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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 7 - Témoignages du 12 avril 2016


OTTAWA, le mardi 12 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 heures 7, afin d'examiner les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, et vice-président du comité. Au nom de notre président, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous. Je vais tout d'abord demander à mes collègues de se présenter à tour de rôle.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Unger : Betty Unger, d'Edmonton.

Le vice-président : Merci. D'autres sénateurs ne devraient pas tarder à se joindre à nous.

Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie du pays. En 2013, le secteur comptait pour un emploi sur huit au Canada, employant plus de 2,2 millions de personnes, et générait près de 6,7 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable en 2014 de 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires. Toujours en 2014, le Canada arrivait au 5e rang des principaux exportateurs de produits agroalimentaires à l'échelle mondiale.

Le Canada est partie à plusieurs accords de libre-échange. Actuellement, 11 accords de libre-échange sont en vigueur. L'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne, le Partenaire transpacifique et l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine ont été conclus, et des négociations relativement à huit autres accords sont en cours. Le gouvernement fédéral a entrepris des discussions préliminaires avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les États membres du Mercosur — soit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.

Nous accueillons aujourd'hui M. Dan Paszkowski, président et chef de la direction de l'Association des vignerons du Canada, et M. Jim Goetz, président de l'Association canadienne des boissons. Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. J'aimerais également souhaiter la bienvenue à la sénatrice Tardif, de l'Alberta. J'invite maintenant les témoins à prendre la parole. Leurs exposés seront suivis d'une période de questions. Chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser ses questions; ensuite la parole sera cédée à un autre sénateur. La période des questions se prolongera tant qu'il restera du temps, et le tour de chaque sénateur pourrait revenir plus d'une fois; il n'est donc pas nécessaire de se presser pour poser toutes ses questions en même temps. Pendant la période de questions, je demanderais aux sénateurs ainsi qu'aux témoins qui répondent d'être brefs et précis. Je cède maintenant la parole à M. Goetz.

Jim Goetz, président, Association canadienne des boissons : C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui et de pouvoir m'exprimer au nom de l'industrie canadienne des boissons non alcoolisées. L'Association représente plus de 60 marques de jus, d'eaux embouteillées, de boissons pour sportifs, de thés et cafés prêts à servir, de boissons nouvelles et novatrices, de boissons gazeuses, de boissons énergisantes et d'autres boissons non alcoolisées. De plus, parmi nos membres, on trouve non seulement des fabricants de boissons, mais aussi des fournisseurs d'emballages recyclables à 100 p. 100, à la fois produits et utilisés par nos compagnies membres.

L'industrie des boissons joue un rôle essentiel dans l'économie du Canada, puisqu'elle contribue à hauteur 6,5 milliards de dollars au produit intérieur brut annuel du Canada et emploie directement plus de 20 000 Canadiens dans ses 220 installations de production, bureaux et centres de distribution à l'échelle du pays. Ce nombre passe à 60 000 si on inclut les emplois indirects liés notamment à la réparation des véhicules du parc, à l'entretien des installations et aux fournisseurs de nouvelles technologies. Notre secteur génère près de 500 millions de dollars en recettes fiscales pour le gouvernement fédéral et, au total, les retombées des diverses activités de l'industrie des boissons représentent quelque 900 millions de dollars en recettes gouvernementales chaque année.

Nous appuyons également des dizaines de milliers d'autres emplois partout au Canada, dans les secteurs de l'emballage et de l'agriculture, créant ainsi de la demande pour des cultures locales et des produits faits au Canada. La vente des produits de nos membres dans les épiceries, les commerces de détail, les restaurants et les dépanneurs soutient des milliers d'entreprises indépendantes et des dizaines de milliers d'emplois dans les secteurs du commerce de détail et de la restauration dans les villes, les villages et les régions rurales.

Pour ce qui est de nos marchés d'exportation, les États-Unis sont de loin notre plus important marché. Par conséquent, nos priorités en matière d'accès aux marchés internationaux sont surtout axées sur l'amélioration constante de nos relations commerciales avec les États-Unis et sur le maintien de la compétitivité de notre industrie, particulièrement ici au Canada.

Nos exportations vers les États-Unis sont relativement concurrentielles en raison de la proximité géographique de la frontière américaine et de la similitude de nos régimes de réglementation pour les aliments et les boissons. Cela dit, le gouvernement fédéral joue un rôle clé dans la création et le maintien d'un régime réglementaire et commercial qui continue de promouvoir les produits canadiens à l'étranger.

À cette fin, nous encourageons le gouvernement à maintenir son engagement d'harmoniser davantage notre approche réglementaire avec celle des États-Unis. Plus précisément, nous appuyons les efforts déployés par la Food and Drug Administration des États-Unis et l'Agence canadienne d'inspection des aliments pour définir des stratégies visant à éliminer les entraves à la collaboration et à l'harmonisation en matière de salubrité des aliments. D'ailleurs, nous nous réjouissons de l'annonce faite par le premier ministre Trudeau, lors de sa récente visite à Washington, relativement à la création d'un secrétariat Canada-États-Unis. Notre industrie compte bien collaborer avec cet organisme dans un proche avenir.

Au-delà de l'alignement réglementaire, la réduction de la congestion des camions de marchandises aux postes frontaliers nous permettrait d'avoir un meilleur accès au marché américain et d'augmenter notre productivité. Nous appuyons les efforts du gouvernement visant à faciliter l'inspection préalable du fret routier et nous l'encourageons à déposer un projet de loi ce printemps afin de mettre en œuvre l'Accord entre le Canada et les États-Unis relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien.

Chose certaine, si on veut améliorer l'accès de l'industrie canadienne des boissons aux marchés internationaux, on doit d'abord renforcer notre compétitivité ici au Canada. Partout au pays, notre industrie fait face à des coûts accrus, tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale, en raison de règlements inefficaces et désuets, de nouveaux fardeaux réglementaires — comme dans le secteur de la fabrication et de la transformation des aliments —, et de la hausse du coût de l'électricité. Ces coûts accrus ont une incidence directe sur la capacité de notre industrie d'innover et de trouver de nouveaux produits à exporter.

Plus près de chez nous, j'aimerais parler d'un récent rapport, publié par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui laissait entendre que notre industrie devrait être assujettie à une taxe spéciale sur les boissons sucrées et édulcorées. Je ne saurais trop insister sur les dommages potentiels qu'une telle taxe pourrait avoir sur notre présence économique ici au Canada. Dans de nombreux pays où une telle taxe a été introduite, on a observé des pertes financières et des pertes d'emplois.

Le Danemark et le Mexique ont tous deux expérimenté cette taxe, et les résultats sont sans équivoque. Il n'y a eu aucune répercussion positive sur la santé. Une récente étude menée par un partisan de la mesure fiscale au Mexique a été évoquée dans ce rapport du Sénat sur l'obésité et a conclu que depuis sa mise en œuvre, on avait constaté une réduction de cinq à sept calories par jour dans un régime alimentaire moyen de 3 000 calories. L'étude ne s'est pas penchée du tout sur les solutions de remplacement.

Une récente étude réalisée par l'Université autonome du Nuevo León, au Mexique, a révélé que l'introduction de cette taxe avait entraîné la perte de 10 000 emplois au Mexique. De plus, après 18 mois seulement, le Danemark a aboli sa taxe sur le gras et a renoncé à la création d'une taxe sur le sucre, citant un fardeau administratif, la perte de 1 200 emplois et aucun résultat mesurable positif pour la santé.

Il convient également de mentionner que la taxe mexicaine, vantée comme une réussite phénoménale, s'applique non seulement aux boissons, mais aussi à de nombreux autres produits alimentaires. Il s'agit d'une taxe sur le panier d'épicerie, ce qu'on oublie souvent. Ce type de taxe rétrograde qui nuit à l'emploi est la dernière chose dont notre industrie a besoin, alors que nous essayons de nous sortir d'une situation économique précaire.

Appliquer une taxe sur un seul produit face à des préoccupations au sujet d'un dossier aussi complexe que l'obésité pourrait être dévastateur pour notre industrie et les nombreux emplois bien rémunérés et ouvrant droit à pension dans toutes les régions du pays.

Pour conclure, même s'il y a encore du travail à faire pour réduire notre fardeau réglementaire et accroître notre compétitivité financière ici au Canada, nous apprécions les récents efforts déployés par le gouvernement fédéral pour améliorer et parfaire nos relations commerciales avec les États-Unis. Nous espérons pouvoir continuer à faire croître notre industrie ici au Canada pour nos exportations futures.

Je répondrai volontiers à vos questions. Je vous remercie, encore une fois, de m'avoir donné cette occasion de comparaître devant le comité.

