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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 11 - Témoignages du 19 mai 2016


CALGARY, le 19 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 heures pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je vous souhaite la bienvenue à cette audience du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et je tiens à vous rappeler que nous sommes un comité de la Chambre la plus accommodante, la plus gentille, du Parlement du Canada. Nos plus chaudes luttes surviennent dans la salle de lecture, entre le sénateur Plett et moi, quand nous jouons du coude pour mettre la main sur les raisins dans la corbeille à fruits. Il n'y aura donc pas d'empoignade ici ce matin.

Je suis le sénateur Terry Mercer et je viens de la Nouvelle-Écosse. Je suis vice-président du comité. Je demanderai d'abord à mes collègues de se présenter à tour de rôle, à partir de ma gauche.

La sénatrice Merchant : Bonjour. Je m'appelle Pana Merchant et je suis de la Saskatchewan.

La sénatrice Unger : Je m'appelle Betty Unger et je suis d'Edmonton.

La sénatrice Tardif : Je m'appelle Claudette Tardif et je suis également d'Edmonton, en Alberta. Bienvenue à tous.

Le sénateur Dagenais : Mon nom est Jean-Guy Dagenais et je suis du Québec, plus précisément de Montréal.

Le vice-président : Le comité poursuit aujourd'hui son étude des priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le secteur agricole et agroalimentaire est un élément important de l'économie du Canada. En 2014, il comptait pour un huitième de l'emploi au Canada, faisant travailler plus de 2,3 millions de personnes, et pour près de 6,6 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.

Au plan international, le secteur agricole et agroalimentaire canadien comptait pour 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2014. La même année, le Canada se classait au cinquième rang mondial parmi les exportateurs de produits agroalimentaires.

Le Canada est partie prenante dans plusieurs accords de libre-échange. Onze accords de libre-échange sont en vigueur ou en chantier. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, le Partenariat transpacifique et l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine ont été conclus et huit négociations d'accord de libre-échange sont en cours.

Le gouvernement fédéral a amorcé également quatre séries de discussions commerciales exploratoires avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les États du Mercosur, qui comprend l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.

Nous sommes très heureux de nous retrouver à Calgary pour entendre des représentants gouvernementaux et des intervenants de l'Ouest canadien qui œuvrent dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

Nous savons que les gens de l'Alberta éprouvent de pénibles difficultés ces jours-ci, et je tiens à vous dire que nous compatissons avec vous dans vos épreuves. Hier seulement, je faisais remarquer à quelqu'un que bon nombre de mes commettants sont des résidents à temps partiel de la région de Fort McMurray et font périodiquement l'aller-retour entre le lieu de leur travail et la Nouvelle-Écosse. Beaucoup de ces gens qui sont rentrés, à l'imprévu, dans leur province natale préféreraient être à Fort Mac pour continuer le bon travail qu'ils y font. Sachez que nous partageons votre douleur et que nous vous souhaitons de vous en remettre rapidement.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui des représentants du gouvernement de l'Alberta, l'honorable Oneil Carlier, ministre de l'agriculture et des forêts, et M. Dave Burdek, sous-ministre adjoint de l'agriculture et des forêts, puis, du gouvernement de la Saskatchewan, l'honorable Lyle Stewart, ministre de l'agriculture, et M. Rick Burton, sous-ministre adjoint de l'agriculture.

Nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Je vous demanderai incessamment de nous faire vos exposés, après quoi il y aura une période de questions et réponses. J'inviterai tour à tour les membres du comité, qui disposeront chacun d'une tranche de cinq minutes durant la première ronde, à y aller de leurs questions. Nous aurons autant de rondes de questions et réponses que le temps nous permettra d'en avoir.

Hier, nous avons fait du très bon travail. Nous avons réussi à avoir au moins deux rondes complètes de questions et réponses à chaque séance. Nous tâcherons d'en faire autant aujourd'hui, mais cela ne sera possible que si ceux qui posent les questions et ceux qui y répondent sont succincts. Notre but est de recueillir autant de renseignements et de connaissances que possible.

Je laisse d'abord la parole au ministre de l'Alberta, notre province hôte, M. Oneil Carlier.

L'hon. Oneil Carlier, ministre de l'agriculture et des forêts, gouvernement de l'Alberta : Je vous remercie, monsieur le président, des paroles compatissantes que vous venez de prononcer devant la catastrophe qui frappe le Nord de l'Alberta. Je vous remercie également de l'invitation à comparaître devant le comité aujourd'hui.

Je tâcherai d'être bref. Mes antécédents sont en agriculture et j'ai passé 20 ans à Agriculture Canada. Mes racines plongent profondément dans la bonne terre de la Saskatchewan, où ma famille pratique toujours l'agriculture. Mais mon attachement premier va désormais à ma province adoptive de l'Alberta.

En tant que ministre de l'agriculture et des forêts de l'Alberta, je suis heureux d'être ici pour discuter des forces, des possibilités et des défis de notre industrie ainsi que pour signaler les points stratégiques qui doivent retenir notre attention. J'espère que vous trouverez cette information utile.

Notre gouvernement reconnaît l'importance de nos secteurs de ressources renouvelables, telles que l'agriculture et l'exploitation forestière, dans nos efforts continus pour assurer une économie prospère. Les récentes difficultés de l'industrie pétrolière et gazière ont fait voir encore mieux qu'avant la nécessité pour nous de continuer de soutenir et d'encourager la diversification de l'économie dans d'autres secteurs. Pour prolonger la réussite de longue date de ces secteurs et bien les positionner pour trouver de nouveaux débouchés sur le marché mondial hautement concurrentiel, nous avons défini six lignes d'action cruciales : premièrement, soutenir le développement de produits nouveaux et à valeur ajoutée; deuxièmement, améliorer l'accès au capital et le soutien à l'investissement; troisièmement, investir dans l'infrastructure et l'aménagement des équipements; quatrièmement, renforcer le développement des marchés et l'attraction pour l'investissement; cinquièmement, investir dans la recherche et l'innovation; sixièmement, soutenir la main-d'œuvre.

Malgré la réputation bien établie du Canada et de l'Alberta en tant que fournisseurs fiables de produits de base, tels que le blé, le canola, les bovins et le bois d'œuvre, nous devons continuer de chercher des moyens pour encourager la croissance de nos industries à valeur ajoutée.

Nous avons été encouragés de l'importance accordée dans le récent fédéral budget à la transformation des aliments. En Alberta, la transformation des aliments et des boissons vient au troisième rang de nos industries manufacturières, avec un chiffre de ventes atteignant presque 14 milliards de dollars. Nous croyons qu'il existe d'énormes possibilités d'exploitation de cette réussite.

La croissance de la classe moyenne à l'échelle mondiale a entraîné une hausse de la demande des produits transformés de consommation. Nous devons continuer de veiller à demeurer bien positionnés pour profiter de ces débouchés sur le marché. Le renforcement de notre secteur de la transformation non seulement offre plus de possibilités de création d'emplois, mais rend également nos secteurs agricole et forestier plus résistants et moins vulnérables aux cycles de hausses et de baisses extrêmes qui caractérisent la production des industries primaires.

La croissance des secteurs agricole et forestier nécessite un accès à un capital suffisant et à des possibilités d'investissement. La capacité d'y avoir accès au moment voulu est un facteur crucial de l'expansion des activités existantes ou du lancement de nouvelles activités.

Un fait incontournable, c'est que, de nos jours, les exploitations agricoles et les entreprises de transformation des aliments sont de plus en plus grandes et qu'elles nécessitent un investissement considérable pour réaliser des économies d'échelle et demeurer concurrentielles sur le marché mondial, pour adopter de nouvelles technologies qui permettront de réduire les coûts à long terme, d'accroître la viabilité écologique en diminuant l'utilisation de ressources telle que l'eau et de mettre au point de nouveaux produits.

L'Alberta est en faveur d'une approche conjointe fédérale-provinciale en vue d'encourager les investissements d'innovation dans l'industrie de la transformation des aliments qui malheureusement, selon des études, sont en baisse. Nous devons inciter l'industrie de la transformation des aliments à investir davantage dans l'équipement et la modernisation des installations afin d'assurer notre compétitivité sur le marché mondial.

Le besoin d'un investissement accru et d'une approche concertée va au-delà de l'industrie elle-même. Il est nécessaire de soutenir la construction et la modernisation d'infrastructures et d'installations cruciales afin de garantir le mouvement efficace et sûr des biens et services tout au long de la chaîne d'approvisionnement du marché.

En 2013, certaines des limites de notre réseau de transport ont été mises en lumière par les difficultés considérables que nous avons éprouvées à acheminer vers les marchés une récolte exceptionnelle, du fait de notre transport ferroviaire insuffisant et de notre capacité portuaire limitée. Ces faiblesses, si elles ne sont pas corrigées, risquent d'avoir pour conséquence de nuire sérieusement à notre réputation de fournisseur fiable des marchés étrangers, compromettant ainsi nos efforts d'accès aux marchés et d'exploitation des marchés.

Cette situation souligne l'importance de donner sérieusement suite aux recommandations faites dans le cadre de l'examen de la Loi sur les transports au Canada, notamment celle d'élaborer un plan d'infrastructure à long terme.

L'Alberta étant une province qui produit plus d'aliments qu'elle n'en consomme, nous ne cessons de travailler à étendre notre présence sur les marchés nouveaux et en émergence, comme ceux de l'Europe et de l'Asie. En diversifiant nos marchés d'exportation, nous devenons aussi un peu moins dépendants du marché américain.

L'Alberta continuera d'informer et de soutenir le gouvernement fédéral dans ses efforts pour conclure des ententes commerciales avantageuses qui réduisent les barrières nuisibles aux entreprises et aux producteurs albertains et canadiens. Nous reconnaissons aussi au gouvernement du Canada son rôle capital à l'avant-garde de nos efforts pour défendre notre accès aux marchés en coopération avec les provinces et les industries.

L'abrogation récente par le gouvernement des États-Unis des dispositions légales prévoyant l'étiquetage obligatoire du pays d'origine pour le bœuf et le porc constitue une victoire durement acquise et une illustration claire de l'importance de concerter nos efforts de défense. Cette collaboration continue sera essentielle à mesure que se présenteront d'autres enjeux commerciaux, tels que la négociation du nouvel accord sur le bois d'œuvre de résineux, qui devra garantir à notre industrie forestière un accès sûr aux marchés.

À mesure que nous allons de l'avant, nous comptons également maintenir nos solides relations et notre collaboration dans les activités sur les marchés cibles par l'entremise de missions commerciales mixtes, des réseaux consulaires et des offices de l'Alberta à l'étranger. Nous devons aussi chercher des occasions de travailler ensemble pour susciter l'intérêt d'investisseurs étrangers pour notre industrie agroalimentaire, ce qui contribuera à soutenir la croissance économique, la création d'emplois et une intégration plus poussée dans l'économie mondiale.

Notre centre de développement et incubateur d'entreprises, à Leduc, est l'un des importants outils dont nous nous sommes dotés en Alberta pour faciliter la croissance dans le secteur de la transformation des aliments. Cette installation, qui travaille avec des entreprises locales et des investisseurs étrangers intéressés à étendre leurs activités sur le marché albertain, offre du matériel de recherche-développement, de l'accompagnement individualisé et de l'aide aux entreprises qui se préparent à exporter. Fait digne d'intérêt, je mentionne que nous sommes en train d'agrandir cette installation en y ajoutant 10 nouveaux modules, parce que les entreprises désireuses de profiter de ses services doivent actuellement se mettre en liste d'attente.

Nous savons que les niveaux historiquement de l'investissement en recherche-développement sont un problème de longue date. Nous savons également que le fondement des efforts de l'Alberta et du Canada pour être en première sur la scène mondiale doit, en partie, prendre la forme d'un engagement pour l'innovation. C'est au cœur même de la capacité de l'industrie de s'adapter et d'évoluer de façon à être en mesure de venir à bout de difficultés comme les infestations d'organismes nuisibles, les maladies ou la sécheresse, aussi bien que de répondre aux demandes changeantes du marché.

Les sociologues nous disent que la population de la planète augmentera de deux milliards d'habitants au cours des quelques prochaines décennies. Je pense qu'il y a là des occasions à saisir. Il me semble qu'il y a également là, pour nous tous, un défi que nous avons peut-être la responsabilité de relever.

La mise en œuvre et la commercialisation de la recherche-développement aident à augmenter la productivité et la production, permettant ainsi une utilisation plus efficace et plus rentable des ressources, une viabilité accrue grâce à la réduction de l'empreinte environnementale des activités agricoles et forestières et une amélioration de la salubrité des aliments et de la santé des animaux qui renforce la confiance du consommateur et la licence sociale de l'industrie.

Nous savons que les programmes stratégiques offerts par Cultivons l'avenir 2 ont joué un rôle important dans la recherche, l'adoption de pratiques exemplaires ainsi que dans le développement des marchés et des entreprises. Nous sommes confiants que la prochaine génération de programmes fédéraux-provinciaux actuellement en cours d'élaboration poursuivra sur la même lancée et préservera la souplesse nécessaire pour que, dans chacune des provinces, les programmes répondent aux besoins spéciaux de leurs secteurs.

Un autre facteur clé qui joue sur notre compétitivité-coûts sur le marché mondial que voudrais signaler est l'accès à la main-d'œuvre. Malheureusement, la pénurie chronique de main-d'œuvre, notamment dans l'industrie de transformation des aliments, a été un obstacle de taille. Bien que la crise dans l'industrie pétrolière ait allégé la concurrence intense pour trouver des travailleurs, on peut s'attendre à ce que cette situation réapparaisse avec la remontée du prix du pétrole.

Les fabricants de produits alimentaires de l'Alberta ont eu recours au Programme des travailleurs étrangers temporaires et au programme albertain de candidats à l'immigration pour résoudre leurs difficultés de main-d'œuvre et ils souhaiteraient une plus grande souplesse quant au nombre de travailleurs qu'ils peuvent faire venir en vertu de ces programmes. Nous savons aussi que ces programmes ne sont pas conçus de façon à offrir une solution permanente et qu'il faudra trouver des solutions à long terme pour aider à assurer un bassin de main-d'œuvre fiable, à défaut de quoi la compétitivité du secteur de la transformation des aliments en Alberta demeurera précaire.

J'aimerais parler brièvement de certaines tendances qui influent sur l'évolution de nos secteurs agricole et forestier. Nous savons que les demandes des consommateurs, tant ici qu'à l'étranger, sont en train de changer. Les consommateurs montrent un intérêt croissant pour l'origine et le mode de production de leurs aliments. La salubrité des aliments, le bien-être des animaux et la durabilité de l'environnement sont des considérations qui entrent dans les décisions d'achat de beaucoup de consommateurs.

Un système de traçabilité rigoureux comme celui que nous avons en Alberta constitue un important outil pour rassurer les consommateurs quant à la salubrité des aliments et à notre capacité de traiter la maladie animale. Étant donné les consultations en cours du gouvernement fédéral auprès des parties concernées et les propositions de modifications de la réglementation sur la santé des animaux, nous devons continuer de travailler ensemble pour mettre sur pied un système national efficace qui règle les points problématiques tels que les coûts, la confidentialité et la conformité.

En Alberta, nous nous sommes engagés à travailler avec les producteurs afin d'améliorer l'éducation et encourager la conformité. Les programmes de Cultivons l'avenir, tel que le financement du matériel d'identification radio, ont été d'importants outils de soutien de ce travail. De grandes entreprises alimentaires, comme les Restaurants McDonald, prennent également des mesures en réponse aux tendances de consommation en définissant de nouvelles normes de viabilité environnementale en association avec la Table ronde canadienne sur le bœuf durable et des projets pilotes en Alberta.

Ces normes seront à la base de leurs décisions futures relatives aux sources d'approvisionnement de produits. Les autorités fédérales et provinciales jouent aussi un rôle de leadership en matière de changement climatique. En Alberta, par exemple, nous avons accéléré le retrait progressif de l'électricité produite au charbon, nous encourageons une utilisation accrue de sources énergie renouvelable et nous introduisons une taxe sur le carbone.

Comme toutes les industries, nos producteurs forestiers et agricoles continueront aussi d'adapter leurs pratiques afin de réduire leur empreinte environnementale ainsi que leur utilisation de ressources telles que l'eau. Ces industries ont beaucoup accompli au cours des ans pour améliorer leurs activités par l'adoption de nouvelles techniques et l'utilisation d'équipement plus efficace. J'ai grande confiance qu'elles continueront de s'adapter. C'est non seulement la chose à faire, mais aussi une chose sensée sur le plan économique.

S'il est vrai que le changement présente toujours des défis, je sais que les progrès accomplis en matière de viabilité environnementale avec le soutien stratégique du gouvernement résulteront en bout de ligne à une plus grande compétitivité de nos industries sur le marché mondial.

Voilà qui termine mon exposé. J'ai inclus dans le jeu de diapositives que nous présenterons plus tard des statistiques sur nos industries agricoles. Je vous remercie de votre attention.

Le vice-président : Je vous remercie beaucoup. Monsieur le ministre Stewart, la parole est à vous.

L'hon. Lyle Stewart, ministre de l'agriculture, gouvernement de la Saskatchewan : Merci beaucoup et merci également à vous, monsieur Carlier. C'est pour moi un honneur de prendre la parole devant le comité, un double honneur même, puisque je présenterai l'industrie agricole très dynamique de la Saskatchewan.

L'agriculture est une force motrice majeure de la nouvelle économie de la Saskatchewan. Les échanges commerciaux y jouent un rôle fondamental. Environ 40 p. 100 des terres arables accessibles au Canada se trouvent en Saskatchewan. L'industrie agricole compte pour presque 10 p. 100 du PIB de la province et presque la moitié de nos exportations totales.

La Saskatchewan s'enorgueillit aussi d'être le premier exportateur de produits agroalimentaires du Canada. En 2015, nous occupions le premier rang pour les exportations agroalimentaires, avec une valeur record de 15,3 milliards de dollars en produits agricoles exportés partout au monde. Il s'agissait de la cinquième année consécutive où nous établissions un nouveau record pour nos exportations de produits agricoles. Cela représente presque 25 p. 100 des exportations agroalimentaires totales du Canada. Nous sommes heureux de ce résultat et je sais que l'industrie en est très fière.

Nous voyons cependant d'autres occasions pour améliorer la productivité, la diversification et la croissance. Dans le but d'accroître les possibilités de production et de commerce de la Saskatchewan, le gouvernement a défini une vision pour 2020 et au-delà, que nous appelons le plan pour la croissance de la Saskatchewan. Dans ce plan, nous avons fixé des objectifs ambitieux pour l'agriculture, y compris l'accroissement des productions végétales, des revenus provenant d'activités à valeur ajoutée et des exportations agricoles.

Nous nous efforçons également de devenir un leader international en biosciences. Ces objectifs reflètent les ambitions de la Saskatchewan de mettre à profit notre position de leadership en agriculture tout en augmentant notre prospérité économique et sociale par le commerce.

Cependant, nous n'y arriverons pas seuls. Des progrès en matière d'accès aux marchés et d'infrastructure par le gouvernement fédéral et nos partenaires commerciaux clés seront nécessaires. Nous devons favoriser une conjoncture commerciale plus dynamique et plus concurrentielle.

Je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte pour mettre en lumière certaines des priorités agricoles clés de la Saskatchewan portant sur l'accès aux marchés et à la capacité. Elles concernent notamment l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, l'AECG, et le Partenariat transpacifique, le PTP. Ces accords offrent des possibilités considérables d'augmentation des avantages commerciaux à nos producteurs agricoles et nos exportateurs.

Les accords commerciaux améliorent l'accès aux marchés de deux importantes façons : en premier, en réduisant sur les marchés clés les tarifs qui influent directement sur la compétitivité et la rentabilité de notre secteur agricole et agroalimentaire et, en deuxième lieu, en renforçant le régime des échanges dans des domaines où existent des barrières non tarifaires. Ils permettent de rationaliser les transactions internationales et apportent de vastes avantages par le truchement des chaînes d'approvisionnement de produits agricoles.

Pour ce qui est des réductions de tarifs, l'industrie a signalé plusieurs avantages éventuels. Selon la Canadian Canola Growers Association, l'engagement du Japon dans le cadre du PTP d'éliminer sur cinq ans les tarifs sur huile de canola représente des possibilités d'accroître de jusqu'à 780 millions de dollars par année, pour notre province à elle seule, les exportations d'huile et de farine de canola.

Dans le secteur céréalier, Cereals Canada a fait valoir des estimations pour le blé qui font état d'une croissance possible de 20 p. 100 en sus de six millions de tonnes actuellement exportées par le Canada vers les pays du PTP.

