Aller au contenu
AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 4 - Témoignages du 8 mars 2016


OTTAWA, le mardi 8 mars 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour poursuivre son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous. Bonjour à nos témoins. Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts poursuit aujourd'hui son étude sur les priorités dans le secteur agricole et alimentaire. Mon nom est Ghislain Maltais, et je suis le président du comité.

[Traduction]

Je demanderais aux sénateurs de se présenter en commençant à ma gauche.

La sénatrice Merchant : Bonjour, je m'appelle Pana Merchant, sénatrice de la Saskatchewan.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

La sénatrice Tardif : Bonjour. Je suis la sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta.

La sénatrice Unger : Betty Unger, d'Edmonton, en Alberta.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci beaucoup, sénateurs.

Merci beaucoup à nos témoins qui comparaissent cet après-midi. Vos exposés sont primordiaux pour notre comité, et après que vous aurez conclu vos remarques liminaires, les sénateurs vous poseront des questions.

Il est très important que nous produisions un bon rapport en juin, et vos exposés sont importants pour cette raison, d'autant plus que nous recevrons d'autres témoins.

[Français]

Cela représente pour nous l'intérêt marqué que vous avez pour l'agriculture canadienne et surtout les producteurs, car ce sont eux qui ont la charge de nourrir le Canada et, bien sûr, de nourrir une partie de la planète, aujourd'hui et à l'avenir.

[Traduction]

Aujourd'hui, de Pulse Canada, nous recevons M. Lee Moats, président, et Gord Kurbis, directeur.

[Français]

Nous accueillons aussi le Conseil canadien du canola avec M. Brian Innes, vice-président, Relations gouvernementales, et la Canadian Canola Growers Association avec M. Brett Halstead, président, et Mme Catherine Scovil, directrice des relations gouvernementales.

[Traduction]

Bonjour. Nous commençons par M. Halstead.

Brett Halstead, président, Canadian Canola Growers Association : Merci monsieur le président et bonsoir sénateurs, mesdames et messieurs. Je vous remercie de votre invitation à m'adresser au Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts alors que vous étudiez les priorités en matière d'accès aux marchés internationaux pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien.

Comme on l'a dit, je m'appelle Brett Halstead, et je pratique l'agriculture à Nokomis, en Saskatchewan, avec ma femme, mon fils et mon père. Nous faisons la culture du canola ainsi que d'autres cultures, et nous élevons un troupeau de bovins de boucherie, ce dont ma femme peut témoigner, car c'est elle qui était à la maison hier pendant que je voyageais et qui a dû faire rentrer le troupeau dans son enclos, ce qui arrive seulement quand le mari n'est pas à la maison.

Je suis président de la Canadian Canola Growers Association. La CCGA est une association nationale représentant 43 000 producteurs de canola de l'Ontario à la Colombie-Britannique. Cette association se penche sur des enjeux, des politiques et des programmes nationaux et internationaux qui touchent la rentabilité agricole. L'association est également membre du Conseil canadien du canola.

Les producteurs de canola dépendent des marchés internationaux, puisque 90 p. 100 du canola que nous produisons est exporté directement en graines. Il est autrement écrasé au pays et exporté sous forme d'huile ou de tourteau. En 2015, les cultivateurs canadiens ont produit du canola pour plus de 40 pays. Cependant, plus de 85 p. 100 du canola est destiné à quatre marchés seulement, soit les États-Unis, la Chine, le Japon et le Mexique.

Les priorités en matière d'accès aux marchés sont, premièrement, de conserver et d'élargir nos marchés d'exportation, deuxièmement, d'éliminer les obstacles relatifs aux marchés d'exportation actuels et troisièmement, de s'assurer que le canola atteint les points d'exportation en temps opportun et de façon rentable.

La conclusion d'ententes commerciales qui aideront à conserver et à élargir nos marchés d'exportation constitue un élément clé. Nous avons besoin d'ententes qui offrent un accès commercialement viable au canola et à ses produits. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne ainsi que le Partenariat transpacifique fourniront de nouveaux débouchés commerciaux pour le canola et feront en sorte que les producteurs canadiens demeureront concurrentiels par rapport à leurs homologues d'autres pays producteurs d'oléagineux, plus particulièrement les États-Unis et l'Australie.

Au moment de sa mise en œuvre, l'AECG éliminera le tarif douanier sur l'huile de canola, ce qui entraînera l'accroissement des occasions commerciales pour le canola utilisé comme biocarburant. La CCGA souhaite la mise en œuvre de cet accord en 2017, et veut collaborer avec le gouvernement à l'adoption d'un projet de loi. L'Union européenne est un chef de file mondial en ce qui concerne la consommation de biodiesel et le canola constitue une matière première importante et durable.

La participation du Canada au PTP fait partie intégrante de notre viabilité à long terme. Elle permettra aux producteurs canadiens de demeurer concurrentiels et d'accéder aux marchés importants de l'Asie-Pacifique. La réduction des tarifs douaniers sur l'huile et des règles commerciales renforcées créeront de nouvelles possibilités sur les marchés et augmenteront la collaboration et la transparence au sujet de l'élimination des obstacles non tarifaires relatifs à la biotechnologie et à la santé végétale.

L'exportation d'huile de canola au lieu de graines apporte une valeur ajoutée au Canada, conservant ainsi les retombées économiques au pays, créant une industrie de transformation plus viable et appuyant les collectivités rurales en créant plus d'emplois et en offrant plus d'options et de services.

Grâce au PTP et à l'AECG, les accords de libre-échange du Canada couvrent plus de 60 p. 100 des exportations de canola pour 2015. La Chine est l'exception. La Chine est le deuxième marché en importance du canola après les États- Unis, avec des exportations totalisant 2,6 milliards de dollars en 2015. La CCGA aimerait que le gouvernement canadien s'intéresse à l'entretien de relations commerciales plus étroites avec la Chine, ce qui éliminerait les obstacles liés aux tarifs douaniers et autres. Il y a aussi intérêt à explorer la conclusion de l'entente commerciale et les occasions de développement avec d'autres marchés, y compris l'Inde.

En plus des accords de libre-échange, il est important d'éliminer les obstacles commerciaux dans les marchés existants. Chaque pays se réserve le droit d'approuver les intrants de cultures à l'aide de son propre système. En tant qu'exportateurs, nous devons nous assurer que les produits utilisés au Canada sont aussi reconnus dans nos marchés d'exportation. Avant d'utiliser de nouveaux produits et de nouvelles technologies, les cultivateurs canadiens attendent jusqu'à ce que les organismes de réglementation dans nos marchés d'exportation les plus importants reconnaissent aussi leur utilisation.

Tandis que cette façon de faire protège nos marchés d'exportation, elle empêche les cultivateurs canadiens d'utiliser des produits et des technologies qui ont été jugés sécuritaires et efficaces par les organismes de réglementation du pays. Des mécanismes pour améliorer ces situations doivent être étudiés.

En utilisant la Chine à titre d'exemple, nous avons vu une croissance remarquable du marché du canola au cours des cinq dernières années, mais nous nous heurtons sans cesse à différents obstacles réglementaires. Les retards de la Chine dans l'approbation de nouvelles variétés de canola produites à l'aide de la biotechnologie ou dans l'établissement de limites maximales de résidus de pesticides causent de l'imprévisibilité et des risques inutiles pour l'ensemble du secteur du canola.

Pour les producteurs, ces obstacles entraînent la perte de profits et empêchent l'utilisation de nouvelles technologies novatrices sur nos fermes. Nous devons trouver un mécanisme international qui permet l'utilisation de produits ayant obtenu l'autorisation réglementaire d'un pays, mais pas d'un autre.

Pour tirer profit des possibilités sur les marchés d'exportation, la conclusion d'ententes commerciales et l'élimination des obstacles commerciaux non douaniers sont nécessaires. Cependant, il existe aussi des éléments au Canada qui peuvent être améliorés afin de renforcer le marché du canola. Les producteurs ont besoin d'une solide infrastructure nationale pour exploiter de nouvelles occasions commerciales. Les producteurs canadiens dépendent principalement du transport ferroviaire pour livrer nos produits aux clients internationaux et ont besoin pour cela d'un système de transport et d'une logistique de classe mondiale.

Une version révisée de la Loi sur les transports au Canada a récemment été publiée, et nous prenons le temps de passer en revue les recommandations y étant liées. Nous travaillerons avec d'autres utilisateurs du système ferroviaire pour faire valoir nos points de vue afin d'établir un bon système, non seulement pour aujourd'hui, mais aussi pour l'avenir.

En conclusion, je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité. Je serai ravi de répondre à vos questions.

Le président : Avant de poursuivre, j'aimerais souhaiter la bienvenue au sénateur Terry Mercer de la Nouvelle- Écosse, coprésident de notre comité, et j'aimerais aussi vous présenter les sénateurs Paul McIntyre, du Nouveau- Brunswick et Victor Oh, de l'Ontario.

Brian Innes, vice-président du Conseil canadien du canola est notre deuxième témoin.

Brian Innes, vice-président, Relations gouvernementales, Conseil canadien du canola : Merci beaucoup de m'avoir invité. Honorables sénateurs, nous sommes ravis de vous faire part des priorités en matière d'accès au marché du secteur du canola.

Bien que le canola soit produit au Canada, notre succès dépend de l'accès aux marchés internationaux, comme Brett vient de le dire. Notre industrie apprécie les efforts du comité relativement à l'accès aux marchés puisque c'est ce qui crée des emplois stables et des débouchés pour l'industrie du canola.

Premièrement, j'aimerais parler du Conseil canadien du canola et de notre plan stratégique.

Le Conseil canadien du canola est une organisation de chaîne de valeur qui représente l'industrie, soit les 43 000 producteurs de canola, les développeurs de semences, les transformateurs qui écrasent les graines pour en faire de l'huile consommée par les humains et du tourteau destiné au bétail, et les exportateurs qui exportent le canola pour transformation à destination.

Notre industrie s'est dotée d'un plan pour répondre à l'intérêt grandissant partout dans le monde pour des huiles et des protéines saines. Notre plan s'intitule Keep it Coming 2025 et son objectif est de faire croître la demande pour l'huile, la nourriture et les semences du canola, et de répondre à cette demande par le biais d'une production durable et en visant une amélioration du rendement. Nous voulons atteindre une production de 26 millions de tonnes métriques d'ici 2025.

L'accès au marché est une partie importante de notre plan stratégique et c'est la raison pour laquelle des échanges ouverts et stables constituent l'un des trois piliers de notre stratégie.

Comme l'a dit Brett, 90 p. 100 de notre production au Canada est exportée sous forme de graines, d'huile ou de tourteau. L'accès à divers marchés libres de tarifs douaniers et de barrières non tarifaires est important pour notre industrie afin d'obtenir la plus grande valeur pour nos exportations et de pouvoir faire preuve de résilience advenant un changement de circonstances.

Nous avons réussi à améliorer l'accès au marché pour le canola en travaillant avec le gouvernement et nous avons un plan pour créer un accès au marché dans l'avenir. La collaboration entre l'industrie et le gouvernement pour améliorer l'accès au marché a porté ses fruits et doit se poursuivre. L'appui du gouvernement relativement à l'accès au marché a grandement contribué à notre succès.

