Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 9 - Témoignages du 3 mai 2016
OTTAWA, le mardi 3 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 8, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, et vice- président du comité. J'aimerais commencer par demander aux sénateurs de se présenter, à partir de ma gauche.
La sénatrice Merchant : Bienvenue. Je m'appelle Pana Merchant, et je viens de la Saskatchewan. Nous aimons beaucoup les producteurs agricoles dans ma province.
Le sénateur Pratte : Je suis le sénateur André Pratte, du Québec. Nous aussi aimons beaucoup les producteurs agricoles.
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur L. Smith : Larry Smith, du Québec.
Le vice-président : En chemin, le sénateur Ogilvie m'a confié qu'il n'est peut-être pas officiellement un producteur agricole, mais qu'il vient de terminer la récolte du sirop d'érable sur sa propriété, et qu'il a obtenu un bon rendement cette année. C'est une bonne nouvelle, sénateur. Je voulais simplement le mentionner officiellement. Vos réalisations agricoles doivent être reconnues.
Le comité poursuit aujourd'hui son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Ce secteur joue un rôle important dans l'économie canadienne. En 2013, un travailleur sur huit au pays, soit plus de 2,2 millions de personnes, était employé dans ce secteur, qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 du produit intérieur brut canadien. À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien représentait 3,6 p. 100 des exportations mondiales des produits agroalimentaires en 2014. Cette année-là, le pays a été le cinquième exportateur en importance de produits agroalimentaires au monde.
Le Canada s'est engagé dans plusieurs accords de libre-échange, ou ALE. Actuellement, 11 ALE sont en vigueur. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et le Partenariat transpacifique ont été conclus, et 8 négociations d'ALE sont en cours. Le gouvernement fédéral a également entrepris des discussions préliminaires avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les États membres du Mercosur, soit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.
Nos premiers témoins représentent la Commission ontarienne de commercialisation des œufs d'incubation et des poussins de poulets à griller et à rôtir : nous accueillons le président William Bearss, et le directeur Jack Greydanus. Nous recevons également les représentants de Chicken Farmers of Ontario : Ed Benjamins, vice-président du conseil, et Rob Dougans, président-directeur général.
Je crois savoir que ce sont les représentants du secteur des œufs qui vont commencer. Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Les présentations des témoins seront suivies d'une période de questions. Chaque sénateur disposera de 5 minutes pour poser ses questions, après quoi le président cédera la parole à un autre sénateur. La période de questions se prolongera tant qu'il restera du temps, et les sénateurs doivent être brefs et précis dans leurs questions. Je demanderais aussi aux témoins qui répondent d'être aussi brefs et précis que possible.
Je vais maintenant céder la parole à la Commission ontarienne de commercialisation des œufs d'incubation et des poussins de poulets à griller et à rôtir.
William Bearss, président, Agroalimentaire (volaille), Commission ontarienne de commercialisation des œufs d'incubation et des poussins de poulets à griller et à rôtir : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci. Voilà qui permet d'établir si qui que ce soit nous demandera ce qui est arrivé en premier, évidemment. Nous vous remercions infiniment de nous donner l'occasion de contribuer aux travaux importants de votre comité et du gouvernement de façon générale.
Comme vous le savez tous, l'industrie du poulet joue un rôle clé dans l'économie des milieux urbains et ruraux d'un bout à l'autre du pays. La Commission ontarienne de commercialisation des œufs d'incubation et des poussins de poulets à griller et à rôtir, que j'appellerai la commission, est un joueur important de la chaîne de valeur avicole à l'échelle provinciale et nationale.
Il ne fait aucun doute que notre capacité à réussir et à poursuivre sur cette lancée découle directement du système de gestion des approvisionnements au Canada. Ce système est en place depuis plus de 50 ans et a été universellement approuvé, essentiellement, en plus d'être appuyé par les gouvernements fédéraux et provinciaux pendant toutes ces années, et de recevoir l'aval de la population.
Au début de février, le comité a reçu des organismes nationaux qui représentaient les producteurs de poulet, les éleveurs de dindon et les producteurs d'œufs. J'ai vu leurs exposés, et ils ont décrit de façon assez exhaustive l'ampleur et l'importance de ce « facteur volaille » — c'est le nom que je vais lui donner — au bénéfice de l'ensemble des Canadiens. Je ne vais donc pas trop m'attarder à la question.
Par contre, ce sont les Producteurs d'œufs d'incubation du Canada qui représentent à l'échelle nationale notre secteur des œufs d'incubation et des poussins. L'organisme comparaîtra ce mois-ci devant le comité, et lui aussi vous fournira des calculs et des renseignements assez exhaustifs et détaillés sur l'incidence financière en particulier du Partenariat transpacifique qui vient d'être achevé.
J'aimerais aujourd'hui vous donner le point de vue de l'Ontario à ce chapitre, aux côtés de nos confrères qui sont ici pour représenter nos clients, les producteurs de poulet.
Le conseil d'administration de la commission se compose de neuf membres : il y a moi, à la présidence, quatre représentants élus par les producteurs, et quatre autres représentants des couvoirs. Nous réunissons donc à la table tant des acheteurs que des vendeurs pour représenter ce volet de l'industrie.
Pour ceux d'entre vous qui connaissent moins bien le milieu, sachez que les œufs d'incubation de poulet à chair sont des œufs fécondés au sein de l'exploitation agricole. Ils sont expédiés à un couvoir, puis éclosent après 21 jours, après quoi le poussin est placé dans une exploitation de poulet à griller. Six à huit semaines plus tard, nos confrères expédient les poulets à des transformateurs de poulet, après quoi la chair aboutit chez Poulet frit Kentucky ou chez Chalet Suisse. Il s'agit du poulet que vous mangez régulièrement.
En plus de représenter les couvoirs et les producteurs d'œufs, nous représentons les producteurs qui prennent les poussins femelles d'un jour, puis les élèvent pendant 20 semaines dans une aire de croissance. Après ce temps, les poules se retrouvent chez les éleveurs de poulet à griller pendant environ une année, et pondent les œufs d'incubation qui iront au couvoir. Nous représentons donc ces deux volets du secteur.
J'aimerais vous donner quelques grands chiffres. Chaque année, nous envoyons ainsi environ 1,6 million de poules dans les élevages ontariens, et celles-ci pondent quelque 214 millions d'œufs d'incubation. De plus, aux termes de nos accords commerciaux, nous importons 30 millions d'œufs supplémentaires, de même que 6 millions de poussins d'un jour qui se retrouvent eux aussi dans ces élevages. Dans l'ensemble, il y a au total 211 millions de poussins à chair environ, ce qui comprend aussi une partie de la production québécoise et qui aboutit dans les exploitations ontariennes de poulet à griller.
Toutes ces activités génèrent en poids vif près de 500 millions de kilogrammes de poulet en Ontario. Mais nos confrères vous en diront beaucoup plus là-dessus dans quelques minutes.
Dans son mandat, le comité a précisé l'importance de certains volets déterminants, et j'aimerais aborder plus particulièrement deux ou trois d'entre eux. Il y a tout d'abord la productivité, la sécurité alimentaire et la traçabilité. Notre secteur a des antécédents assez solides d'innovation dans ce domaine, et il s'adapte aux nouvelles technologies qui offrent aux consommateurs canadiens une excellente valeur, une très grande qualité et une assurance en matière de salubrité.
Pour ce qui est des mesures de référence, nous sommes aussi bons ou même meilleurs que n'importe quel producteur au monde sur les plans de la viabilité des oiseaux, de l'efficacité alimentaire, du nombre d'œufs éclos par poule et d'autres mesures de productivité fort importantes.
Grâce à des programmes nationaux et provinciaux, nous avons aussi adopté un Programme canadien pour la qualité des œufs d'incubation, qui est axé sur l'Analyse des dangers et de maîtrise des points critiques et qui porte sur la biosécurité, la santé de la volaille, la manipulation des œufs, l'entreposage, la lutte contre les organismes nuisibles, le nettoyage et la désinfection. Les producteurs qui font partie du programme s'exposent à des vérifications annuelles. Toutes ces mesures contribuent à assurer la salubrité et la sécurité alimentaire pour les Canadiens.
Dernièrement, nous avons entamé un programme du nom de « Be Seen, Be Safe » mené conjointement avec les producteurs d'œufs et les éleveurs de dindon. Cette initiative met en place un mécanisme de traçabilité qui permet de connaître l'origine des animaux souches, soit les parents et les grands-parents — ils viennent souvent surtout des États- Unis —, et d'aller jusqu'aux tablettes de l'épicerie. Ce système de collecte d'information permet de retracer l'ensemble des étapes, ce qui est important, surtout en cas d'éclosion de maladies en temps réel.
Une partie de ce programme de communication et de traçabilité repose sur des travaux que nous avons réalisés avec nos collègues de Chicken Farmers of Ontario sur le suivi de la chaîne de valeur de la production.
En ce qui a trait à la durabilité, nous nous sommes adaptés ces dernières années à toutes sortes d'évolutions de la dynamique de l'industrie, y compris à des technologies conçues non seulement ici, au Canada, mais aussi en Europe et aux États-Unis.
En outre, nous avons entrepris des projets de recherche sur la santé et le bien-être des oiseaux, qui tiennent compte des concentrations d'ammoniaque dans le poulailler, de l'humidité de la litière, de la conception du pondoir, de la prise alimentaire optimale et d'autres études sur la gestion des maladies. Tous ces éléments visent à assurer la viabilité à long terme de notre industrie et à continuer de répondre à la demande des Canadiens.
D'après votre mandat, l'accès aux marchés semble demeurer la principale préoccupation du comité. Nous y participons activement, et nous félicitons bien sûr le gouvernement de négocier divers accords commerciaux afin d'élargir les débouchés pour les exportateurs canadiens, comme vous l'avez mentionné, monsieur le président. Pourtant, selon la définition des dispositions sur la gestion des approvisionnements, la commercialisation des œufs d'incubation et des poussins est une activité presque exclusivement nationale, et il y a très peu d'exportations à ce chapitre.