La Canadian Cattlemen's Association a fait savoir qu'en vertu du PTP le Canada peut s'attendre à doubler ou tripler, jusqu'à près de 300 millions de dollars, ses exportations annuelles de bœuf vers le Japon seul. Le Conseil canadien du porc a estimé que le PTP devrait augmenter la demande de porc canadien de 1,2 million d'animaux par année.

Toutefois, si le Canada ne fait pas partie du PTP, notre secteur agricole subirait des pertes en raison de la concurrence accrue d'autres pays bénéficiant d'un accès préférentiel aux marchés grâce aux réductions tarifaires. Le Conseil canadien du porc estime que son secteur subirait une baisse d'au moins 330 millions de dollars de ses ventes d'exportation si nous ne faisons pas partie du PTP.

Le PTP nous permet d'éviter les pertes de ce genre en renforçant l'accès aux marchés et égalisant les règles du jeu entre nous et certains de nos principaux concurrents commerciaux, tels que l'Australie et les États-Unis.

Quant aux barrières non tarifaires, l'AECG et le PTP contiennent des obligations de promouvoir une coopération plus serrée entre les organismes membres chargés de la normalisation, de la conformité et de l'accréditation. De plus, le PTP comporte des dispositions exécutoires conçues pour assurer des normes minimales de protection de l'environnement dans les pays membres du PTP, ce qui favorise une plus grande viabilité de l'environnement.

Ces accords soutiennent également le commerce de produits issus de la biotechnologie moderne en améliorant la transparence, la coopération et le partage d'information. Nous avons espoir qu'un meilleur dialogue sur la biotechnologie moderne suscité par l'AECG et le PTP diminuera les risques commerciaux auxquels sont actuellement exposés les concepteurs et utilisateurs de produits issus de la biotechnologie moderne.

Les engagements de ce genre créent un contexte plus prévisible et plus transparent pour les échanges qui facilitent le commerce international. Même si des difficultés continueront de se poser pour le commerce des produits issus de la biotechnologie agricole, nous croyons que les engagements à l'égard du dialogue et la participation sont des pas accomplis dans la bonne direction. Des progrès continus sur ce front sont nécessaires pour faire avancer la production agricole au moyen du développement et de l'adoption de technologies modernes.

La Saskatchewan est nettement favorable à la ratification de l'AECG et du PTP et exhorte le gouvernement fédéral à procéder à leur ratification. Tout au long des négociations et des consultations fédérales, les parties prenantes du secteur agricole de la Saskatchewan ont clairement fait savoir notre soutien pour ces accords. La non-ratification de l'un ou l'autre de ces accords entraînerait des reculs majeurs pour notre industrie agricole et notre économie.

Au-delà de l'AECG et du PTP, la Saskatchewan demande également une libéralisation plus poussée dans d'autres marchés clés, notamment les marchés immenses et en rapide croissance de l'Inde et de la Chine. En 2015, l'Inde était le troisième marché d'exportation des produits agricoles de la Saskatchewan, marqué par une forte demande de légumineuses. En fait, les produits agricoles de la Saskatchewan représentent presque la moitié du commerce Canada- Inde. Nous espérons que le Canada poursuivra les négociations en cours avec l'Inde dans un effort pour resserrer nos relations déjà étroites et renforcer notre accès à long terme à ce marché.

En 2015, la Chine était notre deuxième marché d'exportation de produits agricoles. L'un de nos principaux concurrents exportateurs de produits agricoles, l'Australie, a déjà mené à terme la négociation d'un accord commercial avec la Chine. Le Canada se trouve donc en position défavorable. Il est essentiel à la compétitivité et à la prospérité à long terme du secteur agricole canadien de ne pas se laisser distancer par nos concurrents sur cet important marché.

Puisque nous signalons certaines des autres priorités de la Saskatchewan en matière d'accès aux marchés, je veux aborder brièvement les effets plus larges d'une augmentation du commerce de produits agricoles sur l'innovation. Vu la position de la Saskatchewan en tant que province exportatrice, l'élargissement de l'accès aux marchés se répercute fortement sur notre capacité d'innovation. Notre réseau de recherche en agriculture bénéficie grandement des prélèvements auprès des producteurs qui sont, pour l'essentiel, destinés à la recherche publique.

Selon Ag-West Bio, l'organisme représentant l'industrie de la biotechnologie agricole en Saskatchewan, les organismes regroupant les producteurs de cultures végétales de l'Ouest canadien versent environ 50 millions de dollars par année aux instituts de recherche publics. Comme le revenu des producteurs est lié à l'accès aux marchés, les réalités économiques influent sur les ressources disponibles pouvant être consacrées aux investissements dans les technologies d'amélioration de la productivité.

L'existence de ces liens signifie que l'élargissement des débouchés commerciaux, tels que ceux permis par des accords comme le PTP et l'AECG, peut renforcer le leadership du Canada en recherche agricole. Le PTP et l'AECG prévoient des engagements bénéfiques, bien que limités, en matière de biotechnologie. Des difficultés subsistent pourtant sur le plan de la mise en application de la biotechnologie.

La question de la présence en faible concentration, la PFC, dans les produits issus de la biotechnologie agricole, en particulier, cause une incertitude considérable chez ceux qui mettent au point et adoptent ces nouveaux outils. L'innovation et l'adoption de la biotechnologie sont nécessaires pour répondre aux problèmes urgents du changement climatique et de la durabilité.

Des expériences menées en Saskatchewan ont démontré que les cultures génétiquement modifiées, les cultures GM, offrent des rendements notablement accrus tout en permettant de réduire le travail du sol et l'utilisation de pesticides. Les plantes peuvent aussi être adaptées pour supporter les stress dus au changement climatique en leur conférant des caractéristiques comme la résistance à la sécheresse. Ces possibilités ont d'importantes répercussions sur la sécurité alimentaire et la protection de l'environnement. Pourtant, les concepteurs et les producteurs qui adoptent cette technologie sont en butte à des difficultés en raison du manque d'harmonisation entre différents pays des régimes d'approbation des cultures. Cette situation peut entraîner des perturbations des échanges.

La présence en faible concentration devient un problème lorsque l'approbation de cultures génétiquement modifiées est autorisée par le pays exportateur, mais ne l'est pas encore dans le pays importateur. Cela survient quand une faible concentration d'un OGM non approuvé est détectée dans une cargaison importée. Avec la commercialisation croissante de cultures GM à l'échelle mondiale, les chances que de telles présences soient détectées dans les cargaisons commerciales augmentent de jour en jour.

Les mesures coercitives prises par les importateurs lorsque des produits issus de la biotechnologie non approuvés sont détectés, même en faibles concentrations, peuvent perturber sérieusement les échanges. Cela crée des risques dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Conscient de ces risques, le Canada a assumé un rôle de leadership appelant la communauté internationale à coopérer. Cependant, il reste du travail à faire pour réduire au minimum les difficultés d'accès aux marchés que pose la présence en faible concentration. Par conséquent, la Saskatchewan encourage le gouvernement fédéral à continuer d'exercer son leadership dans ce domaine.

Le Canada doit travailler en vue de formuler d'autres solutions de principe pour renforcer le commerce international de produits issus de la biotechnologie. Il est essentiel d'instaurer un contexte commercial où s'appliquent des règles prévisibles, transparentes et basées sur des données scientifiques. Il est nécessaire de continuer de faire progresser nos capacités de production et d'adaptation aux défis posés par le changement climatique.

Une autre importante question qui a des répercussions sur l'accès aux marchés a trait aux limites maximales de résidus, ou LMR, de produits de protection des cultures. L'utilisation responsable des produits de protection des cultures joue un rôle essentiel dans l'amélioration de la sécurité alimentaire mondiale et de la production dans les provinces des Prairies.

Or, les limites de capacité prévues dans le Codex et les systèmes nationaux d'approbation qui diffèrent entraînent de longs retards dans la définition des LMR pour les cultures. Ces limites compliquent inutilement les échanges puisque de nombreux pays importateurs, notamment ceux avec une économie en développement, se fient sur le Codex pour établir les LMR. Dans les cas où les LMR n'y figurent pas, ils peuvent appliquer des tolérances zéro, ou presque, aux résidus, ce qui a pour résultat de créer des barrières commerciales inutilement onéreuses.

L'absence de limites maximales de résidus uniformes à l'échelle internationale risque de poser de graves problèmes d'accès aux marchés. Les producteurs, fabricants et distributeurs d'aliments qui approvisionnent le marché mondial doivent se conformer aux LMR de chaque pays importateur, quelle que soit l'innocuité attestée de LMR plus élevées.

Des acteurs de l'industrie canadienne, tels que Pulse Canada, le Conseil canadien du canola et Cereals Canada, ont assumé un rôle de leadership en insistant sur la nécessité de progrès dans ce domaine. Nous exhortons le gouvernement fédéral de maintenir son soutien aux efforts de l'industrie touchant les LMR, en particulier au moyen de la sensibilisation des producteurs et de son leadership dans les organismes internationaux de normalisation.

En dernier lieu, je veux parler de l'infrastructure des transports qui est nécessaire pour que la Saskatchewan et l'Ouest canadien puisse profiter pleinement des débouchés qui s'offrent sur le marché mondial. La Saskatchewan produit constamment plus de 30 millions de tonnes métriques de céréales par année. Nous nous attendons à ce que les récoltes continuent d'augmenter. Notre province exporte la majorité de sa production agricole, tout au moins à peu près 5 p. 100. C'est donc dire que nous exportons 95 p. 100 de la production agricole totale de la province.

Par ailleurs nos producteurs et nos transformateurs sont parmi ceux qui ont les plus grandes distances à franchir pour acheminer leurs produits jusqu'à un port. Nous savons que l'efficacité du transport ferroviaire a augmenté depuis une décennie. Nous devons nous assurer que nos expéditeurs disposent d'outils de manœuvre interréseaux étendue leur offrant un accès au service ferroviaire à des taux concurrentiels, ainsi que des mécanismes plus accessibles et plus efficaces de règlement des différends entre les compagnies ferroviaires et les expéditeurs.

Vu que nous dépendons à ce point des transports, il est essentiel que la chaîne d'approvisionnement soit efficace, fiable et dotée de l'infrastructure matérielle et réglementaire nécessaire pour acheminer nos exportations croissantes vers les marchés mondiaux. Outre le rail, nous incitons le gouvernement fédéral à examiner le besoin d'accroître la capacité portuaire sur la côte Ouest du Canada.

Les producteurs de la Saskatchewan envisagent avec confiance d'avoir l'occasion de répondre à la demande croissante des marchés asiatiques. Cependant, des infrastructures portuaires suffisantes seront nécessaires pour garantir notre capacité de répondre à long terme à la croissance de la demande. Nous devons faire en sorte que le réseau de transport canadien soit en mesure d'absorber avec sécurité, fiabilité et efficacité cette croissance future.

Je suis un agriculteur de la Saskatchewan. Sur notre ferme familiale dans le sud de la province, nous cultivons des céréales, des oléagineux et des légumineuses et nous élevons du bœuf. Je ressens passionnément ces enjeux. J'espère avoir pu vous montrer à quel point notre industrie est productive et combien elle est importante pour le Canada. Notre province, qui compte 1,1 million d'habitants, exporte, année après année, quelque chose comme 15 milliards de dollars de produits agricoles qui contribuent grandement, non seulement à notre propre économie, mais aussi à l'économie canadienne.

L'agriculture est une industrie qui dépend du travail infatigable de nombreuses personnes. J'espère que nous pourrons tous travailler ensemble pour faire en sorte que le Canada demeure l'un des meilleurs pays au monde avec qui nouer des relations d'affaires, en particulier des affaires associées au commerce de produits agricoles. Je vous remercie beaucoup de votre attention.

Le vice-président : Grand merci à tous deux. Nous avons apprécié hautement vos exposés.

J'ai cru un moment que nous éviterions aujourd'hui la question du transport ferroviaire. Je vous remercie, monsieur le ministre Stewart, de vous y être attardé. Depuis deux jours, chacun de nos témoins a soulevé la question du transport ferroviaire.

En fait, je cherche moi-même à tenir une réunion avec les deux ministres concernés en vue de prolonger la discussion de la question de la manœuvre interréseaux. Comme il y a un échéancier à respecter, je le fais de ma propre initiative, sans que le comité m'ait demandé de faire cette démarche. Si j'obtiens quelque résultat heureux, j'en informerai tous les témoins.

Il aurait été cependant plus facile de le faire si j'étais toujours membre du caucus libéral. Je n'aurais eu qu'à m'asseoir à leurs côtés un mercredi matin. Mais cela fait partie d'un temps révolu de notre histoire politique.

Nous passons maintenant à la période de questions et réponses. De nouveau, je vous prie d'être brefs.

La sénatrice Unger : Bienvenue à tous. Je suis très heureuse d'avoir pu rencontrer les ministres Carlier et Stewart pour la première fois.

Monsieur le ministre Carlier, vous avez fait état de beaucoup de plans pour l'Alberta. Je suis personnellement déçue que n'ayez rien dit de notre industrie pétrolière qui, depuis de nombreuses années, a été le moteur de l'économie canadienne. Oui, il est vrai que nous éprouvons actuellement des difficultés, surtout à cause des feux de forêt et, à ce sujet, j'apprécierais beaucoup que vous nous parliez un peu de la situation.

J'ai vu la première ministre brièvement à la télé ce matin. Je sais que les feux font rage actuellement, si bien que ma première question est de vous demander où ils sont rendus. Sont-ils maîtrisés? Qu'est-ce qui se passe?

M. Carlier : Je vous remercie, madame la sénatrice, de cette question. D'abord au sujet de votre observation sur l'industrie pétrolière. Mes commentaires ont porté essentiellement sur l'agriculture. Notre gouvernement a, d'entrée de jeu, parlé de la diversification de l'économie. Je veux vous dire très clairement, ainsi qu'à tous les Albertains, que nous n'entendons pas par là une diversification au détriment du secteur pétrolier et gazier. Cela signifié une diversification dans l'industrie pétrolière et gazière elle-même parce qu'elle demeure même maintenant le moteur de notre économie et continuera de l'être, je pense, pour plusieurs générations. Le pétrole et le gaz demeurent importants.

Pour ce qui est de ces incendies échappés, je n'ai pas vu de mise à jour aujourd'hui sur celui de Horse Creek, mais je soupçonne qu'il a ravagé environ 500 000 hectares. Pour mettre ce chiffre en perspective, l'année dernière, qui a été pour nous une très mauvaise saison pour les feux de forêt échappés, la superficie totale de forêt brûlée a été d'environ 500 000 hectares. Ce seul feu est près de dépasser la superficie ravagée par tous les incendies échappés de l'année dernière. C'est un feu dévastateur.

Il y en a un autre près de la rivière de la Paix, qui se trouve surtout en Colombie-Britannique, mais un peu aussi en Alberta. Il y a déjà eu bon nombre d'incendies échappés cette année, près de 500. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que la plupart d'entre eux n'ont pas été causés par la foudre. La seule autre cause des feux est la négligence humaine.

Du fait que l'hiver a été extrêmement sec, il y a beaucoup d'herbe sèche. Elle n'a pas pu verdir faute d'eau. J'espère que le grand public entend mon message : Soyez prudents! Ne soyez pas l'origine d'un prochain feu échappé qui, tout compte fait, aurait été évitable. Voilà où est le problème.

L'incendie échappé à Fort McMurray a été décrit par le chef des pompiers comme un monstre. Il n'y a pas à en douter, et je remercie tous les premiers intervenants, les responsables municipaux, les pompiers provinciaux qui luttent contre les feux de végétation et tant d'autres personnes à avoir réussi à évacuer, sans blessures graves ni pertes de vie, 88 000 personnes d'une ville sur la seule route encore ouverte. Beaucoup de gens méritent nos remerciements.

Regardant vers l'avenir, un grand effort sera exigé de nous tous, de tous les Albertains, de tous les Canadiens, pour rebâtir cette ville qui a une telle importance pour la vie économique de l'Alberta et du Canada.

La sénatrice Unger : Ma prochaine question porte sur les taxes. Il y a beaucoup de plans ambitieux pour diversifier l'économie de l'Alberta. Depuis quelques décennies, c'est un rêve albertain par excellence. À compter du 1er janvier 2017, l'Alberta imposera une taxe sur le carbone. De plus, le gouvernement fédéral se prépare à fixer le prix obligatoire minimal du carbone. Il y aura de plus en plus de taxes. Tout d'abord, il y aura la taxe sur le carbone qui sera répercutée sur tout le monde puis, ensuite nous commencerons à taxer l'industrie. Le montant de l'investissement futur dont l'Alberta sera privée est énorme. Je me demande si le gouvernement fait le lien entre le niveau élevé des taxes et les pertes d'activités commerciales et industrielles.

M. Carlier : Même avec la taxe sur le carbone, nous aurons l'un des régimes fiscaux les moins lourds au Canada parce que nous n'imposons pas de frais pour les soins de santé, par exemple. Il n'y a pas d'impôt sur le revenu personnel, et cela sera maintenu. Le carburant agricole sera exempt de la taxe sur le carbone, ce qui est quelque chose que nous sommes en mesure de faire pour l'agriculture.

J'ai entendu des critiques qui prévoient qu'une augmentation de 4 cents par litre du prix du carburant nuira, de quelque façon, à l'économie. Pour une raison quelconque, la fluctuation de jusqu'à 20 cents le litre ces dernières années, n'a pas un tel effet, et je ne suis donc pas sûr de partager ce pronostic pessimiste quant aux effets d'une taxe de 4 cents le litre sur le carburant.

En fait, nous pensons qu'elle sera utile parce que tout le montant ainsi perçu sera réinvesti en Alberta, retournera à l'industrie, dans la recherche d'innovations pour résoudre les problèmes posés par le changement climatique et faire de nous l'un des chefs de file mondiaux dans ce domaine. Nous avons hâte de pouvoir tirer profit de ces innovations, de mettre ces gains d'efficacité à la disponibilité de toutes les industries.

La sénatrice Unger : J'ai une dernière question. Vous parlez de la taxe sur le carbone, de tout cet argent qui sera réinvesti, qui reviendra aux industries. Je sais que ce n'est pas toujours ainsi que les choses se passent. Où iront ces recettes? Les gouvernements ont parfois de belles intentions, mais la réalité concrète est bien différente.

M. Carlier : La première ministre Notley est une personne très résolue. Lorsqu'elle dit que telle chose sera faite, elle se fera. Tant elle que M. Phillips, le ministre de l'environnement et des parcs, sont catégoriques : l'argent perçu au moyen de la taxe sur le carbone sera réinvesti de façon à transformer l'économie basée sur l'énergie en économie verte.

Prenons l'exemple de l'État du Texas; il produit deux fois plus d'énergie renouvelable que l'Alberta. Nous devons faire de l'Alberta une province de l'énergie, mais pas seulement de l'énergie pétrolière et gazière. Malgré l'importance qu'ont et que continueront d'avoir le pétrole et le gaz, nous devons devenir une province de l'énergie, qu'il s'agisse du pétrole et du gaz ou d'énergies renouvelables.

La sénatrice Merchant : Je vous souhaite la bienvenue. C'est pour nous un honneur de vous accueillir ici aujourd'hui. Nous tâchons de travailler ensemble avec vous en vue de formuler certaines recommandations portant sur l'agriculture, nos capacités d'exportation et les partenariats que nous tentons d'établir partout au monde. Je vous remercie bien sincèrement de vous être déplacés ce matin.

Je connais le ministre Stewart depuis longtemps. Il aborde ses questions avec passion. Comme il l'a dit, il est agriculteur et est ministre de l'agriculture depuis de nombreuses années. Ces conseils sont très sages, et je le remercie vivement.

Nous avons entendu hier plusieurs différents groupes de personnes actives dans l'industrie agricole, de personnes qui produisent pour nous du canola et des céréales grain et d'autres aliments. Toutes, elles ont mentionné que nous avions vraiment besoin de nous informer pour être bien certains de comprendre.

Vous avez signalé certains des empêchements à la conclusion d'accords commerciaux. Par exemple, vous avez mentionné, monsieur le ministre Stewart, qu'un des obstacles à la conclusion d'un accord était la définition donnée dans l'AECG aux produits génétiquement modifiés. Vous avez dit également qu'il était important que les règles du gouvernement fédéral soient très claires.

Que font vos ministères pour informer les parties prenantes dans nos provinces comment cultiver des produits pour qu'ils soient acceptables dans d'autres pays?

