Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 6 - Témoignages du 24 mars 2016
OTTAWA, le jeudi 24 mars 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour poursuivre son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec, et président du comité.
[Traduction]
Je vais demander aux sénateurs de se présenter, à commencer par mon vice-président.
Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le président : Merci beaucoup. Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Ce matin nous avons le privilège de recevoir l'UPA, le plus grand syndicat agricole du Québec, représenté par Pierre Lemieux, premier vice-président, ainsi que par Marie-Ève Bourdeau, conseillère en économie. Je tiens à vous signaler que je connais M. Lemieux depuis de nombreuses années. Il est non seulement le vice-président de l'UPA, mais aussi un agriculteur très important en matière de production laitière et de sirop d'érable. Merci à vous deux d'être venus.
Nous devons remettre notre rapport sénatorial le 30 juin et présenter des recommandations spécifiques au ministre de l'Agriculture. Votre présence ici démontre l'intérêt que vous portez aux travaux du comité et à l'avenir de la production agricole. Nous n'examinons pas ces questions à court terme, mais plutôt dans une perspective de 10 à 20 ans, d'où l'importance de votre présence ici.
Vous avez 10 à 12 minutes pour présenter votre mémoire, puis les sénateurs vous poseront des questions. Nous suggérons des réponses courtes afin que la majorité des sénateurs puissent vous interroger. J'informe mes collègues sénateurs anglophones que le mémoire est en français seulement. Il est en voie d'être traduit et devrait être disponible sous peu.
Permettez-moi de vous présenter les sénateurs qui viennent de se joindre à nous : la sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario, le sénateur Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse, la sénatrice Nancy Raine, de la Colombie-Britannique, ainsi que la sénatrice Pana Merchant, de la Saskatchewan.
Monsieur Lemieux, madame Bourdeau, vous avez la parole.
Pierre Lemieux, premier vice-président, Union des producteurs agricoles du Québec : Merci de nous accueillir à ce comité sénatorial qui traite des questions agricoles, dans le cadre de politiques d'exportation en particulier, et dans l'optique de bien saisir les enjeux liés à l'agriculture.
Dans un premier temps, j'aimerais rappeler l'importance de l'activité agricole au chapitre économique, mais aussi alimentaire, pour nos confrères et consœurs et pour nos citoyens, ainsi que l'importance, dans le cadre des négociations extérieures, de la préoccupation de pouvoir conserver cette capacité nourricière chez nous. Celle-ci doit être la plus diversifiée possible et doit répondre aux attentes de la société dans laquelle nous vivons actuellement, ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres régions productrices, compte tenu de leur niveau de vie.
À titre d'introduction, j'aimerais également préciser que les politiques ou les orientations gouvernementales, lorsqu'on négocie des ententes de commerce, doivent tenir compte des marchés intérieurs et de la façon dont ils fonctionnent et, en même temps, tenir compte des préoccupations particulières liées aux marchés extérieurs. Il faut tenir compte, lors des négociations, des façons de faire qui existent dans notre pays, fondées sur l'accompagnement au secteur agricole sous forme de soutien à des mécanismes de mise en marché. Nous avons même des lois et un volet réglementaire, comme les lois qui encadrent la mise en marché collective et qui permettent d'aller aussi loin que la mise en œuvre de mécanismes de gestion de l'offre. Il y a, par la suite, toutes les politiques qui font en sorte qu'on appuie l'agriculture au moyen d'aides ou de soutiens financiers.
Dans un premier temps, nous allons discuter un peu plus des contraintes qu'ont entraînées les deux dernières négociations auxquelles a participé le Canada, à savoir l'entente du PTP et l'entente commerciale conclue avec l'Europe.
En ce qui concerne la gestion de l'offre, ces deux ententes sont assorties de contraintes assez importantes et pourraient entraîner des pertes de revenus pour les agriculteurs du Canada qui sont assujettis à cette forme de soutien de l'État — ce qu'on appelle le volet réglementaire. Dans ce contexte, le gouvernement canadien, dans le cadre de ses négociations extérieures, doit se doter de politiques équitables. Oui, nous reconnaissons que les négociations qui ont lieu font en sorte de protéger notre capacité d'exporter face aux autres pays, dans le sens où, si le Canada ne participe pas à ces négociations, nous risquons de nous voir isolés et écartés des ententes que négocient les autres pays entre eux. Nous n'avons pas d'autre choix que celui d'être présents.
Par contre, en même temps, il faut tenir compte des éléments qui ne sont pas négociés ou qu'on oublie souvent d'inclure dans ces négociations bilatérales. En effet, nous oublions souvent de nous pencher sur le volet relatif aux aides et aux soutiens financiers. Nous avons tendance à ouvrir l'accès à nos marchés, mais nous oublions de discuter des subventions d'État dont bénéficient les producteurs des autres pays. Dans le cadre des deux dernières ententes commerciales, le volet lié à nos produits, qui est soumis à la réglementation de la gestion de l'offre, a été inclus dans ces ententes. Cela ouvre des brèches et cause des préjudices aux secteurs d'activités touchés. Il sera donc important pour nous de nous doter des mécanismes permettant de compenser les pertes de revenus agricoles, le moment venu. Nous avons toujours des doutes quant à la capacité, à la volonté ou à la détermination du gouvernement d'élaborer ces mécanismes, même si on nous l'a assuré. Nous avons besoin que cette volonté soit déterminée.
Je dois vous rappeler que nous sommes une agriculture nordique, et c'est la raison pour laquelle nous vous présentons un tableau qui met en évidence, dans les autres pays de l'OCDE, le soutien offert aux producteurs sous forme de paiements directs et sous forme de mesures de soutien des prix. Nous pouvons constater, dans le cas du Canada, en ce qui concerne le soutien direct aux agriculteurs, que nous sommes largement en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE. Même en incluant les soutiens réglementés, le Canada fait toujours figure de parent pauvre parmi les pays de l'OCDE en ce qui a trait à l'ensemble du soutien qu'il offre à son secteur agricole, et ce, même s'il s'agit de pays comme la Norvège et la Suisse, dont les climats sont sensiblement comparables au nôtre en termes de nordicité.
Je voudrais aussi rappeler que, dans le cadre des règles liées au commerce, certaines contraintes sont souvent oubliées dans les négociations. Plusieurs de ces contraintes sont liées à des normes de salubrité de produits émanant d'exigences imposées par certains pays et qui ont pour effet d'entraver les échanges commerciaux, là où ils pourraient se faire de façon plus naturelle.
Nous avons créé un tableau qui comporte des exemples, notamment le Farm Bill de 2014 aux États-Unis qui est axé sur l'aide financière aux producteurs laitiers. Si on examine les exigences liées au COOL (Certaines prescriptions en matière d'étiquetage indiquant le pays d'origine) de 2008 à 2015, certaines ont été abolies, mais seulement dans les secteurs du porc et du bovin. D'autres secteurs, notamment l'agneau et la volaille, sont aux prises avec des contraintes sévères au chapitre des exportations vers les États-Unis. Ces derniers mettent en place des politiques d'aide financière pour la filière sucre, et certains de leurs produits sont contingentés. Chaque pays applique des règles différentes afin de soutenir ou de protéger les récoltes ou les produits qui sont plus sensibles.
Au Québec, nous mettons l'accent sur la gestion de l'offre. Plus de 40 p. 100 de l'exploitation agricole au Québec bénéficie de la gestion de l'offre. Les consommateurs dénigrent la gestion de l'offre. Selon eux, l'abolition de la politique de la gestion de l'offre dégagerait des économies importantes. Nous vous présentons donc un tableau comportant différents prix de produits qui sont vendus dans le monde entier en fonction de la gestion de l'offre, notamment le lait. Nous avons comparé les prix du lait, du yogourt, du fromage et des œufs vendus à Toronto par rapport à d'autres villes dans divers pays. Le tableau nous indique que nos consommateurs, en moyenne, ne paient pas plus cher leurs produits que dans d'autres régions qui sont sous le système de la gestion de l'offre. En outre, il est intéressant de constater que, malgré ces règles, nous avons réussi à réaliser des économies dans la globalité de la mise en marché, ce qui fait en sorte que nos consommateurs ont accès à des produits de qualité supérieure à des prix comparables.
En conclusion, l'agriculture concurrentielle est possible lorsqu'on fait intervenir plusieurs facteurs importants. Dans un premier temps, il y a l'accès à la main-d'œuvre. Nous remarquons que certains pays appliquent des règles beaucoup plus souples en matière d'accès à la main-d'œuvre. Les États-Unis sont plus conciliants en ce qui concerne les salaires et les avantages sociaux des travailleurs non reconnus. Donc, il importe d'instaurer des mesures efficaces sur le plan de la main-d'œuvre et des politiques qui favorisent l'accès à la main-d'œuvre étrangère temporaire de manière adéquate et équitable.
Nous souhaitons également assurer des contrôles aux frontières. À l'heure actuelle, dans le secteur des produits laitiers, il existe des détournements quant aux appellations. Nous traitons le lait de façon différente, ce qui fait en sorte que l'appellation ne correspond pas à la définition. Il y a des changements à apporter aux définitions liées à la réglementation, notamment en ce qui concerne le lait diafiltré. Il est urgent que nous puissions régler ce problème.
Il est nécessaire aussi d'obtenir de l'aide pour la recherche et l'innovation, et de bénéficier d'une couverture contre les risques liés aux conditions climatiques, car ce sont des facteurs que nous ne pouvons contrôler. Pour employer notre jargon, il s'agirait d'assurances récoltes ou de programmes Agriprotection. Il importe aussi de mettre en place des programmes d'assurance qui appuient les marchés lorsqu'il y a un déséquilibre de l'offre et de la demande, notamment les initiatives Agri qui reposent sur les programmes Agri-investissement ou Agri-stabilité. À une époque, nous avons bénéficié de couvertures de risques plus élevées. Or, dans le cadre du programme Cultivons l'avenir 2, la couverture a été réduite. Nous demandons que les couvertures de risques soient bonifiées comme à l'époque du premier volet du programme Cultivons l'avenir, soit des agri-investissements de 1,5 p. 100. À l'heure actuelle, ils se chiffrent à 1 p. 100. Nous souhaitons aussi que les aides au titre du programme Agri-stabilité, qui sont passées de 85 p. 100 à 70 p. 100, soient augmentées à 85 p. 100. Nous comprenons pourquoi le programme Agri-stabilité avait réduit son soutien à 70 p. 100, en fonction des revenus admissibles sur des moyennes historiques. Lorsqu'il y a des périodes où les revenus dépassent les coûts de production, cela fait en sorte que l'on peut recouvrir des montants d'argent même si les prix n'ont pas atteint une période un peu plus critique pour les entreprises agricoles.