L'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne est un bon exemple d'appui du gouvernement. Brett vous a donné les détails, et nous avons été très heureux d'apprendre la semaine dernière que cet accord commercial sera mis en œuvre d'ici la fin de l'année. Il s'agit de bonnes nouvelles

Toutefois, il reste du travail à faire. Le gouvernement du Canada a actuellement trois possibilités d'améliorer l'accès au marché : avec la Chine, par le biais du Partenariat transpacifique et en se penchant sur des solutions pour éviter que les caractéristiques biotechnologiques et les produits phytosanitaires ne deviennent des obstacles commerciaux.

La Chine est l'un des marchés les plus importants pour le canola et notre industrie y voit un potentiel de croissance important. Cependant, comme Brett l'a souligné, nous faisons face à un grand nombre d'obstacles pour accéder au marché chinois. Un engagement économique accru avec la Chine, comme celui qu'a pris l'Australie avec son accord de libre-échange, apporterait des avantages certains à l'industrie du canola et aux Canadiens appuyés par cette industrie.

Aujourd'hui, environ un tiers du canola produit au Canada est exporté en Chine. C'est un marché qui est aussi susceptible d'offrir de nombreuses possibilités à l'avenir. La population chinoise voit son revenu augmenter, elle se soucie davantage de sa santé et elle accorde une plus grande valeur à une saine alimentation. La demande d'huile de canola qui favorise la santé cardiaque et de tourteau de canola pour l'alimentation du bétail ne fera que croître. En fait, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que la demande de protéines provenant de tourteau d'oléagineux comme le tourteau de canola en Chine augmentera de 23 p. 100 d'ici 2024. Pour l'huile végétale, on prévoit une augmentation de 24 p. 100 de la demande d'ici 2024. C'est une occasion de croissance considérable.

Aujourd'hui, nous devons nous demander quelle partie de cette croissance le Canada désire obtenir. Le Canada veut-il ce revenu et les emplois qui y sont associés? Dans l'affirmative, nous devons appuyer un meilleur partenariat économique entre le Canada et la Chine.

Si nous décidons d'y participer, le Partenariat transpacifique est une autre occasion de créer plus d'emplois au Canada. Notre industrie estime que l'élimination du tarif douanier sur l'huile et le tourteau de canola pour le Japon et le Vietnam augmentera la valeur de nos exportations d'environ 780 millions de dollars par année.

Le Canada doit mettre en œuvre le PTP dès que possible puisqu'à chaque année qui passe, le Canada se retrouve plus loin derrière l'autre fournisseur de canola du Japon, l'Australie. En raison de l'accord de libre-échange bilatéral entre les deux pays, le tarif douanier sur l'huile de canola australienne est en voie d'élimination. Le tarif douanier de l'huile de canola canadienne est de 3 p. 100 supérieur à celui de l'huile de canola australienne. Cette différence augmentera chaque année jusqu'à la mise en œuvre du PTP. Sans le PTP, nous laissons aller l'un de nos marchés les plus stables et les plus lucratifs.

Enfin, nous travaillons à l'approbation simultanée des produits phytosanitaires et des caractéristiques biotechnologiques dans les marchés internationaux et au Canada, ce qui améliorera l'accès aux marchés. La biotechnologie, ou les OGM, ont été très rentables pour le Canada. Au cours des 20 dernières années, ils nous ont permis de produire plus de nourriture sur la même terre en utilisant moins d'énergie et en préservant le sol et l'eau. Les produits phytosanitaires ont aussi joué un rôle important dans la protection sécuritaire des récoltes.

Puisque 90 p. 100 de nos récoltes sont exportées, avant que les producteurs canadiens puissent utiliser des produits phytosanitaires, ceux-ci doivent répondre aux exigences des clients exportateurs et de leur gouvernement. Il en va de même pour les caractéristiques biotechnologiques. Les produits phytosanitaires doivent donc satisfaire les exigences en matière de résidu de pesticides établies dans les marchés d'exportation. Il s'agit d'un défi complexe qui nécessite l'engagement de l'expertise du gouvernement du Canada et de celle de l'industrie.

Heureusement, le gouvernement du Canada continue d'être un chef de file mondial dans la reconnaissance de normes scientifiques et la promotion de politiques visant le commerce prévisible des aliments. Il mène ainsi l'Initiative mondiale sur la présence de faibles quantités, qui porte sur la présence à faibles concentrations de caractéristiques biotechnologiques dans les produits céréaliers. Cette initiative ouvre la voie à la reconnaissance des examens scientifiques d'autres gouvernements compétents et à l'établissement de règles basées sur la science. Il reste du travail à faire et le gouvernement du Canada doit poursuivre ses efforts.

En conclusion, l'industrie du canola est devenue l'une des plus importantes sources de revenu agricole et un exportateur concurrentiel. Elle rapporte annuellement 19,3 milliards de dollars à l'économie canadienne et emploie 249 000 personnes. Le maintien et la croissance de cette prospérité dépendront de notre capacité à surmonter les éventuels défis d'accès au marché.

Je vous remercie de votre invitation et serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Innes. Avant de passer au prochain témoin, permettez-moi de présenter un autre membre du comité, le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

Gord Kurbis, de Pulse Canada, a maintenant la parole.

Gord Kurbis, directeur, Pulse Canada : En fait, Lee et moi ferons l'exposé et Lee commencera.

Le président : Vous avez la parole, monsieur Moats.

Lee Moats, président, Pulse Canada : Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité. Nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant vous aujourd'hui.

Je m'appelle Lee Moats et je suis un agriculteur de troisième génération installé à Riceton, en Saskatchewan. Je suis également président du conseil d'administration de Pulse Canada.

Présenter un exposé au comité est une première pour moi, mais je sais que vous avez eu l'occasion d'entendre Pulse Canada témoigner à plusieurs reprises au fil des années. Il y a dans l'assistance plusieurs membres de Pulse Canada, vu que nous achevons justement deux journées de réunions à Ottawa avec plusieurs députés et des cadres du gouvernement.

Comme vous le savez, du moins je l'espère, 2016 est l'Année internationale des légumineuses à grains et nous envisageons un avenir riche de potentiel pour la santé des hommes, de l'environnement et de l'économie. C'est cette vision que nous avons tâché de partager à Ottawa.

Pulse Canada est l'association sectorielle nationale financée par des agriculteurs comme moi, qui cultivent des pois, des lentilles, des haricots et des pois chiches, partout au Canada, ainsi que par des sociétés de transformation et d'exportation qui exportent les légumineuses à grains dans 160 pays. Le Canada est le plus gros exportateur de légumineuses à grains dans le monde et Pulse Canada s'attache à l'accès au marché depuis plus de 15 ans, ceci étant une des priorités clés de nos membres.

Nous recherchons de nombreux résultats en matière d'accès au marché. Certaines associations, comme celles qui sont représentées ici aujourd'hui, souhaitent notamment la réduction des tarifs douaniers et la finalisation de la politique du Canada en matière de faible concentration. Mais j'aimerais consacrer mon temps aujourd'hui à un problème d'accès au marché où Pulse Canada s'est positionné comme chef de file.

Mais laissez-moi d'abord mettre les choses en contexte d'un point de vue de pérennité.

Jour après jour nous entendons dire et je cite :

Pour répondre à la demande, la production alimentaire devra doubler d'ici 2050...

Comment l'agriculture relèvera-t-elle le défi de produire plus d'aliments sans mettre en danger les ressources naturelles?... La réponse? L'intensification durable, approche agricole utilisant le meilleur de la science et de la technologie en conjonction avec les conditions particulières existant dans des exploitations de grosse production et dans de petites exploitations partout dans le monde.

L'affirmation est d'autant plus intéressante qu'elle provient d'une ONG environnementale, Conservation de la nature Canada. Comme le Fonds mondial pour la nature, Conservation de la nature Canada souligne l'importance de la technologie dans l'apport d'améliorations durables à notre capacité de produire des aliments.

Alors, quel est le lien entre le rôle de la technologie moderne dans l'intensification durable et les priorités d'accès au marché? Nous savons que les agriculteurs ont accès aux technologies favorisant la production, comme les fongicides et herbicides, uniquement après qu'elles aient été évaluées en profondeur du point de vue de leur sécurité pour la santé humaine et celle de l'environnement. Nous savons également qu'un système d'évaluation des risques reposant sur la science est aussi important pour les agriculteurs qu'il l'est pour les médicaments et les soins de santé.

Hélas, l'absence de cohésion des approbations et des limites maximales de résidus (LMR) menacent plusieurs éléments : notre accès à des marchés clés; ma capacité, en tant qu'agriculteur, d'utiliser la technologie dans mon exploitation; et enfin la sécurité alimentaire dans les régions du monde en déficit vivrier, où un commerce prévisible est nécessaire pour rendre les vivres disponibles 365 jours par an.

Il est difficile pour un agriculteur comme moi de veiller à ce que le grain que je suis en mesure de cultiver satisfasse une multiplicité d'approches réglementaires en matière de LMR. Or les risques sont de taille : chaque navire rempli de grains susceptibles d'être rejetés vaut de 10 millions de dollars à 40 millions de dollars. Et les risques vont en grandissant année après année, vu que les tests sont de plus en plus poussés et détectent maintenant des parties par billion, et vu que de plus en plus de pays adoptent leurs propres systèmes douaniers.

Je suis accompagné de Gord Kurbis, directeur de l'accès aux marchés et de la politique commerciale, qui va vous parler de quelques occasions essentielles dans ce domaine.

M. Kurbis : Comme l'a dit Lee, le problème qu'affrontent les agriculteurs et le commerce canadien est que ni le processus ni l'échéancier de l'établissement des limites maximales de résidus n'est synchronisé entre des organismes de réglementation comme Codex, au niveau international, et d'autres partenaires commerciaux comme l'Autorité européenne de sécurité des aliments et l'Environmental Protection Agency aux États-Unis. D'ailleurs, au lieu d'assister à une convergence au niveau international, on constate une multiplication des approches nationales, avec plusieurs pays clés qui s'éloignent en fait de la norme du Codex, reconnu internationalement, pour adopter leurs propres systèmes douaniers. Citons parmi les exemples récents de ce phénomène : la Chine, la Corée du Sud, Hong Kong, la Turquie et Taïwan. Au nombre des pays utilisant désormais des LMR nationales figurent l'Inde, le Mexique, les Émirats arabes unis, l'Indonésie et le Vietnam.

Nous avons tous parfaitement conscience de l'importance d'une harmonisation des tolérances et des normes de tous types pour faciliter le commerce. Mais, ce qui nous préoccupe véritablement est la situation où un pays importateur n'a pas adopté de tolérance. Dans ces cas, c'est fréquemment une tolérance nulle ou quasi nulle qui s'applique. Si cette tolérance nulle est systématiquement respectée et qu'elle va de pair avec des tests technologiques de pointe disponibles dans les laboratoires d'aujourd'hui, elle pose de graves risques de perturbation du commerce.

Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je vais faire un résumé des atouts qui sont les nôtres.