Le vice-président : Merci, monsieur Goetz. Monsieur Paszkowski, allez-y, je vous prie.

Dan Paszkowski, président et chef de la direction, Association des vignerons du Canada : Merci, monsieur le président, et bonjour à tous. Je suis le président-directeur général de l'Association des vignerons du Canada, aussi appelé l'AVC.

Notre association est le porte-parole national de l'industrie canadienne du vin. Nos membres représentent 90 p. 100 de toute la production vinicole canadienne et ils sont actifs dans l'ensemble de la chaîne de valeur, incluant la culture de la vigne, la gestion agricole, les vendanges, la production de vin, la mise en bouteilles, la vente au détail, la recherche et le tourisme.

La plupart d'entre vous connaissent la formidable histoire de l'industrie vinicole, qui a réussi à survivre et à prospérer après la mise en place de l'ALENA. Nombreux sont ceux qui avaient prédit que l'Accord de libre-échange conclu entre le Canada et les États-Unis entraînerait l'effondrement de notre industrie, mais le leadership de l'industrie et le soutien du gouvernement ont permis à l'industrie vinicole d'assurer la transition et de renforcer sa résilience au sein d'un marché en pleine évolution. Mais c'était il y a 25 ans, à l'époque où le Canada comptait environ 50 établissements vinicoles. Aujourd'hui, 671 établissements vinicoles sont en exploitation au Canada, et notre succès futur sur le marché mondial est toujours étroitement lié à notre croissance et à notre succès au pays.

Le Canada est un producteur de vin de marque à l'échelle mondiale, et le pays produit des vins de table, des vins mousseux et des vins de glace de haute qualité qui ont remporté de nombreux prix. L'industrie contribue à hauteur de 6,8 milliards de dollars à l'économie nationale, elle permet de maintenir 31 000 emplois et elle attire chaque année plus de 3 millions de touristes. De plus, les vignerons canadiens participent activement à l'économie mondiale : en 2015, leurs exportations vers une quarantaine de pays ont atteint une valeur de 74 millions de dollars — comparativement à 20 millions de dollars en 2005.

Nous avons mis en place une stratégie nationale d'exportation qui vise à tirer profit des débouchés internationaux pour les vins canadiens. Plus récemment, 22 exploitations vinicoles de la Nouvelle-Écosse, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont présenté leurs vins sous la bannière des « Vins du Canada » en Allemagne à l'occasion du ProWein, le plus important salon des vins du monde. Cet événement fut un grand succès.

Il est juste de dire que les vignerons de partout au pays appuient le maintien d'un environnement commercial concurrentiel et juste à l'échelle mondiale, et ils en reconnaissent les nombreux bienfaits pour l'industrie, les consommateurs et l'économie en général. L'industrie canadienne du vin prévoit qu'elle pourra, dans le cadre de l'Accord économique et commercial global, mieux connu sous l'acronyme AECG, et du Partenariat transpacifique, le PTP, établir des relations préférentielles avec ses plus importants partenaires commerciaux, ce qui lui donnerait un meilleur accès à 1,3 milliard de consommateurs.

Les pays membres de l'AECG et du PTP comptent pour 98 p. 100 du volume actuel des exportations de vin canadien, en partie parce que le Canada profite déjà d'un accès libre de droits aux États-Unis, au Mexique, au Chili et au Pérou. Mais l'industrie peut encore se développer.

Bien que nos exportations soient actuellement très faibles vers l'Union européenne, celles-ci représentent un marché important et prestigieux pour notre industrie. Contrairement à d'autres secteurs agricoles, le Canada a conclu en 2004 un accord sur les vins et spiritueux avec l'UE, et cet accord a été incorporé à l'AECG en tant que chapitre distinct. De plus, puisque les négociations liées à l'accord sur les vins et spiritueux avaient eu lieu au préalable, la majorité des enjeux commerciaux avaient déjà été abordés avant le lancement des négociations entourant l'AECG, notamment en ce qui a trait à la reconnaissance mutuelle des pratiques œnologiques, à la protection des indications et des termes géographiques et à l'établissement d'une définition commune pour le vin de glace. Par conséquent, l'impact de l'AECG est en grande partie lié aux réductions des droits sur le vin.

En vertu du PTP, l'industrie canadienne du vin profitera de nombreuses retombées immédiates et tangibles, notamment la diminution des tarifs douaniers, qui sont coûteux, une meilleure protection pour le vin de glace authentique et la simplification des obstacles techniques et administratifs complexes qui nuisent au commerce. Environ 96 p. 100 de la valeur de nos exportations de vin dans le cadre du PTP concerne les États-Unis; cependant, l'intérêt et la demande des consommateurs de l'Asie-Pacifique pour les vins de marque augmentent rapidement, et cette région représente donc un marché potentiel important pour les vignerons canadiens.

Si le Canada était exclu du PTP, ce sont certains des pays exportateurs de vin les plus ambitieux qui profiteraient de ces négociations, notamment l'Australie, le Chili, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, et les vignerons canadiens seraient alors grandement désavantagés.

Les pays membres de l'AECG et du PTP sont tous prêts à obtenir une plus grande part du marché canadien. Ils détiennent déjà une grande part de leurs marchés nationaux, et ils veulent accroître leurs parts à l'échelle internationale; leurs yeux sont donc tournés vers le Canada.

Le marché canadien se classe deuxième au monde au chapitre de la vitesse de croissance : la consommation de vin y augmente trois fois plus vite que la moyenne mondiale. Le Canada est le sixième importateur de vin du monde et, au cours de la dernière décennie, les importations ont représenté 75 p. 100 de la croissance des ventes de vin au Canada, lesquelles se chiffrent à 150 millions de litres. Et on prévoit que la demande canadienne en vin augmentera de 50 millions de litres, soit 11 p. 100, d'ici 2018, ce qui rendra notre pays de plus en plus attirant pour la concurrence étrangère.

Pour que l'industrie canadienne du vin atteigne son plein potentiel, les décideurs et les dirigeants politiques doivent reconnaître que les pays de l'AECG représentent 43 p. 100 du volume de vin importé au Canada et que les pays du PTP représentent 46 p. 100 de ce volume, soit un total de 89 p. 100 de toutes les importations de vin au Canada.

Nos concurrents investissent annuellement des millions de dollars pour la commercialisation de leurs produits dans les sociétés provinciales des alcools. Récemment, le Globe and Mail a signalé que les ventes à l'exportation de vins de la Nouvelle-Zélande vers le Canada avaient connu une hausse de 18 p. 100 en 2015, dépassant les 92 millions de dollars. Et ce résultat a été observé avant même l'élimination complète des droits sur les importations qui entreront en vigueur avec le PTP.

D'un autre côté, la part du marché intérieur de l'industrie canadienne du vin atteint seulement 32 p. 100 — 10 p. 100 pour nos vins de marque —, ce qui représente la part la plus faible parmi toutes les régions productrices de vin à l'échelle mondiale. Cette part doit augmenter de façon significative pour que nous puissions investir davantage dans le développement des exportations et tirer profit des nouveaux accords de libre-échange.

L'industrie canadienne du vin salue l'élimination des droits et des obstacles commerciaux non tarifaires, mais compte tenu des avantages commerciaux que procurent ces importants accords de libre-échange à nos concurrents, la ratification doit être accompagnée d'un soutien fédéral pour que l'industrie canadienne du vin puisse s'ajuster, se préparer et tirer avantage de la mise en œuvre des accords.

Nous recommandons fortement la mise en place d'un régime fiscal concurrentiel qui appuiera et favorisera la hausse de l'investissement privé dans les infrastructures, et nous invitons le gouvernement fédéral à faire preuve de leadership en vue d'améliorer l'accès au marché intérieur, notamment par la refonte et la modernisation de l'Accord sur le commerce intérieur et par l'élimination des barrières interprovinciales au commerce du vin. Ensemble, ces mesures aideront à stimuler l'innovation et l'investissement des entreprises, à améliorer notre position concurrentielle et à accroître notre part du marché intérieur, et elles permettront à notre secteur de tirer avantage des nouveaux débouchés à l'exportation.

Merci beaucoup.

Le vice-président : Merci, messieurs. Avant d'amorcer la période de questions, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la sénatrice Merchant, de la Saskatchewan, au sénateur Plett, du Manitoba, au sénateur Oh, de l'Ontario, à la sénatrice Beyak, de l'Ontario, et à la sénatrice Tardif, de l'Alberta.

J'aurais deux brèves questions à vous poser, et ce seront mes deux seules questions de la soirée.

