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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 2 - Témoignages du 23 février 2016


OTTAWA, le mardi 23 février 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Donald Neil Plett (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président suppléant : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

Je m'appelle Don Plett, et je suis un sénateur du Manitoba et le président suppléant du comité.

J'aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par la gauche.

La sénatrice Tardif : Je m'appelle Claudette Tardif, et je viens de la province de l'Alberta.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ogilvie : Kenneth Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président suppléant : Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne.

En 2013, un travailleur sur huit au pays, représentant plus de 2,2 millions de personnes, était employé dans ce secteur, qui a d'ailleurs contribué à hauteur de 6,7 p. 100 au produit intérieur brut canadien.

À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2014. La même année, le Canada s'est classé cinquième parmi les exportateurs de produits agroalimentaires les plus importants au monde.

Le Canada participe à plusieurs accords de libre-échange. À ce jour, 11 accords de libre-échange sont en vigueur. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, le Partenariat transpacifique et l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine ont été conclus, et des négociations sont en cours relativement à huit autres accords de libre-échange. De plus, le gouvernement fédéral a entamé des discussions préliminaires sur le commerce avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les États membres du Mercosur : l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.

Nous accueillons maintenant nos premiers témoins de la soirée. Il s'agit de M. Wally Smith, président des Producteurs laitiers du Canada, et de Mme Caroline Émond, directrice exécutive de l'organisme.

Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Je viens d'une région du Manitoba où la production laitière est importante. J'ai donc hâte d'entendre votre exposé.

Après l'exposé, nous passerons aux questions des sénateurs. Étant donné que nous n'avons qu'un groupe de témoins pour cette partie, nous devrions avoir assez de temps, mais je vous demanderais néanmoins de faire preuve de concision pour les questions et les réponses de façon à ce que nous puissions avoir deux séries de questions.

Cela dit, monsieur Smith, la parole est à vous.

Wally Smith, président, Producteurs laitiers du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de nous accueillir aujourd'hui et de nous donner l'occasion de vous parler des répercussions des accords de libre-échange sur notre industrie, le secteur laitier du Canada. Nous sommes heureux d'être ici et de participer à l'étude du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Notre position est bien connue, étant donné que le secteur laitier canadien produit principalement pour le marché canadien. Nos possibilités d'exportation sont surtout liées aux fromages fins et à la valorisation de la poudre de lait écrémé. Cependant, le marché canadien des produits laitiers est ciblé par les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et l'Union européenne, qui voient le Canada comme un marché d'exportation potentiel.

Les Producteurs laitiers du Canada sont le porte-parole de l'ensemble des producteurs laitiers canadiens, en favorisant et préconisant l'appui solide et uni des producteurs pour un système national de gestion de l'offre ou un système national de commercialisation réglementée. En tant qu'organisme national, nous menons des activités de lobbying, d'élaboration de politiques et de commercialisation au nom de tous les producteurs laitiers des 11 350 fermes laitières au Canada. Notre organisme a pour objectif de créer des conditions stables pour l'industrie laitière canadienne d'aujourd'hui et pour les générations futures. Nous visons à maintenir des politiques qui favorisent la viabilité des producteurs laitiers canadiens et à promouvoir les produits laitiers et leurs bienfaits pour la santé.

Nous sommes profondément attachés à notre pays et nous nous efforçons de jouer un rôle actif dans nos collectivités. Une industrie laitière dynamique signifie davantage d'emplois, un accès accru aux infrastructures et des retombées économiques supplémentaires pour d'autres secteurs, notamment le secteur bancaire, l'industrie des aliments du bétail, les détaillants de pièces et de machinerie agricole, les vétérinaires et beaucoup d'autres. Nous considérons qu'il est important de rappeler l'apport positif du secteur laitier canadien à l'économie canadienne.

Dans 7 provinces sur 10, le secteur laitier est au premier ou au second rang de l'économie agricole; nous contribuons pour 18,9 milliards de dollars au PIB du Canada; nous maintenons environ 215 000 emplois équivalents temps plein au pays; nous versons 3,6 milliards de dollars en taxes et impôts par année; enfin, nous ne dépendons pas de subventions directes du gouvernement. Notre organisme ne reçoit aucun financement.

Notre industrie est sensible aux préoccupations sociales, au bien-être des animaux et à la protection de l'environnement. C'est pourquoi nous sommes déterminés à établir des normes en matière de durabilité et à les promouvoir, ainsi qu'à faire connaître les pratiques exemplaires de l'industrie par l'intermédiaire de l'initiative proAction.

Les Producteurs laitiers du Canada sont le moteur du développement du marché des produits laitiers génériques au Canada, grâce à un budget de marketing annuel de plus de 80 millions de dollars, montant versé par les fermes laitières du Canada. Cela représente environ les deux tiers des investissements des producteurs laitiers canadiens en marketing et en nutrition, qui s'élèvent à environ 120 millions de dollars. Comme nous l'avons mentionné devant ce comité en novembre 2014, une partie importante de nos investissements stratégiques vise à élargir le marché canadien du fromage, un marché qui sera amputé de 16 500 tonnes de fromage supplémentaires après l'entrée en vigueur du Partenariat transpacifique, ou PTP, en plus des 17 700 tonnes de fromage concédées aux termes de l'Accord économique et commercial global, ou AECG.

Outre le fromage, le PTP comprend des concessions pour tous les autres produits laitiers. Les PLC estiment que la somme des accès accordés dans le cadre de l'AECG et du PTP se situera entre 4,85 et 5,8 p. 100 de la production laitière projetée pour 2016 par Agriculture et agroalimentaire Canada, ce qui représente une perte de revenus de 282 à 357 millions de dollars. Le secteur laitier est extrêmement fier de pouvoir affirmer qu'il n'a reçu aucun paiement direct du gouvernement canadien.

Malheureusement, les effets combinés de ces deux accords commerciaux auront des répercussions considérables, année après année, sur la rentabilité des producteurs laitiers canadiens. Il s'agit de pertes récurrentes qui ne peuvent être subventionnées par l'intermédiaire des exportations. En effet, même si nous travaillons avec acharnement sur des stratégies visant à tirer parti de certaines occasions d'exportation, ces occasions se font rares en raison du revers que nous avons subi en 2002 devant le groupe spécial de l'OMC, qui a essentiellement statué que tout produit exporté du Canada vendu en deçà du prix intérieur est considéré comme « subventionné ».

Le gouvernement a accepté de faire des concessions sur les produits laitiers pour conclure l'entente relative au PTP. Par conséquent, nous considérons qu'en offrant un nouvel accès aux produits laitiers en échange de meilleurs débouchés à l'exportation d'autres produits canadiens afin de pouvoir signer ces deux accords commerciaux, le gouvernement canadien était prêt à verser aux producteurs laitiers une compensation pour perte de revenus.

Les PLC sont favorables aux accords commerciaux. Permettez-moi de le répéter : nous sommes favorables aux accords commerciaux pourvu qu'ils n'aient pas un effet négatif sur les producteurs laitiers, parce que les producteurs laitiers canadiens ne devraient pas avoir à en faire les frais. Étant donné que ces marchés seront perdus à jamais, il est clair que le montant annoncé dans le cadre du Programme de garantie du revenu, qui s'adresse aux cinq secteurs soumis à la gestion de l'offre touchés par le PTP et l'AECG, ne suffira pas à compenser la perte de parts de marchés.

Nous aimerions également attirer votre attention sur le Programme de garantie de la valeur des quotas. Les acteurs de l'industrie laitière sont d'avis qu'aucun paiement ne sera probablement versé dans le cadre de ce programme. Le gouvernement canadien a l'occasion d'envoyer un signal clair en redistribuant les fonds consacrés à ce programme de façon à ce qu'ils puissent plutôt servir à aider les producteurs laitiers canadiens à mieux se préparer pour affronter une concurrence accrue. À titre d'exemple, une partie de ces fonds pourrait plutôt être investie en infrastructures et dans notre initiative proAction, comme nous l'avons déjà demandé.

Nous demandons à tout le moins au gouvernement canadien de s'engager à investir l'enveloppe de 4,3 milliards de dollars dans le secteur laitier et le secteur de la gestion de l'offre. Abstraction faite des effets négatifs découlant des accords commerciaux qui ont été récemment négociés, nous sommes heureux que l'incertitude liée à ces négociations soit maintenant chose du passé. Nous espérons que l'environnement économique favorisera la prospérité du secteur de la gestion de l'offre.

Cependant, si certains affirment que les accords commerciaux ont aidé à améliorer les marchés mondiaux, les producteurs de l'industrie laitière peinent au contraire à conclure que le marché mondial leur est plus favorable après 20 ans de négociations avec l'OMC. Lorsque nous avons comparu au comité sénatorial en novembre 2014, nous avons indiqué que les marchés mondiaux sont essentiellement un terrain de dumping. Malheureusement, la situation demeure inchangée.

Selon nous, la situation est désastreuse. Lorsque l'on regarde les indicateurs du prix des marchandises de l'International Farm Comparison Network, on voit que les prix ont chuté de 56 $ par 100 kilogrammes de lait en février 2014 à 33 $ en novembre 2014, pour se retrouver à 25 $ par quintal en janvier 2016. Et nous ne pensons pas avoir touché le fond. À ces prix-là, aucun producteur laitier au monde ne peut couvrir ses coûts de production.

Il convient de se rappeler que le secteur laitier n'est pas tributaire du commerce. En fait, seulement 9 p. 100 de la production laitière est négociée sur le marché mondial. La production laitière sert surtout à satisfaire aux besoins nationaux et locaux, et ce, partout dans le monde.

Les accords commerciaux ouvrent la porte à des produits provenant d'industries laitières qui bénéficient de subventions généreuses, tant aux États-Unis qu'en Union européenne, de sorte que les producteurs laitiers canadiens sont désavantagés dans leur propre marché. Même les produits néo-zélandais pourraient être commercialisés sur le marché canadien à un prix de dumping, parce qu'à l'heure actuelle, 80 p. 100 des producteurs laitiers de la Nouvelle- Zélande ne peuvent couvrir leurs coûts de production en raison du prix qu'ils obtiennent sur le marché. De plus, la principale coopérative du pays, Fonterra, les aide à compenser une partie de ces effets.

En 1966, le Canada a décidé d'appuyer ses producteurs laitiers en adoptant la Loi sur la Commission canadienne du lait. En vertu de cette loi, la commission a le mandat de « permettre aux producteurs dont l'entreprise est efficace d'obtenir une juste rétribution de leur travail et de leur investissement ». Depuis ce temps, le Canada a respecté sa promesse à l'égard des agriculteurs canadiens. Nous espérons que ce sera toujours le cas. Voilà pourquoi nous sommes convaincus que le système de gestion de l'offre fonctionne.

Nous souhaitons réitérer que les PLC ne sont pas contre la poursuite de débouchés d'exportation. Toutefois, nous devons composer avec des coûts de production plus élevés à la ferme, mais aussi dans la chaîne de transformation. Par exemple, les marges des transformateurs canadiens sont presque deux fois plus élevées qu'en Union européenne, ce qui signifie que les occasions d'exportation sont limitées. Ces débouchés d'exportation doivent assurer une certaine rentabilité aux producteurs et aux transformateurs. Les activités d'exportation et les stratégies d'exportation ne donneront des résultats que si elles sont élaborées conjointement dans le cadre d'un solide partenariat entre les producteurs et les transformateurs, le tout en collaboration avec le gouvernement.

Pour réussir sur les marchés mondiaux, l'industrie laitière canadienne doit cibler des créneaux particuliers, plutôt que des produits précis. L'industrie a sans aucun doute un intérêt pour explorer et exploiter des occasions d'exportation qui sont avantageuses et bien choisies, nous pouvons vous assurer que nous entretenons des discussions avec les transformateurs et des intervenants du gouvernement pour trouver des façons d'appuyer le secteur laitier et de favoriser sa croissance.

Si le comité souhaite discuter des occasions d'exportation qui s'offrent à l'industrie laitière, nous vous recommandons d'inviter des représentants de Semex à comparaître. Semex n'est pas seulement l'un des chefs de file de l'industrie en matière d'exportation; l'entreprise est aussi reconnue mondialement pour son matériel génétique bovin de grande qualité. Cette entreprise résout les problèmes des producteurs depuis plus de 35 ans, mais elle a tout de même des difficultés liées à l'exportation.

