du moins, selon son fonctionnement actuel, afin de maintenir une rétroaction minimale lors des débats. Il s'agit là de ma question.

La sénatrice McCoy : J'ai affirmé tout au long de ma présentation que je crois que nous avons besoin de groupes organisés. Une fois de plus, l'erreur de raisonnement que je constate dans la présentation que vous venez d'effectuer, et que vous faites depuis le début de ce comité, a trait au fait que vous pensez que seuls les caucus politiques peuvent fournir ce niveau d'organisation. Je pense que c'est faux. Je pense qu'un groupe de sénateurs indépendants peut s'organiser à des fins logistiques, tout comme vous l'avez décrit.

Nous avons deux réunions par semaine. Que puis-je dire de plus? Il nous arrive de nous réunir et de parler de nos rôles respectifs et de la présence. Nous respectons nos engagements. Nous envoyons des substituts pour nous remplacer lors des comités.

Souhaitez-vous assister à l'une de nos réunions? Je serais heureuse de vous y inviter. Sachez que vous nous inspirez grandement. Vous, le champion dévoué de plusieurs causes, êtes l'un de nos meilleurs sénateurs, et vous continuerez à l'être pendant longtemps, monsieur.

Le sénateur Joyal : Je vous remercie.

Comme je l'ai dit, je n'éprouve absolument aucune réserve avec le fait que chaque sénateur, les 105 d'entre nous, doive jouer un rôle essentiel dans les activités du Sénat. Ma préoccupation tient au fait qu'il faut s'assurer que notre engagement sur le plan du travail de l'institution se fait dans le cadre d'une organisation...

La sénatrice McCoy : D'accord.

Le sénateur Joyal : ... en vertu duquel chacun et chacune sera non seulement — parce qu'on a signé l'engagement qu'on sera présent, comme vous le dites, comme le veut le principe figurant dans le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. Toutefois, la nature humaine...

La sénatrice McCoy : Je suis entièrement d'accord avec vous.

Le sénateur Joyal : Vous comprenez ce que je veux dire.

La sénatrice McCoy : Vous êtes en train de prêcher à des convertis.

Le sénateur Joyal : Comment votre groupe sera-t-il structuré afin de proposer autant d'efficience?

La sénatrice McCoy : Pourquoi ne nous réunissons-nous pas par la suite afin de comparer nos notes? Si je puis le dire, peut-être saurons-nous vous donner quelques pistes, parce que nous ne le faisons pas en fonction d'un modèle hiérarchique; nous le faisons en fonction d'un modèle de direction du XXIe siècle. Nous apportons de nouvelles idées sur la table, sur le plan même de la façon dont nous opérons, mais ce qui est certain, c'est qu'il faut s'assurer que chacun de nous s'acquitte de ses responsabilités constitutionnelles.

Le sénateur Joyal : Je m'attends davantage à une discussion publique qu'à une discussion en privé.

La sénatrice McCoy : Si je peux suggérer ce qui suit : il s'agit d'une discussion très intéressante, mais elle ne porte pas sur les quatre points qui nous ont été présentés. Il s'agit d'une discussion très valide. J'aimerais avoir l'occasion de réunir un ou plusieurs membres du GSI, un ou plusieurs membres du caucus libéral indépendant ainsi qu'un ou plusieurs membres du caucus conservateur au sein d'un comité afin de discuter de leurs techniques pour s'organiser et s'acquitter de leurs fonctions, et peut-être apprendrons-nous les uns des autres.

Le président : Nous accueillons favorablement toutes les idées, et il se peut que nous le fassions.

Le sénateur Wells : Je vous remercie, sénatrice McCoy et sénateur Joyal de votre question, parce qu'elle englobe une partie de la mienne.

Il s'agit d'une question ayant trait à l'opposition, et vous pouvez comprendre que j'ai un intérêt particulier à ce sujet parce que j'en fais partie.

La sénatrice McCoy : Pour l'instant?

Le sénateur Wells : Je suis encore jeune.

La sénatrice McCoy : Songez-vous à vous joindre à nous, sénateur Wells?

Le sénateur Wells : Non. Je m'attends à ce qu'un jour les conservateurs reprennent le pouvoir.

La sénatrice McCoy : Mes espoirs s'écroulent à nouveau.

Le président : À l'ordre.

Le sénateur Wells : Cependant, sait-on jamais.

Ma question porte sur la structure, et particulièrement celle de l'opposition, parce que nous connaissons votre opposition à une « opposition », et je peux le comprendre. Nous savons que le représentant du gouvernement, ou le leader du gouvernement, a accès à une structure au sein d'une organisation qui propose des projets de loi et fait du lobbying auprès des sénateurs pour ces projets de loi. Nous savons qu'il y a des comptes rendus privés du représentant du gouvernement et nous connaissons l'existence de cette organisation.

Nous savons également qu'il y a un désir marqué du leader du gouvernement — le représentant du gouvernement au Sénat — qu'il y ait une organisation clairsemée ailleurs parce que cela facilite l'adoption du programme de projets de loi du gouvernement.

En l'absence d'une opposition, vous auriez possiblement 102 membres organisés en groupes, qu'il s'agisse d'une organisation géographique ou indépendante, peu importe. Vous attendez-vous à ce qu'il s'agisse d'une organisation organique qui s'oppose ou mette au défi les projets de loi? Pourquoi ne croyez-vous pas en la structure actuelle d'une opposition organisée pour effectuer un examen critique d'un projet de loi? Nous savons évidemment qu'il y a des promoteurs des projets de loi. Ma question est donc la suivante : en l'absence d'une opposition, pensez-vous que l'examen législatif serait organiquement effectué par espoir? Et pour revenir à ce qu'a affirmé le sénateur Joyal, présentement, grâce à l'opposition et aux caucus structurés, on a donc droit à un plan pour une opposition. On a ainsi un plan pour la structure du Sénat. En l'absence d'une opposition, il n'y aurait aucun plan. J'espérerais qu'il y ait de l'opposition ou encore que des personnes de même esprit se réunissent.