Monsieur Paszkowski, ces dernières années, nous avons assisté à des désaccords entre les provinces concernant le commerce et le transport des boissons alcoolisées. Certaines provinces ont mis en place des lois qui interdisent l'achat et le transport interprovincial d'alcool. Certaines provinces permettent à leurs résidants de commander des vins canadiens directement auprès des établissements vinicoles de partout au Canada et de se les faire livrer à domicile.

Je vais poser mes deux questions en rafale. Où en sommes-nous exactement? Quels changements sont apportés ou sont en voie de l'être, et selon vous, quelle sera l'incidence d'une telle réglementation sur notre capacité de promouvoir et de vendre nos produits sur notre propre marché, avant même de parler de marchés internationaux?

Ma deuxième question s'adresse à M. Goetz, et vous ne devinerez jamais sur quoi elle porte. En ce qui a trait à vos commentaires au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dont le président est ici ce soir, je vais lui laisser le soin de s'occuper des détails. Toutefois, avez-vous analysé les conséquences que cela pourrait avoir au sein de votre industrie et d'autres secteurs semblables, non seulement du point de vue du commerce local, mais aussi du commerce international? En quoi cette taxe nuirait-elle à votre capacité de promouvoir et de vendre vos produits sur le marché, et quel a été l'effet de la mise en œuvre d'une telle mesure fiscale dans d'autres pays? Vous nous avez donné un exemple. En avez-vous d'autres?

M. Paszkowski : Comme vous le savez tous, en 2012, le projet de loi C-311 a été adopté, et le gouvernement fédéral a modifié la Loi sur l'importation des boissons enivrantes. C'était la première fois qu'on modifiait cette loi en 80 ans. Le projet de loi a été adopté à l'unanimité dans les deux chambres.

Depuis lors, trois gouvernements ont pris des mesures. Le Manitoba, la Colombie-Britannique et la Nouvelle- Écosse, pas plus tard que l'été dernier, ont ouvert leurs frontières pour permettre la livraison directe de vin d'une province à l'autre, sans condition. Aucune des autres provinces n'a emboîté le pas pour l'instant. La plupart d'entre elles ont apporté une modification à la réglementation ou ont mis en place une politique permettant à leurs résidants de rapporter une caisse de vin chez eux, dans la mesure où ils la transportent eux-mêmes.

À mon sens, cela ne suffit pas. Même si je suis dans l'industrie vinicole et que j'ai beaucoup de représentants en Colombie-Britannique, je me rends dans cette province peut-être deux fois par année, ce qui me donne le droit d'acheter deux caisses de vin de la Colombie-Britannique par année. Je crois que j'ai beaucoup plus de chance que la majorité des Canadiens.

C'est problématique, parce que c'est le seul moyen que nous avons de commercialiser nos produits auprès de nos clients et de les fidéliser partout au pays. Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, compte tenu de la population et de l'industrie vinicole en croissance dans cette province — et c'est sans compter le fait qu'il y a de nombreux consommateurs de rhum —, cela pose problème. Comment cette industrie peut-elle croître si elle ne peut pas vendre ses produits? La seule option qui s'offre à elle, c'est de vendre ses produits au million de consommateurs qui habitent dans la province ou de les exporter. Elle ne peut pas développer la fidélité de ses clients à l'échelle du pays, à moins qu'une autre société des alcools décide de commercialiser ses produits. Nos vins de qualité supérieure dans les sociétés des alcools du pays n'occupent que 6 p. 100 du marché.

Le vice-président : Je dirais que les Néo-Écossais parmi nous ne boivent pas que du rhum; ils boivent également une bonne quantité de vin.

Monsieur Goetz, pourriez-vous répondre à mon autre question?

M. Goetz : Ce concept de taxe sur les boissons est relativement récent, alors il n'a été mis à l'essai que dans quelques pays. Je peux revenir sur les deux exemples que j'ai donnés plus tôt. Au Mexique, soit le cas le plus récent, la taxe ne s'applique pas uniquement aux boissons; elle vise également les grignotines et divers articles d'épicerie.

Selon les études préliminaires réalisées jusqu'à maintenant — certaines financées par l'industrie; d'autres indépendantes, dont une menée par une personne qui a contribué à la conception du régime fiscal au Mexique —, il n'y a eu aucune répercussion positive sur la santé. Au mieux, on a assisté à une réduction de cinq à sept calories par jour dans un régime alimentaire mexicain moyen. Visiblement, la taxe ne donne pas les résultats escomptés.

Du côté des emplois, cependant, tout indique déjà qu'il y a des pertes d'emplois importantes dans le secteur des boissons au Mexique. Encore une fois, l'étude que j'ai citée nous provient de l'Université de Nuevo León. D'après cette étude, la taxe aurait donné lieu à la perte d'environ 10 800 emplois, et c'est seulement dans les premiers jours de sa mise en œuvre.

Dans le cas du Danemark — les faits ont été bien démontrés, étant donné que cela fait plus longtemps —, on a d'abord introduit une « taxe sur le gras » qui s'appliquait aux produits contenant du gras saturé. On allait ensuite augmenter cette taxe et l'appliquer également aux produits riches en sucre.

La « taxe sur le gras », qui vise une bien plus grande proportion des calories du régime danois que les boissons sucrées, par exemple, a coûté 1 200 emplois. Elle a donné lieu à une augmentation considérable des achats outre- frontière et, sur le plan administratif, elle a été très difficile à mettre en place. Même une boîte de hareng pouvait être taxée de différentes façons, selon si le hareng se trouvait dans l'huile ou non. C'était très lourd à administrer. On a assisté à la perte de 1 200 emplois, et c'était avant que la taxe soit pleinement mise en œuvre. La taxe a donc été abolie par un vote quasi unanime au Parlement 18 mois plus tard, et on a finalement renoncé à la création d'une taxe sur le sucre. Ce sont les deux exemples que j'ai pour l'instant.

Encore une fois, l'industrie des boissons est une industrie où on a observé une diminution des calories. Au cours des 10 dernières années, les calories provenant des boissons consommées par les Canadiens ont diminué de 20 p. 100. C'est un fait. Ce sont les chiffres que nous a donnés Statistique Canada. Parallèlement, le taux d'obésité n'a pas cessé d'augmenter, ce qui est très contradictoire.

Au sein de l'industrie, nous avons des emplois de première ligne, à temps plein, ouvrant droit à pension et syndiqués, pour la plupart, et tout cela pourrait être mis en péril pour expérimenter une taxe qui s'est révélée inefficace et qui risque de nuire à notre industrie.

Le sénateur Plett : Vous avez en quelque sorte répondu à ma première question, mais je voudrais pousser la réflexion un peu plus loin.

Comme le président l'a indiqué, je suis originaire du Manitoba. Il n'a pas été difficile pour le Manitoba d'ouvrir ses frontières aux producteurs de vin parce que nous ne sommes pas reconnus pour produire du bon vin. En fait, la décision a plutôt été facile à prendre. Ce ne sera pas forcément la même chose en Colombie-Britannique et, évidemment, en Ontario. Selon vous, y a-t-il des chances que ces provinces aillent dans le même sens?

Je vais poursuivre dans cette même veine. À quel point cela pourrait-il vous aider? Vous avez énuméré une série de problèmes, notamment en ce qui a trait aux vins de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande qui sont importés ici. J'aime bien les vins australiens, mais j'aime également les vins de la Colombie-Britannique. Je pense que l'Okanagan produit quelques-uns des meilleurs vins, et j'estime que nous pouvons faire concurrence aux vins australiens. Alors comment cela se fait-il que les vins australiens soient plus populaires au Canada que nos propres vins? Est-ce simplement parce que les Ontariens ne peuvent se procurer du vin de l'Okanagan?

M. Paszkowski : Je pense que cela explique en grande partie la situation. Nous n'avons pas peur de la concurrence. Comme je l'ai dit dans mon exposé, beaucoup de gens craignaient que notre industrie s'effondre après la conclusion de l'accord de libre-échange et que nous ne soyons pas en mesure de soutenir la concurrence. Nous avons investi dans la recherche, la qualité et le système VQA. Nous avons développé tranquillement notre industrie afin de produire des vins primés, et pas seulement des vins de glace. Nos vins mousseux et nos vins de table remportent des prix partout dans le monde.

Nous devons relever un double défi. Premièrement, nous n'avons pas eu la possibilité de mettre en valeur nos produits dans les sociétés d'alcool en dehors de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et, de plus en plus, de la Nouvelle-Écosse, qui se concentrent sur les vins qu'elles vendent là-bas. La plupart des provinces canadiennes occupent moins de 3 p. 100 du marché pour nos vins certifiés VQA et nos vins entièrement canadiens.