Bref, il est essentiel de mettre en place une couverture de risques de 85 p. 100 dans le cadre du programme Agri- protection et de fixer des balises par rapport à l'aide financière octroyée par entreprise afin d'accorder une sécurité à la majorité de nos entreprises à un niveau intéressant.
Il importe aussi de conclure des ententes commerciales, notamment en ce qui concerne les nombreuses contraintes liées à la phytoprotection. L'agence canadienne responsable doit assouplir ses règles afin de permettre aux agriculteurs de percer les marchés, notamment en ce qui concerne l'aide de l'État. Il y a 75 ans environ, les économistes agricoles avaient comparé l'économie agricole et l'économie normale de marché. De son côté, l'UPA a demandé à l'Université Laval d'examiner la problématique observée il y a 75 ans pour déterminer s'il y a encore des écarts. Mme Catherine Brodeur arrive à la conclusion que cette problématique est toujours présente. Nous vous transmettrons cette étude afin que vous puissiez proposer des recommandations d'accompagnement pour le secteur agricole.
Les caractéristiques liées à la problématique agricole font référence au cycle de production, lorsqu'il est difficile d'ajuster la production à court terme. Lors de l'ensemencement au printemps, nous n'avons aucune idée si nos récoltes seront bonnes ou mauvaises. Comme ils ne connaissent pas les récoltes des autres régions, les agriculteurs ne peuvent pas prendre de décision de dernière minute en ce qui concerne leur capacité d'ensemencement ou de production.
Il y a aussi la problématique liée aux produits périssables. Nous ne pouvons pas retenir nos produits jusqu'à ce que le marché s'améliore du point des ventes et des prix. Nous n'avons pas de capacité de rétention de nos produits. Malheureusement, nous n'avons aucun contrôle sur les conditions climatiques et les effets ravageurs. Or, ces problèmes risquent de s'aggraver dans un proche avenir en raison des changements climatiques. Les innovations technologiques comportent aussi des risques importants, notamment une baisse des coûts, une hausse de la production et une diminution des revenus. Cela fait en sorte que, dans plusieurs cas, l'offre arrive beaucoup plus rapidement que la demande et pas au même rythme d'une région à l'autre. Tout cela dépend de la capacité du milieu à intervenir dans son secteur au niveau de l'offre.
Quant à la demande, il n'est pas vrai qu'il y a une inélasticité des prix en raison du fait que la demande est limitée. Maintenant, en ce qui concerne les prix et les revenus, il n'y a pas d'augmentation des revenus liée à la demande. Les entreprises agricoles sont de petites entreprises dans le déséquilibre qui existe avec les transformateurs, qui sont en grande partie de grandes entreprises, des multinationales. En terminant, une bonne politique agricole est essentielle si nous voulons continuer à développer l'agriculture canadienne, et nous devrons l'accompagner comme il se doit.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Lemieux. Nous allons faire un exercice de questionnement. Je vais vous demander, honorables sénateurs, de limiter la longueur de vos questions, et à vous, monsieur Lemieux, d'être plus court dans vos réponses afin que nous puissions faire le tour durant la période des questions.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Monsieur Lemieux, merci beaucoup de votre exposé. Il était très approfondi.
Je suis toujours impressionné quand des gens de la gestion de l'offre viennent ici parler de leur soutien au commerce international, au PTP ou à l'accord de libre-échange avec l'Europe. Je pense que c'est une attitude très raffinée et mature à laquelle bien des personnes autour de la table ne s'attendaient probablement pas. Cependant, je comprends aussi vos préoccupations concernant certains aspects des accords. J'appuie sans réserve la gestion de l'offre.
Je dirais, cependant, que l'un des problèmes de la gestion de l'offre, c'est ce que vous avez dit à propos des personnes qui pensent que retirer la gestion de l'offre mènera à la baisse des prix; en fait, ce qui arriverait, si vous retiriez la gestion de l'offre, c'est que le nombre d'exploitations agricoles au Canada diminuerait.
L'une des difficultés qu'ont les gens dans la gestion de l'offre, c'est de continuer à expliquer aux Canadiens la valeur de la gestion de l'offre — le ministre des Finances n'avait rien dans son budget, l'autre jour, à propos d'argent destiné à la gestion de l'offre. Vous vous financez vous-mêmes. C'est un problème très réel. Le tableau que vous nous avez fourni montre le coût de certains produits — yogourt, œufs, fromage, et cetera — dans diverses villes, et c'est très utile parce qu'on voit que nous sommes très concurrentiels. On compare Toronto à des endroits comme Baltimore, Lyons, Christchurch, et cetera. Je vous en remercie.
L'un des problèmes qui ont surgi, c'est qu'avec l'imposition du PTP et de l'accord européen, il y aura des pertes et des risques concernant certains produits dont l'offre est soumise à une gestion, notamment les produits laitiers. On propose aussi qu'un certain montant de compensation soit consenti par le gouvernement du Canada, qui verserait de l'argent à l'industrie en guise de compensation des pertes possibles.
Ne craignez-vous pas qu'en raison de l'argent versé — qui sera bien reçu des gens du milieu de l'agriculture —, nous contrevenions à notre autre important accord de libre-échange, l'Accord de libre-échange nord-américain conclu avec les États-Unis et le Mexique?
[Français]
M. Lemieux : Oui, nous allons continuer à en faire la promotion. J'espère que nos représentants politiques nous appuieront dans cette démarche pour nous aider à faire la promotion de la gestion de l'offre et à la défendre. En ce qui concerne les subventions ou l'aide au dédommagement, elles ne devraient pas être mal accueillies. Elles sont même essentielles et font partie des conditions de l'acceptabilité des ententes négociées entre le Canada et l'Europe et le Canada et les autres pays membres du PTP. Je ne crois pas que cela entraîne des problèmes au chapitre du commerce. Peut-être que ma collègue aurait des commentaires à ajouter à ce sujet.
Marie-Ève Bourdeau, conseillère - économie, Union des producteurs agricoles du Québec : Les compensations annoncées par le gouvernement Harper, qui n'ont pas encore été confirmées par le nouveau gouvernement libéral, visaient l'AECG, l'entente conclue avec l'Union européenne, et le PTP, donc les deux accords. C'est dans le cadre de ces deux accords qu'une porte a été ouverte. Il s'agit de compensations qui permettront de couvrir les pertes de marché des productions qui sont sous la gestion de l'offre. Les autres accords que nous avons négociés jusqu'à maintenant ont permis de protéger la gestion de l'offre. Quant à ces deux nouvelles ententes, nous pourrions être indemnisés pour nos pertes.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Je comprends cela. Encore une fois, les Canadiens sont les bons gars et nous respectons les règles.
Comme nous le savons, l'élément le plus important de la ferme américaine est la boîte aux lettres, dans laquelle aboutit le chèque de Washington qui couvre toutes les subventions. Je vous comprends.
J'ai une question. Vous avez parlé de produits dérivés, en particulier du lait non filtré. Pourriez-vous nous expliquer cela un peu plus? J'ai peut-être manqué quelque chose dans la traduction. Pourriez-vous nous expliquer la difficulté liée aux produits dérivés et ce qui se produit en réalité?
[Français]
M. Lemieux : Le problème lié aux produits dérivés, c'est qu'il existe une réglementation qui détermine les produits qui doivent être contrôlés ou les volumes de produits qui peuvent passer les frontières. Par exemple, dans notre mémoire, nous faisons état d'un bon nombre de produits qui entrent au Canada, même des produits laitiers ou d'autres produits sous la gestion de l'offre, selon des volumes en pourcentage plus importants que ceux que les États-Unis laissent entrer comme produit sous la gestion de l'offre dans leur pays.
Quant au lait diafiltré, c'est l'une des façons de traiter le lait pour en modifier les composantes de sorte qu'il ne réponde pas aux critères définis dans la réglementation. Il faut améliorer la réglementation pour définir ce qu'est le lait diafiltré ou ce mélange de protéines qui se retrouve à l'intérieur des composantes du lait diafiltré. Il faut inscrire cette définition dans la réglementation pour que l'agence canadienne responsable puisse appliquer les règles de contrôle à la frontière.
À l'heure actuelle, on profite de cette faiblesse dans la réglementation, lorsqu'un produit est non identifié ou non défini, pour laisser entrer des produits qui, par conséquent, ne peuvent pas être contrôlés.
Mme Bourdeau : Lorsque les produits arrivent à la frontière, c'est l'Agence des services frontaliers du Canada qui décide de la catégorie du produit. Les produits sont divisés. Il y a des produits naturels, comme le lait, et des produits traités considérés comme étant des concentrés protéiques. Les produits naturels du lait sont contrôlés aux frontières et des tarifs sont appliqués, alors que les concentrés protéiques peuvent entrer au Canada sans tarif. Il y a une quantité importante de ces produits.
À l'époque, le gouvernement avait mis en place un système limitant l'apport de ces concentrés protéiques dans la fabrication de yogourt ou de produits transformés. Dans ces cas, c'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui examine le produit. Si elle juge qu'il s'agit d'un concentré protéique, elle limite l'apport de ces produits dans la fabrication. Ainsi, même si ces produits passent les frontières, nous avons tout de même un contrôle en ce qui a trait à la fabrication. Le problème avec le lait diafiltré, c'est que l'Agence des services frontaliers du Canada le considère comme un concentré protéique, ce qui lui permet d'entrer au pays sans être tarifé, alors que l'Agence canadienne d'inspection des aliments le considère comme un produit du lait qui n'est pas limité dans la fabrication des aliments. Voilà la problématique.