Quel serait votre point de vue à cet effet, je vous prie?

La sénatrice McCoy : Nous constatons déjà cette tendance. J'ai arrêté de compter après cinq jours. Il y avait peut-être même sept jours de séance où un membre de l'opposition se levait et déclarait : « Je ne m'oppose pas. » D'une certaine façon, c'est naturel et cela se produit déjà.

Toutefois, je pense que vous nous nuisez et vous nuisez aux Canadiens si vous croyez qu'il y a seulement deux points de vue.

Ce que je souhaiterais, c'est que nous améliorions la qualité de notre examen des projets de loi. Je pense qu'en réalité la recherche que nous allons devoir entreprendre pour examiner les projets de loi du gouvernement va augmenter. J'ignore si vous êtes du même avis, mais je ne ferais pas confiance à un compte rendu technique pour présenter tous les points de vue. Je ne ferais surtout pas confiance à un compte rendu technique d'un défenseur d'un projet de loi qui est du ministère. Je croirais qu'il nous dirait ce qu'il pense, sans toutefois croire qu'il m'offrirait un portrait global ou me donnerait différents points de vue.

En raison de la complexité des nombreux enjeux et du caractère pluraliste de notre société, je pense qu'afin d'effectuer un examen adéquat des projets de loi pour tous les Canadiens, nous devons examiner les choses d'une façon, si je peux me permettre de le dire, plus critique. Vous pouvez appeler cela l'opposition si vous le souhaitez et je ne vous arrêterais pas de le faire. Je ne souhaite pas jouer avec les mots. Je pense qu'ultimement, nous sommes sur la même longueur d'onde, car nous croyons tous deux que les projets de loi doivent faire l'objet d'un examen critique afin de constater s'ils en valent la peine et s'ils ont besoin d'être améliorés. Y a-t-il quelque chose qui a été négligé? Y a-t-il une infraction d'un certain principe de la Charte? Les minorités sont-elles représentées? Met-on trop l'accent sur un bout de l'échelle de valeurs et non sur l'autre? Et les questions ne font que s'accumuler.

Je pense que dans la direction où nous allons, nous doublons réellement notre capacité de critiquer les projets de loi du gouvernement. Vous allez le faire, les libéraux indépendants vont le faire et le GSI va le faire également. S'il y a des sénateurs indépendants qui siègent à l'extérieur d'un caucus politique ou d'un groupe parlementaire, ils le feront eux aussi.

Le sénateur Wells : Tout d'abord, je ne présupposerais pas que je pense qu'il y a uniquement deux façons de faire pour proposer ou s'opposer, parce que la troisième façon consiste à amender, et évidemment nous soutenons cette avenue. Je pense que parfois, spécialement comme nous l'avons vu pour le projet de loi C-14, nous nous félicitons tous un peu trop rapidement. Même s'il s'est agi d'un débat robuste, et que c'était souhaitable, et même si cela a soulevé beaucoup de passions, ce qui a certes été intéressant, beaucoup de sénateurs indépendants et de sénateurs alignés fournissaient des raisons, puis votaient contre ces raisons, sans pour autant comprendre ce en quoi consiste le rôle d'un sénateur ou notre devoir d'évaluer les projets de loi. Un sénateur a déclaré : « Nous avons fait notre travail et envoyé un message au gouvernement », pour par la suite voter pour le projet de loi. Notre travail ne consiste pas à envoyer un message. Lorsque nous votons, nous adoptons, défaisons ou amendons un projet de loi. J'ai déjà entendu un autre sénateur déclarer, à mon grand étonnement : « Je perçois des aspects de ce projet de loi qui sont manifestement inconstitutionnels », pour par la suite voter pour l'adoption du projet de loi.

Bien évidemment, nous parlons de la mort assistée. Nous ne parlons pas d'un projet de loi sur les impôts. Nous parlons de quelque chose qui est véritablement une question de vie et de mort.

Un autre sénateur a déclaré qu'il serait trop dispendieux de faire revenir les députés de la Chambre des communes parce que nous étions à la fin de la session. « Il serait trop dispendieux de faire revenir les députés de la Chambre des communes. Je vais donc appuyer ce projet de loi. » Il se peut toutefois qu'il ne l'appuyait pas en pratique.

Je pense que nous devrions être prudents avant de trop nous féliciter à cet effet.

La sénatrice McCoy : Pourrais-je aborder ce point? Je pense que vous touchez un sujet très important. Vous parlez de conventions parlementaires, si on ne tient pas compte du fait de faire revenir les députés de la Chambre des communes, parce qu'il ne s'agit pas dans ce cas de convention parlementaire. Cependant, le dernier renvoi d'un projet de loi à la Chambre des communes date d'il y a si longtemps que je ne crois pas que l'un de nous autour de cette table — j'ai donc dû faire des recherches à ce sujet à nouveau. Nous avons actuellement élaboré un document afin de nous remettre à l'esprit toutes les pratiques qui prévalent sur le plan de la fréquence où la Chambre haute met au défi la Chambre basse dans une démocratie parlementaire. Il s'agit de ce dont vous parlez.

J'ignore si vous êtes en accord ou en désaccord, mais je sais que beaucoup d'entre nous l'avons renvoyé amendé au premier tour, mais n'avons pas insisté au deuxième. Après avoir discuté avec plusieurs sénateurs, je sais que cette décision était fondée sur leur appréciation de la convention parlementaire, ce qui revient à dire que si vous portez l'affaire à l'attention de la Chambre des communes, et s'ils sont en désaccord, qu'une préférence politique évoquée par le Sénat ne devrait pas prévaloir. Andrew Heard, un universitaire, l'a affirmé très clairement. Je pense que nous l'avons même invité à témoigner ici. Je crois qu'il est le seul à avoir rédigé un livre sur les conventions parlementaires.