Tout d'abord, le Canada étant le plus gros exportateur de légumineuses à grains au monde, notre secteur appuie fortement la ratification du Partenariat transpacifique. C'est l'occasion d'améliorer la prévisibilité du commerce en matière de tolérance pour l'emploi de technologies dans la production alimentaire, comme l'ont signalé mes collègues.

Selon nous, il est essentiel que les comités créés en vertu du PTP visent à aligner les limites maximales de résidus, ainsi que les politiques en matière de présence à faible concentration. De plus, si un pays importateur a accepté la tolérance d'un autre pays, dans les cas où, autrement s'appliquerait un seuil nul — en l'absence d'une approbation existante de limites maximales de résidus — cela éliminerait une bonne partie du risque de perturbation du commerce que je viens d'évoquer. Nous qualifions cette approche de reconnaissance des normes scientifiques qui s'appliquent aux limites maximales de résidus.

Le Canada pourrait faire preuve de leadership en élaborant une politique nationale de reconnaissance des normes scientifiques qui soit viable d'un point de vue politique, technique et commercial. Cela devrait s'accompagner de démarches auprès des partenaires commerciaux du Canada pour qu'ils adoptent cette politique. C'est une approche similaire au leadership canadien en matière de présence à faible concentration et cela serait utile pour continuer à garantir la possibilité pour les produits alimentaires de franchir les frontières et de passer des régions produisant plus qu'elles ne consomment aux régions du monde souffrant d'un déficit vivrier. De bons processus reposant sur des données scientifiques peuvent franchir les frontières internationales.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Kurbis.

[Français]

Plusieurs sénateurs désirent poser des questions, et le temps dont nous disposons est un peu limité, malheureusement. Je demanderai donc une grande discipline de la part des sénateurs et des témoins. Veuillez essayer d'être concis dans vos questions et vos réponses, ce serait fort apprécié.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Monsieur Halstead, vous avez parlé de l'importance de faire parvenir le canola de façon opportune et rentable aux points d'exportation. Vous ajoutez que le Canada pourrait conserver les retombées économiques nationales ce qui créerait un processus plus viable pour le secteur et appuierait nos collectivités rurales grâce à l'augmentation des emplois, des options de livraison et des services.

Lorsque l'accord de libre-échange avec l'Union européenne entrera en vigueur, vous aurez un nouveau marché, et vous exporterez principalement depuis l'ouest du Canada. Mais vous transporterez vos marchandises vers l'est plutôt que vers l'ouest, en passant par Vancouver.

Je souhaite faire une petite publicité pour le port de Halifax. Le port de Halifax a les installations voulues pour transporter votre marchandise. Contrairement à nos concurrents, c'est-à-dire les ports de Vancouver et Montréal, le port de Halifax n'a pas connu de conflit de travail depuis 1972. Y travaille une main-d'œuvre compétente et stable, qui sait comment faire parvenir les produits à destination et en temps voulu. Réfléchissez-y.

Je souhaite également vous rappeler que le port de Halifax est plus proche de l'Inde, de la Turquie et du sud de la Chine que celui de Vancouver. Le voyage dure un jour de moins par le canal de Suez.

Puisque vous voulez des débouchés dans de nouveaux marchés, avez-vous pensé à la façon dont vous allez expédier votre marchandise, et par quel port?

M. Halstead : Étant agriculteur; je ne m'y connais pas en transport de céréales ou en logistique. J'ai su du personnel de commercialisation et de transport de certaines entreprises qui transportent notre marchandise que le transport par bateau est très abordable actuellement. Quant au transport ferroviaire, nous connaissons parfois des difficultés à faire transporter notre marchandise de la Saskatchewan à la côte Ouest. Ceci dit, les choses vont bien mieux maintenant en raison d'une chute de la demande pour d'autres produits, à savoir le pétrole et la potasse. Mais lorsqu'on rajoute le temps de transport ferroviaire depuis chez nous jusqu'à Halifax, cela rend le transport de nos marchandises plus long et plus cher.

Ceci étant dit, je suis ouvert à toutes les options de transport de notre produit : côte Est, côte Ouest, Churchill, voire les États-Unis. Je suis en faveur de tout mode de transport qui expédiera notre produit au marché le plus rapidement et le plus économique possible.

Le sénateur Mercer : Comme nous tous d'ailleurs. Vous ne vous y connaissez peut-être pas en transport ferroviaire, mais vous travaillez certainement dans le secteur du transport. S'il est plus long de transporter votre marchandise à Halifax comparativement à Vancouver, ce délai supplémentaire est rattrapé par un temps de transport maritime plus court et par le fait que vous êtes sûr de ne pas avoir affaire à des conflits de travail. Contrairement à d'autres ports, le port de Halifax ne laisse pas votre marchandise croupir sur le quai.

Mais vous avez parlé du transport ferroviaire. J'ai rencontré aujourd'hui des gens de Pulse Canada qui m'ont parlé des problèmes de transport ferroviaire et des nombreux wagons vides qui passent de la Saskatchewan à Vancouver après avoir livré des marchandises en Ontario, au Québec, ou plus au sud. Est-ce que ce problème chronique aura des répercussions sur votre capacité à répondre à la demande en vertu des nouveaux accords commerciaux?

M. Halstead : C'est en partie à cause de ce problème que la Loi sur les transports au Canada est toujours en cours de révision, pour faire en sorte que le réseau ferroviaire facilite l'accès à nos marchés. Parfois, le service est excellent, et parfois il est exécrable. Les problèmes de transport créent des problèmes de liquidité chez les producteurs et du stress dans nos collectivités. Nous cherchons toujours à améliorer le transport ferroviaire. C'est une question de niveaux de service, dont la qualité doit être constante.

M. Moats : Je pense que l'un des problèmes à court terme est la transition en attendant les nouvelles dispositions de la loi. Pour ne pas perdre le terrain gagné, il est impératif de maintenir les dispositions de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains qui doit expirer en août 2016. Nous recommanderions donc que le gouvernement maintienne ces dispositions en attendant l'entrée en vigueur des nouvelles.

Le sénateur Mercer : Vous serez ravis d'apprendre que les gens que j'ai rencontrés cet après-midi en ont justement parlé. Je suis d'accord avec vous, le ministre peut éviter le dépôt d'une nouvelle loi. Ceci dit, je n'ai pas encore fait de recherche sur le sujet.

Nous avons parlé de l'expédition du canola et nous sommes tombés d'accord sur l'importance de ce produit. J'ai vu au fil des ans, comme membre de ce comité, l'importance qu'a prise le canola pour les Canadiens. Le canola est une marchandise importante pour les Canadiens, qu'ils vivent sur la ferme ou en ville.

Nous avons signé un nouvel accord commercial avec l'Union européenne et nous discutons de la signature éventuelle du Partenariat transpacifique. Ces deux accords commerciaux représentent de nouveaux marchés et une occasion en or pour le Canada. Reste à savoir si nous arriverons à satisfaire cette nouvelle demande.

M. Innes : Tout à fait, sénateur. Notre secteur s'est doté d'un plan stratégique sur un horizon de 10 ans, c'est-à-dire jusqu'en 2025.

Pour répondre à votre question, nous prévoyons effectivement accroître notre productivité, c'est-à-dire notre rendement par acre, et produire davantage de canola de façon soutenable afin de répondre à la demande internationale. Pour vous donner une idée, nous produisons actuellement quelque 17 millions de tonnes par année, et nous voulons en produire 26 millions annuellement d'ici 2025. Nous le ferons de façon soutenable, en augmentant les rendements, et en atténuant les risques auxquels sont exposés les producteurs. Nous allons jumeler notre plan d'augmentation de la productivité avec un plan d'accroissement de la demande internationale.

Le sénateur McIntyre : Ma première question porte sur les pesticides. Je crois comprendre qu'il existe un pesticide pour le canola qui s'appelle Clever. Si j'ai bien compris, le Clever a été approuvé au Canada, mais pas au Japon, et donc le canola canadien qui contient des résidus de ce pesticide ne peut être exporté au Japon. Que devrions-nous faire pour résoudre ce genre de problème?

M. Innes : Merci de votre question. Pour être précis, le Japon a une tolérance à l'égard du Clever. C'est en Chine que nous avons un problème. Nos exportateurs et transformateurs nous informent qu'il n'y a aucune tolérance pour le Clever, ni au niveau international aux termes du Codex, ni en Chine. Le problème est que lorsque, comme le dit Gord, un envoi arrive en Chine avec des résidus détectables, on n'est pas certain de la réaction.

Quant à la question de savoir ce que l'on peut faire collectivement, entre le secteur public et le secteur privé, je pense que nos collègues de Pulse Canada vous en ont parlé. Le secteur et le gouvernement doivent continuer de collaborer pour vous appuyer dans vos efforts d'harmonisation et de reconnaissance des normes scientifiques à l'échelon international. Nos organismes de réglementation doivent avoir la capacité et la volonté de collaborer avec leurs homologues internationaux.

La reconnaissance de normes scientifiques est un aspect très important du problème, mais la collaboration directe entre organismes de réglementation est tout aussi importante.

Le sénateur McIntyre : Ma deuxième question porte sur la main-d'œuvre. La main-d'œuvre est-elle problématique dans votre secteur? Je pose la question, car certains participants nous informent qu'ils ont de la difficulté à trouver de la main-d'œuvre, ce qui complique le projet d'augmentation de la capacité afin de répondre à la nouvelle demande créée par les accords commerciaux. Si la main-d'œuvre pose problème, quelles mesures recommandez-vous pour le régler?

M. Halstead : Merci, sénateur. Il est vrai que la main-d'œuvre est parfois extrêmement difficile à trouver à la ferme, surtout à un coût abordable. Elle est plus facile à trouver lorsque d'autres secteurs de l'économie ralentissent, comme aujourd'hui le secteur pétrolier. Nous répugnons toutefois à profiter du malheur d'un secteur pour régler notre problème.

Je n'ai pas de solution comme telle. Je pense qu'il y a eu des discussions concernant le programme des travailleurs étrangers temporaires, mais comme je ne suis pas expert en la matière, je m'abstiendrai d'en parler.

La sénatrice Merchant : Bonjour, et bienvenue en hiver. Comme vous le savez, la Saskatchewan est en plein été : il y a fait 17 degrés l'autre jour.

Je crois que vous avez tous exprimé un soutien très ferme pour l'ouverture et la stabilité des marchés, ainsi que pour le Partenariat transpacifique. C'est donc sur ces thèmes que porteront mes questions.

Les États-Unis représentent-ils toujours notre plus important partenaire commercial, pour ce qui est des légumineuses et du canola? Et qu'arrivera-t-il si, contrairement à nous, ils signent le PTP?

M. Innes : En ce qui concerne le canola, il est essentiel que le Canada soit de la partie. Si les États-Unis devaient signer le PTP et pas le Canada, nous serions exclus d'un accord commercial représentant 40 p. 100 de l'économie mondiale. Nous serions laissés pour compte et nous serions désavantagés par rapport à d'autres producteurs d'oléagineux ailleurs au monde, comme ceux de l'Australie et des États-Unis, qui auraient un meilleur accès à des marchés comme le Japon et le Vietnam.