Nous, à l'Union des producteurs agricoles du Québec, nous aimerions, entre autres, que la définition du produit soit identique d'une agence à l'autre. Idéalement, le lait diafiltré serait contrôlé à la frontière, sinon, à tout le moins, il serait limité en ce qui a trait à son ajout dans la fabrication.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Vous avez expliqué cela à la perfection. Ce n'est pas un problème dont nous n'avons jamais entendu parler. Le problème, c'est qu'il faut que la main gauche sache ce que la main droite fait. Merci, madame la présidente.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je tiens à remercier nos deux invités de leur présence parmi nous ce matin. Je ne voudrais pas vous embêter avec la gestion de l'offre, mais j'aimerais comprendre quelque chose. En 2011, j'étais candidat conservateur à Saint-Hyacinthe, qui est un peu le terreau agricole dans l'Est du Canada. J'ai travaillé pendant 39 ans au sein de la Sûreté du Québec. Or, j'ai eu la chance de rencontrer les gens de l'UPA, qui m'ont bien expliqué la gestion de l'offre, et je l'ai défendue au cours de la campagne électorale.
Cela étant dit, je trouve curieux qu'en Floride, par exemple, quatre litres de lait coûtent 1,99 $, ce qui n'est vraiment pas dispendieux. Les prix des produits laitiers, des œufs et de la volaille se comparent très avantageusement aux nôtres. Plusieurs des témoins que nous avons reçus ont affirmé que ce phénomène s'expliquait, entre autres, par la qualité de nos produits. Les produits canadiens seraient de meilleure qualité. Pourriez-vous nous dire en quoi les produits laitiers canadiens sont de meilleure qualité?
M. Lemieux : L'ajout d'hormones est le plus bel exemple que je puisse vous donner. La somatropine est une hormone interdite au Canada, alors qu'elle est permise aux États-Unis. Cette hormone stimule les vaches de sorte qu'elles produisent une quantité supérieure de lait. Au Canada, cette hormone est interdite, parce que nous avons choisi d'accorder la priorité au bien-être animal.
De plus, l'environnement de production et d'entreposage du lait est beaucoup plus réglementé ici qu'il ne l'est aux États-Unis. Entre autres, les producteurs laitiers du Canada sont soumis à l'initiative proAction, une norme de salubrité et d'innocuité parmi les plus strictes au monde, ce qui fait en sorte que la qualité du produit final est garantie.
En ce qui concerne les autres produits agricoles, nous pourrions vous soumettre une liste de produits utilisés dans la production. Dans le secteur du porc, qui n'est pas un secteur contingenté, la ractopamine n'est pas permise au Québec.
Ce sont des éléments qui font que les Québécois ont accès à des produits alimentaires de qualité supérieure. On retrouve le même phénomène en ce qui concerne les pesticides et les insecticides. Bon nombre de ces produits sont interdits au Canada depuis longtemps, alors que ce n'est pas le cas ailleurs.
Le sénateur Dagenais : Dans un autre ordre d'idées, la production durable et les émanations de gaz à effet de serre sont des thèmes très à la mode ces temps-ci. D'ailleurs - à la blague -, l'ancienne vice-première ministre du Québec, Nathalie Normandeau, avait mentionné, il y a quelques années - et je vous vois sourire -, que les pets de vache contribuaient à l'effet de serre. Je ne sais pas d'où elle tirait ce renseignement, mais enfin, elle a d'autres chats à fouetter ces jours-ci.
Cela dit, dans un contexte de développement de nouveaux marchés, envisagez-vous des méthodes de production qui permettraient de valoriser le marché domestique et le marché international, tout en tenant compte d'une production durable qui n'augmenterait pas les gaz à effet de serre?
M. Lemieux : Il est sûr que nous avons beaucoup d'exigences au chapitre de la protection de l'environnement qui font en sorte de favoriser le développement durable. C'est d'ailleurs l'un des éléments dont nous demandons à nos gouvernements de tenir compte lorsqu'ils négocient des ententes commerciales.
D'autres zones de production n'ont pas nécessairement le même niveau d'avancement en ce qui concerne les règles ou les règlements en vigueur pour protéger l'environnement et favoriser un développement que nous considérons comme durable en matière d'agriculture. Ce que nous voudrions, c'est trouver une façon de limiter l'importation des produits qui ne sont pas soumis aux mêmes règles de développement durable que nous, parce que des contraintes supplémentaires sont imposées à nos gens, et nous ne sommes pas en mesure de les rémunérer à la hauteur des coûts imposés lorsque vient le temps de respecter les règles liées au développement durable. Il s'agit de contraintes supplémentaires qui sont difficiles à recouvrir au sein du marché. Il est difficile d'expliquer aux consommateurs que ces contraintes entraînent des coûts directs sur les produits dans l'alimentation. Il y a des méthodes de production, auxquelles n'est appliquée aucune contrainte environnementale, qui peuvent dégager des économies quant au prix du produit final.
Mme Bourdeau : Je voulais simplement ajouter un commentaire rapidement. Vous avez posé la question de façon générale sur l'agriculture, mais j'ouvrirais une parenthèse sur la gestion de l'offre. Par définition, la gestion de l'offre participe au développement durable dans le sens où les déplacements du commerce sont limités. Ce que nous produisons ici, nous essayons de le faire consommer à l'intérieur du pays. Nous ajustons la production selon la consommation pour répondre à la consommation canadienne, ce qui limite les déplacements et le transport des aliments.
La sénatrice Merchant : Merci beaucoup. J'ai une petite question à propos des ouvriers étrangers. Pourriez-vous nous donner plus de précisions par rapport à ce que les gouvernements devraient faire dans le dossier des travailleurs étrangers?
Mme Bourdeau : En ce qui concerne les travailleurs étrangers, nous voudrions qu'il soit plus facile pour eux de venir travailler au Canada pendant une longue période et que les délais administratifs soient allégés pour favoriser l'accès à cette main-d'œuvre étrangère par les producteurs, malgré le fait que nous préférions faire appel à une main-d'œuvre québécoise ou canadienne, qui n'est pas toujours disponible. Par exemple, parfois, ces travailleurs étrangers viennent ici pour travailler dans deux productions, étant donné que certaines productions sont étalées sur une année. Ne pourraient-ils pas travailler dans certaines productions au début de l'été et dans les vergers de pommes à l'automne? Bref, l'idée serait de favoriser ce transfert de main-d'œuvre.
M. Lemieux : Je suis d'accord avec Mme Bourdeau. La période de traitement des dossiers est actuellement très longue. Il faudrait la raccourcir. Il faut faire preuve de souplesse et être en mesure de repérer les travailleurs qui souhaitent travailler à deux endroits pour que nous n'ayons pas à faire une deuxième demande au cours de l'année. Il faut permettre aux travailleurs étrangers de travailler à deux endroits et apporter des modifications au programme pour que les Guatémaltèques puissent travailler au Canada pendant plus de quatre ans.
Comme vous le savez, l'expertise et la formation sont des éléments importants pour les travailleurs ou les ouvriers agricoles. Lorsque nous devons faire une rotation plus fréquente de ces ouvriers, la formation est toujours à recommencer. Cette contrainte de quatre ans a des répercussions financières assez importantes pour les entreprises agricoles.
[traduction]
La sénatrice Beyak : Vous avez répondu à mes deux questions. L'une portait sur le lait non filtré, et l'autre, sur les travailleurs étrangers. Cependant, j'ai l'impression d'avoir manqué quelque chose dans la traduction. Cela a diminué à 60 p. 100 et il faut que cela remonte à 80 p. 100. J'aimerais que vous en disiez un peu plus sur ce dont vous parliez.
[français]
M. Lemieux : Dans le cadre de l'entente Cultivons l'avenir, deux programmes, Agri-investissement et Agri-stabilité, ont été mis sur pied afin d'octroyer des subventions aux producteurs. Dans le cadre de la première entente Cultivons l'avenir, le programme Agri-investissement se chiffrait à 1,5 p. 100, puis il est passé à 1 p. 100 lors de l'entente Cultivons l'avenir 2. Quant au programme Agri-stabilité, il se chiffrait à 85 p. 100 dans le cadre de la première entente Cultivons l'avenir, puis il est passé à 70 p. 100 par la suite. Il s'agit d'un niveau catastrophique. L'impact stabilisateur que nous recherchions n'existe plus, et c'est devenu un programme catastrophique. Nous souhaitons relever ce taux à 85 p. 100 et limiter l'intervention des entreprises.
Le président : Avant de donner la parole au vice-président, j'aurais une ou deux questions à vous poser, monsieur Lemieux. Vous avez fait allusion à la recherche et à l'innovation. Nous savons que le secteur agricole est très compétitif et que la recherche et l'innovation demeurent importantes. Le sénateur Mercer et moi avons eu l'occasion de visiter la Faculté des sciences de l'agriculture de l'Université Laval, et un campus à Saint-Hyacinthe. En ce qui concerne la recherche et l'innovation dans ces institutions, avez-vous l'impression qu'il y a des retombées sur le terrain?
M. Lemieux : Oui, il y a des retombées importantes sur le terrain. La recherche et l'innovation financées par l'État représentent des retombées qui permettent aux agriculteurs de préserver une certaine autonomie. Si nous laissons les multinationales se charger de la recherche, cela crée une dépendance chez les agriculteurs, ce qui ne respecte pas la base des entreprises agricoles autonomes dont les propriétaires sont les gestionnaires. Nous devenons des travailleurs ou des exploitants qui dépendent toujours de quelqu'un. Éventuellement, nous n'avons plus de marge de manœuvre pour modifier nos produits ou pour décider des lieux de commercialisation de nos produits finaux. Voilà où nous en sommes. C'est la raison pour laquelle nous demandons un réinvestissement en faveur de la recherche et de l'innovation pour préserver une certaine autonomie de nos entreprises agricoles.
Le président : Votre demande est très claire. C'est le gouvernement fédéral qui accorde une grande partie des subventions aux centres de recherche et aux universités. Il faut donc continuer d'investir, d'augmenter les investissements, pour éviter que les entreprises agricoles deviennent dépendantes des grandes multinationales.
Ma deuxième question porte sur des statistiques. Ne vous en faites pas si vous ne les avez pas en main. Jetons un regard sur l'avenir, par exemple dans 20 ans. Les terres arables au Québec seront-elles exploitées en grande partie, ou en restera-t-il encore une partie qui pourrait être exploitée?