Pour l'exportation de semence ou d'embryons, comme vous le savez, il est nécessaire que le Canada et le pays importateur aient tous deux adopté une charte relative à la santé. En cas de problème, au Canada, le gouvernement envoie un document par télécopieur. Aux États-Unis, à titre de comparaison, quelqu'un se déplace en avion. Cela vous donne une idée du temps qu'il faut pour régler un problème au Canada. L'ACIA, l'organisme chargé de cette charte, manque de personnel pour accomplir son mandat.

En conclusion, les Producteurs laitiers du Canada sont prêts à collaborer avec le gouvernement, qui doit toutefois réitérer son appui à l'égard de la gestion de l'offre et son engagement à travailler en étroite collaboration avec l'industrie pour trouver des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés. Nous voulons nous assurer que les producteurs continueront de tirer un revenu convenable du marché, tout en obtenant une compensation adéquate pour les producteurs et les transformateurs pour les répercussions négatives découlant de l'entente relative au PTP et de l'AECG.

Merci beaucoup.

Le président suppléant : Merci, monsieur Smith.

Nous passons maintenant aux séries de questions, en commençant par le sénateur Oh, suivi de la sénatrice Tardif.

Le sénateur Oh : Merci d'être venu témoigner au comité sénatorial.

Plusieurs de nos 11 350 producteurs laitiers craignent que l'entrée massive des produits laitiers étrangers sur le marché canadien compromette l'avenir des fermes familiales. En effet, la vente de produits étrangers sur le marché canadien pourrait baisser les prix et par le fait même le revenu agricole. Pouvez-vous nous décrire la performance actuelle des entreprises laitières sur le marché canadien?

M. Smith : C'est une très bonne question. Dans le contexte mondial actuel, étant donné la faiblesse des prix partout dans le monde et que la plupart des producteurs n'arrivent pas à couvrir leurs coûts de production, où que ce soit, le Canada est un exemple parfait d'un système de gestion de l'offre qui fonctionne. La Commission canadienne du lait parvient toujours à exécuter son mandat, qui est de faire de notre industrie un moteur économique viable et rentable dans l'ensemble des régions rurales du Canada.

Le sénateur Oh : Comment les entreprises laitières canadiennes peuvent-elles s'adapter à cette nouvelle concurrence sur le marché canadien tandis qu'on assiste à la multiplication des accords de libre-échange à l'échelle mondiale? Comment pouvons-nous nous adapter à cette situation? Que peuvent faire les producteurs et les gouvernements?

[Français]

Caroline Émond, directrice exécutive, Producteurs laitiers du Canada : Votre question est intéressante parce que, effectivement, ce que nous recevons comme message de la part des consommateurs, c'est qu'ils font confiance aux Producteurs laitiers du Canada. Ils reconnaissent la qualité des produits faits au Canada, les normes que nous respectons, et l'engagement que nous avons pris. Dans les dépliants que nous vous avons remis, vous pouvez y lire notre engagement au chapitre du développement durable, des règles environnementales et des règles du bien-être animal. Les consommateurs canadiens ont confiance en nos produits et souhaitent acheter des produits canadiens.

Nous leur donnons des outils. M. Smith a parlé plus tôt des investissements que nous faisons pour accroître la consommation des produits laitiers au Canada, du travail que nous faisons auprès des nutritionnistes partout au pays pour encourager les gens à respecter le Guide alimentaire canadien, mais aussi pour donner aux consommateurs le plus d'information possible. L'étiquetage est un moyen, et nous avons aussi des outils de marketing. Par exemple, nous avons un logo qui explique aux consommateurs que le produit est fait avec du lait à 100 p. 100 canadien. Différents outils nous permettent de nous positionner, de même que nos produits, pour que les consommateurs puissent les distinguer parmi les produits importés. C'est un élément qui nous permet d'avoir une influence sur les consommateurs pour qu'ils puissent trouver nos produits lorsqu'ils les cherchent sur Internet.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Bienvenue, monsieur Smith.

[Français]

Madame Émond, merci d'être là et de nous avoir donné cette excellente présentation.

[Traduction]

L'appui à l'Accord du PTP semble faire l'objet d'un large consensus au sein de l'industrie agroalimentaire, des producteurs aux transformateurs. On constate toutefois que plusieurs secteurs, comme le secteur laitier, même s'ils ont généralement tendance à être favorables au PTP, semblent avoir de plus grandes préoccupations à l'égard de cet accord, en particulier les producteurs de l'est du Canada, au Québec et en Ontario. Selon vous, votre industrie peut-elle compenser entièrement ou partiellement la hausse anticipée des importations de produits laitiers — je crois savoir que nous parlons d'environ 3,25 p. 100 du marché canadien — en augmentant les exportations vers l'Asie, par exemple, en particulier les exportations de produits de lait transformés et surtransformés?

M. Smith : Dans mon exposé, j'ai parlé de la décision du groupe spécial. Le Canada s'est vu retirer cette possibilité d'exportation par le groupe spécial de l'OMC. En effet, étant donné que nous avons un système de gestion de l'offre, tout produit exporté du Canada vendu en deçà du prix intérieur est considéré comme subventionné, même s'il est vendu au prix mondial. Nous avons le droit d'exporter au prix intérieur. Dans un tel cas, cela ne pose pas problème. Nous cherchons des occasions à cet égard, mais ces occasions se limitent aux créneaux spécialisés.

Lorsqu'on parle de produits laitiers destinés aux marchés internationaux, on parle de la banalisation de produits laitiers résiduels de la fabrication ou de la transformation, qui se vendent à un prix très faible. Ce n'est pas un marché qui suscite notre intérêt.

La part de 3,25 p. 100, quelle que soit l'ampleur qu'elle prendra dans les faits, est perdue à tout jamais pour nous sur le marché intérieur. En effet, notre système de gestion de l'offre prévoit un niveau de production correspondant à la demande intérieure. La gestion de l'offre doit notamment pouvoir s'appuyer sur un respect rigoureux des quotas de production. Lorsqu'il y a croissance du marché, les agriculteurs ont droit à des quotas plus élevés de telle sorte que leur production puisse répondre à la demande intérieure. En revanche, l'agriculteur cesse de pouvoir produire autant de lait lorsque la demande diminue sur le marché.

Je suis fier de pouvoir vous dire que nos membres gèrent très bien cet aspect de l'équation; ils sont capables d'ajuster leur production en fonction des fluctuations du marché. Cela étant dit, la marge de production concédée en donnant accès au marché canadien est perdue pour nos agriculteurs. Ils ne pourront jamais la récupérer. Il va toutefois de soi que nous sommes en quête de moyens et de stratégies pour atténuer les effets de cette perte.

Ainsi, nous cherchons activement des débouchés d'exportation lorsqu'il est possible de le faire en respectant les règles de l'OMC. Ces règles ne s'appliquent cependant pas uniquement au Canada. Tous les pays membres doivent respecter à la lettre l'Accord sur l'OMC qui régit tout un réseau de commerce international. Nous devons donc prendre les précautions nécessaires dans notre quête de nouveaux débouchés.

Comme je l'ai toujours dit, le Canada doit faire partie du PTP. Notre pays ne peut pas se retrouver en marge de cet accord, car il serait désavantagé du point de vue commercial. J'ai indiqué à mes membres qu'une économie forte et florissante, si c'est effectivement ce que cet accord nous procure, sera indirectement bénéfique pour les agriculteurs canadiens, car elle se traduira par un marché en pleine croissance où les consommateurs pourront dépenser leur revenu disponible. Bref, si nous devons alimenter le marché intérieur et que celui-ci prend de l'expansion, nos perspectives de croissance sont bonnes.

Comme je l'indiquais également dans mon exposé, l'horizon s'annonce prometteur pour le régime de gestion de l'offre. Au cours de la dernière décennie, nous avons été plutôt sur la défensive. Cette période d'incertitude est maintenant derrière nous, et nous pouvons nous tourner vers l'avenir en nous disant que le système a survécu. Ce n'est pas seulement une question d'accès aux marchés. Les piliers du système ont été préservés. Nous comptons d'ailleurs sur le gouvernement pour nous aider à les maintenir en place. Nous voulons être mieux en mesure de savoir ce que l'avenir nous réserve.

Au moment des négociations, le gouvernement au pouvoir s'est aussi engagé à ce que les secteurs assujettis à la gestion de l'offre puissent, grâce à des mesures d'indemnisation appropriées, se sortir indemnes des concessions faites dans le cadre de cet important accord international. Nous croyons que nous nous en sommes effectivement sortis indemnes.

La sénatrice Tardif : Vous estimez donc que les mesures compensatoires prévues étaient suffisantes.

Quels créneaux voulez-vous cibler exactement sur le marché des exportations?

M. Smith : Nous visons des marchés spécialisés comme celui des fromages fins, car les fromages canadiens, comme vous avez sans doute pu le constater vous-même, sont parmi les meilleurs au monde. Nous sommes très fiers de ces produits et nous croyons qu'il est grand temps de les faire connaître au reste de la planète.

Quant aux mesures d'indemnisation, il est bien certain que ce n'est jamais assez. Il suffit que des économistes s'en mêlent et tout se complique pour moi. Ils ont toujours des interprétations différentes de chiffres qui m'apparaissent pourtant fort simples. Un plus un, pour moi ça donne deux, mais ils arrivent toujours à faire en sorte que cela semble donner quelque chose entre deux et trois.

Pour ce qui est de l'indemnisation, nous croyons que c'est suffisant, mais ce sont les statistiques d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui sont utilisées. Nos chiffres à nous semblent un peu plus élevés. Cependant, compte tenu de l'engagement pris par le nouveau ministre au cours des derniers mois, je suis convaincu que le gouvernement s'en tiendra aux chiffres qui nous ont été présentés lorsque l'accord a été conclu.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Smith, je me réjouissais tout à l'heure à la perspective de rencontrer aujourd'hui les représentants d'une industrie fort impressionnante. J'ai eu la chance l'été dernier de visiter une ferme laitière ultramoderne à Berwick, en Nouvelle-Écosse. La grange abritait quelque 300 têtes de bétail. À toutes fins utiles, les bêtes pouvaient y circuler librement. Il y avait des installations robotiques pour le nettoyage automatique et pour les vaches qui voulaient se faire gratter. C'était très impressionnant.

Mais voilà que vous nous remettez ce document des Producteurs laitiers du Canada. J'ai la chance de pouvoir lire très rapidement et je suis tombé, à la page 21, sur des affirmations très étonnantes concernant la teneur en sucre et le fait qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter de la quantité de sucre dans le lait au chocolat. En toute franchise, j'ai été stupéfié, car le sucre est un facteur qui contribue grandement aux problèmes d'obésité qui touchent le Canada et le reste du monde.

Pour vous donner rapidement un exemple, disons qu'un verre de 250 millilitres de lait au chocolat 1 p. 100 renferme 160 calories et 25 grammes de sucre. Un verre de Coca-Cola de la même taille contient 100 calories et 26 grammes de sucre.

Je sais bien que l'on retrouve d'autres éléments dans un verre de lait au chocolat, mais je ne vois pas comment vous pouvez affirmer aussi catégoriquement que l'on ne devrait pas se préoccuper de sa teneur en sucre. Pour une personne comme vous et moi, il faudrait faire de l'exercice modérément pendant environ une heure et demie pour éliminer toutes ces calories. On pourrait le faire en une demi-heure avec un entraînement plus intensif. Le problème ne se limite pas à la quantité de calories; c'est la teneur en sucre qui est inquiétante. On y trouve beaucoup de calories vides qui sont néfastes pour la santé.

J'ai été renversé de lire cela, d'autant plus que j'aime bien le lait au chocolat. Je n'ai vu nulle part ailleurs d'affirmations semblables et j'aimerais savoir comment vous la justifiez.

Mme Émond : Merci.

Voilà maintenant que tout le monde parle du sucre. Auparavant, on s'en prenait au gras, puis c'est le sel qui a retenu l'attention. Selon nos nutritionnistes, il importe surtout de faire la différence, comme vous venez de le mentionner, entre les aliments renfermant des calories vides et ceux qui ont un véritable apport nutritif. Si l'on place tous les produits sur le même pied uniquement en fonction de leur teneur en sucre en affirmant qu'ils sont néfastes, on donne l'impression que boire un verre de Coke, c'est comme boire du lait au chocolat, alors que ce n'est pas le cas.