Il serait impossible pour nous de maintenir des emplois stables, et nous ne pourrions certainement ni augmenter notre production ni appuyer des secteurs à valeur ajoutée à Clavet et à Nipawin en Saskatchewan, où se fait la transformation des graines en huile de canola. Nous aurions beaucoup de mal à faire des produits à valeur ajoutée, comme l'huile de canola, et à les vendre au Japon, par exemple.

M. Kurbis : C'est une bonne question. Sur le plan des légumineuses, les États-Unis représentent certes un partenaire important, mais ce pays représente un concurrent encore plus redoutable, tout comme l'Australie et d'autres pays du PTP. Si nous étions le seul pays membre à ne pas ratifier le PTP, nous perdrions d'importants avantages tout comme d'ailleurs notre secteur des légumineuses.

Sur le plan des tarifs tout d'abord, nous aurions un désavantage de 5 à 30 p. 100 par rapport à nos rivaux de l'Australie et des États-Unis. Deuxièmement, le PTP instaurera chez nos partenaires commerciaux ce que nous appelons les règles commerciales du XXIe siècle, soit les normes sanitaires et phytosanitaires, et autres questions techniques dont nous serions exclus. Troisièmement, les pays signataires du PTP imposent dans certains cas des tarifs progressifs : les produits bruts sont assujettis à des droits supérieurs aux produits transformés, ce qui décourage l'ajout de valeur dans les régions productrices de légumineuses au Canada. Nous serions assujettis à ces tarifs progressifs.

La sénatrice Merchant : Plusieurs d'entre vous ont souligné l'importance d'un accord avec la Chine. La Chine est un marché énorme. Le nôtre est tout petit en comparaison. Si nous ratifions le PTP, les règles s'appliquant à nos échanges avec la Chine seront-elles plus avantageuses? Les règles seront établies par le PTP. Cela rendra-t-il plus faciles les échanges commerciaux avec la Chine?

M. Innes : Je vais répondre en premier; mes collègues pourront compléter ma réponse s'ils le souhaitent.

À nos yeux, le Partenariat transpacifique établit un seuil nouveau pour les règles internationales. Il crée un système regroupant 12 pays, auquel d'autres pourront se joindre, qui privilégient des échanges commerciaux justes et ouverts, comme le Canada.

Avec le temps, d'autres pays, comme la Corée, les Philippines, qui se sont dits intéressés, ou la Chine, comme vous l'avez indiqué, pourraient adhérer au PTP et le commerce mondial sera plus ouvert et équitable. Plus le PTP prendra de l'importance, plus il deviendra attirant pour les pays comme la Chine.

La sénatrice Unger : J'ai une question pour M. Moats sur un sujet un peu différent.

Dans vos remarques, vous avez dit que vous souhaitiez que la culture des pois, des lentilles, des haricots et des pois chiches s'étendent à d'autres régions du pays. Les légumineuses sont un aliment très sain. Vous avez aussi indiqué que 2016 est l'Année internationale des légumineuses et que vous voyez cela comme une occasion de souligner l'importance des légumineuses pour la santé humaine, environnementale et économique. C'est une belle vision.

Or, un rapport sur l'obésité au Canada publié récemment par un comité du Sénat a recommandé au ministre de la Santé de ne pas consulter les représentants du secteur agroalimentaire ou agricole lors de la révision du guide alimentaire. Je crois savoir qu'on voulait éviter que le guide alimentaire reflète les intérêts financiers des grandes entreprises alimentaires, mais exclure les producteurs de cette discussion sur un régime alimentaire sain me laisse perplexe.

Qu'en pensez-vous? Comment pourriez-vous garantir aux parlementaires que l'inclusion des producteurs dans les consultations sur le guide alimentaire ajouterait à la qualité du guide, et non pas le contraire?

M. Moats : Merci beaucoup de votre question, qui est très pertinente. Nous avons aussi vu ce rapport sur l'obésité et l'exclusion du secteur agroalimentaire nous a aussi laissés perplexes.

De plus en plus, nous faisons valoir que, nous, les agriculteurs, ne sommes pas simplement des producteurs de biens de consommation, mais plutôt des producteurs d'aliments qui contribuent à la santé de la population, de l'environnement et de notre économie. Il est certain que c'est un secteur qui rapporte gros, mais c'est aussi en partie la solution aux problèmes d'obésité et aux autres problèmes liés à la nutrition. Il est donc logique que les producteurs participent directement à la discussion.

Dans notre secteur, nous disons que ceux qui mangent des légumineuses seront en bonne santé. L'alimentation touche bien des problèmes de santé humaine. Les maladies non transmissibles dont il est le plus question aux Nations Unies, telles que l'obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires, sont liées à la nutrition et au régime alimentaire. Nous avons donc une contribution à apporter.

En outre, il est beaucoup question de nos jours de développement durable et d'émissions de carbone. Le secteur des légumineuses peut apporter sa contribution à ce chapitre aussi. Moi, je produis des légumineuses, mais je suis aussi producteur de canola et de blé. Nous voulons que notre système réponde aux besoins de la société dans tous ces domaines.

J'estime comme vous que les producteurs agricoles devraient être consultés et nous sommes impatients de participer à la conversation.

Le sénateur Ogilvie : Comme intervention complémentaire, j'aimerais apporter une précision. Le comité en question est un comité du Sénat; aucun représentant de l'industrie n'y siège, mais vous, vous êtes néanmoins ici, devant notre comité, pour formuler des recommandations à l'intention du gouvernement. C'est ce qu'on voulait dire dans cette recommandation du rapport sur l'obésité.

On y recommande la création d'un comité chargé de proposer des changements au guide alimentaire du Canada, comité qui ne compterait aucun représentant de l'industrie. Ce comité tiendrait toutefois des audiences pour recueillir les vues des scientifiques, du secteur, et d'autres intervenants pour ensuite, sans aucune influence, formuler des recommandations sur le guide alimentaire.

Je n'en dirai pas plus, mais, dans l'historique du guide alimentaire, ces inquiétudes ont souvent été soulevées.

M. Moats : Merci beaucoup, monsieur le sénateur, de cette précision.

Il va sans dire que ce sont les intérêts des Canadiens qui doivent primer dans l'élaboration du guide alimentaire, et non pas ceux de l'industrie privée. Nous estimons toutefois pouvoir apporter notre contribution à cette discussion sociétale, et nous souhaitons le faire.

Le sénateur Ogilvie : Comme vous le faites aujourd'hui devant notre comité.

M. Moats : Oui, bien sûr. Merci beaucoup.

La sénatrice Unger : Je voulais simplement conclure en disant que je viens de l'Alberta. Je mange des légumineuses depuis toujours. J'en mange encore aujourd'hui et les légumineuses sont un aliment très sain. Merci.

La sénatrice Tardif : Ma question s'adresse aux représentants de Pulse Canada.

Vous avez décrit les bienfaits pour la santé des légumineuses telles que les pois chiches, les haricots, les pois et les lentilles, et je suis entièrement d'accord avec vous. Dites-moi, l'empreinte carbone de la culture des légumineuses est- elle moindre que celle d'autres cultures? Est-il avantageux, du point de vue environnemental, de cultiver des légumineuses?

M. Moats : Merci de votre question, madame la sénatrice. Vous me donnez une belle occasion de faire de la publicité.

J'insiste pour dire que nous, les producteurs qui témoignent aujourd'hui, faisons partie d'un système de production. Quand je souligne la valeur de la culture des légumineuses, je le fais dans le cadre d'un système de production. Je ne voudrais pas vous donner l'impression que, selon moi, les légumineuses sont meilleures que le blé, car je dois cultiver les deux.

Il est vrai que si je fais pousser du blé en plus des légumineuses et du canola, j'en arriverai à une empreinte carbonique plus faible dans l'ensemble. C'est dû au résultat magique de la fixation de l'azote découlant de la relation symbiotique des bactéries Rhizobium et des lentilles. Cela signifie qu'il y a une production d'azote à partir de l'air plutôt qu'à partir d'engrais artificiel. Par conséquent, s'agissant du système de production, dans mon cas ce sont des lentilles, du canola et du blé, lorsqu'on y ajoute l'empreinte carbonique, elle est plus faible pour les lentilles, car il n'y a pas d'ajout d'engrais synthétique, qui nécessite beaucoup de carbone dans sa production.

Pour répondre à votre question, effectivement, les lentilles, les pois, les haricots et les pois chiches présentent un avantage environnemental important et il s'ajoute non seulement à la composante des légumineuses, mais à l'ensemble de la production.

La sénatrice Tardif : Pourquoi ne pas choisir de cultiver 100 p. 100 de légumineuses et de faire une division? Est-ce par mesure de protection contre les facteurs de risque ou par choix?

M. Moats : La durabilité se décline en différentes parties, et tout un chacun a une façon différente de voir les choses. Or, un régime de production de cultures présente une exposition à un ensemble de risques. Il y a les maladies ainsi que le contrôle des mauvaises herbes. Par conséquent, la rotation des cultures constitue une solution importante pour gérer tout un ensemble de facteurs agronomiques. La maladie, les insectes et la fertilité sont des composantes du plan.

Les installations agricoles de l'Ouest canadien ont divers systèmes en place. Quant à nos exploitations agricoles, la culture des légumineuses, des oléagineux et des céréales qui y est faite les rendent encore plus durables. La monoculture représente un énorme risque, et nous choisissons d'abaisser le risque en ayant recours à un régime de production des cultures qui comprend une rotation.

J'aurais aimé, une année comme celle-ci, avoir une production de lentilles à 100 p. 100. Cela serait payant, mais malheureusement, ce ne serait pas pratique à long terme.

[Français]

Le président : Il nous reste assez de temps pour que les quatre autres sénateurs puissent poser des questions s'ils peuvent être disciplinés. Je vous demande d'être disciplinés dans vos réponses également.

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Innes. La production de canola se concentre dans l'Ouest canadien. Serions-nous capables d'étendre la production ailleurs au Canada pour profiter au maximum des accords commerciaux qui seront ratifiés, sachant que cela pourrait être payant pour le Canada? Est-ce qu'on peut étendre la production du canola à d'autres régions?

M. Innes : La plupart du canola est cultivé dans l'Ouest du Canada, c'est vrai.

[Traduction]

Or, il est également possible de cultiver du canola dans d'autres régions, comme c'est le cas du Nouveau-Brunswick jusqu'à la Colombie-Britannique. Nous cultivons du canola au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Colombie- Britannique, ainsi que dans bon nombre d'autres provinces.

Nous savons que le canola pousse mieux dans les zones où la température est plus fraîche. Tout comme Lee l'a expliqué, il recherche un mélange de cultures qui correspondent au type de sol et à sa rotation. Le canola est idéal lorsque le climat n'est pas trop chaud, ce qui lui permet de bien fleurir. S'agissant des accords de libre-échange, comme l'AECG, il est certain que la demande de canola s'accroîtra dans l'Est du Canada, et nous espérons que cette hausse va encourager la production locale dans l'Est du Canada également.

[Français]

Le sénateur Dagenais : On sait que le fait d'exporter aux États-Unis ne doit pas coûter le même prix; il y a évidemment le facteur de la distance. Est-ce que la rentabilité joue un rôle dans l'exportation du canola?

