Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 10 - Témoignages du 10 mai 2016
OTTAWA, le mardi 10 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 32, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum. Je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Terry Mercer de la Nouvelle-Écosse, vice-président du comité, et j'aimerais commencer par demander aux sénateurs de se présenter.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le sénateur Ogilvie : Kevin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le vice-président : Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le secteur agricole et agroalimentaire canadien constitue une part importante de l'économie au pays. En 2013, le secteur générait un emploi sur huit au Canada, soit plus de 2,2 millions de travailleurs, et près de 6,7 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2014. En 2014 toujours, le Canada se classait au cinquième rang des exportateurs mondiaux de produits agroalimentaires.
Le Canada est partie prenante dans plusieurs accords de libre-échange. Un total de 11 accords de libre-échange sont actuellement en vigueur. L'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne, le Partenariat transpacifique et l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine sont conclus, et huit accords de libre-échange font l'objet de négociations. Le gouvernement fédéral discute aussi de possibles accords de commerce avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les États membres du Mercosur : l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.
Aujourd'hui, nous accueillons Peter Gould, directeur général et chef de la direction, Producteurs laitiers de l'Ontario; Scott Graham, président, Egg Farmers Ontario; Harry Pelissero, directeur général, Egg Farmers Ontario.
Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître.
J'invite maintenant les témoins à présenter leurs exposés. Ensuite, chaque sénateur disposera de cinq minutes pendant la période de questions et réponses. Nous accorderons autant de séries de questions que possible. Les sénateurs n'ont donc pas à poser toutes leurs questions d'un seul coup.
Je demanderais aux sénateurs de poser des questions brèves et d'en venir au fait, tout comme les témoins dans leurs réponses.
Peter Gould, président et directeur général, Producteurs laitiers de l'Ontario : Je tiens d'abord à remercier le président et les membres du comité de me donner la possibilité de m'adresser au Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts.
Je m'appelle Peter Gould et je suis président et directeur général des Producteurs laitiers de l'Ontario.
Les Producteurs laitiers de l'Ontario sont un organisme provincial de marketing représentant environ 3 800 fermes laitières. Cet organisme assume les responsabilités exclusives de la commercialisation du lait en Ontario et vend du lait à une soixantaine d'installations de transformation disséminées dans toute la province, de la frontière du Québec à l'est, à Windsor à l'ouest, et aussi au nord et à l'ouest que Thunder Bay.
Les travaux du comité ne pourraient être plus opportuns. En effet, l'industrie laitière a pris de l'ampleur en Ontario et au Canada au cours des 50 dernières années. Toutefois, nous nous retrouvons à un moment décisif. Le statu quo ne constitue pas une option. Ne rien faire n'est tout simplement pas possible.
En l'absence d'une stratégie bien pensée et d'un plan qui l'accompagne, nous pourrions bien en arriver à voir l'industrie disparaître, au dessaisissement et à une plus grande dépendance à l'égard des importations, avec des conséquences dévastatrices sur l'Ontario rural, les régions rurales du Canada, les collectivités rurales et les infrastructures rurales, des secteurs qui comptent tous énormément sur l'industrie laitière dans de nombreuses régions du Canada.
Il nous faut le genre de choses qui définissent la modernisation : des investissements, des emplois, des activités économiques, la croissance économique et des débouchés d'exportation.
Mon intervention aujourd'hui, portera surtout sur l'amélioration durable de la capacité de production de la chaîne d'approvisionnement. Je ferai également quelques observations sur la compétitivité et la rentabilité du secteur agricole et agroalimentaire canadien.
Je vais prendre quelques minutes pour décrire le profil de l'industrie laitière d'aujourd'hui. Le tableau n'est pas reluisant.
Parlons quelques instants des aliments pour animaux. Chaque année, des dizaines de millions de kilogrammes d'excellentes poudres de lait écrémé de qualité alimentaire finissent comme aliments pour animaux, et leur nombre va croissant. Cette année, on pourrait bien parler de plus de 50 millions de kilogrammes. L'alimentation animale est de loin le marché ayant le plus bas prix.
Parallèlement, nous constatons une augmentation de la demande en matières grasses. La perception des bienfaits des matières grasses sur la santé a beaucoup changé depuis trois ou quatre ans. La demande augmente. En fait, l'industrie ne suffit pas à la demande croissante de beurre et de matières grasses.
Nous prévoyons également une croissance importante de la demande en matières grasses dans les années à venir, mais par définition nous ne pouvons pas satisfaire à cette demande croissante. La demande en matières grasses augmente dans d'autres pays développés, et le Canada en importe de plus en plus. Certaines de ces importations sont légales, d'autres sont illégales.
L'un des facteurs les plus importants, c'est notre capacité de séchage, à savoir les usines qui produisent la poudre de lait écrémé. Dans ces usines, on extrait l'eau du lait écrémé. On compte 12 usines de séchage au Canada. À l'heure actuelle, chacune de ces usines sans exception a atteint sa capacité maximale. Elles ne peuvent recevoir ni transformer davantage de lait.
Le lait est séparé en deux parties : crème et lait écrémé. La crème est transformée en beurre; le lait écrémé est séché et réduit en poudre. Si les usines de séchage sont au maximum de leur capacité, cela limite la production de beurre.
Non seulement ces usines ont atteint leur capacité maximale, mais en plus, elles sont âgées. Sur 12 usines de séchage, 10 ont plus de 40 ans. Leur cycle de vie utile est pratiquement terminé. Ces usines de séchage peuvent tomber en panne à tout moment. Une panne ou l'incapacité de répondre aux normes de qualité exigées par les clients serait synonyme de déclassement. Ces vieilles usines de séchage ne peuvent fabriquer les produits recherchés sur le marché aujourd'hui.
Récemment, depuis environ un an, nous jetons du lait écrémé et je vais vous expliquer pourquoi. Nous sommes obligés de le faire presque tous les jours. Comme je l'ai dit, depuis exactement un an dans l'Est canadien, c'est-à-dire en Ontario, au Québec, à l'Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, nous avons atteint notre capacité maximale de production de poudre de lait écrémé. Depuis ce temps-là, nous nous débarrassons du lait écrémé presque tous les jours.
Le lait est produit de manière que nous puissions répondre le plus possible à la demande en matières grasses, mais comme nous ne pouvons pas sécher ce lait écrémé, il doit être traité autrement. Cela n'aura de fin que lorsque nous disposerons d'une nouvelle capacité de séchage dans notre pays.
De plus, nous sommes contraints de dire non aux entreprises. Nous ne savons pas dans quelle mesure, mais je peux vous en donner quelques exemples. Nombre de grandes entreprises alimentaires ont décidé de produire leurs pâtisseries avec de l'huile végétale plutôt que du beurre. Quand elles cherchent à s'approvisionner en beurre, on leur dit qu'il n'y en a pas, tant actuellement que dans un avenir prévisible, pour les nouveaux marchés marginaux. Elles n'arrivent pas à satisfaire à la demande; ce sont de nouveaux marchés qui sont très difficiles à desservir.
Ces entreprises ont bel et bien des choix, l'un d'entre eux étant de continuer à utiliser de l'huile végétale. Elles peuvent importer leurs pâtisseries des États-Unis ou alors se relocaliser aux États-Unis, ce que certaines d'entre elles ont fait.
Serons-nous en mesure de récupérer ces marchés? C'est la grande question. Nous voulons pouvoir produire assez de beurre pour répondre à la demande totale du marché, mais entre-temps nous allons certainement perdre ces marchés temporairement. La question est de savoir si on pourra un jour les remplacer.
Deux nouveaux accords commerciaux sont sur le point d'influer de façon importante sur l'économie canadienne; je pense que vous en êtes tous conscients. Le premier, c'est l'AECG, l'accord avec l'Union européenne. Cet accord va se répercuter considérablement sur le secteur laitier, car il permet l'importation de 17 000 tonnes de fromage de plus. Le PTP n'a pas encore été ratifié, mais cet accord prévoit de nouveaux contingents d'importation et tarifaires pour presque tous les produits laitiers, et pour le fromage et le beurre, les quantités sont très importantes.
Que faut-il faire? La seule avenue consiste à agir de façon stratégique et planifiée. Il ne peut y avoir d'avenir durable si on ne fait pas de nouveaux investissements importants dans les usines de traitement d'ingrédients en Ontario et partout au Canada.
Les usines de traitement d'ingrédients renoncent de plus en plus aux usines de séchage de lait écrémé traditionnel. Il nous faut pouvoir fabriquer un éventail de produits à partir de lait écrémé asséché, et de nouvelles usines doivent remplacer les anciennes, munies d'une technologie désuète. Les technologies nouvelles permettront de fabriquer les produits que l'on souhaite voir sur le marché, de protéines liquides à des poudres pouvant être adaptées aux besoins particuliers du client.
Néanmoins, la nouveauté ne suffit pas. Les usines doivent avoir une capacité beaucoup plus grande, au moins deux fois plus que celle qu'elles remplacent pour répondre à la demande accumulée et satisfaire la croissance pendant les 15 à 20 prochaines années.
Lorsque la décision de moderniser le secteur sera prise, il faudra attendre trois ans avant que les nouvelles usines de traitement soient pleinement opérationnelles. Nous avons commencé à étudier sérieusement ce point à l'automne de 2015, et nous avons alors estimé qu'il fallait prévoir trois ans à compter d'octobre 2015 avant la mise en service d'une nouvelle usine de traitement d'ingrédients. Je dois admettre qu'aucune grande décision n'a été prise jusqu'à présent. Alors, l'échéancier est toujours de trois ans, mais à compter du 10 mai 2016. Aucune entreprise n'a encore décidé de faire un tel investissement.
En outre, un grand producteur de beurre en poudre de l'Ontario a pris une mesure intérimaire. Ce n'est pas l'usine de séchage d'ingrédients que nous attendons, mais c'est une solution qui permettra de régler en partie le problème à court terme. Il importe donc d'en prendre note.
Qu'est-ce qu'une stratégie d'ingrédients? Je crois que bon nombre d'entre vous savent ce dont il s'agit, mais si ce n'est pas le cas, vous pouvez me poser des questions à ce sujet. Les Producteurs laitiers de l'Ontario ont mis en place une stratégie d'ingrédients qui est entrée en vigueur le 1er avril 2016. Elle existe donc effectivement depuis un mois jour pour jour, alors il est donc un peu trop tôt pour en évaluer l'efficacité, mais nous sommes à la fois confiants et optimistes qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction.
Une stratégie d'ingrédients, c'est plutôt simple : il s'agit d'une stratégie visant à classer les ingrédients pour les solides du lait écrémé et d'en établir des prix concurrentiels. Autrement dit, la stratégie vise à créer un milieu propice aux nouveaux investissements qui soit beaucoup plus simple et qui présente un potentiel de croissance et de rendement de l'investissement pour les sociétés participantes.
S'il est un facteur très important pour l'ensemble des producteurs laitiers, et pour les Producteurs laitiers de l'Ontario, c'est la réalité selon laquelle les transformateurs doivent faire des investissements. On demande de temps à autre pourquoi les producteurs appuient les transformateurs. Certains diraient, et certains l'ont déjà dit, que les organisations de producteurs ne devraient pas aider les transformateurs.