Si vous avez des enfants, vous devez choisir entre l'un ou l'autre, et vous préférez sûrement qu'ils boivent du lait. Ils y trouveront tout au moins les éléments nutritifs dont ils ont besoin. Ce n'est pas un produit rempli de calories vides.

Nous tenons à bien situer dans son contexte le débat au sujet du sucre. Il faut être conscient de la distinction entre le sucre ajouté et celui qui est présent naturellement dans un produit. Cet aspect est d'ailleurs au cœur des discussions en cours concernant l'étiquetage. Nous voulons nous assurer de ne pas étiqueter les aliments nutritifs de la même manière que ceux qui ne le sont pas. Si nous faisons une telle affirmation, c'est pour que les gens comprennent bien qu'il y a un écart dans la valeur nutritive de ces produits.

Le sénateur Ogilvie : Vous avez bien réussi à contourner la question, et je vous en félicite.

Comme il y a beaucoup moins de sucre dans le lait non chocolaté, vous devez admettre qu'il y a des quantités importantes de sucre ajouté dans le lait au chocolat, alors que c'est justement ce sucre ajouté qui est très néfaste. Bon nombre des éléments nutritifs auxquels vous faites référence sont sans doute en fait des micronutriments que l'on peut facilement trouver ailleurs dans son alimentation.

Mme Émond : L'industrie de la transformation multiplie les recherches en vue du développement de nouveaux produits. Ce n'est bien sûr pas notre rôle; nous sommes des producteurs de lait. Le secteur de la transformation s'efforce donc de trouver des moyens de concevoir de nouveaux produits en gardant à l'esprit cette préoccupation de réduire la teneur en sucre du lait au chocolat. Nous voulons seulement nous assurer que tous ces produits ne sont pas mis dans le même panier.

Vous avez certes pu lire que nous essayons de positionner le lait au chocolat en tant que boisson de récupération après une activité sportive. Cette campagne donne de bons résultats auprès des athlètes et des sportifs qui choisissent de récupérer en buvant un lait au chocolat, plutôt qu'une boisson énergisante avec toutes ses calories vides. Nous essayons de présenter le produit de la façon la plus positive possible, mais je comprends vos préoccupations.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur le président, j'aurais des arguments très percutants pour répliquer aux dernières allégations, mais je sais que nous n'avons pas assez de temps.

Le président suppléant : Nous pourrions décider de tenir une discussion d'une heure à ce sujet à un moment donné mais, pour l'instant, nous devons poursuivre. Merci beaucoup.

La parole est à la sénatrice Unger.

La sénatrice Unger : Merci de votre exposé, monsieur Smith et madame Émond.

J'ai un point de vue différent. En guise de préambule, je vais vous citer un extrait d'un éditorial prônant la disparition de la gestion de l'offre qui est paru dans l'édition du 27 juillet du National Post :

La gestion de l'offre est préjudiciable pour les consommateurs auxquels on demande de payer de deux à trois fois le prix du marché pour mettre quelques milliers d'agriculteurs à l'abri d'une concurrence plus féroce. Elle est tout aussi dommageable pour les agriculteurs eux-mêmes qui doivent verser des centaines de milliers de dollars pour des quotas afin d'avoir le privilège de produire pour un petit marché intérieur, plutôt que d'avoir accès à des marchés plus lucratifs à l'étranger.

C'est un point de vue différent qui est selon moi de plus en plus répandu.

Monsieur Smith, à la lumière de vos observations, je crois que vous êtes plutôt d'accord avec cet éditorial du National Post. Vous avez dit que le Canada doit faire partie du PTP, et que des indemnités sont versées aux agriculteurs pour les aider à éponger les pertes découlant d'une concurrence accrue. Est-ce que vous comprenez ce point de vue?

M. Smith : Non seulement je le comprends, mais je m'y oppose farouchement. De nombreux journalistes profitent de leur liberté d'expression pour prendre position dans toutes sortes de dossiers, y compris celui de la gestion de l'offre. Mais, tout bien considéré, cet éditorialiste avait tort. Le gouvernement a décidé qu'il valait la peine de maintenir la gestion de l'offre en raison de toute l'activité économique qu'elle génère dans les collectivités rurales des différentes régions du pays.

L'affirmation voulant que les consommateurs canadiens paient plus cher que partout ailleurs dans le monde pour leurs produits laitiers dans le cadre d'un régime réglementé de commercialisation n'a absolument aucun fondement. Il a par exemple été établi que les consommateurs néo-zélandais, un pays qui a opté pour la déréglementation, doivent composer avec des prix plus élevés que jamais auparavant sur le soi-disant « marché libre », et que les agriculteurs n'ont jamais eu des revenus aussi faibles, quand ils ne doivent pas carrément déclarer faillite parce qu'ils n'arrivent pas à absorber leurs coûts de production.

Je suis en total désaccord avec ce commentaire. Au bout d'un moment, nous en sommes venus à ne plus trop tenir compte de tous ces articles où des journalistes nous disent à quel point les gens profiteraient de la disparition du système.

J'ai un très bon exemple à vous donner. Tout le monde se souvient de la crise causée par la maladie de la vache folle au Canada. Les agriculteurs n'obtenaient presque rien sur le marché pour leurs vaches qui n'étaient plus aptes à donner du lait. Mais les consommateurs ont maintenu leur appui aux agriculteurs canadiens, et le prix du bœuf haché a tout de même augmenté. Dans ce contexte, pourquoi les choses seraient-elles différentes si l'on déréglementait le secteur laitier au Canada? Nous croyons qu'il a déjà été établi que cette argumentation véhiculée par les médias urbains est dénuée de fondement.

La sénatrice Unger : Je connais bien des gens vivant à proximité de la frontière, notamment à White Rock et plus au nord en direction de Vancouver, qui n'hésitent pas à faire la file pour aller acheter leurs produits laitiers aux États-Unis parce qu'ils sont beaucoup moins chers.

Pour revenir aux différentes perspectives que chacun peut avoir et à la tendance en faveur d'une libération des échanges, êtes-vous d'accord avec certains observateurs qui prévoient un avenir plutôt sombre pour la gestion de l'offre? Quelles mesures prenez-vous en prévision des difficultés qui attendent votre secteur? Vous semblez certes très ouvert à l'idée du PTP, et vous faites le nécessaire pour vous y préparer.

M. Smith : Je veux d'abord revenir à votre remarque concernant les prix aux États-Unis. Comme je l'indiquais dans mon exposé, les agriculteurs américains bénéficient de généreuses subventions; ils ne tirent pas leurs revenus des ventes sur le marché. Ces ventes sont la principale source de revenu pour les producteurs laitiers du Canada. Malgré tout, l'indice des prix des produits alimentaires nous apprend que c'est dans les secteurs où la commercialisation est réglementée que les prix ont le moins augmenté au cours de la dernière année. Alors que les autres produits alimentaires coûtent de plus en plus cher, le prix des produits laitiers et de la volaille est demeuré stable, ce qui profite aux consommateurs.

Quant aux gens qui traversent la frontière pour aller faire leurs achats au magasin Costco de Linden, par exemple, je peux vous dire que c'est beaucoup moins fréquent qu'auparavant. Ce n'est pas le secteur assujetti à la gestion de l'offre qui est particulièrement menacé; c'est toute l'économie mondiale qui vit des temps difficiles. Je suis fier de pouvoir exploiter au Canada une ferme qui est rentable dans le cadre d'un système de gestion de l'offre misant sur des outils de production novateurs et modernes, comme vient tout juste de le faire valoir le sénateur à vos côtés. Il est grand temps que notre secteur de la transformation commence à investir dans la même mesure que les agriculteurs l'ont fait dans la technologie et l'innovation de manière à être lui aussi mieux apte à soutenir la concurrence, car il a un retard à rattraper compte tenu des progrès réalisés dans certains autres pays.

Je vous dirais en terminant qu'il y a au Canada des commerces comme Shoppers Drug Mart, Cotsco et Walmart qui vendent de temps à autre leur lait à perte pour attirer les consommateurs — car il s'agit d'un produit essentiel — dans l'espoir qu'ils ne vont pas se contenter d'acheter du lait à rabais, mais qu'ils vont repartir également avec d'autres produits alimentaires et articles dont la vente sera plus profitable pour l'entreprise.

Il n'y a pas seulement les marchés d'alimentation et les détaillants canadiens qui vendent ainsi des produits à perte. C'est aussi le cas des Costco de l'autre côté de la frontière. Il m'arrive de descendre plus bas aux États-Unis, à plus de 150 kilomètres de la frontière, et je paie souvent plus cher pour des produits laitiers qui sont généralement de qualité inférieure. Je n'ai aucune hésitation à choisir mon fromage canadien, je peux vous l'assurer.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Ma question est en lien avec le lait diafiltré, les matières protéiques du lait et les droits de douane. Madame Émond, je comprends que les Producteurs de lait du Québec ont déjà dénoncé, et continuent de dénoncer, les importations massives du lait diafiltré en provenance des États-Unis.

Comme vous le savez, ce lait diafiltré est exempté de droits de douane lorsqu'il entre au Canada en provenance des États-Unis. Toutefois, les matières protéiques du lait sont soumises à des contingents tarifaires.

Ma question est la suivante : pouvez-vous nous expliquer la différence, s'il y a lieu, entre le lait diafiltré et les matières protéiques du lait? Sachant que les matières protéiques sont soumises à des contingents tarifaires, pourquoi le lait diafiltré en provenance des États-Unis est-il exempté de droits de douane? Existe-t-il des règles d'importation claires pour chacun de ces produits?

Mme Émond : Là, il nous faudra certainement une heure supplémentaire.

Le sénateur McIntyre : Très brièvement.

Mme Émond : Nous aurons peut-être l'occasion de discuter des détails si vous le souhaitez. Ce qu'il est important de retenir dans cette situation, ce sont les notions suivantes : nous vous avons parlé plus tôt des trois piliers de la gestion de l'offre. L'un de ces piliers, ce sont les contrôles aux frontières. Comme nous disciplinons la production, nous devons savoir ce qui est importé au Canada, en fonction des accords commerciaux. Nous devons être au courant de ce qui entre pour pouvoir ajuster notre production.

Beaucoup de gens ont un esprit très créatif et tentent de trouver des moyens de faire entrer des produits au Canada en contournant les tarifs et les contingents. Nous avons constaté de nombreux exemples de cette situation par le passé. Il y a eu, entre autres, le mélange d'huile de beurre. Il y a toujours quelqu'un qui tente de contourner les règles.

Nous sommes aux prises avec une situation qui dure depuis quelques années, et nous faisons retentir les signaux d'alarme dans ce dossier depuis plusieurs années. Des gens ont trouvé le moyen de classifier un produit dans une catégorie sans tarif dans le but de le faire entrer au Canada. Ce qui a permis à ce problème de dégénérer, c'est surtout le fait que l'on se retrouve dans une situation où deux agences gouvernementales fonctionnent selon des définitions qui sont différentes. Par exemple, un produit arrive à la frontière et on dit qu'il s'agit de tel ingrédient, ce qui permet d'en importer autant qu'on le désire sans payer de tarif. D'un autre côté, l'Agence canadienne d'inspection des aliments peut affirmer que, finalement, non, même si l'ingrédient est entré sous tel nom, on permet de l'utiliser, comme le lait dans la composition du fromage.

Il y a donc deux agences qui traitent le même produit de façon différente. Le produit n'a pas changé entre le moment de son entrée au pays et le moment de son utilisation à l'usine. Cela a permis à ce produit de se propager au Canada et de remplacer le lait canadien que l'on n'utilise plus pour fabriquer des fromages.

C'est ce qui a suscité chez nos producteurs, comme vous l'avez vu plus tôt, la réaction de dire qu'il faut mettre fin à cette situation qui ne fait aucun sens. On permet à des gens d'entrer un produit sans tarif et de l'utiliser d'une autre façon par la suite.

Il y a eu beaucoup de cafouillage dans ce dossier, qui traîne depuis des années. Le ministre nous a envoyé un message très clair selon lequel il avait l'intention de régler cette situation.

C'est un sujet qui est extrêmement important pour nous, parce qu'il a un impact direct sur la production au Canada.

Le sénateur McIntyre : J'aimerais soulever un autre point. Afin de rectifier cette situation, je comprends que les producteurs laitiers de l'Ontario ont annoncé leur intention de produire des concentrés de protéines laitières au prix mondial. Je comprends également que cette nouvelle mesure entrera en vigueur le 1er avril de cette année.

