Délibérations du Comité sénatorial spécial
sur la
Modernisation du Sénat
Fascicule n° 17 - Témoignages du 21 mars 2018
OTTAWA, le mercredi 21 mars 2018
Le Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat se réunit aujourd’hui, à 12 h 3, pour examiner les façons de rendre le Sénat plus efficace dans le cadre constitutionnel actuel (étude d’une ébauche de rapport).
Le sénateur Stephen Greene (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. Je tiens à saluer le sénateur Pratte, qui remplace le sénateur Massicotte, ainsi que le sénateur Tkachuk, qui remplace le sénateur Maltais.
Nous examinons aujourd’hui une ébauche de rapport mis à jour sur le système de Westminster. Le rapport a été révisé pour tenir compte des commentaires des membres du comité à la dernière réunion. Je propose que nous passions directement aux modifications que le personnel a apportées à la suite de cette rencontre.
Si vous avez le rapport sous les yeux, vous verrez à la page 12 les ajouts proposés par la sénatrice Bellemare et le sénateur Massicotte concernant le processus de nomination à la Chambre des lords. Le passage est en jaune dans le document.
Toujours à la page 12, vous trouverez une note explicative proposée par la sénatrice Frum sur le fait que le premier ministre nomme les membres de l’opposition au Royaume-Uni.
Plus loin, une puce a été ajoutée à la ligne 9 de la page 15 : « les règles et procédures qui permettent de protéger et de gérer l’opposition ». À la page 16, nous avons également corrigé la grammaire à la ligne 3.
Pour terminer, vous trouverez à la ligne 13 de la même page une modification proposée par la sénatrice Frum et le sénateur Wells aussi, je crois, qui précise que les idées et opinions exprimées dans le rapport sont dans les limites de la Constitution, ce qui est très bien, évidemment.
Je voudrais donc d’abord permettre aux deux membres du comité de direction de dire quelques mots.
Le sénateur Joyal : Je suis tout à fait d’accord sur la mention, à la page 12, du processus de nomination au sein du système de Westminster. En effet, je trouve utile de comprendre la façon dont les choses ont évolué là-bas, et la façon dont la première ministre exerce sa prérogative — dans le cas de Mme May — de nommer divers groupes à la Chambre des lords après la consultation des partis respectifs et de la commission qui doit approuver toutes ces nominations. C’est utile étant donné que le mécanisme existe depuis au moins 10 ou 12 ans. Le système a donné des résultats. Il est utile que les sénateurs lisent l’information pour savoir à quel point le système est souple et réaffirme le principe en cause qui prend une nouvelle forme. Je suis donc d’accord là-dessus.
En ce qui concerne les modifications apportées à la page 15, la ligne 9 fait référence à la présence de l’opposition. Je me demandais si c’était suffisant, compte tenu de la discussion que nous avons eue à la table.
Par ailleurs, je veux parler d’un article que le professeur Paul Thomas a publié le 2 mars dernier dans le Winnipeg Free Press. Certains d’entre vous connaissent peut-être l’auteur. Il est professeur émérite en études politiques à l’Université du Manitoba, et il a beaucoup écrit à propos du Sénat. Son article s’intitule « The ’new’ Senate can work constructively », et je pourrai le distribuer. M. Thomas a déjà témoigné à quelques occasions devant le Parlement. Je le connais personnellement, et je déclare d’entrée de jeu mon intérêt. Il faisait partie du groupe de professeurs qui s’est réuni pour publier le livre sur la protection de la démocratie canadienne.
Je souhaite lire une phrase tirée de l’article de M. Thomas :
Une opposition légitime et efficace est certes essentielle à la santé de la démocratie parlementaire, et plusieurs types d’opposition existent déjà au sein du processus parlementaire.
En d’autres termes, M. Thomas admet qu’une opposition légitime et efficace est essentielle à la santé de la démocratie parlementaire. Je pense qu’on reconnaît ici une réalité propre au régime de gouvernement Westminster que nous partageons avec d’autres pays. Je me demande toutefois si le texte de notre rapport en parle suffisamment, de façon à ce que nous tenions compte de la situation actuelle et de son évolution possible, comme il se doit. À mes yeux, l’essentiel est d’avoir une démocratie parlementaire saine, ce qui nécessite une opposition efficace et légitime. L’opposition n’est donc pas une chose avec laquelle nous devons composer si nous en avons une. Au contraire, elle est essentielle à l’efficacité et à la légitimité de la démocratie parlementaire.
Je tenais à le dire puisque, comme je l’ai dit, ce n’est pas mon témoignage, et je n’ai pas demandé à M. Thomas de rédiger cet article. Il écrit, bien sûr, ce qu’il juge convenable de publier. Je trouvais l’article intéressant, et je recommande aux autres sénateurs d’en prendre connaissance puisqu’il précise la façon dont le « nouveau Sénat peut travailler de façon constructive ». Je pense que cela fait partie de notre réflexion actuelle. C’est ce que je voulais préciser au compte rendu.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, sénateur McInnis?
Le sénateur McInnis : Rien de majeur. C’est une évidence à la page 12, à la suite de la consultation des chefs des partis de l’opposition. Je me demandais si nous ne pourrions pas adapter le mécanisme à notre Parlement. Il pourrait être possible de nommer — je ne propose pas de modification ou quoi que ce soit d’autre; ce n’est qu’un commentaire — de façon à ce que les sièges de l’opposition soient appuyés. Je ne vous demande pas d’en discuter ni même d’argumenter. Cela me convient, et le reste aussi.
Le président : Bien. Quelqu’un d’autre souhaite faire une remarque?
Le sénateur Wells : Vous vous souviendrez qu’à notre dernière rencontre, j’avais présenté une motion que j’ai retirée à la suite d’une demande de reformulation convenable. Compte tenu des commentaires du sénateur Joyal, j’aimerais proposer un ajout à la page 10. Cela ne fait partie d’aucune recommandation ou conclusion, ni de quoi que ce soit d’autre qui nous mènerait ailleurs. En revanche, c’est une chose que nous avons apprise des témoins et des divers rapports qui ont été soumis à notre comité. Il est question — ce ne sera une surprise pour personne — de la présence de l’opposition officielle dans un système de Westminster efficace, ce qui fait suite, encore une fois, aux observations liminaires du sénateur Joyal.
