Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 1 - Témoignages du 4 février 2016
OTTAWA, le jeudi 4 février 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 heures pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Soyez tous les bienvenus. Sachez tout de suite que la séance est télédiffusée en format panoramique, qui montre non seulement le sénateur qui est en train de parler, mais aussi son voisin.
Aujourd'hui, nous accueillons trois groupes de producteurs en même temps.
Je suis le sénateur Maltais, le président du comité. Je demande à mes collègues de bien vouloir se présenter eux- mêmes, à commencer par notre vice-président.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Tardif : Bonjour, Claudette Tardif, de l'Alberta.
La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Lynn Beyak, de Dryden, dans le nord-ouest de l'Ontario.
Le sénateur McIntyre : Je suis le sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Plett : Je suis Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Oh : Je suis Victor Oh, de l'Ontario.
La sénatrice Unger : Je suis Betty Unger, d'Edmonton, en Alberta.
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bonjour, je suis le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.
Le président : Merci beaucoup.
Nous allons commencer par le premier groupe d'invités. Je demanderais à nos invités d'être concis dans l'exposé de leur mémoire. Plus l'exposé de votre mémoire sera bref, plus les sénateurs pourront vous poser de questions, et c'est là l'objectif. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue, et nous allons commencer par les témoins suivants —
[Traduction]
— Producteurs de poulet du Canada, M. Dave Janzen, président.
Dave Janzen, président, Producteurs de poulet du Canada : Je suis Dave Janzen, président des Producteurs de poulet du Canada et éleveur de poulets à Abbotsford, en Colombie-Britannique. Je vous remercie de nous avoir invités pour faire connaître notre point de vue sur les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Les Producteurs de poulet du Canada sont un organisme national qui représente 2 700 producteurs. Notre conseil d'administration est composé de producteurs, de transformateurs, de surtransformateurs, de restaurateurs.
Quand on parle d'animaux d'élevage, les poulets sont loin d'être gros, mais leur incidence sur l'économie canadienne est importante. Comme l'industrie du poulet profite à la fois aux économies urbaine et rurale d'un bout à l'autre du pays, il est facile de comprendre que le choix du poulet est bon non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour le Canada.
Notre industrie crée 78 000 emplois, elle produit 2,4 milliards de dollars de recettes monétaires agricoles et elle contribue à hauteur de près de 6 milliards de dollars au produit intérieur brut du Canada. Elle verse 2 milliards de dollars en impôts et elle achète 2,5 millions de tonnes d'aliments pour la volaille chaque année.
Nous respectons aussi les engagements commerciaux du Canada en accordant un accès important à notre marché. Tout le monde ne parle que des tarifs hors contingents élevés pour les produits soumis à la gestion de l'offre, que personne ne paie. On évite cependant de parler du tarif que tous paient pour les importations de poulet au Canada, qui est de 0 p. 100 pour chacun de nos partenaires dans le libre-échange et de seulement 5,4 p. 100 pour tous les autres pays.
Nous importons beaucoup de poulet. En 2015, le Canada en a importé 214 millions de kilogrammes, ce qui nous place au dix-septième rang mondial des importateurs de poulet. Nous sommes le troisième marché en importance pour les exportations de poulet des États-Unis.
Parmi les 12 pays membres du Partenariat transpacifique, le Canada importe plus de poulet que les États-Unis, le Pérou, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, la Malaisie et Brunei combinés. Située dans son contexte, seulement 10 p. 100 de la production mondiale de poulet fait l'objet d'échanges, les États-Unis et le Brésil représentant 75 p. 100 de ces exportations. Dans le Partenariat transpacifique, nos importations représenteront plus de 9,5 p. 100 de notre production, ce qui coïncide avec les échanges mondiaux de poulet.
Ces statistiques montrent clairement la très forte concentration du marché mondial du poulet, qui profite à ces pays comme les États-Unis et le Brésil. Il est donc irréaliste de s'attendre à ce que le Canada joue un rôle important dans le commerce international de poulet. Ses hivers rigoureux et ses étés chauds entraînent pour notre pays septentrional des coûts de production considérablement plus élevés qu'aux États-Unis et au Brésil.
La meilleure façon, pour notre industrie, de contribuer à l'économie canadienne est de maintenir la stabilité de notre croissance sur le marché intérieur. L'industrie du poulet est un exemple de croissance réussie et de valeur ajoutée. Nos producteurs se trouvent dans toutes les provinces, et nous avons plus d'élevages qu'à notre création, en 1978. Notre production a crû de manière constante : de plus de 20 p. 100 ces 15 dernières années. Nous avons été à l'avant-garde du secteur agricole en ce qui concerne l'application des mesures de salubrité alimentaire à la ferme, le soin des animaux et la réduction de l'utilisation des antibiotiques.
Au Canada, le poulet est la première source de protéines animales, et c'est pour une bonne raison : les consommateurs recherchent notre label « élevé par un producteur canadien ».
L'industrie du poulet constitue un volet clé du portefeuille d'investissement agricole du Canada. Elle procure un revenu stable, malgré les oscillations du marché. La diversification est la clé pour établir un portefeuille agricole solide et durable qui croîtra au cours des années.
Le Partenariat transpacifique aura un effet direct sur l'industrie canadienne du poulet. À la fin de sa période de mise en œuvre, on accordera l'accès au marché à 26,7 millions de kilogrammes, chaque année, en plus de l'accès de 80 millions de kilogrammes actuellement prévu par nos accords commerciaux (de l'OMC et de l'ALENA), soit près de 10 p. 100 de notre marché.
Le remplacement de notre production découlant de l'accès supplémentaire prévu par le Partenariat transpacifique peut être atténué par l'élimination du contournement des contrôles des importations. Trois mesures particulières ont été annoncées par le gouvernement, le 5 octobre 2015, à la fin des négociations dans le cadre du Partenariat, et il est essentiel qu'il les applique le plus tôt possible.
Il y a d'abord l'exclusion du poulet dans le cadre des Programmes d'exonération des droits et de report des droits de l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC). Ces programmes permettent aux transformateurs canadiens d'importer, de transformer et de réexporter du poulet dans un délai de quatre ans. Je ne suis pas certain que, après ce temps, il soit succulent.
Quatre-vingt-seize millions de kilogrammes ont été importés en 2015, soit 9 p. 100 de notre production. Les entreprises devraient avoir à utiliser le Programme d'importation pour réexportation d'Affaires mondiales Canada. Le gouvernement doit rendre le poulet inadmissible dans le cadre du Programme d'exonération des droits. Il n'y aura aucune conséquence pour les entreprises légitimes.
Ensuite, il y a la mise en œuvre d'une certification obligatoire pour toutes les importations de volaille de réforme : les vieilles pondeuses, non assujetties aux contingents tarifaires du Canada, peuvent être importées en quantités illimitées. Des importations de 100 millions de kilogrammes représentent encore 9 p. 100 de notre production et privent le Canada de près de 9 000 emplois et de 600 millions de dollars de PIB. En fait, nos importations de viande de poitrine de volaille de réforme excèdent la production des États-Unis. Cela montre bien que quelque chose ne tourne pas rond.
Le gouvernement doit mettre en œuvre la certification obligatoire de la viande de volaille et commencer à utiliser le test d'ADN élaboré par l'Université Trent pour distinguer poulet et volaille de réforme, et il doit aussi modifier la règle sur les mélanges définis de spécialité, pour assujettir aux contrôles d'importation les produits du poulet renfermant de la sauce.
La solution est simple : il doit rétablir dans les tarifs douaniers les exigences sur la sauce et la cuisson contenues dans la liste des engagements négociés auprès de l'OMC. Cela cadre entièrement avec les droits et les obligations du Canada en matière de commerce international.
En plus des mesures visant le contournement des contrôles d'importation, des programmes d'indemnité ont aussi été annoncés pour aider l'industrie à faire face au nouvel accès prévu par le Partenariat transpacifique. Nous croyons que ces mesures reconnaissent les difficiles concessions que le Canada a dû faire pour obtenir un nouvel accès à d'autres marchés et que, bien que temporaires, elles aideront un peu les producteurs et les transformateurs.
En guise de conclusion : l'industrie du poulet et son système de gestion de l'offre en évolution continuent de contribuer de façon considérable à la santé générale et à la vigueur de l'industrie agricole canadienne. Nous innovons et nous investissons dans notre industrie et nous modifions notre système afin de répondre aux exigences changeantes du marché et aux demandes des consommateurs. Nous appuyons un système d'échanges fondé sur des règles et nous comptons sur le gouvernement pour mettre en œuvre dès que c'est possible la fin des mesures de contournement des importations afin de profiter pleinement des possibilités du marché canadien.
Merci beaucoup.
Le président : Merci, monsieur Janzen. Entendons maintenant M. Peter Clarke, le président des Producteurs d'œufs du Canada.
M. Peter Clarke, président des Producteurs d'œufs du Canada : Merci de nous avoir invités à participer à la poursuite de votre étude des priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
En novembre 2014, nous nous sommes présentés ici pour décrire comment la gestion de l'offre nous permet de produire, pour les Canadiens, des œufs qui sont parmi les meilleurs du monde et comment, ce faisant, nous assurons la stabilité, ici même, à nos industries agricoles pendant que celles qui jouissent de plus grandes possibilités pour l'exportation, en profitent, sur les marchés internationaux.
Pendant les négociations ultérieures sur le Partenariat transpacifique, nous avons continué d'invoquer cet argument. Mais nous avons aussi reconnu les occasions que ce partenariat offrait au Canada et à l'ensemble de l'économie.
Voilà pourquoi nous savons gré au gouvernement de son appui et de l'habilité des négociateurs, des fonctionnaires et des élus qui ont réussi à maintenir la gestion de l'offre et à augmenter les possibilités d'échanges pour les industries agricoles au potentiel d'exportation supérieur.
Cela dit, nous avons dû nous aussi subir des conséquences. Le Canada devra importer 19 millions de douzaines d'œufs de plus par année, quand l'accord aura été ratifié et complètement mis en œuvre après 18 ans.
Pour situer cela dans son contexte, c'est presque autant que ce que nous sommes déjà obligés d'importer en application des règles commerciales actuelles, et cela signifie que les Canadiens achèteront beaucoup plus de produits importés, des produits qu'ils préfèrent frais et locaux. Cependant, nous restons assurés que la résilience et la croissance de notre industrie atténueront ces répercussions et que le Partenariat, une fois bien en place, fera disparaître une grande partie de l'incertitude que nous avons affrontée pendant des années. L'industrie peut désormais continuer de planifier sa production nationale en fonction des besoins croissants des Canadiens, sachant maintenant combien d'œufs il faut importer, du fait de l'accord commercial.