Or, aux Producteurs laitiers de l'Ontario, nous ne sommes pas de cet avis. Le seul moyen pour les producteurs de réussir est d'investir dans l'infrastructure de transformation. Nous devons effectuer la transition du point où nous sommes aujourd'hui, pour passer au point où nous serons en mesure de desservir le marché en fonction de la forme et du type de demande. Cela signifie transformer et produire une grande quantité de lait dans les exploitations agricoles, et remettre les quotas dans les mains des producteurs.
Je tiens à faire remarquer que lorsqu'il y a croissance, les quotas sont distribués au prorata, et cela ne coûte rien aux agriculteurs. Lorsqu'il y a croissance dans les exploitations agricoles et que les fermes laitières ont accès à des quotas, trois choses très importantes se produisent.
Premièrement, certains producteurs prendront de l'expansion ou se moderniseront. Deuxièmement, cela facilitera la tâche des jeunes agriculteurs qui veulent lancer leur entreprise et percer dans ce secteur. Troisièmement, et nous le constatons aujourd'hui, plus les fermes laitières auront accès aux quotas, moins elles seront nombreuses à déserter l'industrie. Dans l'ensemble, cela se traduira par des répercussions positives.
Je crois qu'il est important que le comité retienne que tous ces facteurs génèrent de l'activité économique, de la croissance et de l'investissement. Lorsque les agriculteurs ont des installations de plus grande taille, ils dépensent beaucoup d'argent dans les localités rurales, ce qui mène à une économie rurale plus dynamique, non seulement en Ontario, mais également dans toutes les provinces du pays.
Nous avons une demande précise, et je peux vous confirmer que les Producteurs laitiers de l'Ontario collaborent étroitement avec nos partenaires du secteur de la transformation. Nous avons tenu des réunions et nous allons continuer d'en avoir avec les représentants du gouvernement pour respecter l'objectif d'obtenir des investissements dans ces nouvelles installations d'ingrédients. Je dois admettre que le coût de ces nouvelles installations est très élevé. L'objectif est donc de moderniser l'industrie laitière canadienne pour la faire passer au XXIe siècle.
Dans cette industrie, les transformateurs ont besoin d'un soutien financier du gouvernement fédéral, car il s'agit d'un partenariat pour l'avenir. Ce serait un moyen de partager les risques ainsi que la meilleure façon de stimuler et de maintenir une économie rurale forte et saine en Ontario et au Canada. Merci.
Le vice-président : Merci, monsieur Gould. Avant de passer au témoin suivant, je tiens à présenter les sénateurs qui se sont joints à nous pendant votre déclaration. Je vous présente le sénateur Moore, de la Nouvelle-Écosse. Son arrivée nous permet d'atteindre le quota nécessaire de Néo-Écossais pour que la réunion se déroule bien. De l'Ontario, nous avons les sénateurs Oh et Beyak. Et enfin, nous accueillons la sénatrice Unger de l'Alberta.
Nous allons maintenant passer à M. Graham, qui représente Egg Farmers of Ontario.
Scott Graham, président, Egg Farmers of Ontario : Merci, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, et de représenter Egg Farmers of Ontario. Je suis Scott Graham, un producteur d'œufs de deuxième génération de St. Mary's, entre Stratford et London. En mon absence aujourd'hui, c'est la troisième génération qui s'occupe de la ferme, comme nous en avons pris l'habitude. Je suis très fier du fait que notre ferme en est maintenant à une troisième génération.
Soit dit en passant, notre famille s'est installée dans la région d'Ottawa en 1820. La ferme d'origine, si cela vous intéresse, a été fondée sur une parcelle de terre de 300 acres située où se trouve actuellement le Centre commercial Bayshore, et elle s'étendait de l'intersection entre les autoroutes 417 et 416 jusqu'à la rivière. Mais cela, c'était il y a très longtemps. Notre famille est donc dans le domaine de l'agriculture depuis près de sept générations.
Je représente également la Saskatchewan, car je suis aussi le très fier propriétaire d'une ferme bovine dans le sud de la province. J'aime apprendre à connaître les habitants de la Saskatchewan et le mode de vie des Prairies. De mon point de vue, je peux comprendre les deux côtés de la médaille en matière de commerce. Je suis également le président du Presidents' Council, une coalition de tous les groupes de producteurs de biens et qui comprend également des organisations représentant le secteur de l'agriculture en Ontario. J'essaie donc d'adopter une approche équilibrée en la matière.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de participer à son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Les 330 producteurs d'œufs de l'Ontario produisent environ 40 p. 100 des œufs du Canada, en vertu d'un régime de commercialisation fructueux, qui leur permet d'approvisionner les consommateurs en œufs de haute qualité et de toucher des prix équitables dans le cadre d'un système national de gestion de l'offre.
Les ententes commerciales accordent la priorité et à l'accès aux marchés internationaux, cependant, il est essentiel de bien connaître la production et la consommation d'œufs dans le contexte très différent du commerce international pour le marché des œufs.
Environ 95 p. 100 des œufs sont consommés dans le pays où ils ont été produits. Pour tenir compte de cette réalité, presque tous les pays développés ont mis en œuvre différents systèmes afin de gérer et de stabiliser ce marché, et ils disposent souvent d'une gamme complexe de subventions, de programmes de rachat de permis ou de quotas par le gouvernement, de mesures de soutien des prix et beaucoup d'autres mesures, qui existent dans d'innombrables combinaisons.
Notre politique, qui ne prévoit pas de subvention, est axée sur la contribution du marché canadien à la stabilité des marchés intérieurs et à la sécurité alimentaire à l'égard d'un aliment de base qui est indispensable au régime alimentaire des consommateurs, alors que d'autres producteurs agricoles, ayant un plus grand potentiel d'exportations, peuvent se lancer à la conquête des marchés internationaux. Étant donné les circonstances, je suis bien au fait de cette réalité. Manifestement, les marchés auxquels sont destinés mes œufs sont certainement différents par rapport aux marchés où j'expédie mon bœuf de la Saskatchewan.
Ce comité examine cette question dans le contexte de quatre secteurs précis, énoncés dans son invitation. J'organise donc mes propos en suivant ce format.
Premièrement : les attentes et les préoccupations des intervenants du secteur agricole et agroalimentaire. Nous nous réjouissons du soutien apporté par le gouvernement, ainsi que de la capacité des négociateurs, des fonctionnaires et des représentants élus d'optimiser les conditions des producteurs de volaille et de lait et d'élargir les débouchés commerciaux pour les industries agricoles, et ce, grâce au plus grand potentiel d'exportations fournies par l'entente sur le Partenariat transpacifique, ou PTP.
L'engagement à long terme du gouvernement à l'égard de cette entente montre que celui-ci comprend clairement l'importance des fermes d'élevage de volaille et de production laitière soumises à la gestion de l'offre au Canada rural ainsi que de l'activité économique et des emplois que ces fermes créent. Tous les partis fédéraux partagent ce point de vue.
L'entente a une incidence considérable sur le secteur ovocole canadien. Lorsqu'elle sera ratifiée et pleinement mise en œuvre, après 18 ans, le Canada devra importer 19 millions de douzaines d'œufs de plus par année.
En outre, sa ratification fera augmenter l'accès au marché des œufs, ce qui se traduira par des réductions permanentes de la production d'œufs, qui sera déduite de la future croissance des marchés. Dans bien des cas, les parties prenantes considèrent que l'envergure de ces pertes se gère bien, compte tenu de l'implantation progressive de l'entente et de l'équilibre que le Canada a établi dans les négociations sur le maintien de notre régime de fixation de prix équitables, qui ne constitue pas des subventions, dans le cadre d'un engagement valable et durable à l'égard du système canadien de gestion de l'offre.
Néanmoins, ces pertes, bien que gérables, constituent des pertes importantes de revenus permanents pour les producteurs d'œufs et l'économie, que le Canada a essuyées pour conclure l'entente. Une fois que celle-ci sera entièrement mise en œuvre, l'importation de 19 millions de douzaines d'œufs représentera 33 millions de dollars (dollars de 2015), soit plus de 100 millions de dollars en pertes d'activités économiques si l'on tient compte de toutes les répercussions par rapport aux fournisseurs et aux pertes d'emplois.
Personne n'aime sacrifier en permanence des revenus et un accès aux marchés. Toutefois, cette entente conserve les éléments fondamentaux de la fixation de prix équitables pour les consommateurs et les agriculteurs au sein du système de gestion de l'offre et, en établissant des engagements à l'égard de l'accès jusqu'en 2038, elle pourrait procurer aux producteurs d'œufs une certitude qui n'aurait jamais été aussi grande, et un contexte commercial qui n'aurait jamais été aussi stable.
L'un des enjeux touchant les producteurs d'œufs est la nécessité d'obtenir davantage de détails et de précisions sur l'application administrative d'une disposition de l'annexe à la Classification tarifaire du Canada (pour les contingents tarifaires). Cette disposition, qui figure à la Section A — Dispositions générales — alinéa 3d, se lit comme suit :
Le Canada se réserve le droit d'attribuer un CT, en tout ou en partie, au moyen d'une mise aux enchères pendant au plus les sept premières années contingentaires suivant l'entrée en vigueur du présent accord pour le Canada.
Harry vous donnera davantage d'explications à ce sujet à la fin de ma déclaration.
Il importe d'expliquer cette disposition pour pouvoir gérer ses répercussions sur la stabilité et le marché à l'intention des producteurs d'œufs, des classeurs d'œufs, des détaillants et des consommateurs.
Deuxièmement : l'amélioration durable des capacités de production de la chaîne d'approvisionnement. Les bénéfices pour les producteurs d'œufs sur le plan de la stabilité de l'exploitation découlant de la fixation de prix équitables sous le régime de la gestion de l'offre sont tels que le travail constant en matière d'innovation et d'investissement entraîne une amélioration considérable des mesures de durabilité au sein de la chaîne d'approvisionnement en œufs.
Par exemple, ces 50 dernières années, la production d'œufs du Canada a augmenté de 50 p. 100, alors que son empreinte écologique a reculé de près de 50 p. 100. Pour réaliser cette croissance de 50 p. 100 de la production d'œufs, on utilise 81 p. 100 moins de terres, 41 p. 100 moins d'énergie et 69 p. 100 moins d'eau. Cette croissance s'accompagne également d'une forte réduction des émissions : les émissions causant les pluies acides ont diminué de 61 p. 100, les émissions d'azote et de phosphore, de 68 p. 100 et celles de gaz à effet de serre, de 72 p. 100.
Les poulaillers ont attiré beaucoup d'attention récemment, mais les extrémistes s'opposant à la consommation de produits animaux ne parlent pas de l'amélioration de 50 p. 100 de la production d'œufs par poule ni de la réduction de 75 p. 100 de la mortalité des poules pondeuses réalisée par les producteurs d'œufs canadiens qui prennent soin de leurs poules, ni de l'effet très important que cela occasionne pour l'accessibilité des aliments pour les consommateurs.
Troisièmement, la diversité, la sécurité alimentaire et la traçabilité. Nous produisons des œufs à prix raisonnables en coordonnant l'offre intérieure avec la demande de la part des consommateurs, et ce, tout en respectant ou en dépassant de nombreuses pratiques d'élevage utilisées dans le monde. Nous disposons également d'excellents programmes de soins des animaux et du programme Propreté d'abord-Propreté toujours.