M. Lemieux : Pour ce qui est du Québec, non. Il y a encore un certain pourcentage de terres agricoles en friche. Au début des années 1950 ou 1960, la capacité de production était beaucoup plus grande qu'aujourd'hui. Bon nombre de terres ont été reboisées. Elles avaient une capacité agricole, mais compte tenu des revenus, elles étaient moins productives, ce qui décourageait les agriculteurs. Effectivement, le Québec a une capacité de production plus grande. J'imagine que dans d'autres zones de production, dans d'autres provinces aussi, il pourrait sûrement y avoir possibilité d'agrandir ou de reprendre des parts agricoles que nous avons perdues.
Le président : Si je vous pose la question, c'est certainement parce que le Canada devra produire davantage dans l'avenir pour aider les populations. À titre d'exemple, le Québec a une population chinoise qui grandit à vue d'œil, comme sa population indienne. Il y a aussi les traités dans le cadre du PTP. À notre humble avis, le Canada possède encore de nombreuses terres cultivables, qui serviraient à nourrir la population grandissante tout en aidant nos agriculteurs.
J'ai une toute dernière question à vous poser. Puisque c'est le printemps, comment se porte la récolte du sirop d'érable cette année?
M. Lemieux : La production est commencée dans les régions canadiennes les plus chaudes — on sait que le sirop d'érable se produit principalement au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et un peu en Nouvelle-Écosse. Dans les régions de l'Ontario, la production va bon train et la récolte devrait être bonne. Jusqu'à présent, on ne peut pas en prédire la quantité finale. Ce ne sera sans doute pas un record, mais la récolte s'annonce toutefois intéressante.
Dans les régions du sud-ouest du Québec, la production semble intéressante et est commencée jusqu'à la hauteur de La Pocatière. Jusqu'à maintenant, la production est intéressante et la qualité du produit est excellente.
Le président : D'après vous, les prix aux producteurs se maintiendront-ils cette année?
M. Lemieux : Oui, grâce au système de mise en marché qui a été mis en place. Toutefois, il est déplorable que les propos du ministre Paradis, en complément du rapport Gagné, ne reflètent pas la réalité économique du secteur acéricole. Le ministre Paradis n'a pas obtenu les bons renseignements. La part du marché canadien ou québécois au détriment du marché mondial n'a pas pris la courbe au bon endroit. Nous avons pris la courbe à partir de 2000, alors qu'il aurait fallu la prendre au début des années 1970 ou 1980. Nous aurions pu constater que les parts du marché du Québec ou du Canada par rapport aux parts du marché américain n'ont pas baissé et sont plutôt à un niveau stable.
[traduction]
Le sénateur Mercer : Premièrement, monsieur le président, vous avez anticipé quelques-unes de mes questions. Je tiens à ce que vous sachiez que j'ai visité une cabane à sucre, la semaine passée, au nord de Truro, en Nouvelle-Écosse. Je tiens à vous dire qu'elle était très achalandée. C'était bien de voir tant de gens s'y rendre, cette année, et acheter leurs produits.
Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je suis sur la liste pour le deuxième tour.
Je voulais revenir sur notre discussion visant la recherche. J'appuie la demande de fonds supplémentaires pour la recherche, mais seulement si vous pouvez me dire que les organisations syndicales et les organisations de gestion de l'offre — les Producteurs laitiers du Canada, les Producteurs de lait du Québec, les producteurs d'œufs et les producteurs de poulet — répondent aussi à l'appel et mettent de l'argent de côté pour la recherche. Il faut qu'elles soient parties prenantes. Il est ainsi plus facile pour le gouvernement de réagir et de prévoir des fonds pour cela si, effectivement, les secteurs touchés le font aussi.
Donc, pouvez-vous me dire si les organisations liées aux produits soumis à la gestion de l'offre consacrent de l'argent à la recherche, de même que les organisations syndicales des fédérations agricoles?
[Français]
M. Lemieux : Oui, je peux vous répondre que les producteurs du Québec sont prêts à investir des sommes en faveur de la recherche, en partenariat. Ils le font déjà et ils sont prêts à continuer à le faire.
Nous pouvons vous faire parvenir des statistiques ou des renseignements concernant les fonds investis par les producteurs au chapitre de la recherche. Vous verrez que, dans le monde agricole québécois entre autres, les producteurs ou groupes de producteurs investissent beaucoup dans la recherche. D'ailleurs, plusieurs fédérations de producteurs sont des partenaires financiers de corporations de recherche, et ce, en partenariat avec le ministère de l'Agriculture du Québec, le but étant de maintenir un niveau de recherche minimal pour conserver l'information, transmettre les connaissances et favoriser le transfert technologique.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Merci. Si vous pouvez transmettre cela à notre greffier, ce sera inclus dans notre étude.
La sénatrice Raine : Je ne suis pas membre de ce comité, mais je peux dire que j'en apprends beaucoup aujourd'hui.
J'ai une question à propos du sirop d'érable. Est-ce qu'il y a des protections dans les divers accords concernant la contrefaçon du produit, situation qui était problématique, mais qui s'améliore en raison de la nouvelle réglementation? Est-ce que les protections sont suffisantes concernant la vente de produits vendus comme étant des produits de sirop d'érable pur alors qu'ils ont été adultérés?
[Français]
M. Lemieux : Il faut comprendre que, pour des raisons de protection, aucun produit de l'érable fabriqué ailleurs n'entre chez nous. Nous exportons déjà 70 p. 100 de notre production partout dans le monde.
La problématique de l'industrie du sirop d'érable s'explique par les mesures de protection qui sont en place dans différents pays pour protéger le sucre. Ce sucre est issu soit de la production de canne à sucre ou bien d'autres produits. Les mesures contraignantes apparaissent sous forme de taxes ou de frais de douane supplémentaires qu'on impose pour empêcher la concurrence du sirop d'érable par d'autres produits sucrants, tels que la betterave et la canne à sucre.
Le défi majeur de l'industrie, c'est le respect de l'authenticité du sirop d'érable, de sa nature érable à 100 p. 100. Bien souvent, on a tendance à mélanger le sirop d'érable avec d'autres produits sucrants et à utiliser l'appellation « sirop d'érable ». Le plus difficile, c'est d'authentifier l'image et la pureté du produit.
Je ne sais pas si le produit figure au Codex Alimentarius pour faire en sorte que la définition du sirop d'érable pur soit vraiment reconnue au niveau international. Lorsque j'étais président de la Fédération des producteurs, nous avions entrepris une démarche pour le faire inscrire au Codex, mais je ne peux pas vous dire quel a été le résultat. L'élément premier, c'est de faire reconnaître l'identification à l'échelle nationale et, par la suite, d'en faire la promotion.
L'industrie, sur une base volontaire, tente d'orienter les efforts vers la création d'une étiquette de sceau de qualité. Certains instruments ont été élaborés pour détecter la présence d'adultération du produit, mais, actuellement, c'est l'industrie qui se responsabilise à ce chapitre. Il est évident que, si vous décidez d'investir avec les producteurs pour mettre en place ces contrôles, vous serez bien accueillis.
Le président : Merci, monsieur Lemieux. La sénatrice Raine a une autre question.
[Traduction]
La sénatrice Raine : L'autre chose, avec le sirop d'érable, c'est qu'il s'agit du meilleur édulcorant au monde. Il comporte de nombreux éléments naturels qui contribuent à notre santé, contrairement à la plupart des autres sucres. C'est pourquoi je trouve surprenant qu'il ne soit pas identifié séparément dans le Codex. Est-ce qu'il y a quelque chose que nous pouvons faire pour que cela se fasse?
[Français]
M. Lemieux : Comme je le disais plus tôt, je ne suis pas certain si l'inscription finale est faite ou pas. Nous pourrions le vérifier pour voir où nous en sommes. Si la démarche n'est pas rendue à l'étape de l'inscription finale du produit, nous pourrions vous envoyer une note pour vous avertir si le produit a été inscrit ou pas au Codex Alimentarius.
Vous avez raison par rapport à la qualité du produit et à ses bienfaits pour la santé. Tantôt, lorsque je vous parlais de recherche et d'innovation, je disais qu'il fallait reconnaître le travail de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec et des producteurs qui ont consenti des investissements en partenariat avec le gouvernement fédéral. Il faut le souligner, parce que beaucoup d'argent a été investi conjointement, par les producteurs et Industrie Canada, pour améliorer les connaissances sur le produit et pour le mener à un niveau de notoriété de plus en plus élevé à l'échelle internationale quant à ses bienfaits sur la santé et à ses qualités culinaires.
Le président : Sénatrice Raine, je vous invite à assister à la séance du comité à la fin mai lorsque nous recevrons le transformateur de sirop d'érable le plus important au Canada. Il pourra sans doute répondre à vos questions. Sinon, veuillez présenter une demande au greffier du comité, et nous vous ferons parvenir l'information. Il faut le dire, la sénatrice Raine a travaillé sur le dossier de l'étiquetage du sirop d'érable, et il s'agissait de la première loi en la matière au Canada.
[Traduction]
Le sénateur Moore : J'aimerais faire un suivi de la question de la sénatrice Raine. On nous a dit, il y a une semaine environ, lors d'une audience, que 90 p. 100 du sirop d'érable embouteillé au Vermont vient du Canada — du Québec, je dirais. Pensez à cela et à la question de l'étiquetage. Exigeons-nous que l'étiquette apposée sur les contenants, dans ce cas au Vermont, indique que c'est un produit du Canada embouteillé au Vermont?
[Français]
M. Lemieux : L'État du Vermont est particulier quant à la commercialisation de son sirop d'érable. D'abord, il s'agit de l'État producteur américain le plus important. C'est aussi l'État dont la très grande majorité du sirop d'érable est vendu directement aux consommateurs par les producteurs dans des kiosques le long des routes, ou encore, par la poste.
Il est vrai qu'il a élaboré une étiquette 100 p. 100 Vermont. Lorsque du sirop du Québec est vendu au Vermont, il faut indiquer sur les contenants qu'il s'agit d'un produit qui provient du Canada pour le différencier des produits du Vermont et des produits canadiens importés.