Chers collègues, je voudrais d’abord modifier la ligne 19 de la page 10. Après le mot « gouvernement », je terminerais la phrase ainsi : « et la présence d’une opposition reconnue dans les deux chambres parlementaires ».
Nous avons appris, chers collègues, qu’il s’agit d’une réalité de notre système.
J’ai une autre recommandation, mais avant, s’il y a des commentaires à ce sujet, je serai heureux de les entendre, sans quoi je vais poursuivre. Après la ligne 26 de la même page, nous pourrions ajouter la puce suivante : « l’opposition officielle doit être reconnue et avoir pour rôle de surveiller le gouvernement. Ce volet essentiel du système de Westminster prévoit qu’un groupe de gouvernance propose… »
Le sénateur Joyal : Pourriez-vous répéter lentement?
Le sénateur Wells : Bien sûr. Veuillez m’excuser : « l’opposition officielle doit être reconnue et avoir pour rôle de surveiller le gouvernement. Ce volet essentiel du système de Westminster prévoit qu’un groupe de gouvernance propose et qu’un groupe reconnu entre en opposition. »
Chers collègues, cette proposition correspond à un rapport antérieur que le Comité sur la modernisation a publié il y a environ un an et demi.
Le président : Y a-t-il des commentaires?
Le sénateur Eggleton : Tout d’abord, je trouve le rapport convenable tel qu’il est. Deuxièmement, je suis contre toute suggestion voulant que l’opposition officielle soit nécessaire à la Chambre haute. Le libellé actuel est plutôt neutre en ce qui concerne sa présence au Sénat, mais la page 15 dit qu’il faut avoir une opposition efficace — gérer l’opposition. Dans l’ensemble du système de Westminster, je pense que c’est convenable. Pour ce qui est de l’opposition officielle, je suis plutôt d’avis qu’elle a sa place à la Chambre basse, à savoir la Chambre des communes. Tout libellé proposé ici pourrait être ajouté, mais je doute que ce soit nécessaire pour la Chambre haute. Je pense que nous devrions laisser la neutralité des mots employés à la page 15.
Le sénateur Wells : J’aimerais répondre, car j’imagine que la remarque du sénateur Eggleton porte sur ma recommandation.
Chers collègues, je n’exprime aucune opinion ici. Je relate plutôt un fait. Je comprends que le sénateur Eggleton, comme il l’a dit, ne voit pas la nécessité d’une opposition officielle à la Chambre haute. Je respecte son avis. Cependant, je pense que, dans le rapport, nous ne faisons que citer des faits lorsque nous reprenons les témoignages et les commentaires des témoins. C’est tout ce que je demande d’ajouter, c’est-à-dire un fait. Je n’ai aucun commentaire sur l’opinion. C’est pour cette raison que je l’intègre au corps du texte, étant donné que c’est une chose que nous avons entendue. Je ne place l’information ni dans nos conclusions, ni dans nos recommandations, ni dans quoi que ce soit pouvant être teinté de notre opinion.
Le président : Nous n’avons actuellement pas d’opposition officielle au Sénat.
Le sénateur Wells : Oui, nous en avons une.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J’aimerais prendre brièvement la parole à ce sujet.
Comme le sénateur Eggleton vient de le mentionner, je partage son opinion — même si je n’ai pas le droit de vote — sur le document tel qu’il est corrigé et écrit. Le fait d’insister, d’une manière indue, à mon avis, pour avoir une opposition officielle structurée, surtout tel que le Règlement le prévoit actuellement, m’apparaît tout à fait opposé à l’esprit d’une réforme et d’une modernisation du Sénat.
D’ailleurs, certains pays qui se disent héritiers du système de Westminster ne comptent pas de sénat. Nous disposons donc de beaucoup de flexibilité dans l’organisation de la Chambre haute, tout en respectant les principes généraux de Westminster.
C’est pour cette raison que j’aimerais vous faire parler du Sénat français. Il est évident qu’il ne s’agit pas d’un système à la Westminster, mais d’un sénat qui fonctionne comme les 80 sénats dans le monde. Au Sénat français, les sénateurs sont organisés par groupes politiques, mais il n’y a pas d’opposition officielle. L’opposition et les critiques quant aux projets de loi du gouvernement se font très bien. Les sénateurs sont bien organisés autour d’un bureau qui est la Conférence des présidents. Ces présidents des différents regroupements, partisans ou non — même s’il n’y a pas beaucoup de partisanerie —, sont tout de même regroupés en fonction de partis politiques.
Si on revient à notre document, je crois qu’il est assez équilibré de cette manière. Les débats concernant la structure officielle de l’opposition pourront se faire au sein du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement en temps et lieu. De plus, en ce qui concerne ce document pour lequel nous avons entendu plusieurs témoins, ces derniers nous ont tous dit que, au fond, la règle qui prévoit une opposition officielle selon des paramètres bien précis n’était pas nécessaire.
Voilà.
[Traduction]
La sénatrice McCoy : Il y a des années, un professeur de droit m’a appris qu’un texte hors contexte n’est qu’un prétexte. Même si j’ai aimé la citation de l’article de Paul Thomas — que je n’ai pas lu —, j’ai l’impression qu’il dit que l’opposition peut prendre de nombreuses formes différentes, ou qu’elle peut être réalisée de différentes façons. Si nous en savions davantage à ce sujet, on pourrait peut-être me persuader.
Nous nous raccrochons au terme « opposition », mais je dois dire que je ne suis pas en faveur de la puce à la page 15, que le « O » soit en majuscule ou non. Je crains que certains d’entre nous s’en servent pour appuyer leur avis, à savoir qu’il devrait y avoir une opposition officielle. Je crains qu’ils se servent ultérieurement du rapport pour dire que le comité était d’accord. Bien sûr, c’est précisément le point auquel le comité se raccroche.