Nous avons été plus épargnés que les États-Unis des pertes horribles par l'éclosion de grippe aviaire en 2015, notamment en raison des niveaux de biosécurité dans les fermes avicoles canadiennes, de notre excellente planification d'urgence et des renseignements numériques centralisés sur l'emplacement des fermes que nous transmettons aux intervenants du gouvernement. Nous avons aussi été favorisés par la diversité géographique de la production agricole du Canada, répartie entre plus de mille exploitations de pondeuses qui comptent en moyenne 22 000 poules, en comparaison de la taille moyenne de l'élevage américain de poules pondeuses, qui représente environ 1,5 million d'individus.
Nos homologues américains subissent toujours les séquelles des pertes liées à la grippe aviaire qui a détruit 36 millions de poules pondeuses, soit environ 10 p. 100 de tout l'élevage américain, et qui a eu des effets désastreux sur le prix des œufs et sur l'approvisionnement en œuf.
L'éclosion que nous avons connue dans le comté d'Oxford en Ontario a touché deux endroits et mené à la destruction de 100 000 dindes, et de quelque 50 000 poulets à griller, mais n'a pas eu d'effet sur les pondeuses en Ontario.
Notre secteur avicole est très fier de la façon dont il a fait face à cette éclosion qui a eu des effets si horribles aux États-Unis.
Entre-temps, notre système a permis aux producteurs d'œufs du Canada d'intervenir rapidement en 2015 afin d'éviter que la grippe nuise à l'industrie des œufs de seconde transformation du Canada. Nous avons créé un programme qui a permis de protéger les marchés des œufs canadiens, normalement liés aux prix des œufs de casserie américains, grâce à la stabilité des prix financés par les agriculteurs, afin de préserver les emplois et d'empêcher les entreprises de s'exposer à ce risque. Ce programme a également permis de protéger les consommateurs.
Pour vous donner une idée, aux États-Unis, l'an dernier, le prix a atteint un plafond de 2,88 $ et est maintenant de 50 cents à 60 cents comptabilisés. Je le répète, cela a eu des conséquences pour les consommateurs. Cela a eu une incidence sur ceux qui transforment les œufs, ceux qui les utilisent dans la pâtisserie. Certains de ces produits n'étaient plus utilisés. On avait modifié les ingrédients et remplacé les œufs. Dans certains produits de pâtisserie, le remplacement des œufs est devenu permanent. Notre secteur de la transformation était subventionné quand le prix était élevé. Ils ont payé un certain montant. Maintenant que le prix est moins élevé, ils nous remboursent. Le secteur de la seconde transformation au Canada a beaucoup de valeur.
Quatrièmement, la compétitivité et la rentabilité du secteur agricole et agroalimentaire canadien, incluant les producteurs et les transformateurs. La production d'œufs représente 1,4 milliard de dollars par année pour l'économie canadienne et crée plus de 16 000 emplois. Elle assure l'efficacité du secteur du classement et de la transformation des œufs dans les différentes régions du pays. Il y a beaucoup de fermes laitières dans la région rurale où j'habite, près de St. Mary's. J'ai trouvé le rapport de Peter intéressant. Peter a notamment fait mention de la capacité du secteur laitier. Dans notre secteur, la capacité n'est pas un problème. Nous avons toute la capacité voulue pour classer et transformer tous les œufs que nous produisons. À l'heure actuelle, nous tentons simplement de répondre à la forte demande d'œufs à l'échelle du pays. Comme la production d'œufs est viable et durable, un producteur d'œufs sur cinq est nouveau dans l'industrie, et 30 p. 100 des producteurs d'œufs ont moins de 45 ans.
Le conseil d'administration des Egg Farmers of Ontario compte 11 membres. Nous avons tenu les rencontres avec les Producteurs d'œufs du Canada la semaine dernière. Nous étions 15 autour de la table. Une douzaine d'entre nous avait quelqu'un de la nouvelle génération comme nouveau participant au secteur de la production d'œufs.
Le Partenariat transpacifique est important, car il permet aux producteurs de faire des prévisions et de s'appuyer sur des certitudes, ce qui est essentiel au climat d'investissement à long terme ou qui permettra aux producteurs et aux transformateurs d'œufs canadiens de continuer à investir dans les technologies agricoles et dans celles de la transformation et de conserver leur place de chefs de file mondiaux pour ce qui est de la production d'œufs.
Un exemple parmi tant d'autres du type d'avancée qui renforcera la compétitivité et la rentabilité au niveau des fermes, des écloseries et de la transformation, et qui aura aussi des avantages pour le consommateur, est une nouvelle technologie canadienne qui permet d'établir le sexe des œufs avant l'incubation. Ainsi, seuls des poussins femelles seraient couvés en vue de la production de poules pondeuses. Les gains tirés de cette technologie vont essentiellement faire doubler la productivité de l'écloserie et mettre fin au débat entourant l'abattage des poussins mâles dans l'industrie des œufs. Cette dernière, qui représente un véritable marché d'exportation pour les fabricants canadiens d'équipement réservé à l'écloserie, réclame l'accès à cette technologie partout dans le monde.
Autre avantage important pour la compétitivité du secteur des œufs du Canada, la coordination entre les intervenants du milieu de la production d'œufs procure au Canada un degré élevé de préparation, afin de lui permettre de concevoir des mesures d'urgence pouvant être appliquées lors des incidents actuels et émergents liés à la salubrité des aliments et à la santé et au bien-être des animaux, et ce, en travaillant de façon proactive avec les organismes de réglementation, les offices de producteurs, les clients et les consommateurs.
Alors que les accords commerciaux sont souvent vus dans un contexte de gagnants et de perdants, un élément important du PTP pour les producteurs et les transformateurs d'œufs du Canada est la prévisibilité et la capacité de gestion des importations d'œufs sur le marché canadien. Cela servirait les intérêts du Canada si le comité pouvait établir des repères permettant d'évaluer la réussite relative de l'entente par l'examen des gains prévus et de l'évolution du marché par rapport au résultat réel de différents produits aux termes de cette entente. Cette évaluation, qui pourrait avoir lieu à mi-parcours et à la fin de la période de mise en œuvre, fournirait une orientation qui pourrait servir lors des négociations à venir.
Encore une fois, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
Le vice-président : Merci, monsieur Graham. Nous vous sommes reconnaissants.
Le sénateur Ogilvie : Merci. Monsieur Gould, vous avez consacré une bonne partie de votre exposé à la quantité de lait écrémé disponible et au séchage du lait écrémé pour sa transformation en poudre. J'aimerais en savoir plus sur le secteur laitier. Vous représentez environ la moitié des producteurs laitiers. Les producteurs laitiers sont assujettis à des contingents, n'est-ce pas? Le lait produit par chaque ferme est transporté régulièrement vers d'autres installations. Est- ce que ces autres installations sont complètement distinctes de l'entreprise agricole qui produit le lait?
M. Gould : Oui, vous avez tout à fait raison. Chaque producteur laitier détient un contingent qui détermine la quantité de lait qu'il produit. Les producteurs laitiers de l'Ontario organisent le transport. Tous les deux jours, un camion vient à la ferme pour transporter le lait vers une usine de transformation.
Le sénateur Ogilvie : Cette usine de transformation est-elle complètement distincte de la ferme?
M. Gould : Oui.
Le sénateur Ogilvie : Le lait est alors transformé puis, distribué aux autres utilisateurs qui le conditionnent dans des emballages selon le pourcentage de gras, ou sous forme de beurre, de fromage et, dans le cas sur lequel vous vous êtes concentré, en poudre.
M. Gould : Ce sont les transformateurs qui transforment le lait en lait de consommation, en fromage, en crème glacée ou en beurre.
Le sénateur Ogilvie : C'est le transformateur qui s'occupe de tout cela?
M. Gould : Oui.
Le sénateur Ogilvie : En général, les installations de transformation appartiennent-elles à des producteurs laitiers, à des producteurs primaires?
M. Gould : Non, pas de façon générale. Ce sont des entreprises privées ou des coopératives. Agropur est une coopérative du Québec.
Le sénateur Ogilvie : Vous avez indiqué que certaines de ces installations de séchage datent d'il y a 40 ans, bien au- delà de leur durée de vie utile. Dans la plupart des industries, on aurait établi un plan de remplacement et de modernisation au fil des ans. Il s'agit d'un secteur de base. Au début, les producteurs individuels produisaient tout, comme le beurre, la crème, et ainsi de suite. Pourquoi en sommes-nous arrivés à ce point aujourd'hui, où nous nous retrouvons avec tout ce lait écrémé asséché dans des installations dépassées. Le plan de remplacement n'a pas rempli son objectif. Et maintenant, on tente de trouver des fonds ailleurs pour moderniser ces installations et ainsi être en mesure de traiter les quantités excédentaires que vous produisez annuellement.
M. Gould : Merci. Le problème remonte à une époque lointaine. Je dirais qu'il remonte à 2006. L'industrie, soit les producteurs et les transformateurs, a tenté, parfois avec la participation du gouvernement aux discussions, de déterminer ce qu'il faut faire pour définir les bonnes conditions, notamment le prix du produit, pour que les investissements aient lieu. La tentative de 2006 a échoué. En 2006, il était encore temps d'agir. Nous nous sommes rassemblés de nouveau en 2012. La même chose s'est produite. Maintenant, nous sommes en 2015-2016 et il est trop tard.
Quelqu'un a parlé de soutien. Quand je parle de soutien financier, je l'envisage pour une partie des investissements, et non pas pour l'ensemble des investissements. Le secteur cherche un partenariat, et pas seulement avec le gouvernement fédéral, mais aussi avec le gouvernement provincial. Il s'agit d'un investissement dans l'avenir du secteur laitier, une source de beaucoup d'activités économiques, en plus d'être un secteur très important pour les régions rurales de l'Ontario et pour le Canada.
Le sénateur Ogilvie : Monsieur le président, je suis étonné de ce que j'entends. Il s'agit d'un secteur assujetti à la gestion de l'offre qui s'est retrouvé dans cette situation particulière. Je vais m'arrêter là. Merci beaucoup, monsieur Gould.
Le vice-président : Je partage vos préoccupations, sénateur Ogilvie. Je suis aussi un peu étonné d'entendre ces statistiques. J'appuie sans réserve la gestion de l'offre. Et je vante la capacité des Canadiens de produire des produits de bonne qualité sans subventions gouvernementales ou gestion de l'offre. Et maintenant, nous faisons face à une situation où si une ou deux usines devaient fermer au pays, nous aurions beaucoup de mal à produire et à transformer le produit.
Vous dites que 2006 est une année cruciale. Que s'est-il passé en 2006?
M. Gould : Je tenterai d'être bref. Il existe un lien avec le Cycle de Doha et les négociations de l'OMC où on a commencé à traiter d'un certain nombre de questions comme l'élimination des subventions à l'exportation. Le Canada exporte une certaine quantité de produits laitiers, y compris la poudre de lait écrémé, en ayant recours aux subventions à l'exportation. Voilà un des points qui avait attiré l'attention à l'époque.
Je ne crois pas qu'on ait réfléchi à la capacité ni à l'âge des installations de séchage. Un groupe de travail du secteur laitier a été créé, composé de producteurs, de transformateurs et de représentants du gouvernement. Pendant environ un an, ils ont tenté de trouver des solutions qui jetteraient les bases pour l'avenir. Comme je l'ai dit, à ce moment-là, il était impossible d'envisager qu'il serait éventuellement trop tard et qu'il était très important de trouver une solution. Six ans plus tard, en 2012, les producteurs du secteur laitier, les transformateurs et le gouvernement se sont rassemblés de nouveau dans le cadre de ce qu'on a appelé un dialogue entre producteurs et transformateurs dans l'industrie laitière. À l'époque on a tenté de faire la même chose qu'on essaie de faire aujourd'hui, c'est-à-dire mettre en place une stratégie axée sur les ingrédients.