Nous voyons bien que des gains ne sont pas possibles sans certains compromis. Nous continuons d'appuyer l'accord dans son ensemble, c'est-à-dire l'accès accordé aux œufs, les compensations qui nous seront accordées et la croissance de notre industrie. Cela, bien sûr, suppose que les compensations donneront des résultats appropriés. Compte tenu de cela, nous continuons de collaborer avec le gouvernement à l'étude du bouquet de programmes de compensations pour le secteur de la gestion de l'offre annoncés en même temps que la conclusion de l'accord commercial.
Je voudrais conclure par des observations sur notre vision de nous-mêmes, après le Partenariat transpacifique, sur des points qui, je l'espère, vous intéressent.
Les Producteurs d'œufs du Canada croient qu'un nœud inextricable lie l'acceptabilité sociale et la réussite dans les affaires. Nous veillons à nous faire accepter au pays et sur la scène internationale, pas seulement parce que c'est la chose à faire, mais, aussi, parce cela soutient nos aspirations à la rentabilité et au développement socioéconomique accru. Nous donnons généreusement à des causes importantes comme Banques alimentaires Canada, Déjeuner pour apprendre et le Club des petits déjeuners du Canada, qui font profiter les Canadiens les plus vulnérables des grandes qualités nutritives des œufs. Nous avons mis en place des programmes nationaux exceptionnels de salubrité alimentaire à la ferme et de bien-être des animaux et nous investissons des montants considérables dans la recherche- développement pure et appliquée, dont les résultats profitent à notre industrie et à d'autres.
En fait, même si notre empreinte écologique est assez modeste, nous faisons des analyses comparatives et nous aidons nos producteurs à s'améliorer. Nous annoncerons un nouveau partenariat avec l'Université de la Colombie- Britannique, grâce auquel nous établirons une chaire de recherche sur la soutenabilité, la quatrième de notre programme en croissance.
Nous intensifions notre travail en développement international, grâce à l'International Egg Foundation, pour aider les producteurs d'œufs en croissance et les industries à s'établir et à devenir soutenables. Nous exportons essentiellement nos connaissances et nos compétences là où elles sont le plus nécessaires.
Par exemple, Heart for Africa, notre nouvelle ferme de production d'œufs, a accueilli son premier troupeau. Elle offre désormais des milliers d'œufs nourrissants aux orphelins swazis. Ce programme amélioré d'alimentation livre 74 000 repas emballés à la main chaque mois. Plusieurs de nos directeurs et producteurs issus de notre programme de leadership pour les jeunes sont là-bas depuis le début. Par une méthode d'immersion ils ont vu ce qu'il faut pour monter une opération qui privilégie les collectivités et l'environnement locaux, et nous enseignons aux populations locales comment exploiter la ferme à long terme. Nous communiquons des méthodes précieuses que la gestion de l'offre nous a permis d'appliquer dans des parties du monde où la faim et la malnutrition sont endémiques, ce qui est une mesure indispensable vu la croissance de la population mondiale et l'insécurité alimentaire imminentes.
Voilà des façons remarquables par lesquelles nous continuons de présenter en exemple une industrie qui est ici un facteur de stabilité, qui fournit aux familles canadiennes un produit répondant aux meilleures normes mondiales, un produit dont elles ont besoin et dont elles profitent, un produit qui abolit les frontières pour nos connaissances, nos compétences, notre compassion et notre générosité.
Voilà une réalité qui appartient en propre à notre industrie. Nous espérons sincèrement que le comité s'en souviendra, dans la poursuite de son étude du programme canadien des échanges internationaux et des négociations qu'entreprendra notre gouvernement.
Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Clarke. Entendons maintenant M. Mark Davies, le président des Éleveurs de dindon du Canada.
Mark Davies, président des Éleveurs de dindon du Canada : Mesdames et messieurs, bonjour. Les Éleveurs de dindon du Canada vous sont reconnaissants de l'occasion que vous leur offrez de participer à votre étude des priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Depuis la dernière comparution de notre organisme devant votre comité, en décembre 2014, notre industrie a connu de nombreux changements, mais nous concentrerons nos observations d'aujourd'hui sur ceux qui auront les conséquences les plus graves et les plus lointaines, c'est-à-dire, bien sûr, la conclusion des négociations sur le Partenariat transpacifique.
À cet égard, le Partenariat, comme la plupart des accords commerciaux, cherche à concilier soigneusement les concessions mutuelles ou le pour et le contre de chaque pays membre. Les Éleveurs de dindon du Canada ont suivi pendant plusieurs années les négociations qui conduisaient au Partenariat dont ils reconnaissent l'importance pour l'ensemble de l'économie canadienne.
Pour notre industrie, l'accord final sur le Partenariat transpacifique maintient les droits hors contingents actuellement en vigueur. C'est un gain. Ils nous permettent d'affirmer avec beaucoup de certitude que les importations de viande de dindon qui excèdent les engagements d'accès minimum du Canada n'auront pas besoin d'être honorées dans les conditions normales qui existent au pays et sur la scène internationale.
Mais, ce qui est le plus inquiétant, notre industrie s'est fait accorder un nouvel accès au marché assujetti à un contingent tarifaire qui sera mis en œuvre en deux temps. Dans un premier temps, l'accès augmentera de 583 000 kilogrammes par année pendant les six premières années, ce qui le portera au total de 3,5 millions de kilogrammes. Ce sont des chiffres considérables, qui représentent une augmentation de l'accès des deux tiers en cinq ans. Dans le deuxième temps, cet accès de 3,5 millions de kilogrammes augmentera chaque année à un taux composé de 1 p. 100 pendant 13 ans, jusqu'au total fixe d'environ 4 millions de kilogrammes. En tout, ce nouvel accès assujetti à un contingent tarifaire équivaut à une augmentation de 71 p. 100 de l'accès et de 2,3 à 4,4 p. 100 de la production de 2015, selon le produit carné importé, c'est-à-dire sa nature : oiseau entier ou poitrine. La valeur se trouve vraiment dans la viande de poitrine, ce qui explique la fourchette. Cela équivaut à une perte annuelle de 14 millions de dollars en recettes monétaires agricoles, soit environ 270 millions en 19 ans, sans tenir compte de l'impact des prix vifs, du fait de l'augmentation de l'accès aux marchés. Nous ignorons les conséquences concrètes de la fixation d'un nouveau prix, en raison des pressions exercées sur notre industrie.
Si l'effet est réparti également au pays, cela pourrait se traduire par des pertes d'environ 26 000 $ en recettes monétaires agricoles par exploitation et par année. Visiblement, ce n'est pas négligeable. À remarquer aussi que notre industrie ne voit se dégager aucune possibilité importante d'exportation dans le cadre du Partenariat transpacifique, malgré certaines rumeurs des quelques derniers mois.
Pour vous situer dans le contexte, la production américaine de dindon dépassait à peine 2,5 milliards de kilogrammes, environ 15 fois la production canadienne. Les États-Unis sont le principal fournisseur du Mexique, ce qui laisse peu de débouchés viables, sur ce marché, aux découpes moins prisées du Canada, parce que c'est un marché pour la viande rouge.
S'il y a des débouchés pour le marché canadien du dindon aux États-Unis et au Japon, le PTP n'offre toutefois rien de très avantageux à cet égard. D'autres pays maintiennent leurs barrières non tarifaires et leurs barrières sanitaires et phytosanitaires au commerce, car l'accord n'aborde pas la question.
Quand il est question des programmes annoncés pour les producteurs soumis à la gestion de l'offre, à la conclusion des négociations entourant le PTP en octobre, le gouvernement du Canada a annoncé une série de programmes et d'initiatives à l'appui des producteurs et des transformateurs soumis à la gestion de l'offre pour toute la durée de la mise en œuvre de l'accord. Reconnaissant que l'accord allait compromettre les revenus des producteurs et la croissance du secteur, le gouvernement a présenté un aperçu du Programme de garantie de la valeur des quotas, du Programme de garantie du revenu, de l'Initiative de développement des marchés et du Programme de modernisation de la transformation.
Je n'ai que quelques commentaires à formuler brièvement sur chacun d'eux, si vous me le permettez. Premièrement, pour le Programme de garantie du revenu, l'accès au marché qu'offre le PTP est considérable pour toutes les industries. Cependant, pour la nôtre, si c'est de la viande de poitrine qui arrive au Canada, et c'est ce qu'on prévoit, cela équivaut à la production annuelle entière de deux de nos petites provinces combinées, soit la Nouvelle-Écosse et le Nouveau- Brunswick. Nous n'avons eu que des discussions préliminaires avec les représentants du gouvernement à ce sujet, alors nous attendons impatiemment d'avoir plus de détails sur ces programmes.
Nous avons besoin de plus d'information sur la façon dont les paiements et la valeur seront calculés pour chacun des producteurs, et cela nous inquiète. Dans notre cas, c'était 88 000 par producteur de dindon sur 15 ans. Il faudra nous garantir que le montant de 2,4 milliards de dollars voué à notre industrie ne sera pas réduit de façon unilatérale, et il est on ne peut plus important qu'on nous communique des détails sur la façon dont les programmes vont fonctionner et être offerts.
En ce qui concerne le Programme de garantie de la valeur des quotas, personne n'a vu venir l'imposition de la mention du pays d'origine sur les étiquettes par les États-Unis, ni l'éclosion d'ESB chez les bovins ou d'IA chez la volaille, ni même la crise financière de 2008. Ne sachant pas ce que l'avenir nous réserve, ni quelles conséquences inattendues le PTP pourrait avoir sur notre industrie, nous croyons que le Programme de garantie de la valeur des quotas de 1,5 milliard de dollars a encore sa raison d'être et qu'il devrait demeurer en place pendant au moins une dizaine d'années encore.
Si l'accès accru aux marchés a pour effet de réduire le revenu des producteurs, la valeur des exploitations de notre secteur pourrait très bien être malmenée. Même si nous espérons ne jamais avoir à réclamer de paiements dans le cadre du Programme de garantie de la valeur des quotas, il est rassurant de savoir que le programme existe en cas d'imprévus. Nous allons travailler avec les représentants du gouvernement pour que le programme soit fonctionnel si le besoin devait se présenter.
Quant à l'Initiative de développement des marchés, nous accueillons favorablement le nouvel engagement de 15 millions de dollars sur cinq ans pour aider les secteurs soumis à la gestion de l'offre à maintenir, à développer et à accroître leur part de marché. Si nous voulons atténuer les répercussions de l'accès accru aux marchés sur nos industries, nous devons favoriser la consommation nationale. Cela favorisera les investissements et le développement de produits au sein de l'industrie. C'est avantageux pour les consommateurs, les producteurs et nos partenaires de l'industrie de la transformation.