Cela m’amène à parler de la raison pour laquelle nous avons besoin du rapport. Nous avons déjà eu trois réunions; nous en sommes à la quatrième. Il y a tellement de choses concrètes que nous pourrions faire pour nous attaquer au fonctionnement moderne du Sénat de manière à ne pas nuire au pouvoir et à l’efficacité de tous les sénateurs, qu’ils appartiennent ou non à un caucus politique. Je pense que nous rendrions service aux Canadiens si nous agissions ainsi.
C’est peut-être la quatrième fois que je le dis à cette table depuis Noël. Je sais que c’est la conclusion à laquelle le comité directeur, dont j’étais membre avant les Fêtes, était arrivé.
Je demanderais donc à tous de procéder à un deuxième, un troisième ou un quatrième examen objectif, peut-être, et de passer à un sujet sur lequel nous pourrions parvenir à un consensus.
Le président : Vous avez assurément soulevé des questions fort importantes.
La sénatrice Lankin : Je ne veux pas revenir sur les arguments que nous avons déjà entendus à la table. Je ne pense pas qu’ils changeront la donne. Je suis d’accord pour qu’un rapport soit publié à ce stade-ci, bien que je sois d’accord avec la sénatrice McCoy. Nous sommes concrètement rendus ici, et il serait plus problématique de ne pas aller de l’avant avec le rapport.
La proposition du sénateur Wells concernant la ligne 19 de la page 10 ne me pose aucun problème. Je ne suis toutefois pas d’accord sur la puce qu’il aimerait ajouter après la ligne 26. Sénateur Wells, j’aimerais d’ailleurs vous rappeler la phrase d’introduction qui précède ces points : « De plus, le comité est d’avis — c’est un avis, pas un fait — que les grands principes de Westminster énumérés ci-dessous demeurent au cœur du fonctionnement de l’organe législatif. »
Contrairement à ce que vous dites, cela laisserait entendre que le comité s’est entendu pour dire que l’opposition continuera à jouer un rôle. C’est possible, et j’espère que nous pourrons parler de la forme que cela prendra, mais je me questionne sur l’effet de votre proposition, et non pas sur votre engagement envers ces mots. L’ajout à la ligne 19 ne me pose aucun problème, mais je ne peux pas appuyer la nouvelle puce.
Le président : Il n’y a pas d’autre remarque à la table.
La sénatrice Frum : Je voudrais appuyer les propos de la sénatrice McCoy, d’autant plus qu’elle est l’instigatrice du rapport. Si c’est elle qui le dit, c’est vraiment de bonne foi. Elle affirme que nous avons fait le tour de la table plusieurs fois, mais que nous ne sommes pas d’accord.
Bien franchement, j’étais prête à accepter le rapport, mais quand j’entends l’interprétation de la sénatrice Lankin, à savoir qu’il y a une série d’opinions exprimées ici, et qu’elles excluent l’opposition, je suis plus alarmée que je ne l’étais à mon arrivée.
Compte tenu de ce que vous avez dit, en fait, je souhaite accepter la suggestion de la sénatrice McCoy, qui consiste à mettre de côté la question et à passer à des sujets importants, comme la période des questions.
La sénatrice Lankin : Qu’en est-il du rôle de l’opposition?
Le sénateur Tkachuk : Qu’en est-il du rôle du gouvernement?
La sénatrice Lankin : Des discussions s’imposent. Nous avons contourné le sujet plutôt que de parler de la structure.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi voudrions-nous dire à qui que ce soit comment agir?
La sénatrice McCoy : Parlons-en.
Le sénateur Tkachuk : Il y a un groupe de l’opposition, et c’est lui qui décide comment se comporter. Il y a un gouvernement, et c’est aussi lui qui décide comment agir. Pourquoi dirions-nous aux gens quoi faire? C’est leurs affaires. Cela regarde les sénateurs de demain. Nous ne sommes pas ici pour décider quoi faire aujourd’hui seulement, mais bien pour les 150 prochaines années.
Le sénateur Eggleton : Ce n’est pas ce dont il est question.
Le sénateur Tkachuk : Bien sûr que oui.
La sénatrice McCoy : J’aimerais revenir sur les propos du sénateur Tkachuk. Il aime dire que le Sénat a évolué et évoluera encore, selon les circonstances et les personnes qui y siégeront. Si vous regardez notre histoire, vous constaterez que son développement n’a pas été linéaire, pour ainsi dire. Le Sénat évolue depuis le début. Je n’aurais pas la vanité, si je peux employer ce mot, de dire que je m’attends à ce que les sénateurs continuent dans 150 ans à suivre les conseils que je formule aujourd’hui.
Je pensais pouvoir me contenter de vos remarques précédentes à ce sujet, sénateur Tkachuk, mais pas cette fois-ci.
La sénatrice Stewart Olsen : Compte tenu des arguments qui sont présentés, je suis persuadée que nous mettons la charrue devant les bœufs avec ce rapport. Je crois que la sénatrice McCoy a peut-être raison. Nous devrions peut-être parler des rôles, de la période des questions et des comités, puis écrire ce que nous avons fait pour modifier ou altérer notre système de Westminster. Mais ce serait notre solution, et non pas celle de quelqu’un d’autre.
Je serais prête à appuyer la sénatrice McCoy et à dire que nous devons mettre de côté la question. Lorsque nous aurons accompli quelque chose ou dégagé un consensus sur d’autres sujets, nous pourrons réécrire le rapport en affirmant que c’est ainsi que le Sénat fonctionne au pays.
Le président : Y a-t-il d’autres remarques en réponse à ces propositions?
Le sénateur Eggleton : Nous sommes fatigués d’en parler. Le document lui-même n’est qu’une description de ce qui a été dit au comité. Il ne contient pas de recommandations. C’est un texte auquel nous pourrons nous référer à l’avenir si nous le voulons. On dit que nous avons un système de Westminster puisque l’expression englobe bien des choses différentes. Si nous ne pouvons parvenir à aucune conclusion dans le texte, il serait bel et bien préférable de le mettre de côté.
La sénatrice Frum : J’ai entendu deux points de vue. D’une part, le document ne serait pas fondé sur des opinions, mais simplement sur des faits. Or, on dit maintenant que le rapport présente des opinions. À vrai dire, seule une des deux affirmations peut être vraie.