Le vice-président : Sans vouloir aller chercher midi à 14 heures, si cela ne fonctionnait pas en 2006, il est évident que rendu en 2012, la situation aura empiré. En 2016, nous arrivons à un stade critique.
La sénatrice Tardif : Je vous remercie de votre exposé instructif. Vous avez indiqué que la demande en beurre et en matières grasses butyriques de la part des consommateurs et des entreprises de production alimentaire avait augmenté, mais que vous n'étiez pas en mesure de satisfaire la demande de matières grasses butyriques, c'est bien cela? Il n'y a pas assez de matières grasses butyriques au Canada. Combien en importez-vous? D'où viennent-elles? Et pouvez-vous éviter des situations où vous êtes contraints d'en importer?
M. Gould : Merci, sénatrice. Vous avez raison. Nous ne sommes pas en mesure de répondre à la demande actuelle en matières grasses butyriques. Comme je l'ai dit, nous sommes limités par notre capacité à produire du lait et à le faire transformer dans une usine de fabrication de beurre et de lait en poudre. En vertu d'accords de commerce existants, le Canada doit importer environ 3 000 tonnes en contingents tarifaires. En 2015-2016, d'août à juillet, nous avons déjà importé 4 000 tonnes de plus, sans compter les permis délivrés.
La Commission canadienne de lait est l'Agence fédérale responsable de l'importation du beurre. Elle a obtenu un permis pour importer jusqu'à 4 000 tonnes. Cela n'a pas encore été fait. Autrement dit, 3 000 tonnes ont été importées puis, 4 000; et il existe des permis pour 4 000 autres tonnes, qui restent à importer.
La sénatrice Tardif : La demande a dû être faite par la Commission canadienne du lait, en votre nom?
M. Gould : Les demandes sont adressées à Affaires mondiales Canada, mais s'ils autorisent les permis d'importation, c'est la Commission canadienne du lait qui est la...
La sénatrice Tardif : Et cela se fait année par année?
M. Gould : Non, pas nécessairement année par année. Nous avons à peu près 3 000 tonnes en contingents tarifaires à l'année. Après avoir présenté une demande pour les 4 000 premières tonnes, on est libre de les importer n'importe quand, et c'est ce qui a été fait. Ensuite, il y a eu une nouvelle demande pour 4 000 tonnes de plus.
La sénatrice Tardif : Monsieur Graham, vous avez parlé de la compétitivité et de la rentabilité de l'industrie ovocole canadienne. En matière de recherche et d'innovation, quels sont les deux domaines que vous cibleriez pour améliorer l'industrie ovocole canadienne?
Harry Pelissero, directeur général, Egg Farmers of Ontario : La détermination du sexe.
M. Graham : Je reviendrais à ce que je mentionnais plus tôt : la détermination du sexe, grâce à un processus que nous sommes justement en train d'élaborer. Nous avons la technologie permettant de différencier d'un œuf mâle d'un œuf femelle. Elle a été élaborée au Québec et en Ontario, où nous étudions comment elle pourrait être appliquée dans une écloserie. Éliminer les poussins mâles au lendemain de leur éclosion est un énorme problème côté bien-être.
Le monde entier, comme je l'ai dit, cherche une façon d'éviter d'avoir à procéder ainsi. De plus, cela augmenterait la capacité de production des écloseries, car elles n'auraient pas à couver deux œufs pour obtenir un poussin femelle, et elles obtiendraient ainsi un plus grand pourcentage de poussins femelles, futures pondeuses.
Nous travaillons également à d'autres utilisations des œufs. Nous avons une collaboration en cours avec une entreprise qui s'efforce d'élaborer un œuf incubé un certain temps, apte à être utilisé en pharmacie, notamment pour la santé mentale. Les données sont vraiment prometteuses, et l'entreprise entame justement la seconde série d'essais sur la question. Cela pourrait avoir des retombées énormes et aller de pair avec la détermination du sexe, parce que les œufs pourraient alors être dirigés vers ce programme.
Côté innovation, nous avons manifestement laissé de côté beaucoup de technologies utilisées dans les poulaillers. Là aussi, il faut féliciter les généticiens qui travaillent sur les volatiles, parce que nous avons maintenant des petites créatures extraordinaires qui produisent ces œufs en mangeant beaucoup moins qu'autrefois. De plus, même le tempérament du volatile s'est beaucoup amélioré, par rapport à il y a 5 ou 10 ans. Cela lui permet de s'adapter beaucoup plus qu'autrefois, quel que soit l'environnement où on le place.
La sénatrice Merchant : Pour les œufs comme pour le beurre, vous êtes à la merci des préférences alimentaires qui semblent parfois cycliques, en tout cas en Amérique du Nord. Je ne sais pas si c'est le cas partout.
La tendance est de recommencer à manger du beurre. Pendant des années, les gens évitaient le beurre, croyant que c'était mauvais pour la santé. Même chose pour les œufs, que les gens évitaient de consommer, passé un temps. Cela fluctue. Il circule aussi des notions comme quoi boire du lait ne serait pas idéal. Est-ce que cela a des conséquences sur les investissements faits dans votre secteur, dans la mesure où il est difficile de prédire ce que réserve l'avenir?
M. Gould : Les œufs et le lait ont un point commun : le cholestérol. Je ne vais pas m'attarder sur la question du cholestérol sérique par rapport au cholestérol alimentaire, mais les médias sociaux ont amené les consommateurs d'Amérique du Nord et d'un peu partout en Europe à accepter que la graisse animale, généralement parlant, et la graisse laitière, plus particulièrement, ainsi que les œufs, non seulement ne sont pas malsains, mais sont bons pour la santé. La croissance et la demande le prouvent. Manifestement, on a eu une forte croissance de la consommation de yaourt, produit à faible teneur en matières grasses et à forte teneur en protéines. L'industrie laitière a longtemps dépendu de ce type de produit. Ceci dit, pour prendre l'exemple du beurre, la consommation, après avoir diminué constamment de 1960 à 2012, année lors de laquelle elle a atteint son plus bas niveau, augmente maintenant de façon importante. C'est vrai aux États-Unis et en Europe de l'Ouest également.
Le comité ne s'intéresse peut-être pas à la quantité de crème que les gens ajoutent à leur café, mais la crème fouettée et ce type de produits à base de matières grasses laitières goûtent bon. Si les consommateurs ne les perçoivent comme mauvais pour la santé, c'est un choix naturel. Nous pensons que les occasions de croissance dans le secteur vont continuer d'augmenter à long terme.
M. Graham : Les producteurs d'œufs s'en tirent très bien depuis 10 ans. Depuis neuf ans, la consommation d'œufs a augmenté de 22,2 p. 100, sans doute parce que c'est une protéine abordable qu'on peut apprêter de bien des manières. Comme Peter l'a mentionné, nous avons réussi à faire tomber certains préjugés sur le cholestérol. Je pense que les gens perçoivent les œufs comme un aliment sain.
Concernant les investissements à venir, ce sont les méthodes de production, les systèmes d'élevage et ce genre de questions qui retiennent notre attention actuellement. Comme nous le répétons au conseil d'administration et partout au pays, c'est très important que nous racontions notre histoire mieux que par le passé. Nous concentrons nos efforts là-dessus. Certains facteurs vont parfois nous compliquer la tâche, mais nous croyons que nous allons dans la bonne direction. Nous devons gérer la volaille et produire les œufs que les gens veulent acheter.
Le sénateur Merchant : Merci de cette réponse. Je me demande si l'industrie s'est montrée réticente à investir en raison de ces difficultés. S'il y avait une demande, les investisseurs ont peut-être hésité à avancer les fonds. Mais ce n'est peut-être pas un facteur suffisant pour avoir changé la donne.
M. Gould : C'est une excellente question. Comme nous l'avons dit, les produits laitiers sont très diversifiés. Tandis que la demande pour les matières grasses diminuait pour des raisons de santé, la consommation de produits faibles en gras ou équilibrés a augmenté. L'exemple par excellence, c'est bien sûr le yogourt. En général, les fromages constituent également une excellente combinaison de matières grasses et de protéines.
La perception des consommateurs était sans doute un facteur. Les investisseurs cherchent les secteurs en croissance, mais je ne pense pas que ce soit le seul facteur. Les conditions et la façon d'établir le prix des solides non gras n'encourageaient pas l'investissement.
Le sénateur Merchant : Je poursuivrai durant la deuxième série de questions.
Le sénateur Unger : Merci, je n'ai que deux questions brèves.
Monsieur Gould, vous avez parlé des usines de séchage et de tout cet équipement. Comment les producteurs ont-ils acquis l'infrastructure actuelle qu'il faut remplacer?
M. Gould : L'infrastructure appartient à différentes entreprises. Les grands transformateurs au Canada, comme Agropur, Saputo, Parmalat et Gay Lea en Ontario, possèdent la plupart des usines de séchage au pays. Elles ont entre 40 et 50 ans. Elles ont donc été construites dans les années 1960.
Le sénateur Unger : S'agissait-il surtout d'investissements publics ou privés?
M. Gould : Je n'ai pas connu cette époque. Je dirais que c'était surtout des investissements privés.
Le sénateur Unger : Si c'était des investissements privés, pourquoi les producteurs auraient-ils maintenant besoin de fonds fédéraux?
M. Gould : Merci de la question. Je ne pense pas que c'était planifié. Malheureusement, l'industrie traverse une crise et en est à la croisée des chemins. Pour maintenir la vitalité du secteur, mais aussi générer de la croissance et solidifier l'industrie laitière, nous devons agir dans les plus brefs délais. Je pense que l'industrie cherche à établir un partenariat public-privé. Dans l'intérêt des entreprises privées, mais aussi du Canada en général, en particulier certaines régions rurales.
La sénatrice Unger : Je vous remercie. Monsieur Graham, qui a élaboré la nouvelle technologie canadienne dont vous avez parlé?
M. Graham : Si vous permettez, je vais laisser Harry répondre.
M. Pelissero : En Ontario, quatre conseils des animaux à plumes collaborent à la direction de recherche du Poultry Industry Council. C'est un projet qui a été lancé il y a quatre ou cinq ans avec un professeur de l'Université McGill. Ce professeur se disait en mesure de distinguer les œufs fertiles des œufs stériles. Sur une douzaine d'œufs de la ferme, environ 10 sont fertiles. Nous pouvons rehausser la capacité des écloseries en ne sélectionnant que les œufs fertiles.
Il y a deux ou trois ans, nous avons demandé au professeur s'il pouvait différencier les œufs mâles et femelles. Après des investissements de 50 000 $, il avait trouvé la solution.
Nous avons breveté cette technologie que nous cherchons à mettre à l'essai à Belleville avec une entreprise. Nous voulons faire passer le degré de précision d'environ 95 p. 100 à 98 ou 99 p. 100. Voici quelques chiffres sur l'utilisation des ressources. Au Canada, nous avons environ 22 millions de poules pondeuses. Pour obtenir un tel nombre, il fallait autrefois incuber 50 millions d'œufs. Si nous n'avons qu'à incuber 22 millions d'œufs, la capacité des écloseries s'en trouve doublée.
Le président de mon organisation a aussi parlé d'un projet dans lequel les œufs fertiles pouvaient servir à fabriquer des antidépresseurs. Nous pourrions donc rediriger ces œufs dans ce secteur ou vers d'autres marchés.