Il sera important d'attribuer ces fonds de manière à ce que tous les secteurs en profitent adéquatement. Nous sommes heureux que des fonds aient été annoncés dans le cadre du Programme de modernisation de la transformation pour le secteur de la transformation. La technologie évolue constamment, comme vous le savez, et ce financement permettra à nos industries de suivre le rythme de leurs concurrents nationaux et internationaux à l'échelle du secteur des produits de la viande.
Pour ce qui est de l'annonce des mesures anticontournement des contingents tarifaires, qui constitueront un pilier de notre gestion de l'offre, nous avons nos contrôles d'importation. Lors de l'annonce de la conclusion de l'accord du PTP, le gouvernement s'est engagé à régler différents problèmes à long terme liés au contournement des quotas d'importation. Dave, de l'industrie des producteurs de poulet, en a parlé tout à l'heure. Nous avons les mêmes préoccupations à l'égard des contrôles frontaliers et les manipulations que cela occasionne, si je peux m'exprimer ainsi. Je n'irai pas plus loin là-dessus. Je crois que nous avons fait le tour du sujet, mais nous savons que ces mesures doivent être mises en place de toute urgence. À notre avis, cela aurait dû être fait il y a de nombreuses années, mais le temps presse aujourd'hui avec l'imminence de l'entrée en vigueur de cet accord.
Enfin, en leur offrant un nouvel accès garanti en échange de possibilités d'exportation pour d'autres secteurs de l'économie canadienne, on force les producteurs soumis à la gestion de l'offre à accepter une perte de production et de revenu. C'est une érosion de la contribution de nos producteurs aux économies rurales et à la société canadienne. L'accès qu'on donnera au secteur du dindon viendra remplacer notre croissance future, puisque le contingent tarifaire sera appliqué dans le secteur de la transformation, le moteur de notre croissance nationale.
C'est dans ce contexte que le gouvernement a annoncé des programmes nationaux supplémentaires et pris l'engagement de régler les problèmes qui perdurent depuis un bon moment à l'égard des mesures frontalières et du contournement des contingents tarifaires. Pour nous, cela témoigne de l'engagement du gouvernement envers nos producteurs, et nous en avons besoin à la lumière de la mise en œuvre du PTP. Notre industrie accueille favorablement ces annonces, mais elle s'attend évidemment à des mesures concrètes.
Merci beaucoup de m'avoir écouté.
Le président : Merci beaucoup, messieurs Davies, Clarke et Janzen pour vos exposés.
Le sénateur Mercer : Bonjour, messieurs. Merci d'être ici. Ma question s'adresse à vous tous. Le gouvernement a signé le PTP. On ne parle pas encore de mise en œuvre. C'est une simple signature. La question va maintenant être déposée devant la Chambre des communes, qui devra en débattre et la soumettre au vote. Le processus va suivre son cours. Ma question est simple : Êtes-vous prêts?
J'essayais de prendre des notes pendant vos exposés. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que les producteurs de poulet sont prêts, les producteurs d'œufs le sont peut-être, et les producteurs de dindon ne le sont pas. Est-ce que j'ai bien compris? Vous saurez me le dire : Êtes-vous prêts?
J'appuie fortement la gestion de l'offre, mais ses détracteurs diront que certaines choses font obstacle à nos accords commerciaux. J'aimerais savoir si vous êtes prêts. Pouvez-vous me nommer une chose que le gouvernement pourrait faire pour vous aider à vous y préparer?
Monsieur Janzen, j'ai dit que les producteurs de poulet étaient prêts; ai-je raison?
M. Janzen : Vous avez tout à fait raison, nous sommes prêts.
Le sénateur Mercer : Y a-t-il une chose que le gouvernement pourrait faire pour vous aider à l'être encore plus?
M. Janzen : Le gouvernement doit tout simplement tenir sa parole et mettre en œuvre les mesures d'atténuation annoncées le 5 octobre.
Le sénateur Mercer : La plupart du temps, c'est moi qui fais les emplettes à la maison. Quand je vais à l'épicerie, j'essaie d'acheter des produits canadiens, autant les fruits et légumes que la viande. C'est plus difficile pour les fruits et légumes, évidemment, selon la saison. Vous avez indiqué que les Canadiens étaient contents de pouvoir acheter du poulet produit au Canada en magasin.
M. Janzen : C'est exact.
Le sénateur Mercer : Je vais mettre mes souliers de sénateur qui fait partie de ce comité depuis longtemps et qui est allé plus d'une fois aux États-Unis pour débattre de la mention du pays d'origine sur les étiquettes. Nous sommes contre cette mesure. Dites-vous que la mention du pays d'origine profite aux producteurs de poulet du Canada dans nos marchés intérieurs?
M. Janzen : C'est seulement à des fins de commercialisation.
Le sénateur Mercer : C'est l'objectif du programme, de toute façon, et je crois que les Américains offriraient le même argument que vous : c'est pour commercialiser le poulet produit aux États-Unis.
Mike Dungate, directeur exécutif, Producteurs de poulet du Canada : La différence, c'est qu'il n'est pas question de réglementation imposée par le gouvernement ici. Il s'agit d'une simple campagne publicitaire. Nous affichons notre marque de commerce sur nos produits pour que les gens puissent faire leur choix. C'est un effort publicitaire de notre part. Il n'est pas question d'une exigence réglementaire.
Le sénateur Mercer : Cela répond à ma question.
Monsieur Clarke, êtes-vous prêts?
M. Clarke : Honnêtement, je déteste entamer la journée en vous contredisant, mais vous n'avez pas tout à fait bien compris : nous sommes prêts.
Le sénateur Mercer : Ce sont de bonnes nouvelles. J'ai trouvé très intéressant que vous parliez du permis social dans votre exposé. Je vais me concentrer sur les producteurs d'œufs un instant, mais cela ne veut pas dire que j'exclue les autres. L'engagement des producteurs d'œufs dans leurs collectivités respectives est considérable.
M. Clarke : Merci.
Le sénateur Mercer : Si nous n'avions pas la gestion de l'offre que nous avons, pensez-vous que votre permis social serait amoindri ou appelé à disparaître? Votre contribution a une réelle incidence, notamment dans les quartiers pauvres des grandes villes et les collectivités défavorisées.
M. Clarke : Absolument, sénateur. Je crois que le mieux serait de poser la question aux personnes qui en ont bénéficié, entre autres par l'entremise des programmes scolaires, comme Déjeuner pour apprendre. Je ne veux pas parler en leur nom, mais je suis certain qu'ils diraient à qui veut bien l'entendre que cela a d'importantes retombées pour les collectivités de l'ensemble du pays. Je crois que c'est grâce à une bonne gestion de l'offre que nous sommes en mesure de redonner à la communauté. C'est une passion pour nous. Tous les représentants ici présents participent à des programmes de ce genre. Il n'y a pas que les producteurs d'œufs; en général, c'est ce que la gestion de l'offre permet de faire.
Alors, sénateur, nous sommes prêts. La seule chose que je demanderais au gouvernement en place, c'est de respecter le programme d'indemnisation et les mesures d'atténuation afin de limiter les répercussions de la ratification du PTP sur la gestion de l'offre. Ce sont des éléments clés pour nous. Si le gouvernement respecte cela, tout ira bien.
Le sénateur Mercer : Je suis très prudent à ce sujet. Comme nous le savons, dans le secteur des produits laitiers, on contrôle les produits qui traversent la frontière. La décision de permettre l'importation d'un certain produit — en invoquant l'argument qu'il ne s'agissait pas d'un produit laitier — a eu d'énormes répercussions sur cette industrie. Nous devons nous assurer que tout le monde reçoit la bonne formation; que tout le monde sait de quoi il s'agit. Les gens du ministère des Finances, de Revenu Canada ou des services frontaliers doivent savoir de quoi on parle, même s'il est question d'agriculture.
Monsieur Davies, je connais quelques-uns des grands producteurs de dindon aux États-Unis. Je n'ai pas visité leurs installations, mais je suis passé devant. C'est énorme. Je me suis rendu dans des supermarchés dans différentes régions des États-Unis et j'ai examiné les produits. Je crois que la commercialisation du dindon sur le marché du détail mise sur la stratégie du produit d'appel. Le dindon est un produit qui s'y prête parfaitement. Ce n'est pas nécessairement quelque chose que les gens achètent toutes les semaines, mais quand ils le font, ils veulent de la quantité et de la qualité. Ai-je raison? Quelle est votre plus grande crainte? Ai-je raison d'affirmer que votre industrie est la moins prête des industries représentées aujourd'hui?
M. Davies : Je déteste être le deuxième de la vallée d'Annapolis à vous contredire, sénateur.
Le sénateur Mercer : Il y en a d'autres de la vallée ici qui sont toujours en désaccord avec moi. Le sénateur Ogilvie n'a pas encore eu l'occasion de me remettre à ma place ce matin.
Le sénateur Ogilvie : Continuez comme cela et je n'aurai pas besoin de le faire.
M. Davies : Si je vous ai donné cette impression, je dois clarifier mes propos. Nous sommes prêts. Seulement, les répercussions sur notre industrie seront énormes. Il faut peut-être gratter un peu plus loin pour le voir. J'ai abordé le sujet brièvement dans mon exposé. Le premier produit à faire son entrée sera la viande de poitrine. C'est le moteur économique de notre industrie. On assistera au déplacement de notre production nationale à hauteur de 1 contre 4; tous les produits importés seront des produits de viande de poitrine. Dans le passé, c'est ce qu'on a vu aux États-Unis et dans bien d'autres grands pays importateurs. Cela aura pour effet de déplacer la production au détriment des producteurs canadiens.
Il faut que des mesures d'atténuation soient mises en place, comme cela a été dit par les Producteurs de poulet du Canada, en plus des mesures dont Peter a parlé.
Le sénateur Mercer : Les produits d'appel auxquels j'ai fait référence sont presque exclusivement des volailles complètes ou de la viande de poitrine. Ce n'est jamais de la viande brune.
M. Davies : À l'exception des cuisses, qui ont gagné en popularité, c'est un marché de viande blanche. Les marchés dont j'ai parlé, comme le Mexique, sont des marchés de viande brune. Chaque fois qu'un produit pénètre notre marché, nous nous inquiétons de la valeur.
Le sénateur Mercer : Comme la viande blanche est le produit principal, est-ce que le PTP donnerait l'occasion aux producteurs de dindon d'accroître leurs exportations de viande brune?
M. Davies : Les transformateurs sont toujours à l'affût de telles possibilités. La valeur monétaire de la viande brune ne se compare pas à celle de la viande blanche. Ces deux produits sont à l'opposé du spectre dans notre industrie.