C'est donc un problème pour l'industrie. Notre industrie n'est pas solidement financée si on la compare aux milliards de dollars qu'investissent les Européens, les Australiens ou les Néo-Zélandais dans la promotion sur les marchés tiers, et les sociétés des alcools sont ravies d'avoir autant d'argent. Si vous fournissez aux régies des alcools les fonds nécessaires pour qu'elles puissent commercialiser vos produits, installer des affichettes d'étagère et diffuser des annonces publicitaires, elles vont s'occuper de vos produits. Nous n'avons jamais obtenu ce niveau de financement. Le financement du gouvernement fédéral se situe en moyenne entre 200 000 et 300 000 $ par année. En décembre dernier, nous avons reçu un financement de l'ordre de 1,7 million de dollars, égalé par l'industrie, pour les deux prochaines années, ce qui nous permettra d'en faire un peu plus, c'est-à-dire de faire goûter nos produits et de donner aux régies des alcools les types de vin qu'elles sont assurées de vendre. Évidemment, elles ne veulent pas que nos produits accumulent de la poussière sur les tablettes. Elles veulent que nos produits se vendent rapidement, et le financement fédéral que nous avons reçu nous permettra d'en faire davantage à ce chapitre.

Nous attirons également 3 millions de touristes chaque année. Lorsqu'un touriste visite notre vignoble et aimerait acheter une caisse de vin et se la faire expédier chez lui, soit parce qu'il voyage en moto ou en famille, ou qu'il doit parcourir une si longue distance que le vin aura le temps de se transformer en vinaigre, nous n'avons pas cette possibilité, sauf dans ces trois provinces. Les études menées par la LCBO révèlent que lorsqu'un consommateur a visité une région viticole, il y a de fortes chances qu'il y revienne et qu'il achète des produits locaux.

C'est important pour deux raisons. Nous devons avoir accès à nos consommateurs, mais nous devons également être en mesure de leur vendre nos produits. On peut acheter n'importe quoi sur Internet de nos jours, mais on ne peut pas acheter une bouteille de vin. On ne pourrait même pas avoir un club de vin en Ontario avec des membres de l'Alberta, par exemple; ce serait illégal.

Le sénateur Plett : À cet égard, je pense que vous prêchez à des convertis, parce que vous l'avez dit vous-même, les deux chambres ont adopté à l'unanimité un projet de loi qui a été déposé par le gouvernement. Je ne suis pas sûr s'il s'agissait d'un projet de loi d'initiative parlementaire, néanmoins, nous l'avons adopté à l'unanimité parce que nous sommes d'accord avec vous. Mais que peut-on faire pour convaincre les provinces?

Vous avez parlé du financement de tierces parties. Est-ce un financement du gouvernement fédéral?

M. Paszkowski : J'ai plutôt parlé du financement des pays tiers. Les Européens et les Australiens ont accordé des fonds à leur industrie afin de développer des marchés en dehors de l'Australie ou de l'Union européenne. Des centaines de millions de dollars sont dépensés par ces pays au Canada.

Le sénateur Plett : Les obstacles interprovinciaux au commerce constituent-ils votre plus gros problème, ou s'il s'agit plutôt de la vente à l'étranger? Comme beaucoup d'entre nous, je voyage un peu partout dans le monde. Lorsque je me rends dans un magasin de vin d'un autre pays — peut-être que je ne regarde pas comme il faut —, j'opte habituellement pour des vins d'ailleurs plutôt que pour des vins d'ici. Est-ce que les vins canadiens se trouvent au moins sur les tablettes à l'étranger?

M. Paszkowski : Je pense que c'est un facteur de réussite. On doit d'abord gagner des consommateurs chez soi avant de se tourner vers les marchés internationaux. L'Espagne détient 90 p. 100 de son marché intérieur et elle est un des plus grands exportateurs dans le monde. La livraison directe au consommateur nous permettra d'entrer en contact avec nos consommateurs chez nous. Nous deviendrons ainsi plus rentables ici et nous pourrons ensuite viser les marchés internationaux.

Je vais vous donner l'exemple des États-Unis. En 2005, la Cour suprême a statué qu'il était inconstitutionnel d'empêcher l'expédition des vins de l'établissement vinicole au consommateur. Quarante-huit États ont désormais ouvert leurs frontières. Aux États-Unis, les petits vignobles représentent 5 p. 100 de la production, alors qu'ils représentent 51 p. 100 de la livraison directe au consommateur, de la Californie à New York ou ailleurs. À mesure que ces petites entreprises vinicoles accroîtront leurs profits, où pensez-vous qu'elles expédieront leurs produits? Elles se tourneront vers l'un des marchés du vin les plus attrayants dans le monde : le Canada.

Tant que nous ne conclurons pas un nouvel accord sur le commerce intérieur qui permet aux producteurs de vin d'expédier leurs produits aux consommateurs qui souhaitent boire du vin local, nous avons les mains liées.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Goetz, comme vous pouvez vous en douter, je ne vois pas la chose du même point de vue que vous. Je reconnais que vous avez une industrie dynamique et très prospère, et je sais que vous avez des responsabilités à l'égard de vos actionnaires.

Pour ce qui est des exemples que vous nous avez donnés, le Danemark n'est pas une bonne référence pour ce qui est de la taxe sur le sucre. Comme vous l'avez dit, cette taxe a été mal conçue au départ relativement aux produits riches en lipides, qui n'ont d'ailleurs rien à voir avec le sucre, et de toute façon, on a finalement renoncé à imposer une taxe sur les produits riches en sucre. Par conséquent, cela n'illustre en rien le succès ou l'échec d'une taxe sur le sucre. Il s'agit plutôt d'une mesure fiscale boiteuse qui ne concerne pas le sucre.

Vous n'avez pas mentionné la Hongrie dans votre liste. Pourriez-vous me dire ce que vous savez au sujet de l'application de la taxe en Hongrie?

M. Goetz : Absolument. La taxe sur le sucre appliquée en Hongrie va bien au-delà de ce qui est recommandé dans votre rapport. Si c'est quelque chose que vous voulez envisager pour le Canada, sachez que c'est un engagement encore plus vaste et qu'on ne devrait pas le comparer à ce qui se fait au Mexique ou...

Le sénateur Ogilvie : Qu'entendez-vous par là?

M. Goetz : La taxe s'applique à un grand nombre de produits alimentaires et de boissons.

Le sénateur Ogilvie : Aux boissons gazeuses, entre autres.

M. Goetz : Elles sont évidemment assujetties à cette taxe, mais on retrouve également le miel et la confiture. Au Canada, même le sirop d'érable serait visé par cette taxe.

Le sénateur Ogilvie : Pour ce qui est des boissons gazeuses, savez-vous ce que cette taxe représente en termes de coûts?

M. Goetz : Je n'ai pas ce chiffre avec moi en ce qui concerne la Hongrie.

Le sénateur Ogilvie : Si je ne me trompe pas, on parle d'une augmentation de près de 27 p. 100 du coût des boissons gazeuses, ce qui a entraîné une baisse des ventes de 29 p. 100. Certains fabricants de produits alimentaires ont même modifié la composition de leurs produits en conséquence.

Êtes-vous au courant de la situation au Royaume-Uni?

M. Goetz : Ils vont présenter un projet de loi, mais il y a un échéancier de deux ans.

Le sénateur Ogilvie : C'est exact.

M. Goetz : Pour revenir à la Hongrie, j'aimerais parler de certaines statistiques concernant l'industrie canadienne, qui est différente de l'industrie hongroise, par exemple.

Près de 50 p. 100...

Le sénateur Ogilvie : Vous vous êtes servi des exemples du Danemark et du Mexique pour vous opposer à la taxe canadienne. Par conséquent, il convient d'examiner tous les pays où on a imposé une taxe dans ce secteur.

M. Goetz : Tout à fait.

Le sénateur Ogilvie : Et il y en a très peu jusqu'à maintenant.

M. Goetz : Pour mettre les choses au clair, sachez que la taxe qui est appliquée en Hongrie est extrêmement large. Elle s'applique à tout votre panier d'épicerie. Si c'est quelque chose que nous souhaitons mettre en œuvre ici au Canada, nous devons avoir l'heure juste sur ce qui est taxé là-bas.

Le sénateur Ogilvie : Dans notre rapport, que vous avez critiqué, nous parlons uniquement d'une taxe sur vos produits, et non pas sur l'ensemble des produits. Par conséquent, nous nous intéressons aux témoignages au sujet de l'application de la taxe sur vos produits et de l'impact que cela a eu sur la consommation de vos produits. À cet égard, on sait que la taxe a eu un effet marqué en Hongrie.

Cela dit, pouvez-vous me dire quelle est la valeur nutritive d'une boisson gazeuse?