M. Stewart : Je serai heureux de répondre à cela en premier, et de vous remercier, madame la sénatrice, de vos aimables paroles à mon endroit. Nous sommes certainement d'accord sur les prémisses qui sous-tendent votre question. Il importe d'éduquer nos gens d'abord, avant de propager partout au monde la bonne nouvelle de notre agriculture à base scientifique. Nous avons consenti un effort considérable de sensibilisation aux réalités agricoles en Saskatchewan, qui cible d'abord les enfants d'âge scolaire, mais qui ne s'arrête pas là. Nous avons certaines activités de publicité et de promotion auprès du grand public également, mais qui ciblent principalement les écoliers de la 5e à la 8e classe. Nous avons créé un programme expressément pour eux, appelé l'agriculture en salle de classe. Il a été accueilli favorablement par le milieu enseignant dans l'ensemble de la province.

L'agriculture moderne est souvent très mal comprise, si bien qu'il faut commencer après de très jeunes enfants nos efforts de rééducation de la population quant aux avantages tant économiques qu'environnementaux de l'agriculture moderne à base scientifique. Nous y consacrons des sommes assez considérables et y mettons un gros effort.

La sénatrice Merchant : Je suis heureuse que vous ayez mentionné l'éducation de la population générale, mais qu'en est-il de l'industrie agricole? Je pense que les agriculteurs disaient eux-mêmes avoir besoin de comprendre.

M. Stewart : Oui. Nos producteurs en Saskatchewan sont parmi les premiers à avoir adopté la nouvelle technologie. Nous avons dépensé beaucoup d'argent en recherche et en promotion afin d'informer nos producteurs des plus récentes percées en recherche. L'histoire montre que nos producteurs ont été parmi les tout premiers au monde à adopter la nouvelle technologie. Ils en sont très conscients et ils sont devenus ainsi parce qu'ils portent attention à ce qui leur est disponible.

Ils sont vivement intéressés à accroître le rendement et la qualité de leurs produits. Ils sont motivés à prêter attention à ce qui existe en fait de nouvelles technologies. Leur attitude d'acceptation rapide est quelque chose que nous tenons presque pour acquis chez eux.

M. Carlier : Il peut être surprenant d'apprendre que l'Alberta est la plus urbanisée des provinces canadiennes. En effet, 90 p. 100 de notre population habite dans une ville, grande ou petite. Le 10 p. 100 qui reste vit en milieu rural.

Il existe le danger d'une distanciation de plus en plus grande des réalités agricoles bien que beaucoup de citadins aient l'impression d'avoir maintenu ce lien du fait que leurs parents, grands-parents ou oncles, tantes et cousins sont toujours sur la ferme. Il est important de préserver ce lien pour que ces gens sachent ce qu'est l'agriculture.

Le processus d'éducation est relativement bon en Alberta, mais il reste de la place pour l'amélioration pour faire en sorte que nos parents et amis citadins saisissent mieux l'importance de l'agriculture. L'agriculture est la deuxième plus grande industrie en Alberta, suivie de près par l'exploitation forestière et le tourisme, mais il importe de ne pas perdre ce lien à l'agriculture. Il est important que tous les consommateurs, en commençant par ceux à la maison, soient au courant des aliments produits naturellement et améliorés scientifiquement. De nos jours, n'importe qui va sur l'Internet et lit, pendant cinq minutes, quelques articles dans Wikipédia et devient aussitôt un expert.

Comment discuter avec quelqu'un qui vous dit, dans le blanc des yeux : « Je ne crois pas vos faits »? C'est dur. C'est certainement une difficulté. En même temps, nous devons être très conscients de notre licence sociale d'exploitation. Nous n'avons pas besoin d'un imbécile qui se promène dans un parc d'engraissement muni d'un bâton, suivi d'un autre imbécile muni d'une caméra. Ça nous nuit à tous. Ces incidents largement diffusés sont des cas extrêmement rares. Nous faisons tout ce qui est possible pour nous assurer que nous tenons cette licence sociale de bon droit. Il importe de protéger nos marchés, de même que notre réputation tant ici qu'à l'étranger.

Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit, madame la sénatrice. Le défi qui se pose, ce sont les neuf dixièmes de la population chez qui le lien à l'agriculture est très ténu ou inexistant.

Le vice-président : Monsieur le ministre Stewart, vous avez mentionné en passant les chemins de fer, mais aussi le besoin de plus en plus impérieux d'examiner la capacité portuaire sur la côte Ouest du Canada.

Je représente la Nouvelle-Écosse et le port d'Halifax, qui est le meilleur port sur la côte atlantique. Nous n'avons pas eu un conflit de travail dans le port d'Halifax depuis 1976. Certaines personnes ici présentes n'étaient même pas nées à cette époque. Cela vous donne une idée de la stabilité des relations de travail. On ne peut pas en dire autant du port de Vancouver.

Vous n'avez pas abordé cet aspect du problème. Vous avez parlé du besoin d'accroître la capacité portuaire sur la côte Ouest du Canada. Vous n'avez pas parlé de la capacité et de la fiabilité. Avez-vous exprimé vos préoccupations au sujet du port de Vancouver à des responsables fédéraux?

Soit dit en passant, je siège également au Comité des transports et des communications, ce qui explique pourquoi je m'attarde quelque peu à la fiabilité du port de Vancouver. Il devient un goulot d'étranglement où vos bons produits, destinés à être vendus rapidement, perdent de leur qualité à cause des retards qu'ils subissent du fait de leur passage par le port de Vancouver, ces excellents produits en provenance de l'Alberta ou de la Saskatchewan, provinces dont vous êtes, messieurs, les représentants.

M. Stewart : Oui, c'est en effet un bon point. La fiabilité, dans la perspective des relations de travail, est un problème qui survient de temps à autre. Je ne pense pas qu'il serait approprié pour moi de spéculer sur les causes de cette instabilité relative des relations de travail dans les ports de la côte Ouest par rapport à votre port d'Halifax.

Le vice-président : Mais voyons donc!

M. Stewart : Je ne pense pas que je vais parler de ça. Bien sûr, c'est un problème, mais c'est en lien avec la capacité portuaire. En général, je ne sais pas ce que le gouvernement peut faire face à l'instabilité de la main-d'œuvre, mais il est certain que le port de Vancouver est un goulot d'étranglement.

Le secteur privé et la Ville de Vancouver ont consacré beaucoup d'argent récemment dans une tentative appréciée de le rendre plus accessible et d'agrandir les installations.

Prince Rupert est un excellent port naturel, probablement le meilleur en Amérique du Nord. Malheureusement, il est seulement accessible par train, le CN. Son énorme potentiel pourrait ne pas être exploité, à moins que cette situation ne change.

Quant aux ports de l'Est, j'aimerais qu'on puisse les utiliser plus. La structure du commerce mondial a changé depuis ma jeunesse et nos marchés les plus importants sont du côté du Pacifique.

Le vice-président : Je vous remercie, monsieur le ministre. Le nombre de contrats signés pour l'exploitation du port de Vancouver, comparativement à d'autres ports comme le port d'Halifax, est important. Alors que deux ou trois contrats suffisent pour exploiter tout le port d'Halifax, ce n'est pas de cette façon que fonctionne Vancouver, qui a conclu de multiples contrats. Les occasions ne manquent donc pas pour que les choses tournent mal, ce qui semble être le cas.

La sénatrice Tardif : Je reprends les commentaires de ma collègue, la sénatrice Merchant, en affirmant que nous sommes très heureux de votre présence ici ce matin et en vous remerciant d'être là.

Ministre Carlier, dans votre exposé, vous avez indiqué qu'il y avait une demande accrue d'une production agricole durable de la part des consommateurs. Je pose la question suivante à vous deux : avez-vous des programmes en place qui appuient les producteurs qui cherchent à pérenniser leur production?

M. Carlier : C'est une bonne question. Cette question a été soulevée lors de la période des questions, hier.

La sénatrice Tardif : Vraiment? Je n'ai pas écouté.

M. Carlier : C'est de bonne guerre. Je pense que la raison pour laquelle la question a été soulevée lors de la période des questions et ce pour quoi beaucoup de consommateurs et vous-même posez des questions à ce sujet, c'est que c'est d'actualité. En grande partie, ils sont amenés par l'industrie, qui a l'expertise dans cette production.

Je crois que les États-Unis se sont donné le rôle d'organe de réglementation quant à ce qui est certifié et ce qui ne l'est pas. Ici, ce n'est pas aussi réglementé que ça devrait l'être, peut-être. Je ne sais pas.

McDonald réalise un projet pilote portant sur la production durable de la viande de bœuf. Tous les hamburgers de McDonald proviennent de ses propres usines de transformation situées à l'ouest d'Edmonton. Au Canada, ils viennent tous de l'Alberta, donc c'est en majorité le bœuf de l'Alberta qui est utilisé dans les restaurants McDonald. Attrape, Earls.

J'ai eu l'occasion de rencontrer le président international et le président canadien de McDonald. Ils étaient très emballés par ce projet pilote qui va bientôt prendre fin. Voilà l'exemple d'une industrie qui vient au bâton, car elle s'est rendu compte que nous tous, dans la société, sommes devenus des cuisinomanes. Nous nous intéressons à la provenance de nos aliments et à la viabilité de cet approvisionnement.

La population en général ne sait pas trop ce qui est admissible à la certification, ce qui est élevé de manière humaine et ce qui est biologique. C'est un peu la pagaille, du point de vue des consommateurs et peut-être de quelques grossistes.

La sénatrice Tardif : Mais est-ce que le gouvernement albertain a mis en place des programmes qui soutiennent ces producteurs?

M. Carlier : Nous collaborons grandement à la Table ronde canadienne sur le bœuf durable, par exemple, pour commencer à élaborer des stratégies afin de préciser ce qu'on entend par là et ce que nous pouvons faire pour mieux adapter les produits aux consommateurs. L'organisme Alberta Livestock and Meat Agency a abattu beaucoup de travail également, mais nous nous associons avec l'industrie pour développer cela.

Pour répondre à votre question, madame la sénatrice, il n'y a pas beaucoup de réglementation à cet égard. Je ne suis pas certain que ce soit nécessaire, sachant l'initiative que prennent l'industrie et le bon travail qu'elle effectue. Je ne crois pas que ce soit nécessaire pour le moment, de toute façon.

M. Stewart : Les programmes de Cultivons l'avenir 2 soutiennent des projets tels que les plans environnementaux des fermes en Saskatchewan. Nous appuyons les tables rondes de l'industrie sur la durabilité du point de vue de l'environnement dans les secteurs céréalier et bovin.

Avec l'industrie, nous participons actuellement à des études d'une grande portée dans le secteur céréalier, et plus particulièrement à des études sur les additifs alimentaires dans le secteur bovin qui peuvent réduire les émissions de gaz méthane par le bétail et les choses de cette nature. De manière générale, l'industrie nous devance grandement, en Saskatchewan.

À partir des années 1980, l'industrie céréalière a changé son mode de culture en Saskatchewan et dans l'Ouest canadien ainsi que dans l'ouest des États-Unis. Le mouvement a essentiellement débuté en Saskatchewan autour des années 1980, juste avant la culture sans labour et la culture continue. On a virtuellement éliminé la pratique antérieure de la jachère d'été qui était une importante source d'émissions de dioxyde de carbone, non seulement en raison de l'énergie qui était nécessaire pour tirer de lourds instruments aratoires plusieurs fois pendant une même saison de croissance, mais, encore plus important, en raison du carbone qui était émis au moment de la culture des champs, des champs qui contenaient du matériel végétal en décomposition. Ce carbone va directement dans l'atmosphère. C'est une énorme source d'émissions. Ça faisait de l'agriculture un important secteur émetteur.

Nous avons commencé en 1981 sur ma ferme et, bien sûr, les voisins croyaient que j'étais fou. Pendant des années, on aurait dit qu'ils pourraient avoir raison, mais ça a finalement marché. L'agriculture est devenue plus rentable, la production a grandement augmenté et nos sols sont devenus des puits de carbone plutôt que des émetteurs de dioxyde de carbone.

L'industrie a accompli cela avec l'aide des chercheurs gouvernementaux. Nous sommes très fiers des réalisations de notre industrie et nous essayons de suivre le rythme.

La sénatrice Tardif : Au-delà de cela, que font vos gouvernements pour aider à la lutte antiparasitaire et phytosanitaire?

M. Stewart : La recherche se poursuit particulièrement dans le secteur des cultures agricoles relativement aux insectes nuisibles, aux champignons parasites et aux mauvaises herbes, des éléments qui sont essentiellement sous contrôle dans l'Ouest canadien. C'était beaucoup plus un problème avant que la science moderne ne prenne le dessus, mais les champignons et les insectes nuisibles semblent s'adapter avec le temps.

On dirait que nous sommes sans cesse en lutte contre de nouveaux problèmes. Par exemple, l'hernie du canola est un problème en Alberta et dans l'ouest de la Saskatchewan. Beaucoup de recherches et beaucoup de surveillance s'effectuent. C'est au moins contenu et contrôlé peu à peu.

L'organisation Veterinary Infectious Disease Organization de l'Université de la Saskatchewan travaille beaucoup sur les insectes nuisibles, les biopathogènes des animaux d'élevage et les choses du genre, en s'intéressant particulièrement aux maladies transmissibles à l'homme. Beaucoup de vaccins ont été inventés à cet endroit et sont dorénavant utilisés partout dans le monde.

L'agriculture de précision, ou l'application plus spécifique d'engrais et de produits chimiques seulement là où c'est nécessaire, en est à ses balbutiements, mais elle est grandement préconisée par nos producteurs dans la province et appuyée par la recherche gouvernementale. Voilà quelques-unes des choses accomplies.

M. Carlier : Malgré une situation économique difficile, nous sommes en mesure de maintenir le financement des organes de services liés à l'agriculture en Alberta. Ces organes travaillent dans les comtés et les districts municipaux à cerner les problèmes liés au Fusarium, à l'hernie, aux sauterelles ou à l'apparition de nouvelles mauvaises herbes. Ils contrôlent vraiment la situation. Ils accomplissent un travail magnifique à cet égard, en dépit des problèmes.

L'année dernière, on a eu des problèmes quand on a trouvé ce qu'on pensait être du canola résistant à l'hernie. Ils ont trouvé de l'hernie. C'est un défi constant. Il va probablement rester présent, mais il est important de s'appliquer.

Il arrive que de nouveaux parasites et de nouvelles mauvaises herbes fassent leur apparition. Nous sommes fiers du fait que l'Alberta ne soit pas infestée de rats, mais qu'en est-il des mauvaises herbes? On a trouvé une nouvelle stramoine commune l'année dernière dans le sud-est de l'Alberta; c'est en fait une plante toxique. Il faut toujours en être conscient et être en mesure de le contrôler. C'est important.

Il y a de nouvelles technologies, comme l'a dit le ministre Stewart, permettant l'application variable d'engrais et de différents produits chimiques qui favorisent grandement l'acceptabilité sociale de notre gérance environnementale également.

Quarante pour cent des terres irriguées au Canada, soit environ 1,4 million d'hectares, se trouvent en Alberta. Je ne me rappelle pas quel pourcentage est cultivé, mais elles représentent une très grande part des quelque 25 p. 100 des ventes au comptant. C'est important pour nos cultures spécialisées.

Il y a là des occasions et des défis également par rapport aux divers éléments nuisibles introduits en même temps que nous adoptons de nouvelles cultures spécialisées. Il est important de diversifier, mais il faut toujours être vigilant et s'assurer d'être en mesure d'en connaître l'évolution grâce à la recherche et en continuant d'insister sur l'importance de la recherche.

Le vice-président : Monsieur le ministre Stewart, vous avez parlé de l'utilisation des sols et des changements que vous avez vous-même apportés à cet égard. Je rappelle à tous que notre ancien collègue, le sénateur Herb Sparrow de la Saskatchewan, était un spécialiste mondial dans le domaine de l'utilisation des sols. Le rapport publié en 1984 par notre comité alors qu'il en assurait la présidence, intitulé Nos sols dégradés : le Canada compromet son avenir, a eu un effet considérable. Il a peut-être contribué à vous amener à apporter des changements dans votre propre entreprise agricole.

Parfois les gens oublient ce que peuvent accomplir les rapports publiés par les comités gouvernementaux. Le sénateur Sparrow a eu une influence extraordinaire sur l'agriculture dans l'Ouest canadien. Ses livres et ses écrits sur le sujet ont été cités partout dans le monde et ont influencé grandement l'agriculture ailleurs. La Saskatchewan a été un leader pendant de nombreuses années.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Alors, tout d'abord, merci à nos invités. Évidemment, je suis enchanté de rencontrer des ministres de l'ouest du pays. Monsieur Carlier, chaque fois que je viens en Alberta, j'ai toujours le plaisir de déguster le fameux bœuf de l'Alberta, et depuis mardi, je me suis fait plaisir. En effet, il est toujours aussi bon.

Cela étant dit, dans votre présentation, comme l'a mentionné le sénateur Mercer, vous avez affirmé que nous devrons faire face, tôt ou tard, ou peut-être même aujourd'hui, à des problèmes de sécheresse. On sait qu'en Californie, notamment, il y a des problèmes de sécheresse. Est-ce que votre gouvernement s'est déjà penché sur les façons de prévenir la sécheresse, ou du moins sur l'irrigation des terres?

[Traduction]

M. Carlier : C'est assurément au premier rang de mes préoccupations et dans les têtes de la plupart des Albertains, surtout avec ce qui se passe dans nos zones forestières. Nous avons beaucoup de terrains forestiers en Alberta. Nous avons beaucoup de terres cultivées, de pâturages et du fourrage également.

On est déjà au mois de mai. C'est habituellement un des mois les plus pluvieux, mais ce n'est pas le cas cette année. Hier, j'ai vu une carte qui montrait en rouge les parties les plus sèches de l'Alberta et il n'y avait aucune autre couleur que le rouge sur cette carte. C'est extrêmement sec.

En particulier sur nos terres irriguées, l'année dernière et cette année encore, le stock nival a été suffisant pour alimenter nos bassins irrigués. Le principal réservoir qui assure la majorité de l'irrigation est le St. Mary. Son niveau d'eau a quelque peu baissé. Tout le reste est normal. Je ne vois aucune autre circonstance qui pourrait menacer nos cultures irriguées en raison de la sécheresse. En fait, l'été dernier a été plutôt chaud et les résultats ont été extrêmement bons dans les cultures spécialisées.

L'Agriculture Financial Services Corporation est notre bureau d'assurance-récolte et le bureau de prêt dans l'Alberta rural. Il offre une gamme complète de programmes de gestion en cas de sécheresse auxquels les souscriptions sont très bonnes. Près de 90 p. 100 des producteurs souscrivent un produit d'assurance auprès d'eux. La majorité des autres ont des produits d'assurance auprès d'autres entités. Nous sommes bons pour les années à venir.

Il pourrait y avoir une autre année de sécheresse. J'espère encore qu'il pleuvra, mais nous sommes prêts à soutenir notre collectivité agricole à l'aide de certains de ces produits et en partenariat avec le gouvernement canadien. Il faut savoir cela et se préparer aux situations éventuelles.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre. J'aurais aussi une question à poser au ministre Stewart.

Monsieur Stewart, les producteurs de porc de l'Atlantique ont expliqué à notre comité que le manque d'abattoirs sous réglementation fédérale enfreignait leur capacité d'exporter dans d'autres provinces et dans d'autres pays. Est-ce que les producteurs de l'Ouest font face à ce même problème?

[Traduction]

M. Stewart : Notre situation n'est pas très mauvaise à l'heure actuelle. La plupart de nos porcs de boucherie sont effectivement abattus au Manitoba, dans la région de Brandon, mais il est possible d'augmenter la production en Saskatchewan et de continuer de faire abattre ces porcs au Manitoba. Il y a une petite usine à Moose Jaw, en Saskatchewan, également.

Il serait possible d'agrandir les abattoirs du fédéral, si nous allons de l'avant avec l'AECG et le PTP. Bien que cette possibilité soit réelle, nous sommes capables actuellement de répondre à la demande en Saskatchewan et au Manitoba.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez mentionné le PTP. On demandera sûrement une expansion de vos produits, entre autres pour le porc. Donc, j'imagine que vous devez déjà envisager certains agrandissements, ou du moins certaines améliorations, pour pouvoir suffire à la production.

J'aurais une autre question, monsieur le président, pour le ministre Carlier.

Vous aviez fait mention dans votre présentation de l'importance de la traçabilité des produits. Pouvez-vous nous parler de l'étiquetage des produits qui doivent être exportés? J'imagine que vous êtes sensibilisé à la question de l'étiquetage des produits de consommation, notamment à l'étiquetage de ceux qui doivent être exportés.