La sénatrice Cools : Il existe de nombreuses instances.

Le sénateur Joyal : Il existe des cas très précis où le Sénat a insisté sur des enjeux connexes aux droits conférés par la Charte.

La sénatrice McCoy : Les droits conférés par la Charte font partie du Parlement — il ne s'agit pas d'une préférence politique comme le veut Andrew Heard.

Le sénateur Joyal : Les précédents sont bien connus.

Le sénateur Wells : Je vous remercie beaucoup. Il y a un dernier aspect dont j'aimerais faire mention.

Le GSI était constitué de six personnes au départ, et j'ai la liste restreinte ici. Je sais qu'il se peut que la sénatrice Bellemare n'en fasse pas partie parce qu'elle fait partie d'un autre groupe. Quelle en est donc la composition et comment en comptez-vous les adhérents? Y adhère-t-on si on souhaite être alignés avec eux? Se réunissent-ils en caucus avec vous les mercredis matin à 9 heures? Comment cela fonctionne-t-il?

La sénatrice McCoy : Il ne s'agit pas de l'une des questions sur lesquelles nous nous penchons. Je ne pense vraiment pas que nous devrions entreprendre des discussions à ce sujet. Je pense que nous devrions tenir une réunion du comité...

Le sénateur Wells : Nous parlons de la structure du Sénat et de la façon dont nous conduisons nos affaires.

La sénatrice McCoy : ... entre les deux caucus politiques et le groupe parlementaire que constitue le GSI. À mon avis, vous aimeriez sûrement faire partie de notre groupe, sénateur.

Le sénateur Wells : Je vous remercie. J'aimerais savoir combien d'entre vous seriez présents si vous deviez vous réunir en caucus aujourd'hui, par exemple.

La sénatrice McCoy : Nous l'avons fait.

Le sénateur Wells : Il y a beaucoup de sénateurs indépendants et je me demandais combien vous êtes.

La sénatrice McCoy : Sénateur Pratte, à quand remonte le dernier communiqué que nous avons émis? Il comportait la liste des membres au verso.

Le sénateur Pratte : Quinze.

La sénatrice McCoy : Nous pouvons vous faire parvenir cette information de nouveau si vous le souhaitez. Nous comptions 15 membres à l'époque.

Le sénateur Wells : Donc, vous devez vous inscrire pour faire partie de votre caucus?

Le sénateur Tkachuk : Voilà qui est intéressant.

Le sénateur Wells : Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Stewart Olsen : Purement pour ma propre édification informationnelle, et même si je ne suis pas un expert constitutionnel, la première ligne de la Constitution ne dit-elle pas que le Parlement du Canada sera « ... similaire en principe à celui du Royaume-Uni. » Par conséquent, comment pouvons-nous possiblement prendre des décisions et adopter des changements d'envergure au système de Westminster sans avoir quelque chose de concret? Stephen Harper a tenté d'apporter des changements au Sénat et la cour a dit non, c'est inconstitutionnel. Que faisons-nous donc ici? Est-ce constitutionnel ou non?

La sénatrice McCoy : Il semble que vous ayez une réponse.

Le sénateur Tkachuk : J'en ai une, mais vous ne serez pas en accord avec celle-ci.

La sénatrice McCoy : Une grande partie de nos discussions fait actuellement partie des modes de travail du Sénat.

Sénateur Joyal, votre phrase a véritablement, je le crois, fait pencher la balance dans ce débat. Vous avez dit lors de notre dernière réunion à huis clos que nous devons plutôt nous pencher sur la façon dont nous structurons nos débats. Je pense donc qu'il s'agit de la question à poser : comment structurons-nous nos débats?

Le sénateur Stewart Olsen : Non, j'ai posé une question précise. Pensez-vous que nous survivrions à un défi juridique devant les tribunaux?

La sénatrice McCoy : Absolument, bien sûr.

Le sénateur Stewart Olsen : D'accord, voilà qui est bien.

Je tente de faire progresser le débat. Voici ma deuxième question : de qui les sénateurs indépendants relèvent-ils?

La sénatrice McCoy : Les Canadiens.

Le sénateur Stewart Olsen : D'accord, mais de quelle façon? Vous êtes un grand groupe. Lorsque j'étais à la maison au Nouveau-Brunswick, les gens me disaient : « Vous vous rendez là-bas et vous êtes un penseur. Vous examinez les projets de loi dans la loupe de vos propres expériences, et non sous celle de tout groupe structuré ou de toute structure. » Par conséquent, comment allez-vous dire aux Canadiens qui paient nos salaires : « Je vous représente; je représente vos idées? » Si chacun de nous siège au Sénat et dit : « Je pense que c'est mal parce que j'ai grandi et que mon père disait que c'était mal. » En effet, je pense que vous devriez être très prudente à propos de ce que vous demandez parce que nous devons être très clairs à ce sujet. Vous empruntez un chemin épineux sans toutefois vous attarder aux épines. C'est bien beau de parler de choses ésotériques, mais vous devez en revenir au fait que les Canadiens paient nos salaires. Nous relevons d'eux d'une certaine façon et il s'agit là de la question. Si nous choisissons d'adopter toutes ces nouvelles façons de faire, comment rassurerons-nous les Canadiens? Comment pourrais-je alors affirmer à mes gens du sud-est du Nouveau-Brunswick : « Je vous représente? »

La sénatrice McCoy : Comment le dites-vous maintenant?

Le sénateur Stewart Olsen : Je peux tout de même le dire parce que je suis dans un modèle où tout le monde sait que je suis un conservateur, mais il m'arrive...

La sénatrice McCoy : Donc, vous représentez le parti politique?