M. Goetz : Évidemment, je ne vous apprendrai pas qu'il n'y a pas beaucoup d'éléments nutritifs dans une boisson gazeuse. C'est une question de goût. Beaucoup de gens consomment divers produits pour leur goût, et pas toujours pour leur valeur nutritive.

L'important, c'est de ne pas surconsommer, quel que soit le produit, y compris nos propres produits, ce qui explique aussi pourquoi, au Canada, presque la moitié de nos produits sur les tablettes sont à basse teneur calorique, c'est-à-dire qu'ils contiennent moins de 50 ou 60 calories, ou même pas du tout.

Ce qui est intéressant au sujet de ce rapport, c'est que la taxe sur le sucre s'appliquerait à des produits qui ne contiennent pas de sucre ni de calories. Cette boisson que j'ai ici est une boisson gazeuse, mais elle ne contient ni sucre ni calories...

Le sénateur Ogilvie : Je suis l'auteur de ce rapport, et ce que vous dites est totalement faux. Nous recommandons d'imposer une taxe sur les boissons sucrées, les boissons gazeuses, et tout ce qui est riche en sucre.

Chacun des 250 à 300 verres de boissons gazeuses que nous avons examinés contenait entre 22 et 30 grammes de sucre. Le sucre est l'un des principaux responsables des taux croissants d'obésité depuis les 30 dernières années. Il n'y a pas eu de recul de l'obésité ni de l'embonpoint au Canada. En fait, chez les enfants, le taux d'obésité a même triplé au cours des 20 dernières années.

Le sucre est un des principaux responsables. De nombreux facteurs ont une incidence sur l'obésité. J'aimerais pouvoir vous faire porter tout le blâme, mais le fait est que je ne peux pas. Le problème est attribuable tant à l'alimentation qu'à l'exercice physique. Nous sommes conscients de tous ces facteurs.

Notre étude portait sur une des principales composantes inutiles de ce que nous consommons.

Le vice-président : Sénateur Ogilvie, vous devez poser une question. Nous ne pouvons pas recommencer les rapports et les discussions du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Avez-vous une question?

Le sénateur Ogilvie : J'ai posé plusieurs questions au témoin, mais il les a contournées. Voilà pourquoi j'ai pris cette direction, monsieur le président. Sous votre gouverne, je vais donc m'arrêter ici, étant donné que je ne veux pas approfondir le sujet. J'aimerais que le témoin lise bien le rapport, car nous recommandons uniquement une taxe sur les boissons sucrées. Nous ne recommandons pas de taxer autre chose.

Le vice-président : Bien. Je sais que M. Goetz a le rapport, et je présume qu'il l'a lu en détail. C'est un excellent rapport.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question s'adressera à M. Goetz, et ma seconde, à M. Paszkowski.

Monsieur Goetz, on sait que le transport constitue un facteur important dans l'exportation de vos produits. Est-ce que le marché asiatique offre un grand potentiel à votre industrie? Dans quel secteur, selon vous, y aurait-il le plus de potentiel?

[Traduction]

M. Goetz : Ce qui est formidable à propos de l'industrie des boissons non alcoolisées — et je n'essaie certainement pas de contourner votre question —, c'est qu'il s'agit d'un secteur surtout local et national. Il est très coûteux de transporter des boissons, à l'exception de certaines boissons alcoolisées, étant donné que les liquides sont lourds. Les marges de notre industrie sont faibles, comme c'est le cas pour la plupart des produits d'épicerie, des aliments et des breuvages, et notre véritable potentiel de marché se situe un peu plus près de chez nous, soit aux États-Unis. Voilà pourquoi j'ai dit tout à l'heure que la question du dédouanement préalable était prioritaire, en ce qui a trait à nos exportations.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Paszkowski, est-ce que la capacité de production de l'industrie du vin actuelle, au Canada, est assez grande pour donner lieu à des exportations importantes?

[Traduction]

M. Paszkowski : Nous sommes un petit exportateur comparativement à la plupart des pays du monde. Nous allons toujours exporter relativement peu de vin étant donné nos contraintes relatives aux régions qui se prêtent à la production agricole et au climat. La saison de croissance du Canada n'est pas assez longue pour nous permettre de fabriquer certains des vins produits en Australie ou en Espagne. À moins que la température n'augmente un peu dans nos régions vinicoles, la quantité de vin que nous pouvons produire sera toujours limitée.

Dans certaines régions canadiennes, ce serait vraiment mieux pour nous. En ce qui concerne la viticulture de l'Espagne ou de l'Australie, les producteurs essaient désormais de cultiver des raisins en altitude pour bénéficier d'un climat plus frais.

Plus il fait chaud, plus la teneur en alcool est élevée, ce qui rend certains vins moins agréables. Les vins canadiens sont produits dans des régions au climat frais. Ce sont des vins qui s'accordent très bien avec des mets divers. Nos produits sont reconnus pour cette qualité.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Pour donner suite à la décision de l'Ontario de vendre de la bière dans les épiceries et les supermarchés, le gouvernement ontarien a décidé de permettre également la vente de vin dans plus de 300 établissements commerciaux. Accueillez-vous cette nouvelle favorablement?

Êtes-vous en mesure de nous citer d'autres provinces qui pourraient suivre l'exemple de l'Ontario? Par exemple, au Québec, on peut acheter du vin chez Maxi, chez Provigo ou IGA, et de la bière, il y en a à profusion dans tous les dépanneurs. Cependant, je ne crois pas que ce soit le cas dans toutes les provinces.

Pensez-vous que d'autres provinces pourraient suivre l'exemple de l'Ontario?

[Traduction]

M. Paszkowski : Vous avez raison. C'était attendu depuis longtemps. La possibilité de présenter nos produits aux consommateurs sur une base quotidienne a été très positive. Nous croyons que cela renforcera l'attrait des produits locaux. Nous nous en réjouissons, pour autant que les épiceries reconnaissent qu'elles doivent appliquer les mêmes critères de responsabilité sociale que les régies des alcools.

La Colombie-Britannique a elle aussi commencé à permettre la vente de vin en épicerie. C'est une grande réussite pour les quatre ou cinq magasins qui vendent actuellement des vins BC VQA. Le nouveau gouvernement de la Saskatchewan compte privatiser certains de ses points de vente d'alcool au détail, et je crois qu'il commencera par plus de 40 d'entre eux d'un bout à l'autre de la province. L'Alberta a déjà emprunté cette voie, et il y a quelques magasins semblables en Nouvelle-Écosse. Au Québec, un projet de loi actuellement à l'étude vise à permettre la vente en épiceries de différents vins fabriqués dans la province, ce qui n'est pas permis pour l'instant. Des changements s'opèrent donc dans le milieu. L'industrie doit manifestement s'adapter, mais je considère que la plupart de ces modifications sont positives.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vais vous laisser sur une petite note humoristique. La semaine dernière, j'étais avec ma conjointe dans une épicerie aux États-Unis, et j'ai voulu acheter du vin à 11 heures le dimanche matin. Or, on m'a dit qu'on ne pouvait acheter du vin avant midi. J'ai été surpris de cette réponse, et je ne sais pas si ce type de loi existe au Canada.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Ma question s'adresse à M. Paszkowski. Vous avez dit dans votre exposé que certains de vos concurrents ont des techniques de commercialisation très agressives, et vous avez nommé plus particulièrement la Nouvelle-Zélande, dont les ventes auraient augmenté de 18 p. 100 en 2015 — je crois que c'est ce que vous avez dit. J'ai eu la chance de visiter quelques-unes des régions viticoles là-bas, et je sais que les pratiques de commercialisation sont très musclées. Je pense que nous avons tous déjà vu les grandes publicités des vins néo-zélandais dans bon nombre de nos journaux nationaux.

Lorsque j'étais là-bas, j'ai aussi remarqué que la capacité de production des producteurs semblait être nettement supérieure à celle de la plupart des établissements vinicoles canadiens. Je n'ai peut-être visité que les plus grandes installations. La taille relativement petite des établissements vinicoles canadiens constitue-t-elle un avantage ou un obstacle sur le plan de la compétitivité?

M. Paszkowski : C'est une bonne question. Il y a des économies d'échelle à réaliser en viticulture. Pour qu'un établissement vinicole puisse être rentable dans le milieu, il doit habituellement avoir une certaine taille. Les établissements vinicoles commencent par des installations plus modestes, puis grandissent avec le temps. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais tous ceux qui évoluent dans le milieu vinicole connaissent bien les niveaux de production à atteindre pour divers prix de vente afin d'être concurrentiels. Tous les établissements vinicoles ont tendance à aller en ce sens.