Soit le rapport contient des opinions et des recommandations, soit ce n’est pas le cas. Je pense qu’il en contient, mais je doute qu’un consensus ait été dégagé sur ces avis. Parlons-en de front. Je suis d’accord. C’est bien. Ne tournons pas autour du pot, et entrons dans le vif du sujet.
La sénatrice Lankin : D’accord, ne tournons pas autour du pot. Nous ne le ferons plus, car j’ai l’impression de valser avec vous depuis deux ans à vouloir tenir une vraie conversation.
La sénatrice Frum : Je vois.
La sénatrice Lankin : Je pense que c’est une stratégie efficace pour retarder les choses.
La sénatrice Frum : À la dernière réunion, j’ai proposé de mettre la question de côté et de continuer. La sénatrice McCoy dit la même chose depuis trois réunions. Qui retarde notre travail? Si nous pouvons convenir maintenant de mettre le rapport en suspens, passons à autre chose.
La sénatrice Lankin : « Si nous pouvons être d’accord avec votre opinion, passons à autre chose. » Voilà où nous en venons chaque fois…
La sénatrice Frum : Vous dites, vous aussi, vouloir passer à autre chose.
La sénatrice Lankin : Je veux tenir cette discussion. Je doute que le fait de ne pas permettre aux gens qui ne siègent pas au comité de lire le rapport… Je pense qu’il sera utile aux autres sénateurs. À tout le moins, j’aimerais qu’il soit mis à la disposition d’autres sénateurs, qui pourront voir une synthèse de tous les rapports et du travail qui a été fait.
Je ne comprends toutefois pas pourquoi vous voudriez vous débarrasser d’un rapport qui n’est rien de plus qu’une compilation, sauf si vous adoptez une démarche stratégique. Les deux côtés de la table affirment que le rapport pourra servir de base à une quelconque argumentation future. Bien sûr que ce sera le cas. Lorsque nos paroles là-dessus seront rapportées hors de la Chambre haute, j’espère qu’elles seront accompagnées de toutes les précautions et les préoccupations des sénateurs, qui ont convenu à l’unanimité de continuer à parler de ces enjeux et de définir ce à quoi l’avenir pourrait ressembler.
Je n’y vois aucun problème, et j’ai l’impression que la discussion se poursuit indéfiniment. Nous revenons chaque semaine, et certains essaient toujours de repousser les limites un peu plus. Je comprends. Je pense que nous avons tenté de nous montrer conciliants sur bien des points soulevés. J’ai d’ailleurs essayé de le faire aujourd’hui aussi.
Je pense simplement que puisque les deux côtés ont le sentiment que quelqu’un d’autre va intensifier sa stratégie si le rapport est publié… Ce n’est pas une raison valable de ne pas diffuser les résultats de la compilation des nombreuses heures de travail de notre comité.
Le président : Sénatrice Frum, vous avez encore levé la main, tout comme les sénateurs Wells et Dean. Allez-y dans cet ordre.
La sénatrice Frum : Je voulais préciser que c’est vous, sénatrice Lankin, qui avez fait remarquer « le comité est d’avis » dans le passage que le sénateur Wells souhaite modifier. Vous ne voudriez maintenant plus inclure la reconnaissance d’une opposition officielle étant donné que le comité n’est pas de cet avis. C’est ce qui me pose problème. Si vous refusez la modification du sénateur Wells parce que vous ne croyez pas que l’opposition officielle a sa place, et que l’inclusion de ce passage vous offense et est contraire à votre opinion, ce document a plus d’importance que je ne le croyais.
La sénatrice Lankin : Si vous convenez de supprimer le mot « avis », cela me va. Je pense que nous ne devrions pas exprimer une gamme d’opinions sur des questions en litige. Je doute que la prérogative royale soit contestée. Nous n’avons jamais dit qu’elle nous posait problème. Quant au gouvernement représentatif… Il y a un certain nombre de choses qui, je crois, ne posent problème à personne à la table.
Je ne dis pas si l’opposition doit exister ou non, mais sa nature est une chose dont nous voulons parler. C’est pourquoi je ne voudrais pas l’inclure dans une phrase disant que nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un fondement solide pour la suite des choses, ou quelle que soit la formulation. Je n’ai pas le passage sous les yeux. Si vous acceptez de retirer le mot « avis », je serai d’accord. Je remarque que le sénateur Wells a dit que c’est un fait, que nous avons repris à quelques reprises dans le document. Vous ne pouvez pas considérer cela comme un fait et dire que c’est le cas si l’information se trouve dans une phrase teintée de l’opinion du comité.
Le sénateur Wells : Sénatrice Lankin, je suis tout à fait d’accord avec vos commentaires sur l’inclusion de la puce disant « le comité est d’avis », ou qui suggère que le comité est d’accord. Nous pourrions simplement ajouter ce qui suit à la ligne 19 de la page 10, après le mot « représentatif » : « et la présence d’une opposition reconnue dans les deux chambres parlementaires », ce qui demeurerait un fait. Voilà le libellé que je propose. Si tout le monde est d’accord, je propose également que nous acceptions le rapport. Vous vous souviendrez qu’à notre dernière réunion, j’avais soumis une motion visant à suspendre le rapport, en attendant que nous convenions du libellé. Si nous n’arrivons pas à nous entendre là-dessus, j’essaierai de rétablir ma motion de mise en suspens.
Le sénateur Tkachuk : Je remarque que ma copie du rapport porte la mention « Tkachuk », donc il était vraisemblablement confidentiel.
Le président : C’est exact.
Le sénateur Tkachuk : La séance est-elle publique?
Le président : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Le rapport n’est donc pas confidentiel. Vous avez un problème, monsieur le président. Nous étudions un rapport sans être à huis clos. J’aurais tout aussi bien pu l’envoyer au Globe and Mail.
Je crois, bien franchement, que vous devriez ajourner la séance. Je pense que vous avez un gros problème.
Le sénateur Wells : À ce sujet, l’examen d’une ébauche de rapport se fait toujours à huis clos.
Le sénateur Tkachuk : Exactement, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. La séance est publique, de sorte que vous avez un rapport confidentiel que nous avons nous-mêmes rendu public.