Cela dit, en raison des engagements que nous avons pris au fil des ans auprès de l'Organisation mondiale du commerce et des membres de l'ALENA, nous sommes tenus d'importer chaque année des volumes précis d'œufs d'incubation et de poussins. Cet accès combiné représente environ 20 p. 100 à l'heure actuelle, de sorte qu'un œuf d'incubation sur cinq dont le Canada a besoin est déjà importé en franchise de droits, principalement des États-Unis.
Ainsi, tout accès supplémentaire au marché canadien des œufs d'incubation résultant du PTP augmenterait évidemment ce volume au-delà de 20 p. 100, comme d'autres témoins vous le diront probablement. Sachez aussi que les échanges commerciaux de produits avicoles au monde représentent normalement environ 10 p. 100 des échanges.
Lors de leur témoignage du 12 mai, nos homologues nationaux vous donneront plus de détails en ce qui concerne les recettes agricoles en espèces, l'augmentation des frais d'exploitation, la rentabilité et l'incidence financière nette, et la présentation sera agrémentée de chiffres.
Étant donné que l'Ontario est le plus important joueur du côté des œufs d'incubation et des poussins, de même que de la production de poulets à griller, toute modification aux accords commerciaux qui augmente les importations a manifestement des répercussions importantes dans notre province. Nos secteurs sont directement touchés par toute hausse des importations d'œufs et de poussins en soi, de même que par la perte de ventes attribuable aux importations accrues de poulet. Il s'agit chaque fois d'un poussin que nous aurions pu produire. Notre secteur est donc doublement touché.
Les couvoirs ressentent évidemment eux aussi les effets du PTP, en raison de leur perte de ventes de poussins et des importations accrues. En plus, les exportateurs ne sont pas tenus de fournir le produit, mais nous devons absolument le prendre s'ils l'exportent. Voilà qui fragilise considérablement toute la notion de planification de la production, de sorte que les besoins nationaux en poussin sont beaucoup moins prévisibles et qu'il est difficile de déterminer la production nécessaire pour les combler.
Au cours des 19 années que l'accord devrait durer, un écart énorme se creusera manifestement entre les pertes essuyées par l'industrie et les ajustements compensatoires qui ont été proposés à la suite de la version initiale de l'accord.
Pour conclure, les Canadiens semblent vraiment avoir une préférence pour les aliments locaux produits par leurs concitoyens canadiens. Le marché canadien est en croissance, et nous sommes prêts à répondre à la demande accrue de poulet, qui a augmenté de quelque 20 p. 100 ces 15 dernières années. Des chiffres plus précis vous seront présentés dans un instant.
Cela dit, nous sommes également un pays très commerçant, de sorte que nous voulons vendre le produit à l'étranger. De nombreuses entreprises canadiennes sont d'ailleurs bien placées pour le faire. Mais le secteur des œufs d'incubation et des poussins est d'avis que nous avons déjà cédé suffisamment de parts de marché à nos partenaires commerciaux, en fonction de nos activités actuelles. Nous sommes capables et désireux d'accroître encore la production d'œufs d'incubation et de poussins dans nos provinces de façon à répondre à la demande accrue au moyen de sources canadiennes plutôt que d'importations.
Somme toute, nous voulions aujourd'hui vous donner un aperçu de la passion des producteurs, qui souhaitent continuer à servir les Canadiens et à consolider cette industrie qui a eu une grande incidence économique ces dernières années. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Le vice-président : Je vous remercie infiniment de votre exposé. Avant que nous passions au témoin suivant, je tiens à souligner l'arrivée de la sénatrice Unger, de l'Alberta, de la sénatrice Beyak, de l'Ontario, de la sénatrice Tardif, de l'Alberta, du sénateur Plett, du Manitoba, et du sénateur Dagenais, du Québec.
Le prochain témoin est M. Benjamins.
Ed Benjamins, vice-président du conseil, Chicken Farmers of Ontario : Merci, monsieur le président.
Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Ed Benjamins, et je suis le deuxième vice- président et un membre du conseil de Chicken Farmers of Ontario. Je suis un producteur agricole, et je vis près d'Almonte, en Ontario. Je suis accompagné de Rob Dougans, président-directeur général de l'organisation.
Je vous remercie de cette occasion qui m'est donnée de m'adresser au comité afin de vous faire part de nos suggestions quant aux priorités favorisant la croissance de l'industrie du poulet au Canada. Nous aimerions, au cours des prochaines minutes, aborder brièvement trois sujets : tout d'abord, les occasions de croissance continue pour l'industrie du poulet; en deuxième lieu, notre approche novatrice et réussie pour saisir les marchés de consommation nouveaux et émergents; et enfin, l'importance de faire respecter les frontières et d'appliquer la réglementation sur les importations en place.
Chicken Farmers of Ontario, ou CFO, représente 1 100 fermes familiales en Ontario et constitue le plus grand office de commercialisation appliquant le système de gestion des approvisionnements au pays. Nos producteurs connaissent d'expérience la valeur de la stabilité. La certitude que le système de gestion des approvisionnements apporte à nos membres nous confère la sécurité et la souplesse voulues pour élaborer des programmes de croissance novateurs, afin de combler les besoins toujours plus diversifiés et changeants des consommateurs locaux.
À titre d'exemple, les consommateurs ontariens cherchent de plus en plus une plus grande diversité de poulets de même que des poulets élevés selon différentes méthodes. Pour desservir ces marchés émergents, CFO a récemment créé un programme de poulet artisanal qui permet à de petits producteurs qui ne détiennent pas de contingents de production d'élever jusqu'à 3 000 poulets par année pour l'approvisionnement de créneaux spécialisés, de restaurants locaux ou de marchés fermiers. Une centaine de ces nouveaux producteurs artisanaux ont adhéré au programme depuis septembre 2015.
En réponse à la demande de la communauté canadienne d'origine asiatique pour leur poulet traditionnel, CFO a lancé un programme d'espèces de poulet de spécialité auquel 20 nouveaux producteurs ont adhéré au cours de la dernière année.
Nous avons annoncé il y a six semaines l'implantation d'un nouveau transformateur de poulet casher en Ontario. Cette entreprise construit présentement une usine dans la région de Niagara et devrait être fin prête à desservir la communauté juive ontarienne en janvier prochain.
Nous avons réussi la mise sur pied de ces programmes parce que nous sommes plus que des agriculteurs — nous sommes des entrepreneurs. Nous travaillons en fonction du marché, nous innovons et nous nous adaptons à l'évolution des besoins de nos éleveurs, des transformateurs et par-dessus tout, des consommateurs canadiens. Cette focalisation a contribué à la stabilité de nos producteurs; elle assure leur réussite et en fait d'importants contributeurs de l'économie canadienne. L'industrie du poulet de l'Ontario génère chaque année plus de 2,7 milliards de dollars d'activité économique, soutient plus de 19 000 emplois, fournit 850 millions de dollars en salaires et rapporte près de 400 millions de dollars en recettes fiscales pour le gouvernement. Elle poursuit sa croissance d'année en année.
C'est le système de gestion de l'offre canadien qui fournit cette stabilité à nos producteurs. Et comme vous le savez, ce système repose sur trois piliers principaux : une planification efficace de la production, un strict contrôle des importations et une tarification équitable à la fois pour les producteurs et les consommateurs. Toutefois, pour que le système fonctionne de manière optimale, ces trois piliers doivent être maintenus et leur respect doit être assuré par les organismes de réglementation de tous les ordres. Pour le gouvernement fédéral, cela doit se traduire par une politique commerciale et des contrôles frontaliers efficaces.
Les CFO, en collaboration avec notre organisme national, les Producteurs de poulet du Canada, ont toujours appuyé les ententes commerciales conclues par le Canada, y compris le récent Partenariat transpacifique. Il importe cependant de comprendre qu'une fois ratifié, le PTP permettra l'entrée sur le marché canadien de 26 millions de kilogrammes supplémentaires de poulet libre de droits chaque année. Le Canada est déjà un gros importateur de poulet, 7,5 p. 100 de notre viande de poulet à griller étant importés au Canada en franchise de droits. Par ailleurs, le Canada permet l'importation en franchise de droits de volailles de réforme.
D'autres produits sont importés dans le cadre de programmes d'import-export conçus à l'origine pour des produits non alimentaires. Malheureusement, ces voies d'accès ont aussi créé des occasions pour l'étiquetage trompeur de produits de poulet importés et d'autres formes d'évasion fiscale. Or, ces importations frauduleuses réduisent de plus en plus les occasions de production et de croissance économique au Canada.
Il existe déjà une solution qui pourrait être mise en œuvre immédiatement. Le 5 octobre, l'ancien gouvernement avait annoncé une série de mesures visant à soutenir la croissance de l'industrie du poulet canadienne. Il s'agissait notamment des mesures suivantes : l'exclusion du poulet des programmes d'exonération des droits de douane et de drawback; la mise en place d'une certification obligatoire pour toutes les importations de volaille de réforme; et la modification de la règle des 13 p. 100 pour s'assurer que le Canada ne permet pas l'entrée au pays de produits qui ont été élaborés précisément dans le but de contourner les restrictions tarifaires canadiennes. Les Producteurs de poulet du Canada estiment que la mise en œuvre de ces solutions permettrait à l'industrie du poulet canadienne de créer 8 900 emplois et d'accroître le PIB national de 600 millions de dollars.
En conclusion, grâce à la stabilité créée par la gestion de l'offre, les éleveurs de poulet de l'Ontario continuent d'innover et de générer une croissance économique pour la province et le pays. Nous souhaitons préserver ces acquis pour le futur. Et pour que nous y parvenions, il est impératif que le gouvernement canadien continue non seulement de soutenir les principes de la gestion de l'offre, mais qu'il applique aussi les règles qui créent cette sécurité. Cela permettra aux producteurs et aux transformateurs de poulet, ainsi qu'à leurs fournisseurs, de continuer de stimuler la croissance et de générer de la valeur économique. Ainsi, des collectivités de partout au pays pourront continuer de profiter d'une industrie innovante d'élevage de poulet sur des fermes familiales.
Je vous remercie beaucoup de votre attention, et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le vice-président : Merci, monsieur Benjamins. Avant d'enchaîner avec la période de questions, je tiens à souhaiter la bienvenue au sénateur Wilfred P. Moore, de la Nouvelle-Écosse. Merci, sénateur Moore. Nous allons commencer sans tarder, mais tout d'abord, j'aimerais moi-même poser une question.