Le sénateur Stewart Olsen : Non, je vous prie, ne m'interrompez pas. Il m'arrive de consulter mes concitoyens au sujet d'enjeux comme la mort assistée. Je l'ai donc fait. J'ai également consulté mes leaders provinciaux de différents partis. J'ai tenté d'obtenir une certaine rétroaction afin de décider comment voter à ce propos parce qu'il s'agissait d'un projet de conscience et non d'un projet de loi de whips de parti. Toutefois, nous devons prendre une décision à cet effet.

La sénatrice McCoy : Laissez-moi vous donner un exemple.

Certaines personnes appelleraient cela une pensée de groupe, mais d'autres ont une meilleure façon de le définir, je pense. Vous avez une valeur de base qui est donc assez bien étiquetée. Je pense qu'il ne s'agit pas d'une étiquette très parfaite, étant donné que je proviens également de la tradition progressive conservatrice. Il ne s'agit pas non plus d'une étiquette très précise, et elle ne permet pas beaucoup d'individualité dans son application.

Laissez-moi vous rappeler le discours de la sénatrice Omidvar à l'étape de la deuxième lecture. Elle parlait du projet de loi C-6. Elle a mentionné la quantité de personnes qu'elle avait consultées qui étaient touchées par le projet de loi et qui en vivaient les conséquences. Elle consultait des personnes de Toronto, sa circonscription, si je peux dire, parce qu'elle y a vécu un certain temps.

Laissez-moi donc vous demander, lorsque vous vous en remettez au sénateur Eggleton qui travaille pour les sans-abri et travaille pour l'égalité des revenus, combien de fois lui arrive-t-il de consulter des connaissances pour savoir leur point de vue, et combien de fois lui arrive-t-il de s'adresser aux Torontois?

Le sénateur Stewart Olsen : Je comprends votre point de vue.

La sénatrice McCoy : Vous parliez aux gens que vous connaissiez de votre collectivité. Nous le faisons tous.

Le sénateur Stewart Olsen : Non, je ne crois pas, et c'est évidemment au cœur d'en venir à ce que pensent les Canadiens du Sénat.

Si nous adoptons votre façon de faire, je crois alors que nous devrions commencer à comprendre comment nous nous connecterons avec les Canadiens. Au moins dans le cadre du système de parti, les députés élus nous présentent les projets de loi puis une bande de penseurs l'examine. Donc, nous devrions modifier cette perception.

J'espère que cela ne vous dérange pas, je comprends ce que vous dites. Je sais que certaines personnes cherchent à savoir ce que pensent les autres, mais on a tendance à le faire avec les gens avec qui on a une affinité, et non à faire un rapprochement organisé vers ceux qui doivent être consultés — qui peuvent ne pas être en accord avec vous ou appartenir à un parti différent. Donc, vous ne pouvez simplement dire : « Je consulte ce groupe » sans qu'il y ait une certaine forme de structure.

La sénatrice McCoy : Je vais répondre très rapidement à ce que veulent les Canadiens. Ce que les Canadiens veulent, ils l'ont exprimé à Nick Nanos dans un sondage en mars dernier. Trois Canadiens sur quatre souhaitent que les sénateurs ne fassent pas partie d'un caucus politique.

Je comprends votre point de vue : comment communiquons-nous avec eux? C'est quelque chose que nous arrivons difficilement à faire et nous continuerons d'éprouver de la difficulté à cet égard. Je pense toutefois que nous faisons des progrès. Il s'agit d'un point valide.

Le président : Nous allons tenter de conclure la discussion parce que nous avons une autre réunion. Beaucoup de gens doivent partir à 13 h 30, donc nous tenterons d'être un peu plus brefs.

Le sénateur Tkachuk : Nous sommes tous nommés; nous nous faisons tous payer. Nous sommes ici jusqu'à l'âge de 75 ans. Personne ne peut nous renvoyer. J'ai toujours dit que si nous n'avions pas de partis politiques, nous opérerions comme un bureau politique. C'est ce qu'on tente d'organiser ici, lorsqu'on y pense bien.

L'éléphant dans la boutique de porcelaine, la raison pour laquelle nous faisons toutes ces démarches, c'est en raison des scandales politiques. Soyons bien francs. Voilà pourquoi les Canadiens sont si mécontents. Ce n'est pas parce que nous ne faisons pas notre travail, mais plutôt parce qu'ils pensent que nous ne faisons pas notre travail.

En ce qui a trait au système de Westminster et des modèles dont vous parlez, ce système est fondé sur l'idée d'appartenance ou d'opposition au gouvernement. Voilà sur quoi il se fonde. Le reste, ce sont des immeubles et des façons de faire et ainsi de suite. Il s'agit simplement de règlements et d'organisation, mais fondamentalement, dans ce système il faut une opposition.

Vous n'en souhaitez pas. Le sénateur Harder ne souhaite pas d'opposition. Il veut plutôt que l'on dirige le Sénat comme un ministère. Plusieurs d'entre nous croient au système de Westminster.

Mes parents seraient probablement indignés que nous tenions cette discussion. D'appartenir à un parti politique constituait, selon eux, l'un de leurs plus grands privilèges à leur arrivée ici. Ils seraient indignés par notre discussion — totalement indignés.

Le fait que nous nommions une bande d'indépendants, je veux bien. Qu'est-ce que cela peut bien me faire? Toutefois, que vous tentiez de vous débarrasser de la loyale opposition me préoccupe, sénatrice McCoy, je m'en préoccupe fortement.

Je souhaite savoir comment un système parlementaire fondé sur le modèle américain — je crois qu'il s'agit du modèle américain, mais ils ont une opposition et un gouvernement, comme nous. Il s'agit d'exactement la même chose. Comment allons-nous opérer sans une loyale opposition, sans que cela soit le paradis sur Terre? Comment y arriverions-nous?

La sénatrice McCoy : Laissez-moi vous rappeler — car je l'ai dit à de nombreuses reprises — je n'ai aucune objection aux caucus politiques. Je pense qu'il s'agit d'une diversion.