Ils cherchent toujours à développer ce marché ici, au Canada, grâce à diverses transformations. C'est de ce côté que nous avons enregistré une croissance, et lorsque la viande de poitrine fera son entrée dans notre marché, c'est aussi là qu'il faudra compenser. C'est très inquiétant, selon nous. Nous avons concentré nos efforts là-dessus, car les consommateurs ont demandé des produits davantage transformés. C'est là que la croissance s'enregistre. Le marché des produits ensachés ou le marché traditionnel croît avec la population, mais c'est une croissance stable. C'est la surtransformation qui alimente réellement notre marché.
Le sénateur Mercer : Merci.
Le sénateur Plett : Je vais tâcher d'être assez précis dans mes questions, de façon à ce que les autres sénateurs aient la chance de poser les leurs. La plupart de mes questions vont s'adresser tant aux producteurs de poulet qu'aux producteurs de dindon. Il y a des similitudes.
Monsieur Janzen, vous dites que notre climat nordique, avec ses hivers rigoureux et ses étés chauds, entraînent des coûts de production beaucoup plus élevés qu'aux États-Unis et au Brésil. Compte tenu du climat avec lequel nous devons composer, est-ce que notre production est aussi élevée qu'elle pourrait l'être? Aussi bien pour le poulet que pour le dindon. Si oui, est-ce que la qualité est aussi bonne qu'elle le pourrait?
M. Janzen : Nous avons certainement la capacité voulue pour prendre de l'expansion. Nous connaissons une croissance stable depuis quelques années. Nous avons remarqué un nouvel intérêt pour notre marché. Nous sommes en mesure de générer une croissance annuelle de 4 à 5 p. 100.
Le sénateur Plett : Je suis d'accord avec le sénateur Mercer; je préfère acheter des produits canadiens, mais à quel prix?
M. Janzen : Exactement.
Le sénateur Plett : J'ai mentionné plusieurs fois au comité que j'ai un chalet à la frontière du Manitoba et du Minnesota, à cinq minutes d'un grand supermarché, au sud de la frontière. Évidemment, on s'est rapprochés un peu de la parité aujourd'hui, mais même avec la valeur du dollar l'an passé, j'allais faire des achats aux États-Unis. Honnêtement, je préfère de loin notre poulet à celui des États-Unis. Et ce n'est pas seulement parce que je veux acheter des produits canadiens; je crois que notre poulet est meilleur. Quoi qu'il en soit, le prix est élevé. Demandons-nous aux consommateurs de payer plus cher? Je ne veux pas être rabat-joie, mais est-ce que c'est ce que nous demandons aux consommateurs canadiens?
M. Janzen : C'est en effet plus cher de mener des affaires au Canada. Nous faisons l'élevage dans des poulaillers clos. Au sud, il y a des poulaillers ouverts et des systèmes de ventilation continue, car les températures ambiantes favorisent la production. Les aliments pour animaux coûtent moins cher qu'ici, alors les coûts unitaires sont nettement moins élevés que chez nous.
Le sénateur Plett : Étant du Manitoba, je peux vous dire que ce serait pire au Manitoba qu'à Abbotsford.
Monsieur Davies, avez-vous les mêmes inquiétudes?
M. Davies : Je n'entrerai pas dans les détails, mais je donne de nombreuses entrevues sur l'industrie du dindon pendant la saison des festivités, et c'est une des questions qui revient constamment : pourquoi payons-nous plus cher? Dave a effleuré le sujet en disant qu'il coûte plus cher de faire des affaires au Canada. Aussi, beaucoup de ces produits sont des produits d'appel, comme le sénateur le disait précédemment, surtout le long de la frontière.
Nous concentrons nos efforts sur le marché national. C'est la réalité dans un système soumis à la gestion de l'offre. Nous nous efforçons de répondre aux besoins de nos clients en leur offrant des produits de qualité élevée. Je le répète, la production des produits canadiens entraîne des coûts plus élevés.
Le sénateur Plett : Vous ne cherchez pas à exporter une grande quantité de produits?
M. Davies : Non. Pour être honnête, l'énorme infrastructure dont profitent les États-Unis nous empêche de leur faire concurrence. C'est également le cas d'un grand nombre d'industries canadiennes, à moins qu'elles soient très imposantes.
Si vous me le permettez, j'aimerais demander à Phil de parler un peu de l'établissement des prix de détail, car cela pourrait éclairer la discussion.
Phil Boyd, directeur général, Les éleveurs de dindon du Canada : Lorsque nous avons comparu devant le comité au début décembre 2014, nous avons parlé un peu du prix à la consommation. À l'aide des statistiques auxquelles nous avons accès, nous avons mené quelques analyses sur le prix des dindons entiers au Canada et aux États-Unis. Nous avons conclu que sur une période de 14 ans, pendant la période des fêtes et à d'autres moments, les prix des carcasses entières étaient sensiblement dans la même fourchette au Canada et aux États-Unis et ne présentaient que de légères différences. Rien ne laissait croire que les dindons canadiens étaient plus dispendieux que les dindons américains. En fait, sur la période de 14 ans que nous avons examinée, les Canadiens ont payé de 5 à 8 p. 100 moins cher. C'est donc très serré.
Ce n'est pas toujours vrai que les prix à la consommation sont toujours plus élevés dans notre pays. Je voulais seulement attirer votre attention là-dessus. Je crois que ces informations se trouvent dans les documents que nous vous avons fournis en décembre 2014.
Le sénateur Plett : Un moratoire a encore été déclaré l'été dernier. Si je voulais manger du poulet au chalet, je devais l'apporter de la maison, car je ne pouvais pas lui faire traverser la frontière. Était-ce directement à la frontière? Il y a quelques mois, le Minnesota a levé les interdictions à cet égard, mais pas le Dakota du Nord. Est-ce que cela se passe directement à la frontière? Pourquoi? Cela a-t-il aidé les producteurs canadiens en ne nous permettant pas de livrer de la volaille et des œufs?
Je présume que ma question s'adresse également à M. Clarke, car je ne pouvais pas plus traverser la frontière avec des œufs.
M. Janzen : Eh bien, nous avons certainement remarqué une reprise presque immédiate du marché des produits du poulet.
Le sénateur Plett : Pourquoi ce moratoire a-t-il été instauré? On m'a seulement dit que je ne pouvais pas traverser la frontière avec ces produits. J'étais content que cette fois, c'était nous qui fermions nos frontières plutôt qu'eux.
M. Clarke : Je crois que vous faites probablement référence à l'époque où la grippe aviaire a forcé la fermeture de la frontière du côté américain. Lorsqu'un État fait partie de la communauté internationale, les contrôles frontaliers ont préséance lors d'une éclosion de grippe aviaire et ils peuvent bloquer le passage des marchandises à la frontière. L'objectif était de protéger les régions où la grippe aviaire n'était pas encore apparue et d'éviter que les oiseaux d'élevage contractent la maladie dans ces États, qu'il s'agisse des poulets, des dindons ou des animaux producteurs d'œufs. Je crois que c'est ce qui s'est produit. Ce n'était pas un moratoire.
Le sénateur Plett : Ce n'était pas un moratoire. Je n'aurais pas dû utiliser ce mot.
M. Clarke : Un protocole approprié est toujours en œuvre pour préciser la période de temps pendant laquelle les animaux d'élevage ne doivent pas présenter de symptômes de la grippe aviaire, peu importe le pays. Ce protocole est respecté. Lorsque la période déterminée est écoulée, les mesures sont allégées, peu importe qu'il s'agisse d'un État ou d'une province, et les échanges commerciaux reprennent.
Les règlements en vigueur aujourd'hui sont bien utilisés, car on ne ferme pas nécessairement toutes les frontières d'un pays. En effet, il se peut que ces mesures soient mises en œuvre seulement dans certaines régions de certains États ou provinces. Ces mesures n'arrêtent pas les échanges commerciaux à grande échelle, mais ils minimisent le commerce de distribution.
Tim Lambert, chef de la direction, Les producteurs d'œufs du Canada : La conversation sur la grippe aviaire nous ramène à votre question précédente : Demandons-nous tout simplement aux Canadiens de payer un prix plus élevé? Tout comme dans le cas des dindons, les œufs ne sont pas toujours plus chers au Canada, mais si on accepte que dans de nombreux cas, un produit affiche un prix moins élevé aux États-Unis, c'est vrai pour la plupart des produits. Notre régime fiscal est différent. Nous profitons d'un système de soins de santé. Comme vous le savez, nous avons toutes ces choses dont nous profitons en tant que Canadiens.
L'autre fait qui est probablement beaucoup moins connu, c'est que pour atteindre les niveaux de production des États-Unis, il faut avoir recours à des économies d'échelle importantes. Au Canada, une exploitation de production d'œufs contient environ 22 000 oiseaux d'élevage. Aux États-Unis, une telle exploitation en contient 1,5 million. Pensez seulement aux défis que cela représente sur le plan de l'environnement et de la gestion des maladies. L'an dernier, dans le Midwest, la grippe aviaire a tué 36 millions d'oiseaux d'élevage. De notre côté, nous avons eu quelques éclosions isolées de la maladie. Nous avons des petites unités de production dispersée partout au pays. La stabilité rurale et l'économie locale appuient les usines d'aliments pour animaux, les cliniques de vétérinaires et les concessionnaires de machineries.
Les effets engendrés par la gestion de l'offre et une production nationale stable vont bien au-delà du coût unitaire des produits. Je ne crois pas que les Canadiens souhaitent acheter des aliments issus de ce type de production à grande échelle concentrée dans un petit nombre de régions.
Le sénateur Plett : Monsieur Janzen, dans votre exposé, vous avez brièvement mentionné un point. L'une des plus grandes préoccupations exprimées par les représentants des Manitoba Chicken Producers lorsqu'ils ont comparu devant le comité et qu'ils m'ont rendu visite, c'est la question des volailles de réforme. Pourriez-vous expliquer la situation à nos téléspectateurs? Certaines personnes souffrent d'insomnie et regardent cette émission à 3 heures du matin, et elles aimeraient peut-être en apprendre davantage sur les volailles de réforme et sur le problème qu'elles posent.
M. Janzen : Je vous remercie beaucoup d'avoir posé la question. Les volailles de réforme sont des vieilles poules pondeuses qui ont complété leur cycle de ponte et qui sont envoyées à l'abattoir. La viande est donc destinée à la consommation humaine. Les volailles de réforme ne sont pas sur la liste de marchandises d'importation contrôlée, et elles peuvent donc entrer dans notre pays en franchise de droits. Il s'ensuit que lorsque les volailles arrivent à la frontière, elles sont miraculeusement inscrites dans la catégorie des volailles de réforme. Une fois arrivées dans notre pays, elles sont traitées dans une usine de transformation et d'emballage, et elles deviennent des poulets, ce qui leur permet d'entrer sur le marché canadien du poulet. C'est l'un des grands mystères de la vie. À leur arrivée, ce sont des volailles de réforme, mais elles se transforment en poulets vendus en épicerie. Cela a provoqué un déplacement important de notre production nationale, c'est-à-dire de l'ordre de près de 10 p. 100.