Monsieur Benjamins, vous avez mentionné quelques initiatives intéressantes au sein de votre industrie qui permettent à des producteurs qui ne détiennent pas de contingents de production d'élever des poulets. Est-il possible que ces éleveurs fassent partie du système de quotas à un moment donné?
M. Benjamins : Absolument. Évidemment, cela nécessiterait un investissement accru de leur part, surtout dans certaines de nos régions les plus éloignées, particulièrement au nord de l'Ontario, où les volumes de poulet que nous produisons commercialement ne seraient peut-être pas nécessaires, mais les programmes locaux, les marchés fermiers locaux auraient besoin d'un beaucoup plus petit volume, alors cela serait assurément une possibilité. Il faudrait créer des abattoirs, et cetera, dans ces régions, mais cela ne les empêcherait certainement pas d'adhérer au secteur.
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Benjamins. Je vais maintenant céder la parole à mes collègues.
Le sénateur Plett : Merci d'être ici aujourd'hui. J'allais m'excuser de mon retard, mais je me rends compte que presque tout le monde ici était en retard.
Le vice-président : Pas tout le monde, monsieur le sénateur.
Le sénateur Plett : J'ai bien dit « presque tout le monde ». J'ai fait attention à ce que j'ai dit. Quoi qu'il en soit, je m'excuse de mon retard.
Monsieur Benjamins, vous avez parlé d'un certain nombre d'initiatives, dont des ententes conclues avec l'ancien gouvernement. Sans les énumérer, pouvez-vous nous dire si vous avez discuté avec le ministre de l'Agriculture actuel? Avez-vous l'impression que le nouveau gouvernement va donner suite à ces ententes que vous avez conclues avec le gouvernement précédent?
M. Benjamins : C'est une question intéressante. Nous avons eu des discussions à ce sujet, du moins nos collègues du groupe national des Producteurs de poulet du Canada. Je crois pouvoir dire que beaucoup de gens estiment que nous recommençons à zéro en raison du changement de gouvernement, mais quant à savoir s'il sera réceptif ou non, il faudra voir et continuer d'exercer des pressions. Je pense que ce serait une bonne description de la situation actuelle.
Le sénateur Plett : Loin de moi l'idée de vouloir encenser le nouveau gouvernement, parce que je préférerais vanter les mérites de l'ancien, mais au fil des années, le gouvernement actuel a toujours été favorable à la gestion de l'offre.
M. Benjamins : Absolument.
Le sénateur Plett : Vous serez donc probablement en mesure de conclure des ententes?
M. Benjamins : Si le gouvernement respecte ce qui a été convenu par l'ancien gouvernement, nous en serons très ravis.
Le sénateur Plett : Je pense que vous avez tous deux parlé des contrôles à la frontière. Je sais que M. Bearss a parlé de l'import-export. Manifestement, vous craignez qu'il y ait trop d'importation, et je comprends cela, mais est-ce que nous importons parce que nous ne produisons pas assez?
M. Benjamins : En ce qui nous concerne, en vertu des ententes précédentes, les importations de poulet au Canada représentaient 7,5 ou 7,8 p. 100. Or, le PTP prévoit que l'accès à nos marchés en provenance des pays signataires augmentera à 9,7 ou 9,8 p. 100, ce qui se compare au reste du monde. Toutefois, si l'on ajoute tous les produits qui sont importés dans le cadre de ces différents programmes, dont certains sont frauduleux — et ce n'est pas parce que nous voulons interdire la volaille de réforme; on peut continuer à l'importer, ce n'est pas un problème, mais lorsque la viande est vendue sous étiquette de poulet à griller frais, cette situation trompe le consommateur. Lorsqu'on ajoute tous ces produits, on parle de 20 p. 100, ce qui va bien au-delà de ce que tout autre pays accepterait dans le cadre de ces accords commerciaux. Par conséquent, nous estimons avoir fait notre part; nous demandons simplement que les règles soient appliquées équitablement, ce qui est une position raisonnable, à notre avis.
M. Bearss : Nous adoptons la même position pour ce qui est de l'augmentation de l'accès. La raison pour laquelle l'industrie des œufs d'incubation de poulets de chair et les poussins est de l'ordre de 20 p. 100 actuellement est parce qu'elle a été ajoutée tardivement au système de gestion de l'offre. Nos collègues ont ce système depuis le milieu des années 1960. Le système de gestion de l'offre pour les œufs d'incubation de poulets de chair et les poussins a été établi en 1986. Cette année-là, les niveaux d'importation se situaient autour de 20 p. 100, alors le seuil a été établi en fonction des niveaux du marché de l'époque et il s'est maintenu depuis lors.
Pour répondre à votre question, à savoir si nous sommes intéressés ou même capables de répondre aux besoins du marché canadien et de réduire cette proportion : absolument. Nos producteurs canadiens pourraient totalement y arriver, à la fois dans notre secteur et dans le secteur de mon collègue. On ne s'oppose aucunement à l'idée de concurrencer et d'accroître notre productivité et notre efficacité pour satisfaire la demande canadienne.
Le sénateur Plett : Cela ne va évidemment pas arriver — c'est une question purement hypothétique —, mais serions- nous capables de répondre entièrement à la demande canadienne si nous n'avions pas d'importation?
M. Bearss : Aujourd'hui?
Le sénateur Plett : Oui.
M. Bearss : Non. Nous n'avons pas la capacité de production à l'heure actuelle, et personne n'est doté des installations à cet effet, parce qu'il n'y aurait aucune raison de se livrer à une surproduction. Cela irait à l'encontre de l'objectif et de la définition de la gestion de l'offre.
Le sénateur Plett : Nous avons parlé des produits de volaille de réforme importés. Il a été question du poulet, des œufs, des écloseries et du poulet à griller. Au Canada, que fait-on avec les vieilles poules pondeuses une fois qu'elles ont fini de pondre?
M. Benjamins : On les achemine à un transformateur. Je sais que le principal transformateur de poules de réforme se trouve en Ontario. On mélange le produit à d'autres sous-produits du poulet et on en fait des produits de qualité supérieure, que ce soit du bacon ou des saucisses au poulet, puis on les exporte...
Le sénateur Plett : Des croquettes de poulet?
M. Benjamins : Pas des croquettes comme telles. Ces produits de volaille sont exportés. Je ne doute pas que ces produits sont de qualité supérieure dans de nombreux marchés asiatiques simplement à cause de la constitution du produit, parce qu'il contient une poule plus âgée dont la chair est un peu plus ferme. Si, quand vous étiez petit, votre mère élevait des poules, vous sauriez comme moi que leur chair est un peu plus ferme et qu'il faut les cuire plus longtemps afin de les attendrir.
Le sénateur Plett : C'est souvent plus goûteux.
La sénatrice Merchant : Tout d'abord, vous avez parlé du marché asiatique qui exigeait en quelque sorte du poulet différent. Vous venez peut-être de répondre à ma question. Vous vouliez dire de la volaille plus âgée?
M. Benjamins : Non. Dans ce cas, je parlais plutôt d'un poulet de spécialité, qui est différent, dont la chair est plus foncée et qui est vendue avec les pattes et la tête aux consommateurs. C'est différent de ce que nos bouchers vendent traditionnellement. C'est un produit différent qui est destiné à la communauté asiatique. Nous avons aujourd'hui une société très multiculturelle, et cela illustre ce besoin.
La sénatrice Merchant : Ce poulet n'est donc pas exporté? On le vend au Canada?
M. Benjamins : C'est exact.
La sénatrice Merchant : Je comprends. En ce qui concerne l'étiquetage frauduleux du poulet importé au Canada, est-ce qu'on concurrence à prix égal dans les supermarchés avec les produits qui sont censés remplacer ou imiter le poulet?
M. Benjamins : Je ne suis pas sûr.
La sénatrice Merchant : Ou est-ce un produit meilleur marché? Je parle du point de vue du consommateur. Est-ce un poulet qui coûte moins cher au supermarché?
M. Benjamins : On pourrait penser que oui, mais je crois que les gens qui profitent du système étiquettent frauduleusement le produit qui est importé au pays. Bien qu'importée comme volaille de réforme, la viande peut être vendue sous étiquette de poulet à griller frais. Si ces produits étaient étiquetés comme étant de la volaille de réforme, les prix seraient ou devraient grandement être réduits, parce que dans bien des cas, c'est un sous-produit de l'industrie des œufs, et le prix pour ces poules est beaucoup plus bas.
La sénatrice Merchant : Je ne suis pas au courant de la situation dans les supermarchés. Par ailleurs, les pratiques d'élevage posent-elles problème dans l'industrie de la volaille, à l'instar du secteur bovin? Les Canadiens souhaitent de plus en plus consommer des produits sains et croient que les conditions d'élevage des animaux ont une incidence sur la santé humaine. On l'a vu la semaine dernière avec la chaîne de restauration Earls.
Avez-vous ce problème? Si oui, comment comptez-vous y remédier?
M. Benjamins : Jusqu'à présent, nous avons une bonne longueur d'avance dans ce domaine. Dans une vie antérieure, c'est-à-dire il y a à peine quelques mois, je siégeais au comité de production des Producteurs de poulet du Canada, et nous nous occupions exclusivement de cette question. Nous avons travaillé là-dessus pendant des années.
Dans le cadre de nos consultations, nous avons collaboré avec les chaînes de restaurant McDonald's, Swiss Chalet, et cetera, partout dans le monde, pour nous assurer que lorsqu'elles demandent du poulet élevé sans antibiotiques — aux États-Unis, le poulet serait élevé sans antibiotiques ayant une incidence sur les humains. Nous avons donc une longueur d'avance à ce niveau et nous serons en mesure de répondre aux besoins de nos clients. On a fixé des échéanciers, et nous pourrons les respecter sans problème. Cela ne sera pas du tout problématique pour nous dans le secteur de la volaille.
La sénatrice Merchant : Y a-t-il une forte demande pour le poulet biologique? Êtes-vous capables d'approvisionner le marché canadien?
Rob Dougans, président-directeur général, Chicken Farmers of Ontario : Absolument. Comme vous l'avez indiqué, le marché biologique est en croissance. Sa croissance est moyennement plus rapide que celle du poulet traditionnel. En Ontario, notamment, nous avons des producteurs biologiques qui répondent à ces besoins et qui continueront de le faire à l'avenir.