Notre industrie est jeune : il y a eu un véritable afflux d'établissements vinicoles ces dernières années, et des millions de dollars d'investissements au cours de la dernière décennie. Depuis la suppression de la taxe d'accise sur la totalité des vins canadiens, 265 établissements vinicoles ont ouvert leurs portes. Cela représente une économie de 62 ¢ par litre, ce qui était le coût de la taxe d'accise. Voilà qui donne un coup de pouce aux plus défavorisés qui veulent se lancer, et c'est ce dont l'industrie avait besoin.

Je pense que c'était une belle réussite pour le gouvernement, qui a gagné 265 établissements, des millions de dollars d'investissements et des retombées économiques annuelles de 1,7 milliard de dollars, en échange d'une perte de recettes fédérales de quelque 250 millions de dollars sur une décennie. Il arrive que le régime fiscal ne soit pas la meilleure solution. L'élimination et la réduction de l'imposition peuvent aussi stimuler l'investissement, et c'est ce qui s'est passé ici.

Il est vrai que la Nouvelle-Zélande compte des établissements vinicoles de plus grande taille, mais on y retrouve tout autant de très petits établissements. Il y a environ 20 ans, l'industrie vinicole néo-zélandaise avait la même taille que l'industrie canadienne. Au cours des 15 à 20 dernières années, le milieu a mené d'importantes recherches sur le Sauvignon Blanc et le Pinot Noir. Or, le pays est très peu peuplé, et les produits ne peuvent être vendus là-bas que dans une ou deux épiceries. En plus, les marges sont tellement faibles que l'industrie a dû investir massivement dans l'exportation à destination de pays à marge plus élevée comme le Canada. Il est plus rentable pour les producteurs de vendre leur vin ici qu'en Nouvelle-Zélande, ce pour quoi ils sont devenus aussi bons.

La sénatrice Tardif : Quelle sera l'incidence sur votre industrie de l'élimination des droits d'importation qui suivra l'entrée en vigueur du Partenariat transpacifique, ou PTP?

M. Paszkowski : Cette mesure aidera certainement notre secteur. Prenons l'exemple du Japon dans le cadre du PTP, qui applique actuellement un droit de 15 p. 100 sur la valeur ajoutée. Le Chili et l'Australie ont chacun conclu un accord de libre-échange avec le Japon. Lorsque nous vendons une bouteille de vin à ce pays, nous essuyons un désavantage fiscal de 15 p. 100 sur la valeur par rapport à ces pays. La possibilité d'éliminer ces droits au fil du temps nous placerait sur le même pied que nos concurrents. Nous ne subirions plus une perte de 15 p. 100 chaque fois que nous vendrions au Japon.

Inversement, les droits canadiens sont relativement faibles. Ils représentent approximativement 1,5 à 4 ¢ par litre. Ensemble, les vins de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande représentent environ 315 millions de litres. Le gouvernement renoncera donc à quelque 7 millions de dollars de droits. Ce sont donc 7 millions de dollars de plus que les Australiens et les Néo-Zélandais vont investir dans la promotion de leurs produits au Canada. Voilà qui explique notre point de vue.

Nous appuyons les ententes. Nous avons simplement besoin d'une aide initiale étant donné que nos concurrents feront d'emblée une meilleure affaire que nous. En effet, nous devons encore augmenter nos parts de marché canadiennes pour pouvoir tirer profit des occasions d'exportation, puisque nous devons être rentables au pays et être en mesure d'exporter. Or, seule la moitié des établissements vinicoles sont actuellement en mesure d'exporter.

La sénatrice Tardif : Dans certains cas, le vin canadien semble être plus cher que les produits en provenance du Chili, de l'Argentine ou de l'Australie.

M. Paszkowski : Tout à fait. Nos coûts de production sont supérieurs. Nous avons un climat frais, de sorte qu'il est plus difficile pour nous de produire des vins, ce qui augmente nos coûts de production.

Dans le cas de nos vins de grand prestige, les raisins ont aussi été récoltés un à un, alors que le Chili utilise un système de culture mécanisé pour la récolte du raisin. Ainsi, les grands établissements vinicoles dont vous parliez produisent des volumes considérables, contrairement aux très modestes installations artisanales que nous retrouvons au Canada. Nos coûts sont toutefois plus élevés.

J'ai donné l'exemple de l'Argentine en disant que nous ne pouvons même pas embouteiller le liquide au coût où les Argentins arrivent à exporter leur vin au Canada. Nous ignorons totalement comment ils s'y prennent, sans parler de l'achat de la bouteille, du liège, du bouchon et du manchon. Nous ne pourrions même pas mettre le vin dans la bouteille au prix où les Argentins arrivent à le vendre au Canada.

Nous aurons toujours ce problème. Nous avons toutefois un produit de qualité tout à fait unique et artisanal qui suscite un intérêt grandissant. Il y a par contre des barrières à l'échelle nationale qui empêchent la plupart des Canadiens de goûter aux produits.

La sénatrice Unger : Messieurs, je vous remercie de vos exposés intéressants. Deux ou trois de mes questions ont déjà été posées. En Alberta, nous avons une régie des alcools qui exerce selon moi un contrôle rigoureux du milieu, mais j'ignore pourquoi on hésite à permettre le commerce interprovincial du vin, ou même de quoi que ce soit d'autre. Est-ce vous qui faites pression sur les provinces pour les amener à changer d'avis? Quels sont les obstacles, au juste?

M. Paszkowski : L'histoire de l'Alberta est intéressante, car nous avions présumé que tout irait bien lorsque le projet de loi serait adopté, puisqu'un gouvernement conservateur était au pouvoir à l'époque et que le parti est très favorable aux affaires, contrairement au modèle de régie des alcools de la province. Une réglementation a bel et bien été mise en place pour permettre l'exportation du vin de la Colombie-Britannique à l'Alberta. Je pense que l'Alberta a modifié ses règles il y a environ deux ans, juste avant l'arrivée au pouvoir du gouvernement du NPD, de sorte qu'un consommateur peut partir de l'Alberta pour se rendre en Colombie-Britannique ou en Ontario avec une semi-remorque chargée de vin. Il est toutefois interdit d'envoyer une bouteille par messager. La province a donc modifié sa réglementation de façon à interdire la livraison de colis, ce qui empêche les consommateurs de bénéficier d'une livraison directe.

À mon avis, la province a mis en place un réseau privé avec des détaillants privés. Un groupe puissant est responsable de l'ensemble de l'industrie albertaine des boissons alcoolisées et du commerce de détail, et il a exercé de fortes pressions auprès du gouvernement provincial pour que celui-ci interdise la livraison de vin par messager de peur que cela ne soutire des ventes au milieu.

Nous avons appris de l'expérience du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse. Les points de vente d'alcool au détail et les régies des alcools ont toujours dit qu'ils allaient perdre des ventes si la livraison directe au consommateur était permise. Or, ce n'est arrivé dans aucune de ces provinces. À vrai dire, les ventes ont plutôt augmenté. La sensibilisation des consommateurs et le fait de leur donner accès à un plus grand nombre de produits canadiens attisent leur intérêt pour le vin. Ils achètent donc plus de vins produits au Canada et dans différentes régions du monde aussi.

La sénatrice Unger : Vous dites que l'industrie vinicole représente 6,8 milliards de dollars par année, et pourtant, les exportations s'élèvent à 74 millions de dollars seulement. Vous en avez beaucoup parlé. Y a-t-il une ou deux mesures précises qui vous permettraient d'exporter davantage?

M. Paszkowski : Oui. Nous avons besoin de deux facteurs déterminants pour pouvoir tirer parti de ce que les accords commerciaux ont à nous offrir. D'une part, il faut régler la question des échanges interprovinciaux de l'Accord sur le commerce intérieur, ou ACI. Nous espérons que les ministres fédéraux et provinciaux qui se penchent actuellement sur la question vont enfin modifier cet accord pour permettre la livraison interprovinciale de vin, ce qui nous aidera grandement.

Si aucune modification n'est apportée, j'ai bon espoir que des pressions puissent être exercées au sein des libéraux, avec le nombre de gouvernements libéraux au pays et le gouvernement fédéral libéral, afin de véritablement libéraliser le marché, étant donné que les principales régions viticoles comme la Nouvelle-Écosse, l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique ont tous des gouvernements libéraux. Je pense qu'il est absolument injuste que le gouvernement de la Colombie-Britannique ait ouvert son marché à la totalité des vins canadiens, qui peuvent désormais être expédiés là-bas, alors qu'aucune bouteille de la province ne peut être envoyée en Ontario ou au Québec. C'est injuste.

Le deuxième élément qui nous permettrait de tirer partir de l'accord serait que le gouvernement nous aide au moyen d'un investissement immédiat en infrastructure. Nous pourrions ainsi améliorer davantage la qualité de nos vins et réaliser les investissements indispensables à l'exploitation des débouchés locaux.