Je vous dirai donc ce qui suit : la Chambre basse est un élément du modèle de Westminster qui correspond au nôtre et les gouvernements responsables sont l'un des éléments qui lui correspondent le mieux. Le premier ministre est la personne qui dirige le parti majoritaire, ou au moins le plus important parti d'un gouvernement minoritaire. Ce dernier joue le rôle de chef du gouvernement jusqu'au moment de perdre la confiance des députés élus de la Chambre basse.

Dans cette Chambre, depuis 1874, la tradition veut qu'il y ait toujours eu la loyale opposition de Sa Majesté. Il s'agit en réalité du gouvernement en attente et il y a une très bonne raison pour cela. Nous avions des rois et des reines — « Le roi est mort, vive la reine » — mais le pouvoir exécutif lui ne meurt jamais. Il s'agit d'un principe fondamental dans certains contextes constitutionnels de base...

La sénatrice Cools : C'est encore fondamental.

Le sénateur Tkachuk : Encore fondamental.

La sénatrice McCoy : Je le dis aussi. En pratique, nous avons besoin de quelque chose qui rende cela opératoire. La façon que les citoyens du Royaume-Uni ont créé cet hybride, comme ils l'appellent, et je pense qu'il s'agit de leur secret le mieux gardé, c'est qu'ils ont un gouvernement en attente qui pourrait prendre le pouvoir en un tournemain. Donc, il y a toujours un gouvernement. Le pouvoir exécutif est toujours en action, car le gouvernement, c'est uniquement le premier ministre et le Cabinet. Les députés d'arrière-ban ne constituent pas le gouvernement.

La sénatrice Cools : Il n'inclut pas le gouverneur général.

La sénatrice McCoy : Oui, il l'inclut, à titre de représentant de la Couronne.

La sénatrice Cools : Le représentant non pas de la Couronne, mais de la reine. Il a un rôle de promulgation que lui confère la constitution, rien ne devient loi dans ce pays sans l'assentiment du gouverneur général.

Le président : Sénateur Eggleton, je vous prie.

Le sénateur Eggleton : Je vais mettre de côté le débat sur le système Westminster et l'opposition officielle pour le moment. Je souhaite vous poser une question au sujet de la réalité de la situation actuelle.

Le premier ministre a décidé de modifier le système et la façon dont on effectue les nominations. Un nouveau mécanisme de contrôle a été instauré. Les sénateurs sont nommés pour être indépendants et moins partisans.

D'après ce que j'observe dans le fonctionnement du processus de sélection, nous allons continuer de voir de telles personnes accéder à la Chambre. Certains d'entre eux appartiennent à votre groupe, et je pense que votre groupe pourrait être considéré comme le groupe de transfuges, au moins sur le plan de l'organisation. Des personnes de différents points de vue politiques et ayant des valeurs différentes y siègent à des fins organisationnelles.

Oui, il y en a certains qui sont conservateurs et d'autres qui étaient anciennement du caucus libéral, mais les nominations qui ont été effectuées au printemps, à l'exception du sénateur Harder, qui est le représentant du gouvernement — je ne considère pas qu'il est un indépendant, en effet les six autres sont des indépendants. Je crois qu'aucun d'entre eux ne s'est joint aux caucus libéral ou conservateur. Je pense qu'ils tentent probablement de rester fidèles au fondement de leur nomination, soit d'être indépendants et moins partisans. Comme vous le dites, il s'agit d'un discours très populaire.

Si je poursuis dans cette voie, et que je ne conçois aucune raison pour laquelle le gouvernement devrait changer — vous ne savez jamais, mais pour le moment, je ne vois pas pourquoi le gouvernement changerait la donne — nous pourrions ultimement aboutir avec 105 indépendants dans la Chambre. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une mauvaise chose, même si certains ont appelé cela « 105 poissons flottants ».

Comment pensez-vous que cela fonctionnera? Si ces personnes sont nommées afin d'être des indépendants moins partisans, il se peut qu'ils se joignent à votre groupe, parce qu'il s'agit d'un groupe organisationnel, mais il est peu probable qu'ils se joignent au caucus conservateur ou libéral, à mon avis. Comment pensez-vous que cela fonctionnera?

Je pense que nous perdrons beaucoup de conservateurs l'an prochain, qui ont accepté d'être ici pendant seulement huit années.

La sénatrice McCoy : C'est vrai.

Le sénateur Eggleton : Je pense que nous nous dirigerons vers un nombre beaucoup plus grand d'indépendants très bientôt. Comment pensez-vous que tout cela fonctionnerait?

La sénatrice McCoy : Comme je l'ai dit plus tôt, je crois qu'il doit y avoir des groupes organisés. Absolument.

Est-ce que je pense que nous devons être disciplinés dans la façon dont nous structurons les débats et dont nous examinons les projets de loi? Absolument.

Ai-je toutes les réponses? Non.

Est-ce que je souhaite qu'il n'y ait plus jamais un seul groupe qui aura la majorité absolue au sein de cette Chambre? Oui.

Nous constatons les données. Elles m'inquiètent. Je crois que, franchement, cela pourrait se produire. Ils pourraient vous observer, voir comment vous gérez les enjeux, comment vous acquérez une erre d'aller politique avec certains thèmes et décider qu'ils souhaitent travailler très étroitement avec vous et ainsi, ils se joindront à votre caucus. Je conçois qu'il pourrait s'agir d'une possibilité.

Je peux le voir comme une possibilité du côté conservateur également, particulièrement en ce qui a trait à l'expertise dans ce caucus.

Pourquoi pas? Pourquoi ne ferait-on pas cela?

Le sénateur Eggleton : Parce qu'ils sont nommés à titre d'indépendants et de non-partisans. Ne ressentirait-il pas une obligation tout comme les sénateurs conservateurs qui ont dit qu'ils resteraient pendant huit années?