Ce qui est important de savoir ici, c'est que notre travail consiste à bien comprendre les besoins et les attentes des consommateurs. Nous constatons que les consommateurs changent leurs habitudes alimentaires. En raison de l'évolution démographique au Canada et des nouveaux immigrants, on doit s'adapter aux coutumes différentes, aux goûts différents, et cetera.
Compte tenu de la nature, des vertus et de la polyvalence du poulet comme source de protéines, notre secteur est en très bonne posture. C'est un produit qui est bien reçu dans de nombreux marchés.
Nos marchés deviennent de plus en plus complexes. Comme mon collègue l'a dit, nous devons être entrepreneurs, nous adapter aux goûts changeants de nos clients et nous assurer de toujours être en tête de ce que nous appelons la courbe de croissance. Nous estimons avoir un très bon bilan et nous sommes très bien positionnés pour saisir les occasions de croissance à l'échelle nationale, comme Bill l'a mentionné plus tôt.
Notre industrie a une grande faculté d'adaptation. Elle réussit à répondre aux besoins de ses clients et est très bien placée pour en faire davantage à l'avenir.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci pour vos présentations.
Ma question s'adresse à MM. Bearss et Benjamins. Vous avez abordé un sujet dont plusieurs témoins nous ont parlé : l'impact, pour l'Ontario, de l'exportation au Canada par les États-Unis de ce que nous appelons « le poulet de réforme ». Il s'agit de poulet non contrôlé qui fait son entrée dans les produits alimentaires. Quels sont les différents impacts de cette exportation sur votre marché?
[Traduction]
M. Bearss : Je vais demander à mon collègue de vous parler un peu plus en détail de la volaille de réforme, mais je peux vous dire qu'on fait entrer du poulet à griller en prétendant que c'est de la volaille de réforme alors que ce n'en est pas. Les États-Unis, par exemple, ont exporté au Canada près de 120 p. 100 de leur production totale de volaille de réforme, ce qui est encore une fois très improbable et fait ressortir la vraisemblance d'une fraude.
Il est donc assez évident que cela doit être géré et qu'il faut un contrôle réglementaire.
De notre côté, il en résulte que c'est du poulet à griller qui autrement, aurait été produit au Canada. S'il était produit au Canada, ou plus précisément, en Ontario, les poussins et les œufs seraient produits en Ontario. C'est une partie de la production qui ne se fait pas ici. Nous sommes donc perdants. Par conséquent, les Canadiens n'ont pas l'avantage de servir leur propre marché parce que des producteurs étrangers lui servent un produit frauduleux.
M. Benjamins : On n'insistera jamais assez sur les répercussions que cela a sur le marché. C'est la meilleure façon de décrire ce qui se passe. L'année dernière, si les chiffres des PPC sont exacts, et je crois qu'ils le sont, mis à part la volaille de réforme qui a été abattue aux États-Unis, nous avons importé presque 98 p. 100 de leur volaille de réforme. C'est énorme. On ne peut donc pas surestimer ou sous-estimer les répercussions que cela a sur le marché canadien.
Si l'on prend 10 p. 100 de notre production, au-delà de 9,7 p. 100, c'est énorme. Je n'ai pas fait les calculs, mais c'est assez important.
M. Dougans : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose. Une bonne partie des importations dont nous parlons — je les appellerai des composantes. Comme l'ont mentionné Ed et Bill, c'est souvent utilisé dans des produits comme composantes. On les trouve également en épicerie et on peut en manger dans un restaurant ou à l'occasion d'un repas.
Pourquoi est-ce si important? C'est important pour le Canada, mais particulièrement pour l'Ontario, où se trouve 60 p. 100 de la transformation supplémentaire. Le reste se trouve au Québec. Entre environ 80 et 85 p. 100 du reste de la fabrication et de la transformation des aliments est dans nos provinces.
Il y a deux semaines, Ed et moi participions à la réunion générale annuelle de nos collègues du Québec. C'est important pour eux également, et c'est l'une des priorités que nos deux provinces ont en commun. Ensemble, en collaboration avec les Producteurs de poulets du Canada, nous voulons nous assurer qu'à mesure que nous progressons, notre nouveau gouvernement mettra en œuvre certains des programmes de prévention et de contrôle dont nous avions déjà parlé.
La sénatrice Unger : Ce n'est pas la première fois que nous entendons dire que les quantités de volaille de réforme qui sont envoyées ici sont plus beaucoup grandes qu'elles devraient l'être. Pouvez-vous faire quelque chose? Auprès de qui devez-vous faire des pressions et que devez-vous faire pour que cette pratique cesse? Cela fait mal à vos deux provinces et au Canada.
M. Benjamins : Je pense que les PPC ont créé un système. Il s'agit d'une trousse d'analyse d'ADN; on peut, en fait, effectuer une analyse du poulet importé ici pour voir s'il s'agit de volaille de réforme ou de poulet. C'est très simple à faire et cela ne coûte que quelques dollars. C'est un moyen très efficace, rapide et précis. Tout ce qu'il nous faut, c'est que le gouvernement le mette en vigueur, donc peu importe si c'est l'Agence des services frontaliers du Canada ou un autre organisme, il faudrait probablement qu'il y ait une certaine coordination entre différents ministères, mais c'est très faisable. Il existe des solutions.
Nous avons demandé au gouvernement précédent — on était prêt à mettre cela en place une fois l'entente sur le PTP signée. Nous demandons à ce que cela se réalise.
Le sénateur Ogilvie : Pour l'essentiel, la question supplémentaire était une question que je voulais vous poser. Au cours des dernières années, des producteurs de poulet sont venus me voir à mon bureau et ont rencontré quelques-uns d'entre nous pour nous parler de ces problèmes qui, je pense, sont très graves, comme vous l'avez souligné. J'ai été surpris de constater la mesure dans laquelle on utilise le subterfuge, pour ce qui est de l'importation de poulet de qualité sous la catégorie des poulets de réforme.
Lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir, nous avons travaillé fort pour faire changer les règles afin de résoudre le problème, mais il y a aussi la question de la détection. D'après ce que j'ai compris, l'une des choses qui est mise de l'avant, et je crois que vous venez d'en parler, c'est l'utilisation beaucoup plus rapide des analyses d'ADN, car les inspecteurs doivent être en mesure de déterminer rapidement ce à quoi ils ont affaire à la frontière.
L'autre idée qui, d'après ce que j'ai compris, est en train de faire son chemin dans une certaine mesure, c'est celle d'un système de codes à barres s'appliquant du producteur jusqu'au consommateur final. Est-ce que les choses ont progressé au point où c'est un moyen efficace de détecter la provenance du produit?
M. Benjamins : Je vais m'en remettre à Rob, s'il connaît la réponse. Ce n'est pas mon cas. J'ignore où en sont les choses sur ce plan. J'en suis désolé.
M. Dougans : Sénateur, je ne peux pas vous donner de détails sur ce programme précis, mais je ferais une remarque. L'intégrité de la chaîne d'approvisionnement canadienne est bonne. C'est en partie en raison de notre capacité de savoir — des intrants jusqu'à la transformation — où sont nos produits, et nous pouvons les retracer.
Le codage à barres ou l'identification par radiofréquence, c'est un programme que certains transformateurs ont mis en place, mais il n'est pas encore appliqué à grande échelle. Le monde change sur le plan de la logistique et également des renseignements qu'il est possible d'avoir sur notre industrie.
En Ontario, nous sommes en train de terminer un programme qui s'appelle CFO Connects dans le cadre duquel nous avons fait passer notre industrie au numérique. Auparavant, les transactions se faisaient sur support papier. Tout se fait numériquement maintenant. Il a fallu trois ans de travail pour que nous ayons une bonne compréhension des transactions commerciales, mais surtout pour ce qui est de la qualité et de la sécurité des produits dans la chaîne de valeur. Il s'agit donc d'initiatives à long terme.
Le sénateur précédent a posé la question sur les importations et l'engagement de l'ancien gouvernement à l'égard du programme, et il s'agit ici de travaux que nous effectuons depuis trois ou quatre ans, du bon travail effectué en collaboration avec les Producteurs de poulet du Canada, de même que les organismes fédéraux concernés. Il a fallu beaucoup de temps pour susciter un élan et rendre la mise en œuvre de programmes possible. Malheureusement, une élection fédérale a perturbé nos plans, et nous devons maintenant recentrer nos efforts là-dessus.
Nous n'avons aucune raison de croire que le nouveau gouvernement souhaitera moins parvenir à ce résultat que le précédent, car c'est le choix nécessaire pour les Canadiens. Nous allons continuer à aller dans des lieux comme celui-ci, à rencontrer des députés, ce qu'Ed et moi avons fait plus tôt aujourd'hui, de même que ceux de nos provinces pour continuer à exercer des pressions.
Le sénateur Ogilvie : La détection à la frontière, c'est une chose, mais si vous pouvez aller à la source, alors, au bout du compte, le contrôle sera bien supérieur, ce qui constitue un problème. Le volume et les répercussions économiques sur l'industrie sont très importants.
Le sénateur Moore : Messieurs, je vous remercie de votre présence. Je voulais revenir sur une question du sénateur Plett. Monsieur Bearss, je crois que vous avez dit que les producteurs canadiens pourraient faire la production et combler l'écart de 20 p. 100 entre les demandes et les importations canadiennes, n'est-ce pas? Je crois que c'est ce que vous avez dit. Vous ne le faites pas maintenant, mais vous dites que ce serait possible.
M. Bearss : J'ai dit que les producteurs canadiens sont prêts à accroître leur capacité de production pour répondre à la demande.
Le sénateur Moore : Donc, si c'est possible, pourquoi ne le faites-vous pas? Pourquoi ne coordonnez-vous pas votre capacité de production pour pouvoir saisir ce 20 p. 100? Pourquoi laisser cela se poursuivre?
M. Bearss : Eh bien, si les importations sont à 20 p. 100, c'est en raison d'accords.
Le sénateur Moore : Existe-t-il une règle qui vous l'interdit?
M. Bearss : Il y a des accords commerciaux pour les œufs d'incubation et les poussins qui permettent un accès aux marchés canadiens, jusqu'à ce niveau, et c'est en vertu de ces accords.