Comme je l'ai dit, il y a chaque année 3 millions de touristes qui visitent nos établissements vinicoles, ce qui représente des retombées économiques de 1,2 milliard de dollars. Nous n'avons pas les moyens de laisser nos installations tomber en décrépitude ou de ne pas les doter des technologies de pointe nécessaires à la fabrication de vins comme des bordeaux ou des bourgognes. Nous avons vraiment besoin de cette aide étant donné que nos concurrents reçoivent un coup de pouce de leur gouvernement.

Nous croyons que ces deux mesures nous permettront de soutenir la concurrence et de tirer profit des accords. D'ici une dizaine d'années, nous exporterions bien plus qu'aujourd'hui et détiendrions plus que 32 p. 100 des parts de marché au pays. Nous aurions environ la moitié du marché, comme c'était le cas avant la signature de l'accord de libre- échange en 1988.

La sénatrice Merchant : Je vais d'abord m'adresser à M. Goetz. Vous vous sentez peut-être un peu laissé pour compte.

M. Goetz : Le vin est un sujet emballant. La discussion me plaît quand même.

La sénatrice Merchant : Votre association a lancé en 2015 l'initiative Équilibre en calories.

M. Goetz : C'est exact.

La sénatrice Merchant : Pourriez-vous nous expliquer ce qui a motivé le projet, ou quel en était l'objectif? Dans quelle mesure l'initiative aura-t-elle une incidence sur les exportations de vos produits? Pourquoi a-t-elle un effet, le cas échéant?

M. Goetz : J'ignore si je peux faire un rapprochement avec les exportations. Je vais essayer. Je vais toutefois y revenir à la fin étant donné que je dois y réfléchir un instant. Mais je vous remercie d'avoir posé la question.

Lors d'un sommet sur l'alimentation en 2015, de grands producteurs canadiens de boissons se sont engagés, en partenariat avec le Conference Board du Canada, à diminuer de 20 p. 100 l'apport calorique de l'ensemble des boissons non alcoolisées et des produits non laitiers vendus sur le marché canadien au cours de la prochaine décennie.

Lors de mon échange avec le sénateur Ogilvie, j'essayais de dire que la consommation de boissons à teneur non réduite en calories a chuté de près de 18 p. 100 au cours de la dernière décennie. Parallèlement, la teneur en calories de l'ensemble des produits canadiens consommés par la population a aussi diminué de 20 p. 100. C'est en grande partie attribuable à la popularité des produits à base d'eau, comme l'eau en bouteille et l'eau légèrement aromatisée, mais la croissance de ce marché ne peut pas se poursuivre, de sorte que la consommation de calories ne va pas continuer à descendre.

Notre industrie ne représente que 5 p. 100 de l'apport calorique total des Canadiens, ce qui est bien moins que mes confrères du secteur vinicole. Même si nous sommes responsables d'une petite portion seulement des calories consommées au Canada, nous voulons mettre la main à la pâte. Voilà pourquoi nous nous sommes engagés à poursuivre cet objectif ambitieux.

Le Conference Board du Canada surveillera la situation et présentera un bilan de nos progrès. Il publiera bientôt un rapport d'analyse comparative pour être certain que nous connaissions tous l'apport calorique des boissons non alcoolisées au départ, un chiffre que nous continuerons à faire descendre.

Nous pouvons nous y prendre de trois façons : introduire de nouveaux produits, introduire des produits hypocaloriques ou sans calories, ou diminuer la taille des emballages. Vous avez peut-être déjà vu en épicerie les mini cannettes que bon nombre de nos membres utilisent désormais. Par ailleurs, nous misons aussi sur nos budgets de commercialisation pour faire la promotion de ces boissons hypocaloriques ou sans calories et stimuler davantage les ventes.

C'est une proposition qui sera mesurable. Nous espérons pouvoir atteindre une baisse de 20 p. 100. Ce ne sera peut- être pas possible, mais nous allons déployer des efforts en ce sens.

La sénatrice Merchant : Bien. Je vous souhaite bonne chance, car ce sera une bonne chose pour vous, et pour nous aussi.

J'ai horreur de poser ce genre de question étant donné que le sénateur Oh est présent et qu'il est le spécialiste des marchés chinois. Nous sommes allés en Chine il n'y a pas si longtemps. Les Chinois boivent bel et bien du vin, mais je doute que les vins canadiens aient pénétré le marché. Pour l'instant, la Chine ne compte pas signer le PTP. Dans ce cas, que prévoyez-vous faire pour pénétrer le marché chinois, étant donné sa taille immense?

M. Paszkowski : Le marché chinois est notre deuxième marché d'exportation en importance, et il grandit. Il faut du temps pour le pénétrer, mais nous avons des établissements vinicoles qui ont passé beaucoup de temps sur place. Je pense notamment au vignoble Pillitteri, en Ontario. Pelee Island Winery, en Ontario, a même ouvert des magasins en Chine pour vendre ses produits. L'entreprise a atteint le niveau supérieur en matière de détail.

Parlons maintenant de nos vins doux et de nos vins de glace. Le marché est extrêmement attrayant pour nos vins de grande qualité à prix supérieurs, mais les consommateurs s'intéressent de plus en plus au vin, comme vous l'avez dit. Nos vins de table et nos vins mousseux se portent bien aussi.

Depuis environ 20 ans, nous faisons partie de ce qu'on appelle le Groupe mondial du commerce du vin, qui est composé d'un certain nombre de pays, comme le Canada, les États-Unis, l'Australie, le Chili, l'Argentine, la Nouvelle- Zélande, l'Afrique du Sud et la République de Géorgie. L'objectif du groupe est d'établir des ententes sur l'étiquetage et les pratiques de viniculture, et d'harmoniser la réglementation entre ces pays en faveur des échanges commerciaux. Ainsi, lorsque nous envoyons nos produits dans un de ces pays, nous n'avons pas besoin de les ré-étiqueter pour respecter les exigences du pays. Nous acceptons mutuellement les normes d'étiquetage des autres.

Nous essayons de convaincre la Chine de se joindre au Groupe mondial du commerce du vin afin de simplifier l'exportation de ces produits à destination de ce marché des plus importants et lucratif pour nous. Si nous y arrivons, nous pourrons éliminer certains obstacles de sorte que ce soit encore plus rentable.

La Chine est un de nos principaux marchés, et notre stratégie d'exportation du vin consiste notamment à augmenter notre présence là-bas. Nous étions donc ravis d'apprendre dans le budget, et même avant, que le gouvernement envisage la signature d'un accord de libre-échange avec le pays.

Le sénateur Mercer : Merci. En parlant de la Chine, c'est au tour du sénateur Oh.

Le sénateur Oh : Ma question porte sur notre secteur canadien du tourisme œnologique. Comme vous le savez, le vin de glace canadien jouit d'une excellente réputation en Chine, et 90 p. 100 des visiteurs chinois en ont acheté une bouteille après leur visite des vignobles. Voilà qui représentait 6,7 millions de dollars en 2014. Pouvez-vous nous en dire plus à propos de l'étude de cas que vous avez réalisée sur les visiteurs chinois et le tourisme entourant le vin de glace?

M. Paszkowski : Nous savons que ce tourisme est fort important, et il y a chaque jour des autobus qui s'arrêtent dans les vignobles. Ces gens s'intéressent grandement au vin de glace. Ils en achètent surtout pour en faire cadeau à leur retour. Par exemple, un des membres de notre association de la vallée de l'Okanogan, Summerhill Pyramid, a même ouvert un entrepôt en Chine pour que les touristes qui visitent l'établissement vinicole puissent acheter le vin sans devoir le transporter avec eux. Le produit les attendra en Chine et sera livré à leur porte lorsqu'ils seront de retour.

Nous avons aussi travaillé avec le gouvernement chinois afin de le sensibiliser à nos normes de fabrication du vin de glace, étant donné que le vin de glace peut aussi être fabriqué en Chine. Nous voulons nous assurer que, si c'est le cas, la production respecte les pratiques vinicoles acceptées à l'échelle internationale.

Mais nous avons aussi un problème de vin de glace contrefait en Chine. Il semble qu'environ la moitié des vins de glace vendus en Chine sont contrefaits, ce qui représente tout un défi pour nous.

Nous avons investi dans l'établissement de la marque de commerce VQA en Chine. Fait intéressant, la démarche m'a pris presque sept années. Lorsque nous avons soumis notre demande pour la marque VQA, nous avons appris que trois ressortissants chinois nous avaient devancés et tentaient eux aussi d'établir cette marque de commerce. Nous les avons tous supplantés, et nous avons maintenant la marque.