Donc, la Commission internationale des œufs attend que nous passions au niveau de la commercialisation.
La sénatrice Unger : Qui est le propriétaire des brevets?
M. Pelissero : Il existe en Ontario une fondation en recherche et développement portant sur les œufs qui est une filiale d'Egg Farmers of Ontario.
La sénatrice Unger : Vous dites que l'industrie fait des pieds et des mains pour obtenir cette technologie; je suppose donc que quelqu'un fera beaucoup d'argent.
M. Pelissero : Le principe consiste à rendre le prix très attrayant aux couvoirs, afin qu'ils puissent obtenir des revenus des œufs qui ne serviront pas à la couvaison. Il n'y aura pas de nettoyage à faire. Et cela ne se traduira pas par une réduction d'effectifs.
Nous essayons de fixer le prix à cinq cents par œuf. Cela fait une énorme différence pour des pays comme les Pays- Bas, qui nous ont dit que dès que la technologie sera disponible, ils la mettront en place. Nous estimons que cinq cents l'œuf est un prix raisonnable. Manifestement, ces cinq cents seront répartis entre les fabricants, les chercheurs, l'Association Egg Farmers of Ontario et le fonds de recherche et développement.
La sénatrice Unger : Quel était le coût unitaire avant l'utilisation de cette technologie?
M. Pelissero : Essentiellement il fallait incuber deux fois plus d'œufs. Nous n'avons pas fait de calculs pour compter l'énergie nécessaire pour accroître la capacité des couvoirs. Ce sera la prochaine étape. En matière d'énergie, si quelqu'un a quatre couveuses, il n'en faut que deux afin d'obtenir le même nombre d'oiseaux femelles au bout du compte.
Dans notre entreprise, nous élevons des poussins de la naissance à 19 semaines, ce qui est la période requise avant qu'ils commencent à pondre des œufs. Cela diffère de l'industrie du poulet, comme ceux destinés au Poulet Frit Kentucky, qui élève les poulets jusqu'à l'âge de quatre ou cinq semaines avant de les expédier vers les restaurants, les supermarchés ou des endroits comme Le Chalet Suisse.
La sénatrice Beyak : Merci messieurs, pour vos exposés. Ils sont toujours très informatifs.
Monsieur Gould, je suis arrivée un peu en retard, il se peut donc que vous ayez déjà répondu à cette question. Avons-nous établi ce qu'il en coûterait pour moderniser l'industrie laitière du Canada? J'imagine qu'elle ne comptait pas se retrouver dans ce bourbier, si je puis dire. Existe-t-il un modèle qui fonctionne ailleurs dans le monde et que nous pourrions imiter? Connaissons-nous les coûts bruts?
Je trouve qu'un partenariat privé est une bonne idée. Cela pourrait être la meilleure solution au monde.
M. Gould : Je vais essayer de répondre à vos questions une à la fois. Peut-être aurais-je dû répondre à cette question plus tôt.
Dans le cadre de l'annonce qui a suivi la signature du PTP, le gouvernement a mis de l'avant des idées en mesure d'indemnisation. L'une portait sur un fonds de 450 millions de dollars pour investir dans la modernisation du secteur de la transformation. Tout ce que nous disons ici, c'est qu'il s'agit d'une bonne idée.
Étant donné que cette séance est télévisée, je vais peser mes mots. Le secteur du séchage, ou le secteur du beurre en poudre, est très ancien. Existe-t-il un autre modèle comme celui-là? Probablement pas. Pouvons-nous nous tourner vers d'autres pays pour voir ce qui se fait? Tout à fait.
Le type d'appareil de séchage que nous avons ne permet de produire que du lait en poudre. Ce produit est toujours recherché, mais il faut un appareil de séchage nous permettant de gérer le temps, la température et l'humidité. Chaque compagnie et chaque producteur alimentaire nous disent : « nous voulons notre poudre de lait écrémé sous cette forme ». Nous ne pouvons pas répondre à cette demande. Et nous devons être en mesure de le faire.
Il faut aussi être capable de subdiviser toutes les parties du lait. Le lait est constitué de nombreuses composantes — les protéines et d'autres solides, les minéraux, les vitamines et ainsi de suite — et nous ne voulons pas éliminer ces produits ou en faire des sous-produits. Il faut être en mesure de retenir ces composantes et d'en faire une valeur ajoutée. Cela permettrait de créer des produits distincts qu'il faudrait autrement importer. Si nous pouvions les produire ici, cela ouvrirait la possibilité à l'exportation.
Cela coûte beaucoup plus cher quand il faut acheter un terrain vacant pour y bâtir une usine. À ce moment-là, il s'agirait probablement d'environ 200 millions de dollars. Il y a des usines au Canada pour lesquelles on n'a pas besoin de nouveaux terrains. On peut utiliser une usine existante, et ajouter la technologie moderne, et cela coûterait entre 60 et 70 millions de dollars.
La sénatrice Beyak : Monsieur Graham, je voulais d'abord vous dire que nous avons eu un merveilleux déjeuner avec les producteurs d'œufs ici sur la Colline. Il y a tant de jeunes. C'était très agréable de voir qu'ils prennent la relève sur les fermes de leurs pères, qu'il y a tant de nouvelles personnes qui entrent dans ce secteur, que les œufs sont bons et que la production augmente.
Voici un point qui n'est pas vraiment négatif, mais le nouveau projet de loi C-246 concerne les droits des animaux, et le fait que les animaux sont aussi des personnes. Je sais que ceux qui rédigent ce genre de projets de loi ont de bonnes intentions, mais je me demandais quel effet a ce genre de censure sur les bons agriculteurs qui font les bonnes choses, qui traitent très bien leurs animaux et leurs poulets, lorsqu'on leur impose ce genre de loi onéreuse.
M. Graham : Je ne connais pas le projet de loi. Peut-être devrais-je le connaître. Je sais d'où vient ce genre d'approche.
Tout ce que je peux dire, en tant que producteur d'œufs, c'est que les agriculteurs, en général, s'occupent très sérieusement de leurs oiseaux. C'est très important. Mieux on s'occupe de nos animaux, quels qu'ils soient, mieux ce sera pour tout le monde. C'est mieux pour l'oiseau et pour nous. Malheureusement, je pense qu'il y a d'idées fausses en ce qui concerne la façon dont on s'occupe de ces oiseaux.
Il y a eu récemment des recherches intéressantes qui démontrent certains des avantages de la façon dont nous avons produit les œufs jusqu'à maintenant dans des cages. Avec tous les processus actuels, nous essayons de penser à un système enrichi qui comprend un peu d'aménagement qui permet à l'oiseau d'avoir un nid pour pondre son œuf, et pour qu'il puisse se percher, se gratter, et avoir plus d'espace pour vivre. Malheureusement, lorsque l'on sort de ce système et que l'on revient à certains des systèmes sans cage, on se retrouve dans des situations où on compromet le bien-être de l'oiseau.
Évidemment, c'est une grande préoccupation pour nous, les producteurs d'œufs, et on en revient à parler d'un point sur lequel on a fait certains progrès il y a quelques années. Je le répète, il y a eu beaucoup d'études. Il y en aura de plus en plus et nous espérons qu'elles feront ressortir la vérité.
Je pense qu'il est important que les gens soient informés sur les choix alimentaires. Nous sommes pour le fait d'offrir un choix aux consommateurs. Je pense qu'il faut trouver un équilibre entre la capacité de nourrir le pays et la capacité de s'occuper de l'oiseau et de bien gérer les choses.
Le sénateur Moore : Je remercie les témoins d'être ici.
Monsieur Gould, à la page 3 de votre mémoire, à la deuxième puce, vous parlez de la croissance de la demande en matières grasses. Vous avez dit : « ... par définition, nous ne pouvons pas satisfaire à la croissance. Nous pouvons la constater dans d'autres pays développés; nous voyons les importations, légales et illégales, s'accroître ici. »
Le mot « illégal », à quoi fait-il référence?
M. Gould : Par « illégal », on entend le lait ou la crème qui traversent la frontière sans être correctement déclarés. Cela se produit. C'est difficile pour l'Agence des services frontaliers du Canada.
J'avoue que l'Agence des services frontaliers du Canada est efficace. Je sais qu'elle a identifié un certain nombre de cas où le produit déclaré à la frontière ne correspondait pas aux produits importés, et elle a pris les mesures qui s'imposaient.
Le sénateur Moore : Est-ce un problème d'étiquetage, qu'est-ce que cela veut dire? Tout le monde sait ce qu'est du lait. Je ne comprends pas.
M. Gould : Il traverse la frontière en camion-citerne. Il y a un connaissement sur lequel le produit est mal identifié.
Le sénateur Moore : Qu'est-ce qu'il dit, par exemple?
M. Gould : Il est identifié comme « ingrédient alimentaire » ou « préparation alimentaire », qui peuvent être importés sans tarif, alors qu'en réalité, il s'agit essentiellement de lait ou de crème.
Le sénateur Moore : Est-ce que cela arrive souvent? Le savez-vous? Est-ce que cela arrive tous les jours?
M. Gould : Je vous dirai qu'au cours des dernières années, cela s'est produit beaucoup trop souvent.
Le sénateur Moore : Depuis quand? Avant 2006 ou après?
M. Gould : Je ne sais pas tout ce qui se passe à la frontière, mais d'après les renseignements que nous avons obtenus, il semble que ce soit plus récent que cela. On parle des deux ou trois dernières années, et pas des 10 dernières.
Le sénateur Moore : Il y a 12 usines de séchage ou pays, et il y en a 10 qui ont plus de 40 ans. Quel âge ont les deux moins vieilles et où se trouvent-elles?
M. Gould : Il y a l'usine de séchage de Gay Lea, à Guelph. Je me trompe peut-être, mais je pense qu'elle a 15 ou 16 ans. L'autre se trouve dans l'Ouest.
Le sénateur Moore : Où?
M. Gould : Je ne peux pas vous le dire.
Le sénateur Moore : Parce que vous ne le savez pas?
M. Gould : Je ne le sais pas.
Le sénateur Moore : Vous ai-je bien compris, avez-vous dit que la construction d'une nouvelle usine de séchage coûte 200 millions de dollars, alors qu'il en coûte de 60 à 70 millions de dollars pour moderniser une usine qui existe déjà?
M. Gould : Non. Si on construisait une nouvelle installation pour les ingrédients, ce qui comprend beaucoup plus qu'une usine de séchage, on aurait la capacité de produire des protéines liquides, par exemple, en convertissant le lactose en un produit à valeur ajoutée, avec toutes les fractions du lait.
C'est aussi une question de capacité. On parlerait d'une installation beaucoup plus grande que celle qui existe actuellement. Cela coûterait environ 200 millions de dollars, alors que ce serait moins si on mettait à niveau et modifiait une installation existante pour laquelle il n'est pas nécessaire d'acheter le terrain ni de construire un nouvel édifice. Il s'agit alors d'un investissement de 60 à 80 millions de dollars. Cela ne fait pas autant augmenter la capacité, mais je pense que c'est un choix que feront certaines entreprises.
Le sénateur Moore : Alors, 60 à 80 millions de dollars. Est-ce pour une nouvelle usine de séchage, ou est-ce pour mettre à niveau une usine que l'on a déjà?