Mme Émond : Depuis quelques mois, des discussions se tiennent entre les transformateurs et les producteurs au Canada pour faciliter la fabrication d'ingrédients au Canada. Le travail se fait derrière des portes closes. Ces négociations sont confidentielles. Une province, entre autres, a annoncé une approche qui était la sienne, mais il y a effectivement du travail qui se fait de différentes façons pour cerner les moyens de produire ce type de produit au Canada, qui pourrait susciter un intérêt, et surtout pour veiller à ce qu'il soit utilisé ou reconnu par les diverses agences de la bonne façon.

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. J'aimerais revenir sur le Partenariat transpacifique. Vous êtes sans doute au courant qu'en juin 2015, des producteurs laitiers ont dû se débarrasser de leur lait écrémé, parce qu'ils ne pouvaient pas le vendre sur le marché canadien. Vous me corrigerez si je me trompe, mais cette situation était liée au fait qu'il y avait une importante demande de beurre et de crème. Il y avait aussi une capacité de transformation qui était inadéquate, de même qu'une faible demande pour le lait liquide. Sachant maintenant que le Partenariat transpacifique sera signé et qu'il prévoit un accès aux marchés des autres pays pour les produits laitiers canadiens, croyez-vous que l'accord sera l'occasion pour votre secteur d'ouvrir de nouveaux marchés et ainsi d'éviter les situations de surproduction?

Mme Émond : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, pour cette question. D'abord, elle me donne l'occasion de clarifier un point soulevé plus tôt par la sénatrice Unger.

J'aimerais que les choses soient claires. Les Producteurs laitiers du Canada ne sont pas demandeurs dans le dossier du PTP. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous ne nous opposons pas à la stratégie du gouvernement canadien qui consiste à aller conquérir des marchés étrangers pour ses secteurs d'activités. Vous entendrez tout à l'heure des représentants du secteur du porc qui, eux, sont à la recherche d'exportations pour faire vivre leur industrie. Nous ne nous opposons donc pas à la stratégie du gouvernement.

Toutefois, nous n'avons jamais été dans le banc du demandeur. Ces accords ne sont pas négociés au bénéfice des producteurs laitiers. Comme nous l'avons indiqué plus tôt, notre capacité d'exportation est limitée en raison des coûts de production au Canada. Les coûts de production au Canada sont plus élevés qu'aux États-Unis dans une proportion de 23 p. 100. Ce phénomène est lié à une série de facteurs, entre autres les lois sociales. Il n'est pas question du coût des matières premières; il y a différentes raisons.

Dans le dossier du PTP, comme dans le dossier de l'AECG, le secteur laitier se trouve un peu pris en otage par ces discussions. Comme nous l'avons précisé, notre marché est attrayant. Des producteurs à travers le monde cherchent des marchés. Vous savez, la Nouvelle-Zélande exporte 96 p. 100 de sa production laitière. À titre de petit pays, elle a besoin de marchés, et c'est le nôtre qu'elle a choisi. Cela ne veut pas dire que l'on doive davantage protéger les producteurs de la Nouvelle-Zélande que ceux d'ici. Les gouvernements comprennent que les avantages économiques générés par les producteurs laitiers au Canada et leur impact au sein des communautés font en sorte que nous voulons maintenir ce secteur au Canada. C'est ce qui fait que, lorsque nous avons reçu des demandes, comme dans le cadre de l'AECG et du PTP, le gouvernement s'est engagé, chaque fois, à reconnaître que le secteur laitier obtiendrait compensation, s'il devait être le secteur à être pénalisé pour que l'accord ait lieu.

On a posé la question plus tôt à savoir s'il serait possible de compenser la perte de marché en allant en reconquérir ailleurs. Or, la réponse est non. Nous allons tenter d'en chercher. Nous sommes des gens dynamiques et nous allons trouver des options. Toutefois, nous avons une perte de production à perpétuité. Pour des gens concentrés sur le marché domestique, il n'y aura pas égalité.

Nous avons un système complexe. Nous avons parlé de tous les impacts qui peuvent faire en sorte qu'un système soit un peu plus déréglementé — vous avez parlé de la situation de la poudre de lait écrémé. Les importations auront certes un impact sur le niveau de production. Cela veut-il dire une réduction de la production, si nous ne sommes pas en mesure de développer des marchés intérieurs et quelques marchés extérieurs pour certains nouveaux produits ou ingrédients que nous pourrions produire au Canada?

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Vous avez parlé tout à l'heure de l'AECG. Vous vous souviendrez sans doute que les négociations ont notamment porté sur la protection des indications géographiques. Je crois que c'est également le cas pour le PTP. Si ces mesures entraient en vigueur dans le cadre du PTP, en quoi la commercialisation de certains de vos produits avec des appellations comme feta ou parmesan pourrait-elle être affectée?

[Français]

Mme Émond : Ce que je comprends, c'est que, généralement, il y a une clause de droits acquis qui permet de maintenir certaines appellations. Les fromages que nous fabriquons ici, sous certaines appellations, seront moins à risque. Autrement dit, les fromages qui seront exportés, si jamais nous en exportons, seront des fromages fins, très spécialisés, qui utiliseront des noms qui leur seront propres, parce que ce n'est pas nécessairement toujours un camembert ou des fromages qui sont reconnus comme protégés par des terminologies.

En ce qui concerne la promotion des produits à la distribution, je ne pense pas que ce soit un problème de taille, car ce n'est pas un sujet qui a été soulevé souvent dans le cadre du PTP. Dans le cadre de l'AECG, c'était plus critique, mais dans le cadre du PTP, ce n'est pas un sujet qui est ressorti comme étant un problème.

[Traduction]

Le président suppléant : J'ai moi-même quelques questions auxquelles vous pourrez répondre au fur et à mesure, après quoi il devrait rester du temps pour au moins une question par un autre sénateur.

Monsieur Smith, vous avez parlé dans votre exposé, ou peut-être était-ce en réponse à une de nos questions, d'une certaine période où les vaches laitières de réforme n'avaient plus tellement de valeur sur le marché. Je ne connais pas beaucoup de producteurs laitiers qui acquièrent des vaches en raison du prix qu'ils vont éventuellement en tirer; ils s'intéressent plutôt à l'incidence sur leurs quotas. Est-ce que les vaches qui cessent de donner du lait ont déjà eu une grande valeur?

M. Smith : Monsieur le président, j'essayais avec cet exemple de démontrer qu'un effondrement de prix semblable ne se traduit pas nécessairement par une fluctuation du prix de détail.

Le président suppléant : Mais il faut bien admettre qu'aucun producteur laitier ne va acheter une vache parce qu'il espère en tirer un bénéfice à la fin de sa vie utile. S'il fait l'acquisition d'une vache, c'est parce qu'il a un quota à atteindre et que cette vache va lui procurer un revenu tant et aussi longtemps qu'elle donnera du lait.

M. Smith : Il y a tout de même une proportion de nos revenus qui nous vient de la vente des vaches de réforme sur le marché secondaire du bœuf haché au Canada.

Le président suppléant : Je vous remercie de votre réponse, même si j'ai mes doutes à ce sujet.

Je n'ai pas vu souvent des producteurs laitiers déclarer faillite, au Manitoba tout au moins. J'ai vu par contre des quotas prendre de la valeur. Cela a presque toujours été le cas, d'aussi loin que je me souvienne.

J'appuie dans une large mesure la gestion de l'offre car, comme vous l'avez indiqué à la sénatrice Unger, ou bien c'est la gestion de l'offre, ou bien ce sont les subventions. S'il faut faire un choix entre les deux, je crois que notre formule est préférable à celle retenue par les Américains.

J'ai tout de même l'impression que les quotas n'ont à peu près jamais cessé de prendre de la valeur. N'est-ce pas ce que vous avez vous-même pu observer?

M. Smith : Eh bien, je crois qu'il n'y a pas grand-chose dans nos vies qui ne prennent pas de valeur avec le temps, qu'il s'agisse des quotas, des voitures ou des vaches.

Le président suppléant : Je ne vous parle pas d'inflation. Il est bien certain que tout augmente à cause de l'inflation. Ce n'est pas pour cette raison que les quotas ont pris de la valeur.

M. Smith : Comme c'est essentiellement le cas pour tout autre produit, le prix des quotas est fixé par le marché.

Ainsi, je peux vous dire que chez vous au Manitoba, il y a fluctuation de la valeur des quotas sur le marché. Elle n'augmente pas toujours et ne diminue pas sans cesse.

Est-ce que leur valeur est plus grande aujourd'hui qu'il y a 20 ans? Certainement, mais je pense qu'on pourrait dire la même chose d'à peu près tout ce qui nous entoure.

Le président suppléant : Très bien. La plupart des gens vous diraient qu'il ne suffit pas que les choses aient plus de valeur qu'il y a 20 ans, mais je vais en rester là pour l'instant.

Vous avez parlé de la valeur de nos produits par rapport à ce que l'on peut trouver aux États-Unis. À ce titre, je peux vous assurer que nous avons d'excellents fromages au Manitoba. Il y a notamment la fromagerie Bothwell Cheese qui fabrique selon moi le meilleur fromage au monde. Il va de soi qu'il se fait également d'excellents fromages au Québec. Je serais donc favorable à la recherche de débouchés pour le fromage.

Comme j'ai un chalet près de la frontière, il m'arrive à l'occasion de devoir me rendre aux États-Unis pour acheter mes produits laitiers. Nous achetons notre lait là-bas, non pas parce qu'il est moins cher, mais parce que c'est plus près du chalet. Au goût, je ne saurais faire la différence entre un lait et un autre. Est-ce que je devrais en être capable?

M. Smith : C'est une question de perception, je suppose. Certains peuvent percevoir des distinctions très nettes entre différents vins rouges. Ils peuvent distinguer toutes sortes d'arômes, alors que je n'y arrive pas. Il y a toutefois deux choses que je peux vous garantir. Tout d'abord, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, nous n'utilisons aucune hormone pour la production du lait canadien. J'estime que c'est un élément crucial pour les consommateurs de lait au Canada. Ils veulent qu'on leur vende des produits à l'état pur, et les producteurs canadiens sont à même de les rassurer à ce sujet.

Je partage aussi votre enthousiasme à l'égard de la fromagerie New Bothwell. Je vais d'ailleurs dîner avec le président de l'entreprise la semaine prochaine, parce que nous prenons parfois l'avion ensemble. Il habite sur l'île de Vancouver et nous discutions pas plus tard qu'hier, pendant que nous attendions notre avion à l'aéroport, de la façon dont les Producteurs laitiers du Canada et la fromagerie Bothwell Cheese, dans ce cas-ci, peuvent innover, accroître notre capacité et notre volume de production, parce que vous savez sûrement que Bothwell Cheese ne fabrique ses fromages qu'à partir de lait liquide. C'est l'une des dernières entreprises au pays à ne pas utiliser de substances laitières modifiées. C'est le genre d'entreprise que les Producteurs laitiers du Canada veulent appuyer, parce qu'elle a vraiment ses valeurs à cœur, qu'elle veut aider les agriculteurs canadiens et offrir aux consommateurs un produit le plus pur possible.

J'ai reçu un courriel ce matin. Je lui avais fait quelques propositions qui ne correspondent pas nécessairement à son plan d'affaires, mais il m'a dit qu'il allait parler à son frère de certaines idées que je lui ai données, et maintenant il veut en faire un suivi. Je suis ravi. Je pense que c'est bon, parce qu'il s'agit d'une fromagerie de taille moyenne et non d'une grande fromagerie. Je lui ai dit : « Vous utilisez du lait canadien à 100 p. 100 pour fabriquer votre fromage et vous réussissez à faire de l'argent? » Parce que j'entends les représentants des grandes multinationales me dire que s'ils ne faisaient pas ceci et cela, leur chaîne de production s'en trouverait compromise et ils ne pourraient pas faire d'argent.

Quand j'entends cet homme me dire : « Je n'imprime pas d'argent, mais je crois au produit que je vends, et c'est ce que les consommateurs qui achètent mon produit attendent de moi », je ne peux que l'appuyer de mon mieux au nom des Producteurs laitiers du Canada.