Le président : Lorsque le comité a été rétabli sous ma présidence, il a été convenu de tenir toutes les séances en public, à titre d’exemple de modernisation.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi le document était-il confidentiel? Pourquoi n’aurais-je pas pu en discuter avec mes collègues avant d’arriver ici?
Le président : C’est une excellente question.
Le sénateur Tkachuk : Bien sûr qu’elle est excellente.
Je propose que la séance soit levée. Je ne pense pas que nous puissions travailler de la sorte. C’est une très mauvaise façon de travailler. Vous me dites que je ne peux en parler à personne, puis vous le rendez public durant la séance. C’est absurde, monsieur le président.
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires?
Le sénateur Tkachuk : Une motion visant à lever la séance ne peut pas faire l’objet d’un débat. Mettez-la aux voix.
Le président : Il y a peut-être…
Le sénateur Tkachuk : La motion visant à lever la séance ne peut pas faire l’objet d’un débat, alors mettez-la aux voix.
Le président : Je le sais. Procédons au vote. La motion est-elle adoptée?
Un sénateur : D’accord.
La sénatrice Frum : D’accord.
Le président : Êtes-vous tous d’accord? Devrions-nous procéder à un vote à main levée? C’est pour lever la séance.
Le sénateur Wells : Le président a mis la motion aux voix.
Le président : Nous sommes saisis d’une motion visant à lever la séance.
Le sénateur Wells : D’accord.
Le président : Pouvons-nous procéder au vote? Que tous ceux qui sont pour lèvent la main.
Que tous ceux qui sont contre lèvent la main.
Y a-t-il des abstentions?
La motion…
La sénatrice Bellemare : Puis-je préciser, pour le compte rendu, que je ne peux pas voter?
Le président : Oui, vous ne pouvez pas voter.
La motion est rejetée par sept voix contre six.
Le sénateur Pratte : Puis-je demander au sénateur Wells de répéter la nouvelle version de sa modification, s’il vous plaît?
La sénatrice McCoy : À huis clos?
Le sénateur Eggleton : Pourquoi poursuivre à huis clos? Puisque la séance jusqu’à maintenant était publique, le document a déjà été rendu public. C’était peut-être une erreur de procéder de la sorte. L’erreur était soit de dire que le document était confidentiel, soit de tenir une séance publique, mais nous poursuivons la séance publique, alors c’est fait. Il est trop tard.
La sénatrice Frum : Il n’est pas trop tard. Monsieur le président, vous nous avez envoyé le rapport…
La sénatrice McCoy : Proposez-vous…
La sénatrice Frum : Je veux rester. Quelqu’un d’autre peut faire la proposition.
J’aimerais lire quelque chose aux fins du compte rendu. Le rapport était accompagné d’une déclaration :
La fuite d’une ébauche de rapport confidentielle peut entraîner la tenue d’une enquête par le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et l’imposition de sanctions. Les personnes travaillant sous votre direction ou vous-même ne pouvez discuter du contenu de l’ébauche de rapport avec des représentants des médias ou le grand public.
Et cetera.
Vous devez vous assurer que l’ébauche de rapport est conservée sous clé dans un tiroir ou une armoire lorsqu’elle n’est pas utilisée.
Qui sera tenu responsable de ce que vous avez appelé une erreur? Ce n’est pas sans gravité.
Le sénateur Dean : J’ai satisfait à toutes les exigences énoncées dans le document et je présume que les autres ont fait de même.
La sénatrice Frum : Il y a eu fuite du rapport, puisque la séance est publique.
Le sénateur Tkachuk : La séance est publique, sénateur Dean. Nous avons donc causé la fuite du rapport. Nous sommes tous coupables, y compris le président.
La sénatrice Frum : Le président devrait être tenu responsable, parce que c’est lui qui nous a convoqués à une séance publique plutôt qu’à une séance à huis clos.
Le président : Le comité a pris la décision que toutes ses séances seraient publiques, y compris celles durant lesquelles il examinerait des ébauches de rapports.
La sénatrice McCoy : Je pense que l’erreur a été commise en toute bonne foi. Nous avons tous omis de remarquer, en prenant nos places, que la séance était publique et qu’elle était diffusée. Nous sommes donc tous en partie responsables. Je suis certaine que la façon dont le rapport a été transmis… Si ce n’était du fait inhabituel que nous nous sommes engagés à ne tenir que des séances publiques, nous aurions peut-être aussi modifié nos procédés administratifs. Je ne tiens donc aucunement à chercher à punir quelqu’un pour cette erreur de bonne foi. Or, je tiens à ne pas la prolonger. La séance a été levée. Je propose que nous reprenions…
Le président : La séance n’a pas encore été levée.
La sénatrice McCoy : Ah non? Dans ce cas, je propose que nous poursuivions notre discussion à huis clos afin de rectifier cette erreur de bonne foi aussi rapidement que nous l’avons constatée et de continuer notre travail.
Le président : J’appuie la motion.
Le sénateur Eggleton : L’erreur est-elle que le document porte la mention « confidentiel »? Car si le comité a décidé au préalable que toutes ses séances seraient publiques, la méthode habituelle de préparer une ébauche de rapport confidentielle ne serait pas applicable. L’erreur est peut-être la mention sur le document et non le fait que nous tenions une séance publique.
La sénatrice McCoy : C’est une erreur de bonne foi.
Le sénateur Eggleton : Je suis d’accord avec vous pour dire que c’est une erreur de bonne foi, mais nous ne savons pas exactement quelle est l’erreur.
La sénatrice McCoy : Ce n’est pas vraiment important.
Le sénateur McInnis : Toutes nos discussions sur le système de Westminster étaient publiques. Dans l’intérêt de la modernisation, lorsque vous vous êtes joint à nous, monsieur le président, vous avez déclaré que vous vouliez que toutes nos séances soient publiques. Certaines ne peuvent pas l’être, mais toutes les discussions que nous avons eues sur le système de Westminster étaient publiques. Aujourd’hui, pouvons-nous retirer les aspects confidentiels? Je ne pense pas que nous ayons à le faire ni que nous puissions le faire.