Le sénateur Moore : Donc, les produits frauduleux entrent au pays comme s'ils faisaient partie de ces importations légitimes?
M. Bearss : Eh bien, les produits frauduleux ne font pas partie de cet accord. La volaille de réforme n'est pas couverte par ces accords. Elle entre au pays comme un produit qui n'est pas considéré comme du poulet. Donc, lorsque le véhicule frigorifique arrive à la frontière et que l'agent des services frontaliers ouvre les portières et se dit « oh, il me semble bien que ce sont des poulets » et que c'est déclaré comme de la volaille de réforme, voilà où s'arrête l'inspection.
Toutefois, avec la trousse, et c'était mon autre observation, il pourrait vérifier immédiatement et constater qu'il ne s'agit pas de volaille de réforme.
Le vice-président : C'est un moment approprié pour nous arrêter. Je vais devoir maintenant céder la présidence de cette séance au sénateur Plett. Malheureusement, veuillez m'excuser, messieurs, mais croyez-le ou non, même si je ne m'y trouve pas, je préside actuellement une autre réunion ailleurs sur la Colline du Parlement. Je dois donc demander à mon collègue et ami, le sénateur Plett, de prendre la relève. Le sénateur Dagenais est le prochain intervenant sur la liste, sénateur Plett.
Le sénateur Moore : Tandis que le sénateur Plett prend place, je voudrais poser une question.
Les accords comportent-ils une date limite? Avez-vous une occasion d'apporter des changements, de sorte que vous puissiez obtenir une plus grande part du marché produit au Canada, ou le PTP aura-t-il des répercussions là-dessus? C'est la source du problème.
M. Bearss : Je n'ai pas de réponse précise. Dans la mesure où tous les accords commerciaux peuvent faire l'objet d'une révision ou de discussions par les partenaires commerciaux en tout temps, ceux qui influencent nos activités relèveraient de cela, mais non, aucune date n'a été établie pour une révision quelconque.
Le sénateur Moore : Aucune clause ne vous permet d'effectuer une révision?
M. Bearss : Non, pas à ma connaissance. Je ne connais pas cet aspect des accords commerciaux internationaux.
Le sénateur Donald Neil Plett (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Nous avons dépassé un peu le temps prévu, mais nous n'accueillerons qu'un seul témoin tout à l'heure, et je vais donc laisser le sénateur Dagenais poser une question brève. J'en poserai une à mon tour par la suite et nous terminerons là-dessus.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir à la question de la volaille de réforme en provenance des États-Unis. Pouvez-vous nous donner un exemple d'étiquetage du produit américain par rapport à l'étiquetage du poulet transformé au Canada? C'est l'étiquetage qui est au cœur du problème, non?
[Traduction]
M. Benjamins : À mon sens, le problème, ce n'est pas vraiment l'étiquetage; ce sont les gens qui changent les étiquettes de façon frauduleuse, et il faut que ce soit fait intentionnellement.
Je pense que les responsables du contrôle de la volaille de réforme aux États-Unis veulent aussi que le problème se règle. Ce n'est pas seulement quelque chose que nous voulons voir se résoudre parce qu'on enfreint les règles. Je pense que même eux veulent savoir ce qui se passe. Je pense que des gens contournent les règles intentionnellement.
M. Dougans : Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais dire que lorsque nous parlons d'étiquetage, il s'agit souvent du paquet de poitrines de poulet sans peau et désossé que nous achetons à l'épicerie. Une autre façon de voir l'étiquetage, et je pense que c'est pertinent sur le plan de la clarté concernant la quantité qui entre au Canada pour ces produits, il peut s'agir de l'étiquetage sur le connaissement et celui sur une palette ou une boîte, et j'en passe.
Il est plus probable que les produits entrent en grandes quantités et soient retransformés ici, ou décongelés, puis réemballés et placés à l'épicerie. Donc, la mauvaise utilisation, si l'on veut, ou la supercherie, reposent sur l'ouverture d'un contenant de congélation de 53 pieds, l'examen des palettes et l'étiquetage. Il est inscrit sur l'étiquette qu'il s'agit de volaille de réforme. Nous savons qu'une bonne partie du produit est en réalité du poulet, du poulet à griller produit aux États-Unis qui est faussement présenté lorsqu'il entre au Canada. C'est ce que nous contemplons avec le gouvernement fédéral. C'est ce sur quoi il nous faut nous concentrer et c'est ce que nous devons changer.
Le sénateur Pratte : Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet, car je veux savoir où le bât blesse exactement. Est- ce que le problème se pose aux États-Unis, juste à côté de la frontière, ou quelque part au Canada? Je veux seulement savoir qui commet une faute au juste et où nous devrions intervenir.
M. Dougans : On dit qu'il faut être deux pour négocier, n'est-ce pas? Je dirais que des deux côtés de la frontière, il y a des parties qui font preuve de créativité afin de contourner la réglementation canadienne. Cela ne se fait pas d'une seule façon; différentes parties procèdent de diverses manières. Voilà où réside une bonne part des difficultés : être en mesure de le trouver, et de chercher de bons moyens de résoudre le problème. Il ne s'agit pas seulement des gens qui exportent au Canada. Il y a des partenaires canadiens.
Le président suppléant : Et le problème dure depuis un certain temps. Des producteurs de poulet nous ont dit que la volaille de réforme semble être l'un des problèmes.
Je me permets de poser la dernière question. Monsieur Benjamins, j'ignore si vous les avez appelés des éleveurs spécialisés, mais ils ne font pas partie du système de quotas. Ma femme et moi aimons acheter le poulet des colonies huttérites; son goût est meilleur et il est plus grassouillet et juteux. Lorsque vous parlez d'éleveurs spécialisés, s'agit-il de ces éleveurs?
M. Benjamins : En bref, oui, mais je veux dire qu'ils relèvent de nous, mais nous ne leur donnons pas de quota. Ils mènent leurs activités en vertu d'un permis. C'est donc le type de personnes avec lesquelles nous travaillons.
Le président suppléant : Messieurs, je vous remercie beaucoup d'avoir accepté notre invitation. La discussion a été enrichissante, et nous vous souhaitons bonne chance. Nous tiendrons très bien compte de vos observations au cours de nos prochaines délibérations. Merci.
Nous reprenons. Notre prochain témoin représente l'Association canadienne de gestion du fret. Il s'agit de M. Bob Ballantyne.
Monsieur Ballantyne, merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Nous vous accordons environ 10 minutes pour présenter un exposé, et il est à espérer que nous vous submergerons de questions par la suite.
Bob Ballantyne, président, Association canadienne de gestion du fret : Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis ravi d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité dans le cadre de son étude importante sur les priorités en matière d'accès pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien.
Même si quatre points figurent à l'ordre de renvoi, l'Association canadienne de gestion du fret présentera uniquement des commentaires au sujet du point b), soit l'amélioration durable des capacités de production de la chaîne d'approvisionnement. Ces derniers porteront sur les éléments relatifs au transport dans la chaîne d'approvisionnement.
L'ACGF, l'Association canadienne de gestion du fret, autrefois appelée l'Association canadienne de transport industriel, fait connaître les préoccupations de l'industrie du transport de marchandises auprès des différents ordres de gouvernement et organismes internationaux depuis 1916. L'ACGF célébrera son 100e anniversaire le 25 octobre cette année. Nous nous souvenons même du numéro de la pièce où tout a commencé en 1916.
Contrairement à la plupart des associations de l'industrie, qui représentent les entreprises d'un seul domaine, l'ACGF comporte un vaste éventail de membres, soit environ une centaine de moyennes et grandes entreprises dans le secteur de la vente au détail, de la fabrication, de la transformation alimentaire, de l'agriculture, de l'exploitation minière et des produits forestiers. Toutefois, elle se concentre exclusivement sur le transport des marchandises. L'ACGF défend les intérêts des expéditeurs en ce qui a trait au transport des marchandises par avion, par camion, par bateau et par train, au Canada et à l'étranger.
L'ACGF préside la Coalition des expéditeurs par rail, qui regroupe 19 associations de l'industrie dont les sociétés membres représentent environ 75 p. 100 des revenus du CN et du CP. Il y a aussi un regroupement international qui s'appelle le Global Shippers' Forum, et l'ACGF est le membre canadien de ce regroupement. Par l'intermédiaire du GSF, nous sommes actifs auprès de l'Organisation maritime internationale de l'ONU au sujet d'enjeux dans le domaine maritime ainsi qu'auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale au sujet d'enjeux touchant le transport des marchandises par avion. Une décision de l'ONU concernant la pesée des conteneurs qui entrera en vigueur le 1er juillet 2016 aura des conséquences sur les chaînes d'approvisionnement internationales.
Ma dernière comparution devant le comité remonte au 15 mai 2014, lorsqu'il examinait le projet de loi C-30, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains. Les conditions qui ont mené au projet de loi C-30, au rapport définitif récent ainsi qu'aux recommandations dans le cadre de l'examen de la Loi sur les transports au Canada sont toutes pertinentes pour la présente étude du Sénat.
En ce qui concerne les besoins de la chaîne d'approvisionnement, il faut d'abord se demander quels sont les éléments de la chaîne d'approvisionnement, dans quelle mesure ils fonctionnent bien, où se situent les goulots d'étranglement, quels sont les besoins à long terme et où devrait-on apporter des améliorations durables.
Au Canada, la chaîne d'approvisionnement se compose de l'infrastructure routière, des chemins de fer, des terminaux intermodaux, des ports, des installations du réseau navigable des Grands Lacs, des installations de navigation maritime ainsi que des liens nécessaires à l'échange électronique de données. Elle compte également le bon nombre et le bon type de véhicules, notamment des camions, des wagons, des locomotives, des navires ainsi que l'équipement de manutention dans les installations d'expédition, les terminaux intérieurs et les ports maritimes. Le bon nombre de travailleurs compétents pour exploiter et entretenir l'infrastructure de transport est également très important.
Cela comprend aussi l'exploitation de l'infrastructure de transport, qui compte des participants des secteurs privé et public, l'efficacité de la concurrence du marché dans le secteur des transports ainsi que le cadre légal et réglementaire nécessaire à l'exploitation efficace de l'infrastructure de transport.