Le président suppléant : Eh bien, je suis vraiment content d'avoir fait une bonne publicité à Bothwell Cheese. Vous pourrez lui dire que nous sommes déçus qu'il vive sur l'île de Vancouver. Il devrait habiter près de sa fromagerie.

Merci beaucoup d'être parmi nous. Au nom du comité, je vous remercie sincèrement et je vous souhaite beaucoup de succès.

J'aimerais maintenant accueillir notre deuxième groupe ici ce soir, dans le cadre de notre étude sur l'accès aux marchés. Le prochain groupe de témoins se compose de Rick Bergmann, président du Conseil canadien du porc, et de Gary Stordy, gestionnaire; de M. Jacques Pomerleau, président de Canada Porc International; et de M. John Masswohl, directeur des Relations gouvernementales et internationales à la Canadian Cattlemen's Association.

Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation, messieurs. Je vous invite à nous présenter vos exposés. Je vous demanderais d'être très concis, parce qu'il y a beaucoup de sénateurs qui souhaitent vous poser des questions. J'ai permis un peu plus de latitude à la première séance parce que nous ne recevions que deux témoins. Je ne pourrai pas être aussi souple cette fois-ci. Soyez-en conscients.

Sur ce, monsieur Pomerleau, la parole est à vous.

Jacques Pomerleau, président, Canada Porc International : Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais vous présenter mon exposé en français.

[Français]

Je vous remercie d'avoir invité Canada porc international à témoigner devant votre comité dans le cadre de votre étude sur les priorités en matière d'accès aux marchés internationaux. CPI est l'agence de développement des marchés d'exportation de l'industrie porcine canadienne. Elle a été créée en 1991, dans le cadre d'une initiative conjointe du Conseil canadien du porc et du Conseil des viandes du Canada. Notre organisation s'occupe particulièrement des problèmes d'accès aux marchés étrangers, de la promotion du porc canadien à l'extérieur du Canada, de fournir de l'information à ses membres sur les marchés étrangers, ainsi que de régler d'autres enjeux importants reliés à l'exportation.

Même si le Canada exporte depuis plus de 100 ans, les exportations canadiennes de porc ont connu une forte croissance au cours des 25 dernières années. Elles sont passées de 250 000 tonnes, d'une valeur de 600 millions de dollars, en direction de 54 pays en 1991, à plus de 1,1 million de tonnes, d'une valeur de 3,2 milliards de dollars, vers 95 pays en 2015. Avec une part de près de 20 p. 100 du commerce mondial, le Canada est le troisième exportateur mondial derrière les États-Unis et l'Union européenne. Plus de 65 p. 100 de la production canadienne est exportée, ce qui rend notre industrie très dépendante des exportations.

Un tel succès à l'exportation n'aurait pu avoir lieu sans la très étroite collaboration de notre industrie avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le Secrétariat à l'accès aux marchés (SAM) d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, ainsi qu'avec le ministère des Affaires mondiales.

Nous devons toujours nous rappeler que, pour conserver ou améliorer l'accès à des marchés étrangers existants ainsi que pour obtenir accès à de nouveaux marchés, l'industrie porcine canadienne est entièrement dépendante du gouvernement canadien, car lui seul a le mandat de négocier non seulement des accords commerciaux, bilatéraux et multilatéraux, mais aussi les ententes vétérinaires et sanitaires nécessaires pour que nous puissions exporter vers un quelconque pays.

Les accords bilatéraux et multilatéraux maintiennent ou améliorent la compétitivité de nos produits par rapport à ceux de nos concurrents en réduisant ou en éliminant les tarifs douaniers. En gardant à l'esprit que nos plus grands concurrents sont les États-Unis et l'Union européenne, nous pourrions appuyer toute nouvelle entente commerciale conclue par le gouvernement canadien, surtout avec des marchés émergents comme la Chine et l'Inde, qui nous conférera un avantage concurrentiel.

L'environnement commercial a beaucoup évolué au cours des dernières années. La viande et ses produits dérivés sont déjà parmi les produits les plus réglementés sur la planète. Malgré cela, il s'avère de plus en plus difficile de respecter les exigences vétérinaires et sanitaires à l'importation mise en œuvre par nos principaux partenaires commerciaux, comme la Russie, la Chine, l'Union européenne et les Philippines, ou par des marchés potentiels comme l'Inde, car elles nécessitent la mise en place de nouveaux programmes de production et de certification, autant à la ferme qu'en usine. Il ne faut surtout pas s'attendre à ce que la situation s'améliore, étant donné que plusieurs pays continueront à mettre en place de nouvelles règles techniques pour limiter leurs importations.

Nous nous inquiétons de plus en plus de la perte d'expertise et du manque de ressources allouées aux exportations de viande par l'ACIA. L'expertise requise est très spécialisée et ne peut être remplacée facilement. Le manque de ressources mène déjà à des retards qui se sont avérés très coûteux lorsqu'est venu le temps de régler des enjeux pressants. Selon ce que nous constatons, la situation ne semble pas vouloir s'améliorer. Non seulement y a-t-il moins de personnes qui possèdent l'expertise et les qualifications requises, mais nous ne sommes pas au courant d'une quelconque initiative qui viserait à en former de nouvelles. Cette situation doit être sérieusement et rapidement prise en considération, car elle risque de devenir un obstacle à l'expansion de nos exportations.

Il n'est absolument pas dans notre intérêt de remettre en question le mandat premier de l'ACIA, qui est d'assurer l'innocuité des aliments pour les consommateurs autant canadiens qu'étrangers, car c'est la crédibilité même de notre système de certification des exportations qui en dépend. Cependant, l'exportation de la viande est un facteur économique important pour le Canada, et le gouvernement fédéral devrait en tenir compte dans l'allocation des ressources.

Il faut comprendre que ce problème n'est pas particulier au secteur de la viande. Avec la nouvelle structure de l'ACIA, il y a aura aussi un impact sur tous les autres produits et denrées alimentaires destinés à l'exportation.

Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions, que ce soit en français ou en anglais.

[Traduction]

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Pomerleau.

Rick Bergmann, président, Conseil canadien du porc : Bonsoir à tous. Je suis un producteur de porc de Steinbach, au Manitoba, et je suis le président du conseil d'administration du Conseil canadien du porc.

J'aimerais commencer par vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Comme vous le savez, notre secteur dépend des exportations. En fait, plus des deux tiers des porcs produits au Canada sont exportés sur pied ou sous forme de produits du porc. Non seulement l'accès au marché est vital pour notre industrie, mais c'est une réalité de tous les jours. Notre survie ou notre mort en dépend.

Il importe de souligner qu'actuellement, notre accès aux marchés étrangers découle directement de la coopération qui existe entre le gouvernement et l'industrie. Quand nous travaillons en équipe, nous pouvons accomplir beaucoup de choses, comme nous l'avons vu au cours des dernières années. L'ouverture de marchés ou le maintien de l'accès n'est jamais facile. Ce doit être une priorité pour des ministères comme Affaires mondiales Canada, Agriculture Canada et l'ACIA. Ces ministères ont besoin de marge de manœuvre et d'une équipe complète dotée de ressources financières pour assurer l'accès aux marchés.

En somme, notre industrie produit plus de 25,5 millions d'animaux chaque année. Nous créons 31 000 emplois à la ferme, qui contribuent à leur tour à 103 emplois directs, indirects et induits au pays. Ces emplois génèrent 23,8 milliards de dollars, si l'on tient compte de tous les intrants et de la transformation du porc pour l'exportation. L'industrie porcine est la quatrième principale source de recettes monétaires agricoles selon les données de 2014, ce qui représente 9,2 p. 100 des recettes monétaires agricoles que le Canada tire du marché. Notre priorité est d'offrir aux consommateurs un approvisionnement alimentaire sain, sûr et abordable. La population mondiale ne cesse de croître, et nous devons être prêts à saisir l'occasion que cela présente.

Je comprends que le comité étudie la compétitivité et la rentabilité du secteur agricole canadien. Cette étude tombe à point puisque les programmes quinquennaux de Cultivons l'avenir 2 expireront en 2018. Certains changements apportés aux principaux programmes de CA2 ont réduit considérablement l'aide que ces programmes peuvent apporter à l'industrie porcine. Tant les gouvernements fédéral que provinciaux doivent améliorer leurs programmes et trouver de nouveaux outils de gestion du risque. Les producteurs ont besoin d'un éventail varié d'outils, comme l'assurance en cas de mortalité et les opérations de couverture, afin de pouvoir choisir les meilleures options qui s'appliquent à leurs activités.

La succession d'années difficiles dans le secteur porcin a eu pour répercussion de diminuer l'accès au crédit. Certains programmes fédéraux comme le Programme de paiements anticipés aideront, mais pas pour la construction ou la rénovation des bâtiments. Les structures bâties vieillissent un peu partout au pays, et le secteur a besoin d'un réinvestissement important pour assurer son efficacité à long terme. Il serait pour cela extrêmement utile de modifier le programme de prêts de la LCPA.

Par ailleurs, les fermes canadiennes souffrent toujours d'une pénurie de main-d'œuvre, tout comme les abattoirs. L'industrie porcine du Canada doit avoir accès à une main-d'œuvre stable et croissante. Faute de main-d'œuvre adéquate, nous ne pouvons pas produire tous les porcs nécessaires pour tirer parti du nombre grandissant de débouchés d'exportation.

Nous étions encouragés, l'an dernier, de voir le gouvernement s'assurer de faire partie du Partenariat transpacifique, et nous étions heureux que le Canada signe cet accord en février. Cependant, nous suivrons la situation de près et demeurerons mobilisés, puisque le gouvernement libéral a annoncé publiquement que la signature de l'accord ne signifie pas nécessairement qu'il sera ratifié. Il continue de respecter sa promesse électorale par les activités d'un groupe de consultation qui ratisse très large.

Par ailleurs, nous avons toujours en vue d'autres négociations commerciales comme celles relativement à l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne. La mise en œuvre de l'AECG est toujours prévue pour 2017. On peut espérer que le document soit soumis au conseil de l'UE vers la mi-2016, puis qu'il suive son cours au Parlement de l'Union.

Pour toutes les négociations commerciales, le Conseil canadien du porc soutient que le Canada doit rester à la table de négociations, particulièrement pour les marchés de grande valeur en Asie. Des pays comme le Japon et la Chine, où la demande ne cesse de croître pour les importations alimentaires, présentent des débouchés importants pour les producteurs de porcs canadiens. Le Canada doit absolument saisir toutes les occasions de s'assurer de modalités d'accès favorables aux marchés étrangers, notamment par la signature de nouveaux accords commerciaux ou l'élargissement des accords en vigueur.

L'état de santé du troupeau canadien est une grande force de notre secteur, et nous sommes un modèle pour d'autres. Nous sommes perçus d'un œil favorable dans le monde pour cette raison.

L'apparition du virus de la diarrhée épidémique porcine, aux États-Unis, qui a pris depuis des proportions endémiques, a commencé à toucher leurs troupeaux en mai 2013. Ce virus a changé fondamentalement la façon dont les producteurs de porcs canadiens abordent la biosécurité du troupeau. La perspective du décès de tous les porcelets à la ferme pendant des semaines a poussé les producteurs à adopter des normes sanitaires de transport très élevées et à faire extrêmement attention aux déplacements de porcs pour prévenir toute contamination de leurs troupeaux par la DEP.

L'ACIA a un règlement selon lequel les véhicules de transport de retour des États-Unis après la livraison de porcs dans les abattoirs américains peuvent rentrer au Canada sans nettoyage. Par contre, les camions de retour au Canada après un déchargement dans une ferme américaine doivent subir un nettoyage complet et une désinfection avant de pouvoir traverser la frontière. Cette anomalie réglementaire n'a aucun sens. L'industrie attend que l'ACIA modernise ce règlement très désuet.

Pour conclure, j'aimerais remercier le comité de me permettre de témoigner aujourd'hui.

Le président suppléant : Merci, monsieur Bergmann.

John Masswohl, directeur, Relations gouvernementales et internationales, Canadian Cattlemen's Association : Bonsoir, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie à mon tour de m'avoir invité à comparaître devant le comité ce soir et de continuer de suivre attentivement la question de l'accès aux marchés internationaux pour l'agriculture canadienne. La dernière fois où j'ai comparu ici, c'était en novembre 2014. Je suis très heureux de revenir aujourd'hui pour vous parler de la façon dont nous avons réussi à accéder aux marchés depuis ma dernière comparution.