M. Gould : C'est une bonne question. Non, on ne peut plus mettre à niveau ces usines de séchage.
Le sénateur Moore : Alors il s'agit de 60 à 80 millions de dollars pour une nouvelle usine?
M. Gould : Une nouvelle usine.
Le sénateur Moore : Si vous deviez construire un nouvel édifice et tout le reste, il s'agirait de 200 millions de dollars?
M. Gould : Exact.
Le sénateur Moore : Monsieur Graham, une de vos préoccupations concerne l'annexe à la liste tarifaire du Canada pour les contingents tarifaires. Vous avez dit qu'il s'agit de la disposition dans la section A, et vous l'avez citée. Vous avez parlé des cinq premières années.
M. Pelissero : Il s'agit des sept premières années.
Le sénateur Moore : Je voulais que l'on clarifie cela. Vous avez dit qu'il est important de préciser le sens de cette section. Pourriez-vous expliquer cela au comité? Je n'ai pas compris ce que vous vouliez dire.
M. Graham : Je vais laisser Harry donner des détails, mais il s'agit de la première personne qui reçoit les œufs qui arrive au pays. Il y a des gens qui importent des œufs et qui profitent de la différence de prix, mais parfois, le producteur n'en profite pas.
M. Pelissero : Les accords actuellement en place prévoient que 4,5 p. 100 des œufs sont visés par ce qu'on appelle des permis mondiaux. Ces permis servent de compléments lorsque notre production est en quantité insuffisante. Dans le Partenariat transpacifique, on prévoit une hausse de 2,5 p. 100, faisant ainsi passer le seuil de 4,5 à 7, p. 100. Le document prévoit que le gouvernement du Canada sera en mesure de mettre à l'encan ce 2,5 p. 100 additionnel. Autrement dit, si vous voulez obtenir le droit d'envoyer des œufs au Canada, il faudra que vous achetiez ce droit.
On pose donc les questions suivantes : En quoi cela consistera-t-il? Qui se fera payer dans le cadre de ce processus? Et enfin, ce mécanisme sera-t-il employé pour compenser les pertes potentielles dans le secteur de la production d'œufs? Nous avons déterminé que 19 millions de douzaines d'œufs sur une période donnée représentent X millions de dollars annuellement. Voilà le type de clarification que nous désirons obtenir.
Le sénateur Moore : Cette hausse de 2,5 p. 100 est établie dans le Partenariat transpacifique, je présume?
M. Pelissero : Oui, c'est exact.
Le sénateur Moore : Et il revient au gouvernement fédéral de décider qui pourra s'en prévaloir?
M. Pelissero : Oui, effectivement.
Le sénateur Moore : Et le tout sera mis à l'encan? Pouvez-vous nous expliquer comment?
M. Pelissero : Je ne sais pas. Nous aimerions que le gouvernement fédéral éclaircisse ce point. Il s'agit des modalités énoncées par les négociateurs.
Le sénateur Moore : Donc, nous n'en savons pas plus?
M. Pelissero : Non, nous ne savons pas comment cela se concrétisera. Voilà pourquoi nous avons demandé des éclaircissements à ce sujet.
Le sénateur Moore : Monsieur le président, nous devrions formuler une recommandation pour ces messieurs.
Le vice-président : Nous y reviendrons plus tard et nous en discuterons.
Messieurs, je vous remercie de vos déclarations. Nous sommes reconnaissants du travail que vous effectuez.
Monsieur Gould, j'ai pu grâce à vous apprendre de nouveaux faits au sujet de l'industrie laitière. Malheureusement, ces renseignements ne m'ont pas laissé une impression aussi positive que les autres témoins représentant l'industrie laitière, mais nous allons nous en sortir, et j'espère que quelqu'un sera en mesure de régler le problème.
M. Gould : Si vous le permettez, je n'ai pas eu l'occasion de le dire, mais j'aimerais que vous sachiez ce que je répète à tout le monde : je crois que l'industrie laitière est sur le point de connaître un âge d'or. Il ne nous reste qu'à trouver le moyen de faire la transition vers cette nouvelle ère.
Le vice-président : Je tiens à vous remercier de terminer sur cette note optimiste. Nous en avons besoin.
Honorables sénateurs, nous recevons ensuite de la Coop fédérée, M. Ghislain Gervais, qui en est le président, ainsi que M. Jean-François Harel, le secrétaire général. Bienvenue messieurs. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à venir vous faire entendre. Dans un moment, je vous inviterai à prononcer une déclaration d'ouverture. J'espère que vous ne dépasserez pas 10 minutes, car par la suite il y aura une séance de questions et réponses. Chaque sénateur disposera de cinq minutes pour vous poser des questions avant que le président ne cède la parole à un autre sénateur. Le nombre de séries de questions dépendra du temps qu'il nous restera. Par conséquent, les sénateurs n'auront pas à poser toutes leurs questions d'un seul coup. Je demanderais aux sénateurs d'être brefs et précis dans leurs questions, et je demanderais aux témoins d'en faire autant dans leurs réponses.
Monsieur Gervais, vous avez la parole.
Ghislain Gervais, président, Coop fédérée : Tout d'abord, j'aimerais prendre quelques instants pour me présenter. Je suis un agriculteur de Saint-Guillaume, une localité du centre du Québec, et j'exploite ma ferme avec ma femme et mon frère. Nous cultivons 1 200 acres et nous avons également deux poulaillers. Nous utilisons un système de culture sans labour et nous produisons principalement du maïs, du soja, du blé et de l'avoine.
J'ai commencé ma contribution à la coop RÉSEAU en 2000, lorsque j'ai remplacé mon père au sein du conseil d'administration de la coopérative locale. J'ai ensuite été élu président en 2001 et j'ai occupé ce poste jusqu'en 2015. En 2011, j'ai été élu membre du conseil d'administration de la Coop fédérée. En 2013, j'ai été nommé au comité exécutif, et en 2014 je suis devenu le vice-président. Depuis le 26 février, j'occupe le poste de président du conseil d'administration de la Coop fédérée et d'Olymel.
[Français]
Je tiens d'abord à remercier les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts d'avoir invité La Coop fédérée à faire connaître son point de vue sur la question de l'accès aux marchés internationaux.
D'entrée de jeu, je tiens à préciser que nous n'avons pas la prétention d'apporter une vision globale ou complète à une question d'une telle complexité. Cependant, nous espérons, durant le court laps de temps qui nous est alloué, être en mesure d'apporter un éclairage intéressant et utile et d'alimenter votre réflexion sur quelques-unes des facettes de cette question.
Laissez-moi tout d'abord vous présenter brièvement La Coop fédérée. Nous sommes une fédération de coopératives agricoles et agroalimentaires canadiennes qui compte 116 coopératives membres, lesquelles regroupent près de 90 000 membres. La Coop fédérée se classe aujourd'hui 2e parmi les groupes agroalimentaires canadiens, et 24e parmi les coopératives agroalimentaires au monde.
La Coop fédérée et son réseau de coopératives affiliées cumulent un chiffre d'affaires de plus de 9,6 milliards de dollars et procurent des emplois à près de 18 000 Canadiens dans la majorité des provinces. Nos coopératives sont principalement situées au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario, mais par l'intermédiaire de nos filiales Olymel, Agrico Canada, Agronomy Company of Canada et Atlantic Farm Services, nous sommes présents dans les Maritimes, en Ontario et dans les provinces de l'Ouest. Nous avons aussi des bureaux de vente en Asie et en Australie.
La Coop fédérée et ses coopératives affiliées œuvrent principalement dans le secteur de l'approvisionnement, des intrants de ferme, de la distribution de produits de quincaillerie et de produits pétroliers. La Coop fédérée et quelques- unes de ses coopératives membres sont également impliquées dans le secteur de la transformation des aliments, et plusieurs de ses coopératives membres sont présentes dans le marché de la distribution alimentaire.
La Coop fédérée se situe donc au cœur d'un modèle organisationnel qui regroupe des producteurs agricoles, des citoyens consommateurs, des distributeurs alimentaires et des transformateurs. À cet égard, cela nous donne un point de vue singulier sur notre secteur agricole et agroalimentaire.
Les activités de La Coop fédérée sont regroupées à l'intérieur de trois grandes divisions, soit les secteurs agricoles, le commerce de détail et la transformation des viandes. La question de l'accès aux marchés internationaux interpelle La Coop fédérée dans deux de ses divisions opérationnelles, soit la division de transformation des viandes et par l'intermédiaire de sa société en commandite, Olymel. La Coop fédérée est l'un des plus importants exportateurs de viande de porc au Canada, et sa division agricole exerce également des activités d'exportation de grains.
Pour mener à bien ses activités dans le secteur de la transformation des viandes et pour favoriser sa croissance, La Coop fédérée s'est associée à plusieurs partenaires et concurrents dans la société en commandite Olymel, impliquée dans l'abattage, la transformation et la commercialisation de viandes de porc et de volaille.
L'an dernier, la société en commandite Olymel affichait un chiffre d'affaires de 2,8 milliards de dollars et employait près de 10 000 personnes. Dans le secteur du porc, notre filiale Olymel a exporté l'an dernier pour plus de 1 milliard de dollars de viande de porc, et ce, dans une cinquantaine de pays. Nos activités d'exportation de grains sont plus modestes et se chiffrent à 21 millions de dollars.
À ce chapitre, La Coop fédérée répartit ses activités du secteur agricole en trois divisions, soit les productions animales, les productions végétales et la commercialisation des grains. Le chiffre d'affaires de ce secteur représente approximativement le tiers des activités de La Coop fédérée, cumulant un volume d'affaires d'un peu plus de 1,7 milliard de dollars en 2015.
En ce qui concerne l'exportation des grains, il est important de rappeler aux membres ici présents que cette filière bénéficie généralement d'un statut spécial en matière tarifaire. Contrairement à la plupart des autres secteurs de l'agroalimentaire, les grains sont souvent exempts de droits douaniers sur les marchés extérieurs, compte tenu du rôle fondamental des grains dans la valorisation de la chaîne de valeur agricole et agroalimentaire des pays importateurs. Cette réalité permet à la production canadienne de se mesurer aux autres productions mondiales sur un même pied d'égalité lorsque nos grains arrivent à un port étranger.
Cependant, le secteur des grains pourrait bénéficier du raffinement de certains outils, ce qui permettrait à son secteur de l'exportation d'optimiser ses opportunités et ses retombées.
À notre avis, il est dans le meilleur intérêt des exportateurs de grains canadiens que les charges liées au contrôle de la Commission canadienne des grains soient revues afin de rendre les volumes canadiens plus compétitifs sur la scène internationale. Ces charges sont demeurées inchangées, à 1,50 $ la tonne métrique, et ce, même si depuis quelques années, les exportateurs privés ont obtenu la permission d'assurer eux-mêmes la qualité du grain, sans avoir à utiliser les services de la Commission canadienne des grains comme intermédiaire.
La Coop fédérée croit qu'il serait également important que le gouvernement fédéral se penche sur la question de la tarification des volumes de grains par les compagnies ferroviaires. Nous avons remarqué que l'Est du Canada et ses marchés d'exportation sont de plus en plus désavantagés par rapport aux marchés de l'Ouest, en raison des tarifs élevés du transport ferroviaire du grain vers l'Est. Actuellement, nous nous retrouvons dans une situation d'affaires où il est moins contraignant financièrement de transporter le grain par camion sur de longues distances que par rail vers nos différentes installations portuaires de l'Est du pays.