Le processus est lent, mais nous croyons que le jeu en vaut vraiment la chandelle compte tenu des formidables occasions que nous constatons sur le marché, comme l'ont vécu des pays comme l'Australie, qui a signé un accord de libre-échange avec la Chine. Nous sommes en train d'examiner le chapitre de cet accord qui porte sur le vin afin de déterminer si le Canada et la Chine souhaitent conclure une entente, et si nous pouvons respecter les mêmes mécanismes ayant trait aux réductions tarifaires, aux pratiques vinicoles, et ainsi de suite.

Le sénateur Oh : Croyez-vous que notre ambassade et notre bureau commercial sur place vous aident suffisamment à faire la promotion du vin de glace et d'autres marchés vinicoles chinois?

M. Paszkowski : Je pense que nous recevons un excellent soutien du bureau chinois. Nous venons d'assister à un événement sur le vin doux à Chengdu, et l'ambassadeur canadien était à notre kiosque pour nous appuyer. Il s'agit d'une véritable occasion pour le milieu vinicole canadien, et nous recevons un appui précieux de l'ambassadeur et de son personnel. Je sais que le représentant de la Colombie-Britannique à Beijing est le frère de notre président Tony Stewart, propriétaire de Quails' Gate en Colombie-Britannique, qui ne ménage pas les efforts au nom du gouvernement de la province pour ouvrir le marché chinois aux vins canadiens.

Le sénateur Oh : Il y a deux ans, alors que j'étais à Beijing, on m'a demandé d'aider au lancement du vin Pelee Island à Beijing.

Le sénateur Plett : J'ai une petite question complémentaire : comment fabrique-t-on un vin de contrefaçon?

M. Paszkowski : À l'aide de sucre et d'eau, ou pire.

Le sénateur Plett : Que goûte le produit? Évidemment, les consommateurs ne l'achèteraient pas s'il ne goûtait pas comme du vin de glace, n'est-ce pas?

M. Paszkowski : Bien souvent sur le marché chinois, le produit est acheté pour être offert en cadeau. Le consommateur peut donc acheter le produit dans une bouteille de vin de glace qui porte le drapeau canadien. Il peut s'agir du vin de glace de Toronto, ou de Whistler... J'ai vu toutes sortes de variations. Le produit n'est jamais consommé. Il sera placé sur une étagère. Vous savez, la dame peut dire que son fils lui a acheté une bouteille de vin de glace, de sorte que le produit n'est jamais consommé.

Notre principale crainte est sur le plan de la salubrité alimentaire. Si le produit ne respecte pas les normes internationales de la production du vin de glace, nous ignorons ce qu'il contient. Disons qu'une personne finit par consommer le produit de contrefaçon, alors qu'il n'a rien d'un vin de glace, puis qu'elle tombe malade ou, pire encore, qu'elle meurt, ce n'est pas exactement la réputation que nous souhaitons pour nos vins de glace. Avec les médias sociaux, l'affaire pourrait faire le tour du monde en quelques secondes.

Nous surveillons la situation de près. Nous sommes justement en train de négocier un accord d'échange d'information avec le Groupe mondial du commerce du vin qui porte sur les vins de contrefaçon, et le vin de glace est un des volets les plus importants. Il ne s'agit pas seulement du vin de glace, mais aussi de tous les autres vins. Ce n'est pas que la perte de revenus qui nous inquiète, mais bien la possibilité qu'une personne tombe gravement malade, étant donné que nous ignorons le contenu de la bouteille.

La sénatrice Beyak : Monsieur Paszkowski, je siège au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce à titre de remplaçante — ce n'est pas un de mes comités habituels —, où il est actuellement question des barrières au commerce intérieur. Avez-vous comparu devant ce comité? Il n'a pas été question du vin dans les séances auxquelles j'ai assisté, mais les membres cherchent à régler le problème qui perdure depuis 30 ans.

M. Paszkowski : Je crois avoir été invité hier à comparaître devant le comité dans deux ou trois semaines, de sorte que la question sera abordée. Nous sommes ravis de cette occasion. Si l'Accord sur le commerce intérieur, ou ACI, peut être modifié, les barrières seront enfin levées. Je pense qu'il y a une volonté politique à ce chapitre.

Les régies des alcools ont exercé de fortes pressions pour que rien ne change. Aux termes de l'ACI actuel, un consensus absolu est nécessaire. Ainsi, même si certaines provinces sont prêtes à apporter une modification à l'accord, rien ne pourra être fait à moins que le changement ne fasse l'unanimité.

La sénatrice Beyak : Ma deuxième question s'adresse à M. Goetz. Vous savez probablement que les rapports de comités sénatoriaux sont renommés dans le monde. J'ai remplacé le sénateur Ogilvie à quelques occasions, mais je partage vos préoccupations. Moi qui ai été propriétaire d'une petite entreprise toute ma vie, moins le gouvernement se mêle de mes affaires, mieux je me porte sur le plan de la réglementation. Mes inquiétudes sont les mêmes que les vôtres. Même si notre recommandation ne portait que sur les boissons sucrées — et je ne suis même pas d'accord sur ce volet —, je voulais parler de la taxe hongroise. Vous avez mentionné le sucre d'érable, la confiture et le miel, qui sont tous des produits importants au Canada. Les gouvernements vont souvent trop loin dans leur empressement à appliquer les conclusions des rapports. J'aimerais que vous finissiez ce que vous disiez sur la Hongrie.

M. Goetz : Je ne connais pas le taux d'imposition total qui s'applique à tous les produits. Je crois que le chiffre varie. La mesure comprend les boissons sucrées, mais bien d'autres produits aussi.

Ce qui nous préoccupe, c'est que le rapport recommandait uniquement une taxe sur les boissons sucrées, puis faisait généralement référence à d'autres États qui ont adopté des régimes fiscaux ne reflétant pas du tout la taxation d'un seul produit. La taxe hongroise est très vaste, comme je l'ai dit.

Encore une fois, j'aurais besoin d'examiner la teneur en sucre des produits, mais si les confitures et le miel sont imposés en Hongrie et que ce modèle est repris ici, les boissons sucrées en feront évidemment partie, et le sirop d'érable aussi. La taxe s'appliquerait à l'ensemble du panier d'épicerie.

Les boissons sucrées ne représentent que 5 p. 100 de l'apport calorique des Canadiens. La consommation de ces produits a chuté de façon constante. J'ignore quelles données faisaient état d'une augmentation, car ce n'est pas le cas, et nous nous basons sur des données publiques. Par conséquent, cette taxe n'aura certainement pas l'effet escompté par ceux qui la préconisent, et elle ciblerait plus particulièrement une industrie — alors que près de la moitié de nos produits en vente sont hypocaloriques ou sans calories, et que nous introduisons de nouveaux produits sur le marché.

Parallèlement, tandis que nous sommes ici au comité à faire la promotion des industries agricoles et agroalimentaires au Canada, cette mesure menace des emplois bien rémunérés partout au pays. Ce ne sont pas que les grandes multinationales qui seront touchées. Il s'agit notamment de l'entreprise terre-neuvienne Browning Harvey, qui s'occupe de l'embouteillage, de Breuvages Gaspé, de Cape Breton Beverages, ou d'Arctic Beverages, au Manitoba. Il y a une entreprise familiale de 100 ans au Québec qui cherche à s'adapter et qui souhaite maintenir ses emplois.

L'obésité est un enjeu important. Nous voulons participer à la hauteur des 5 p. 100 de l'apport calorique que nous représentons, mais le fait de cibler une seule industrie par une taxe punitive spéciale nuira à notre présence économique au pays sans toutefois avoir une incidence sur l'obésité.

Le vice-président : Messieurs, je vous remercie de votre comparution d'aujourd'hui.

Je tiens à rappeler à tout le monde que nous nous réunirons jeudi matin aussi. Préparez-vous à une séance emballante étant donné que les représentants de la betterave à sucre comparaîtront et que le sénateur Ogilvie devrait être présent aussi.

Merci. La discussion a été fort importante.

Mesdames et messieurs les sénateurs, avant que nous terminions la séance ce soir, je vous rappelle aussi que le comité ira à Calgary du mardi 17 mai au vendredi 20 mai. Tous les membres du comité devraient avoir confirmé auprès du greffier s'ils seront en mesure de participer au déplacement. Veuillez entrer en communication avec Kevin pour lui dire. Plus nous serons nombreux à y aller, plus les séances seront intéressantes. Je sais que les députés de l'Alberta nous traitent toujours d'une façon bien particulière lorsque nous allons à Calgary, et que nous passerons un très bon moment en Alberta, comme toujours.

Cela étant dit, la séance est levée. Nous nous reverrons jeudi matin.

(La séance est levée.)

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