[Traduction]

M. Innes : Oui. La rentabilité de l'industrie canadienne dépend de la capacité d'obtenir le meilleur prix pour notre canola dans des marchés qui lui accordent la plus grande valeur. Les États-Unis constituent le marché le plus précieux pour le canola, car ce pays est très près et représente une nombreuse population qui se soucie de sa santé et des répercussions des aliments sur celle-ci. Nos voisins du Sud ont toujours représenté un marché important pour le canola et continuent de représenter des possibilités de croissance.

La région de l'Asie-Pacifique représente également une possibilité d'envergure, sans compter la Chine, comme je l'ai mentionné précédemment, car il s'agit d'une population qui a à cœur sa santé, qui est en mesure de payer pour une huile supérieure comme le canola et qui représente une croissance continue. La rentabilité de notre secteur dépend de notre capacité d'obtenir le meilleur prix dans des marchés qui lui accordent la plus grande valeur. Il faut se débarrasser des obstacles commerciaux et améliorer l'accès aux marchés pour en tirer un meilleur parti.

Le sénateur Moore : Nous avons discuté du fait que les producteurs canadiens doivent attendre avant d'utiliser de nouveaux produits et de nouvelles technologies jusqu'à ce que les marchés d'exportation concernés reconnaissent l'utilisation de ces nouveaux développements. Est-ce que le PTP et l'AECG vont permettre d'aplanir ces difficultés pour les 12 pays concernés? Est-ce que ces préoccupations vont être réglées? Vous avez indiqué qu'il existe des mécanismes pour s'attaquer à ces enjeux et qu'on doit continuer de chercher à y recourir. Ces mécanismes seront-ils abordés dans le cadre de ces accords?

M. Kurbis : Cela n'est pas prévu dans le libellé des accords. La reconnaissance des normes scientifiques de la limite maximale de résidus et la politique de faible présence constituent deux enjeux qui n'ont jamais été indiqués dans le texte d'un accord commercial. Nous aimerions qu'à l'avenir ils commencent à l'indiquer, car plus nous arrivons à abaisser les tarifs douaniers — et nous avons connu beaucoup de succès à cet égard par rapport à ce pays — plus les barrières non tarifaires s'élèvent. Il faudrait donc que ces facteurs soient inclus dans le libellé des accords commerciaux à titre de priorité.

Entre-temps, la possibilité d'aborder ces enjeux dans le Partenariat transpacifique passe par la création de comités scientifiques prévus par l'accord où des discussions seraient tenues entre les pays signataires.

Le sénateur Moore : Ces comités sont-ils prévus en ayant cet objectif à l'esprit? Prévoit-on l'existence de ces comités dans le document?

M. Kurbis : Pas au sujet des limites maximales de résidus.

Le sénateur Moore : Comment peut-on faire en sorte que cela soit inclus? Il s'agit d'une occasion à saisir.

M. Kurbis : En effet, voilà ce que nous demandons au gouvernement, soit de faire en sorte que les comités du partenariat soient utilisés à ces fins.

Le sénateur Moore : M. Moats affirme qu'il préférerait un renforcement de l'alignement. À l'échelle internationale, nous constatons qu'il y a davantage d'approches nationales et que l'on s'éloigne du Codex pour établir des systèmes nationaux propres. Citons à titre d'exemple, la Chine, la Corée du Sud, Hong Kong, la Turquie, Taïwan et maintenant l'Inde et le Mexique.

Comment lutter contre cette tendance? Comment ferons-nous pour les contrer? Ce n'est pas ce que nous serions censés faire. Nous devrions plutôt jouir d'échanges commerciaux libéralisés. Comment faire pour lutter contre ce phénomène?

J'ai assisté à une réunion en décembre à Washington entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Nous avions pour but d'établir notre propre marché ici sur ce continent. Comment allons-nous procéder avec ce genre d'approche?

M. Kurbis : Le nombre incroyable de pays qui se dirigent dans la mauvaise direction rend les choses plus claires. S'il n'y en avait que quelques-uns qui allaient dans la mauvaise direction, nous pourrions songer à régler le problème au cas par cas ou à l'occasion de discussions bilatérales. Il est clair que nous avons besoin d'évaluations scientifiques des risques pour faire affaire dans d'autres pays afin que les organismes de réglementation d'un pays puissent faire référence ou reconnaître le travail d'évaluation des risques ayant été fait par des organismes de réglementation dans un autre pays. Manifestement ce travail devrait être fait en fonction de normes internationales valables, ce qui faciliterait la reconnaissance entre les différents pays. Il faut rapidement entreprendre cette discussion. Nous avons eu des discussions conceptuelles mais n'avons pas entamé le processus.

Le sénateur Moore : Qu'est-ce qui chapeaute vos efforts à cet égard?

M. Kurbis : Le PTP est pour nous l'occasion d'entamer cette discussion de façon officielle même si cet accord n'a pas encore été ratifié et que son entrée en vigueur n'est pas pour demain.

Nous détenons une position de leadership en matière de politique intérieure dans le cas de présence de récoltes génétiquement modifiées à faible niveau, nous assumons aussi un leadership à l'échelle mondiale, et il faut réaliser le même type de processus en ce qui touche les limites maximales de résidus.

M. Halstead : Nous avons confiance à l'égard du processus réglementaire scientifique du Canada et les agriculteurs sont des gens très innovants. Mais cela devient un peu frustrant pour ces derniers lorsqu'ils veulent avoir recours à de nouvelles technologies mais qu'ils sont freinés par la capacité d'autres pays d'accepter ce que nous estimons être inoffensif au Canada, ce que le Canada a scientifiquement évalué comme étant sans danger, et nous devons protéger nos marchés à titre d'industrie. Cela devient frustrant à l'échelle de l'exploitation agricole lorsqu'on aimerait utiliser une certaine technologie.

Le sénateur Oh : En février 2016, soit le mois dernier, l'Administration générale de la supervision de la qualité, de l'inspection et de la quarantaine de la Chine, ou l'AQSIQ, a avisé l'Agence canadienne d'inspection des aliments que le pourcentage de matières étrangères — comme les semences provenant d'autres plantes ou de paille — autorisées dans les expéditions canadiennes de canola allaient diminuer, passant de 2 ou 2, 5 p. 100 à 1 p. 100. Cette nouvelle mesure phytosanitaire entrera en vigueur le 1er avril, soit dans moins d'un mois. Quelles seraient les conséquences de l'application de cette nouvelle norme sur les exportations de canola vers la Chine?

M. Innes : Je vous remercie, monsieur le sénateur, pour votre question.

Comme nous l'avons mentionné dans notre déclaration préliminaire, la Chine est un marché très important pour le canola canadien. Nos relations avec la Chine se sont accrues considérablement au cours des dernières années. Je pense que cela fait plus de 20 ans que nous expédions du canola vers la Chine.

Votre question sur les restrictions possibles concernant les impuretés qui découlent de préoccupations relativement à une maladie appelée la jambe noire est très pertinente pour notre secteur d'activité à l'heure actuelle. La relation s'est considérablement accrue entre le Canada et la Chine pour ce qui est des exportations de canola depuis 2009. En 2010, nous avions conclu un protocole d'entente entre le Canada et la Chine pour examiner les risques potentiels associés à la jambe noire et la façon dont cela pourrait toucher la Chine. Nous avons fait beaucoup de recherches en raison de ce protocole d'entente en vue d'examiner toute la chaîne d'approvisionnement et la façon dont cette maladie se développe dans les variétés que nous cultivons maintenant, comparativement à celles que nous utilisions auparavant. Nous avons examiné diverses composantes dans l'ensemble de la chaîne de valeur.

Comme vous l'avez dit, il y a maintenant des préoccupations concernant les impuretés, c'est-à-dire des morceaux de végétaux dans les expéditions de canola. Brett pourrait vous les décrire davantage, mais lorsque l'on combine du canola et qu'on le récolte dans les champs il est impossible d'obtenir uniquement des graines de canola parce qu'elles contiennent des morceaux de feuilles et de tiges et que ces impuretés se retrouvent dans le canola que vous récoltez.

Voilà où se situe la discussion à l'heure actuelle. Comme vous le soulignez, il y a eu une différence d'interprétation des données de la recherche scientifique, que nous avons menée ici au Canada en collaboration avec des responsables de l'AQSIQ, qui cherche à déterminer si ces impuretés représentent un risque pour la transmission de la maladie de la jambe noire.

Je puis vous dire que le gouvernement et l'industrie du canola ont investi beaucoup de temps, d'argent et d'efforts au cours des six dernières années pour étudier cette maladie et pour déterminer comment nous pouvons collaborer avec nos homologues chinois pour atténuer les risques potentiels qui pourraient exister. Ces discussions entre le gouvernement canadien et chinois se poursuivent relativement à l'annonce qui a été faite. Comme je l'ai dit, nous avons fait beaucoup de recherches scientifiques et ces discussions continuent.

Le sénateur Oh : Avez-vous des observations, monsieur Halstead?

M. Halstead : Non, Brian vous a très bien expliqué la situation. Il est impossible d'obtenir un canola pur au moment de la récolte. Il y a toujours des parties de matière végétale ou des graines de mauvaises herbes qui subsistent même si ce n'est que très peu.

Le sénateur Oh : Cette année, 2016, a été désignée Année internationale des légumineuses. En tant que chef de file mondial dans la production de légumineuses, le Canada planifie une série d'événements et d'initiatives pour célébrer les légumineuses et veiller à ce qu'elles aient un avenir brillant tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Le gouvernement en fait-il suffisamment à cet égard?

M. Moats : Cela ressemble presque à une question piège. Toutes les parties prenantes qui contribuent au secteur des légumineuses au Canada ont participé à la promotion de cette année internationale, et elles participent de diverses façons. Nous nous tournons vers le gouvernement pour qu'il nous appuie de diverses manières. Si vous consultez le site web d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, vous verrez la vidéo du ministère qui a été réalisée pour célébrer l'Année internationale des légumineuses. Nous demandons toujours au gouvernement d'en faire davantage, mais je pense que nous sommes tous en faveur de cette année internationale.

La sénatrice Beyak : Les légumineuses canadiennes et le canola canadien sont des histoires de réussite à l'échelle de la planète. Je peux répondre à une question bien simple et je suis certaine que vous en connaissez tous la réponse également, mais pourriez-vous dire aux téléspectateurs et aux personnes qui lisent les rapports du Sénat et qui regardent nos délibérations sur CPAC de quelle façon les haricots, les pois et les légumineuses ont été regroupés sous l'appellation de pulses en anglais ou légumineuses?

M. Moats : Bonne question. Je regrette de ne pas avoir mon dictionnaire de traduction latine. Il existe en latin le mot puls qui désigne une sorte de soupe ou potage, de là le mot pulses en anglais. On s'en sert pour définir les récoltes dont les végétaux produisent une gousse comme fruit que l'on appelle aussi légume. Il en existe de nombreuses variétés à l'échelle mondiale, plus de 20, je pense. Au Canada, nous cultivons les quatre principales légumineuses. C'est donc une catégorie de culture.