Le sénateur Plett : Qui déjoue les règles? Les Américains, les Canadiens ou les deux pays?
M. Janzen : Le processus, dans son ensemble, n'enfreint pas les règlements. En effet, la volaille de réforme peut entrer légalement au pays. Notre problème, c'est que tous les oiseaux d'élevage qui se retrouvent dans cette catégorie ne sont pas nécessairement des volailles de réforme. Il s'agit de poulets déguisés en volailles de réforme, car on peut ainsi les faire entrer au pays en évitant les contrôles à l'importation. Voilà le problème.
La sénatrice Tardif : Ma question s'adresse aux représentants des trois associations qui comparaissent devant le comité aujourd'hui. Si j'ai bien compris, les répercussions engendrées par l'accès accru de vos industries en raison de l'accord du PTP seront négatives, à moins que vous trouviez le moyen de compenser en profitant d'un accès accru pour vos produits sur le marché national. Est-ce exact? Si c'est le cas, que peut-on faire pour faire plus de place à vos produits sur le marché national? Cela entraînera-t-il une diminution des coûts?
M. Davies : Je vous remercie d'avoir posé la question. Notre cas pourrait être différent de celui de mes collègues. Dans mon exposé, j'ai indiqué que notre marché de dindons était établi. Malheureusement, nous ne connaissons pas le même type de croissance que le secteur du poulet. En ce moment, l'accès élargi cible notre seul domaine de croissance, c'est-à-dire la surtransformation. Nous avons concentré une grande partie de notre énergie et de nos ressources et nous avons changé la façon dont nous affectons les ressources à la production, afin de tenir compte de cette tendance et de concentrer nos efforts en ce sens, comme je l'ai indiqué. Les clients veulent des produits surtransformés. Ce qui s'en vient aura donc des répercussions directes sur ce secteur et cela créera un déséquilibre, car c'est la partie à valeur élevée de notre industrie.
Il ne s'agit pas seulement du nombre de kilogrammes qui entreront au pays, mais également des répercussions en dollars, et ce qui sera enlevé à l'agriculteur sur son exploitation agricole. Cela aura également des répercussions sur l'industrie de la transformation, ainsi que sur les agriculteurs et les producteurs.
M. Clarke : Merci. Nous avons profité d'une bonne croissance sur le marché dans les secteurs des produits destinés à la consommation et de la surtransformation des œufs. Au fil du temps, cette croissance naturelle contribuera à réduire les répercussions engendrées par les œufs, c'est-à-dire les 19 millions de douzaines d'œufs dont j'ai parlé, mais il faudra plusieurs années pour que l'équilibre soit rétabli.
Nous sommes satisfaits de l'accès au marché dont nous profitons en ce qui concerne les produits destinés à la consommation et à la transformation. Je suis certain que nous aurons toujours accès à ces occasions grâce aux nouveaux développements et aux nouveaux produits.
Vous vouliez également savoir si les prix ou les coûts allaient diminuer. Les coûts dépendront de nos intrants, et ils ne diminueront pas nécessairement au fil du temps, même si nous avons déjà démontré que nos marchés suivent le coût de nos intrants. Je ne peux pas affirmer catégoriquement que les prix vont diminuer, mais les consommateurs paient toujours de bons prix.
M. Lambert : J'aimerais approfondir la question. Notre industrie a joui d'une croissance d'un peu plus de 22 p. 100 au cours des neuf dernières années, et nous avons donc affiché une croissance annuelle stable tout au long de la dernière décennie. Toutefois, il reste que ces 19 millions de douzaines d'œufs représentent une production annuelle que nous ne pouvons pas atteindre au Canada, et cela engendre donc des répercussions. La croissance ne nous permet jamais tout à fait de prendre le dessus, car nous ne récupérerons jamais cette production économique. Cela engendre des répercussions réelles et durables. C'est à ce moment-là qu'il s'agit d'un forfait contentant des stratégies d'atténuation pour nous aider à gérer la situation. D'ailleurs, nous avons parlé d'un grand nombre de ces stratégies qui sont sous le contrôle du gouvernement, et nous avons également mentionné la compensation. Je crois que ces choses, dans leur ensemble, sont essentielles pour aider les industries à surmonter ces difficultés.
La sénatrice Tardif : Oui, monsieur Janzen?
M. Janzen : Il ne fait aucun doute que tous les accès au marché négociés dans un accord commercial sont permanents. Ils deviennent un élément permanent de l'industrie canadienne du poulet.
Nous avons collaboré avec le gouvernement tout au long du processus des négociations commerciales, afin de réduire le risque en traitant les autres enjeux liés au contrôle des importations que j'ai mentionnés. Pour répondre à votre question, c'est ce qui nous permettrait de regagner une partie de notre marché national et de renforcer notre industrie. Nous pourrions ainsi faire des prévisions, augmenter notre production et diminuer nos coûts unitaires. L'atténuation des enjeux liés au contrôle des exportations peut nous aider à faire fructifier et à renforcer l'industrie canadienne du poulet.
La sénatrice Tardif : Quelles sont les perspectives du marché pour les produits canadiens, surtout sur le marché asiatique?
M. Dungate : Je crois que cela fait partie du défi. Dans le secteur de la viande, seulement 10 p. 100 de l'ensemble de la production de poulet fait l'objet d'échanges commerciaux, car ce produit se retrouve surtout sur le marché frais et le marché local. En effet, le poulet est la viande qui a la plus courte durée de conservation. On peut exporter du bœuf partout dans le monde, car on peut le faire vieillir en route. Notre viande, au contraire, dépérit très rapidement, à moins qu'elle soit congelée. Toutefois, dès qu'on la congèle, elle perd environ la moitié de sa valeur.
Nous sommes déjà le huitième exportateur de poulet en importance dans le monde. Cela vous surprend. Toutefois, c'est parce que le Brésil et les États-Unis représentent 75 p. 100 du commerce international du poulet. Tous les autres pays sont de petits exportateurs en comparaison. C'est vraiment un marché. Les États-Unis font cela pour équilibrer le marché entre les viandes blanche et brune, comme nous le faisons également. Ce pays a des exportations de l'ordre de 18 p. 100 sur notre marché. C'est le plus grand exportateur, et ses exportations atteignent 18 p. 100. C'est le point que je fais valoir. Il n'y a pas vraiment de marché très éloigné pour les produits du poulet, à moins de créer une grande valeur ajoutée à un repas préparé et congelé. Mais c'est difficile en raison de nos problèmes liés aux coûts.
Le sénateur Tardif : Merci. Monsieur Lambert?
M. Lambert : Les œufs sont essentiellement destinés au marché du frais. Il se fait du commerce avec les États-Unis, et c'est à peu près tout. Nous exportons un peu de poudre d'œufs en Asie, mais c'est un marché de très faible valeur. Nous exportons les surplus, si nous en avons. Ce n'est pas un moteur, ni même un débouché pour l'industrie ovocole.
[Français]
Le président : Je demanderais aux sénateurs et aux témoins d'être plus brefs dans leurs questions et réponses, si nous voulons faire un deuxième tour de questions, afin de donner la chance à tous les sénateurs de poser des questions.
Le sénateur Dagenais : Je vais vous faire sourire un peu. Je séjournais aux États-Unis pendant la période des fêtes. Nous avons acheté un dindon chez Winn-Dixie à 65 ¢ la livre; ce n'était pas cher et nous en avons mangé beaucoup pendant la période des fêtes. D'ailleurs, je retourne aux États-Unis la semaine prochaine; j'imagine qu'il en reste dans le réfrigérateur et que nous allons en manger encore. Cela étant dit, il était tout de même assez bon. Quant aux prix — moi, je ne fais pas l'épicerie, contrairement au sénateur Mercer —, nous avons acheté une douzaine d'œufs à 1,50 $, et ma femme m'a dit que ce n'était pas cher. Je ne connais pas les prix, mais elle était très surprise des prix.
J'enchaîne avec ma question. Depuis que je suis membre de ce comité, nous avons beaucoup entendu parler de la volaille de réforme. Ma question s'adresse à M. Janzen : j'aimerais avoir un exemple de ce que les consommateurs trouvent comme volaille de réforme sur le marché, sans savoir nécessairement de quoi il s'agit.
J'ai aussi une deuxième question : si vous aviez des recommandations à faire au gouvernement, comment pourrait-il intervenir pour régler cette situation?
J'ai cru comprendre que ces produits pourraient être offerts au Canada — le mot n'est peut-être pas trop fort — de façon frauduleuse, de façon transformée.
[Traduction]
M. Janzen : Merci beaucoup de vos questions, sénateur. Généralement, au Canada, la volaille de réforme est utilisée dans des produits surtransformés, comme des galettes de poulet pour burgers. Tout ce qui a été mariné et surtransformé au moyen d'une pâte pourrait aussi comporter une quantité indéterminée de volaille de réforme, mais vous ne le sauriez pas parce que l'étiquette dirait « poulet ». La volaille de réforme peut être mélangée à la chaire de poulet ordinaire. Le consommateur ne peut pas savoir.
Pour ce qui est des recommandations que nous ferions au gouvernement, nos demandes sont on ne peut plus claires. Nous demandons que le gouvernement exige à la frontière une preuve selon laquelle les produits expédiés au Canada ont été certifiés par l'USDA comme étant de la volaille de réforme. L'industrie américaine s'est volontairement soumise à un système de certification, mais nous ne pouvons toujours pas obtenir des autorités canadiennes qu'elles exigent cela à la frontière. Ce serait une première mesure très simple.
M. Boyd : Sénateur Dagenais, je vous remercie d'avoir parlé de la dinde à 65 cents la livre. Vous l'avez aimée et j'en suis ravi, en passant, mais nous savons que ce prix est bien en deçà de la valeur. Il arrive que nous voyions des dindes à 99 cents la livre. Ce prix-là est en deçà de la valeur. C'est le truc du produit d'appel; ce n'est certainement pas la norme ni le prix auquel nous voulons que la dinde se vende.
Je tiens simplement à préciser que ce prix est à n'en pas douter le produit d'une stratégie de vente au détail dans un marché local.
La sénatrice Unger : Revenons à la volaille de réforme. Est-ce une si mauvaise chose à manger? J'ai été élevée sur une ferme, et nous mangions beaucoup de poulet. Je vous écoute, monsieur Janzen, et je me demande ce qu'il y a de mauvais à un burger au poulet. Ce commentaire négatif me rend très perplexe. D'accord, il n'est pas bon que les étiquettes ne soient pas apposées comme il se doit à la frontière. Maintenant qu'on a abrogé COOL, la règle américaine sur l'étiquetage du pays d'origine, les gens devraient savoir ce qu'ils mangent. Mais qu'on mette de la volaille de réforme dans la soupe, le ragoût de poulet, le pâté au poulet ou ce genre de choses, est-ce mauvais?