Le Vermont est un État qui importe beaucoup de sirop d'érable du Québec, parce qu'on y trouve un transformateur important. C'est la raison qui sous-tend le renforcement de l'image commerciale des produits du Vermont, à la demande des acériculteurs de cet État.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Merci. Le site web de l'UPA est très impressionnant, sur le plan des statistiques relatives au nombre d'emplois créés dans le secteur agroalimentaire, par rapport aux secteurs de la construction, du pétrole et du gaz et des finances. De plus, on applaudit sur votre site web la décision prise récemment par Québec d'adopter une stratégie visant l'agroalimentaire et de travailler de concert avec le gouvernement fédéral. Pouvez-vous me dire quelle est la valeur ajoutée de cela en ce moment et pour l'avenir?
[français]
M. Lemieux : Sur le site web de l'UPA, nous avons affiché des principes qui devraient se retrouver dans une politique agricole au Québec. Malheureusement, ou heureusement pour certains, les changements politiques font en sorte que, parfois, les politiques ne se rendent pas à terme. Donc, jusqu'à présent, le gouvernement du Québec n'a pas été capable de mener à terme une politique agricole.
Nous avons relancé le nouveau gouvernement pour qu'il élabore une politique agricole qui nous permettrait de développer une meilleure identification des produits québécois pour les consommateurs et, en même temps, pour trouver une façon de convaincre la population de l'importance de soutenir le monde agricole afin de favoriser l'acceptabilité sociale. Nous croyons qu'une politique agricole qui vise à créer une image et des produits de qualité permettrait de faire accepter plus facilement l'agriculture par les citoyens, tant en ce qui a trait au soutien qu'à la cohabitation.
En effet, la cohabitation dans le milieu devient de plus en plus difficile pour les producteurs agricoles. Nous avons certaines contraintes que certains citoyens ont de plus en plus de difficulté à accepter, comme les odeurs et le bruit. Les gens oublient et se distancent de plus en plus du monde agricole, et la population agricole est de moins en moins nombreuse au sein de la population générale. La connaissance des impacts ou des inconvénients créés par l'agriculture est de plus en plus éloignée du consommateur, et nous voudrions intégrer ces éléments dans une mesure agricole pour valoriser nos produits et faire accepter le rôle important joué par les agriculteurs dans le cadre de leur principale activité nourricière et de leur apport financier au sein du secteur.
Au Québec, et dans le reste du Canada, l'activité agricole est le secteur d'activité primaire le plus important et, combiné à la transformation, au Québec, l'agroalimentaire devient le premier secteur d'activités économiques, tant par sa valeur monétaire que par sa capacité de créer des emplois. Le défi est donc de ramener l'agriculture à un niveau de notoriété reconnu et accepté par la population, comme nous l'avons fait pour l'aéronautique. Malheureusement, lorsqu'on parle d'emplois de qualité, jamais on n'envisage un emploi dans le monde agricole. Quelle est la différence entre un ingénieur agricole et un ingénieur chez Bombardier? Il s'agit pourtant du même niveau d'emploi et de rémunération. Quelle est la contribution agronomique d'un professionnel qui accompagne le secteur agricole par rapport à un autre professionnel qui accompagne un autre secteur d'activités économiques? Jamais on ne dira qu'il y a des emplois de qualité dans le monde agricole, et pourtant, il y en a beaucoup. C'est à partir de politiques et d'orientations comme celles-là que nous serons en mesure de créer, au sein d'une population, ce sentiment d'acceptabilité et de fierté envers son agriculture.
Le président : Monsieur Lemieux et madame Bourdeau, je vous remercie de votre témoignage intéressant. Vous avez pu constater l'intérêt des sénateurs. Nous allons sans doute tenir compte de vos remarques, et nous souhaitons recevoir l'étude que Mme Bourdeau voudra bien nous faire parvenir. Nous vous souhaitons une excellente saison des sucres, de même qu'une bonne saison agricole cet été pour les membres de l'UPA.
[Traduction]
Merci mesdames et messieurs. Aujourd'hui, nous recevons Don McCabe, président de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario.
Avant que nous commencions, je vais demander aux sénateurs de se présenter.
Le sénateur Mercer : Sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Merchant : Bonjour. Je suis Pana Merchant, de la Saskatchewan.
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Moore : Bonjour. Je suis Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvy : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le président : Mon nom est Ghislain Maltais, du Québec. Je suis le président du comité. Monsieur McCabe, je vous souhaite la bienvenue au comité et je vous cède la parole.
[Traduction]
Don McCabe, président, Fédération de l'agriculture de l'Ontario : Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, de cette occasion qui est donnée à la Fédération de l'agriculture de l'Ontario de vous présenter un exposé sur l'accès aux marchés internationaux.
J'aimerais présenter la FAO, puis énoncer brièvement les sujets que j'aimerais aborder pour ensuite les parcourir, après quoi je serai ravi de répondre à vos questions.
Premièrement, qu'est-ce que la FAO? La Fédération de l'agriculture de l'Ontario représente 36 000 familles agricoles et agriculteurs à l'échelle de la province. Nous sommes un fier membre de la Fédération canadienne de l'agriculture. Nous avons l'occasion de représenter les gens qui font partie de la principale industrie de l'Ontario, soit l'agriculture.
On dit qu'il s'agit de la principale industrie de l'Ontario parce qu'elle est celle qui compte le plus d'emplois et qu'elle représente 34 millions de dollars de la contribution provinciale au PIB. La contribution de notre région à la production du pays est d'environ 25 p. 100 pour le secteur où nous faisons de l'agriculture.
Notre première ministre Kathleen Wynne, dans son rôle de ministre de l'Agriculture, a choisi de lancer un défi au secteur agroalimentaire, et nous sommes heureux de travailler à le relever. J'aimerais utiliser la déclaration qui a été faite à ce moment concernant la création de 120 000 emplois d'ici 2020 comme un élément à la base du présent exposé, car en fin de compte, la réalité de l'économie, c'est que tout est lié. Il y a l'économie. Il y a l'environnement. Il y a l'emploi. Tous ces facteurs se conjuguent pour mener à la durabilité.
Pour obtenir cette durabilité, il faut que les agriculteurs de l'Ontario, avec les autres agriculteurs canadiens en général, puissent compter sur des règles du jeu équitables, que ce soit concernant nos programmes ou notre accès aux marchés.
Enfin, la question de durabilité revient. Ce sont les trois aspects dont j'aimerais discuter.
Premièrement, en ce qui concerne les programmes, je sais que vous avez tous entendu cela avant. Il nous appartient de répéter le message, parce que c'est très important. Il faut toujours rester à jour et continuer d'aller de l'avant avec la recherche et la mise en œuvre des résultats de la recherche sous la forme d'outils de commercialisation qui nous permettent d'acheminer nos produits.
Après les programmes vient l'infrastructure, qui est aussi essentielle. En Ontario, par exemple, 20 p. 100 seulement de notre région de la province est desservie par le gaz naturel. C'est un problème pour nous, sur le plan de l'énergie. Il faut absolument faire progresser cet aspect de l'infrastructure.
On sait que le budget qui a été déposé plus tôt cette semaine prévoit des fonds pour étendre les services Internet à large bande aux collectivités rurales. Nous nous en réjouissons. Toutefois, nous devons nous assurer que cet engagement se concrétisera, parce que de nos jours, il est inacceptable que des gens n'aient pas accès à un service Internet à large bande.
Évidemment, il y a toute la question habituelle des ponts et des routes dans ces régions, mais tout cela se passe d'explications.
En ce qui concerne les programmes, la gestion des risques de l'entreprise est essentielle. Au chapitre de la concurrence, nous comptons sur les instances gouvernementales pour nous mettre sur un pied d'égalité, rien de plus. Les règles du jeu doivent être équitables, et nous devons surveiller de près l'évolution de la situation. Toujours sur la question des programmes, si l'on veut avoir accès aux marchés internationaux, il n'y a certes pas de mal à mettre d'abord de l'ordre chez soi. Les obstacles au commerce interprovincial causent bien des problèmes à nos producteurs. Je vais vous donner un exemple, qui vous paraîtra peut-être banal, mais qui représente bien la réalité. La situation est très difficile, à l'heure actuelle, pour les éleveurs de faisans de la province de l'Ontario. Ces éleveurs peuvent expédier des poussins d'un jour en Colombie-Britannique, mais ils ne sont pas en mesure de vendre leurs produits finis sur ce marché, faute d'inspection fédérale.
J'aimerais maintenant parler d'un autre programme qui a été créé sous l'ancien gouvernement, à savoir le Conseil de coopération en matière de réglementation. Puisque les États-Unis constituent l'un de nos plus grands marchés, il est crucial que nous parvenions à des accords plus vastes, que ce soit à l'égard des enjeux nord-américains liés aux changements climatiques qui nous intéressent ou non. N'empêche que nous devons établir des règles du jeu uniformes en fonction des meilleures données scientifiques possible de manière à créer des conditions analogues pour les intrants agricoles.
Enfin, je sais que le comité est bien au fait des récents accords commerciaux qui ont été signés et qui sont susceptibles d'ouvrir des débouchés. En même temps, nous ne pouvons pas les mettre en œuvre si nous avons des barrières non tarifaires qui sont soudainement érigées. À cet égard, j'aimerais aborder certains aspects tels que le type d'inspection nécessaire ou les enjeux entourant les OGM, et cetera.
Au bout du compte — et cela m'amène à mon dernier point —, il y a la question de la durabilité. Je me suis rendu à Paris pour assister à la conférence des parties. Nous avons des multinationales établies partout dans le monde. Nous prétendons pouvoir soulever les problèmes relatifs à l'exécution des engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre tout au long de la soi-disant chaîne de valeur en vue d'atteindre les objectifs mondiaux. J'aimerais croire que cette chaîne de valeur existe, mais lorsque je vois ce que les gens font pour mousser leur marque en utilisant des œufs provenant de poules en liberté — et j'ignore où l'on peut trouver de la viande qui ne contient pas d'hormones naturelles —, nous devons nous assurer d'équilibrer tout cela, autrement on va s'engager dans un nivellement vers le bas plutôt que de se concentrer à nourrir les gens au-delà de 2050 et à maximiser les ressources de l'Ontario. Comme le premier ministre Trudeau l'a dit à Davos, en Suisse, le Canada regorge de personnes ingénieuses. Je tiens à souligner que je n'ai jamais vu des personnes aussi ingénieuses que celles qui gèrent nos ressources aujourd'hui dans les secteurs canadiens de la foresterie, de l'agriculture et de la pêche. En somme, si nous ne pouvons pas miser sur ces ressources, je n'ai pas besoin d'une industrie de service ici. Je vous remercie de m'avoir permis de témoigner aujourd'hui et je répondrai volontiers à vos questions.