La sénatrice McCoy : Je suis certaine que oui. Je pense qu'il s'agit d'un virage marqué. Je pense qu'auparavant, la majorité des nominations — et non toutes —, étaient accordées comme une récompense, puis il y avait une obligation. Je ne pense pas que les gens perçoivent une obligation maintenant.

La sénatrice Cools : Je n'ai reçu aucune récompense. Il n'y a eu aucune récompense pour moi. J'ai été personnellement identifiée par M. Trudeau lui-même.

Le sénateur Joyal : Dans le Cabinet...

La sénatrice Cools : Je suis si heureuse, car, vous étiez là. Je sais qui m'a appuyée et qui ne l'a pas fait.

Le sénateur Tkachuk : Vous vous en souvenez encore.

La sénatrice Cools : Très bien.

Le système britannique en Amérique du Nord était prêt à être souple et à effectuer certaines adaptations parce qu'il comprenait, à l'époque, qu'il allait créer un système constitutionnel pour un nouveau pays, que l'on avait partiellement colonisé, partiellement conquis et où existaient d'énormes différences religieuses et linguistiques.

Ils ont adapté leur système, aussi brillant est-il et était-il. Il reste encore l'une des plus importantes créations de l'humain, je crois, parce qu'on n'avait pas une aristocratie ici sur lesquelles se fier, et on ne savait pas si les nouveaux Canadiens souhaitaient une aristocratie. Donc, ils ont conçu quelque chose qui ressemblait beaucoup à la Chambre des lords à qui on a accordé des pouvoirs encore plus grands sur le plan financier — les articles 53 et 54 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867 — et c'était ce que les politiciens ici souhaitaient obtenir.

Vous avez parlé de lord Carnarvon. Il était un réel génie, un géant sur le plan intellectuel.

Lorsque nous jetons un regard en arrière vers cette époque et que nous disons qu'il y avait alors moins de partis politiques qu'il y en a maintenant, je pense que ce n'est pas juste. Je pense même que c'est futile de comparer les partis politiques d'aujourd'hui à ceux de l'époque de sir John A. Macdonald. Les partis politiques du jour sont bien rodés, bien huilés, bien financés, des machines qui fonctionnent bien. Ce n'était pas le cas à l'époque. Lorsque vous comprenez les conditions et les limites auxquelles ils devaient se mesurer, beaucoup de projets de loi des premiers temps étaient rédigés personnellement par sir John A. Macdonald lui-même. Pour le pacte confédératif, il a lui-même rédigé au moins 44 des 72 résolutions qui sont devenues l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867.

Nous ne pouvons pas véritablement comparer la politique et les partis politiques dans le Sénat ou la Chambre des communes aujourd'hui parce qu'il s'agit de deux réalités différentes. Ces temps étaient beaucoup plus simples. C'est là mon deuxième point.

Lorsqu'on parle du Sénat, vous mentionnez l'enjeu de la proclamation. La proclamation dont vous parlez est la proclamation de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867. Il ne s'agissait pas d'une proclamation de sénateurs. Toutefois, ils ont atteint un consensus clair en 1864 lors de la conférence de Québec à propos du fait que les membres de la nouvelle Chambre haute — souvenez-vous, la constitution de la Chambre haute était le point névralgique de l'accord. S'il ne pouvait en venir à un accord à ce sujet, tout était terminé, ils feraient leurs valises et partiraient à la maison.

On en a convenu en 1864. C'est très bien enregistré dans les travaux de Joseph Pope que la nouvelle Chambre haute serait choisie et que ses membres seraient choisis à partir des vieilles Chambres hautes, alors appelées les conseils législatifs. On en a convenu et ils étaient heureux d'en venir à cette entente.

George Brown a fait une magnifique déclaration lors des débats de la Confédération quand il a dit que le contentieux pour les Canadiens du Haut — ils les appelaient les citoyens du Haut et du Bas à l'époque — était qu'ils allaient partir s'ils n'obtenaient pas une représentation par la population. Ils ont dit : « Nos amis du Bas-Canada, leur contentieux avait trait à l'égalité de la représentation dans la Chambre haute. »

Comprenons-le bien. Ces éléments n'ont pas été tirés d'un chapeau. Ils ont été le fruit de certains hommes brillants, très qualifiés et expérimentés qui se sont rencontrés et qui avaient le dos au mur. Il y avait une guerre civile terrible qui faisait rage aux États-Unis d'Amérique. Les Américains provoquaient la guerre avec les Britanniques et ils avaient l'intention d'annexer le Canada et de conquérir le pays par la suite.

De plus, ils devaient vivre avec les Fenians. Aujourd'hui, tout le monde a oublié les raids des Fenians.

Donc, je ne pense pas qu'il soit vraiment utile de comparer certaines de ces choses parce que vous parliez de périodes politiques complètement différentes.

Le Parti libéral du Canada n'a véritablement été créé que sous Laurier. Laurier était un député pendant de nombreuses années, soit depuis 1874, mais il est devenu premier ministre en 1896. Et c'était une époque marquante au Canada — jusqu'en 1911.

Il s'agissait d'un autre géant. André Pratte a écrit à son sujet.

Je dois partir; certaines personnes du Conseil du Trésor m'attendent.

En tout cas, ce que j'essaie de dire...

La sénatrice McCoy : Sauvée par le Conseil du Trésor. Combien de gens peuvent en dire autant?

La sénatrice Cools : Pas du tout. C'est très important. Nous parlons du nombre de personnes en Grande-Bretagne qui assistent ou non à la Chambre des lords, mais il faut comprendre que le volume de travail effectué par le gouvernement sur le plan des projets de loi et des lois dépasse et de loin tout ce que nous connaissions à l'époque.

Donc, nous devons véritablement appliquer une toute nouvelle perspective, mais nous devons respecter les principes. Les principes sont qu'un gouvernement devrait amorcer un débat dans le Sénat avec une base de soutien. Personne ne devrait avoir à se lancer dans tous les sens afin d'obtenir du soutien pour chaque projet de loi.