Je n’arrive vraiment pas à m’expliquer pourquoi maintenant. Je comprends ce qui a poussé le sénateur Tkachuk à faire son intervention, car le document est confidentiel. Il porte cette mention, mais peut-être qu’il ne le devrait pas.
Je ne vois pas pourquoi nous rejetterions le document. Nous y avons travaillé longuement et nous n’avons aucune raison de ne pas le déposer et de passer ensuite à des choses plus importantes, comme des actions pratiques que le Sénat n’accomplit pas. Un exemple d’action pratique est la proposition de la sénatrice Bellemare — à laquelle j’ai ajouté —, qui concerne une liste de vérification pour les mesures législatives étudiées par le Sénat. La mesure est-elle conforme à la Charte? Quels sont les effets sur les minorités et sur les régions? Existe-t-il déjà des dispositions pareilles? Actuellement, il y a un projet de loi d’initiative parlementaire à l’étape de la deuxième lecture au Sénat qui répète des dispositions existantes. Qui a vérifié? Voilà le genre d’actions pratiques que nous devrions accomplir pour moderniser le Sénat. À mon avis, nous ne devrions pas écarter ce document. Nous y avons mis beaucoup d’effort. Nous devrions le conserver afin de pouvoir le consulter ultérieurement. S’il faut en retirer des passages, si ces passages sont des opinions, demandons-nous si le comité a examiné ces opinions durant ses dernières séances. N’agissons pas précipitamment.
Selon moi, nous devons nous en occuper maintenant pour pouvoir passer à des choses plus importantes. J’ai d’autres suggestions à présenter au comité pour accroître l’utilité et l’efficacité du Sénat. Parfois, j’ai l’impression que vous faites des recommandations et que personne ne vous écoute. Nous avons émis une excellente recommandation concernant le Feuilleton, nous avons accompli plusieurs choses, mais nous n’avons pas fait tout ce que nous pouvions pour en simplifier la lecture. Voilà ce à quoi nous devrions travailler au lieu de nous disputer à propos de mots et d’opinions.
Si nous devons attendre la prochaine séance, soit; révisons le document, retirons-en les opinions et voyons le document qui en ressort, mais ne détruisons pas notre travail aussi facilement.
Le sénateur Dean : Ce que je vais dire cadre assez bien avec la conclusion du sénateur McInnis.
Nous avons un document. Durant notre dernière séance, nous avons eu une discussion qui visait à établir à quel point la notion d’opposition officielle devrait être concrète. Un effort de bonne foi a été déployé, avec succès d’après moi, pour trouver un équilibre dans la nouvelle version du document. J’ai l’impression que nous assistons maintenant à un autre échange. On essaie encore une fois de concrétiser davantage la notion d’opposition officielle.
Je suis satisfait de la nouvelle version du document. J’appuierais l’idée d’y revenir et de mettre le rapport aux voix, même si nous devons d’abord soumettre la modification proposée au vote. Je suis d’accord avec la majorité des membres du comité, qui demandent que nous en finissions avec ce document et que nous passions aux discussions pratiques sur la modernisation. Parlons des mesures de modernisation, tentons de nous entendre sur celles-ci et mettons-les en œuvre. Ainsi, nous montrerons notre intérêt et notre enthousiasme pour la modernisation, même progressive, du Sénat.
Le président : Merci, sénateur Dean.
Le sénateur Tkachuk : Je ne veux pas m’acharner inutilement, mais le Sénat mène des enquêtes lorsqu’il y a des fuites de documents; le Comité du Règlement vient d’en finir une. Nous agissons comme si ce qui est arrivé n’avait aucune importance, ce qui est faux, d’après moi. Je suis d’avis que chacune de nos actions crée un précédent. Lorsque je suis président d’un comité, moi aussi je fais en sorte que tout soit public. Ainsi, normalement, toute l’information qui se trouve dans le rapport est déjà publique puisqu’elle vient des témoins. Or, les sénateurs discutent du rapport à huis clos pour la simple raison qu’il peut y avoir quatre ou cinq ébauches. Elles sont toutes différentes, et il y a seulement une version définitive. J’ai de l’expérience personnelle à cet égard. Les gens se sont servis de cela contre moi, et c’est pour cette raison que je prends la situation très au sérieux.
On nous a dit que le rapport était confidentiel. Il y a des règles à ce sujet. Puis, nous venons ici et le rapport est rendu public. Je n’en ai même pas parlé avec mon personnel, mais, bien sûr, je peux en parler avec le reste du Canada.
L’autre point que j’aimerais soulever — et j’ai été membre du comité pendant deux ans avant de venir remplacer quelqu’un —, c’est que la raison pour laquelle je suis méfiant, c’est que le leader du gouvernement au Sénat a publié un document dans lequel il affirme vouloir se débarrasser de l’opposition officielle.
Voilà pourquoi c’est si important pour nous et pourquoi nous ne pouvons pas passer à autre chose. Vous devez reconnaître ce fait; nous le reconnaissons et nous nous méfions de ce qui se passe à cause de ce qu’il a fait. Il a affirmé avoir déjà terni la discussion et il refuse de se rétracter. Selon moi, c’est là la mission du gouvernement, et je ne coopérerai pas. Je conseille à mes collègues de ne pas coopérer parce que je me méfie de ce qui se passe. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas passer à autre chose.
Si nous réglions cette question, nous pourrions parler de toutes sortes de choses. Je serais ravi de parler du système des comités et de tout le reste.
Le sénateur Pratte : Je voulais que le sénateur Wells répète sa modification afin que nous puissions au moins comprendre de quoi il est question.
Le sénateur Wells : C’est à la ligne 19 de la page 10.
Merci, sénateur Pratte. Ce que je propose, c’est d’ajouter ce qui suit, à la ligne 19, après le mot « représentatif »: « et la présence d’une opposition reconnue dans les deux chambres parlementaires. »
Je proposais aussi d’ajouter une quatrième puce après la ligne 26. Je serais prêt à la laisser tomber, eu égard aux commentaires de la sénatrice Lankin à savoir s’il s’agit d’un fait ou d’une opinion.