Le sénateur Mercer : Monsieur McCabe, je vous remercie de votre présence. Nous vous sommes très reconnaissants du temps que vous nous accordez et de l'exposé que vous nous avez présenté. Vous avez parlé du type d'inspection nécessaire et des OGM. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces deux aspects? Décrivez-moi le type d'inspection dont vous parlez et que vous aimeriez qu'on impose ou modifie. Et j'aimerais également que vous nous donniez plus de détails sur les OGM.
M. McCabe : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Tout d'abord, parlons de l'inspection. À l'heure actuelle, en Ontario, nous avons à la fois des abattoirs fédéraux et provinciaux, et dans le cas des ventes provinciales, il faut s'adresser à un abattoir provincial. Je ne vois pas en quoi on renforce la salubrité des aliments en y apposant une étiquette fédérale. Au bout du compte, nous voulons des produits qui respectent les normes les plus élevées, quoi qu'il advienne. Par conséquent, nous devons ainsi composer avec une autre bureaucratie.
Pour revenir à l'exemple des faisans que je vous ai donné plus tôt, une éleveuse de faisans m'a dit qu'elle ne peut pas espérer accroître ses activités parce que l'ACIA n'est pas en mesure d'évaluer les normes relatives aux bâtiments ou quelque chose du genre. Lorsque des représentants de l'agence l'ont rencontrée pour la première fois, ils ont dû réécrire les règles tellement elles étaient désuètes.
Pour cette raison, on peut expédier des poussins d'un jour en Colombie-Britannique, mais on ne peut pas acheminer des produits de faisan finis et congelés pour le repas d'une personne. Ce n'est pas logique. En même temps, si c'est un obstacle dans notre propre province, pourquoi voudrais-je en sortir? C'est très nuisible pour une province et un pays aussi riche que le nôtre.
En ce qui a trait aux OGM, je tiens à dire que je souhaite respecter les cultures et les besoins des autres pays. En même temps, cela ne pourrait être invoqué dans le cadre d'une entente négociée pour mettre fin aux problèmes relatifs au commerce entre ces pays si ces problèmes sont déjà cernés et réglés. En réalité, du point de vue de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, les OGM et la biotechnologie sont des outils nécessaires pour nous permettre de continuer de produire et d'offrir les meilleurs produits qui soient à la population. Les OGM sont présents dans notre système alimentaire depuis de nombreuses années. Si vous retournez en arrière et que vous examinez la façon dont on utilisait certains produits, tels que la présure, vous constaterez que tout est issu de la biotechnologie.
Au bout du compte, lorsque nous avons une discussion avec nos partenaires commerciaux, nous devons régler ces questions et nous assurer qu'elles ne referont pas surface plus tard de manière à faire obstacle à ce qui aurait pu être une possibilité prometteuse.
Le sénateur Mercer : Cette discussion sur les inspections tombe à point, parce que dans les petites provinces comme la Nouvelle-Écosse, nos établissements inspectés par le gouvernement fédéral ont fermé leurs portes. Tout ce que nous avons, ce sont des établissements inspectés par le gouvernement provincial, ce qui signifie que nos producteurs ne peuvent vendre leurs produits qu'à l'intérieur de la province. Nos marchés sont désormais fermés, même des marchés aussi proches que le Nouveau-Brunswick ou l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons du mal à accéder à ces marchés, faute d'inspections fédérales.
Il y a donc un manque à combler, et le comité devrait peut-être se pencher là-dessus à l'avenir, de sorte que les inspections se valent et qu'on ne soit pas tenu d'apposer la feuille d'érable ou le trille dans le cas de l'Ontario.
Il y a aussi la question des organismes génétiquement modifiés. Vous avez entièrement raison; nous devons respecter les cultures et les besoins des autres peuples, mais en même temps, en 2050, il y aura 9 milliards d'habitants sur cette planète. Il faudra nourrir ces gens. On peut toujours améliorer les technologies existantes, mais je ne crois pas qu'on pourra échapper au recours à la modification génétique. À mon avis, il faut remettre les choses en perspective si on veut être en mesure de produire les aliments dont nous avons besoin.
Selon vous, mis à part les organismes génétiquement modifiés, quelles mesures pourraient contribuer à accroître la production agricole dans tous les secteurs afin que nous puissions subvenir aux besoins de ces 9 milliards d'habitants?
M. McCabe : D'abord et avant tout, je tiens à dire que 40 p. 100 de la nourriture termine à la poubelle. Je peux vous garantir qu'en tant qu'agriculteur qui achète aux prix de détail, qui vend aux prix de gros et qui paie pour le transport, je m'assure de ne rien gaspiller et je fais tout pour que mes produits parviennent au marché. J'en conclus donc que le gaspillage se fait à l'autre extrémité du spectre. Ce n'est pas intentionnel, mais il reste que c'est un problème.
À l'avenir, nous devons envisager un système plus global qui tient compte de ces besoins, et cela me ramène à la question de la nécessité du gaz naturel. Le gaz naturel qui provient des sources fossilisées n'est pas un problème. La possibilité de réutiliser le gaz naturel doit se faire par l'entremise d'un pipeline.
Il est possible de mettre en place des digesteurs anaérobies, par exemple, pour réduire au minimum le gaspillage. De façon générale, la population canadienne est extrêmement privilégiée. Aux alentours de la Saint-Valentin, une famille typique canadienne de quatre personnes a gagné un revenu suffisant pour payer la facture d'épicerie pendant toute l'année, et cela comprend les actionnaires de Galen Weston.
Les agriculteurs sont payés dès les premiers jours de janvier. Cela signifie qu'au Canada, nous bénéficions d'un système d'approvisionnement alimentaire très efficace et productif, mais le grand public en demande toujours plus en matière d'agriculture. Ce n'est pas que nous ne soyons pas disposés à lui en donner davantage, mais la réalité est que quelqu'un doit payer pour ça. Nous devons donc préserver notre boîte à outils avec autant de possibilités que possible, en prévision de 2050.
Je ne m'inquiète aucunement de pouvoir nourrir la population mondiale de 2050, pourvu que nous disposions de la boîte à outils nécessaire. Nous devons maintenant nous pencher sur les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre proposées par les diverses provinces. En Ontario, nous progressons vers l'atteinte des cibles de 2030.
Je vais stocker ce dioxyde de carbone dans mes sols pour ainsi en améliorer la matière organique, et il est très important de le reconnaître. N'empêche que je devrai désormais composer avec le phosphore, responsable de la prolifération d'algues nuisibles dans le lac Érié. J'insiste sur le fait qu'une réduction de 40 p. 100 de phosphore dans ce lac est plausible, mais il serait faux de dire que nous pouvons obtenir une telle réduction dans les champs des agriculteurs. J'ai payé pour ça; je ne vais pas aller à la plage pour le visiter. Je veux être en mesure de produire de bonnes récoltes.
Encore une fois, j'ai besoin des outils nécessaires. Je parle notamment des programmes qui nous permettront de réunir tous ces éléments. Les ministères de l'Agriculture, de l'Environnement et des Ressources naturelles, de n'importe quel ordre, doivent miser davantage sur la cartographie numérique des sols pour nous permettre d'utiliser les techniques d'agriculture de précision et ainsi optimiser les possibilités en vue de 2050.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie, monsieur McCabe, pour votre réponse. Je comprends maintenant pourquoi je vois des agriculteurs en speedo à la plage.
M. McCabe : Je n'étais pas à cette plage.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vais m'attarder plutôt aux questions économiques.
On sait que le commerce international, grâce aux différents accords signés par le Canada avec l'Union européenne et le PTP, favorise l'exportation et apporte des risques financiers pour l'agriculture. Avez-vous des garanties de paiement? Par exemple, lorsqu'un producteur se lance dans l'exportation de ses produits, souvent, les gens sont à l'autre bout du monde ou chez nos voisins, les Américains. Comment cela se passe-t-il? Avez-vous déjà eu de mauvaises surprises concernant les paiements?
[Traduction]
M. McCabe : Je vous remercie pour votre question, monsieur le sénateur. Je considère qu'elle est très opportune et pertinente. Tout cela découle du fait qu'on a laissé expirer un programme de garantie de paiements s'adressant aux producteurs canadiens qui vendent leurs produits aux États-Unis. Je ne me souviens plus du nom exact de ce programme, mais l'industrie horticole doit pouvoir garantir les paiements sur ces produits.
En ce qui concerne les céréales et les oléagineux — et je peux seulement parler de la province de l'Ontario —, je sais qu'une petite partie des retenues sur mes ventes de maïs, de soja et de blé servira à établir un fonds de sorte que, si l'exploitant de silo ou le partenaire de l'industrie à qui j'ai vendu mes produits se retrouve en défaut de paiement, je peux présenter une demande et possiblement récupérer une certaine partie. Ce n'est pas une garantie à 100 p. 100, mais c'est tout de même une protection.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il s'agit d'un secteur qui nécessite des améliorations et dans lequel le gouvernement fédéral peut jouer un plus grand rôle, car évidemment, il est en première ligne de tout ce qui touche les exportations.
Il y a quelques années — au milieu des années 2000 —, si on se rendait compte qu'une cargaison de blé à destination de l'Inde n'avait pas été nettoyée convenablement, on nous la retournait. Ces types d'erreurs ne devraient pas se produire aujourd'hui. Il s'agit d'établir clairement ce qui doit être dans le bateau et éviter qu'il y ait un déclassement pour cette raison.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Nous parlons de questions économiques. Les problèmes ne viennent pas tous de l'étranger, ils viennent aussi de l'intérieur du pays. Nous savons que, parfois, il y a des barrières interprovinciales qui peuvent nuire au développement de l'industrie agroalimentaire. Comme nous devons soumettre le rapport du comité à la fin juin, auriez-vous des recommandations à nous proposer que nous pourrions insérer au rapport et qui pourraient vous aider à résoudre les problèmes les plus importants? Je crois que vous en avez, et je soupçonne qu'il y a des problèmes interprovinciaux.