Voilà où on a eu l'idée des partisans du gouvernement et des partisans de l'opposition. Je ne vois pas comment nous pouvons abandonner cette structure et la rejeter du revers de la main très rapidement. Je ne vois pas comment c'est possible et comment nous pourrions encore nous appeler une constitution semblable en principe à celle de la Grande-Bretagne.

De toute façon, nous devrons poursuivre ce débat un autre jour. Je dois partir. Faites-moi confiance, mes amis : j'ai lu beaucoup, et non juste un peu — au sujet de ces enjeux. En fin de compte, l'homme qui ressort du lot comme géant est sir John A. Macdonald.

Et je remercie Dieu que nous ayons un homme comme M. Brown qui était préparé — il était l'un des réformateurs; ils étaient les premiers réformateurs — et ils étaient prêts à effectuer des compromis. Voilà le génie de ce qu'ils ont produit. Ils se sont réunis dans des conditions difficiles, ils avaient leurs propres points de vue, mais ont été en mesure d'en venir à une entente. Voilà quelque chose qui est très difficile à réaliser pour des personnes à forte personnalité.

De toute façon, au revoir. Je dois partir.

Le président : Je vous remercie.

Sénatrice Frum.

La sénatrice Frum : J'ai deux questions brèves. La première constitue un suivi au sujet de l'échange que vous avez eu avec le sénateur Eggleton il y a un moment.

Le sénateur Eggleton a affirmé, et je suis d'accord avec lui, que les sénateurs qui ont été nommés par le premier ministre Trudeau ne sont pas libres de se joindre aux caucus libéral ou conservateur parce qu'ils se sont engagés envers le premier ministre à rester indépendants. Cela ne révèle-t-il pas un paradoxe selon lequel ils ne peuvent pas être terriblement indépendants s'ils sont liés à une promesse qu'ils effectuent au premier ministre en poste?

La sénatrice McCoy : Je n'ai pas eu la chance d'apprendre à connaître les six qui ont été assermentés hier de la même façon que j'ai appris à connaître les six qui sont membres du GSI, mais je peux dire, à la suite de mes conversations avec ces six collègues qu'aucun d'eux n'a fait cette promesse. En effet, plusieurs d'entre eux m'ont dit, sans être invités à le faire, que c'était tout le contraire. Donc, lorsqu'ils ont été invités à se joindre à nous, ils ont dit : « Pouvez-vous garantir que je serai indépendant? » Donc, il s'agissait du premier ministre qui effectuait la promesse, et non le nouveau sénateur.

Par conséquent, votre hypothèse, je crois, est mal fondée. En réalité, je crois que le sénateur Eggleton, qui a présenté cette hypothèse, a commencé à changer d'avis vers la fin.

J'ai cru vous l'entendre dire.

Le sénateur Eggleton : Je n'ai pas parlé d'une promesse. J'ai dit qu'ils se sentiraient peut-être « tenus par l'honneur ».

La sénatrice McCoy : J'ai dit que je ne le pensais pas et vous avez semblé être d'accord avec ce fait.

Nous apprendrons à les connaître, sénatrice Frum. Il se peut que vous trouviez que votre hypothèse est vraie pour certains d'entre eux et non pour d'autres. Je l'ignore.

La sénatrice Frum : Il y a quelque chose d'intrigant au sujet de l'échange qu'il y a eu entre les sénateurs et le premier ministre qui les a appelés au Sénat. Il y a eu un certain échange à propos des attentes à leur sujet, manifestement, auquel nous n'avons pas eu accès.

En passant, il n'y avait aucune attente de la part du premier ministre Harper au sujet d'un mandat de huit années.

La sénatrice McCoy : Tant pis.

La sénatrice Frum : Parce que vous pourriez vous débarrasser de l'opposition tellement plus rapidement si c'était vrai, n'est-ce pas?

La sénatrice McCoy : Pour ma part, j'ai été nommée par un premier ministre libéral, Paul Martin. Je ne l'ai pas rencontré à ce jour. Il m'a appelé; l'appel téléphonique a duré 30 secondes. Je peux attester personnellement qu'il n'y a jamais eu d'obligation qui m'a été imposée lorsque j'ai été nommée au Sénat. Donc, tous les sénateurs ne sont pas arrivés ici avec cette attente, expresse ou tacite, que l'on soutienne une certaine ligne de parti ou une certaine façon de penser. Il y a une possibilité maintenant que l'on établit une expérience quelque peu semblable à la mienne.

La sénatrice Frum : Il serait intéressant de connaître, je suis certaine que vous serez d'accord, la nature de ces conversations qui ont eu lieu entre le premier ministre Trudeau et ses personnes nommées au sujet de ses attentes envers eux.

La sénatrice McCoy : Nous verrons. Je ne sais pas.

J'invite le sénateur Pratte, si vous le souhaitez bien, à partager son expérience avec nous.

La sénatrice Frum : Je souhaite tout d'abord vous poser une question. Je ne pense pas que dans votre présentation, vous ayez mentionné quelle autre démocratie occidentale a aboli son opposition officielle dans l'un de ses organes parlementaires dans le cadre d'un processus de modernisation.

La sénatrice McCoy : Je ne pense pas en avoir constaté. Toutefois, nous ne cherchions pas des processus de modernisation comme tels.

La sénatrice Frum : Je dis simplement que ce comité est dédié aux façons dont nous pouvons moderniser le Sénat. L'idée principale issue de ce comité, c'est que si vous abolissez l'opposition officielle, vous avez rendu votre organe parlementaire plus moderne. Je pose donc la question : cette idée est-elle confirmée par quelque chose qui s'est produit ailleurs dans le monde occidental?

La sénatrice McCoy : Je pense qu'il y a certains exemples où les Chambres hautes ne sont pas consacrées à cela.