M. Janzen : Je vous remercie de votre question. Non, ce n'est pas mauvais si le consommateur sait qu'il achète une poule à bouillir et qu'il veut en faire de la soupe. Ce n'est pas un problème du tout.
Le problème que nous avons, c'est quand l'acheteur se procure une boîte de poulet et qu'il pense acheter du poulet produit au Canada, alors qu'il y a peut-être dans cette boîte de la volaille de réforme. Cela diminue la qualité de notre marque. Nous travaillons très fort à développer notre marque de poulet « élevé par un producteur canadien », et nous nous faisons un point d'honneur d'offrir un produit de très grande qualité pouvant être consommé en toute sécurité. Nous savons où il a été élevé, et nous savons dans quelles conditions il a été élevé.
La sénatrice Unger : C'est donc principalement une question d'étiquetage, en ce qui vous concerne?
M. Janzen : Cela ne s'arrête pas là.
M. Dungate : Pour nous, la volaille de réforme, c'est une fraude. Vous pouvez importer de la volaille de réforme. Nous n'essayons pas de mettre un frein aux importations de volaille de réforme si elle doit légitimement servir à la fabrication de soupes, pâtés au poulet et autres produits du genre. La chaire de la volaille de réforme est plus dure. Cela convient si vous l'utilisez dans la soupe. Il est inutile d'y mettre du jeune poulet à griller, car le marinage lui enlève ses qualités. La volaille de réforme convient mieux à la soupe. Elle a son utilité.
Cependant, si on contourne nos contrôles à l'importation — quand nous importons plus de volaille de réforme des États-Unis que ce que les États-Unis produisent —, nous savons qu'il y a de la triche et qu'ils font entrer du poulet à griller en prétendant que c'est de la volaille de réforme alors que ce n'en est pas. Cela n'a rien à voir avec la commercialisation de la volaille de réforme. Étiquetez-la et mettez-la où vous voulez, mais ne l'importez pas en laissant les gens contourner notre système de contrôle des importations.
La sénatrice Unger : Depuis combien de temps essayez-vous de faire corriger ce problème de fraude?
M. Dungate : Depuis au moins quatre ou cinq ans, et les chiffres continuent de grimper. Si nous ne faisons rien, les gens sont encouragés à continuer parce qu'ils n'en subissent aucune conséquence.
Comme M. Janzen l'a dit, cela n'aura aucun effet sur les utilisations permises. Les entreprises de volaille de réforme aux États-Unis voient leur marché s'éroder à cause de cela, car ils ont ici un marché légitime pour la volaille de réforme. Il y a perturbation en raison de l'importation illégale de produits qu'on fait passer pour de la volaille de réforme. Ils ne veulent pas que le Canada réagisse de manière excessive et cesse toute importation de volaille de réforme; ils veulent que la volaille de réforme légitime puisse entrer au Canada librement comme c'est le cas.
Le sénateur McIntyre : Merci, messieurs, de comparaître devant le comité. Merci de vos exposés, que j'ai trouvés plutôt intéressants.
Onze sénateurs posent des questions, alors bon nombre des questions que je voulais poser l'ont déjà été et ont reçu des réponses. Je vais donc vous poser deux brèves questions.
Vous représentez tous des agriculteurs. Qu'en est-il des agriculteurs eux-mêmes? Comme vous l'avez indiqué, il y a des victoires, mais il y a aussi des préoccupations concernant l'accord du PTP. Est-ce que la majorité des agriculteurs que vous représentez ont les mêmes préoccupations? J'aimerais de courtes réponses, je vous prie.
M. Davies : Je vous remercie beaucoup de votre question. J'estime que c'en est une bonne.
Nous avons l'OMC depuis plusieurs années, depuis bien avant qu'on se mette à parler PTP. Il y a toujours ce nuage d'incertitude qui plane au-dessus des têtes des producteurs de produits agricoles — qu'ils exportent ou vendent ici. Dans notre cas, il y a toujours eu ce nuage d'incertitude.
Avec le PTP qui est sur le point d'être adopté — comme on l'a dit, il n'a pas été ratifié, mais il a été signé —, nous avons un point de départ. Nous avons un certain degré de certitude, si vous le voulez, concernant ce que l'avenir nous réserve, et j'ai cerné certains des défis ici. Ils dépassent nettement ce que nous aurions souhaité comme résultat. Comme je l'ai dit précédemment, nous sommes prêts et nous prendrons les mesures d'atténuation qu'il faut de concert avec le gouvernement, compte tenu des engagements qu'il a pris.
En réalité, cela nous donne un degré de certitude pour l'avenir, mais cela demeure une source de préoccupations. Lors de nos réunions annuelles, dans les provinces, nous allons parler de cela en priorité.
M. Clarke : Mark a bien décrit la situation. Nous sommes en mesure, en tant que gestionnaires de l'offre, de toujours nous tenir au fait de ce que les agriculteurs pensent en raison de la structure organisationnelle différente que nous avons à l'échelle du pays et qui nous permet de toujours parler à nos agriculteurs. Oui, ils sont préoccupés, mais ils sont avec nous dans la recherche de la meilleure entente possible. Si les questions d'indemnisation et de circonstances atténuantes sont respectées, ils seront à l'aise avec cette entente, sachant où ils se situent et où ils s'en vont.
M. Janzen : Nos agriculteurs voient cela comme un tout. Les concessions que le Canada a dû faire concernant le poulet pour arriver à une entente les inquiétaient beaucoup, mais ils voient cela comme une entente générationnelle. C'est une énorme entente commerciale. Elle est là pour des générations à venir.
Cependant, comme je l'ai déjà dit, cela nous donne de la prévisibilité et de la certitude si tout est mis en place globalement. Cela comprend les mesures anti-contournement des contrôles de l'importation.
Le sénateur McIntyre : De plus en plus de Canadiens achètent des aliments biologiques. J'en fais partie. Au Canada, produisons-nous plus d'œufs, de poulets et de dindes biologiques? Qu'en est-il des autres pays?
M. Clarke : Nous estimons qu'il est essentiel de produire ce que les consommateurs veulent vraiment. Produisons- nous probablement plus d'aliments biologiques qu'il y a quelques années? Oui. Mais nous essayons toujours de nous tenir au fait de ce que les consommateurs veulent, et nous essayons d'offrir cela, qu'il s'agisse d'aliments biologiques, à valeur ajoutée, comportant des acides gras oméga-3, et cetera. Nous allons toujours répondre aux désirs du marché, et nos agriculteurs sont prêts à le faire et vont s'équiper pour le faire.
M. Janzen : Nous voyons effectivement des changements sur le marché concernant les produits biologiques, les produits issus d'un élevage en liberté et les produits spéciaux. Nous sommes très au fait de cela. Nous travaillons continuellement avec nos transformateurs primaires afin de leur fournir les produits qu'il leur faut. Est-ce devenu un marché énorme? Non, mais c'est là. C'est un marché émergent.
Le sénateur McIntyre : Je lis toujours les étiquettes, et j'aime voir les poulets courir librement, alors j'achète cela.
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Vous nous avez présenté des exposés très informatifs, à jour et très proactifs. Je suis très fière d'être canadienne et d'acheter des produits canadiens. Comme le sénateur Plett l'a dit, je suis sûre que les gens qui nous regardent à la maison pensent de même.
Ma question porte sur la commercialisation, et je pense que le principe du poulet « élevé par un producteur canadien » touche tout le monde. Des témoins nous disent que les produits canadiens sont aimés partout dans le monde en raison de notre air pur, de nos sols sains et de notre eau claire. Avez-vous des divisions de la commercialisation qui travaillent ensemble à la commercialisation de nos produits? J'ai vu de magnifiques annonces publicitaires. Personnellement, je pense que la dinde devrait être servie une fois par mois. Travaillez-vous ensemble à la promotion de nos produits canadiens?
M. Lambert : Chacun de nos produits a sa propre équipe de commercialisation et de communication. Nous travaillons étroitement ensemble. Par exemple, sur la rue Sparks, l'été — en fait, ce sera au début de juin, et nous vous invitons tous à venir —, nous avons notre Cantine du centre-ville et nous faisons intervenir nos partenaires des produits soumis à la gestion de l'offre. Nous faisons beaucoup de commercialisation nous-mêmes et nous en faisons aussi pour l'ensemble des produits.
M. Davies : Je dirais la même chose que Tim. En ce qui concerne la dinde, je vous remercie de dire qu'il faudrait en avoir sur la table une fois par mois. C'est notre problème. Ce n'est pas qu'un aliment de fête, et nous gagnons doucement du terrain sur ce plan. Vous voyez davantage de produits de la dinde dans le contexte de la restauration rapide ainsi que des coupes faciles à préparer dans les épiceries. Nous progressons; il s'agit simplement de changer les mentalités. Nous espérons que la nouvelle génération est ouverte à cela. Nous sommes toujours à la recherche d'occasions au sein de notre industrie de la transformation, et des produits s'ajoutent tous les jours.
Pour en revenir à mon exposé, c'est là que se situe notre croissance, ainsi que nos préoccupations. Il est évident qu'un défi nous attend. Nous aimerions en faire un événement hebdomadaire, si nous pouvons aller plus loin.
M. Dungate : Plutôt que nous limiter au marketing comme tel, nous avons parlé de l'acceptabilité sociale et de ce que nous faisons. Je dirais que nous sommes des leaders en matière de programmes de salubrité des aliments à la ferme, de soins aux animaux et de réduction de l'utilisation d'antibiotiques dans la production d'animaux. Nous sommes à l'avant-garde parce que c'est ce que les consommateurs veulent et que c'est là où les choses s'en vont.
Nous ne regardons pas uniquement les aspects scientifiques, mais nous regardons également ce que les consommateurs veulent de manière à prendre les devants. Vous verrez que nos trois organisations sont à l'avant- garde de tous ces programmes; nous faisons des comparaisons et travaillons ensemble à ces questions, et nous commercialisons nos produits en fonction de cela. C'est là que nous devons continuer de concentrer nos efforts.
La sénatrice Beyak : J'imagine que vous aimez la publicité d'A&W pour le poulet sans antibiotiques.
Le sénateur Oh : Messieurs, merci de toute l'information que vous nous donnez. J'aimerais que nous parlions de marketing à l'étranger. L'accord du PTP prévoit des concessions tarifaires pour les pays d'Asie et d'Océanie. Nous exportons sur les marchés d'Asie de grandes quantités de bleuets de la Colombie-Britannique et de homards. Voyez- vous la faiblesse du dollar canadien comme une bonne occasion de faire votre entrée sur les marchés d'Asie et d'Océanie? Il y a un énorme marché là-bas. De nombreuses compagnies aériennes relient l'Asie et le Canada. Chaque jour, de nombreux avions arrivent d'Asie. Il faut y placer quelque chose pour le retour en Asie. Pouvez-vous nous parler de cela?