[Traduction]
M. McCabe : Je suis d'accord. Il y a assurément des problèmes entre les provinces. Comme on l'a dit plus tôt, la situation dans les Maritimes n'a aucun bon sens. Si un pont relie l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas expédier des aliments de part et d'autre du pont.
Il convient de se demander comment nous en sommes arrivés à cette situation où il faut une réglementation provinciale plutôt que fédérale. À une certaine époque, j'ai obtenu un diplôme en chimie, et je peux vous garantir, monsieur le sénateur, qu'il n'y a qu'un seul atome de carbone sur le tableau périodique. J'aime seulement les verts parce que je les cultive, et je n'ai pas besoin des noirs qui sont sous terre.
En effet, je fais une distinction qui n'a aucune importance. Lorsque vous avez des inspections qui ont été mises en place et qui sont nuisibles — encore une fois, pourquoi quelqu'un achèterait-il un panier de pommes en Nouvelle- Écosse pour se rendre ensuite au Nouveau-Brunswick puis en faire une tarte à Charlottetown? Cela n'est pas logique. Encore une fois, il faut faire preuve de gros bon sens lorsqu'il s'agit du système de réglementation. À l'heure actuelle, on se retrouve avec une barrière, et ce qu'il ne faut pas oublier ici, c'est que si les agriculteurs ne font pas d'argent, ils ne pourront pas se soucier de l'environnement et ne seront pas en mesure d'offrir des emplois. La durabilité dépend des profits, de la planète et des gens, et dans cet ordre-là. Si vous ne réalisez pas de profits, vous ne pouvez pas vous occuper convenablement de votre exploitation agricole, encore moins envisager de recruter d'autres agriculteurs pour vous aider.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aurais une dernière question, monsieur le président. Je voudrais maintenant parler de la main-d'œuvre saisonnière ou de la main-d'œuvre tout court. L'année dernière, je suis allé visiter une ferme laitière dont les travailleurs venaient du Guatemala. Ils avaient des contrats de travail de quatre ou six mois et ils devaient les renouveler tous les ans. Il semble qu'il y avait des problèmes liés au renouvellement des contrats des travailleurs étrangers. Je ne sais pas si, en Ontario, vous avez connu les mêmes problèmes. Je ne sais pas si la situation a évolué, mais est-ce qu'il y aurait des solutions que le gouvernement pourrait mettre en œuvre pour éviter les retards lorsqu'il s'agit de reconduire les contrats des travailleurs étrangers et pour vous éviter en même temps de manquer de main- d'œuvre?
Parfois, il s'agissait de faire la formation des travailleurs étrangers. Lorsqu'une personne décroche deux ou trois contrats au Canada, elle est déjà formée et connaît son travail; cependant, s'il faut embaucher de nouveaux travailleurs étrangers tous les ans, il faut aussi les former. Je ne sais pas si la situation s'est améliorée ou si vous auriez des recommandations que vous aimeriez faire au gouvernement pour régler au moins une partie du problème.
[Traduction]
M. McCabe : Je recommanderais fortement que le Sénat se penche sérieusement sur cette question car elle se rapporte encore une fois à la nécessité d'avoir de la main-d'œuvre. Pour le secteur agricole, c'est un sujet d'actualité car lorsque les récoltes sont prêtes, elles sont prêtes. Les cultures doivent être récoltées au bon moment. Par ailleurs, lorsqu'il est temps de procéder à la plantation ou d'utiliser d'autres pratiques de gestion pour assurer une culture, on a besoin de main-d'œuvre.
Je veux faire une distinction ici car je pense qu'il existe deux programmes pour faire venir des travailleurs au pays. Il y a le programme des travailleurs temporaires, qui retient le plus l'attention des médias. La Banque royale et McDonald's prennent part à ce programme, et je pense que cela a eu une incidence sur le secteur agricole en raison de la façon dont d'autres industries choisissent d'y participer. Nous devons apporter des améliorations à ce programme pour offrir la possibilité à des travailleurs de venir au pays pour aider les agriculteurs, qui doivent acheter aux prix de détail, vendre aux prix de gros et assumer les coûts de camionnage.
En réalité, les Canadiens ne veulent pas travailler dans les fermes canadiennes. Ce n'est pas une question de santé et de sécurité. Nous sommes tout à fait disposés à nous assurer que les travailleurs ne sont pas exposés aux dangers. Le problème cependant, c'est que les heures de travail sont longues. Ces travailleurs doivent souvent travailler une partie de la fin de semaine, entre autres. Il y a aussi les salaires. Nous ne pouvons pas leur offrir un salaire aussi élevé que d'autres travailleurs dans certains autres secteurs, si bien que le programme de travailleurs saisonniers donne de très bons résultats depuis environ cinq décennies, si je ne m'abuse.
Le programme des travailleurs temporaires a causé du tort et entraîne maintenant des problèmes pour les fermes, qui ont du mal à conserver la main-d'œuvre dont elles ont besoin. On doit se pencher sur ce problème. Nous devons également respecter les travailleurs qui arrivent au pays pour qu'ils puissent retourner auprès de leur famille. Ils auront un bien meilleur avenir lorsqu'ils retourneront dans leur pays en ayant la possibilité de travailler dans des fermes canadiennes.
La sénatrice Beyak : Je vous remercie d'aborder cette question de façon réaliste et directe. Je suis toujours impressionnée de voir combien de gens de ma région suivent les travaux du Comité sénatorial de l'agriculture. Nous avons tous besoin de manger, et nous apprenons de nouvelles choses tous les jours.
Vous avez parlé de Davos, en Suisse. Vous avez dit que vous aimeriez croire qu'il y a une chaîne de valeur, mais vous ne savez pas à quel point elle est efficace. Dans quelle mesure sollicite-t-on votre point de vue, et à quelles négociations participez-vous pour vous assurer de faire entendre votre opinion?
M. McCabe : Eh bien, la Fédération de l'agriculture de l'Ontario participe à de nombreuses négociations, généralement à l'échelle provinciale. La Fédération de l'agriculture de l'Ontario essaie de s'engager dans des dossiers qui préoccupent le plus les gens. Elle le fait notamment en faisant appel à l'organisation mondiale des agriculteurs, ce qui fait en sorte que des organismes comme les Nations Unies peuvent limiter, lorsqu'il le faut, le nombre d'intervenants qui peuvent participer aux discussions. Nous essayons de nous faire entendre en prenant part à d'autres tribunes pour qu'un plus grand nombre de personnes connaissent notre point de vue plus rapidement.
Pour ma part, je suis le dossier des changements climatiques depuis le début avec le Protocole de Kyoto, si bien que j'ai participé à certaines conférences et réunions. Ces dernières années, les multinationales s'engagent plus vigoureusement dans ce dossier. Elles reconnaissent que le prix du carbone sera fixé à l'échelle mondiale. Elles reconnaissent également que c'est une façon d'examiner les facteurs de production, l'approvisionnement et les coûts.
Bref, si les entreprises peuvent obtenir un produit à meilleur prix, elles ont une plus grande marge de manœuvre sur leur propre territoire.
Par conséquent, lorsque de très grandes entreprises peuvent imposer leur volonté à d'autres fournisseurs, la dernière option possible est chez soi. C'est pourquoi nous essayons de nous assurer que les projets vont fonctionner, que ce soit en ce qui concerne la biodiversité, les gaz à effet de serre ou d'autres initiatives, lorsque les rôles en matière de développement durable des Nations Unies sont énoncés.
Au bout du compte, il faut examiner attentivement ce que la définition d'un agriculteur signifie dans le monde et comprendre clairement qu'elle est loin d'être la même définition qu'en Amérique du Nord. Le problème auquel je fais référence, c'est que dans le monde, il y a environ 500 millions d'agriculteurs. La superficie de leurs terres est moins d'un hectare en moyenne. Soixante-dix pour cent des agriculteurs sont des femmes. Lorsque leur conjoint meurt, elles perdent les terres.
Examinons maintenant la situation en Amérique du Nord. J'ai discuté avec un groupe samedi, et j'ai dit ceci à tous les grands-pères dans la salle qui sont des agriculteurs : « Vous êtes sur le point de prendre votre retraite. Lorsque votre grand-père a pris sa retraite, 50 p. 100 de la population canadienne cultivait encore la terre. Maintenant, lorsque vous prendrez votre retraite, c'est 1,4 p. 100 de la population. Si seulement 1,4 p. 100 d'entre nous sont agriculteurs, nous avons bien des histoires à raconter, et nous devons les raconter au plus vite. »
Si je dis cela, c'est parce que nous gérons mieux la situation que jamais auparavant. Nous examinons désormais les possibilités en agriculture de précision pour passer à l'échelle subcentimétrique pour veiller à gérer nos ressources, et nous nous assurons d'utiliser le meilleur matériel génétique et nous allons de l'avant.
Essayez maintenant de transmettre ce message aux Nations Unies, qui cherchent à lutter contre la pauvreté et à régler tous les problèmes existants, alors que bien des gens vous disent que vous êtes une vilaine personne, un moins que rien, parce que vous utilisez les technologies modernes.
Bref, nous devons nous assurer de nous faire entendre à grande échelle. Je ne vous ai pas fourni une liste exhaustive, car je serais ici beaucoup plus longtemps.
La sénatrice Beyak : Merci de nous avoir fait part de votre opinion à ce sujet et d'avoir dit à quel point l'industrie forestière, l'agriculture et les pêches sont importantes. Nous avons tous besoin de manger, et vous en avez parlé avec éloquence.
La sénatrice Merchant : J'aime moi aussi la façon dont vous présentez les choses, car c'est très clair. Vous connaissez bien le dossier. Je comprends très bien ce que vous nous dites ce matin.
Je vais maintenant aborder le sujet sous un autre angle. De nos jours, je ne sais pas si le consommateur est éduqué différemment, s'il est mieux éduqué ou s'il a un peu plus d'argent à dépenser. Mais les produits biologiques semblent être de plus en plus populaires, même s'ils sont un peu plus dispendieux, voire beaucoup plus dispendieux — je ne suis pas tout à fait certaine, car je n'achète pas ces produits. Je les vends, mais je ne les achète pas.
Vous avez mentionné les poules élevées en liberté, je pense. On semble y accorder beaucoup d'attention — nous voyons des reportages à la télévision. Nous recevons de l'information de différentes façons au sujet du bien-être des animaux.