À la ligne 19 de la page 10, après le mot « représentatif », ajouter ce qui suit : « et la présence d’une opposition reconnue dans les deux chambres parlementaires. »
Le président : Est-ce que tout le monde comprend?
La sénatrice McCoy : Lisons la phrase entière à voix haute.
La sénatrice Stewart Olsen : Nous décrivons les faits, et c’en est un.
Le sénateur Eggleton : Le système de Westminster n’exige pas que l’autre Chambre ait une opposition officielle ou reconnue. La Chambre basse, oui.
La sénatrice Stewart Olsen : Personne n’a dit cela. Il est question du système parlementaire du Canada, et le fait est qu’il y a une opposition au Sénat.
Le sénateur Eggleton : Nous n’en avons pas nécessairement besoin, mais nous en avons une.
La sénatrice Stewart Olsen : Ce n’est pas ce que nous affirmons. D’après ce que je comprends, le document présente les faits.
La sénatrice McCoy : Pendant de grands pans de l’histoire du Canada, il n’y avait pas d’opposition dans la Chambre haute. Si vous voulez présenter les faits, il faut tous les présenter.
La sénatrice Stewart Olsen : C’est la situation actuelle qui nous intéresse, pas ce qui passait il y a 50 ans. Nous décrivons tout simplement ce que nous voyons aujourd’hui. Le fait est qu’il y a une opposition au Sénat; écrivons-le et parlons-en.
La sénatrice McCoy : Dans ce cas, il faudrait que vous rendiez la phrase plus précise en ajoutant « l’existence actuelle ».
La sénatrice Stewart Olsen : Je n’y vois pas d’objection.
La sénatrice McCoy : Ainsi, ce serait corrigé.
Le sénateur Eggleton : Je vous demanderais de lire la phrase entière et tout le paragraphe.
Le sénateur Wells : Je vais lire tout le paragraphe, sénateur Eggleton, et je vais inclure la modification que j’ai proposée. J’accepte la bonne suggestion de la sénatrice McCoy :
Le système parlementaire du Canada a toujours été relativement distinct de ses homologues de type Westminster et a continué d’évoluer à sa propre façon.
Je vais m’arrêter brièvement pour dire que son évolution se poursuit.
Voici la phrase :
Toutefois, de l’avis du comité, il a aussi toujours respecté les principes (énumérés plus haut) inhérents aux gouvernements de type Westminster. Ainsi, au fil de leur évolution, les institutions fédérales du Canada ont toujours maintenu la prérogative royale, le gouvernement responsable, la neutralité de la fonction publique, le gouvernement représentatif et la présence d’une opposition reconnue dans les deux chambres parlementaires. De plus, le comité est d’avis que les grands principes de Westminster énumérés ci-dessous demeurent au cœur du fonctionnement de l’organe législatif.
La phrase est suivie des puces qui ont été incluses.
Le sénateur Eggleton : Vous ajoutez à l’avis du comité une opposition officielle ou reconnue dans la Chambre haute. Si vous parliez seulement de la Chambre basse, je n’aurais pas d’objection.
Le sénateur Wells : Non, sénateur. Nous parlons simplement…
Le sénateur Eggleton : « [D]e l’avis du comité, il a [...] toujours respecté les principes »; vous incluez cela dans les principes nécessaires à l’évolution et inhérents aux gouvernements de type Westminster. « Ainsi, au fil de leur évolution [...] » De fait, vous affirmez que le comité est d’avis qu’on devrait continuer ainsi. C’est ce qu’il affirme aussi.
Le sénateur Wells : Maintenant, je vais vous dire ce que j’ai dit.
Le sénateur Eggleton : Non, c’est ce que les termes disent, et il est d’accord avec moi.
Le sénateur Wells : Nous parlons de la façon dont le système Westminster a évolué pour en arriver à sa forme actuelle. Je ne me prononce absolument pas sur l’avenir. Je ne présente pas mon opinion ou mon avis. Quelle a été notre évolution? Depuis le début, il y a une opposition officielle et des personnes nommées par le premier ministre.
Le sénateur Eggleton : Il s’agit ici des principes du système de Westminster. Vous ne pouvez pas généraliser de la sorte. Dans le paragraphe en question, vous dites qu’il faudrait toujours reconnaître une opposition officielle à la Chambre haute.
Le sénateur Wells : Non, pas du tout, sénateur Eggleton. Je dis simplement que cela a toujours été le cas jusqu’ici. Pour ce qui est de l’avenir, eh bien, parlons-en.
Le sénateur Eggleton : Il faudra reformuler le paragraphe en entier.
Le sénateur Wells : Je propose que nous ajoutions, à la ligne 19 de la page 10, après le mot « représentatif » : « et la présence d’une opposition reconnue dans les deux chambres parlementaires ».
La sénatrice McCoy : Qu’en est-il du mot « actuelle »?
Le sénateur Wells : Je n’ai pas ajouté le mot « actuelle », car il est sous-entendu qu’il y a toujours eu une opposition au Parlement. Où est-ce que vous voulez ajouter le mot « actuelle »?
La sénatrice McCoy : Je dirais : « la présence actuelle ».
Le sénateur Wells : D’accord. Et « la présence actuelle ».
La sénatrice McCoy : Rien dans le cours de l’évolution n’a nui à l’existence de la présence actuelle…
Le sénateur Wells : Devrais-je relire la phrase au complet, monsieur le président?
Le président : Oui, allez-y.
Le sénateur Wells : J’ajouterais donc, à la ligne 19 de la page 10, après le mot « représentatif » : « et la présence actuelle d’une opposition reconnue dans les deux chambres parlementaires ».
Le président : Est-ce que vous présentez une motion?
Le sénateur Wells : C’est ma motion.
Le président : Pouvons-nous en discuter?
Le sénateur Wells : Nous l’avons déjà fait.
Le président : En fait, nous en discutons depuis longtemps.
La sénatrice Frum : Je tiens à faire remarquer que l’un des principes au cœur du système de Westminster, c’est le fait que nous sommes un système fondé sur des règles et des lois. Nous avons des règles en place.