Puisque bon nombre de chaînes d'approvisionnement sont de portée internationale, certains éléments étrangers ont une incidence sur l'accès aux marchés internationaux dans l'industrie agricole et agroalimentaire. Il faut tenir compte des installations douanières et d'immigration à nos frontières avec les États-Unis ainsi que de nos systèmes de sécurité de transport, en plus des activités de différents organismes fédéraux, comme l'Agence des services frontaliers du Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Il ne faut pas oublier les services de transport océanique, en vrac et par conteneur.
Dans le marché international des conteneurs, on constate une certaine consolidation des lignes de navigation ainsi que la restructuration des différentes alliances. Ces changements pourraient avoir une incidence sur les services aux importateurs et aux exportateurs canadiens.
Au sujet de la situation actuelle, je peux dire que l'investissement dans les infrastructures publiques et privées s'est maintenu de façon à assurer le bon fonctionnement de notre système de transport des marchandises. Lorsque surviennent des goulots d'étranglement, on remédie rapidement à la situation, car les retards dans la chaîne d'approvisionnement sont coûteux et nuisent à notre compétitivité. Le maintien du bon nombre de véhicules est un exercice complexe, surtout dans l'industrie ferroviaire. Il y a des périodes de pointe, notamment avec les engrais au printemps et les récoltes à l'automne. Le juste équilibre entre la réponse aux pointes de trafic et l'utilisation de l'équipement sans période de mobilisation prolongée est parfois difficile à trouver et peut être une source de frustration tant pour les expéditeurs que les transporteurs.
Au besoin, on peut passer d'un mode de transport à un autre, par exemple du train au camion, s'il y a des goulots d'étranglement, mais cela entraîne des conséquences dont il faut tenir compte, comme la hausse possible des émissions de gaz à effet de serre, ce qui peut engendrer d'autres pressions du public.
Même si l'ACGF compte parmi ses membres un certain nombre d'entreprises agricoles et de transformation d'aliments, mes commentaires porteront largement sur les enjeux qui touchent l'ensemble des expéditeurs et des exportateurs.
Tout d'abord, je dois dire que l'ACGF s'est réjouie de l'annonce du ministre des Transports le 22 avril, selon laquelle les dispositions du projet de loi C-30, qui devaient être progressivement éliminées à compter du 1er août, seront ramenées devant le Parlement en vue d'obtenir une prolongation d'un an. Les dispositions du projet de loi C-30, surtout celles qui font passer l'interconnexion réglementée dans les Prairies de 30 kilomètres à 160 kilomètres, se sont révélées très efficaces, surtout pour les expéditeurs agricoles dans cette région du pays. L'ACGF recommande l'adoption rapide de cette résolution du gouvernement par le Parlement.
De quoi avons-nous besoin et quelle orientation devrions-nous prendre? L'investissement public dans l'infrastructure des transports est essentiel pour soutenir la croissance de l'agriculture et de plusieurs autres industries au pays. Le dernier budget du gouvernement comportait des plans en vue d'investir plus de 120 milliards de dollars dans l'infrastructure sur 10 ans. Certes, il s'agit d'une somme importante et bienvenue, mais il y aura des demandes concurrentes quant à la manière dont elle sera attribuée. On s'inquiète que la première étape de cet investissement soit axée sur le transport en commun ainsi que l'infrastructure verte et sociale. Même si ce sont toutes de bonnes idées, il serait utile que la première étape comprenne des investissements dans l'infrastructure des transports pour soutenir l'économie canadienne en améliorant les chaînes d'approvisionnement pour les exportateurs canadiens.
Il faut également encourager les importants investissements privés dans ce domaine. Par exemple, ce sont principalement les actionnaires du CN et du CP qui fournissent l'infrastructure ferroviaire. Ces deux entreprises ont engagé des dépenses de l'ordre de 4 milliards de dollars en 2016, à savoir 2,9 milliards de dollars pour le CN et 1,1 milliard de dollars pour le CP. Les transporteurs dans tous les modes investissent dans les véhicules, les terminaux, l'équipement dans les terminaux, les réseaux informatiques, le recrutement et la formation du personnel ainsi que l'amélioration du rendement environnemental. Le gouvernement doit jouer un rôle pour soutenir ces initiatives du secteur privé.
À titre d'exemple et comme il a été recommandé dans le cadre de l'examen de la Loi sur les transports du Canada, des améliorations aux déductions pour amortissement relatives au stock de matériel roulant, c'est-à-dire les locomotives et les wagons, aux usines fixes ainsi qu'à l'équipement de manutention dans les terminaux des expéditeurs contribueraient à accroître la productivité en favorisant les investissements par les chemins de fer et leurs clients. L'ACGF demandera au gouvernement de mettre en œuvre cette recommandation.
On s'inquiète d'une éventuelle pénurie de main-d'œuvre qualifiée dans le secteur des transports. On prévoit un manque à gagner de 30 000 camionneurs au pays d'ici 2020, selon l'Alliance canadienne du camionnage. Du recrutement, de la formation et d'autres mesures en ressources humaines seront nécessaires pour répondre aux besoins. Par exemple, il faudra peut-être se pencher davantage sur les règles d'immigration.
Il faut également favoriser l'innovation dans l'ensemble de l'industrie des transports, notamment en comprenant mieux les liens entre les modes. Par exemple, l'arrivée de très grands navires à conteneurs, pouvant transporter jusqu'à 20 000 équivalents vingt pieds, exerce de la pression sur les ports, les chemins de fer et l'infrastructure routière ainsi que sur les services des douanes et de sécurité.
Il faut améliorer la collaboration entre les secteurs privé et public pour remédier à ces problèmes de connectivité. Récemment, l'Initiative de la Porte et du Corridor de l'Asie-Pacifique de Transports Canada a rassemblé tous les ordres de gouvernement ainsi que le secteur privé et a entraîné des investissements considérables dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique, qui ont bénéficié d'un vaste soutien de la part des intervenants. Cela devrait servir de modèle en vue d'une plus grande collaboration entre les intervenants.
Finalement, le cadre légal et réglementaire devra faire l'objet d'une surveillance constante et être revu en fonction des nouvelles technologies, des nouvelles procédures d'exploitation ainsi que des nouveaux modèles de la chaîne d'approvisionnement. L'obligation de revoir périodiquement la Loi sur les transports au Canada vise à s'assurer que celle-ci demeure à jour. Dans ce cas, la période entre les examens est peut-être trop longue. Le dernier examen de la Loi sur les transports au Canada remonte à 2001 et les modifications à la loi qui en sont ressorties n'ont pas été adoptées avant 2008. Il s'est donc écoulé sept ans.
Dans le cadre de ce processus réglementaire, différents ordres de gouvernement ont travaillé en étroite collaboration. Par exemple, la normalisation du poids des véhicules et des dimensions des camions d'une province à l'autre est un projet en cours depuis plus de 10 ans. Dans le rapport sur l'examen de la Loi sur les transports, on recommandait d'ailleurs d'examiner cela de plus près.
Dans bon nombre des secteurs, l'harmonisation de la réglementation avec les États-Unis est nécessaire. Lors de la comparution, récemment, de l'Alliance canadienne du camionnage devant le comité, M. Steve Laskowski a fourni des renseignements sur certains des enjeux transfrontaliers qui touchent l'efficacité du camionnage dans l'ensemble de l'Amérique du Nord.
Dans le réseau navigable des Grands Lacs, les propositions réglementaires des États américains frontaliers sur l'échange des eaux de ballast pourraient avoir de graves conséquences sur le Canada si elles ne sont pas harmonisées. Les différents ordres de gouvernement sont en mesure de jouer un rôle dans tous ces domaines qui influent sur les capacités de production de la chaîne d'approvisionnement.
Il faut aussi travailler avec la communauté internationale, notamment l'organisme du Royaume-Uni que j'ai mentionné et l'Organisation maritime internationale, pour promouvoir les mesures que ces organisations peuvent prendre pour favoriser la sécurité et la sûreté du commerce.
Dans ma présentation, j'ai tenté de faire ressortir les nombreux éléments du transport qui doivent être conçus et gérés pour veiller à ce que l'infrastructure de transport favorise l'efficacité des chaînes d'approvisionnement du secteur agricole et agroalimentaire ainsi que celles de toutes les industries canadiennes. J'ai tenté de cerner les secteurs sur lesquels le comité devrait se pencher plus attentivement.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Je serai heureux de tenter de répondre à toutes les questions des membres du comité.
Le président suppléant : Je vous remercie, monsieur Ballantyne. Je tiens à vous féliciter pour votre 100e anniversaire. Nous vous souhaitons d'excellentes célébrations. Nous allons commencer les questions.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup pour votre présentation, monsieur Ballantyne. J'ai deux questions à vous poser. D'abord, j'aimerais que vous nous donniez quelques exemples de contraintes ou de mesures que vous devez prendre pour exporter vers les États-Unis, l'Asie ou l'Europe.
[Traduction]
M. Ballantyne : Il y a un certain nombre d'éléments auxquels j'ai fait allusion en partie dans mon exposé. En ce qui concerne les États-Unis, il y a notamment la différence sur le plan de la réglementation des heures de travail des camionneurs. Il y a des distinctions à ce chapitre. Il y a aussi des différences sur le plan des poids et des dimensions des camions dans les diverses administrations en Amérique du Nord.
Il y a également des différences entre les lois et la réglementation environnementales du Canada et des États-Unis. Les gouvernements américains et canadiens prennent des mesures afin de les harmoniser, et ils font du bon travail à cet égard.
En ce qui concerne l'Europe, j'allais mentionner la capacité des navires, mais il y a très peu de contraintes à l'heure actuelle à cet égard. En ce qui concerne les problèmes liés au transport en Europe, il n'y en a pas beaucoup en ce moment. En Asie, c'est essentiellement la même chose.
Il y a bien sûr des différences entre les normes en ce qui a trait aux divers modes de transport, précisément le transport aérien et maritime. Elles sont toutefois gérées par des organismes internationaux de l'ONU, et elles ne causent pas trop de problèmes.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Quelle est la proportion des produits canadiens exportés qui sont rejetés au point de réception à cause de retards liés à leur transport ou parce que leur salubrité a été affectée? Y a-t-il des produits canadiens exportés qui sont rejetés au point de réception parce que des retards ont nui à leur salubrité?