[Traduction]

M. Carlier : Sachant que l'Alberta a 40 p. 100 du cheptel canadien, la traçabilité de nos animaux est au cœur de nos préoccupations parce que nous voulons maintenir cette position. En cas de problèmes de biosécurité, pour une raison ou l'autre, dans le porc ou dans le bœuf, nous sommes capables d'en suivre la trace. Nous sommes en mesure de retrouver la ferme ou l'usine de transformation ou la source du problème aussi rapidement que possible afin de ne pas perdre notre accès au marché.

Il y a quelques années, il y a eu un cas d'EBS sur la ferme qui avait déjà connu la même situation quelques années auparavant. Même si c'était un petit incident, l'effet a été immédiat sur nos marchés, en particulier en Corée du Sud. Ils avaient imposé des restrictions. La traçabilité, soit la capacité de retrouver l'animal, l'emplacement et l'historique lui- même, devait être maintenue. Nous devions nous assurer que le monde savait que nous avions des mesures de biosécurité en place pour garantir l'offre d'un produit sain.

Tout se résume à la santé. Nous ne voulons pas que quiconque soit malade d'une manière ou d'une autre, d'abord. En tant qu'êtres humains, nous ne voulons pas faire cela et, deuxièmement, nous voulons maintenir notre accès au marché le plus possible. Nous ne voulons pas que des frontières nous soient interdites pour quelque raison que ce soit, et en particulier en matière de biosécurité.

Le vice-président : Je siégeais au comité lors de la crise de la vache folle. Je venais d'y être nommé. Ce fut très instructif pour moi. C'est auprès des fermiers albertains qui ont témoigné devant le comité que j'ai le plus appris. Ils étaient résolument indépendants. Ils ne voulaient pas d'interférence du gouvernement et ont maintenu cette position pendant toute la crise. Ils savaient que nous étions tous inquiets et que nous voulions tous les aider.

Je suppose que plusieurs d'entre nous ont pensé par la suite que le premier ministre Klein avait probablement eu raison de dire que l'honnêteté et la bonne foi des Canadiens leur jouent parfois des tours. Le premier ministre Klein avait dit qu'on aurait dû les abattre et les enterrer sans dire un mot, mais ce n'était pas la bonne chose à faire et nous avons persévéré. C'est à l'industrie et à l'ensemble des Albertains qu'il faut en fait attribuer le mérite d'avoir passé à travers cette période difficile et d'avoir survécu.

Il y a eu un petit problème récemment. Ça n'a pas duré, parce que nous croyons en la capacité du gouvernement albertain et du gouvernement canadien de régler un problème dès qu'il apparaît. Je me suis dit que c'était une bonne leçon pour nous que ce problème très grave que nous avons eu pendant la crise originelle.

Madame la sénatrice Unger, je vous en prie.

La sénatrice Unger : J'aimerais continuer avec le bœuf albertain. Que pouvez-vous nous dire au sujet de la décision prise par Earls? L'Alberta et ses 41 producteurs occupent le troisième rang en importance au Canada dans la production de bétail biologique. La décision de la compagnie Earls les mettait tous en péril.

Quelle en a été l'issue? Pourquoi nos producteurs de bœuf ne répondaient pas aux attentes de la compagnie? Pensez- vous que c'était une situation exceptionnelle ou pensez-vous que le problème pourrait persister, ce que personne n'espère?

M. Carlier : C'est une très bonne question. Je n'ai moi-même parlé à personne de la compagnie Earls, mais j'ai entendu et nous avons tous entendu les médias affirmer que leur cuisinier en chef avait affirmé vouloir du bœuf sans hormones ni stéroïdes parce que son goût est meilleur. Ce fut là l'une des choses bizarres qui est restée de cette controverse.

La compagnie a également affirmé avoir parlé à l'industrie et que l'industrie elle-même lui avait dit ne pas pouvoir satisfaire à leurs demandes. Vous allez entendre, plus tard ce matin, un représentant des Producteurs de bœuf de l'Alberta qui vous dira ne connaître personne dans l'industrie à qui ils auraient parlé. Donc, à qui ils avaient parlé, nous n'en avons aucune idée.

Vous avez tout à fait raison. Le produit est là. Ils ont fini par le réaliser, puisqu'ils ont renversé leur décision et ont trouvé ce qui répond à leurs besoins en Alberta. J'espère que cela trouvera un écho auprès de la population également et qu'elle saura que, peu importe la viande qu'elle cherche, que ce soit d'un animal élevé de manière humaine, certifiée biologique, biologique, naturelle et tous ces autres termes en vogue, elle est disponible en Alberta.

Même les bovins nourris à l'herbe sont, à un détail près, élevés biologiquement de manière humaine. Earls a admis dans un délai assez court qu'elle avait pris une mauvaise décision.

Earls est une organisation d'une assez grande importance. Ils exploitent 38 restaurants différents. Si ça n'avait pas fait la manchette, si ça n'avait pas été rapporté, ça n'aurait pas fait un pli aux producteurs eux-mêmes, mais parce que ça a été rendu public, c'est devenu un problème.

Je ne veux pas que quiconque, chez les consommateurs au pays ou partout dans le monde, pense que le bœuf de l'Alberta est de qualité inférieure de quelque façon. Ce n'est pas du tout le cas. Les producteurs et les transformateurs au Canada et aux États-Unis savent que la qualité du bœuf albertain est parmi les meilleures.

La sénatrice Unger : Monsieur le ministre Stewart, le premier ministre Brad Wall a dit publiquement que les plantes génétiquement modifiées étaient bonnes et saines pour les agriculteurs, les consommateurs et l'environnement. J'ai vraiment approuvé son honnêteté ou son opinion à ce sujet. On entend souvent dire que les plantes génétiquement modifiées sont mauvaises et qu'elles sont dangereuses, en particulier pour les agriculteurs biologiques. J'aimerais connaître votre opinion à cet égard.

M. Stewart : Je vous remercie beaucoup de me poser la question. Il y a très peu de questions d'innocuité qui ont fait l'objet d'autant de recherches que les OGM, dans le monde. Toutes les études révisées par les pairs ont constaté que non seulement les OGM sont sécuritaires, mais qu'il est quasiment impossible de déceler une différence de qualité par rapport aux produits sans OGM.

Les OGM permettent de raccourcir le temps nécessaire au développement de nouvelles sortes de plantes, de meilleures espèces et ainsi de suite. Ils n'ont aucun effet sur le produit final, sauf qu'ils le rendent plus abondant, sain et disponible dans le monde.

La production de la plus grande quantité possible d'aliments pour nourrir la planète n'est pas seulement notre responsabilité, mais aussi un débouché. La Saskatchewan se sent responsable à cet égard, tout comme elle voit l'occasion ainsi offerte. Nous sommes seulement 1,1 million d'habitants et nous produisons tout cela. Nous sommes l'un des rares endroits qui ait les moyens de nourrir des millions de personnes, donc nous prenons cette responsabilité au sérieux.

Nous continuons d'augmenter les rendements. Nous utilisons une approche scientifique en matière de production alimentaire. Nous sommes assurés. Nous savons que c'est sécuritaire. Beaucoup d'études révisées par les pairs sont effectuées pour le prouver. Nous sommes très heureux de ce fait. Quant à ceux qui affirment que les sociétés de produits chimiques et Monsanto sont celles qui font les études sur les OGM, nous répondons qu'elles font une partie mais non la grande majorité de ces études. Non seulement nous sommes rassurés, mais nous sommes convaincus que les OGM sont tout à fait sécuritaires à tous égards.

Le vice-président : Je me demande souvent, monsieur le ministre, comment nous allons arriver à nourrir neuf milliards de personnes sur la terre en 2050. Si nous devions exclure les OGM, cette mission serait impossible. D'après nous, on fera face à une véritable catastrophe si nous ne trouvons pas un moyen d'y arriver d'ici à 2050. C'est probablement impossible de le faire sans recourir aux OGM. Si nous ne sommes pas capables d'augmenter notre production d'une manière ou d'une autre, nous n'allons jamais y arriver.

La sénatrice Merchant : Monsieur le ministre Stewart, je vous félicite d'avoir atteint votre objectif agroalimentaire de 2020 en 2015. Pouvez-vous nous dire comment vous avez réussi cela? Peut-être que nous pourrions apprendre quelque chose. Pouvez-vous nous dire si vous avez encore quelques défis à relever, techniques ou autres sur le plan commercial? Si on a le temps, peut-être que le ministre albertain pourrait nous dire quels sont les défis auxquels il doit faire face dans le secteur agroalimentaire relativement aux barrières commerciales?

M. Stewart : J'aimerais bien m'en donner le mérite, mais ce n'est pas le cas. Ce sont nos producteurs que nous devons remercier pour cela. Comme je l'ai déjà dit, ils font partie des premiers utilisateurs des nouvelles technologies sur la planète et ils continuent de surprendre tout le monde.

Lorsque nous avons fait connaître notre objectif d'exporter une production d'une valeur de 15 milliards de dollars, un important chroniqueur financier de la Saskatchewan a écrit que je rêvais en couleur. Deux années plus tard, nous avons dépassé cet objectif, mais ce n'est pas dû à moi. Nos producteurs et leur approche scientifique de la production en ont été la cause.

Monsieur le président a souligné à quel point il sera important de nourrir la planète à l'avenir. Nous ne pourrons certainement pas le faire si nous ne pouvons effectuer des échanges commerciaux à l'aide de notre technologie scientifique que nous utilisons et exportons. C'est pourquoi une présence à un faible niveau et des choses du genre sont d'une importance capitale pour résoudre ces problèmes avec les autres pays.

Si la nourriture vient à manquer, si nous ne pouvons utiliser tous les outils, toutes les flèches à notre arc pour nourrir le monde, les premières personnes qui auront faim seront celles vivant dans les pays les plus pauvres. Je ne crois pas que quelqu'un parmi nous veuille être témoin de cela. Il y a des gens bien intentionnés qui s'opposent à l'utilisation de la science moderne dans la production des aliments, mais ils font erreur. Ils vont faire souffrir ces personnes qu'ils pensaient protéger. Je suis optimiste quant à la possibilité de nourrir la planète, en autant que nous pourrons utiliser les outils à notre disposition.

M. Carlier : Parmi les défis à relever, il y a les différences dans les régimes tarifaires. La signature du PTP et autres accords constitue un bon moyen d'aller de l'avant afin d'accroître l'attrait commercial de nos produits partout dans le monde.

Le Japon, par exemple, impose actuellement une interdiction sur le miel en provenance de l'Alberta parce que nous utilisons une trace minime d'antibiotique pour contrôler les acariens. Cela n'existe nulle part ailleurs dans le monde. C'est l'une de ces entraves mises en place pour une raison ou l'autre, qui n'a pas beaucoup de sens. Nous faisons partie des 10 principaux producteurs de miel dans le monde. Quarante pour cent des ruches sont situées en Alberta. Cette industrie est très vigoureuse en Alberta. Nos abeilles vont très bien, par exemple.

Nous devons étudier de plus près ces situations exceptionnelles. C'est un défi. L'Alberta a des bureaux partout en Asie spécialement pour se pencher sur ces problèmes et s'assurer, en collaboration avec le gouvernement fédéral, que ces marchés s'agrandissent.

Ce sont ces petites choses qui font une grande différence pour nos producteurs et il y a également ces éléments importants entourant les accords commerciaux actuels et à venir. Ils offrent des débouchés exceptionnels et d'autres choses à notre portée pour améliorer les accords commerciaux en vigueur.

Même dans le cadre des accords commerciaux existants, des guerres commerciales sont possibles, il se peut que nous devions nous adresser aux tribunaux et perdre énormément de temps à régler des différends. Le marquage du pays d'origine a par exemple nécessité beaucoup de temps, beaucoup d'argent et beaucoup d'années. Huit années ont été nécessaires pour arriver à une solution. Même en présence d'accords commerciaux, il y a ces contretemps dont nous devons toujours être conscients dans nos relations avec les autres provinces et le gouvernement fédéral afin de faire tout ce que nous pouvons pour les éviter.

Le vice-président : Je rappelle à tous que notre comité a lancé une étude sur la santé des abeilles qui a suscité beaucoup d'intérêt dans le monde, et plus particulièrement en Amérique du Nord et au Canada. Nous sommes très fiers de cette étude et plusieurs de mes collègues qui sont présents y ont participé.

La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre Carlier, vous avez indiqué que vous vouliez améliorer les produits à valeur ajoutée dans votre quête d'une diversification économique dans votre province, et en particulier dans le secteur de la transformation des aliments.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre tentative d'améliorer ce secteur? Est-ce que l'accès à de la main-d'œuvre est essentiel? Jusqu'à quel point le fait que nous n'ayons pas assez de main-d'œuvre pose un problème pour aller de l'avant?

M. Carlier : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je vais aborder la question de la main-d'œuvre en premier.

Les deux plus grandes usines de transformation du bœuf au Canada sont situées en Alberta, une à High River et l'autre à Brooks. À High River, la dernière fois que je leur ai parlé, il y avait 250 postes vacants. Pour fonctionner à pleine capacité, ils doivent combler 250 postes.

Le secteur de l'élevage bovin a subi une baisse, mais reste un secteur plutôt rentable. L'industrie cherche à ouvrir une autre usine au nord de Calgary qui transformera le bœuf de manière à répondre aux normes européennes. C'est plutôt une bonne nouvelle. Elle n'est pas encore en opération, mais ils ont l'impression qu'ils n'auront pas autant de problèmes de main-d'œuvre dans une petite ville située plus près de la ville de Calgary.

Nous cherchons à développer le secteur de la transformation alimentaire en diversifiant un segment de l'économie qui, encore une fois, n'est pas loin du pétrole et du gaz. L'incubateur d'entreprises situé à Leduc est une installation merveilleuse. Sa superficie est actuellement de 52 000 pieds carrés. Nous cherchons à l'agrandir et nous consacrons quelque 10 millions de dollars pour agrandir ses locaux.

Plusieurs de ces jeunes entreprises ont connu un succès vraiment intéressant. Les entreprises qui sont en mesure d'utiliser les installations ont environ 80 p. 100 de chances de réussir quand ils se lancent officiellement et prospèrent sur le marché libre. L'initiative est un véritable succès. On y trouve autant Kinnikinnick Foods que Seawind Foods et autres organisations.

À part de l'incubateur d'entreprises, d'autres ont réussi grâce à l'AFAC du gouvernement albertain. L'une de mes favorites, c'est la société The Little Potato Company, dont les produits sont dorénavant vendus partout au Canada. Leur siège social est situé à Edmonton. Le projet a été celui d'un père et de sa fille qui ont offert leurs pommes de terre étalées à l'arrière de leur camionnette dans les marchés de producteurs. Ils emploient maintenant 100 personnes et ils vont ouvrir un nouveau bureau et une nouvelle usine en Idaho. Ils ont réussi avec une petite aide du gouvernement albertain dans le cadre de programmes que nous offrons. C'est juste un exemple. Les débouchés sont immenses en Alberta dans le secteur de la transformation alimentaire, que ce soit des petites entreprises ou des grandes entreprises.

La sénatrice Tardif : Monsieur le ministre Stewart, avez-vous la même pénurie de main-d'œuvre qualifiée? Bien, pas nécessairement qualifiée, mais peut-être aussi.

M. Stewart : Oui, surtout ce qu'on appelle la main-d'œuvre non qualifiée ou spécialisée. Une partie de notre plan de croissance consiste à faire passer notre production agricole à valeur ajoutée de 4 milliards de dollars à 6 milliards de dollars d'ici à 2020. Des secteurs industriels tels que la pressurisation du canola ont connu une croissance importante. Il y a aussi un petit secteur de la transformation des viandes chez Maple Leaf Foods, en particulier à Saskatoon, qui manque toujours de main-d'œuvre et qui a été déçu d'apprendre les changements apportés au Programme des travailleurs étrangers temporaires, lesquels ont compliqué encore plus la situation, c'est certain.

Historiquement, en Saskatchewan, la majorité des travailleurs étrangers qui viennent travailler temporairement dans la province prend la citoyenneté canadienne. Ils viennent ici pour travailler. Ce sont de bonnes gens. C'est un bon programme. Il est nécessaire aux économies de l'Ouest canadien, en particulier dans le secteur de la transformation, et j'inviterais le gouvernement à libéraliser les règles entourant ce programme, au minimum.

Le vice-président : Sénateur Dagenais, c'est à vous.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup. J'ai donc une dernière question à poser aux deux ministres.

Évidemment, certains consommateurs sont préoccupés par la question des soins donnés aux animaux, notamment en ce qui concerne l'utilisation d'hormones de croissance dans les pratiques d'élevage.

Est-ce que vos gouvernements respectifs ont été interpellés par cette préoccupation?

[Traduction]

M. Carlier : En ce qui concerne les additifs dans l'alimentation animale ou dans les hormones de croissance, les antibiotiques sont couramment utilisés dans les parcs d'engraissement pour assurer la santé de l'animal. C'est important. C'est un message qu'il faut diffuser. Il y a souvent des inoculations pour les exploitants de vaches reproductrices, même avec la vitamine A. Ils vont donner d'autres vitamines.

En ce qui concerne les hormones de croissance, une réglementation rigoureuse est en place pour s'assurer qu'une norme est respectée avant que les animaux ne soient abattus ou vendus. Je n'ai pas entendu les consommateurs se plaindre. Je crois que les consommateurs canadiens et peut-être la plupart des Nord-Américains sont suffisamment avertis pour savoir que ce n'est pas un problème.

Des segments du secteur de la vente au détail ou de la restauration utiliseront cela comme stratégie de marketing. C'est plutôt aberrant, mais ce sont des entreprises privées et elles font ce qu'elles veulent. Je sais qu'il y a eu quelques controverses concernant A&W qui mettait de l'avant l'absence d'antibiotiques, et cetera. Je ne sais pas s'ils ont appliqué la même chose au poulet, mais les poulets ne reçoivent pas d'antibiotiques au Canada depuis les années 1960. Je sais que la qualité de leur viande de bœuf n'est pas extraordinaire, mais nous savons tous que c'est parce qu'elle utilise des vaches âgées de huit ans en provenance du Brésil. Ils ont adopté cela comme stratégie de marketing. C'est comme cela, la liberté étant ce qu'elle est.

Il y a un effort constant d'éducation. Le bien-être des animaux et le bien-être des humains obligent quelquefois à utiliser les antibiotiques et nous devons être en mesure de développer nos produits.

Le ministre Stewart a fait allusion au travail que nous faisons dans le domaine de la génomique. Nous n'en avons pas parlé. C'est vraiment important dans l'industrie des productions animales, non seulement pour le bœuf, mais aussi pour les autres animaux, afin d'améliorer notre gérance de l'environnement et d'accroître notre capacité à obtenir l'acceptabilité sociale pour ce marketing. Je n'ai pas de boule de cristal, mais je pense que l'agriculture connaîtra des beaux jours dans l'avenir.

M. Stewart : Le Canada a un code de pratique pour les animaux d'élevage. C'est assez récent, mais les producteurs l'ont adopté. Cela ressemble beaucoup à ce que la société Earls disait au sujet du bœuf sans stéroïdes ni hormones. En fait, toutes les questions que l'entreprise a soulevées sont traitées dans le code de pratique. Je suis fier d'affirmer que virtuellement toutes les viandes produites au Canada, et en particulier celle du bœuf, proviennent d'animaux traités de manière humaine.

En ce qui concerne les hormones, elles sont un outil qui permet de faire grossir les animaux un peu plus rapidement. On ne peut pas en donner pendant la période précédant leur abattage, afin d'éviter qu'il y ait des résidus dans le produit. La différence du niveau d'hormones dans les animaux traités et ceux non traités est détectable, mais les niveaux sont très proches. Il n'y a pas beaucoup de différence.

Par exemple, une quantité de choux d'un poids équivalant à celui d'une pièce de viande de bœuf traité contient 800 fois plus d'hormones que le bœuf traité. Les gens ne savent pas cela, mais j'utilise cet exemple pour montrer que nous ne modifions pas beaucoup le produit mais que le fait de l'amener plus rapidement sur le marché a des conséquences autres qu'économiques. Les animaux consomment moins d'eau, mangent moins et produisent moins de méthane parce qu'ils vivent moins longtemps avant d'atteindre le poids de marché. Les avantages sont énormes. Mon collègue a parlé de l'exemple de la chaîne A&W qui utilise ce fait comme manœuvre publicitaire, C'est tout ce que c'est. Notre produit est de qualité supérieure, certainement par rapport à ce qu'utilise A&W et à ce qu'Earls obtient du Kansas. Le code de pratique rend la chose non seulement sécuritaire, mais humaine.