Il n'est un secret pour personne que pendant longtemps, notre grande priorité pour l'accès aux marchés était le règlement de notre différend avec les États-Unis concernant la mention du pays d'origine sur l'étiquette. Je suis très heureux de mentionner que ce litige de longue date a été résolu peu avant Noël, avec l'abrogation par les États-Unis de la loi en cause. Ce résultat a été rendu possible grâce aux efforts conjoints des secteurs du bœuf et du porc canadiens et du gouvernement du Canada afin de défendre notre position à l'Organisation mondiale du commerce, pour obtenir l'autorisation de l'OMC d'imposer des mesures de rétorsion, afin d'envoyer le message clair aux États-Unis que le Canada avait pleinement l'intention d'imposer sans autre délai une surtaxe sur des produits américains stratégiquement ciblés.

Ce litige a duré plus de sept ans, et nous devons remercier beaucoup de personnes de ce dénouement, à commencer par tous ceux et celles qui ont défendu notre cause, tant ceux qui ont élaboré la stratégie que ceux qui l'ont déployée, dans les ministères, par les consulats et l'ambassade des États-Unis. C'était un engagement à long terme du gouvernement précédent. Les anciens ministres Gerry Ritz et Ed Fast ont travaillé sans relâche dans ce dossier. Dès que le nouveau gouvernement a été assermenté, les ministres Lawrence MacAulay et Chrystia Freeland sont tous deux intervenus pour garantir à leurs homologues que le Canada n'avait nullement l'intention de faire de compromis. Devant cette position forte et l'imminence de représailles, les États-Unis ont finalement abrogé leur loi le 18 décembre.

Nous sommes très satisfaits de ce résultat. Quoi qu'il en soit, nous estimons essentiel que le Canada conserve indéfiniment l'autorisation de l'OMC d'imposer des mesures de rétorsion. Si les États-Unis devaient recréer l'effet discriminatoire de la loi américaine sur le pays d'origine, le Canada pourrait rapidement imposer des représailles sans devoir repasser par le long processus de l'OMC s'il conserve cette autorisation.

Notre nouvelle priorité est donc l'établissement de nouvelles modalités d'accès aux marchés grâce à des accords commerciaux. Cet objectif a toujours figuré en tête de liste, mais c'est dorénavant notre priorité ultime. Plus particulièrement, nous souhaitons gagner l'accès aux marchés européens grâce à l'AECG et élargir notre accès au Japon grâce au Partenariat transpacifique.

Les producteurs de bœuf canadiens appuient vivement le PTP. Nous avons déjà atteint notre premier objectif avec le PTP, qui était de rééquilibrer les règles du jeu pour le bœuf canadien sur le marché japonais.

En 2014, nous avons exporté presque 19 000 tonnes de bœuf canadien au Japon, pour une valeur de 103 millions de dollars. En 2015, nous n'en avons vendu que 14 000 tonnes, pour une valeur de 93 millions de dollars. La baisse de valeur est donc de 9,3 p. 100 de 2014 à 2015, mais la baisse de volume, de presque 24 p. 100.

Le pire est encore à venir sans le PTP, parce que même si la dépréciation du dollar canadien en a partiellement atténué l'impact, nous sommes en train de revenir en situation de désavantage concurrentiel avec l'Australie, puisque le bœuf australien profite déjà d'un accord de libre-échange avec le Japon.

À l'heure actuelle, le bœuf canadien est toujours assujetti à des tarifs douaniers de 38,5 p. 100 au Japon. Les tarifs applicables au bœuf australien sont déjà à 28,5 p. 100 et continuent de diminuer chaque année. Une fois le PTP en vigueur, le tarif japonais sur le bœuf canadien diminuera immédiatement pour atteindre le même niveau que le tarif applicable au bœuf australien, et il continuera de descendre jusqu'à 9 p. 100 au bout de 15 ans.

Si nous ne signons pas le PTP ou un accord bilatéral avec le Japon, le Canada pourrait perdre environ 80 p. 100 de la valeur de ses exportations de bœuf vers le Japon. Avec le PTP, nous croyons pouvoir doubler ou même tripler notre rendement sur le marché japonais.

Pour nous, c'est évident. Il n'est absolument pas question de maintenir le statu quo pour les exportations de bœuf canadien au Japon. Soit nous mettons cet accord en œuvre et en retirons les bénéfices, soit nous ne faisons rien et nous pouvons dire adieu à presque toutes nos exportations actuelles vers le Japon.

Nous sommes très heureux que l'Accord de libre-échange Canada-Corée soit entré en vigueur l'an dernier, puisque nous avons déjà pu profiter de nos deux premières baisses de tarif sur 15. Les États-Unis ont trois ans d'avance sur nous. Le bœuf australien a un an d'avance sur nous. Nous finirons tous par obtenir un accès libre à ce marché, mais à des moments différents.

Nous croyons que le PTP est un outil qui pourrait contribuer à accélérer la baisse progressive des tarifs de la Corée. Il faut dire que la Corée a déjà manifesté l'intérêt de se joindre au PTP. À notre association, nous croyons que l'admission de la Corée pourrait dépendre de l'accélération de l'élimination des tarifs applicables au bœuf canadien pour que les tarifs qui s'y appliquent soient les mêmes que ceux applicables au bœuf américain.

Pour ce qui est de l'Europe, nous continuons de croire que l'AECG présente un grand potentiel pour les exportations de bœuf canadien vers le marché européen. L'AECG contient l'engagement de la part de l'Europe d'éliminer le tarif applicable à une grande quantité de bœuf canadien, mais ce n'est que la moitié de ce qu'il faut pour que l'AECG profite au secteur du bœuf canadien. Il est absolument essentiel de régler la question des conditions techniques que doivent respecter les usines de transformation du bœuf pour pouvoir exporter leurs produits vers l'Europe pour que cet accord voie le jour.

Les principales restrictions qui restent concernant l'ESB sont celles de la Chine, où la prochaine étape est d'obtenir l'accès au marché pour le bœuf non désossé, et celles du Mexique, où nous n'avons toujours pas accès au marché pour les bovins de plus de 30 mois.

Malheureusement, nous avons découvert un autre cas d'ESB en Alberta en février 2015. Quelques marchés, pas beaucoup, nous ont temporairement fermé leurs portes et nous ont imposé des restrictions commerciales en conséquence. La plupart étaient de nature temporaire et ont été levées, comme en Corée, mais l'accès à Taïwan reste fermé, et le pays n'a pas importé de bœuf canadien depuis plus d'un an. L'Indonésie était un autre marché important pour certains produits d'équarrissage, mais il est fermé lui aussi depuis un an.

Nous avons fait quelques demandes liées au commerce en vue du budget fédéral. Nous avons demandé que le Secrétariat à l'accès aux marchés en matière d'agriculture reçoive tout le financement nécessaire pour s'acquitter de son mandat. Nous avons également demandé que le gouvernement du Canada prévoie du financement pour l'organisation et l'accueil de missions d'inspection de gouvernements étrangers, qui viendraient observer en action le système d'inspection de la viande du gouvernement fédéral canadien.

Pour terminer, je voudrais faire le point sur les prix du bétail. Lors de ma dernière comparution, nous observions des prix record. Le prix de vente moyen d'un bouvillon de 1 200 livres était d'un peu plus de 2 100 $. Il a atteint un sommet vers la moitié de 2015, à plus de 2 400 $ pour un animal de cette taille. En ce moment, les prix reculent un peu. Ils se situent actuellement entre 2 000 $ et 2 100 $ pour un bouvillon de 1 200 livres, mais cela reste un prix élevé.

La valeur moyenne des exportations est estimée à 510 $ par animal pour les 10 dernières années. Depuis deux ans, elle se situe entre 700 et 900 $ par animal. Nous espérons donc que ces prix élevés et l'ouverture des marchés inciteront les producteurs bovins à agrandir leurs troupeaux. Plus nous produirons de bétail, plus nous conserverons d'emplois au Canada et meilleurs seront les prix pour les consommateurs canadiens. Grâce à l'accès aux marchés internationaux, nous pourrons optimiser la valeur de chaque animal et stimuler la croissance à long terme.

Je vais m'arrêter là, mais je suis tout disposé à répondre à vos questions.

Le président suppléant : Je vous remercie beaucoup de ces exposés.

Le sénateur Ogilvie : Il est primordial de gagner et de maintenir l'accès aux marchés pour les produits finaux, et vous l'avez tous bien expliqué. Comme vous le savez probablement, le monde est à l'aube d'une ère post-antibiotique, compte tenu de l'énorme effet négatif potentiel des antibiotiques sur la santé humaine dans le monde. L'utilisation « en gros » d'antibiotiques dans la production animale est considérée comme l'un des facteurs qui contribueraient à la résistance accrue des bactéries aux antibiotiques. De toute évidence, cela commence à perturber les marchés et les produits finaux de grande valeur dans certaines régions du monde.

Que font vos producteurs pour éliminer l'utilisation « en gros » d'antibiotiques dans les aliments? Je ne parle pas ici de l'utilisation tout à fait correcte d'antibiotiques prescrits par des vétérinaires pour maintenir la santé animale. Je parle de de l'utilisation « en gros » d'antibiotiques dans les aliments.

M. Bergmann : Comme vous l'avez mentionné, nous avons un système de surveillance vétérinaire très fort au Canada. Avec le temps, nous reconnaissons qu'il y a de plus en plus de pressions pour faire de plus en plus de choses. En ce qui concerne l'utilisation des antibiotiques, nous reconnaissons devoir nous en servir comme outils. Il doit y avoir une surveillance à cet égard, comme c'est déjà le cas. Il y a beaucoup d'opinions et d'idées qui circulent sur l'industrie qui sont souvent véhiculées par des gens qui ne connaissent peut-être pas très bien notre industrie et qui se fient à l'Internet.

Cela dit, nous sommes sensibles au fait que l'environnement change. Encore une fois, je défendrai notre industrie en disant qu'il y a une forte surveillance vétérinaire qui s'exerce. Nous n'avons aucun temps à consacrer aux produits qui entrent au pays par des moyens inappropriés. Nous ne sommes pas d'accord avec cela. Grâce à des programmes comme le Programme canadien d'assurance de la qualité, les producteurs sont tenus de porter attention à divers aspects.

M. Masswohl : Nous convenons que c'est un problème très grave pour la santé humaine et la résistance aux antibiotiques. C'est une question sur laquelle nous menons beaucoup de recherches et exerçons de la surveillance depuis longtemps.

Vous avez utilisé les mots « en gros » à trois reprises. Je ne sais pas trop si vous parlez du prix que nous payons pour les médicaments, parce que nous payons le prix de détail. Si vous vouliez plutôt parler d'une utilisation tous azimuts des antibiotiques, je contesterais votre utilisation de ces mots dans ce contexte, parce que nous utilisons les antibiotiques de manière très stricte, conformément à la réglementation.

Nous sommes très conscients du fait que tous les antibiotiques ne sont pas égaux. Il y a des antibiotiques qui sont extrêmement importants et même vitaux en médecine humaine, mais nous ne les utilisons pas pour l'élevage du bétail. La plupart des produits antimicrobiens utilisés pour l'élevage du bétail ne sont pas importants pour la santé humaine; ce sont essentiellement des substances ionophores. Il y en a quelques autres aussi.

Nous travaillons avec Santé Canada. Le ministère a annoncé certains changements à la structure, et nous y sommes favorables.

Le sénateur Ogilvie : J'ai présidé un comité sénatorial qui s'est penché là-dessus et je suis au courant de ce qui est fait à cet égard. Je n'approfondirai pas davantage la question ce soir. Merci.

Le sénateur McIntyre : J'aimerais revenir à la question des droits de douane. Comme vous l'avez indiqué, dans le cadre du Partenariat transpacifique, le Japon et le Vietnam réduiraient tous les deux leurs droits de douane visant le secteur de la viande selon des échéanciers différents. Le secteur de la viande — du bœuf et du porc — dispose-t-il de l'infrastructure nécessaire pour composer avec l'augmentation de la demande qui découlerait de l'élimination de ces droits de douane? Quelles stratégies adopteriez-vous pour tirer parti de l'ouverture des marchés concernés par le Partenariat transpacifique?

M. Masswohl : Encore une fois, l'infrastructure représente pour nous un autre problème énorme qui nous préoccupe. Nous examinons l'infrastructure du secteur du conditionnement : les gens qui font de la viande à partir d'animaux vivants. À l'heure actuelle, il y a beaucoup de surcapacité au Canada.