[Traduction]
M. Ballantyne : Je dois me contenter de dire que je ne peux pas répondre à cette question, car je n'ai pas cette information.
Je vais par contre faire quelques commentaires à ce sujet. En général, les exportateurs sont compétents et comprennent bien les règlements qu'ils doivent respecter lorsqu'ils exportent des produits dans d'autres pays, particulièrement aux États-Unis. Je n'entends pas parler de retards importants attribuables aux problèmes que vous venez de soulever.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Si je comprends bien, lorsque les marchandises arrivent à destination, elles sont intactes. La grande majorité des marchandises sont salubres, car les moyens de transport sont ajustés en conséquence.
[Traduction]
M. Ballantyne : Essentiellement, c'est ce qu'il faut comprendre. Les transporteurs de produits alimentaires connaissent bien les règles. Ils connaissent également très bien les exigences. Par exemple, ils connaissent les exigences en ce qui concerne les conteneurs multimodaux, qu'ils soient chauffés ou réfrigérés. Ils sont très vigilants et ils s'assurent que les bonnes températures sont maintenues. De nos jours, ce ne sont plus tellement les wagons dont la température doit être contrôlée, mais plutôt les camions.
Il y a probablement toujours des exceptions, mais en général, les transporteurs font un très bon travail à cet égard.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie, monsieur Ballantyne, d'être avec nous ce soir.
Il y a quelques semaines, des représentants de l'Alliance canadienne du camionnage ont comparu devant notre comité et ils ont souligné l'importance d'harmoniser les normes qui s'appliquent au Canada et aux États-Unis. Ils ont aussi expliqué que l'absence d'harmonisation nuit à leur industrie.
De quelle manière cela affecte-t-il votre industrie, monsieur Ballantyne?
M. Ballantyne : Nos membres sont les clients des entreprises de camionnage, de transport ferroviaire et de transport maritime, alors, puisqu'ils ont recours aux services de ces entreprises, il y a une incidence sur eux.
Je connais Steve Laskowski, qui s'est adressé à vous. J'ai lu sa déclaration avant la réunion d'aujourd'hui. Il a parlé des problèmes liés au cabotage, car les camions-remorques canadiens qui se rendent aux États-Unis sont confrontés à des restrictions au sujet de ce qu'ils peuvent faire en territoire américain avant de revenir au Canada.
Comme je l'ai déjà mentionné, la réglementation concernant notamment les heures de travail des camionneurs entre en jeu. Ces aspects peuvent donc avoir des répercussions.
La sénatrice Tardif : Vous avez dit dans votre exposé que les propositions réglementaires des États américains frontaliers sur l'échange des eaux de ballast pourraient avoir de graves conséquences sur le Canada si elles ne sont pas harmonisées. Qu'est-ce que l'échange des eaux de ballast?
M. Ballantyne : C'est l'un des nombreux éléments d'ordre technique. Quand vous œuvrez au sein d'une industrie et qu'on vous parle d'une autre industrie, vous en perdez votre latin lorsqu'on entre dans les détails. Je vais toutefois entrer dans les détails pour votre gouverne.
Les navires qui proviennent de l'étranger sont dotés de citernes de ballast pour que le navire soit correctement ballasté afin qu'il puisse naviguer de façon stable en mer. Les citernes de ballast contiennent plus ou moins d'eau selon l'ampleur de la cargaison.
Parfois, les navires qui proviennent d'autres régions du monde peuvent amener des organismes dans le réseau navigable des Grands Lacs. En fait, cela a commencé à se produire après qu'on ait ouvert la voie maritime du Saint- Laurent en 1959. Il y a de nombreux exemples d'espèces envahissantes qui ont été amenées de cette façon.
On s'inquiète actuellement de certaines espèces envahissantes qui pourraient être amenées dans le réseau navigable des Grands Lacs depuis le fleuve Mississippi.
La sénatrice Tardif : Est-ce que les normes américaines visant les espèces envahissantes sont différentes des normes canadiennes?
M. Ballantyne : Il existe des règles internationales établies par l'Organisation maritime internationale au sujet de l'échange des eaux de ballast. Les navires qui se dirigent vers les Grands Lacs sont censés procéder à l'échange des eaux de ballast dans l'océan Atlantique avant d'entrer dans le fleuve Saint-Laurent.
La Garde côtière américaine et des États américains ont établi des règlements à cet égard, que les sociétés de transport maritime ne peuvent pas respecter en majeure partie; en fait, qu'aucune entreprise ne pourrait respecter. L'État de New York est l'un de ces États. Il est toutefois revenu sur sa décision d'imposer les exigences qu'il envisageait, mais je crois que le Michigan réfléchit à la possibilité d'imposer des règles.
Je n'ai jamais compris pourquoi l'entité responsable n'est pas la Commission mixte internationale et pourquoi des États jouent un rôle, mais il semble que ce soit ainsi.
C'est un dossier que le gouvernement canadien suit de très près, précisément Transports Canada. Il exerce des pressions auprès des États-Unis, à l'instar de la Chambre de commerce maritime, qui représente l'industrie du transport maritime des Grands Lacs et un grand nombre de ses clients.
Il y a donc du travail à cet égard, mais rien n'est encore réglé. Je crois que la sagesse va prévaloir et que nous allons harmoniser les règles.
Des préoccupations ont été soulevées à propos de navires canadiens qui peuvent se rendre plus loin dans le golfe du Saint-Laurent que la plupart des navires américains qui font partie de la flotte des Grands Lacs. Il semble que certaines des règles américaines visaient les navires canadiens qui se rendent plus loin dans le golfe du Saint-Laurent, alors on est en train d'examiner cette situation.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie.
M. Ballantyne : J'espère que je ne vous ai pas trop perdue.
La sénatrice Tardif : Je crois que j'ai compris l'essentiel.
Le sénateur Moore : Je vous remercie, monsieur Ballantyne, pour votre présence. Durant votre exposé, vous avez dit que votre association défend les intérêts des expéditeurs en ce qui a trait au transport des marchandises par avion, par camion, par bateau et par train au Canada et à l'étranger. Vous avez dit également qu'une décision de l'Organisation maritime internationale de l'ONU, l'OMI, concernant la pesée des conteneurs entrera en vigueur le 1er juillet 2016, c'est-à-dire dans deux mois.
M. Ballantyne : C'est exact.
Le sénateur Moore : J'en ai vaguement entendu parler, et j'ai cru comprendre que cette décision aura des conséquences sur les chaînes d'approvisionnement internationales. Un conteneur peut recevoir plus d'une cargaison; il peut contenir une dizaine de petites cargaisons. Est-ce que chaque cargaison dans un conteneur doit être pesée et est-ce que les données doivent être fournies à un responsable? À qui appartient la responsabilité de voir à ce que ce soit fait, de communiquer l'information à...
M. Ballantyne : À l'OMI?
Le sénateur Moore : Oui.
M. Ballantyne : Cette question a été soulevée pour des raisons de sécurité. Qu'il s'agisse d'un conteneur préparé par un expéditeur ou un transitaire, qui, comme vous l'avez mentionné, contient un certain nombre de petites cargaisons, il faut s'assurer que les conteneurs sont chargés sur le navire selon le plan d'arrimage, de sorte que les poids...
Le sénateur Moore : Pour que la charge soit équilibrée...
M. Moore : C'est exactement cela. C'est ce qui est exigé. Il existe une convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, la Convention SOLAS, dont le Canada est signataire. Depuis 1977, elle prévoit que le poids précis des conteneurs soit communiqué à la compagnie de transport maritime afin que cette dernière puisse charger le navire correctement.
Cependant, un peu partout dans le monde, on estime souvent le poids au lieu de le mesurer adéquatement, pratique à laquelle sont attribuables un certain nombre d'accidents maritimes. Le World Shipping Council, qui représente les compagnies de transport par conteneur, s'est adressé à l'OMI, l'organisme de réglementation des Nations Unies, pour demander la mise en place de règles plus strictes. À partir de 2010 environ, et ce, jusqu'en 2014, l'OMI a travaillé à une version révisée de la Convention SOLAS qui exige essentiellement la vérification de la masse brute de chaque conteneur. Autrement dit, quelqu'un doit apposer sa signature pour confirmer que le poids indiqué est exact.
Cette disposition peut être gérée de deux façons. La première, qui est évidente, consiste à peser le conteneur lui- même après y avoir chargé la cargaison. La seconde, à laquelle vous avez fait allusion, consiste à peser séparément les colis, ainsi que les matières d'emballage ou le tonnage ou quoi que ce soit d'autre, puis à y ajouter le poids du conteneur à vide, qui est indiqué sur le côté du conteneur. Cette méthode est jugée acceptable. Les données doivent être transmises à la compagnie de transport maritime par l'expéditeur ou par le transitaire. C'est cela qui est exigé et il faut le faire à temps pour pouvoir charger le navire.
Le sénateur Moore : J'ignore si cela est vrai ou non, mais j'ai entendu dire qu'aux États-Unis — dans le cas des transactions internationales provenant, par exemple, du Canada — l'expéditeur est responsable de peser correctement le conteneur et de transmettre cette information à la compagnie de transport maritime.
M. Ballantyne : C'est vrai.
Le sénateur Moore : Aux États-Unis, la garde côtière a le pouvoir de veiller au respect de cette règle, mais ne dispose pas des effectifs ou de l'équipement nécessaire pour le faire, et elle refuse de s'en charger. Comment cela fonctionne-t-il alors? Que se passe-t-il avec le conteneur qui est remis à la compagnie de transport maritime sans que son poids ait été dûment consigné?
M. Ballantyne : Concrètement, selon la Convention SOLAS, la compagnie est censée refuser de charger ce conteneur. Pour ce qui est de la réglementation...
Le sénateur Moore : Le conteneur reste donc sur le quai.