Sans vouloir recréer l'entente du Nid-de-Corbeau, nous estimons que le gouvernement fédéral devrait examiner les outils dont il dispose pour briser la situation quasi monopolistique qui prévaut dans ce domaine, afin que le transport ferroviaire du grain vers l'Est soit encouragé. Nous croyons que cette correction répondrait à certaines orientations du gouvernement en matière de sécurité routière, d'émissions de gaz à effet de serre et de pérennité des infrastructures routières.
Notre dernier commentaire au sujet du secteur des grains concerne les données sous la gestion des autorités canadiennes. Présentement, l'information statistique est analysée et distribuée par Statistique Canada, et la Commission canadienne des grains se concentre presque entièrement sur la production et la commercialisation du grain de l'Ouest du pays, donc du Manitoba jusqu'à la Colombie-Britannique.
Malgré le fait qu'une proportion de 80 p. 100 de l'exportation canadienne provienne des provinces de l'Ouest, il demeure que l'Ontario, le Québec et, à un moindre degré, les provinces maritimes produisent des volumes importants de grains. La Coop fédérée est d'avis qu'il serait pertinent de procéder à certains ajustements afin de permettre à l'ensemble des provinces de bénéficier de la même attention statistique.
Si les autorités compétentes du pays pouvaient se doter d'un mécanisme plus rapide et agile et, de surcroît, plus inclusif des réalités économiques des provinces de l'Est, ces données auraient une plus grande valeur ajoutée pour les intervenants impliqués dans la commercialisation et l'exportation des grains.
En ce qui a trait au secteur des viandes, le Canada est signataire d'une quinzaine d'ententes de libre-échange avec de nombreux pays, mais il convient de dire que les trois ententes les plus importantes sont l'Accord de libre-échange nord- américain, entré en vigueur en 1994, l'Accord économique et commercial global conclu avec l'Union européenne en 2014, lequel est sujet à ratification pour sa mise en œuvre, ainsi que le Partenariat transpacifique intervenu en 2015, également sujet à ratification pour sa mise en œuvre.
Pour bien illustrer l'importance des ententes de libre-échange pour le maintien de la capacité concurrentielle des entreprises agroalimentaires canadiennes, je vous donnerai l'exemple de la Corée du Sud.
La Corée du Sud a déjà représenté pour Olymel le troisième marché d'exportation en importance après les États- Unis et le Japon, comptant alors pour l'un de ses marchés les plus lucratifs. L'accord de libre-échange conclu entre les États-Unis et la Corée, entré en vigueur en 2012, a rapidement montré les effets de l'absence d'une entente similaire entre le Canada et la Corée du Sud. En l'espace de trois ans seulement, nos ventes dans ce pays, qui s'élevaient à 66 millions de dollars en 2011, ont rapidement chuté à 39 millions de dollars en 2013, et ce, au fur et à mesure que les protections tarifaires diminuaient pour le porc américain.
Le nouvel accord conclu en janvier 2015 entre le Canada et la Corée du Sud devrait permettre un rattrapage important par rapport aux États-Unis. On constate déjà une progression importante de nos ventes sur ce marché, qui ont totalisé 58 millions de dollars l'an dernier.
Cela illustre fort bien l'importance, pour un pays exportateur comme le Canada, des ententes à venir ou en cours, tels le Partenariat transpacifique ou l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne.
Dans les deux cas, nous avons assez bien défini et assuré les conditions d'engagement du point de vue canadien. Dans le cas du PTP, au chapitre de l'agroalimentaire, l'enjeu était de s'assurer d'obtenir des conditions identiques ou similaires à celles des États-Unis sur nos principaux marchés asiatiques, plus particulièrement au Japon, et ce, autant que faire se peut, en protégeant nos secteurs qui relèvent de la gestion de l'offre. Bien que cette entente ne soit pas encore ratifiée par les différents pays concernés, je crois que l'on peut d'ores et déjà conclure, à la lumière des renseignements reçus, que c'est chose faite.
Quant à l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne, le portrait est différent. Le Canada a obtenu un accès accru, équivalant à 75 000 tonnes métriques de produits en équivalence-carcasse, ce qui n'est certainement pas significatif et représente moins de trois dixièmes de 1 p. 100 (0,3 p. 100) du marché total.
En contrepartie, nous avons consenti à la mise en place d'un accès illimité à notre marché pour les produits de porc européens. En outre, nous n'avons toujours pas d'entente de reconnaissance d'équivalence d'accréditation de nos usines qui nous permettrait d'exporter réellement sur ce lucratif continent européen. Cela signifie que, à l'heure actuelle, nous devrions consentir à des investissements importants pour avoir des procédés et des usines aménagées selon les principes de l'Union européenne, afin d'obtenir l'accréditation de ces usines pour l'exportation. À notre avis, le principe d'équivalence stipulé à l'entente signifiait une reconnaissance mutuelle des systèmes des deux parties, alors que l'Union européenne s'attend à ce que nous justifiions nos pratiques parmi celles qui diffèrent des leurs.
Bien que les travaux du comité technique avancent, nous sommes inquiets quant à la progression des travaux, puisque les modalités d'application relatives à l'industrie de la viande ne seront toujours pas définies au moment de la mise en vigueur de l'accord, qui est prévue en 2017.
De plus, nous sommes préoccupés par l'uniformité du traitement de cette question entre le Canada et l'Union européenne, qui différerait des négociations qui sont en cours entre l'Union européenne et les États-Unis, ce qui constituerait une barrière non tarifaire pour notre industrie.
De plus, l'accès aux marchés internationaux ne peut être abordé de façon globale sans qu'on examine en contrepartie l'accès consenti aux autres pays, soit formellement dans le cadre des ententes de libre-échange ou informellement dans le laxisme qui est appliqué au respect de ces ententes.
L'actualité des dernières semaines nous a montré l'impact de ce laxisme avec la question des importations de lait diafiltré. Les représentants de cette industrie chiffrent à 220 millions de dollars les pertes liées aux importations de lait diafiltré en 2015. Les importations étaient de 32 000 tonnes comparativement à environ 21 000 tonnes l'année précédente.
Considéré comme du lait par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), le lait diafiltré — surtout utilisé dans la fabrication des fromages — est considéré comme un ingrédient à la frontière, ce qui lui permet d'échapper aux tarifs douaniers imposés au lait, aux œufs et à la volaille.
La même situation prévaut dans le secteur de la volaille, où les importations consenties dans le cadre de l'ALENA sont largement dépassées par différents subterfuges qu'utilisent les transformateurs canadiens, et ce, parfois au détriment de nos voisins américains.
Ces méthodes de contournement s'inscrivent à l'intérieur de programmes tels le Programme d'importation pour réexportation, administré par le ministère des Affaires mondiales du Canada, le Programme de report des droits de douane, l'importation de poules de réforme, lesquelles ne requièrent pas de quotas d'importation et, enfin, l'importation de produits finis avec l'ajout d'autres ingrédients, comme la sauce, le riz et les marinades, qui représentent plus de 13 p. 100 du contenu emballé.
Pour le Canada, ces mesures se traduisent par des pertes d'emplois importantes dans l'ensemble de la filière avicole, estimées à près de 9 000 emplois par les Producteurs de poulets du Canada. On estime à près de 10 à 15 p. 100 de la production canadienne le volume de volaille importée en plus du volume d'importation consenti dans le cadre de l'ALENA. Y remédier permettrait de créer de nouveaux emplois sans l'aide du gouvernement, tout en protégeant nos systèmes de gestion de l'offre.
Avec la conclusion des ententes de libre-échange avec l'Europe et les pays de l'Asie-Pacifique, le Canada est en bonne position pour valoriser ses avantages compétitifs auprès de ses partenaires commerciaux.
Pour le secteur agroalimentaire canadien, et compte tenu de la taille modeste de la population du Canada, l'accès aux marchés d'exportation est un enjeu incontournable. Nous devons bénéficier en même temps que les autres puissances agroalimentaires d'ententes compétitives et comparables en matière d'accès et de tarifs d'accès.
L'accès aux marchés étrangers ne doit cependant pas nous faire perdre de vue l'importance de protéger nos marchés locaux à l'intérieur du cadre légal des ententes de libre-échange intervenues. De plus, la correction du laxisme qui a été appliquée depuis quelques années à la protection de notre frontière avec notre principal concurrent et voisin pourrait à elle seule compenser les concessions consenties dans le cadre de l'AECG et du PTP.
En outre, si nous regardons vers l'avenir, nous encourageons le gouvernement canadien à se positionner rapidement pour la mise en œuvre d'ententes commerciales avec la Chine. Dans le secteur du porc, le marché chinois, compte tenu de sa taille et de sa forte consommation, constitue une cible de choix dans le développement de futures ententes de libre-échange pour le Canada. Je vous remercie de votre attention.
Le vice-président : Je vous remercie de votre présentation.
[Traduction]
Vous avez soulevé par mal de questions importantes.
[Français]
La sénatrice Tardif : Comme le président l'a mentionné, vous avez soulevé de nombreux points importants. J'aimerais clarifier deux questions par rapport à votre exposé, particulièrement en ce qui concerne le secteur agricole. Selon vous, les prix de la Commission canadienne des grains devraient être revus. Croyez-vous que les prix établis par la Commission canadienne des grains sont trop élevés?
M. Gervais : Je vais demander à M. Harel de répondre à votre question.
Jean-François Harel, secrétaire général, La Coop fédérée : Ce prix-là est demeuré inchangé, même si la nature des services n'est plus la même. L'assurance de la qualité est souvent assumée par des entreprises, mais la commission impose les mêmes coûts. Ainsi, comme les services ont diminué, les coûts devraient être réduits en conséquence.
La sénatrice Tardif : Quant au transport du grain vers l'Est du pays, vous avez indiqué que les tarifs sont très élevés pour le transport ferroviaire. Est-ce la même situation pour le transport du grain vers l'Ouest?
M. Harel : Nous exportons surtout vers l'Est. Nous opérons surtout au Québec. Je présume que les tarifs sont les mêmes entre l'Est et l'Ouest, mais ils sont effectivement élevés. En ce moment, le transport par camion est plus rentable que le transport ferroviaire, ce qui est un peu illogique, compte tenu des engagements en matière de réduction des gaz à effet de serre. Le gouvernement devrait à tout le moins examiner la question. La situation du transport ferroviaire est quasi monopolistique. Le gouvernement devrait déterminer si ces tarifs sont compétitifs.
La sénatrice Tardif : Avez-vous eu des discussions avec l'industrie ferroviaire quant à cette situation?
M. Harel : Oui. Nous lui avons fait part de nos préoccupations. C'est l'ensemble de l'industrie qui souffre de cette situation.
La sénatrice Tardif : Si l'industrie a subi des changements au cours des dernières années, est-ce en raison du transport d'autres produits?
M. Harel : Le transport de produits pétroliers a pris beaucoup d'ampleur. Il y a quelques années, on a traversé une crise dans l'approvisionnement de propane, parce qu'il n'y avait pas assez de distribution du point de vue de l'offre et de la demande.
La sénatrice Tardif : Vous avez souffert lorsque le gouvernement a exigé que le grain soit transporté par train?
M. Harel : De toute évidence, la forte demande pour le transport ferroviaire fait augmenter les prix pour l'ensemble des commodités, notamment le grain. Contrairement à d'autres commodités, les marges bénéficiaires ne sont pas les mêmes. Puisqu'il s'agit d'une situation quasi monopolistique, nous demandons au gouvernement d'y accorder une attention particulière pour éviter des inconvénients entre l'Est et l'Ouest du Canada, sans vouloir ramener la Convention du Nid-de-Corbeau, qui avait été remise en question dans les années 1990.