Pouvez-vous nous dire comment les agriculteurs règlent ces questions? Certains consommateurs semblent être prêts à payer 7 ou 8 $ pour une douzaine d'œufs. L'agriculteur empoche quelle part de ce montant? Les demandes des consommateurs sont-elles difficiles à gérer pour les agriculteurs? Sont-ils rémunérés pour les efforts supplémentaires qu'ils doivent déployer pour satisfaire le consommateur?
M. McCabe : Premièrement, j'aimerais vous fournir ma définition de « consommateur ». Je vous remercie de me donner l'occasion de parler de cette question, sénatrice.
Il y a ce que l'on appelle un consommateur qui entrera dans une épicerie, examinera les produits, verra que des pommes sont 2 ou 5 cents de moins que les autres et achèteront ces pommes sans s'apercevoir que ce sont des pommes de l'État de Washington et qu'il a ignoré les pommes de la Colombie-Britannique ou de l'Ontario.
Parallèlement, on a un citoyen qui sort de cette épicerie, monte à bord de sa voiture et veut maintenant se plaindre de l'éthanol dans l'essence, alors qu'il retourne à la maison avec des steaks de bœuf nourri au maïs et arrête à un magasin d'alcool en chemin pour acheter du whiskey pour accompagner son repas.
Ce que je constate, c'est qu'il n'y a pas de différence entre les consommateurs et les citoyens. Ils n'agissent tout simplement pas — je commence à en avoir assez des gazouillis de 140 caractères où 139 des caractères sont erronés. Ce sont les propos d'une seule personne.
Maintenant, examinons ce qu'un gazouillis peut faire. Un homme a soulevé la question du ketchup de marque French et a soudainement exposé Loblaws en ce qui concerne la vente de ce produit. En l'espace de quelques jours, les tomates Leamington redeviennent populaires, et il y a une possibilité de ramener des emplois en Ontario, et ainsi de suite. Le pouvoir des médias sociaux est immense.
Mais je tiens également à préciser qu'un petit nombre de personnes qui œuvrent dans ce secteur veulent utiliser des objectifs interventionnistes. Au bout du compte, si nous envisageons l'élevage des poulets en liberté, par exemple — et je ne suis pas un expert —, je m'en remets aux producteurs d'œufs du Canada et de l'Ontario pour me fournir la meilleure information possible. Mais le fait est que nous avons des poulets qui ont été élevés précisément pour être dans des cages. Ils sont très heureux dans leur cage, car ils ne se font pas attaquer par les autres poulets, comme c'est le cas lorsqu'ils sont en liberté. Pour le démontrer, on n'a qu'à examiner la productivité. On a produit plus d'œufs sur des terres moins grandes et avec moins de ressources.
Je ne suis pas ici pour enlever la possibilité aux consommateurs d'opter pour les produits biologiques car je cultive moi-même du soja, et j'ai des contrats pour cet automne pour planter du soja à identité préservée. Si je respecte toutes les règles de production, j'obtiendrai un prix supérieur. C'est un produit à identité préservée; ce n'est pas un produit biologique.
Pour ma part, je ne ferais jamais de la culture biologique. J'aime que mes terres soient productives. Je veux utiliser tous les outils possibles.
Bref, j'estime que les consommateurs ont le droit de choisir, mais ils doivent comprendre le coût de leurs choix. Le fait est que le Canada sera l'un des six pays dans le monde qui seront en mesure d'exporter leurs produits au reste du monde. J'entends donc bien des revendications en ce qui concerne la sécurité alimentaire, mais vous avez le panier d'épicerie le moins cher au monde, vous avez le ventre plein et il y a encore amplement d'essence dans votre voiture, alors ne criez pas après moi.
La sénatrice Merchant : Je n'ai pas crié après vous.
M. McCabe : Non. Je fais référence à un petit groupe d'activistes qui tentent d'arriver comme un cheveu sur la soupe et de faire diversion. Quelqu'un doit s'assurer que l'on examine la situation attentivement, car dans les faits, si l'on veut un produit sans antibiotique, il faut se demander combien d'animaux on a perdus pour faire en sorte que les autres soient élevés sans antibiotique. On n'a pas utilisé cette pratique car c'est ce qu'on voulait. On ne cherchait pas à empoisonner le monde. On voulait assurer le bien-être des animaux. On voulait veiller à ce que ces animaux aient la meilleure vie possible.
La question de l'abattage signifie que les animaux ont eu une vie productive. Lorsqu'on nuit à la possibilité des animaux d'avoir une vie productive en ne contribuant pas à régler un problème à l'aide de médicaments ou de meilleurs abris, on méprise la vie des animaux parce que quelqu'un d'autre croyait savoir mieux.
Désolé, mais c'est un sujet qui me fait un peu sortir de mes gonds.
La sénatrice Merchant : C'est correct. Merci beaucoup.
Le sénateur Ogilvie : Je n'allais pas aborder la question des antibiotiques, monsieur McCabe, mais comme vous l'avez mentionné, je vais faire une observation. Il y a une grande distinction à faire entre l'utilisation d'antibiotiques par un vétérinaire et l'utilisation non contrôlée à grande échelle d'antibiotiques dans la nourriture pour favoriser la croissance, supposément. C'est là où le bât blesse. Je ne vais pas aborder le sujet aujourd'hui; nous l'avons étudié en détail. Il faudrait tenir des discussions.
Je veux parler de la question des OGM. Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne les attitudes déplorables entourant cette question. Je crois savoir que les céréales et d'autres produits alimentaires de base expédiés en Europe sont classés dans au moins deux catégories distinctes. La première est pour la transformation des produits en aliments pour la consommation — ce peut être des céréales qui seront transformées en farine — et la deuxième est pour l'alimentation animale. Est-ce bien cela? Y a-t-il une distinction entre les céréales expédiées en Europe pour l'alimentation des animaux et celles pour la consommation humaine?
M. McCabe : Je crois que vous avez raison, sénateur, mais je ne suis pas un expert en la matière.
Le sénateur Ogilvie : Vous ne pouvez pas répondre à la question complémentaire que je n'ai pas encore posée, qui a trait au fait que les restrictions liées aux OMG ne sont pas imposées sur les produits qui servent à l'alimentation animale, mais qu'elles le sont sur les produits qui entrent directement dans la chaîne alimentaire humaine.
M. McCabe : J'accepte votre prémisse. J'ajouterais immédiatement que lorsque je cultive un champ de maïs, je sais quels contrats je dois respecter. Je sais également que lorsque le camion de transport de céréales quitte ma ferme, en bout de ligne, cela n'a pas d'importance car pourquoi nous manquons de respect envers un animal et estimons que la vie d'un autre animal, l'être humain, est plus importante? Si un produit n'est pas bon pour un mammifère, pourquoi ne l'est-il pas pour un autre mammifère?
Le sénateur Ogilvie : De toute évidence, monsieur, c'est là où je voulais en venir avec la question. Je ne vais pas insister car je ne veux pas émettre une hypothèse qui pourrait mener à une importante conclusion. J'espérais que vous pourriez répondre directement à la question au sujet des catégories. Je ne vais pas aller plus loin.
M. McCabe : Bien franchement, ce qui me fait hésiter, monsieur, c'est la question des changements, mais aussi la question des multinationales. Si les aliments sont déjà transformés à leur arrivée, ils peuvent également être considérés comme étant une catégorie. Là encore, les choses changent, monsieur, si je ne m'abuse. Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre directement à la question.
Le sénateur Ogilvie : Pas du tout, monsieur, nous sommes sur la même longueur d'ondes à cet égard. Nous voulons connaître les faits avant de tirer une conclusion. C'est pourquoi je ne vais pas m'étendre davantage sur le sujet.
Le sénateur Moore : Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit concernant le commerce interprovincial. Je viens de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas pourquoi nous ne pouvons pas faire ces échanges commerciaux au pays. Je devrais probablement connaître la réponse à la question suivante, mais je ne la connais pas : savez-vous s'il y a du libre- échange entre les États américains?
M. McCabe : Eh bien, il y a 48 États qui sont rattachés et deux qui sont éloignés. Je crois qu'il y a surtout une libre circulation des marchandises, mais qu'il y a eu des obstacles dans le passé à la circulation de certains produits. Je sais que la circulation des produits agricoles se fait assez librement et ouvertement.
Le sénateur Moore : Si l'on exporte un produit du Canada vers les États-Unis, peut-on le faire en franchise de droits de douane?
M. McCabe : Je pense que tous les produits sont exportés en franchise de droits de douane. Il faut veiller à ce que les inspections appropriées soient effectuées, si bien que certaines cargaisons doivent être acheminées directement à la destination. On ne peut pas commencer à expédier du pain ou du lait et livrer une partie des marchandises à un endroit et une autre partie à un autre endroit. On doit respecter la souveraineté des États-Unis en autorisant qu'une inspection nationale soit faite, ce qui est tout simplement logique. Après quoi, les marchandises peuvent être acheminées.
[français]
Le président : Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie actuellement l'abolition des barrières tarifaires à l'intérieur du Canada. C'est un illogisme en soi. Nous signons des traités de libre-échange avec d'autres pays et nous sommes incapables de développer le commerce chez nous d'une province à l'autre. Si vous avez l'occasion de vous présenter devant ce comité pour exprimer votre point de vue, ce serait grandement apprécié.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : J'ai beaucoup aimé votre exposé car il était franc et direct. C'est habituellement le genre d'exposé que nous entendons de la part des intervenants du secteur agricole. Monsieur McCabe, votre déclaration d'aujourd'hui nous a été très utile, et nous vous en remercions.
Je veux également vous encourager à faire quelque chose. Lorsque vous serez de retour chez vous, si vous vous apercevez que vous avez oublié de nous dire quelque chose, il n'est pas trop tard pour le faire. Envoyez une note au greffier du comité, et il nous la fera parvenir. Nous vous serions reconnaissants de nous faire part de vos observations réfléchies sur ce sujet car nous allons l'étudier pendant un bon moment. Merci.
M. McCabe : Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs, et merci à vos collègues, de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. Je suis presque certain que vous ne m'avez pas invité pour mon apparence. Je vous suis reconnaissant de m'avoir donné l'occasion de vous fournir de l'information qui vous est utile.
Le président : Merci beaucoup, monsieur McCabe. La séance est levée.
(La séance est levée.)