La sénatrice Frum : En avez-vous certains en tête?

La sénatrice McCoy : Je devrai vérifier la liste parce que je ne les ai pas tous mémorisés. Il en existe 79 et ils sont dispersés géographiquement.

La sénatrice Frum : En Chine et en Iran et à des endroits comme ceux-là.

La sénatrice McCoy : Non, pas en Chine et en Iran. Nous parlons de démocraties parlementaires et nous éliminons des personnes de la liste si...

La sénatrice Frum : Vous savez quoi, je ne pense pas qu'il existe d'exemple, mais si vous en avez un...

La sénatrice McCoy : Je regarderai. Vous devez avoir un peu de foi.

La sénatrice Frum : Il ne s'agit pas d'une question de foi. Je pense que la démocratie est bien servie lorsqu'il y a une opposition.

Croyiez-vous lorsque vous pensiez à des façons de moderniser le Sénat que le problème avec cette Chambre est que des sénateurs non élus n'ont pas une assez grande influence et un assez grand pouvoir? Je pense que nous pouvons au moins convenir des recommandations que vous mettez de l'avant sur la façon de moderniser le Sénat, l'influence et le pouvoir des sénateurs individuels augmentera.

La sénatrice McCoy : Il y a quelques jours, dans son article du Globe and Mail, Ken Whyte a déclaré que lorsqu'il était jeune et qu'il travaillait à titre de personnel d'entretien du terrain de l'Assemblée législative de l'Alberta, il a rencontré Peter Lougheed et des années plus tard, Peter a déclaré : « Pourquoi souhaiterait-on être élu? »

La sénatrice Frum : Certainement.

La sénatrice McCoy : Voici une autre chose que Peter a déclarée, et l'a absolument bannie de notre vocabulaire, c'est qu'il ne permettrait pas à l'un de ses électeurs — et j'étais l'un d'eux, dans son association de circonscription; je faisais partie de son cabinet; j'étais toujours au cabinet; je n'étais pas une députée d'arrière-ban — il ne nous permettait jamais de dire que lui ou le Parti progressiste-conservateur de l'Alberta était au pouvoir. Il disait : « Nous sommes en exercice; nous sommes ici pour servir. »

Donc, cette façon de penser a été enracinée chez ceux d'entre nous qui ont été élevés dans la tradition de Lougheed. Nous sommes ici pour servir. Nous ne sommes pas ici pour le pouvoir et l'influence; nous sommes ici pour servir. C'est ce que dit la convocation, pour conseiller et assister.

La difficulté que nous connaissons tous au sujet des structures, particulièrement lorsqu'elle a été intégrée à l'article 36 de la Constitution — et je pense que ce serait illégal de tenter de le modifier — c'est que nous sommes tenus de régler les questions avec des votes majoritaires. Donc, en réalité, on permet ainsi une possibilité de l'oppression de la majorité.

Donc, ce que nous voyons de temps en temps — pas tout le temps — de la façon qu'on avance et on recule, il arrive qu'il y ait une accumulation que nous ayons maintenant 55 conservateurs. Puis, la balance penche dans l'autre sens et il y a par la suite 58 libéraux. Il y a toujours eu ces deux groupes, un qui entre, l'autre qui sort, et un qui a toujours la majorité absolu et qui peut faire ce qu'il souhaite, et cela entraîne ainsi la possibilité d'ententes qui ne seraient pas nécessairement saines s'il y avait plus de partis au Sénat.

L'exemple ultime de cela constitue le génie de George-Étienne Cartier. Anne Cools ne sera pas d'accord avec moi à ce sujet, mais je dis que le véritable génie de la Confédération canadienne était George-Étienne Cartier. En fait, John A. Macdonald a déclaré lui-même qu'il n'y aurait jamais eu de Canada, n'eût été Cartier. Cartier était l'un des seuls qui ait dit — et c'est pourquoi on s'est entendu sur le fait qu'il y aurait un sénat et son pendant — que la seule façon pour nous de préserver notre hégémonie culturelle et linguistique dans le Bas-Canada, parmi les francophones, c'est si nous avons plus de deux partis. Évidemment, on tirait cela de l'expérience, parce qu'il y avait eu une impasse entre le Haut-Canada et le Bas-Canada.

La sénatrice Frum : Était-ce votre intention d'habiliter, plus que le système actuel le permet, les sénateurs individuels?

La sénatrice McCoy : Non. Ciel. Pourquoi voudrais-je le faire? Je pense, toutefois, que nous serions ainsi encouragés à améliorer le niveau et le degré d'examen des projets de loi. Je pense que nous devrions devenir plus raffinés. Comme je persiste à le dire, nous avons les cerveaux pour le faire, et je vous inclus parmi ceux-là. Nous avons affaire à des personnes très intelligentes ici.

Le président : J'aimerais mettre fin à la séance.

Je vous remercie, sénatrice McCoy. Nous avons eu droit à une excellente discussion.

Je souhaite le reconnaître une fois de plus : la raison pour laquelle nous tenons ces débats libres où les gens ne se coupent pas la parole — ce qui je le sais peut devenir parfois frustrant — c'est qu'il s'agit d'une façon de créer un consensus au sujet d'enjeux.

Cette discussion aujourd'hui m'a aidé, à titre de président, à voir la direction dans laquelle nous nous engageons. Voilà pourquoi nous avons ces débats libres. Je sais que c'est frustrant, mais nous devons tout le temps y consacrer une heure et demie. Ce débat a été très utile.

Je vous remercie beaucoup, sénatrice.

La sénatrice McCoy : Je n'ai pas trouvé cela frustrant; j'ai trouvé le tout stimulant. Je suis reconnaissante de l'occasion de participer à un débat aussi vivant. Je vous remercie beaucoup.

Le président : C'était stimulant. Je peux maintenant aller à la maison et rédiger une partie du rapport.

(La séance est levée.)

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