M. Ballantyne : Oui, jusqu'à ce que son poids brut soit vérifié comme il se doit. L'aspect réglementaire de cette question est particulièrement intéressant. J'ai remarqué que la garde côtière américaine a pratiquement déclaré qu'elle s'en lavait les mains. Sachez toutefois qu'ici, c'est Transports Canada qui est l'autorité responsable et que le ministère travaille à la publication d'un document d'orientation sur le sujet. Dans le même ordre d'idée, ce que dit le ministère, c'est qu'à moins que quelqu'un porte un problème à son attention, il va concrètement exercer une surveillance par exception. Toutefois, des amendes sont prévues. Je pense que le ministère propose des amendes d'un montant qui pourrait aller de 500 $ au minimum à 12 000 $ au maximum par incident, s'il s'avère que quelqu'un est en défaut. Il y a encore beaucoup d'incertitude à ce sujet partout dans le monde.
Le sénateur Moore : Cette mesure entrera toutefois en vigueur le 1er juillet.
M. Ballantyne : Oui. L'OMI a pris cette décision en mai 2014, mais les gens ont vraiment commencé à réagir l'été dernier seulement.
Le sénateur Moore : Cela pourrait avoir des conséquences coûteuses.
M. Ballantyne : Oui, et cela pourrait entraîner des retards. Tous les intervenants — les compagnies de transport maritime, les expéditeurs, les transitaires, les exploitants de terminal de tous les grands ports — travaillent très fort en ce moment pour essayer de se préparer en conséquence.
Comme bien d'autres pays, le Canada n'a pas encore mis en place sa réglementation. Une deuxième ébauche a été rédigée à partir du document d'orientation pour la réglementation canadienne, mais le règlement final n'a pas encore été publié par Transports Canada. La Nouvelle-Zélande a déjà fait paraître sa réglementation et le gouvernement chinois a publié la sienne il y a quelques jours à peine. La Grande-Bretagne, qui a mis en place sa réglementation l'année dernière, est en avance sur tous les autres pays. Il règne encore une grande incertitude à ce sujet dans diverses parties du monde.
Le sénateur Moore : Ce qui m'inquiète, c'est que les États-Unis sont le grand partenaire commercial du Canada. Ces règles doivent être resserrées. Merci, monsieur le président.
Le président suppléant : Je voudrais poser une question, si vous le permettez. L'étude du comité a pour objet les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Une partie de votre présentation portait spécifiquement sur le projet de loi C-30, comme vous l'avez dit, et sur le prolongement de 30 à 160 kilomètres de la limite d'interconnexion, ce qui a certainement été très avantageux pour le transport ferroviaire sur courtes distances et pour les agriculteurs de l'Ouest canadien.
Le gouvernement précédent a mis en place certaines mesures réglementaires. Il y a un an ou deux, les hivers ont été passablement froids et, d'après le gouvernement et de nombreux agriculteurs, le CN et le CP ne respectaient pas leurs obligations. Au lieu de transporter les céréales de l'Ouest canadien, ils transportaient du pétrole. Nous leur avons imposé des délais. Dans le cadre de vos fonctions, vous avez sûrement dû prendre part à ce dossier dans une certaine mesure et, bien que vous n'ayez pas témoigné à l'époque, le CN et le CP l'ont fait.
Puisque la présente étude porte sur l'accès aux marchés pour les agriculteurs, quelles sont les trois préoccupations les plus importantes du secteur agricole en matière d'expédition?
M. Ballantyne : Je ne peux me prononcer que sur la partie qui concerne le transport.
Le président suppléant : Très bien. Je sais que c'est une question difficile, mais vous pouvez peut-être nous fournir des renseignements qui pourraient figurer dans notre rapport.
M. Ballantyne : Le transport ferroviaire est probablement la première chose à laquelle je pense et dont j'entends parler. Ce problème comporte plusieurs aspects, le premier étant la disponibilité des wagons. L'uniformité du service — le temps de transit et ce genre de choses — en est un autre et c'est probablement le plus grave. Périodiquement, il y a des difficultés dans les ports. Il faudrait peut-être examiner les liens entre les divers éléments de l'ensemble du système de transport, c'est-à-dire l'acheminement des céréales des agriculteurs aux installations terminales intérieures, puis de ces installations vers les ports avec assez de wagons, de même que la capacité des silos dans les ports en fonction de l'arrivée des navires et ce genre de chose. Tous ces éléments peuvent entrer en ligne de compte.
Cela fait des années que je suis engagé dans l'association et il est souvent question du transport ferroviaire. Bien sûr, je n'étais pas là il y a 100 ans quand l'association a été créée, mais j'y suis depuis assez longtemps. C'est un problème qui touche bien des expéditeurs et des industries, pas seulement le secteur agricole.
Le président suppléant : Espérons que la situation se soit quelque peu améliorée, mais je suppose que la plainte générale est aujourd'hui la même qu'il y a quatre ou cinq ans et même plus.
M. Ballantyne : C'est certain.
Le président suppléant : Pensez-vous qu'il existe une solution à ce problème?
M. Ballantyne : Il y en a probablement une, mais c'est une situation compliquée pour tout le monde. Comme je l'ai dit au cours de ma présentation, le problème que connaissent tous les modes de transport, mais je me concentrerai sur le transport ferroviaire puisque nous parlons du secteur agricole, ce sont les périodes de pointe. Une compagnie de chemin de fer qui a investi dans l'achat de wagons, par exemple, a-t-elle les moyens d'avoir assez d'équipement pour affronter les pics de la demande, ou peut-elle s'en tirer autrement? Trouver le juste équilibre pendant les périodes de pointe fait partie de la réalité. Les récoltes sont faites quand elles sont faites et la plantation a lieu quand elle a lieu. Quand il est question de produits de consommation, la fête de Noël arrive quand elle arrive. Le système de transport doit faire face à toutes sortes de périodes de pointe et la véritable difficulté consiste à le faire d'une façon rentable à la fois pour les transporteurs et pour leurs consommateurs. C'est un point sur lequel tout le monde travaille.
Selon moi, la communication entre tous les intervenants des diverses chaînes d'approvisionnement n'est pas aussi ouverte et efficace qu'elle pourrait l'être. Tout le monde a tendance à protéger sa propre position, ce qui entrave parfois la communication qui devrait être établie.
Le président suppléant : C'est très difficile à moins que l'État n'intervienne pour imposer aux compagnies de chemin de fer — puisque c'est à ce niveau que le problème semble être le plus grave — le transport d'un produit plutôt qu'un autre, car on ne veut pas favoriser une gestion de l'offre plus importante que celle qui existe déjà. Cela serait la seule solution.
M. Ballantyne : C'est une question complexe. La décision prise par le gouvernement d'ordonner au CN et au CP de transporter 500 000 tonnes de blé est une solution très risquée. Cela peut causer des problèmes à tous les autres expéditeurs et à toutes les autres industries qui comptent sur le chemin de fer pour transporter leurs produits. En fait, au sein de l'industrie agricole, des secteurs autres que celui des céréales ont probablement subi, dans une certaine mesure, les contrecoups de cette décision. Il n'y a pas de solution simple à ce problème parce qu'il faut essayer de concilier des besoins parfois contradictoires.
Le chemin de fer est une activité de réseau et tenter de tout faire coïncider est un véritable défi pour tous les joueurs des diverses chaînes d'approvisionnement. À moyen terme, le mieux que nous puissions faire serait que les entreprises de transport, les expéditeurs, les agriculteurs et les autres parties parviennent à communiquer plus ouvertement.
Le président suppléant : Je ne voulais pas lancer un débat sur la question et je m'en excuse si c'est ce qui se produit. Quand des industries sont aux prises avec des difficultés, comme ce fut le cas pour le secteur agricole et le secteur de l'automobile, et comme c'est maintenant le cas pour Bombardier et le secteur pétrolier, la seule solution est parfois une intervention de l'État.
M. Ballantyne : En effet, cela peut arriver. Au sens le plus large, c'est vrai. Le problème qui est survenu lors de la campagne agricole de 2013-2014 était très inhabituel. Les dispositions du projet de loi C-30 permettaient au gouvernement d'agir comme il l'a fait. Cette mesure demeurera en vigueur puisque le projet de loi C-30 est prolongé d'un an, mais bien des expéditeurs souhaiteraient que cette disposition ne soit pas reconduite.
À mon avis, les conditions de la campagne agricole 2013-2014 étaient tout à fait inhabituelles. Deux campagnes se sont écoulées depuis et le gouvernement ne s'est pas prévalu de ce droit. Les chances qu'une telle situation se reproduise d'ici le 1er août 2017, date à laquelle les dispositions du projet de loi C-30 deviendront vraisemblablement caduques, sont bien minces.
Le président suppléant : Espérons-le. Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, monsieur Ballantyne. Vous nous avez fourni de précieux renseignements. Nous vous en sommes reconnaissants.
Excusez-moi, sénatrice Unger, avez-vous une question?
La sénatrice Unger : Oui.
Le président suppléant : Veuillez m'excuser. Vous pouvez poser la dernière question.
La sénatrice Unger : Monsieur Ballantyne, j'habite en Alberta et j'aimerais savoir si la chute du prix du pétrole a une incidence sur votre secteur. Vous avez parlé des ouvriers qualifiés au cours de votre présentation, mais j'aimerais que vous abordiez brièvement cette question.
M. Ballantyne : Notre association compte de très nombreuses entreprises albertaines parmi ses membres. L'une des plus grandes qui me viennent à l'esprit est Agrium. Le président de notre comité du transport ferroviaire vient de cette entreprise. Toutes les industries ont été touchées dans une certaine mesure par ce qui arrive au secteur pétrolier en Alberta. Pour ce qui est des membres de l'association, je n'ai entendu aucune entreprise parler de problèmes immédiats découlant de cette conjoncture. Le prix de l'essence à la pompe, qu'il s'agisse de diesel pour les camions ou autre, est évidemment un facteur qui entre en ligne de compte.
Pour ce qui est de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, beaucoup de travailleurs du secteur pétrolier ont été mis à pied, ce qui est vraiment regrettable. Il reste à voir si certains de ces travailleurs envisageront de se recycler pour devenir camionneurs, occupation qui pourrait connaître une grave pénurie de main-d'œuvre partout au Canada. Ce sont les remarques les plus générales qui me viennent à l'esprit pour répondre à votre question.
La sénatrice Unger : Merci.
Le président suppléant : Merci, monsieur Ballantyne. Merci, chers collègues. Nous reprendrons nos travaux jeudi matin à 8 heures. La séance est levée.
(La séance est levée.)