Le vice-président : Nous devons garder pour nous ce que vous avez dit au sujet du chou, sinon ce secteur va tout d'un coup devenir un centre d'intérêt. Tout le monde ici est lié par le secret. Il est défendu de parler du chou à l'extérieur de cette salle.

Je voulais vous faire une proposition avant de terminer. Les représentants du gouvernement fédéral nous rencontreront avant que nous ne mettions un terme à notre étude et, à l'occasion, nous les voyons pour parler de questions qui surviennent au cours de l'étude.

Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez que nous leur demandions ou que vous aimeriez qu'on leur soumette en votre nom? Vous n'êtes pas obligés de répondre à cette question aujourd'hui. Sentez-vous libres de nous faire parvenir un message en passant par le greffier, si une idée vous vient plus tard. Nous l'étudierons en particulier au moment de la comparution des représentants devant le comité et c'est ce qu'ils feront, étant donné que nous avons presque terminé notre étude.

Avez-vous des observations, messieurs les ministres?

M. Stewart : Le ministre Carlier et moi-même avons discuté de divers sujets dans nos exposés et avons répondu à des questions importantes pour l'agriculture de l'Ouest, mais en ce qui concerne le message d'aujourd'hui, de mon point de vue, il est crucial pour l'agriculture de l'Ouest canadien que nous ayons accès à ces marchés. Nous sommes des exportateurs. Sans le PTP et l'AECG, nous aurons un sérieux problème parce que nous ne pouvons pas revenir au statu quo.

Nous perdrons ces marchés si nous ne signons pas les accords commerciaux. Nous sommes écartés de ces marchés en raison des droits de douane. Nous ne serons pas concurrentiels sur ces marchés de nouveau. C'est le message qu'il faut retenir de mes divagations du jour, s'il faut aller à l'essentiel.

M. Carlier : J'ai limité à six points importants le contenu de mon exposé, que je laisse entre vos mains. J'accepte avec plaisir d'ajouter autre chose et nous en parlerons un peu plus tard.

J'ai la chance d'être l'hôte de la réunion fédérale-provinciale-territoriale sur l'agriculture qui aura lieu ici, à Calgary, en juillet. Cette rencontre est organisée seulement tous les 13 ans, donc je suis vraiment aux anges. C'est un véritable honneur que d'avoir l'occasion de discuter de l'accord fédéral-provincial que je soupçonne qu'on appellera Cultivons l'avenir 3. Étant donné son importance pour l'agriculture en Alberta et en Saskatchewan et partout au pays, j'ai hâte d'avoir ces discussions avec mes homologues du fédéral. Cela va occuper mon esprit pendant tout l'été, sachant en particulier que la rencontre fédérale-provinciale-territoriale sur l'agriculture aura lieu à Calgary.

Le vice-président : Si mon expérience politique me sert bien, je dirais que l'appellation Cultivons l'avenir 3 ne sera pas celle qui sera retenue, la politique étant ce qu'elle est, car ils voudront inventer un autre nom qui leur sera associé. Dans les faits, ce sera Cultivons l'avenir 3, mais on l'appellera d'un autre nom. C'est cela, la politique.

Je vous remercie de nouveau, messieurs les ministres. Je vous suis vraiment reconnaissant du temps que vous nous avez accordé et, M. Carlier, je suis heureux que vous ayez pu vous libérer de vos fonctions à la Chambre aujourd'hui.

M. Carlier : Moi de même.

Le vice-président : Nous savons jusqu'à quel point c'est difficile d'y arriver quelquefois.

Je vous remercie tous.

Messieurs les sénateurs, nous avons maintenant devant nous le président de la Fédération de l'agriculture de l'Alberta, M. Lynn Jacobson, et Mme Marilynn Boehm, présidente de l'Alberta Food Processing Association.

Nous vous remercions d'avoir accepté de venir témoigner. Dans quelques instants, nous allons vous inviter à faire votre exposé. Ensuite, nous allons passer aux questions de mes collègues. Chaque sénateur aura droit à cinq minutes et nous allons essayer de faire autant de séries que possible. Nous avons réussi, depuis notre arrivée en Alberta, à loger presque toutes nos questions. Très peu n'ont pu être posées.

Nous allons commencer par M. Jacobson de la Fédération de l'agriculture de l'Alberta.

Lynn Jacobson, président, Fédération de l'agriculture de l'Alberta : Merci beaucoup de nous avoir invités. Nous sommes heureux de comparaître devant vous aujourd'hui.

Je m'appelle Lynn Jacobson, et je suis président de la Fédération de l'agriculture de l'Alberta. Je suis aussi producteur. Ma ferme se trouve à Enchant, en Alberta, à 50 milles au nord-est de Lethbridge.

Les gens me demandent où se situe Enchant, alors je leur dessine un triangle entre Vulcan, Brooks, Lethbridge et Taber. Puis, vous faites une croix, et nous sommes en plein milieu de cette région. Nous nous sentons parfois au centre de l'univers et d'autres fois isolés du reste du monde. C'est la vie. Où que nous allions, nous devons nous déplacer sur une distance de 50 milles.

Notre Fédération est un organisme agricole général qui regroupe de grands éleveurs, des agriculteurs et des exploitations agricoles. Nous représentons les intérêts des producteurs agricoles de l'Alberta depuis le tout début du siècle dernier. Nous nous sommes officiellement constitués en Alberta en 1959.

Initialement, notre nom était la Fédération de l'agriculture de l'Alberta. Dernièrement, nous nous sommes rebaptisés Wild Rose Agriculture Producers, mais comme vous pouvez l'imaginer, ce nom nous a causé des problèmes, car il ressemblait trop à celui du parti Wild Rose. On nous accusait continuellement d'être un parti politique, alors nous avons décidé d'abandonner ce nouveau nom et de reprendre notre identité initiale. Le nom de Fédération de l'agriculture de l'Alberta nous convient à merveille.

Notre mandat est de rédiger et de faire adopter des politiques qui appuient l'industrie agricole de l'Alberta et du Canada. La Fédération de l'agriculture de l'Alberta est un membre actif de la Fédération canadienne de l'agriculture, ou FCA. Cette dernière est le plus grand organisme agricole au Canada; elle représente plus de 200 000 familles d'agriculteurs. Elle se compose d'organismes provinciaux d'agriculture générale et de groupements de producteurs nationaux.

La Fédération de l'agriculture de l'Alberta collabore activement avec la FCA pour élaborer des politiques dans plusieurs domaines, dont le commerce international. Un grand nombre des politiques commerciales que nous élaborons proviennent d'une collaboration entre tous les organismes d'agriculture générale et ceux qui composent la FCA. Elles représentent le point de vue des organismes de tout le pays. Elles tiennent compte des nombreux aspects différents et de divers types de production effectués partout au Canada.

Quoi qu'il en soit, nous nous concentrons en priorité, entre autres choses, sur le commerce. Le dernier témoin vous l'a dit. Vous en avez probablement beaucoup entendu parler hier. Nous pouvons affirmer avec une certaine confiance que la plupart des organismes agricoles du Canada considèrent notre pays comme une nation commerçante et comme l'une des rares qui produisent plus d'aliments qu'elle n'en consomme. C'est très important. Il nous faut une bonne activité commerciale.

Environ 80 p. 100 de notre production finit dans les marchés mondiaux, alors que les États-Unis consomment 80 p. 100 de la leur.

Le Canada se classe cinquième parmi les plus grands exportateurs de produits agricoles et agroalimentaires. En 2014, l'Alberta a exporté pour 9,7 milliards de dollars en produits agricoles primaires et transformés ainsi qu'en produits alimentaires, soit près de la moitié de ce que le ministre Stewart vient de vous citer. Nous produisons la moitié des produits agricoles. Voilà donc le contexte de l'exploitation des terres entre la Saskatchewan et l'Alberta.

Pendant cette même année, les producteurs agricoles et agroalimentaires ont employé environ 86 000 personnes en Alberta. Nous sommes donc un employeur important en Alberta. Ce chiffre n'inclut pas tous les autres emplois reliés à l'agriculture.

Je sais que des témoins vous ont dit que la main-d'œuvre constitue l'un des plus graves problèmes du secteur de l'agriculture, et cela ne va pas changer de sitôt. Notre programme de travailleurs étrangers temporaires nous aide dans une certaine mesure, mais nous avons recommandé les changements à y apporter dans le cadre de l'AECG par l'intermédiaire d'un groupe qui collabore avec la FCA. Nous vous décrirons probablement les différents changements que ce groupe recommandera pour le secteur de l'agriculture. Je ne m'y connais pas beaucoup dans ce domaine. Un des membres de notre conseil d'administration collabore activement à cette initiative.

Je suppose que les membres de notre fédération et ceux de la FCA préconisent une approche équilibrée aux négociations commerciales internationales puisque les marchés nationaux et internationaux sont cruciaux pour les agriculteurs. À notre avis, une telle approche est essentielle pour l'économie agricole de tout le Canada. Notre opinion est un peu différente de celle de bien des groupes que vous avez déjà entendus. Les producteurs de canola et de blé de l'Alberta se préoccupent du commerce plus que nous. Cette approche équilibrée les intéresse moins.

Comme notre organisme s'occupe de l'agriculture générale, nous tenons compte de toute la production agricole de l'Alberta et du Canada. Nous tenons compte aussi de la gestion de l'offre dans le cadre de la production agricole, parce que ces organismes sont eux aussi membres de la FCA. Nous cherchons à équilibrer notre position sur le commerce pour représenter tous nos groupes.

Je crois que l'agriculture primaire diffère des autres secteurs agricoles de bien des façons. Les principaux moteurs de notre industrie sont les agriculteurs individuels, et non de grandes sociétés intégrées.

Les agriculteurs font souvent face à de graves difficultés dues à des circonstances qui échappent à leur contrôle. Par exemple, les phénomènes météorologiques extrêmes, l'excès d'humidité, la sécheresse et la grêle font souvent varier énormément la production de nos fermes. Les producteurs n'ont pas le luxe de modifier leurs prix pour recouvrer ces coûts ou pour les transmettre à leurs acheteurs.

Nous pouvons bloquer les prix, mais nous ne pouvons pas vraiment les influencer. Nous sommes preneurs de prix dans toute la chaîne d'approvisionnement. Parfois, nous nous comparons avec ironie à des poissons de fond. Je suppose que tout nous tombe sur les épaules et y reste, parce que nous ne pouvons pas le passer à d'autres.

La plupart des producteurs appuient l'AECG et le PTP qui viennent de se conclure, mais notre appui dépend des profits clairs que font nos exportateurs dans les marchés et de l'atténuation des pertes que subissent les secteurs de la gestion de l'offre en conséquence. Nous sommes heureux de constater que le gouvernement a entamé des pourparlers avec l'industrie laitière au sujet des pertes que l'AECG leur a fait subir. Nous les encouragerions aussi à discuter avec l'industrie de la gestion de l'offre des pertes que le PTP risque de lui causer. Nous encourageons le gouvernement à tenir la promesse qu'a faite le parti conservateur d'atténuer les pertes que ces secteurs risquent de subir.

Que désirent les organismes d'exploitation agricole et les agriculteurs dans les prochains accords commerciaux? Nous désirons un accès réel et important aux marchés pour nos secteurs d'exportation comme ceux des viandes rouges, des grains et des oléagineux. Au cours de la séance précédente, les ministres vous ont parlé d'accès réel et d'atténuation.

Nous avons besoin que l'on nous garantisse que l'accès aux marchés que nous ouvrirons les accords commerciaux ne serait pas érodé par des obstacles non tarifaires. Ces types d'obstacles favorisent les produits intérieurs par rapport à ceux de l'étranger en appliquant des règles techniques, des certifications, des inspections, des normes et d'autres exigences.

Par exemple, la présence à faible concentration d'organismes génétiquement modifiés, les OGM, et les LMR causent aussi un problème. Ce problème ne provient pas uniquement des OGM, mais des produits chimiques agricoles et de leurs résidus qui nous viennent d'autres pays. Selon nous, il faudrait négocier une norme pour le monde entier afin d'atténuer les craintes et les problèmes qui se sont manifestés jusqu'à présent.

Il faut prendre des mesures pour éliminer les moyens d'échapper au contrôle des importations de produits assujettis à la gestion de l'offre. Un autre exemple est celui de la volaille de réforme importée des États-Unis sous forme de viande de poulets de chair. C'est ainsi que les fournisseurs évitent de payer les droits de douane. Selon nous, l'importation de protéines de lait est un autre exemple dont a parlé l'industrie laitière.

À notre avis, le Canada doit reconnaître la nécessité de concevoir ses propres stratégies alimentaires et agricoles. Tous les pays prennent une position de défensive et d'offensive. La plupart d'entre eux ont établi une stratégie alimentaire nationale. Nous respectons ces initiatives jusqu'à un certain point, mais il nous faut des accords dûment négociés qui nous permettent d'exporter nos produits vers ces pays sans nous heurter à des obstacles qui ne sont pas prévus dans les accords commerciaux.

La compétitivité et la profitabilité causent aussi des problèmes. Les mesures visant à accroître la rentabilité des exploitations agricoles sont souvent liées à celles qui accroissent notre compétitivité. Pour améliorer l'efficacité de la production alimentaire, les gouvernements devraient suivre un processus scientifique afin d'améliorer l'accès à des technologies et à des produits à faible risque. Par exemple, il est urgent d'accélérer le processus d'harmonisation et de modifier certaines règles de l'importation entre les États-Unis et le Canada.

Les producteurs canadiens devraient pouvoir utiliser les mêmes technologies que celles des producteurs américains à des prix concurrentiels. Je vous mentionnerai par exemple un problème que nous essayons de résoudre depuis un certain temps, celui des fongicides dont les coûts diffèrent entre le Canada et les États-Unis; bien qu'ils soient tous homologués dans les deux pays, certains sont moins chers aux États-Unis, mais les producteurs canadiens n'y ont pas accès.

Une personne m'a dit qu'elle avait essayé d'utiliser un fongicide qui coûte 15 $ par acre ici, et 3 $ aux États-Unis. C'est toute une différence, et cela cause de gros problèmes de viabilité et de compétitivité dans notre industrie.

Les normes internationales devraient être harmonisées pour que les normes d'un pays n'entravent pas ses relations commerciales avec d'autres, comme je l'ai expliqué tout à l'heure.

Dans l'Ouest du Canada, le transport des denrées et de nos produits vers les ports de mer est essentiel. Notre fédération collabore avec la coalition du transport des grains. À notre avis, le rapport Emerson récemment publié a ouvert un débat sur les transports au Canada et sur les problèmes de transport ferroviaire dont nous souffrons particulièrement.

Malheureusement, nous ne trouvons pas que les recommandations sur le transport ferroviaire résolvent les préoccupations que nous avons sur l'exploitation des chemins de fer, les pénalités réciproques, les contrats de service, l'interconnexion et la capacité ferroviaire. Quelqu'un a mentionné que la capacité portuaire constitue un problème dans l'Ouest du Canada; cela aussi nous préoccupe profondément.

Ce problème lié à la capacité portuaire inclut également l'accès au port et le transport jusqu'aux voies maritimes. Il englobe aussi les ententes de travail entre les chemins de fer et leurs employés, la perception qu'ont les compagnies ferroviaires des ententes sur le transport ainsi que la manière de traiter les exportations dans les terminaux. Il y a encore d'autres problèmes de capacité.

À l'époque où nous avions la Commission du blé, on répartissait les céréales dans tous les terminaux. Cela ne se fait plus, ce qui réduit un peu la capacité. Ce sont là certains des problèmes dont on discute dans l'industrie céréalière.

Pour l'avenir, notre fédération et la FCA désirent que le Canada se concentre sur l'élaboration d'une stratégie à grande échelle d'exportation des produits agricoles. Nous désirons travailler en partenariat avec vous pour développer de nouvelles idées pour l'avenir.

Je vous remercie de m'avoir consacré de votre temps, et je me ferai un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le vice-président : Merci, monsieur Jacobson. Vous venez d'une région de l'Alberta que les membres qui siègent à ce comité depuis un certain temps connaissent bien. Notre comité a été présidé pendant longtemps par la sénatrice Joyce Fairbairn, de Lethbridge, et à toutes nos réunions elle nous rappelait ce dont votre région avait besoin. Elle nous manque énormément, et nous lui transmettons nos meilleurs vœux.

M. Jacobson : Oui, je connais très bien Joyce et j'ai aussi connu le sénateur Sparrow. Vous voyez que je suis dans ce milieu depuis longtemps.

Le vice-président : C'est vrai. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous.

Marilynn Boehm, présidente, Alberta Food Processing Association : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui.

Vous avez invité les autres associations de transformation alimentaire de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba, mais elles n'ont pas pu envoyer de représentants. Je parle donc plus ou moins en leur nom aussi. Je n'ai pas leur approbation sur ce que je vais dire aujourd'hui. Nous nous sommes rencontrés la semaine dernière. Nous avons tous des problèmes particuliers, mais en termes généraux nous sommes sur la même longueur d'onde.

L'Alberta Food Processors Association a été fondée en 1974 par un groupe visionnaire de chefs d'entreprises de transformation d'aliments et de quelques représentants du gouvernement qui avaient décidé de promouvoir plus activement les produits alimentaires de l'Alberta, et cetera. Notre association a maintenant une longue histoire et elle a eu bien des hauts et des bas.

Je me suis jointe à cette association il y a deux ans. J'ai travaillé pendant environ 26 ans au ministère de l'Agriculture de l'Alberta, de 1982 à 2008, où je traitais avec l'industrie de la transformation alimentaire. Je tiens passionnément à aider cette industrie à se développer et à progresser.

Notre industrie, l'industrie de la transformation alimentaire de l'Alberta, est au deuxième rang des grands secteurs manufacturiers de l'Alberta. Les gens sont souvent surpris de me l'entendre dire. Nos ventes génèrent environ 14 milliards de dollars. L'Ontario génère 40 milliards de dollars et le Québec 20 milliards, alors nous générons à peu près le tiers de cela, 14 milliards de dollars.

Le secteur de la transformation de la viande génère environ 7 milliards de dollars de cela. Je vous dis tout cela pour que vous compreniez l'importance à quel point le secteur des viandes est important pour l'économie de l'Alberta et le rôle considérable que joue l'industrie de la transformation alimentaire pour la base économique de l'Alberta.

Le secteur de la transformation emploie environ 27 000 personnes, mais comme dans le cas de l'agriculture, l'influence de ce secteur s'étend bien au-delà des emplois directs et se répand dans les régions rurales et urbaines de la province.

Nous achetons les produits de nos agriculteurs locaux afin d'ajouter de la valeur à des produits de base comme le bétail, les céréales et les produits laitiers. Nous créons aussi de l'emploi indirect pour de nombreux Albertains qui travaillent pour les sociétés qui fournissent de l'équipement, des produits, des services et du transport aux entreprises de transformation alimentaire.

L'industrie de la transformation joue aussi un rôle important dans la diversification de l'économie de l'Alberta; c'est un sujet dont tout le monde parle dans la province ces jours. Nous avons là une occasion extraordinaire de faire croître notre industrie.

La Table ronde de l'industrie de la transformation des aliments est un groupe national composé de représentants du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux, d'associations provinciales, d'associations de l'industrie alimentaire de tout le Canada ainsi que de quelques grandes entreprises.

Il y a à peu près un an, les membres de cette table ronde ont présenté un exposé aux ministres provinciaux de l'agriculture en leur démontrant que l'industrie de la transformation des aliments pourrait générer jusqu'à 130 milliards de dollars d'ici à 2019 si elle pouvait investir adéquatement dans la R et D. Elle génère actuellement un revenu de 105 milliards de dollars.

Les représentants de la Table ronde de l'industrie de la transformation des aliments qui ont présenté cet exposé ont parlé de créer un fonds pour l'innovation. Ils demandaient de 500 à 800 millions de dollars pour réoutiller l'industrie de l'alimentation dans tout le Canada. Ils ont rappelé aux politiciens qu'en 2008-2009, on a réoutillé l'industrie de l'automobile. L'industrie de l'alimentation a toujours avancé tant bien que mal, mais pour demeurer concurrentielle, il est crucial qu'elle puisse innover, s'automatiser, et cetera.

L'industrie de la transformation fournit environ 75 p. 100 des aliments et des boissons transformés. Elle achète énormément de produits agricoles; elle utilise environ 35 p. 100 de la production agricole.

L'industrie albertaine des aliments continue à se heurter à une pénurie de main-d'œuvre. Bien que la province subisse un ralentissement du secteur gazier et pétrolier, ces travailleurs n'ont ni les compétences ni le désir de s'engager dans le secteur de la transformation des aliments.