Si vous souhaitez parler d’une autre étude qui a traîné en longueur — les sénateurs Joyal et Lankin, vous en faisiez partie — sachez que, au Comité du Règlement, nous avons tenu de longues réunions sur l’abus de confiance. Je faisais partie du comité de direction, tout comme vous, sénatrice Lankin. Ce fut un processus laborieux dirigé par la très chère sénatrice Fraser, et nous avons passé beaucoup de temps à discuter du principe de la confidentialité et du processus relatif aux sanctions en cas d’atteinte à la confidentialité. Cela figure dans notre Règlement. Or, nous venons de voter pour ne pas en tenir compte.
Nous avons beau être le Comité sur la modernisation, nous ne sommes pas un comité libre de faire ce qu’il veut ou d’enfreindre le Règlement du Sénat. Nous devons respecter le Règlement du Sénat. Nous avons tenu un vote afin de faire fi du Règlement du Sénat. Je suis extrêmement mal à l’aise avec la situation. Ce que nous faisons en ce moment, c’est-à-dire discuter d’une ébauche de rapport en public, c’est du jamais vu. Peu importe qu’il s’agisse d’une erreur de bonne foi ou non; c’est inacceptable. C’est interdit par le Règlement, et je ne peux plus continuer de participer à la réunion. En fait, je refuse de le faire, car en tant que membre du Comité du Règlement, je considère qu’on enfreint le Règlement. Je serais étonnée que d’autres membres du Comité du Règlement soient à l’aise dans ce contexte. Nous contrevenons au Règlement. Je vais donc m’abstenir de participer à la réunion. Merci.
Le sénateur Eggleton : Je ne crois pas que les preuves pointent nécessairement dans cette direction.
Le sénateur Tkachuk : C’est la raison pour laquelle nous avons un processus d’enquête.
Le sénateur Eggleton : Si le comité a décidé de tenir toutes ses séances en public, à ce moment-là, l’erreur a été d’ajouter le mot « confidentiel » sur ce document, puisque ce n’est pas un document confidentiel.
Le sénateur Tkachuk : C’est écrit « confidentiel ».
Le sénateur Eggleton : C’est une erreur.
La sénatrice Frum : On nous a donné des directives à ce sujet.
Le sénateur Eggleton : Ce que je dis, c’est qu’une erreur a sans doute été commise.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi ne fait-on pas appel au processus d’enquête du Comité du Règlement? Autrement…
Le président : J’aimerais revenir à…
Le sénateur Tkachuk : … autrement, monsieur le président, ce rapport n’est tout simplement pas valide. À mon sens, il n’existe pas. Nous avons déjà enfreint le Règlement, puis nous l’enfreignons à nouveau. Si vous souhaitez discuter d’un rapport — vous auriez dû demander la permission à l’avance à tous les membres du comité pour savoir si on voulait siéger en public. Étant donné que nous connaissons le Règlement, nous savons que les rapports confidentiels sont toujours discutés à huis clos. Or, au beau milieu de la séance, nous nous rendons compte qu’en fait, nous siégeons en séance publique. Nous avons donc porté cette question à votre attention, mais personne n’a réagi. Cela vous importe peu.
Le président : C’est une décision qui a été prise il y a un certain temps déjà.
Le sénateur Tkachuk : Non, pas du tout.
La sénatrice Lankin : Cela ne concerne pas le rapport, mais plutôt la question de la confidentialité. Personnellement, je considère que nous enfreignons le Règlement, du moins à première vue, et je pense que nous devrions tous être d’accord là-dessus. Comme on l’a dit, s’il y a eu une erreur dans l’identification du document ou un malentendu entre la motion présentée au comité visant à siéger en public et le dépôt de ce document, nous devrions être au courant.
Dans la pratique, je tiens à dire que tous les témoignages ont été rendus publics et que toutes les discussions que nous avons eues sur les diverses versions — attendez un instant, sénateur Tkachuk — de ce document ont été rendues publiques jusqu’ici. Par conséquent, je ne crois pas que le fait que nous en ayons parlé un peu plus fasse un tort irréparable au document, mais le processus qui a été soulevé est un élément important.
Cela dit, je recommanderais que le président et le comité de direction — malheureusement, nous devrons attendre encore une autre semaine — se réunissent et déterminent ce qui s’est passé puis nous reviennent là-dessus. Le comité va ensuite conclure s’il est satisfait du rapport et des recommandations du comité de direction.
Toutefois, il faudrait d’une part tenter de déterminer ce qui s’est passé puis, d’autre part, prendre des mesures qui conviennent au comité. C’est ce que je recommanderais à ce stade-ci.
Le sénateur Tkachuk : S’agit-il d’une motion?
La sénatrice Lankin : Cette motion vise à saisir le comité de direction d’une possible violation du Règlement, compte tenu de la circulation d’un document confidentiel et de la tenue d’une séance publique, afin qu’il examine la situation et formule des recommandations, s’il y a lieu, pour la semaine prochaine — et qu’il détermine les mesures qui s’imposent.
Le président : Merci beaucoup pour cette motion. Elle a été déposée. Est-ce que quelqu’un souhaite en parler?
Le sénateur Wells : Oui. Sur le plan de la procédure, je vais retirer volontiers ma motion, dans l’attente de cette discussion. Si cette motion nous amène à la deuxième réunion, je vais retirer ma motion puis attendre à la semaine prochaine, possiblement, pour la présenter de nouveau.
Le président : C’est dommage, parce que je considère que votre motion avait beaucoup de potentiel.
Le sénateur Wells : Je pense qu’il faut avant tout déterminer si le Règlement et les pratiques du Sénat ont été violés. J’estime qu’il faut y accorder la priorité.
Si c’est la motion qui a été présentée, à ce moment-là, je vais appuyer la motion.
Le président : Nous sommes saisis de la motion. J’imagine que tout le monde comprend de quoi elle retourne. Je vais donc la mettre aux voix. Tous ceux qui sont en faveur de la motion, veuillez lever la main. Je pense que les « oui » l’emportent. Par conséquent, le comité ne va pas se réunir la semaine prochaine, mais le comité de direction va le faire durant le même créneau pour discuter du rapport et de son incidence.
(La séance est levée.)