Vous connaissez tous les grains céréaliers, eh bien, nous voulons également que tous connaissent ce que sont les légumineuses à grains.

[Français]

Le président : Merci beaucoup. Votre témoignage a été très intéressant pour le comité, et nous aurons certainement des recommandations très précises à insérer au rapport.

Dans le cadre de la prochaine partie de notre réunion, nous avons le privilège d'accueillir l'Association des érablières-transformateurs des produits de l'érable du Québec, représentée par son président, M. Martin Malenfant, et par M. Pierre St-Germain, secrétaire.

Messieurs, bienvenue. Vous avez vu un peu comment nous fonctionnons. Nous allons vous accorder quelques minutes pour donner votre présentation, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Je vous remercie infiniment de votre comparution. Votre témoignage sera fort important pour le rapport que nous présenterons à la fin juin. Sans plus tarder, je vous cède la parole.

Martin Malenfant, président, Association des érablières-transformateurs des produits de l'érable : Je vous remercie beaucoup de l'invitation. C'est très apprécié. L'Association des producteurs et transformateurs n'est pas une grosse organisation au Québec. Toutefois, nous travaillons fort pour essayer de la faire grandir.

Nous avons préparé un mémoire sur le fonctionnement de l'industrie au Québec. Je vais laisser à M. St-Germain le soin de le lire.

Pierre St-Germain, secrétaire, Association des érablières-transformateurs des produits de l'érable : Bonsoir à tous. Tout d'abord, nous avons pensé vous informer sur la façon dont fonctionne le système. Pour ce faire, nous avons produit un tableau qui rendra le tout plus simple à comprendre.

Au Québec, il existe une structure bien spéciale dans l'industrie du sirop d'érable. Tous ceux qui vendent du sirop d'érable et qui possèdent un contingent sont soumis aux règles du Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec. Ce plan conjoint prévoit deux types de produits. On a le sirop d'érable en quantité de moins de 5 litres et 5 kilos, et le sirop d'érable de plus de 5 litres et 5 kilos, considéré comme une vente en baril.

L'Association des érablières-transformateurs représente les producteurs acéricoles qui embouteillent et mettent en marché leur sirop d'érable en contenants de moins de 5 litres. La Fédération des producteurs acéricoles gère un plan conjoint et a une agence de vente qui s'occupe de faire la mise en marché. Elle est l'intermédiaire dans la mise en marché pour les produits en baril, soit de plus de 5 litres.

Dans le tableau que nous vous avons remis, vous voyez que, dans la catégorie des produits de 5 litres et moins, on compte environ 500 acériculteurs au Québec; dans la catégorie des produits de plus de 5 litres, on compte 7 000 producteurs au Québec. Le producteur qui vend moins de 5 litres peut vendre à un distributeur et vendre directement au consommateur. Pour sa part, le producteur qui met le sirop en baril doit passer par l'agence de vente, soit la Fédération des producteurs acéricoles, qui vend à ses acheteurs autorisés. Ceux-ci, à leur tour, vendent aux distributeurs, lesquels vendent aux consommateurs. Vous voyez maintenant la distinction.

Les producteurs transformateurs représentent l'industrie acéricole de pointe et tiennent à faire connaître leur spécificité partout dans le monde, comme c'est le cas pour plusieurs productions agricoles mondiales qui se retrouvent sous différentes appellations — les produits fermiers, les produits du terroir, les produits d'appellation réservée.

La définition d'une érablière-transformateur est importante, car elle est inscrite dans la loi au Québec. C'est une entité commerciale qui possède ou loue pour son propre compte une érablière pour laquelle un quota de production a été autorisé par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec. Celle-ci transforme en bouteille ses produits en contenants de moins de 5 litres pour les vendre directement à un distributeur, à un marché d'alimentation ou directement au consommateur. C'est ce que nous représentons.

L'Association des érablières-transformateurs des produits de l'érable a pour mission la promotion et la défense des droits des érablières-transformateurs. À ce titre, depuis 2001, l'association est intervenue plusieurs fois devant la Régie des marchés agricoles pour faire reconnaître les droits des érablières-transformateurs inscrits au plan conjoint. Elle fait aussi des représentations pour que la mise en marché des produits de l'érable en contenants de 5 litres ou moins de 5 kilos ne soit plus soumise au plan conjoint des produits de l'érable du Québec.

En décembre 2015, un troisième rapport, le rapport Gagné, recommande lui aussi ce retrait du plan conjoint. La recommandation numéro 4 du rapport Gagné vise à soustraire du plan conjoint la production et la mise en marché du sirop d'érable produit par un producteur et vendu à ce producteur, à un intermédiaire, en contenants de moins de 5 litres.

Il faut comprendre qu'en 2000, quand un plan conjoint a été adopté au Québec, le contenant de moins de 5 litres n'était pas inclus. Il a été inclus dans le plan conjoint en 2001. Il y a confusion sur cette question au Québec.

Les objectifs à court terme pour promouvoir l'érablière-transformateur sont de militer auprès du gouvernement pour que les lois dans le domaine de l'agriculture respectent la libre entreprise. C'est pourquoi nous appuyons la recommandation numéro 4 du rapport de M. Florent Gagné. Un autre objectif à court terme est de certifier les érablières-transformateurs du Canada afin que leurs produits de l'érable soient reconnus sur le marché international comme étant produits et embouteillés à l'érablière. À ce titre, l'association a une entente avec La marque Canada depuis près de six ans. Vous pouvez voir sur le sigle notre logo de certification.

Nous avons également comme objectifs à court terme de promouvoir et de faciliter auprès de nos membres la mise aux normes alimentaires, telle que l'agrément avec l'ACIA et les certifications reconnues par le GFSI, et de promouvoir nos membres sur la scène internationale afin de les aider à accéder aux différents marchés de niche.

Voici maintenant ce à quoi s'attend l'association des programmes d'aide de mise en marché. Depuis 2007, l'association est mandataire du Programme de paiement anticipé d'Agriculture Canada, ou PPA. Grâce à celui-ci, nos producteurs qui en font la demande peuvent recevoir une avance de fonds équivalant à la valeur de 50 p. 100 de leur production annuelle en stock. Ce programme est très apprécié et assure à nos producteurs des liquidités monétaires importantes pour faire la promotion de leur entreprise.

Pour une petite association comme la nôtre, qui a des moyens très limités, le temps est précieux, et présenter une demande d'aide dans le cadre d'un programme est un processus qui s'avère complexe. À la suite d'une communication tenue avec le ministère pour s'enquérir de la disponibilité des fonds dans le cadre d'un programme annoncé, et bien que l'on nous ait assurés que les fonds sont encore disponibles, aucun conseiller n'était disponible pour nous confirmer que notre demande cadrerait bien dans les objectifs du programme.

À notre avis, les petites associations comme la nôtre bénéficieraient grandement des services d'un conseiller pour faciliter leur compréhension des objectifs de certains programmes. C'est un peu notre recommandation, parce que c'est à ce chapitre que nous éprouvons un peu de difficulté. Cela complète notre petite présentation.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je vous remercie d'être venus nous présenter cet exposé. Ce fut très utile et les graphiques facilitent la compréhension.

Je veux vous féliciter d'être venus ce soir. Le temps a été plus doux et j'aurais cru que vous auriez été dans votre cabane à sucre pour vous occuper de vos arbres parce que j'ai entendu dire qu'ils ont commencé à couler. J'apprécie donc l'effort que vous avez fait pour être ici.

Notre étude a pour objet les priorités en matière d'accès aux marchés internationaux pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien. Selon vous, où se situent les possibilités de nouveaux débouchés pour le sirop d'érable québécois?

[Français]

M. Malenfant : Le marché européen est un marché très intéressant. Les États-Unis représentent encore le marché le plus important du sirop d'érable du Québec. Je crois qu'il faudrait surtout travailler à la promotion pour faire connaître le produit en Europe. Ce serait vraiment un atout majeur de pouvoir former des chefs pour leur montrer comment utiliser notre produit. Exporter le produit là-bas, ce n'est pas un problème, mais le mettre dans leur assiette, c'est un défi.

M. St-Germain : En fait, le sirop d'érable se vend un peu partout dans le monde, et il n'y a pas beaucoup d'endroits où il ne se vend pas. Cependant, il est méconnu. En dehors des États-Unis et du Canada, les gens ne savent pas quoi faire avec le sirop d'érable. Ils n'ont pas notre connaissance du produit ni l'habitude alimentaire de le consommer. Malheureusement, on ne cherche pas à intégrer ce produit dans leurs habitudes alimentaires.

L'un de mes enfants est chef cuisinier diplômé en Europe. Il me rapporte que, par exemple, en Allemagne, on a beau leur vendre du sirop d'érable - c'est le pays d'Europe qui en importe le plus -, mais ils ne savent pas comment l'apprêter ni quoi en faire.

Pour les érablières-transformateurs, c'est un problème, parce que ce sont des marchés de niche que l'on vise. Les érablières-transformateurs ne sont pas des immenses unités de production; cela varie de 150 000 et moins, beaucoup de petites unités en ont 10 000. Ce sont tous de beaux marchés de niche, mais nous n'avons pas la capacité d'aller montrer aux gens comment utiliser les produits de l'érable.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Si nous créons un marché de plus grande taille pour l'Union européenne, pourrions-nous répondre à la demande à partir des érablières existantes ou devront-elles prendre de l'expansion? Manifestement, vous nous parlerez du Québec, mais peut-être faudrait-il accroître l'ensemble des érablières canadiennes pour répondre à la demande.

Je suis d'accord avec vous, monsieur St-Germain, bien des gens ne savent pas quoi faire avec le sirop d'érable à part en verser sur leurs crêpes, mais c'est un produit qui est beaucoup plus polyvalent que cela. Je m'en suis servi à de nombreuses reprises pour préparer des pâtisseries et d'autres types de mets. Le sirop d'érable ajoute beaucoup de goût.

Si le marché existait, pourrions-nous répondre aux commandes?

[Français]

M. Malenfant : Le potentiel acéricole est important, il n'y a aucun problème pour prendre de l'expansion et répondre à la demande. Présentement, il y a tout de même une bonne croissance de la consommation dans l'industrie acéricole, puis il y a aussi une bonne croissance en termes de nouvelles installations. Un des problèmes, à l'heure actuelle, c'est que les installations sont situées hors Québec.

De plus, il s'agit d'un sucre, et les sucres n'ont pas tous la cote. Cependant, c'est un bon sucre et il y a toujours des marchés intéressants pour les sucres de bonne qualité.

Le sénateur McIntyre : Merci, messieurs, pour votre présentation. Je dois vous avouer que j'adore les crêpes, mieux connues sous le nom de pancakes, comme le disait le sénateur Mercer, et souvent, pour déjeuner, j'en déguste quelques- unes arrosées de bon sirop d'érable québécois. Cela étant dit, j'aurais aimé vous poser une question au sujet des nouveaux marchés de consommation, mais le sénateur Mercer a bien traité de ce domaine.

Le gouvernement fédéral met souvent des initiatives en place afin de faciliter le développement de nouveaux marchés à l'échelle domestique et internationale. Vos membres ont-ils pu bénéficier de ces initiatives? Si oui, comment qualifieriez-vous l'efficacité de ces initiatives?