L'industrie de l'alimentation nécessite une grande variété de compétences; il lui faut des spécialistes en marketing, en vente, en salubrité des aliments, en ressources humaines, en commerce, en expédition et réception, en dépeçage et découpage de viande ainsi que des travailleurs pour les chaînes de production. L'industrie s'efforce activement de recruter des Canadiens partout au pays avec l'aide du ministère albertain de l'agriculture et de la foresterie, mais il reste de nombreux postes vacants, surtout dans le secteur des viandes. Ce problème est énorme chez nous.

L'industrie s'est prévalue des services du Programme des travailleurs étrangers temporaires pour combler sa pénurie de main-d'œuvre. Notre industrie ne voulait absolument pas recruter de travailleurs temporaires. Nous avons utilisé ce programme en dernier recours.

Nous pourrions embaucher ces travailleurs pour quatre ans, mais ces emplois ne sont pas temporaires. Nous faisons tout notre possible pour intégrer ces travailleurs étrangers temporaires et pour les aider à obtenir la résidence permanente.

L'Alberta aura toujours besoin d'un certain nombre de travailleurs de l'étranger; le gouvernement fédéral devrait collaborer avec l'industrie pour établir des mécanismes adéquats à cette fin.

Le message principal que je voudrais vous transmettre est que l'industrie des aliments ne veut pas de travailleurs temporaires « jetables », et cetera. Nous voulons des travailleurs permanents. Nous voulons des néo-Canadiens qui soient en mesure de travailler dans notre industrie et qui contribuent à sa croissance. Tant que l'on n'aura pas réglé ce problème de main-d'œuvre, le secteur de la transformation des aliments, et surtout l'industrie des viandes, ne pourra pas croître.

Nous sommes obligés de nous détourner des nouveaux débouchés. L'industrie ne pourra pas saisir pleinement les occasions que les nouveaux accords commerciaux lui ouvrent dans les marchés. Mes membres me disent continuellement qu'ils refusent de prendre des commandes et de servir de nouveaux clients parce qu'ils ne sont pas sûrs de pouvoir les approvisionner. Ils tiennent à approvisionner leurs clients actuels avant d'en accepter de nouveaux.

En Alberta, on automatise autant que possible les procédés de transformation. Grâce à des programmes comme Cultivons l'avenir 2, nous avons pu acquérir certains programmes d'automatisation, et cetera, ce qui a beaucoup aidé l'industrie.

L'automatisation nous a permis de réduire nos effectifs et d'accroître notre capacité. Ces programmes sont essentiels pour réduire le nombre d'emplois sur les chaînes de production, mais il faut continuellement les mettre à niveau et les étendre pour que notre industrie puisse croître et soutenir la concurrence.

Le gouvernement annonce son programme d'automatisation des récoltes en avril, et un ou deux mois plus tard, toutes les offres sont comblées. Il n'y a tout simplement pas assez de fonds pour que l'industrie puisse faire le nécessaire dans le domaine de l'automatisation.

L'industrie se heurte quotidiennement à d'autres obstacles, comme les fusions de détaillants et de services alimentaires et la diminution de la clientèle. Les magasins Safeway et Sobeys ont fusionné, Shoppers Drug Mart et Real Canadian Superstore aussi, et cetera. Il ne reste donc qu'un très petit bassin d'acheteurs pour nos produits.

Les coûts d'intrants causent aussi des difficultés, ainsi que les coûts du transport et de la distribution, les coûts des services publics et les changements apportés aux règlements.

Je travaille depuis bien des années dans l'industrie de la transformation des aliments, et je n'en reviens pas de constater sa résilience et les moyens qu'elle trouve pour se réinventer et pour s'ajuster aux difficultés auxquelles elle se heurte. C'est l'une des industries les plus résilientes au Canada, et les producteurs le sont aussi, bien sûr. Cette industrie ne cesse d'innover, d'améliorer son efficacité et de créer de nouveaux produits qui intéressent les acheteurs et les consommateurs.

Les entreprises canadiennes de transformation des aliments ont besoin de conditions égales pour soutenir la concurrence au Canada. Comme vous le savez tous, le Canada a fixé des normes de salubrité alimentaire extrêmement strictes. L'industrie les respecte volontairement, mais les produits alimentaires importés n'y sont pas assujettis. Comment exiger que les produits importés au Canada respectent nos normes de salubrité alimentaire pour que notre industrie ne soit pas désavantagée en devant respecter des normes de salubrité plus strictes?

Vous avez parlé un peu d'exportation. Nous exportons pour environ 2,7 milliards de dollars en aliments transformés. Nous avons encore beaucoup à faire pour élever ce chiffre. Les produits de la viande constituent à peu près la moitié de cette somme, soit 1,4 milliard de dollars.

Il n'est pas facile d'exporter. Nous sommes très loin des grands marchés, alors il faut une logistique extraordinaire pour soutenir la concurrence, comme me l'a dit l'un de mes propriétaires d'entreprise de transformation alimentaire. Pour prospérer dans ce domaine, il faut qu'ils résolvent ces difficultés. Les gouvernements du Canada et de l'Alberta devraient offrir des moyens concurrentiels pour aider les entreprises à alléger certains facteurs logistiques comme l'électricité, les coûts de la main-d'œuvre et les impôts.

Il faut souvent des années et beaucoup d'argent pour développer un nouveau marché. Bien des entreprises n'y réussissent pas. Les programmes gouvernementaux ne répondent pas adéquatement aux besoins des nouveaux exportateurs. Par exemple, un programme paie un voyage vers un nouveau marché, mais il faut souvent s'y rendre 50 fois ou plus pour développer ce marché. Le gouvernement se fait alors un plaisir de payer un voyage vers un autre marché. Pourquoi agissons-nous ainsi, alors que nous devrions nous concentrer sur un ou deux grands marchés à la fois?

Je vous dirai sincèrement que dans le Nord-Ouest de la région du Pacifique se trouvent deux ou trois grandes villes qui nous feraient d'énormes commandes, qui offriraient d'immenses occasions d'affaires à notre industrie. Aidons nos entreprises à se concentrer sur Portland (Oregon), sur Los Angeles, et cetera, au lieu de les envoyer un peu partout dans le monde sans qu'elles ne puissent vraiment y prospérer; elles s'y acharnent pendant cinq ou dix ans, mais ne réussissent pas vraiment à augmenter leurs chiffres d'affaires.

Mes propriétaires d'entreprises de transformation alimentaire m'ont aussi dit que le gouvernement devrait assumer un rôle d'investisseur face à l'industrie. Il devrait élaborer une stratégie très efficace qui aide l'industrie à soutenir la concurrence. Je parle ici de l'industrie de la production et de la transformation. Si le Canada établissait une stratégie alimentaire qui place toutes les entreprises sur un même pied d'égalité et qui les oriente dans une même direction, nous serions bien plus avancés que nous ne le sommes aujourd'hui.

Nous sommes en mesure de nous placer en tête de file de l'industrie mondiale. Comme vous l'avez dit, nous sommes l'une des seules nations qui puisse produire plus d'aliments que nous n'en consommons. À l'heure actuelle, nous ne produisons que 35 p. 100 de ce que notre agriculture pourrait produire. Pourquoi ne pas viser un objectif raisonnable comme 55 p. 100? C'est une statistique qui s'applique bien au Canada.

Les accords commerciaux ouvrent des débouchés, mais ils accroissent aussi le nombre de concurrents dans le marché. Si ses concurrents ne sont pas tenus de respecter nos normes élevées, nos règlements, et cetera, nos entreprises de transformation seront désavantagées.

Il faut que nous aidions l'entreprise. Certains États américains et provinces canadiennes invitent nos entreprises de transformation prospères à déménager dans leur région. Ils leur donneraient même des terres. Ils sont prêts à leur octroyer des exemptions fiscales. Ils sont prêts à faire toutes ces choses.

Nous savons que de grandes entreprises de transformation alimentaire déménagent et réinstallent leurs usines aux États-Unis ainsi que dans l'Est et ailleurs dans l'Ouest du Canada. Comment veiller à ce que nos plus grandes entreprises ne quittent pas la province? Cela constitue un énorme problème à l'heure actuelle. Nous voulons que ces usines restent au Canada afin de développer leurs produits pour les consommateurs canadiens.

Parlant d'alimentation... n'est-ce pas merveilleux de pouvoir manger du bœuf canadien? N'est-ce pas merveilleux de pouvoir transformer notre blé canadien en nouveaux produits? Que ferions-nous si nous devions importer tous ces produits? Si nous perdions notre industrie de la transformation des aliments, nous serions très désavantagés. Je ne pense pas que nous désirions cela. Je crois que nous sommes fiers de manger des aliments canadiens.

Le vice-président : Merci beaucoup à tous les deux.

Madame Boehm, j'ai beaucoup aimé votre observation sur les grands marchés qui s'offrent à nous dans le Nord- Ouest du Pacifique aux États-Unis, dans les États de Washington, Oregon, et cetera. Nous devrions saisir ces débouchés tout en développant des marchés plus loin dans le cadre du PTP et aussi des accords de libre-échange avec l'Europe.

Pourriez-vous vous étendre un peu là-dessus? Nous n'oublions pas notre pays voisin, mais quand nous parlons de commerce international, nous ne nous concentrons pas sur les États-Unis. Nous avons un autre problème au Canada dans le cadre du commerce interprovincial, mais parlons du Nord-Ouest du Pacifique d'abord.

Mme Boehm : J'aurais voulu venir avec un propriétaire d'entreprise de transformation aujourd'hui. L'un d'eux avait accepté de venir, mais il a dû annuler lundi ou mardi parce qu'il recevait un acheteur du Japon. Vous parlez des régions plus éloignées du Nord-Ouest du Pacifique et de l'Asie?

Le vice-président : Oui.

Mme Boehm : L'Ouest du Canada fait d'énormes efforts dans cette direction depuis des années. Certaines entreprises ont réussi, et d'autres pas vraiment. C'est un énorme marché pour nos produits du bœuf et du porc. On y demande différents niveaux de valeur ajoutée et de transformation. J'aurais voulu qu'un représentant de la société Sunterra Foods vienne vous parler aujourd'hui, mais malheureusement les cadres de la société Ray Price sont à Ottawa. Un de leurs vice-présidents allait venir, mais c'est lui qui devait rester à son bureau pour rencontrer l'acheteur japonais. Il s'agit de l'une des entreprises qui ont trouvé un créneau et qui vendent un produit spécialisé du porc de grande qualité en Asie.

Le vice-président : Il a pris la bonne décision. Il rencontre un client.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame Boehm, vous avez parlé des nouveaux marchés, des nouveaux accords, notamment de l'Accord sur le PTP. Il ne faut pas oublier non plus l'accord conclu avec l'Union européenne, qui devrait être fructueux, je l'espère.

Est-ce que votre organisation a pensé à établir de nouveaux partenariats dans le but de maintenir sa compétitivité?

[Traduction]

Mme Boehm : De nouveaux partenariats avec qui? Vous pensez à des partenariats dans d'autres pays?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Oui, effectivement. J'imagine que vous avez des partenaires au pays. D'autre part, pour faire face à la nouvelle compétition qu'il y aura sur le marché international, j'imagine que vous devez établir de nouveaux partenariats au sein du pays avec d'autres transformateurs et d'autres producteurs.

[Traduction]

Mme Boehm : Depuis des années en Alberta nous discutons de la façon dont le Danemark fonctionne, ainsi que la Hollande, la Belgique et l'Angleterre, mais nous n'avons pas encore cerné une manière qui nous convienne. Nous avons conclu de petits partenariats, je dirais, mais rien qui ne soit vraiment durable. C'est une excellente idée. Notre association n'est pas grande. Nous ne sommes que deux pour la diriger, avec une autre personne qui dirige notre programme de santé et sécurité, mais c'est une excellente idée pour l'avenir.

En fait, tous les organismes de transformation des aliments sont membres du Canadian Council of Food Processors. À notre prochaine réunion, je vais leur en parler parce que je pense que ce serait une excellente chose, surtout du point de vue national.

Le Canada n'est pas aussi uni que l'Australie, les Pays-Bas et autres. L'Alberta fait les choses à sa façon, la Saskatchewan aussi, donc je ne pense pas que nous réussirons à accomplir ce que nous voulons tant que nous ne nous efforcerons pas d'agir à l'échelle nationale. Vous avez tout à fait raison, merci.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

Monsieur Jacobson, lors de votre présentation, vous avez parlé de la pénurie ou de la formation de la main-d'œuvre. J'aimerais revenir sur le fait qu'il y a des usines de transformation qui ont tout de même de la difficulté à trouver de la main-d'œuvre qualifiée. Or, j'espère que le problème est réglé en partie.

Que pourrait faire le gouvernement du Canada dans ce dossier, et quelles recommandations pourriez faire à notre comité qui permettraient d'aider à combler la pénurie de main-d'œuvre qualifiée, notamment dans les usines de transformation?

[Traduction]

M. Jacobson : Je ne connais pas tellement le domaine des usines de transformation, mais je peux vous parler de la pénurie de main-d'œuvre dans nos exploitations agricoles, qui dans certaines régions a atteint un point critique.

Dans ma région, de nombreux travailleurs étrangers temporaires du programme viennent du Mexique, de la Jamaïque et des Philippines. Ce programme présente certaines difficultés : il faut communiquer avec les gens, avec leurs ambassades; il est difficile de savoir comment s'y prendre. C'est un grand problème technique.

J'en ai parlé avec certains de mes voisins. L'un d'eux embauche 27 travailleurs chaque année. Il les fait venir. Mais il a découvert qu'il pouvait ramener de nombreux travailleurs qu'il avait engagés pendant quatre ans dans le passé. Ensuite, quand ils avaient acquis d'excellentes compétences, il ne pouvait plus les embaucher, parce qu'ils n'avaient pas le droit de revenir au pays.

Ces programmes devraient ouvrir une voie vers la citoyenneté. Cela nous aiderait beaucoup, surtout dans le cas des travailleurs que vous formez dans votre ferme ou dans votre usine de transformation. S'ils voient qu'on leur offre l'accès à la citoyenneté, ils seront plus désireux de la demander.

Une grande partie des travailleurs des Philippines sont très bien formés. Ils sont très qualifiés non seulement en agriculture, mais dans d'autres métiers et dans d'autres professions qu'ils n'ont pas le droit d'exercer ici. Il serait vraiment important pour notre avenir de leur offrir la citoyenneté.

Certains travailleurs étrangers temporaires préfèrent s'engager un an à la fois parce qu'ils veulent rentrer chez eux. Bon nombre de ces gens sont Mexicains, Jamaïcains ou autres. Ils veulent venir travailler, mais leurs familles vivent à l'étranger. Ils viennent pour gagner des dollars afin de faire vivre leurs familles, et ensuite ils rentrent chez eux. C'est parfait s'ils préfèrent vivre ainsi, mais il nous faut faire une distinction. Il serait bon d'offrir l'accès à la citoyenneté aux travailleurs étrangers.

La sénatrice Unger : Madame Boehm, vous avez parlé d'impôts. J'ai deux questions à vous poser. La première a trait aux effets qu'aura la nouvelle taxe albertaine sur le carbone sur vos organismes. Que pensez-vous de la taxe que le gouvernement fédéral propose d'ajouter au prix du carbone?

Vous avez indiqué plusieurs fois que l'innovation est cruciale. Je reconnais qu'elle le sera dans les 10 ans qui viennent, car elle remplace déjà de nombreux travailleurs dans les épiceries. Je passe maintenant régulièrement aux caisses automatiques au lieu d'amener mes achats à la caissière. Les sociétés Walmart et McDonald's n'embauchent plus autant de travailleurs.

Je voudrais que vous nous disiez ce que vous pensez du fait que l'innovation va remplacer un très grand nombre de personnes. Je vous pose donc ces deux questions, et ensuite j'en ai une pour M. Jacobson.

Mme Boehm : Comme je vous l'ai dit, nos entreprises s'automatisent continuellement. Elles veulent se débarrasser des emplois peu qualifiés pour lesquels il est difficile de trouver des travailleurs et créer des emplois mieux rémunérés pour des travailleurs plus qualifiés.

Les entreprises font cela continuellement, mais il restera toujours des emplois dans les usines de transformation pour lesquels il faudra embaucher des gens. Dans l'industrie des viandes, il y a une immense usine au Sud de l'Alberta qui emploie plus de 2 500 personnes.

La sénatrice Unger : Mais personne ne veut y travailler.

Mme Boehm : Personne ne veut y travailler. Au Canada, l'industrie de la viande fait encore face à une pénurie de 1 000 travailleurs. En ce qui concerne les néo-Canadiens, si vous allez à Brooks, vous verrez que la collectivité est entièrement différente de ce qu'elle était il y a 10, 15 ou 20 ans.

Je regarde l'innovation, et en partie il s'agit d'automatisation et en partie du fait que les entreprises se recréent en développant de nouveaux produits. Elles peuvent effectuer une transformation ultérieure qui ne se fait pas souvent sur un produit, comme des haricots secs ou autres. Elles peuvent aussi utiliser des ingrédients de plus haut niveau pour des aliments fonctionnels ou faire ce genre de chose.

En ce qui concerne la structure fiscale, nous n'avons pas encore reçu beaucoup d'information au sujet de la taxe sur le carbone. Les entreprises de transformation attendent encore pour le savoir. Le gouvernement provincial de l'Alberta a aussi augmenté les taux d'imposition des sociétés. C'est tout ce que nous savons.

Nous avons collaboré avec le ministère de l'Agriculture de l'Alberta. Nous avons obtenu un programme sur le développement de la capacité et de la durabilité et sur l'environnement, ou l'empreinte de carbone. Nous allons organiser d'autres ateliers. Nous allons tenir une conférence sur la durabilité dans un an et demie.

Cela se fait maintenant beaucoup en Ontario, qui jouit de beaucoup plus de capacité. Nous allons développer la capacité et collaborer avec nos entreprises de transformation pour les aider à réduire leur empreinte de carbone autant que possible afin d'atténuer certaines de ces choses. Nous attendons toujours l'information au sujet de la taxe sur le carbone et sur ce que le gouvernement fédéral envisage de faire.

Chaque taxe, chaque nouvelle chose réduit les profits des entreprises. Elles doivent faire des coupures ailleurs parce que ce secteur a une marge de profits très faible.

La sénatrice Unger : Monsieur Jacobson, je voudrais vous poser une question assez générale. Dans quelle mesure est- ce que les barrières interprovinciales empêchent d'amener les marchandises, les produits et les services dans les marchés, ou de tout amener sur le marché?

Je voudrais aussi que vous nous disiez ce que vous pensez du moratoire que le gouvernement libéral a imposé à l'expédition des marchandises à partir de la côte Ouest. Quelles répercussions aura-t-il? La côte Ouest est très loin de l'Alberta et de l'Ouest du Canada en général. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ces choses?

M. Jacobson : Merci d'avoir posé cette question. Je vais d'abord parler du moratoire. Vous parlez en fait du rapport Emerson où l'on mentionne la réglementation du volume de céréales et d'oléagineux expédiés. Je crois que vous parlez de ce programme.

À l'heure actuelle, le CN et le CP répondent à leur demande de transport, ou plutôt ils ne sont pas loin de le faire. Ils réussissent à remplir 89, 92 p. 100 des commandes de wagons. Ils y arrivent. Il y a un peu moins de wagons sur certains corridors allant vers les États-Unis. Je crois que cela répond assez bien à votre question.

Le CN et le CP ont réussi à répondre à la demande de l'industrie céréalière parce que l'industrie pétrolière et certaines entreprises de transformation des aliments ainsi que d'autres industries souffrent de la récession mondiale et de la situation au Canada et nécessitent moins de services.

Que se passerait-il si la situation revenait, disons, à la normale et que la demande en services de transport augmentait de nouveau? N'oublions pas que le transport ferroviaire est le seul moyen dont nous disposons pour amener nos produits aux ports. À notre avis, si cette capacité est réduite par la demande de services venant d'autres secteurs, nous nous retrouverons dans la même situation qu'avant. Rien n'aura changé, parce que le CN, et le CP aussi, prétendent que tout va bien chez eux, car ils remplissent toutes leurs commandes et qu'ils n'ont donc pas besoin de réglementation et de pénalités réciproques. Ils sont convaincus qu'ils n'ont pas besoin de conclure des accords avec les expéditeurs parce qu'ils font du bon travail.

Le vice-président : Jusqu'à ce que les choses tournent mal.