M. Lambert : Les œufs peuvent passer très vite, car, comme nous l'avons mentionné, c'est un produit fongible. C'est généralement un produit local. Il n'est pas facile de transporter des œufs en coquille. Je ne vois donc pas de débouché pour l'industrie ovocole. Des produits d'œufs sont exportés, mais c'est très limité, et nous ne voyons pas cela comme étant un débouché important.
M. Dungate : Nous avons renoncé à un accès important, dans le PTP, et bien que l'accès soit assuré aux 11 autres pays, seuls les États-Unis auront accès au Canada, concernant le poulet, parce que le poulet doit être frais et local. Ils sont les seuls à être en mesure de tirer parti du marché canadien.
La réciproque est aussi vraie. Il nous est difficile de tirer parti des autres marchés. Nous exportons en Asie, mais c'est de la viande brune surgelée. Ce n'est pas un produit de grande valeur; c'est un produit de faible valeur et, en fait, une source de protéines. Tout comme les États-Unis, nous faisons l'équilibre entre notre marché principal pour la viande blanche et la préférence de l'Asie pour la viande brune.
Nous allons profiter des petits avantages quand nous le pouvons, mais je ne crois pas que ce soit un énorme débouché pour nous.
M. Boyd : Je dirais la même chose que Mike. La dinde est populaire en Europe et en Amérique du Nord, mais pas toujours dans la même mesure, si elle est connue, même, dans certaines parties d'Asie et d'Océanie. Introduire une toute nouvelle protéine de viande dans diverses parties du monde représente un défi énorme.
Il y a des concessions tarifaires, c'est vrai. Mais il y a aussi des obstacles non tarifaires au commerce, qu'il s'agisse de questions sanitaires ou phytosanitaires ou d'autres obstacles non tarifaires qui existent toujours et qui sont difficiles à surmonter, même si les tarifs sont bas.
Quant à notre commerce, nous exportons de la viande brune surgelée. Il y a quelques années, peu importe ce que nous exportions, c'était 90 cents le kilogramme, sur les marchés mondiaux. Du côté des importations, la moyenne était de 5 $ le kilogramme, et il s'agissait en grande partie de viande de poitrine des États-Unis. C'est la recherche de l'équilibre avec laquelle les États-Unis sont aux prises, et c'est la même chose pour nous.
Comme M. Davies l'a souligné, nous ne voyons pas bien des occasions d'exportation pour la viande de dinde du Canada, dans le sillage de l'accord PTP, selon notre conception des choses. Nous serons peut-être surpris au fil du temps. Nous verrons. En ce moment, nous ne sommes pas optimistes à ce sujet.
Le sénateur Oh : En raison de la faiblesse du dollar canadien, les produits qui nous viennent des États-Unis sont plus chers. Est-ce que cela aide votre marché?
M. Clarke : En ce qui nous concerne, oui. La seule faiblesse du dollar canadien a pour effet de modifier le commerce.
M. Dungate : Les prix des aliments grimpent en flèche à cause d'une sécheresse en Californie. Nous comptons beaucoup sur l'importation de produits frais au Canada. Si vous comparez les prix de nos produits par rapport à d'autres viandes, vous verrez que le prix du poulet est demeuré stable. En fait, au cours des deux dernières années, le prix que les agriculteurs obtiennent a fléchi de 7,7 p. 100. Même quand les prix des aliments augmentent dans les commerces de détail, les prix que les agriculteurs obtiennent sont en baisse. Pourquoi? Parce que nous devenons plus efficaces, nous limitons les coûts, les prix des aliments pour animaux diminuent, et nous en faisons profiter les consommateurs. Nous n'en profitons pas nous-mêmes, mais nous transférons cet avantage à la chaîne.
En gestion de l'offre, nous veillons à maintenir un environnement stable. Regardez les augmentations des prix des aliments, et regardez les prix des produits soumis à la gestion de l'offre, et vous verrez qu'ils sont relativement stables depuis deux à quatre ans, par rapport à tous les autres produits que vous achetez à l'épicerie.
M. Davies : Je suis d'accord avec Mike. C'est la même chose pour nos producteurs. Le prix vif a diminué, surtout à cause des intrants plus coûteux, soit les céréales fourragères. La gestion de l'offre est une force très positive, et cela montre que nous sommes à l'avant-garde de la technologie et que nous abaissons les prix pour fournir les mêmes produits ou des produits de qualité supérieure ainsi que de nouveaux produits de façon continue sans augmentation des coûts.
Le sénateur Ogilvie : Je suis vos industries depuis un bon moment, je vous sais gré de vos exposés d'aujourd'hui et je les comprends très bien, particulièrement en ce qui concerne la fraude liée à la composition des produits qui traversent la frontière. Cela se produit dans de nombreux secteurs alimentaires, et cela me dépasse que nous n'ayons pas fait de suivi à ce sujet.
Ma question porte sur l'utilisation d'antibiotiques, ce qui, comme vous le savez tous, est une question importante à l'échelle internationale. L'humanité entre dans une ère très dangereuse de résistance aux antibiotiques. Le manque d'antibiotiques efficaces contre des maladies graves et courantes est un problème de plus en plus grave. On est entre autres préoccupé par le recours généralisé aux antibiotiques dans les régions agricoles, dans l'élevage et la production de volaille.
Il existe deux types d'utilisation d'antibiotiques. L'un d'eux consiste à traiter une maladie détectée, un problème bien précis, à l'aide d'antibiotiques prescrits. C'est une utilisation raisonnable et nécessaire.
Ma question porte plutôt sur la pratique courante qui consiste à ajouter des antibiotiques aux aliments servant à la production. Avez-vous observé des changements importants dans ce domaine au cours des dernières années? Y a-t-il un plan visant à réduire graduellement l'ajout d'antibiotiques à un strict minimum?
M. Lambert : L'utilisation d'antibiotiques n'est pas courante dans le secteur des œufs. On critique souvent les systèmes conventionnels de cages dans lesquelles les pondeuses sont mises, mais lorsqu'elles sont en cage, elles sont séparées de leur fumier et peu susceptibles d'entrer en contact avec des bactéries ou des virus. Elles n'ont donc pas tendance à tomber malades. Nous utilisons rarement des antibiotiques.
Les bactéries et les virus se glissent de temps à autre dans notre système par l'entremise de provenderies n'ayant pas été bien nettoyées après la dernière production d'aliments. Nous travaillons étroitement avec les provenderies et nous aimerions en arriver au point où nous pouvons dire qu'aucun antibiotique n'est utilisé, mais nous n'en sommes pas encore rendus là. Je crois que c'est souvent mal compris par le public : dans la production d'œufs, on n'a pratiquement jamais recours aux antibiotiques.
M. Clarke : Je ne pourrais pas vous dire à quand remonte la dernière utilisation d'antibiotiques dans la production d'œufs; c'est dire à quel point cela fait longtemps, et seule une prescription l'aurait justifiée, comme vous l'avez mentionné. Comme l'a dit M. Lambert, cela ne fait pas partie de notre industrie — et ne devrait pas y être associé négativement —, à moins que cela soit prescrit. J'espère que c'est clair.
Le sénateur Ogilvie : Je connaissais un peu les différences. Ma question porte davantage sur l'aspect du problème qui est lié à la production de viande. Pouvez-vous y répondre rapidement?
M. Davies : Monsieur le sénateur, vous avez bien exposé comment les choses devraient être, et c'est exactement sur cela que nous mettons l'accent. Les antibiotiques ne devraient être utilisés que sous la supervision d'un vétérinaire et lorsque c'est nécessaire, pas comme une étape de la production ou un programme. C'était le cas il y a des années. Au sein de notre industrie, nous avons mené des enquêtes pour déterminer dans quelle mesure ils étaient utilisés, et ce n'est pas considérable. Nous progressons rapidement vers une utilisation inexistante. À ce stade-ci, je peux dire sans nul doute que c'est seulement sous la supervision d'un vétérinaire. C'est l'objectif de notre industrie. Nous nous sommes engagés dans cette voie, et nous espérons y arriver très bientôt.
M. Janzen : Merci beaucoup d'avoir posé ces questions, sénateur Ogilvie. C'est un sujet très important pour les Producteurs de poulet du Canada. La réduction du recours aux antibiotiques a été pour nous un objectif prioritaire au cours des cinq dernières années; nous nous sommes continuellement penchés sur la question. En mai 2014, nous avons mis fin à l'utilisation préventive d'antibiotiques de catégorie 1 — ceux qui sont le plus importants pour les humains. Les antibiotiques représentent un élément essentiel de notre production animale. Nous prenons toutefois leur utilisation au sérieux et nous sommes très préoccupés par la résistance et l'efficacité de ces antibiotiques chez les humains.
Tout de suite après cette séance, nous irons à une réunion sur la santé publique pour discuter de l'utilisation d'antibiotiques dans l'industrie de l'élevage.
Le sénateur Mercer : Les producteurs de poulet ont peut-être constaté comme moi que, de nos jours, on semble entendre de plus en plus souvent dans la publicité l'expression « sans antibiotique ». La sénatrice Beyak a parlé des messages publicitaires de A&W.
Je veux revenir à la discussion sur la volaille de réforme que nous avons eue plus tôt. Il me semble que la mention « Ne contient pas de volaille de réforme » pourrait sensibiliser le public à ce que « volaille de réforme » signifie. Nous commençons seulement à apprendre de quoi il s'agit. Recourir à la mention « Sans volaille de réforme » et s'attaquer au problème de ces animaux qui traversent la frontière pourraient être un outil de commercialisation intéressant.
Le sénateur Moore : Ma question porte sur l'industrie du poulet. Monsieur Dungate, je crois que vous avez dit que 70 p. 100 de la production mondiale est attribuable au Brésil et aux États-Unis? Parliez-vous du marché? Que vouliez- vous dire?
M. Dungate : C'était 75 p. 100 des exportations mondiales de poulet. Ce sont les deux principaux producteurs au monde, mais ils ne représentent pas 75 p. 100 de la production. Dix pour cent de la production mondiale est échangé, et 75 p. 100 de cette production leur est attribuable.
Le sénateur Moore : Où se situe le Canada à cet égard en termes de pourcentage?
M. Dungate : Nous sommes le huitième exportateur de poulet au monde, mais nous n'exportons qu'environ 6 p. 100 de notre production.