[Traduction]
Le vice-président : Lorsque vous transportez du grain vers l'est, il passe du centre du Québec vers l'est. Est-ce que c'est expédié à partir du port d'Halifax?
M. Gervais : À partir de la ville de Québec et de Montréal.
Le vice-président : Très bien. Je viens d'Halifax, alors j'ai toujours le désir de faire la promotion d'Halifax.
La sénatrice Unger : Merci, monsieur le président. J'aimerais poursuivre sur le même sujet. Je viens de l'Alberta, et vous avez indiqué que les provinces de l'Ouest représentent 80 p. 100 de la production de grains au Canada, et que le reste provient de l'Ontario, du Québec et des provinces maritimes. Pourtant, vous estimez qu'il serait opportun d'apporter des ajustements de sorte que toutes les provinces bénéficient de la même attention du point de vue statistique. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous proposez exactement?
[Français]
M. Harel : En ce moment, nos agents de commercialisation n'ont pas accès à l'information en ce qui concerne les marchandises qui se transportent et se produisent dans l'Est, compte tenu des sources d'information que sont la Commission canadienne des grains et Statistique Canada.
Le système actuel concentre ses ressources selon le volume, et il se concentre de façon très prononcée sur les grains produits dans l'Ouest. Le manque d'information sur tout ce qui est produit dans l'Est peut nuire à la commercialisation. Si on ne connaît pas les volumes qui sont disponibles sur le marché en même temps que l'on obtient l'information de l'Ouest, cela rend difficile l'accès à certains marchés. Selon nos agents de commercialisation, en matière d'information, il y a deux poids, deux mesures.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Dans le paragraphe suivant, vous mentionnez que si les autorités compétentes du pays pouvaient se doter d'un mécanisme plus rapide et agile, et de surcroît plus inclusif des réalités économiques des provinces de l'Est, ces données auraient une plus grande valeur ajoutée pour les intervenants concernés par la commercialisation et l'exportation des grains. Pouvez-vous étoffer davantage cette affirmation?
Votre objectif serait-il de mieux refléter les réalités économiques des provinces de l'Est par rapport aux provinces de l'Ouest? Je ne suis pas certaine de ce que vous voulez dire.
[Français]
M. Harel : Pour les provinces de l'Est, effectivement, il s'agit d'obtenir de l'information plus juste. À l'heure actuelle, elle n'est pas colligée de la même façon que pour les grains de l'Ouest. Avoir une information plus juste en temps réel permettrait aux agents d'avoir un portrait réel de ce qui est commercialisable sur les marchés, à savoir ce qu'on peut acheter ou vendre. Pour l'instant, comme cette information concernant les provinces de l'Est est moins disponible dans le système d'information du gouvernement, il y a une valeur moindre et, je dirais, une lecture moins pertinente du marché par nos agents de commercialisation. Ceux-ci nous disent que la surreprésentation des grains de l'Ouest dans le système fait en sorte qu'ils ont une moins bonne lecture du marché, donc moins d'accès à l'information nécessaire pour exercer leur métier.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Pourquoi ne pouvez-vous pas obtenir cette information cruciale? Pourquoi refuse-t-on de vous la donner?
[Français]
M. Harel : La question est bonne. L'industrie au Québec a fait des représentations, et cela est bien connu. Pour la Commission canadienne des grains, il y a une surreprésentation en ce moment, parce que le volume se trouve effectivement dans l'Ouest. Quand on pense commercialisation des grains au Canada, on pense surtout aux provinces de l'Ouest. Dans les provinces de l'Est, souvent, la consommation est plus domestique. Il se fait tout de même de l'exportation. Ce que nous voulons souligner au comité sénatorial, c'est qu'il devrait y accorder une attention particulière et poser cette question à la Commission canadienne des grains.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Je ne suis pas sûre de bien comprendre, mais sauf tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord.
Le vice-président : Votre exposé soulève bien des questions, notamment sur la Commission canadienne des grains. Nous n'avons pas encore entendu les représentants de la commission dans le cadre de notre étude. Toutefois, nous allons les inviter et, lors de leur comparution, nous leur poserons la question en votre nom; moi, je leur poserai la question et je suis sûr que d'autres le feront aussi.
J'ai une question à vous poser. Dans vos remarques, vous indiquez que les coopératives membres de votre organisation se trouvent surtout au Québec et en Ontario et reçoivent vos subventions. Vous avez aussi des bureaux de vente en Asie et en Australie.
Êtes-vous en meilleure position que bien d'autres de votre secteur en ce qui concerne la ratification du PTP? Si vous avez déjà des agents de vente sur le terrain en Asie, ne serez-vous pas plus en mesure que d'autres de profiter des marchés qui s'ouvriront grâce au PTP?
[Français]
M. Gervais : Je crois que oui. Le bureau d'agents des ventes parle régulièrement à nos acheteurs sur ces marchés. Nous avons régulièrement le signal du marché par l'intermédiaire de notre filiale Olymel. Puisque nous avons ces deux bureaux de vente à l'extérieur, nous sommes en bonne position pour profiter du Partenariat transpacifique.
[Traduction]
Le vice-président : Il y a de bonnes nouvelles et de mauvaises nouvelles en provenance de la Corée du Sud. La bonne nouvelle, c'est que le marché y est solide. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il y a eu une baisse quand la Corée du Sud a conclu son accord avec les États-Unis. Mais il y a une reprise, et l'accord qu'ont conclu le Canada et la Corée du Sud en 2015 devrait vous aider puisque vous avez la réputation de livrer des produits de qualité en temps voulu.
[Français]
M. Harel : En ce qui concerne la Corée du Sud, l'entente signée avec le Canada est en vigueur. Quant aux tarifs, il y a un rééquilibrage qui se fait sur cinq ans. Déjà, grâce à ce rééquilibrage tarifaire et au taux de change, nous reprenons notre place sur le marché. Notre message en ce qui a trait aux ententes de libre-échange est que nous sommes plutôt favorables au PTP. Dans une moindre mesure, mais tout de même, nous sommes favorables aussi à l'entente avec l'Europe. Il y a le secteur agroalimentaire, mais nous comprenons que le Canada a également d'autres enjeux.
Ce qui est surtout important dans les ententes de libre-échange, c'est qu'on doit avoir accès aux mêmes conditions de compétitivité que nos voisins américains. Ce sont nos principaux compétiteurs. L'exemple de la Corée du Sud démontre très bien les effets lorsqu'un avantage est accordé à un pays. Pendant trois ans, les États-Unis ont eu accès à une réduction tarifaire que nous n'avions pas. Par conséquent, nous nous sommes fait expulser du marché. Les Coréens aiment bien notre porc, ils ont une génétique semblable à la nôtre. Nous constatons, par la rapidité avec laquelle nous reprenons ce marché, qu'ils préfèrent le porc canadien.
[Traduction]
Le vice-président : Notre secteur du porc a beaucoup souffert ces dernières années, mais vous, vous avez un marché important en Asie qui vous a permis de tirer votre épingle du jeu.
Si le PTP et l'AECG sont ratifiés, y aura-t-il un marché pour le porc? Devrions-nous et pourrions-nous augmenter notre production de porc pour répondre à cette nouvelle demande?
M. Gervais : Oui, les marchés sont là, nous n'avons qu'à en profiter.
Le vice-président : Merci.
La sénatrice Beyak : J'ai une courte question. J'aimerais d'abord vous dire à quel point je suis impressionnée par votre secteur et par ce document. Les données qui y figurent sont remarquables et tout le Canada devrait en être fier.
Par ailleurs, les témoins d'un peu partout au Canada que notre comité a entendus ont tous les mêmes inquiétudes. J'espère que le rapport que nous présenterons au Sénat saura transmettre ces préoccupations et que des mesures seront prises.
Êtes-vous satisfait des discussions que vous avez avec le gouvernement?
[Français]
M. Harel : Ce sont souvent des représentations qui sont faites par l'industrie. Dans le dossier des grains, les représentations qui nous sont faites indiquent qu'il s'agit de problèmes que constatent nos agents de commercialisation. Jusqu'à maintenant, il n'y a pas d'ouverture à ce sujet.
Quant aux ententes de libre-échange, comme nous l'avons indiqué, celles qui ont été signées nous conviennent. Par contre, en ce qui a trait à la protection des marchés internes, comme vous êtes à Ottawa, vous savez que le lait diafiltré est le sujet de l'heure à la Chambre des communes. Il y a également la question du poulet de réforme pour laquelle, jusqu'à maintenant, aucune solution n'a été apportée. Les solutions sont connues et sont relativement simples. Si elles étaient mises en œuvre, l'impact du PTP serait beaucoup moins important. Les concessions que nous avons dû faire à la gestion de l'offre seraient compensées, en bonne partie, uniquement par l'application de la réglementation telle qu'elle existe.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Merci aux témoins d'être venus. J'aimerais avoir une précision. Je crois que le président a déjà posé cette question. Vous avez dit que, à l'heure actuelle, il en coûte moins cher d'expédier les céréales sur de longues distances vers les ports par camion que par chemins de fer. Vous avez parlé de l'est du Canada, mais, en fait, vous vouliez parler du Québec, n'est-ce pas?
[Français]
M. Harel : Non, à l'heure actuelle, le transport se fait par camion des provinces de l'Ouest jusqu'au Québec. Alors, c'est Montréal et la région de Montréal. Ça peut aller jusqu'à Québec, mais c'est pour amener les grains vers les marchés d'exportation qui transitent vers l'Est et non pas vers l'Ouest. Nous avons des installations portuaires tout le long du Saint-Laurent.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Alors, quand vous parliez des installations portuaires de l'est du Canada, vous vouliez dire le long du Saint-Laurent?
M. Gervais : Oui.
Le sénateur Moore : Montréal, Québec...
[Français]
M. Harel : Montréal, Sorel, mais principalement Montréal.
[Traduction]
Le sénateur Moore : Vous voulez avoir les données sur les provinces de l'Ouest; quand vous parlez des provinces de l'est du pays, encore une fois, vous voulez dire de l'Ontario jusqu'à l'Atlantique, n'est-ce pas? Autrement dit, de la frontière entre le Manitoba et l'Ontario jusqu'à l'extrémité est du pays, l'Ontario, le Québec et les Maritimes?
M. Gervais : Oui.
Le sénateur Moore : Je voulais seulement cette précision, monsieur le président. Merci.
Le vice-président : Merci. Messieurs, tout d'abord, je vous remercie de cet excellent exposé. C'est probablement l'un des meilleurs que nous ayons vus, parce que vous avez abordé toute une gamme de questions en profondeur. Je vous remercie aussi d'avoir été compréhensifs au sujet du retard avec lequel nous avons commencé.
M. Gervais : Il n'y a pas de quoi.
Le vice-président : Contrairement aux comités de la Chambre des communes, les comités du Sénat ne se réunissent pas quand le Sénat siège. Cela signifie que, si nous voulons que le plus de sénateurs possible soient présents, nous devons attendre l'ajournement de la Chambre pour commencer nos réunions; nous devons attendre que les discussions se terminent au Sénat avant qu'elles puissent commencer ici. Nous vous savons gré de votre patience et nous vous remercions. Merci beaucoup.
M. Gervais : Merci à vous.
(La séance est levée.)