M. Jacobson : Voilà. Jusqu'à ce que les choses tournent de nouveau mal. C'est ce que nous essayons de faire comprendre. Nous sommes convaincus que l'avenir nous réserve une croissance de la demande dans ce système. Quand on parlait du manque de capacité des chemins de fer, ceux-ci répondaient qu'il était dû à l'hiver. À ce que nous sachions, l'hiver revient chaque année, alors ce n'est pas une bonne excuse. Nous considérions cela comme une mauvaise excuse.

D'autres problèmes se rattachent à celui-ci, mais en réalité, le CP a mis des employés à pied. Ils ont renvoyé 3 400 employés l'année dernière.

La sénatrice Unger : Ils viennent d'en renvoyer d'autres.

M. Jacobson : Oui, il n'y a pas longtemps. Le fils d'un des membres de notre conseil d'administration travaille sur un terrain ferroviaire du CP. Je vous répète ce que son père m'a raconté. Dans ce terrain ferroviaire, ils n'ont même pas le temps de vérifier les charges avant qu'elles partent. Dans le passé, ils menaient une inspection des wagons en formant le train.

Il dit que maintenant, ils regardent le train à la lumière d'une lampe de poche. Évidemment que le wagon est là, mais ils ne savent pas dans quelle condition il se trouve. Selon nous, l'économie sur l'entretien risque de causer des déraillements et des accidents au cours des années à venir. Si la situation ne s'améliore pas, je pense bien que cela va arriver.

Il faut établir un certain contrôle sur cette situation. Il faut que nous menacions les chemins de fer avec une sorte de bâton. Il faut adopter une loi les forçant à expédier dans une région précise. S'ils ne sont pas forcés de respecter leurs engagements, les transporteurs, les élévateurs ou les producteurs de céréales assument tous les engagements. Il arrive très souvent que le chemin de fer insiste pour qu'on charge le train dans un délai de 12 ou 24 heures de son arrivée, disant qu'il arrivera le mercredi; et le train n'arrive pas le mercredi, ou alors il arrive le samedi, mais la compagnie ferroviaire n'a aucune pénalité à payer.

La sénatrice Unger : Il faut corriger ce manque d'équité.

M. Jacobson : Si le train contient votre wagon, vous devez appeler votre personnel pour le décharger et tout le reste, que le train arrive ou non. Cela ajoute à vos frais et à ceux du producteur, parce que ces frais finissent toujours chez le producteur.

Il faut que les expéditeurs et les transporteurs s'entendent sur une pénalité. Si vous n'arrivez pas dans un certain délai, vous devrez peut-être en payer les frais.

C'est ce qui arrive au port de Vancouver. Le CP prétend qu'il ne peut pas amener les marchandises au port parce qu'il n'y a jamais personne pour les recevoir. Ils font travailler une équipe, et si personne n'arrive, ils doivent payer toute cette équipe pour être restée assise là sans travailler. La prochaine fois que le CP dit qu'il va arriver, qu'est-ce que le directeur du port va faire? Il va engager quelqu'un d'autre, mais la situation se reproduit encore et encore. Il ne peut pas rester à son poste parce que le train va peut-être arriver à minuit, à deux heures ou à six heures du matin. Nous avons toujours eu des problèmes causés par les chemins de fer.

Le vice-président : Je vais passer la parole à la sénatrice Merchant dans un moment, mais on entend continuellement parler de ces situations au port de Vancouver causées par les chemins de fer.

M. Jacobson : Oui.

Le vice-président : S'ils faisaient affaire dans le monde réel de la concurrence, s'ils vendaient des autos, par exemple, un de ces chemins de fer aurait fait faillite il y a bien longtemps, et l'autre n'en serait pas loin non plus parce qu'il ne soutiendrait pas la concurrence et que ses clients engageraient le meilleur des transporteurs. Enfin, c'est l'impression que cela me donne.

M. Jacobson : Oui. Madame la sénatrice Unger, vous m'aviez posé une autre question.

La sénatrice Unger : Elle avait trait aux barrières interprovinciales.

M. Jacobson : Le commerce ne se heurte pas à de nombreuses barrières interprovinciales. Ces barrières visent plus l'industrie de la transformation des aliments et le secteur des viandes.

Par exemple, elles frappent nos petits abattoirs, qui sont assujettis aux lois et aux inspections provinciales. Ils ne peuvent pas vendre le même produit ou le même pierog ou ce qu'ils produisent en Saskatchewan parce que leur usine n'est pas inspectée par le gouvernement fédéral.

Un des membres de notre conseil d'administration a essayé d'établir un élevage de lapins avec un abattoir. Les services d'inspection ne semblent pas cohérents du tout, parce qu'un inspecteur dit non, votre mur doit avoir telle hauteur ou votre plafond doit être fait de telle façon, ou vous devez installer des lampes à tel endroit. Et l'inspecteur suivant vous dit que celui d'avant s'est trompé et vous devez tout changer à nouveau.

La formation des inspecteurs ne semble pas être très cohérente, parce qu'ils semblent tous avoir leur idée propre de ce qui doit se faire. C'est l'un des problèmes.

Si nous produisons une saucisse ici en Alberta et que nous sommes obligés de construire une usine conforme aux règlements fédéraux, cela coûtera si cher que les gens ne le feront pas. Si le gouvernement pouvait faire baisser ces coûts et effectuer une seule inspection pour tout ce qui est provincial et fédéral, cela nous aiderait probablement beaucoup.

La sénatrice Merchant : Je vous remercie tous les deux d'être venus ce matin.

Vous avez entendu tout à l'heure les deux ministres affirmer que les producteurs sont mieux informés que le gouvernement de bien des façons, qu'ils surveillent tout ce qui se passe et qu'ils savent très bien ce qu'il leur faut pour développer des produits d'excellente qualité.

Parfois, lorsqu'on négocie des accords internationaux, certains pays en développement n'ont pas encore établi de protocoles. Cela cause parfois des difficultés. Je suppose qu'il sera nécessaire d'harmoniser les normes pour que tout le monde soit à pied d'égalité.

Que peut faire le gouvernement fédéral, qu'il ne fait pas déjà, pour améliorer les accords qu'il signe avec des pays en développement? Certains gouvernements des populations que nous essayons de servir, comme la classe moyenne de l'Inde ou de la Chine, ne sont pas prêts à respecter les règles internationales.

M. Jacobson : Vous soulignez l'un des problèmes du commerce international que les gens essaient de résoudre depuis longtemps. Il faut que nous reconnaissions que les autres nations ont leurs propres mœurs et leur propre alimentation. Tout comme le Canada, elles ont le droit d'établir leurs propres règles jusqu'à un certain point. Nous serions très ennuyés si la Nouvelle-Zélande nous obligeait à faire une chose, et une autre, et encore une autre. Cela ne nous paraîtrait pas logique, mais nous le ferions quand même. Il faut comprendre que le gouvernement s'efforce d'aider de son mieux certains secteurs. Je ne suis pas vraiment expert en commerce. Vous devriez poser cette question aux représentants de la FCA.

Une bonne partie de nos produits, surtout les viandes, vont dans des pays plus industrialisés. L'Inde est un pays industrialisé. Ce n'est pas un pays du tiers monde. La Chine est un pays industrialisé. Ce n'est plus un pays du tiers monde. En fait, ces pays n'ont pas établi de normes afin de pouvoir changer leurs règles et leurs normes. C'est ainsi qu'ils empêchent un grand nombre de nos produits d'entrer chez eux.

La présence à faible concentration de LMR entrave aussi notre commerce avec la Corée et le Japon. S'ils n'aiment pas ou ne savent pas ce qui se passe, ils peuvent analyser nos produits à des milliards de parties par milliard. Si un pays désire empêcher vos produits d'y entrer, il peut raffiner ses analyses à un tel niveau que vous ne pourrez plus y rentrer. Nous devrions peut-être négocier ces choses. Il faut établir certaines normes. C'est ce que nous devons faire dans ce domaine.

Je ne sais pas quel volume de commerce nous traitons avec les populations de certains pays en développement comme les pays des Antilles.

Mme Boehm : Pas énormément.

M. Jacobson : Pas énormément, exactement. C'est plutôt un marché à créneaux. Nous nous améliorons toujours plus dans ce domaine. En Saskatchewan maintenant on expédie un plus grand nombre de petits envois en vrac chez les producteurs. C'est aussi un peu risqué d'expédier un wagon plein de petits pois en Turquie ou en Inde ou ailleurs. Tout dépend de la relation que vous avez et celle du gouvernement et de ce qui se passe dans ces pays. Bien souvent cela ne dépend pas de ce que vous savez, mais des personnes que vous connaissez. Cela dépend aussi des personnes que vous connaissez dans ces pays.

Il y a tant de problèmes. Il faut rappeler au gouvernement l'importance d'aborder ces problèmes, mais en fin de compte, je ne suis pas expert dans ces domaines. Je vois des problèmes auxquels mes amis et mes voisins ont fait face quand ils ont essayé de le faire, mais je ne pourrais pas vous suggérer de solutions.

La sénatrice Merchant : Madame Boehm, vous parliez d'innovation et de producteurs. Vous avez mentionné des offres très intéressantes que des producteurs ont reçues et qui les ont incités à déménager ailleurs. Mais même quand ils restent ici, ils doivent parfois modifier leurs plans.

La semaine dernière, nous avons entendu des producteurs laitiers. Un de leurs problèmes est l'absence d'une installation de séchage qui les force à jeter le lait écrémé. Ils le jettent tout simplement dans les fossés. Ils se trouvent devant deux choix. Le premier serait de rénover leur installation actuelle, ce qui leur coûterait 80 millions de dollars, si j'ai entendu le bon chiffre. L'autre serait d'en construire une nouvelle, ce qui leur coûterait un quart de milliard de dollars.

Quand vous parlez de ce genre de problème, désirez-vous que le gouvernement vous octroie les fonds nécessaires? Parlez-vous de cette nouvelle solution de partenariats publics-privés? Selon vous, que pourrions-nous faire pour que nos entreprises de transformation des aliments puissent soutenir la concurrence et utiliser les produits que nous développons dans notre pays de la façon la plus avantageuse?

Mme Boehm : Eh bien... au cours des années, j'ai travaillé avec des entrepreneurs qui voulaient que le gouvernement construise leurs installations pour qu'ils puissent ensuite les exploiter eux-mêmes. Bien entendu, le gouvernement n'acceptera pas cela. Dans le cadre de l'innovation, il serait possible d'établir un partenariat avec le gouvernement. Certains de ces partenariats pourraient s'appliquer à toute l'industrie, ce qui avantagerait de nombreux secteurs, comme l'industrie laitière ou autre.

En Alberta, dans le cadre de Cultivons l'avenir 2, nous avons surtout élaboré un programme d'automatisation. En fait, nous avons élaboré un programme de développement du marché du bœuf pendant l'épidémie d'ESB, puisque nous ne pouvions pas vendre des animaux de plus de 30 mois. Nous avons reçu un tout petit financement de 5 millions de dollars dont la ministre de l'époque, Shirley McClellan, était extrêmement fière. Elle en parlait constamment à cause des volumes de bœuf haché que nous avons pu transformer après cela. C'était une excellente occasion d'utiliser ce bœuf parce qu'il fallait le cuire entièrement, et ainsi de suite.

C'est un exemple où, grâce à ce programme, nous avons fourni 20 p. 100 du coût en capital pour l'automatisation. En Alberta nous avons aussi l'Alberta Agriculture Financial Services Corporation, la Direction du Trésor de la province et des banques plus patientes, si l'on peut dire, qui nous ont aidés à financer le reste.

Dans tout le Canada, l'industrie de la transformation des aliments désire de l'aide pour financer ces coûts en capital, les frais de marketing au pays et à l'étranger, le financement de non pas un seul voyage vers un marché, mais de plusieurs voyages vers un même marché. Ce fonds pour l'innovation nous permettrait de faire cela.

Jim Thorne, l'un des hommes les plus importants de la table ronde, parle de réoutillage. On a réoutillé l'industrie de l'automobile. L'industrie de la transformation des aliments a besoin d'un réoutillage. Quelle motivation ont ces entreprises pour s'étendre ou pour investir dans de l'équipement? Devraient-elles débourser 20 à 30 p. 100 de leur coût en capital? Ce type de modèle serait bon, à moins que l'on trouve quelque chose qui profite à toute l'industrie. Il faudrait alors envisager d'établir un autre modèle.

La sénatrice Tardif : Ma question s'adresse à Mme Boehm. Sachant que l'approvisionnement en main-d'œuvre demeure peu fiable en Alberta, particulièrement pour les usines de transformation de viande, avez-vous une idée des raisons de cette situation? Le secteur de la transformation de la viande représente 50 p. 100 des ventes dans l'industrie de la production alimentaire. C'est une question importante, et une pénurie d'un millier de travailleurs au Canada ne saurait passer inaperçue.

Est-ce attribuable à un manque de connaissance des possibilités d'emploi disponibles? À un manque de centres de formation? Est-ce que nos établissements d'enseignement ne préparent pas les gens à être des découpeurs de viande? Je l'ignore. Qu'est-ce qui empêche nos jeunes et même des personnes plus âgées de se lancer dans ce secteur?

Mme Boehm : Le climat qui règne dans ces usines de transformation n'a rien de merveilleux. C'est un milieu de travail intense et certaines tâches sont extrêmement dures, voire dangereuses, puisqu'il faut manipuler des couteaux et autres objets tranchants. Les compétences qu'il faut pour être boulanger, boucher ou découpeur de viande ne sont pas en train d'être transmises à la nouvelle génération.

Beaucoup de gens ont immigré au Canada et ont ouvert des boulangeries, des boucheries et d'autres magasins. Certains continuent le travail à plus petite échelle, mais ce sont les grandes usines qui ont des difficultés. Avec des marchandises dépassant largement le milliard de dollars, elles ont besoin de plus de travailleurs. C'est tout simplement une question de volume.

Brooks est une petite localité. High River est un peu plus près de Calgary. Ils font venir des travailleurs de Calgary, certes, mais il n'y a pas beaucoup de Canadiens qui veulent faire ce genre de travail. Nous devons nous tourner vers l'étranger. Sans le Programme des travailleurs étrangers temporaires, nous avons un énorme problème.

Quand je travaillais pour le ministère de l'Agriculture en 2006, la pénurie de main-d'œuvre était terrible. Le ministre provincial de l'Agriculture de l'époque recevait des appels continuellement et c'est pourquoi nous avons décidé de collaborer avec l'industrie et lui apprendre à recruter des gens.

Les usines devaient embaucher des gens qui avaient terminé leurs études secondaires ou l'équivalent, des gens qui avaient une certaine compréhension de la langue anglaise, des gens de moins d'un certain âge car des personnes de 55 ou 60 ans ne sont pas nécessairement les mieux à même d'accomplir certaines tâches trop lourdes. Certains de mes collaborateurs se sont rendus aux Philippines avec des responsables d'entreprises pour leur montrer comment s'y prendre pour recruter ces travailleurs afin qu'ils puissent au moins rester et travailler au Canada.

Le problème réside dans le taux de roulement, qui se situe entre 40 et 50 p. 100. Ce sont des allées et venues incessantes. Ces entreprises ont épuisé le réservoir des travailleurs de l'Alberta et d'autres régions du Canada. Elles se chargent du déménagement et de la réinstallation des travailleurs. Elles offrent des primes. Elles s'efforcent d'offrir des promotions à l'interne. Elles ont fait tout leur possible, mais ce n'est pas un travail facile. Je suis désolée de m'être étendue de la sorte.

La sénatrice Tardif : Ce sont des entreprises américaines qui gèrent ces usines en Alberta?

Mme Boehm : Maintenant, oui. Brooks était une usine canadienne auparavant.

M. Jacobson : Argentine.

Mme Boehm : Oui, maintenant elle est argentine et Cargill est américaine, mais quand l'usine a été créée à Brooks elle s'appelait Lakeside Beef Producers et le propriétaire, Garnet Altwassert, était de la localité.

La sénatrice Tardif : Elle a été vendue. Il paraît qu'elle avait des difficultés.

M. Jacobson : Je laisserais peut-être le soin de vous répondre à un membre de notre conseil d'administration, qui est un spécialiste de l'industrie de la viande. Il a mis sur pied des usines de transformation de la viande et nous avons d'excellentes conversations. Gerald a installé et géré ce genre d'usines pour le compte d'entreprises un peu partout dans le monde. Il a conçu les plans d'une usine à Moose Jaw.

Certains de nos voisins ont travaillé dans l'usine. Les salaires sont en partie un problème pour les Canadiens. Les transformateurs de viande ont participé à la réunion de la FCA l'an dernier. Ils disaient qu'ils payaient leurs travailleurs 11 $ de l'heure et qu'ils ne croyaient pas pouvoir payer davantage. À un moment donné ils sont arrivés à dire qu'ils payaient 22 $ au lieu de 11 $ dans le cas d'un couple où les deux travaillaient. Cela ne marche pas.

Ensuite, il y a les conditions de travail. Vous ne sauriez comprendre, à moins d'avoir déjà visité une usine de transformation de viande. C'est un travail que je ne voudrais certainement pas faire. Auparavant, le boucher prenait l'animal et le découpait entier avec tout son savoir-faire. De nos jours, on coupe un morceau de viande et le convoyeur se charge de le passer à la personne suivante. C'est du travail à la chaîne. La nature du travail a changé.

L'automatisation est probablement la solution pour l'industrie de transformation de la viande car je ne vois pas comment les gens voudraient travailler dans des conditions pareilles. Un de nos voisins a dû porter un gilet en kevlar. Il avait 30 secondes pour couper tout un bœuf en quartiers. Ce ne sont pas des conditions idéales.

La sénatrice Tardif : Nous avons besoin de bons salaires et de bonnes conditions de travail. Nous avons besoin de gens qui vont faire du bon travail car l'innocuité de nos aliments et notre sécurité alimentaire en dépendent. Nous ne voulons certainement pas que notre bœuf albertain soit refusé pour des problèmes d'hygiène et de santé à l'intérieur et autour de l'usine. Je sais que c'est déjà arrivé. Je pense que la question des travailleurs est vraiment importante. Je ne sais pas si le Programme des travailleurs étrangers temporaires est la seule solution au problème.

J'ai une autre question qui s'adresse à M. Jacobson en particulier. En fait, peut-être oui, peut-être non. Dans cette négociation sur l'agriculture et le commerce, nous avons beaucoup entendu parler de barrières non tarifaires par divers organismes qui ont comparu devant nous à Calgary ainsi qu'à Ottawa et selon lesquels l'UE imposait tellement d'obligations techniques et réglementaires que l'exportation de produits sur ce marché devenait irréalisable ou prohibitif pour les transformateurs d'aliments canadiens. Dans quelle mesure vos industries en souffrent-elles?

M. Jacobson : Du côté des cultures, il a fallu renoncer à en exporter certaines, le canola, plus précisément.

La sénatrice Tardif : À cause des OGM?

M. Jacobson : À cause de la question des OGM. Il y a d'autres questions qui se posent en ce qui a trait aux cultures qui ne sont pas traitées de la même façon.

Un autre problème de l'industrie de la viande est lié aux hormones et aux implants. C'est un gros problème. Il y a également la question de ce que nous appelons l'élevage sans cruauté des bovins et ce que cela implique.

D'autre part, le système européen de mise en cage et d'élevage des poulets est différent du nôtre, ce qui crée un obstacle car les Européens veulent que nous ayons les mêmes normes qu'eux, alors que nous, nous n'y tenons pas, du moins dans une certaine mesure.

Quand il a été question d'apporter ces changements, certains producteurs se sont montrés réticents à changer leur mode de fonctionnement pour s'adapter car nous avons parfois tendance à croire que nous sommes les meilleurs. Il faut changer cette attitude.

Nous devons chercher une solution de rechange raisonnable, mais il est impossible de faire affaire à des pays qui répondent à leurs propres besoins et ne laissent entrer que la nourriture qu'il leur faut ponctuellement.

L'acceptation sociale ou l'opinion publique à l'égard des méthodes de production des aliments et de ce que l'on veut en faire localement compte énormément de nos jours et ne fera que gagner en importance. Nous en avons parlé, mais je pense que le refus d'indiquer les ingrédients de nos produits sur les étiquettes va nous nuire. Vous avez parlé de numériser nos produits pour que l'on puisse savoir ce qu'ils contiennent.

Les gens savent ce qu'il y a dedans. L'époque où le consommateur nous faisait entièrement confiance est désormais révolue. Plus question de dire « Faites-nous confiance. Nous savons ce qui vous convient. Nous allons indiquer le contenu. Vous n'avez pas besoin de savoir ce que vous mangez. »

La sénatrice Tardif : Le secteur est-il réticent à étiqueter les produits et à prendre le genre de mesures dont vous parlez?