M. St-Germain : L'érablière dont je suis le directeur de mise en marché vend ses produits en Australie et en Europe du Nord. Les distributeurs ont beaucoup bénéficié de l'assurance paiement pour garantir les ventes, et je pense que c'est essentiel. Vous savez, dans le cas d'une vente en Australie, il faut prévoir six semaines avant que le bateau arrive. Ainsi, lorsqu'il s'agit d'une grande chaîne d'alimentation, généralement, il faut compter environ de trois à quatre mois avant que nous soyons payés. Il y a donc de l'incertitude. Souvent, on prend des risques sur des marchés de niche. À partir du moment où EDC nous confirme qu'elle garantit la vente du client, c'est extrêmement important en matière d'exportation. Si EDC nous dit non, on n'y pense même pas. C'est essentiel. C'est ce qui sécurise nos ventes.

Il ne faut pas oublier que le produit de l'érable demeure un an dans notre érablière. Cela ne nous dérange pas qu'il soit payable à 90 ou 100 jours, mais ce qui nous inquiète, c'est de ne pas être payé en fin de compte.

On a parlé aussi du Programme de paiement anticipé pour les producteurs. Au début du plan conjoint, les producteurs et les érablières-transformateurs n'avaient pas droit au paiement, parce que cela passait par la financière agricole, qui ne finançait que la production en baril. C'était une entente avec la fédération. Ce sont des gens d'Agriculture Canada qui nous ont approchés pour nous offrir le programme au Québec, pour que nos producteurs puissent en bénéficier.

Avant le plan conjoint, tous les producteurs bénéficiaient des 50 p. 100 de l'inventaire pour se financer. Une fois le plan conjoint arrivé, les érablières-transformateurs n'y avaient plus droit. Cela a beaucoup aidé nos membres. Je crois que les membres n'auraient peut-être pas survécu s'ils avaient perdu cette option. C'est très important, car il est question d'un montant jusqu'à 400 000 $, je crois.

Le sénateur McIntyre : Au Nouveau-Brunswick, je crois que la production du sirop d'érable est en pleine évolution.

M. Malenfant : Oui. Partout hors Québec, la production est en pleine évolution. Le gouvernement du Nouveau- Brunswick a débloqué des potentiels acéricoles tout de même assez importants. Il y a un engouement pour le produit et pour sa consommation. En ce qui concerne le Programme de paiement anticipé, à titre de producteurs, nos frais de production, nous les avons quasiment tous en même temps. Aux mois de février, mars, avril, mai, nos dépenses pour l'année sont pratiquement toutes faites à ce moment-là. Ainsi, le paiement anticipé est vraiment important pour nous. C'est différent d'une production qui roule durant toute l'année. Nous produisons et nous vendons pendant le reste de l'année.

M. St-Germain : J'aimerais ajouter que, le problème, actuellement, c'est que le Québec s'est contingenté et que la production augmente passablement aux États-Unis. Cette situation créera au Canada une concurrence extrêmement forte dans l'industrie du sirop d'érable au cours des années à venir. Le contingentement a parfois du bon, mais, pour nous, à l'association, nous avons plus de difficulté, parce que le contingentement bloque notre développement. Nous sommes heureux que l'industrie au Nouveau-Brunswick et en Ontario connaisse une croissance, mais la croissance aux États-Unis est extrêmement rapide à l'heure actuelle.

M. Malenfant : En fait, les États-Unis croissent beaucoup plus rapidement que le Nouveau-Brunswick et l'Ontario.

Le sénateur McIntyre : Ce n'était qu'un petit commentaire, monsieur le président.

Il est vrai que le sirop d'érable est traditionnellement associé à la consommation de crêpes et de gaufres. J'imagine donc que votre plus grand défi est de créer de nouveaux marchés de consommation?

M. Malenfant : Oui, exactement.

M. St-Germain : Cependant, il faut faire attention. L'Australie est pour nous un marché très important où on livre le sirop par conteneurs. Au Québec, comme aux États-Unis, nous sommes habitués à ce que la consommation du sirop d'érable soit saisonnière. Nous nous sommes rendu compte, dans le cadre de nos ventes en Australie, qu'il n'y a pas de saison là-bas pour consommer le sirop d'érable. Nous y vendons des conteneurs de sirop d'érable de façon régulière, toute l'année, qu'il fasse chaud ou froid. Cela signifie que les marchés extérieurs au Québec et aux États-Unis ne consomment pas le sirop d'érable de la même façon que nous. Il s'agit d'un marché plus annuel, ce qui est très intéressant.

[Traduction]

La sénatrice Unger : Les producteurs de sirop d'érable doivent-ils acheter des quotas lorsqu'ils veulent produire du sirop, n'avez-vous pas de quota pour votre entreprise?

[Français]

M. St-Germain : Pour vous donner un exemple, notre entreprise vend plus que son quota de production, ce qui nous oblige à retourner acheter du sirop d'érable à la fédération en barils. Cela crée un problème, parce que le sirop que nous achetons coûte beaucoup plus cher que celui que nous produisons, ce qui diminue notre concurrence sur le marché étranger face aux Américains. C'est un peu compliqué.

C'est pour cette raison que nous militons pour que le contenant de moins de 5 litres ne soit plus soumis aux quotas. Il y a aussi le fait que plusieurs petites érablières n'ont pas reçu de quota au moment où la fédération les a donnés. Nous croyons donc que cela libérerait les gens et leur permettrait d'accéder aux marchés, alors qu'ils sont actuellement condamnés à vendre seulement aux consommateurs. Il est extrêmement difficile de vendre du sirop à un consommateur à la fois.

Nous militons donc depuis longtemps pour les contenants de moins de 5 litres ou de moins de 5 kilos. Lorsque je parle de « moins de 5 kilos », cela comprend le sucre d'érable qui, lui, se calcule au kilo. Donc, dans notre cas, au cours des années passées, il s'agissait de 50 p. 100 de nos ventes qu'il fallait racheter en barils. Franchement, cela nous amène à acheter hors Québec, parce que, lorsqu'on rachète le sirop en barils, au Québec, c'est le sirop le plus cher au monde. C'est dommage, mais c'est ainsi.

[Traduction]

La sénatrice Unger : Y a-t-il de nombreux problèmes pour ce qui est du commerce interprovincial? Vous avez mentionné l'Ontario. Vendez-vous à d'autres provinces? Y a-t-il des obstacles entre les provinces?

[Français]

M. St-Germain : Il n'y a pas d'obstacle en ce qui concerne les contenants de moins de 5 litres ou de 5 kilos. On peut acheter du sirop aux États-Unis, on peut en acheter où on veut, mais vous comprendrez qu'on préfère l'acheter de notre région, parce que cela soutient nos producteurs.

Dans mon village, il y a 700 000 érables en production. Il est certain que notre production locale représente une économie importante dans le village. C'est la production laitière qui est passée du lait à l'acériculture. Il y a donc une capitalisation qui s'est faite. Cela a beaucoup d'importance, mais il n'y a pas de restriction.

Le problème est plutôt le fait que les producteurs du Québec qui ont des barils ne peuvent pas éviter de passer par la fédération. Par ailleurs, ce problème ne nous concerne pas, nous, les érablières-transformateurs.

M. Malenfant : J'aimerais ajouter que, entre les provinces, il n'y a pas de problèmes. Entre les producteurs du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario ou du Québec, il n'y a pas de problèmes. C'est le système qui a été mis en place au Québec qui nous occasionne des problèmes.

La sénatrice Tardif : Bienvenue à tous les deux et merci pour votre présentation.

Le gouvernement du Québec a récemment commandé un rapport sur l'avenir de l'acériculture, le rapport Gagné, qui a été très contesté. Si je comprends bien, 1 000 personnes ont manifesté devant l'Assemblée nationale du Québec contre les recommandations de ce rapport. Il semblerait que les gens qui ont préparé ce rapport ont indiqué que le Québec avait perdu sa part du marché à l'international. Les statistiques ont démontré que la part du marché a diminué de 80 p. 100 à 70 p. 100 du marché international, je crois, et que vous en perdez également aux États-Unis. Ce sont les États- Unis qui grugent la plus grande partie de ce terrain.

Êtes-vous d'accord avec cet énoncé que le Québec a perdu une grande partie du marché aux Américains? Y a-t-il des raisons de s'inquiéter?

M. Malenfant : Ce qui se produit, c'est que la production augmente, la consommation augmente, mais nous, au Québec, nous stagnons. Il n'y a plus de croissance, nous ne faisons plus de nouvelles entailles. La croissance est donc prise par les producteurs de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et, principalement, des États-Unis.

La sénatrice Tardif : De quoi cela dépend-il?

M. Malenfant : Du fait que nous avons des quotas de production à respecter. Nous ne prenons pas notre part, présentement, de la croissance de consommation.

La sénatrice Tardif : Est-ce seulement le Québec qui impose des quotas? Est-ce que les autres provinces en ont aussi?

M. Malenfant : Non, seulement le Québec.

M. St-Germain : En fait, il y a eu plusieurs périodes de stagnation dans l'industrie du sirop d'érable. À un moment donné, l'industrie en est venue à élaborer un plan conjoint. Ensuite, comme la fédération avait des problèmes, elle a voulu créer une banque de sirop, et cette banque de sirop était assez imposante. Enfin, les quotas ont été imposés, ce qui a créé, au Québec, une stagnation; il ne s'entaille plus de nouveaux érables.

Le plan conjoint est a été mis en œuvre en 2001. Or, depuis 2001, le prix du sirop d'érable n'a jamais été aussi élevé dans le monde. Le prix du sirop à la livre est actuellement autour de 2,92 $. Cela a fini par intéresser les Américains, qui s'intéressaient peu à ce produit, parce que le prix du sirop d'érable fluctuait beaucoup auparavant. Après 15 ans de prix stable, les Américains se sont finalement intéressés au produit et ont commencé à faire des inventaires.

Le ministère de l'Agriculture a d'ailleurs produit une étude qui montre l'importance des possibilités offertes par l'industrie du sirop d'érable américaine par rapport à la nôtre. On estime qu'au Québec, il reste environ 100 millions d'érables entaillables, et le ministère estime qu'aux États-Unis, il n'y aurait pas loin d'un milliard d'érables entaillables. Cette croissance a fait que les Américains montrent maintenant de l'intérêt envers le sirop d'érable.

M. Gagné, dans son rapport, a fait le tour de toute l'industrie. Je l'ai lu au complet et je n'y ai pas décelé de faussetés. C'est un constat de l'industrie qui inquiète un peu. Il faut reconnaître que le marché du sirop d'érable le plus important, c'est celui des États-Unis. Traditionnellement, nous vendions 70 millions de livres de sirop aux États-Unis, et les Américains en produisaient environ 15 millions. Maintenant, ils en sont à plus de 45 millions. Ainsi, les Américains produisent, et cela les intéresse eux aussi, car ils sont en affaires, tout comme nous.