Le secteur de l'engraissement possède une surcapacité. Dans le cas des bovins de boucherie, notre nombre de têtes a diminué depuis son point culminant en 2006. Le nombre de vaches de boucherie a diminué pour s'établir à environ un million au Canada. Nous examinons les possibilités qu'offrent les prix élevés et l'ouverture de marchés pour envoyer un signal aux producteurs de bovin afin qu'ils augmentent la taille de leurs troupeaux et évitent ainsi de perdre l'infrastructure à leur disposition, car il serait ensuite difficile de la récupérer.

Je pense que nous sommes bien placés pour récupérer ces marchés. Il s'agit d'envoyer un signal aux producteurs pour les encourager et les motiver à avoir plus de vaches.

Le sénateur McIntyre : Les représentants du secteur du porc ont-ils quelque chose à ajouter?

M. Bergmann : Certainement.

Notre industrie exporte plus des deux tiers de ce qu'elle produit. Notre sort dépend donc des exportations. Nous verrions d'un bon œil l'ouverture des marchés.

Sommes-nous en mesure d'avoir les produits et l'infrastructure nécessaires? Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, les briques et le mortier de l'industrie vieillissent par endroits, et nous devons procéder à une certaine revitalisation.

Nous sommes très préoccupés par le manque de main-d'œuvre dans nos fermes et nos usines, car c'est un élément clé de l'exportation. Nous avons besoin de cette main-d'œuvre pour tirer parti de l'exportation, ce qui serait formidable.

Au Canada, notre industrie compte 1,2 million de truies. D'une façon ou d'une autre, un emploi est créé dans chaque ferme pour chaque groupe de 11 truies. Nous voyons cela comme un énorme moteur économique dont nous faisons partie. Nous avons l'infrastructure nécessaire pour profiter des débouchés qui se multiplient pour nos produits à l'échelle mondiale, car nous l'avons fait suffisamment pour savoir comment nous y prendre à l'avenir, quoique les choses changent toujours. Nous avons l'infrastructure nécessaire pour poursuivre nos activités.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Pomerleau, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Pomerleau : Oui.

Sur le plan de la commercialisation, je crois que nous sommes déjà en bonne posture au Japon. On trouve du porc canadien dans 25 p. 100 des supermarchés du Japon. Nous sommes le seul pays dont les exportations vers le Japon ont augmenté, au détriment des États-Unis pendant les deux dernières années. À vrai dire, les deux tiers de nos exportations se retrouvent au Japon, à savoir un total de 200 000 tonnes par année. Nous exportons ce que nous appelons le porc réfrigéré, du porc frais qui peut être conservé longtemps après avoir été emballé sous vide. Pour ce qui est de la commercialisation, nous avons déjà une présence là-bas. De plus, la plupart de nos usines de conditionnement ont l'équipement nécessaire pour préparer plus de porc réfrigéré destiné au Japon. En ce sens, nous sommes en bonne posture.

Ce qui nous fera du tort, c'est de ne pas bénéficier des mêmes conditions que les Américains. Nous éprouverons alors de graves difficultés.

[Français]

La sénatrice Tardif : Ma question s'adresse à M. Pomerleau. Certains témoins nous ont indiqué, lorsqu'ils ont comparu devant notre comité, que la présence de barrières non tarifaires peut entraver le commerce des produits agroalimentaires, même si les tarifs ont déjà été éliminés. Je pense à la situation de la vente de porc aux pays européens qui n'avaient peut-être pas de tarif à ce moment-là, mais qui ont tout de même refusé de prendre du porc canadien en raison de différences réglementaires relatives à l'utilisation de produits en santé animale, par exemple.

Est-ce que vous croyez que l'AECG pourra remédier à cette situation?

M. Pomerleau : Je pourrais vous donner une très longue liste de barrières réglementaires, y compris émanant de la Chine, car il y en a une série. Dans le cadre de l'entente avec l'Union européenne, il faut savoir que ce ne sont pas seulement les produits qui sont utilisés, même si le problème se retrouve davantage dans le secteur du bœuf que dans celui du porc. Il faut savoir que les usines doivent consentir des investissements majeurs pour se conformer à la réglementation européenne. Cela peut aller jusqu'à 5 et 10 millions de dollars par usine.

Nous avons déjà trois ou quatre usines qui sont approuvées par l'Union européenne, dès maintenant. Cependant, est-ce que la quantité allouée par le contingent que nous avons négocié donnera l'initiative aux autres abattoirs de se conformer? Je ne suis pas certain. On parle de 80 000 tonnes par année. Ce n'est pas énorme dans l'ensemble de l'industrie, mais dans le cas de certaines usines, si elles sont adaptées, cela peut leur offrir un marché intéressant.

La sénatrice Tardif : Vous avez indiqué dans votre présentation que, étant donné les exigences vétérinaires et sanitaires à l'importation mises en œuvre par nos principaux partenaires commerciaux comme la Russie, la Chine, l'Union européenne et les Philippines, ou par des marchés potentiels comme l'Inde, il nous faut de nouveaux programmes de production et de certification, et que nous sommes à risque, parce que nous ne faisons pas les investissements nécessaires pour nous assurer que nos produits respecteront cette certification-là. Est-ce que j'ai bien compris votre présentation?

M. Pomerleau : En fait, ce que je voulais dire, c'est qu'il s'agisse de la Russie, de la Chine ou de l'Union européenne, lorsqu'un pays interdit, par exemple, l'utilisation de la ractopamine, l'industrie peut se retourner assez rapidement, en moins d'un an, pour développer un programme de certification qui est exempt de ractopamine à tous les niveaux, qu'il soit question des meuneries, des porcheries ou des abattoirs. C'est le genre de programme que je voulais évoquer.

À l'heure actuelle, nous sommes en train d'envisager un autre programme en ce qui a trait à la certification de l'absence de trichine dans l'industrie porcine. Nous n'en avons pas dans notre troupeau commercial, mais il faut convaincre les étrangers que c'est le cas. Donc, cela exige des négociations assez longues et assez soutenues, et c'est dans ce sens que nous évoquons le manque de ressources accordées à l'agence. Nous devons nous assurer qu'il y ait un nombre suffisant de spécialistes qui ont les connaissances nécessaires pour pouvoir négocier des ententes acceptables avec les pays à l'extérieur.

La Russie n'est pas le pays avec lequel il est facile de négocier; il en est de même pour la Chine, et l'Union européenne peut être assez têtue. Il faut donc tenir compte de tout cela, mais il faut accorder des ressources additionnelles à l'agence pour que nous puissions être en mesure de mener à terme tous nos dossiers.

La sénatrice Tardif : Vous craignez qu'il y ait une lacune à ce chapitre?

M. Pomerleau : Je peux vous donner un chiffre. Il y a trois ou quatre ans, il y avait sept ou huit experts du domaine de la viande, et maintenant, il n'en reste qu'un seul. Si cette personne est malade ou si elle part en congé, nous pourrions être dans le pétrin.

La sénatrice Tardif : Monsieur Masswohl, êtes-vous d'accord?

[Traduction]

Le président suppléant : Je suis désolé, mais nous devons poursuivre.

Le sénateur Oh : Messieurs, j'aimerais savoir quel effet le Partenariat transpacifique aura sur le marché chinois. Je suis allé en Chine. J'ai visité certaines de vos foires à Shanghai et vos foires de l'alimentation dans le grand pavillon. Les produits du porc et du bœuf canadiens sont très populaires et considérés à l'étranger comme étant sûrs et de bonne qualité.

Profitez-vous de la faiblesse actuelle du dollar canadien dans le cadre de vos exportations vers la Chine?

M. Masswohl : Eh bien, la Chine présente un potentiel énorme. Tout le monde peut en profiter — les producteurs de bœuf et de porc, les producteurs de différents pays. Le potentiel que ce marché représente est ahurissant.

J'ai ici des chiffres sur la Chine. En 2015, la Chine est devenue notre deuxième marché d'exportation de bœuf. Il y a cinq ans, aucun de nos produits n'y était exporté. Nos exportations se chiffraient à 4,7 millions en 2012, à 27 millions en 2013, à 40 millions en 2014 et à 255 millions en 2015.

Ces chiffres jettent un peu de poudre aux yeux, car lorsqu'on regarde l'Asie dans son ensemble, on constate que, l'année dernière seulement, nous avons envoyé beaucoup de produits en Chine, qui est prête à en assumer le coût, ce qui entraîne presque une diminution de nos exportations vers Hong Kong, le Japon, la Corée et Taïwan. La Chine prend tout.

La difficulté est de savoir comment nous pouvons tirer parti de l'occasion et du potentiel que présente ce marché. Comment pouvons-nous garantir et renforcer l'accès au marché chinois dans le cadre d'un certain accord sans devenir dépendants du commerce de gros et risquer qu'une sorte de barrière tarifaire soit dressée?

Nous devons faire preuve de prudence, mais il y a un potentiel, cela ne fait aucun doute. Nous voulons examiner comment nous pouvons aller de l'avant grâce à une certaine entente ou à une nouvelle relation avec la Chine.

M. Pomerleau : En ce qui nous concerne, nous avons déjà une présence en Chine. Le Partenariat transpacifique ne change pas grand-chose, car nous parlons de deux marchés complètement différents. Les produits que nous vendons au Japon ne sont pas les mêmes que ceux que nous vendons à la Chine. Nous avons besoin des deux marchés.

En passant, la Chine vient tout juste de devenir notre troisième marché d'exportation.

Le sénateur Oh : Vous avez dit que vous allez bientôt ouvrir un bureau en Chine.

M. Pomerleau : Nous allons ouvrir un bureau à Shanghai cet été. Bœuf Canada en a déjà un.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir sur le Partenariat transpacifique. Nous savons que cet accord permettra d'ouvrir un large marché aux exportations. Par contre, nous savons que les Américains, autant que les producteurs de l'Union européenne, sont fortement subventionnés. Pensez-vous que cela puisse vous causer des problèmes? Si oui, qu'est-ce que vous recommanderiez pour tenter de régler ce problème?

[Traduction]

M. Masswohl : Dans le secteur du bœuf, les subventions accordées aux États-Unis ne nous posent pas vraiment de problème. Notre commerce avec les États-Unis est largement libre et ouvert, mais nous avons eu un problème avec l'étiquetage indiquant le pays d'origine, qui était discriminatoire et a nui à nos ventes au sud de la frontière. Nous sommes donc heureux que la question ait été réglée.

Pour ce qui est de l'Europe, il est plutôt question de mesures sanitaires et phytosanitaires. L'Europe redouble de prudence pour empêcher l'entrée de produits. Des obstacles techniques s'ajoutent à des droits de douane très élevés.

L'AECG s'est occupé des droits de douane — ou s'en occupera lorsqu'il entrera en vigueur —, mais la question des obstacles techniques considérables n'a pas encore été réglée. Tant qu'elle ne le sera pas, il est difficile de voir de quelle façon nous allons tirer parti de l'AECG. Il y a donc un travail important à faire dans ce dossier.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup. Monsieur Pomerleau, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Pomerleau : En fin de compte, c'est la même chose pour nous. Cela ne cause aucun problème pour nous en ce qui a trait au PTP. Ce que nous voulions, c'était d'éviter de nous retrouver derrière les Américains.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Si jamais il se produit une éclosion semblable à celle de 2015 dont vous avez parlé, ces accords commerciaux protégeront-ils d'une certaine façon nos activités commerciales? Je pense qu'il a fallu attendre environ 10 mois avant que le Japon rouvre ses marchés, et nous avions un accord commercial. Par contre, nous n'en avons pas signé un avec l'Indonésie, par exemple, et vous dites que ce marché est encore fermé.

Je me demande seulement si ces accords commerciaux accélèrent la réouverture des marchés.

M. Masswohl : Je dirais que les accords aident. La réouverture d'un marché demeure compliquée et diffère un peu selon le pays concerné. Donc, dans le cas de l'ESB, par exemple, l'Organisation mondiale de la santé animale, l'OIE, a un code international, et le Canada a un statut en matière de risque d'ESB. Le Canada est un pays présentant un risque maîtrisé, ce qui signifie que nous sommes autorisés à exporter du bœuf de toutes races et de tous âges vers tous les marchés pourvu que nous réalisions certains contrôles au Canada, ce que nous faisons.