Le sénateur Moore : Dans votre mémoire, vous avez dit au sujet du PTP que le Programme de garantie du revenu fournirait environ 225 millions de dollars sur 15 ans. Qui a décidé de ce chiffre, et comment la décision a-t-elle été prise? Que se passera-t-il après 15 ans? Vous avez également parlé de mesures d'atténuation. Qu'est-ce que cela comprend?
M. Dungate : Je suppose que les fonctionnaires d'Agriculture Canada ont élaboré le modèle en fonction des répercussions. Ils en sont arrivés à un chiffre qu'ils nous ont présenté. Je pense que notre chiffre se situe autour de 80 000 $ par ferme. Cela revient à 5 600 $ par ferme au Canada avant impôt. Selon nos propres calculs des répercussions, la perte annuelle pour ce qui est des ventes sera de 61 millions de dollars. Un montant de 225 millions de dollars accorderait une indemnisation couvrant une période de quatre ans, mais les répercussions seront permanentes. Nous en subirons les conséquences; c'est le chiffre que nous avons. Nous essayons, comme M. Boyd l'a dit, de déterminer comment ils ont calculé ce chiffre, de quelle façon ils ont procédé et selon quels critères.
Le sénateur Moore : Votre organisation n'a pas eu son mot à dire?
M. Dungate : Non, aucun de nous n'a participé.
Le sénateur Moore : Est-ce la même chose pour les autres organisations?
M. Davies : Pour être clairs, nous avons fourni beaucoup de renseignements. Nous étions toujours disposés à nous asseoir avec eux pour leur donner de l'information — des chiffres, des faits, des suggestions — en tout temps, jusqu'à la onzième heure. Nous pensions que nous allions leur parler.
Le sénateur Moore : Mais vous n'en avez pas eu l'occasion. Qu'entendiez-vous lorsque vous avez dit que la part du marché canadien pourrait être préservée à l'aide de mesures d'atténuation? Que comprennent ces mesures?
M. Dungate : Le contournement des contrôles d'importation nous pose certaines difficultés. Nous allons autoriser l'accès au marché à l'aide de nos contingents tarifaires; un accès est accordé. Nous l'autorisons et ne jouons pas au plus malin. Certaines personnes se livrent à de petits jeux à cet égard, et l'un d'eux concernait la volaille de réforme, la fraude qui s'y rattache. Il y avait également le Programme de report des droits. Ce que nous avons vu, c'est qu'il est possible de faire entrer des produits agricoles et de les transformer, et leur réexportation peut se faire dans les quatre années qui suivent. Le programme de l'ASFC n'a pas été conçu pour les produits agricoles. Un programme d'Affaires mondiales Canada a été conçu à cette fin, et la réexportation doit se faire en moins de trois mois. La nourriture n'est toutefois pas conservée aussi longtemps.
Par conséquent, des gens importent et commercialisent ces produits supplémentaires sur le marché intérieur. Vont- ils faire faillite avant la fin des quatre années dont ils disposent pour les exporter?
Le sénateur Moore : Vous avez dit que les États-Unis ont accepté des règles concernant la volaille de réforme, mais vous avez affirmé que nos agents des services frontaliers ne les appliquent pas.
M. Dungate : Ils n'ont pas accepté la certification.
Le sénateur Moore : De qui parlez-vous?
M. Dungate : Est-ce la responsabilité de l'Agence canadienne d'inspection des aliments ou celle de l'Agence des services frontaliers du Canada?
Le sénateur Moore : C'est ce que je demande.
M. Dungate : La question de savoir qui est responsable et qui s'en occupera pose problème. Nous savons que des discussions sont en cours. Ce que nous voulons faire valoir, c'est qu'il faut que cela bouge.
Le sénateur Moore : Depuis combien de temps s'agit-il d'un problème aussi grave? Qu'est-ce qui est fait aujourd'hui pour le régler et pour démêler les champs de compétence de ces deux agences afin que les règles soient appliquées?
M. Dungate : En 2011, nous avions un groupe de travail sur l'importation, et un rapport a été signé par le ministre Ritz. L'un des principaux éléments était que ce serait mis en œuvre le 1er janvier 2012.
Le sénateur Moore : C'est déjà passé; qu'allons-nous faire maintenant?
M. Dungate : L'échéance n'a pas été respectée.
Le président : Excusez-moi; la sénatrice Unger a une brève question pour vous.
La sénatrice Unger : Oui. Êtes-vous prêts à militer contre le PTP si vous pensez que certaines de vos conditions n'ont pas été respectées?
M. Clarke : Il est certainement trop tôt pour vous donner une réponse. Comme nous l'avons déjà dit, ce que nous comprenons le mieux, c'est la façon dont l'accord est préparé et les possibilités qui s'offrent à nous en ce qui a trait aux mesures d'atténuation et ainsi de suite. Si l'accord est réellement ainsi, nous serons à l'aise de l'appuyer dans sa forme actuelle.
Monsieur le sénateur, en ce qui concerne vos observations précédentes concernant les mesures d'atténuation pour les producteurs d'œufs, l'une des choses les plus importantes pour nous est notre droit de diriger ce nouveau produit alors qu'il traverse la frontière, aujourd'hui et à l'avenir, dans le cadre du PTP. Il serait extrêmement important pour nous que Les producteurs d'œufs du Canada aient le droit de diriger ce produit.
Le sénateur Moore : Est-ce que cela s'applique également aux producteurs de dindes?
M. Davies : Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons encaissé un coup dur, mais nous voulons malgré tout continuer de travailler et de gérer la situation si l'accord est rédigé comme on l'a dit et que les mesures d'atténuation et les programmes sont mis en place. Il est encore une fois un peu trop tôt pour se prononcer, mais si les choses se passent comme nous nous y attendons, nous nous en sortirons et nous aurons une industrie saine au bout du compte.
[Français]
Le président : Avant de clore cette réunion, j'aimerais féliciter M. Clarke pour son intervention dans les écoles dans le cadre du club des petits déjeuners. J'espère que cela se rendra partout au Canada et que d'autres associations se joindront à vous. Monsieur Janzen, nous avons deux questions que nous vous soumettrons par écrit, étant donné que le temps est restreint. Si vous aviez l'amabilité d'y répondre, cela nous aiderait énormément dans nos travaux.
Enfin, j'aimerais soulever un autre point. Dans tous les établissements de restauration rapide au Canada, de Terre- Neuve à Vancouver ou à Victoria, il y a toujours la mention : « poulet du Canada ». Pourtant, nous ne sommes pas sûrs que ces établissements utilisent du poulet qui provient du Canada. Si votre organisation produisait les publicités de ces établissements, et y apposait sa signature, ceux-ci seraient sans doute obligés d'acheter du poulet du Canada. Cela nous donne matière à réflexion.
Je tiens à vous remercier sincèrement de vos témoignages, qui seront d'une grande utilité pour nos travaux. Si vous avez d'autres préoccupations qui n'ont pas été soulevées aujourd'hui, veuillez les faire parvenir à notre greffier et à nos recherchistes. Ainsi, lorsque nous rédigerons notre rapport, ce dossier sera bien étoffé et reflétera fidèlement vos témoignages.
Maintenant, nous allons permettre à nos témoins de quitter la salle. Nous disposons encore de quelques minutes pour examiner le budget du comité. Avez-vous tous en main un exemplaire du budget pour le voyage à Moncton? Avez-vous eu le temps d'en prendre connaissance? Avez-vous des questions sur ce budget?
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Monsieur le président, vous avez tous devant vous le budget proposé par le comité de direction. Je propose que nous l'approuvions, monsieur le président.
Le sénateur Plett : J'appuie la motion.
[Français]
Le président : Les sénateurs sont-ils d'accord? Avez-vous une question?
[Traduction]
La sénatrice Unger : Oui, j'ai une question liée à ce que le sénateur Oh a demandé à nos témoins. Essentiellement, ils ont dit qu'ils n'étaient pas prêts à exporter quoi que ce soit vers l'Asie. Le sénateur a donné l'exemple du homard, un produit ayant aussi une très courte durée de vie utile, mais qui est constamment exporté. Ces messieurs ne semblaient toutefois pas intéressés.
Le sénateur Plett : Je suis désolé, sénatrice Unger, mais ce n'est pas ce qu'ils ont dit. Ce sont des producteurs d'œufs, de poulets et de dindes, pas des producteurs de homards. Ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas exporter de poulets parce que c'est un produit alimentaire frais. Les œufs et les poulets ne pourraient être préservés pendant toute la durée du transport en mer. Aucun d'eux n'est producteur de homards. Nous leur posons des questions concernant les producteurs de poulets. Ne leur demandons pas de répondre au nom des producteurs de homards.
Le sénateur Mercer : En passant, vous ne produisez pas de homards.
Le président : Nous sommes saisis d'une motion. Il est nécessaire de la mettre aux voix.
Le sénateur Moore : On peut mettre la question aux voix.
Le sénateur Mercer : Le vote?
Le président : Nous devons choisir une date pour notre déplacement à Moncton. Les sénateurs pourront ensuite poursuivre la conversation.
La sénatrice Tardif : Nous avions parlé de notre étude dans un contexte différent. Nous n'en présentons qu'une partie, n'est-ce pas? On a parlé de la possibilité de se rendre dans l'Ouest, pour examiner l'étude, et de se rendre à l'étranger.
[Français]
Le président : Tout à fait. Nous les avons séparés. Il y a le voyage dans les Maritimes et, d'un commun accord, nous avons choisi Moncton. Il y a aussi le voyage dans l'Ouest, où nous nous sommes entendus pour nous rendre à Edmonton. Les témoins du Québec et de l'Ontario viendront ici, étant donné qu'ils sont plus près de la ville d'Ottawa. Ainsi, nous n'aurons pas besoin de nous déplacer dans ces deux provinces centrales. D'accord?
La sénatrice Tardif : Les budgets vont revenir?
Le président : C'est exact. Ils vont revenir pour Edmonton.
La sénatrice Tardif : D'accord.
Le président : Quelqu'un en a fait la proposition? Cela a été fait, je crois. Alors, tout le monde est d'accord?
Des voix : D'accord.
Le président : Maintenant, en ce qui concerne les dates, le comité directeur a réfléchi à la question et s'est arrêté sur la période du 13 au 16 mars, période pendant laquelle le Sénat fait relâche. Si ces dates vous conviennent, cela nous permettra de prendre toutes les mesures nécessaires pour aller à Moncton. Nous aimerions avoir la participation du plus grand nombre de sénateurs possible, mais nous allons comprendre aussi que certains sénateurs aient déjà des engagements, et nous les respecterons. Cependant, tous ceux et celles qui pourront venir seront les bienvenus. Est-ce que cette période vous convient? Il est difficile de trouver du temps avant le 7 mai.
Des voix : D'accord.
(La séance est levée.)