La crainte, c'est la perte de marché face aux Américains. Ils sont 300 millions, et ils consomment une grande partie de notre sirop. Tout comme nous, ils ont l'habitude de consommer le sirop l'érable. On n'a jamais réussi à transférer cette habitude de consommation du sirop d'érable ailleurs dans le monde. C'est cela qui nous inquiète.

La sénatrice Tardif : Je suis allée à un festival des sucres à Calgary, la semaine dernière. Évidemment, un repas a été servi avec des fèves au lard et des crêpes accompagnées de sirop d'érable. Le sirop d'érable était distribué en petites bouteilles à chaque personne. Ce sirop d'érable provenait du Vermont, et était embouteillé en Ontario. Les gens étaient très déçus de voir que le sirop d'érable qui était servi ne provenait pas du Canada. Ce fut pour eux une grande déception.

M. St-Germain : L'un des grands dangers, en ce moment, c'est la falsification du sirop d'érable dans le monde. Au Canada, lorsqu'on vend des barils de sirop d'érable, on n'exige pas la traçabilité du ré-embouteillage qui se fait ailleurs.

On commence à voir des prix qui sont tellement bas qu'on se dit que le sirop ne peut pas être pur. Le prix est trop bas, et il n'y a pas cette volonté de réglementer le marché, parce que les seuls endroits au monde où le sirop d'érable est embouteillé en vertu d'une réglementation et d'une inspection, c'est au Canada et aux États-Unis.

Donc, si j'embouteille du sirop d'érable en Australie, je peux ajouter du sirop de riz. Personne ne le saura, et je pourrai le vendre comme si c'était du sirop d'érable. Cela représente une menace importante pour l'avenir. Il commence à y avoir de l'intérêt pour la vente de ce produit à cause du prix qui est intéressant actuellement.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Pour ce qui est de réglementer le quota, il me semble que tout cela est lié à la taille du baril. La province impose-t-elle l'utilisation du baril de cinq litres? Est-ce ainsi que vous effectuez un contrôle?

[Français]

M. Malenfant : Dans la réglementation, un produit qui est prêt à consommer est de 5 litres et moins. À partir de 5 litres, il est considéré comme un produit en vrac. Comme producteurs et transformateurs, nous ne pouvons pas vendre un volume plus gros par contenant.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Est-ce l'organisme de contrôle provincial qui impose ce type de baril? Y a-t-il une certification liée à une certaine taille et êtes-vous obligé d'avoir recours uniquement à ces barils si vous voulez participer au processus de mise en marché de votre produit?

[Français]

M. St-Germain : Non. En fait, la classification moins de 5 litres et moins de 5 kilos vient du fait que, avant la mise en œuvre du plan conjoint, certains producteurs vendaient déjà du sirop. Lorsque le plan conjoint a été mis de l'avant, des producteurs vendaient à des acheteurs.

Le baril correspond à ce que l'acheteur achetait, mais lorsque la fédération et la régie ont élaboré le plan conjoint, elles ont dû définir ce qu'était un baril, et ce, peu importe le quota. Étant donné qu'il s'agit d'un quota de production, on peut le vendre soit en moins de 5 litres, soit en baril.

Que représentait un baril en termes de quantité? La régie en est arrivée à dire que ce qu'un producteur pouvait vendre traditionnellement à un restaurateur ou à un distributeur, c'était du 5 litres et moins. On a créé une classe pour le 5 litres et moins et on a décidé que tout ce qui était plus volumineux était acheté par des transformateurs de sirop.

C'est de cette façon que s'est faite la séparation, mais le quota est demeuré applicable aux deux. Au Québec, les quotas ont été transmis à chaque érablière selon les statistiques de production qu'elles avaient produites avant 2000.

Le sénateur Dagenais : Ce qui m'a le plus surpris, c'est que M. Florent Gagné ait rédigé le rapport, et je vais vous expliquer pourquoi. Pendant 39 ans, j'ai été policier à la Sûreté du Québec, et M. Gagné était le directeur général de la Sûreté du Québec.

M. Gagné produit un rapport sur le sirop d'érable, et moi, je siège au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Tout cela pour dire que la police mène à tout, pourvu qu'on en sorte. Voilà pourquoi j'ai été très surpris. Soit dit en passant, M. Gagné est un ancien sous-ministre, et je crois qu'il a fait un très bon travail.

Cela dit, on sait que, à l'heure actuelle, beaucoup de marchés se présentent, y compris ceux qui font partie du Partenariat transpacifique et de l'accord conclu avec l'Union européenne. Voici ma question. Financièrement, est-ce que les producteurs de sirop d'érable des autres provinces s'en tirent mieux que ceux du Québec qui, toutes proportions gardées, sont contingentés? Je vous écoute depuis tantôt, et il me semble que les quotas vous appauvrissent plus qu'autre chose.

M. Malenfant : Ce qui se produit, c'est que les producteurs hors Québec se basent sur les prix de vente établis au Québec. Ils vont chercher le même prix et ils n'ont pas toute cette structure à soutenir et à financer. En ce qui me concerne, j'ai un quota supplémentaire qui ne m'a pas encore été payé. Pour mon entreprise seulement, j'en ai pour 450 000 $. Cela représente des liquidités importantes que je n'ai pas pour le moment.

Le système fonctionne de façon telle que tout ce que je produis en surplus de mon quota, je peux le livrer, mais je ne serai pas payé immédiatement, parce qu'avant de vendre les quotas supplémentaires, il faut d'abord vendre l'intraquota.

Le sénateur Dagenais : Je vous pose une question, mais vous n'êtes pas obligés de me répondre. Dans la région où j'ai travaillé pendant plus de 24 ans, beaucoup de mes amis étaient producteurs de sirop d'érable. Il y en a même un qui a commencé à fabriquer du cidre ou du vin d'érable. La SAQ s'en est mêlée, et il n'en a pas fait longtemps, même si son vin était très bon. Il n'était pas un ancien policier, mais je lui ai dit d'arrêter. Est-ce que vous en êtes venus, vous aussi, à faire du vin d'érable?

M. St-Germain : C'est la raison pour laquelle on défend les érablières transformatrices, parce qu'aujourd'hui, elles sont extrêmement développées. Elles ont des usines, elles sont certifiées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments et elles vont sur les marchés internationaux. Presque tous les produits du sirop d'érable sont développés, y compris le vinaigre et la vinaigrette.

La difficulté de l'érablière transformatrice actuellement, c'est qu'elle est incluse dans un plan conjoint où elle paie 0,12 $ à la fédération pour chaque livre vendue en marché et qu'elle n'a pas les moyens de faire sa promotion. C'est là que se situe la difficulté.

C'est un plan conjoint de producteurs de vrac qui, semble-t-il, sont très heureux d'en faire partie, mais les producteurs transformateurs sont pénalisés, parce qu'ils ne participent pas à cette mise en marché. C'est un peu compliqué, mais aujourd'hui, les produits des érablières sont extrêmement développés. Les érablières transformatrices fabriquent des produits de très haute qualité. Ce sont des niches extraordinaires, ce sont de beaux marchés.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Messieurs, j'ai entendu dire que le sirop d'érable canadien de première qualité a été exporté en grande quantité au Japon. Les Japonais achètent le meilleur sirop d'érable possible. Est-ce exact?

[Français]

M. St-Germain : Je vous dirais qu'il faut faire attention. Les Japonais aiment un sirop très clair, de début de saison. Ce ne sont pas tous les pays qui considèrent que c'est le meilleur sirop. C'est une question folklorique.

Aux États-Unis, par exemple, les Américains vont préférer un sirop foncé, parce que, traditionnellement, lorsque le sirop se fait aux États-Unis, la saison est courte et le sirop fonce davantage. Ainsi, ils préfèrent un sirop plus goûteux. Au Japon, la culture est différente et ils ont préféré un sirop plus clair, un sirop de début de saison. C'est parfait, parce qu'on a besoin de trouver des marchés pour chaque type de sirop et parce que le sirop clair n'est pas produit en aussi grande quantité que le sirop foncé.

Nous vendons présentement du sirop en Europe du Nord, et je vous dirais qu'au départ, ils ont été habitués à un sirop extrêmement corsé et que pour eux, c'est un bon sirop. Cela dépend donc de chaque région.

[Traduction]

Le sénateur Oh : On m'a aussi dit que le sirop d'érable pouvait être utilisé comme substitut pour les personnes atteintes de diabète? Est-ce exact? Cela a-t-il fait l'objet d'une vérification?

[Français]

M. Malenfant : Le sirop d'érable peut servir de substitut, mais c'est tout de même un aliment sucré. Si une personne est diabétique et qu'elle consomme du sirop d'érable en grande quantité, elle aura des problèmes. C'est peut-être moins agressif, mais si vous consommez beaucoup de sirop d'érable et que vous avez le diabète, vous allez avoir le même problème, car c'est un sucre.

Le président : Pour vous consoler, messieurs, quant à l'ouverture des marchés européens, ce n'est pas demain que vous allez vendre tous vos surplus. De temps en temps, en voyage, j'apporte une bouteille de sirop d'érable et, l'été dernier, la personne à qui je l'ai offerte, un parlementaire, m'a dit qu'il le trouvait excellent, mais qu'il le coupait avec de l'eau, parce qu'au lieu de le mettre sur les crêpes, il le buvait. Les marches vont être difficiles à monter.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : J'ai commencé la séance en vous remerciant d'être venus et en vous annonçant que les érables coulent et que vous aurez beaucoup de travail à abattre. Mais ce que j'ai oublié de mentionner à ce moment-là, c'est l'effet du réchauffement climatique sur votre industrie. N'est-il pas tôt dans la saison pour que les érables commencent à couler? Depuis quelque temps, les érables ont commencé à couler puis se sont arrêtés lorsque la température s'est réchauffée et ensuite s'est refroidie. Est-ce que les réchauffements climatiques ont un effet néfaste sur votre industrie?

[Français]

M. Malenfant : À moyen terme, je crois qu'il y aura définitivement une incidence, parce qu'au cours des deux dernières années, les productions ont été plutôt tardives, justement à cause du réchauffement climatique et du réchauffement du Pacifique, dont le courant passait plus bas en début de la saison. Cette année est une année El Nino, et nous pensons que ce sera une bonne année. Cependant, le changement climatique crée de gros écarts de température soudains.

Le président : Messieurs, le comité vous remercie sincèrement de votre témoignage. Ce sont des producteurs et des gens comme vous que nous voulons voir. C'est avec vous que nous allons produire un rapport pour l'avenir. Les grandes entreprises sont nécessaires, mais pour avoir une grande entreprise, il faut des producteurs de base. Cela a été un grand plaisir pour nous d'entendre vos témoignages ce soir.

Le comité va parcourir le Canada. La semaine prochaine, nous serons au Nouveau-Brunswick, et ensuite, dans l'Ouest canadien. Nous recevons ici les témoins du Québec et de l'Ontario, parce que c'est plus central et que cela permet d'éviter des déplacements. Cependant, nous sommes très heureux de recevoir des gens comme vous, et c'est ainsi que nous allons bâtir un rapport valable pour le Canada, pour les prochaines années, de concert avec les agriculteurs.

Merci infiniment. Je vous souhaite la meilleure saison de production cette année.

(La séance est levée.)

Haut de page