Le problème, c'est que ce n'est pas tous les pays qui respectent ce code. Comment faut-il donc s'y prendre pour faire un suivi? Il faut en faire un. Comme Jacques l'a dit, il y avait auparavant beaucoup plus de fonctionnaires qui travaillaient là-dessus au ministère et à l'ACIA. Il n'en reste plus qu'un. C'est vraiment le nœud de la question.

J'ai dit plus tôt que nous avons demandé que le budget fédéral finance entièrement le Secrétariat à l'accès aux marchés d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. C'est le rôle que doit assumer le secrétariat lorsqu'il y a toutes ces barrières non tarifaires et des pays qui ne respectent pas les accords. C'est très technique. Il faut fournir beaucoup de données scientifiques, et il faut du monde pour cela. Cela se résume donc vraiment à une question de financement pour que les gens des ministères s'en occupent.

La sénatrice Beyak : Vous avez répondu à toutes mes questions techniques, mais j'ai des questions pratiques que j'ai posées la semaine dernière aux représentants de Maple Leaf qui ont participé à notre discussion sur la dinde et le poulet, et ils m'ont dit de vous les poser.

L'agriculture occupe une place très importante dans ma circonscription, et nous avons du poulet et de la dinde de Maple Leaf. La viande est coupée en tranches épaisses et emballée pour éventuellement servir à faire des sandwichs. Nous n'avons pas de porc ni de bœuf. À propos de la commercialisation à l'étranger, vous avez parlé du porc cru que vous expédiez, mais avez-vous songé à exporter et à vendre du filet de porc cuit coupé en tranches épaisses et emballé sous vide? Nous aimons ce produit dans notre région.

M. Pomerleau : Tous les marchés diffèrent. Nous devons donc tenir compte de ce que les gens ont et de ce qu'ils cherchent à obtenir.

CPI est également responsable de la stratégie nationale de promotion, et je peux vous dire que vous verrez bientôt au Canada un logo de porc canadien vérifié qui portera sur la salubrité, la confiance et le bien-être des animaux. Nous allons également l'utiliser à l'extérieur du Canada, en commençant par le Japon.

Le produit que nous préparons pour le Canada ne convient pas vraiment aux marchés d'exportation. Nous devons donc l'adapter à d'autres marchés et à d'autres besoins. À titre d'exemple, les Japonais aiment les très petits emballages. Ils demanderont une tranche plutôt que six. Les aromatisants diffèrent également. Nous devons leur donner exactement ce qu'ils veulent.

M. Masswohl : Je profite de l'occasion pour lancer une invitation aux membres du comité. La prochaine fois que vous serez à Calgary, que ce soit seul ou en groupe, tenez-moi au courant. Je serais ravi de planifier pour vous une visite des bureaux du Centre d'excellence du bœuf canadien, qui sont situés à Calgary. On peut dire que le travail des employés du centre comporte deux aspects. Ils collaborent avec les entreprises qui produisent du bœuf. Ils ont des cuisines expérimentales, mais aussi des installations pour accueillir des consommateurs et des clients, qui viennent de chaînes de restaurants ou du domaine de la restauration au Canada, mais aussi de l'étranger.

Ils font venir des acheteurs, leur demandent ce qui est unique et négligé dans leur marché et examinent la possibilité d'élaborer un produit. Ils expérimentent un peu.

C'est peut-être une bonne idée. Je ne sais pas précisément où ils en sont avec ce produit, mais ils l'ont peut-être mis à l'essai. Ils l'ont peut-être mis au point et à l'essai, mais ont constaté que cela ne fonctionnait pas. Je ne sais pas, mais j'aimerais avoir l'occasion de vous montrer ce qui est fait là-bas.

La sénatrice Beyak : Je vous en suis très reconnaissante, car, où j'habite, les gens regardent les audiences du Sénat. Il est gratifiant de voir le nombre de Canadiens qui écoutent ces audiences. L'alimentation est évidemment une question importante pour nous tous.

M. Pomerleau : Nous essayons également d'amener les détaillants canadiens à promouvoir l'origine canadienne des produits au comptoir. Pour l'instant, il en est à peine fait mention; on ne sait pas si les produits sont américains ou canadiens. C'est une chose à laquelle nous travaillons.

La sénatrice Unger : Merci, messieurs, de vos exposés très intéressants.

Ma question est secondaire, mais, monsieur Bergmann, vous avez mentionné le manque de travailleurs. Je viens de l'Alberta, et je pense que les Albertains qui ne veulent pas se rendre au Manitoba devraient le faire.

Le président suppléant : La plupart d'entre eux viennent de là.

La sénatrice Unger : C'est vrai. Si la pénurie de travailleurs persiste et a des répercussions sur vos entreprises, que recommanderiez-vous? Selon vous, que devrait faire le gouvernement?

M. Bergmann : Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que la pénurie de main-d'œuvre est certainement une préoccupation dans la ville près d'où j'habite. Chaque semaine, quand je lis le journal — et j'ai suivi les événements — je vois toujours une grande publicité de la même entreprise, ainsi que d'autres, qui cherche de la main-d'œuvre. C'est un énorme problème.

Comme je l'ai mentionné, je viens du Manitoba. À l'ouest de chez nous, à quelques heures, se trouve une usine de transformation de Maple Leaf, à Brandon. L'usine a besoin de travailleurs. Que se passera-t-il lorsque j'aurai besoin d'y faire transformer mon produit et qu'il n'y aura pas suffisamment de main-d'œuvre? C'est une situation précaire, car, au bout du compte, si je ne trouve pas de marché sur lequel vendre mes produits animaux, je serai acculé à la faillite.

Parmi les mesures que nous pouvons prendre ensemble relativement aux programmes de travailleurs étrangers, nous pouvons nous assurer de réellement faire preuve de diligence raisonnable pour être certains de répondre aux besoins des entreprises canadiennes en faisant venir des travailleurs immigrants au Canada.

Fait intéressant, il y a une génération, beaucoup de travailleurs de l'industrie du porc n'étaient pas Canadiens; ils sont venus ici et font maintenant partie de notre industrie. Je suis Canadien de première génération. Comme moi, beaucoup d'autres personnes, non seulement dans ma province, mais partout au pays, viennent d'autres régions de la planète et ont amélioré notre industrie. Nous devons nous servir des programmes à notre disposition et nous assurer qu'ils fonctionnement correctement.

M. Masswohl : Quand nous rencontrons des sénateurs et d'autres parlementaires, ils nous demandent souvent pourquoi les différents secteurs agricoles n'unissent pas leurs efforts et n'arrivent pas à s'entendre. Nous sommes tous sur la même longueur d'onde en ce qui concerne la pénurie de travailleurs. Tous les secteurs de l'agriculture et de la transformation manquent de main-d'œuvre.

Il y a environ trois ans, nous avons créé un groupe de travail sur la main-d'œuvre agricole pour examiner la structure dans son ensemble et formuler des recommandations. Un rapport a été produit et comporte 27 recommandations. Si vous voulez, nous pouvons le trouver et le soumettre au comité. Il porte sur des aspects de la formation et de la mobilité de la main-d'œuvre et explique pourquoi il n'y a pas plus de Canadiens qui veulent faire ce genre de travail.

Force est d'admettre qu'il est essentiel d'avoir des programmes d'immigration efficaces dans le cadre de notre stratégie concernant la main-d'œuvre agricole.

Le président suppléant : J'aimerais encore une fois en profiter pour poser la dernière question.

Pour ce qui est de la divulgation complète, M. Bergmann vient d'une ville située très près de la région où j'ai grandi, le village de Landmark, alors nous nous connaissons depuis un bon moment. J'ai travaillé avec M. Bergmann et d'autres intervenants de l'industrie porcine sur la question qu'il a abordée brièvement, à savoir le lavage des camions lorsqu'ils reviennent des États-Unis.

Je pense qu'il serait approprié, monsieur Bergmann, que vous nous fassiez part de certaines des questions que nous avons certainement considérées comme n'étant pas acceptables, que vous nous expliquiez ce que les gens veulent faire avec les camions qui traversent la frontière et que vous nous disiez où nous sommes rendus dans ce dossier.

M. Bergmann : Merci de me donner l'occasion d'intervenir.

Si vous regardez les vêtements que vous portez, vous ne les avez pas achetés il y a 30 ans. Si vous regardez la technologie que vous avez à la maison, vous ne l'avez pas achetée il y a 30 ans. Alors pourquoi sommes-nous assujettis à une réglementation vieille de 30 ans? Nous devons effectuer un examen de cette réglementation. C'est le problème qu'il faut régler. Lorsqu'on applique une vieille réglementation dans une industrie à la fine pointe de la technologie, on est aux prises avec un problème de taille.

En ce qui concerne les transports, si nous devons laver nos véhicules aux États-Unis avant qu'ils entrent au Canada, nos camions et nos remorques, cela occasionne d'énormes retards. Cette situation n'apporte rien de bon pour les fermes en raison des déplacements continus. Ce n'est pas comme si nous avons beaucoup d'espace ou de journées supplémentaires.

À ma ferme, lorsque nous nous débarrassons des porcelets, le même jour, en l'espace de quelques heures, ils sont dans une remorque et partent. S'il y a des retards, qu'arrive-t-il à ma ferme et aux fermes de partout au pays? Ce retard crée des bouleversements à la ferme, ce que nous voulons éviter.

Lorsque l'on regarde la réglementation, on peut voir une anomalie. Une remorque se rendra à une usine d'abattage qui reçoit des centaines et des centaines de remorques différentes chaque jour. Cette remorque qui arrive au Canada peut retirer sa litière, puis revenir au pays. Toutefois, lorsque je fais appel aux services d'une compagnie de transport pour acheminer mes bêtes à une ferme américaine qui a lavé et désinfecté ses installations, je dois alors passer par un processus qui occasionnera des retards et des coûts supplémentaires.

Cette situation crée plus de problèmes en raison des postes de lavage aux États-Unis — comme je l'ai mentionné plus tôt, le virus de la diarrhée épidémique porcine est endémique là-bas, alors c'est difficile à contrôler. Les Américains n'y arrivent pas. C'est très difficile. Lorsque nous nous rendons à une station de lavage aux États-Unis, les remorques deviennent infectées durant le lavage en raison des chaussures que les gens portent et de l'environnement. Sur ce point, je crois vraiment que nous pouvons faire beaucoup mieux que ce que nous avons fait jusqu'à présent.

Dans ma province, un projet pilote a été mené où les remorques étaient fermées hermétiquement. Une fois qu'elles étaient fermées hermétiquement, elles pouvaient entrer au pays. Elles se rendaient directement dans une station de lavage où l'on suivait des protocoles précis pour respecter les procédures appropriées qui étaient autorisées et approuvées par les vétérinaires.

Je vais souligner l'Ouest canadien, car le passage frontalier Emerson au Manitoba est responsable de la grande majorité des transports. Ce projet pilote, qui n'existe plus, a démontré les capacités de notre industrie d'éviter presque complètement la propagation de la maladie. Il y a eu quelques incidents, qui ont été bien gérés, alors il n'y a pas eu de problème.

Nous avons besoin des outils nécessaires pour faire notre travail. Nous avons des producteurs au pays qui se réveillent tous les matins, qui vérifient la santé de leurs troupeaux, et qui s'assurent que les animaux sont bien traités et que le produit est de bonne qualité de la ferme à l'assiette. Si nous n'avons pas les outils pour le faire, alors nous avons les mains liées et nous ne pouvons pas mettre en œuvre les meilleures pratiques de gestion.

Monsieur le président, c'est l'une des questions qui devront vraiment être réglées le plus tôt possible.

On a obtenu des reports d'échéancier, et d'après ce qu'on nous a dit la dernière fois, notre échéancier est maintenant le 2 mai. Cette date approche à grands pas.

J'ai une occasion de rencontrer certains de ces responsables de la réglementation demain. Nous espérons qu'ils ouvriront leurs oreilles et leurs portes pour vraiment étudier la modernisation et les meilleures pratiques de gestion de la réglementation pour que nous puissions adopter les mêmes processus dans nos fermes.

Le président suppléant : Merci beaucoup, messieurs, d'avoir comparu devant nous. Vos témoignages ont été très utiles.

Mesdames et messieurs les sénateurs, notre prochaine réunion sera jeudi, à 8 heures.

(La séance est levée.)

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