M. Jacobson : Oui. Nous devons en parler entre nous. Certains pensent que cela permettra d'accroître les échanges commerciaux. D'autres, et je me compte parmi eux, estiment que c'est un fait accompli. Les gens savent déjà ce qu'ils mangent.

Voilà qu'un message paraît subitement sur Wikipedia ou Facebook, disant que telle ou telle chose contient tel ou tel ingrédient. Il n'y a pas d'étiquette. Il n'y a pas de processus de sensibilisation. On ne sait pas ce que c'est. Les gens confondent souvent les hormones et les stéroïdes. Les stéroïdes sont mauvais pour nous. Quant aux hormones, ils ne comprennent pas, mais cela les inquiète. Tout le monde consomme des hormones et c'est donc un problème.

Le vice-président : Monsieur Jacobson et madame Boehm, nous vous remercions de votre exposé. Vous avez fait une importante contribution à notre étude. Si une fois que vous nous aurez quittés, vous vous apercevez aujourd'hui même ou plus tard que vous aviez autre chose à ajouter, n'hésitez pas à écrire à notre greffier. Il veillera à nous en distribuer des copies afin que nous puissions tenir compte de vos commentaires. Ce ne sera pas peine perdue, bien que notre temps soit aussi limité que le vôtre.

Nous tenons à vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous donner votre avis et vos conseils malgré votre emploi du temps chargé.

Chers collègues, nous allons accueillir notre groupe de témoins suivant, MM. Bob Lowe, président de Producteurs de bœuf de l'Alberta, Ryan Beierbach, président de la Saskatchewan Cattlemen's Association et Brian Lemon, directeur général de Manitoba Beef Producers. Merci d'avoir accepté notre invitation.

Je vais demander à nos témoins de présenter leurs exposés, après quoi les sénateurs pourront leur poser des questions. Chacun de vous aura cinq minutes pour les questions et réponses et nous essaierons de faire autant de séries de questions que possible.

Pour une raison ou une autre, nous sommes beaucoup plus disciplinés ici en Alberta que nous l'étions à Ottawa et nous avons pu avoir plusieurs séries de questions. Au cours de la période de questions et réponses, je demanderais que les sénateurs et les témoins soient brefs et précis afin que nous puissions obtenir le plus d'information possible.

Nous commencerons par M. Lowe.

Bob Lowe, président, Producteurs de bœuf de l'Alberta : Merci, monsieur le président et bonjour aux membres du comité. Au nom des Producteurs de bœuf de l'Alberta, je vous remercie de m'avoir invité à parler aujourd'hui et je vous souhaite la bienvenue à Calgary.

Je m'appelle Bob Lowe et je suis le président de Producteurs de bœuf de l'Alberta. Ma famille et moi avons une exploitation vache-veau et un parc d'engraissement dans les environs de Nanton, à une centaine de kilomètres au sud- est d'ici.

Producteurs de bœuf de l'Alberta est une organisation démocratique qui se veut le porte-parole de quelque 20 000 producteurs de bétail en Alberta, de tous les secteurs de production, y compris l'élevage-naissage et l'alimentation.

Avec tous les égards pour mes collègues des autres provinces, il est juste de dire que l'Alberta est une partie très importante de l'industrie de l'élevage bovin canadien. C'est chez-nous que se trouvent 40 p. 100 de la capacité d'alimentation des vaches, 70 p. 100 de celle du bétail et 70 p. 100 des activités de transformation et de conditionnement du bœuf au Canada.

L'agriculture est la deuxième plus grande industrie de l'Alberta et notre plus grande industrie renouvelable. Les bovins représentent à eux seuls le produit le plus important de l'économie agricole de l'Alberta avec plus de 4 milliards de dollars de recettes agricoles, soit plus d'un tiers du total. On estime que l'industrie du bétail et de la viande représente 20,2 milliards de dollars par an, soit environ 6 p. 100 du total du produit intérieur brut de l'Alberta.

Le commerce revêt une importance vitale pour les producteurs de l'Alberta. Vous avez entendu l'Association canadienne des éleveurs, et mes collègues ne manqueront pas de faire valoir à quel point l'accès au marché international est important pour l'industrie canadienne du bœuf. Nous exportons près de 40 p. 100 de la viande de bœuf que nous produisons dans notre pays, mais si nous ajoutons nos ventes interprovinciales à nos ventes internationales, l'Alberta exporte 86 p. 100 de la viande de bœuf qu'elle produit.

Le bœuf de l'Alberta représente 73 p. 100 des exportations canadiennes de bœuf et il va donc de soi que le commerce revêt une très grande importance pour les producteurs de bovins du Canada et de l'Alberta, mais la diversité des marchés est également très importante.

Près des trois quarts de nos exportations de bœuf vont aux États-Unis. C'est notre principal et meilleur client, mais il n'est pas bon de dépendre à ce point-là d'un seul client. Les producteurs de bovins sont confrontés au même défi que le secteur pétrolier et gazier en ce qui a trait à la dépendance à l'égard des marchés américains.

Le dernier budget de l'Alberta indique une différence de 15 $ le baril entre Western Canadian Select et West Texas Intermediate. L'industrie bovine fait face à un écart similaire. C'est l'écart de base. Il existe de nombreux facteurs qui influent sur l'importance de cet écart, mais plus on aura de marchés pour nos produits plus il rétrécira.

Compte tenu du volume de nos échanges avec les États-Unis, notre principale priorité pour l'accès au marché international au cours des sept dernières années a été l'étiquetage du pays d'origine. Notre industrie a investi près de 4 millions de dollars en frais juridiques pour lutter contre la réglementation COOL. Plus de la moitié de cet argent venait de l'Alberta et nous avons fêté le jour où le règlement a été abrogé en décembre dernier. Nous apprécions beaucoup le travail acharné et le soutien que nous avons reçus des gouvernements fédéral et provincial à ce chapitre.

Nous pensons également qu'il est essentiel que le Canada conserve l'autorisation de l'Organisation mondiale du commerce de prendre des mesures de représailles si les États-Unis cherchent de nouveau à faire ce genre de discrimination contre notre industrie bovine et porcine.

Maintenant, notre principale priorité consiste à obtenir un nouvel accès élargi au marché international par des accords commerciaux. Nous cherchons à conclure des accords en Orient et en Occident. Notre industrie voit un énorme potentiel d'accès accru au Japon grâce à l'accord de partenariat transpacifique et un nouvel accès à l'Europe grâce à l'Accord économique et commercial global ou AECG.

L'industrie canadienne du bœuf appuie fortement le PTP et espère une ratification rapide de cet accord. La ratification poursuivra sur la lancée jusqu'à la mise en œuvre et renforcera la position du Canada si d'autres pays vacillent dans leur soutien ou cherchent à modifier l'accord.

Le Japon est notre objectif principal dans l'accord PTP, une grande victoire pour l'industrie canadienne du bœuf. Le PTP mettra le Canada sur un pied d'égalité avec nos concurrents sur le marché japonais. En ce moment, notre tarif est de 38,5 p. 100 au Japon. L'Australie en est à 28,5 p. 100 et ce taux continue à baisser chaque année. Avec la mise en œuvre du PTP, notre taux baissera d'emblée au même niveau que l'Australie et il continuera de baisser jusqu'à ce que nous atteignions un tarif de 9 p. 100 en 15 ans.

Avec le PTP, nous pensons que nous pouvons doubler ou tripler nos exportations vers le Japon jusqu'à 300 millions de dollars par an, ce qui représente une augmentation de plus de 10 p. 100 de la valeur totale de nos exportations de viande bovine. En revanche, sans le PTP ou un autre accord commercial bilatéral, nous pourrions perdre 80 p. 100 de la valeur de nos exportations vers le Japon.

Le PTP a de bonnes chances de devenir le plus grand bloc commercial dans le monde et en tant que commerçants, nous nous devons d'être présents. Nous continuons de croire que l'AECG offre un fort potentiel d'exportations du bœuf canadien vers le marché européen. L'AECG contient un engagement qui va supprimer les droits de douane européens pour une bonne partie du bœuf canadien.

L'élimination des droits de douane est une étape importante pour que le Canada puisse exporter le bœuf vers l'Europe, mais il faudra résoudre les obstacles techniques auxquels se heurtent nos transformateurs si nous voulons que l'AECG bénéficie à notre industrie. Si la demande de bœuf conforme aux exigences de l'UE est suffisante, nos producteurs modifieront leurs pratiques de production pour y répondre, mais les conditions techniques imposées à nos transformateurs devront être acceptables.

Notre industrie a d'autres priorités quant à l'accès au marché international. Nous sommes heureux que l'Accord de libre-échange Canada-Corée ait été mis en œuvre l'année dernière. Nous espérons que l'intérêt de la Corée à se joindre au PTP va nous permettre d'accélérer l'élimination des droits de douane sur le bœuf canadien pour nous ramener au même niveau que les États-Unis.

Le PTP nous offrira également des réductions tarifaires au Vietnam, un marché qui aura une importance croissante à l'avenir selon nous. Nous aimerions voir une réouverture des marchés à Taïwan et en Indonésie qui ont été fermés à la suite du dernier cas d'ESB découvert ici en février. Nous tenons également à obtenir l'accès à la Chine pour la viande bovine non désossée et au Mexique pour la viande de bovins âgés de plus de 30 mois.

L'industrie bovine de l'Alberta et du Canada est fondée sur le commerce et nous nous en réjouissons. Avec l'explosion démographique mondiale, il existe un écart entre l'endroit où se trouvent les gens et celui où la nourriture est produite, ce qui favorise le commerce. Dans l'industrie bovine, nous sommes prêts à relever le défi et nous espérons que tous les ordres de gouvernement se rendront compte de l'importance de l'accès au marché mondial et des accords commerciaux favorables. Je tiens à souligner « favorable ». Le commerce sera la clé de la prospérité future de notre industrie et de l'ensemble du Canada.

Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je répondrai volontiers à vos questions.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Lowe.

Monsieur Beierbach, s'il vous plaît.

Ryan Beierbach, président, Saskatchewan Cattlemen's Association : Bonjour aux membres du comité et merci de m'avoir invité à témoigner.

Je m'appelle Ryan Beierbach et je suis le président de la Saskatchewan Cattlemen's Association, qui représente plus de 18 000 éleveurs et engraisseurs de bétail de la Saskatchewan. J'ai une exploitation près de Whitewood, Saskatchewan, où je travaille avec ma femme Tania et nos trois enfants.

Saskatchewan abrite le deuxième plus grand troupeau de bovins au Canada. En 2014, les bœufs et les vaches ont représenté 1,9 milliard de dollars en recettes monétaires agricoles, soit environ 20 p. 100 du total des recettes monétaires agricoles de la province. Malgré cela, il n'y a pas d'abattoirs inspectés par le gouvernement fédéral dans la province de sorte que nos producteurs doivent exporter des bovins d'engraissement et d'abattage vers d'autres provinces et aux États-Unis pour y être transformés.

L'industrie de la viande est un facteur important de l'économie canadienne en fournissant des ventes de biens et de services d'une valeur annuelle de 33 milliards de dollars. En outre, pour chaque dollar perçu par les travailleurs et les propriétaires des exploitations, 2,08 $ sont créés ailleurs.

Quant à l'importance du commerce pour l'industrie du bétail, l'industrie des bovins de boucherie au Canada est fortement tributaire du commerce avec plus de 40 p. 100 du bétail et de la production de bœuf exportés chaque année. La pérennité et le succès de notre industrie reposent sur un libre accès à de nouveaux marchés et la suppression des barrières au commerce.

Actuellement, nous expédions la viande bovine et ses produits dans 58 pays dans le monde. Les États-Unis sont de loin notre plus grand marché, soit 71 p. 100 de toutes les exportations de viande. La Chine, le Mexique, le Japon et Hong Kong complètent les cinq premiers marchés et avec les États-Unis représentent 95 p. 100 de toutes nos exportations.

Il est important pour moi que vous compreniez comment le commerce ajoute de la valeur au bétail que je produis. Chaque animal que je vends se transforme en des centaines de produits : viande, bien sûr, mais aussi du cuir, des abats, des produits pharmaceutiques et des produits industriels. Chaque partie a une valeur différente dans différents pays.

Si nous sommes limités à la vente au Canada, notre bétail vaudrait une fraction de ce qu'il vaut actuellement en raison de notre goût pour certaines coupes de bœuf. Par exemple, le foie, la langue, les tripes et autres valent des dollars par livre dans d'autres pays par rapport à des cents par livre au Canada. Nous devons payer pour jeter certains morceaux au lieu de les vendre pour un profit dans d'autres pays.

Voilà pourquoi nous voulons cet accès au marché. Nos transformateurs font des profits sur chaque partie qui va au plus offrant dans le monde entier. Si les transformateurs canadiens n'ont pas le même accès au marché que nos transformateurs aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, nos installations seront moins rentables. Elles finiront par fermer et le bétail sera transformé dans ces endroits plus rentables.

Sans un secteur de la transformation rentable, notre secteur de l'élevage des vaches et des veaux ne sera pas aussi viable. Nous soutenons le gouvernement du Canada et faisons généralement tout ce que nous pouvons pour l'aider à ouvrir des marchés au bœuf et aux produits du bétail canadiens. Il s'agit de nos bénéfices. Nous devons nous assurer que les ressources nécessaires sont consacrées à l'accès au marché pour faire le travail et que la politique n'entrave pas ce processus.

Je voudrais insister également sur ce que nos concurrents sont prêts à faire pour écarter nos exportations de ce qu'ils considèrent comme leur marché. L'étiquetage du pays d'origine en est un bon exemple. Le département américain de l'Agriculture a admis que cela n'avait rien à voir avec la sécurité alimentaire. Nous étiquetons déjà fièrement la viande de nos usines qui entrent sur le marché américain. La loi a été conçue pour qu'il en coûte plus cher aux transformateurs américains de traiter les bovins canadiens. Un groupe de citoyens américains protectionnistes a pensé que c'était une mesure positive que d'obtenir de leur gouvernement d'appliquer la loi, ce qui a beaucoup coûté à notre industrie au Canada, ainsi qu'aux États-Unis et au Mexique.

L'Union européenne est un autre exemple. Les producteurs de bœuf irlandais considèrent l'UE comme leur marché et font tout leur possible pour ne pas laisser entrer les exportations de bœuf. Ils ont réussi la semaine dernière à obtenir que le bœuf ne fasse pas partie des négociations commerciales avec les pays de l'Amérique du Sud. Ils semblent réussir à empêcher l'UE de reconnaître le régime de salubrité des aliments du Canada pour la transformation de la viande bovine.

En ne reconnaissant pas la salubrité de certains lavages de carcasse, des produits qui proviennent des usines d'Amérique du Nord ne peuvent pas entrer sur le marché en vertu de l'AECG. Cet accord ne veut donc pas dire grand- chose pour nous. Ce n'est pas un problème de sécurité alimentaire. Ces mesures ajoutent en fait de la sécurité et c'est pourquoi nos usines ne vont pas les changer pour accéder au marché de l'UE.

Dans ces deux cas, notre industrie est limitée dans ses actions. Nous pouvons signaler ces questions au gouvernement. Nous pouvons préconiser des solutions et nous assurer que notre industrie est bien informée, mais la plupart des négociations se font de gouvernement à gouvernement et exigent que des personnes au Canada et dans ces autres pays négocient.

Parfois, l'Agence canadienne d'inspection des aliments parle de ces gens comme d'un personnel administratif. Ce personnel est important pour moi en tant que producteur de bétail parce qu'il travaille pour montrer que notre système alimentaire est sécuritaire.

Je veux m'assurer que le gouvernement du Canada reconnaisse que nous avons besoin de nombreuses ressources et de négociations de nature technique et sur l'accès aux marchés et que nous soyons défendus. Comme je l'ai dit, l'industrie va faire tout son possible pour aider, mais quand il s'agit de négociations de gouvernement à gouvernement, nous ne sommes pas toujours bien accueillis dans la salle de négociation.

Vous savez déjà quelles sont nos priorités d'accès au marché. Je ne veux pas les répéter, mais je vais les passer en revue brièvement pour que vous sachiez que nous sommes tous d'accord. Comme il a été dit, les États-Unis prennent une grande quantité de nos exportations et il est donc essentiel que nous ayons accès à ce marché. Il est important que nous conservions les droits de représailles qui nous sont accordés par l'OMC en ce qui concerne l'étiquetage du pays d'origine pour empêcher que quelque chose de semblable ne se reproduise.

Le Japon et le PTP sont très prometteurs. Le Japon est un marché clé puisque l'accord nous permet d'y revenir sur un pied d'égalité. La Corée et Taiwan sont deux bons clients qui pourraient avoir un meilleur accès au bœuf canadien. Notre présence au départ nous donnera un pouvoir de négociation par rapport aux pays qui souhaiteraient adhérer plus tard.

En ce qui concerne le marché européen, l'AECG règle la majorité des barrières tarifaires, mais il faut que les obstacles techniques soient éliminés pour que nous puissions en tirer avantage. Je vais conclure là-dessus et je vous remercie de m'avoir permis de faire cet exposé aujourd'hui.

Le vice-président : Merci beaucoup. Nous vous en sommes reconnaissants.

La parole est à M. Lemon.

Brian Lemon, directeur général, Manitoba Beef Producers : Bonjour. Je m'appelle Brian Lemon, directeur général de Manitoba Beef Producers, et je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de vous faire connaître notre point de vue dans le cadre de votre étude et de vos délibérations.

Manitoba Beef Producers est la voix principale de l'industrie du bœuf au Manitoba qui représente environ 7 000 producteurs, y compris les éleveurs-naisseurs et les secteurs de semi-finition et finition. Notre objectif est de représenter les producteurs par la communication, la sensibilisation, la recherche et l'éducation au sein de l'industrie, auprès des gouvernements, des consommateurs et d'autres dans le but d'améliorer la prospérité et assurer un avenir durable.

Vous avez entendu mes amis parler du numéro un et du numéro deux. Le Manitoba est numéro trois quant à la taille de notre troupeau avec environ 10 ou 12 p. 100 du cheptel national.

Notre industrie a résisté à sa part de problèmes et de défis importants ces dernières années, notamment l'ESB, la perte de notre capacité de transformation, des conditions météorologiques défavorables en raison surtout d'un excès d'eau, des pénuries de main-d'œuvre et des différends commerciaux comme l'étiquetage obligatoire du pays d'origine.

Le Manitoba reste très bien adapté à la production de viande bovine. Nos membres sont résilients et restent optimistes pour l'avenir. La province dispose de grandes zones de prairies qui sont bien adaptées à la production de bovins. L'amélioration des prix ces dernières années a suscité un grand intérêt dans l'industrie.

Il existe certainement des possibilités d'accroître nos activités et d'augmenter le nombre de bovins finis et transformés au Manitoba. Actuellement, seulement environ un quart à un cinquième de nos veaux manitobains sont nourris à leur poids d'abattage au Manitoba.

Comme vous pouvez l'imaginer, les exportations sont aussi importantes pour l'industrie du bœuf que pour mes amis. Au Manitoba, nous avons exporté du bœuf pour une valeur de plus de 72 millions de dollars l'an dernier. Nous tenons à remercier les anciens ministres Ritz et Fast ainsi que les actuels, MacAulay et Freeland, de leur diligence concernant les dossiers commerciaux, notamment pour lutter contre la loi COOL aux États-Unis. L'Association canadienne des éleveurs vous a déjà parlé de l'importance que revêt ce marché pour notre industrie.

La perte de la capacité d'inspection fédérale a également touché l'industrie du bœuf du Manitoba. L'histoire n'est pas tellement différente de celle de la Saskatchewan.

Si nous remontons à 1979 et aux 20 années qui ont suivi, nous avons perdu cinq grandes usines de transformation fédérales, ce qui a réduit notre capacité de traitement de 97 p. 100. Nous sommes passés d'un peu moins de 580 000 têtes abattues au Manitoba en 2006 à peine 21 000. Le reste a évidemment été exporté.

La capacité d'abattage est essentielle pour réaliser tous les avantages des exportations. Dans ce contexte, nous sommes heureux de dire que le Manitoba possède depuis peu un abattoir inspecté par le gouvernement fédéral, True North Foods.

Cette nouvelle capacité d'abattage fédéral change radicalement la donne au Manitoba. Elle crée des opportunités importantes pour l'exportation directe du Manitoba vers les marchés du monde entier, particulièrement les marchés nouveaux ou en pleine expansion.

Ainsi, les possibilités de croissance du cheptel bovin du Manitoba sont là si les conditions sont réunies. L'essentiel c'est de tirer parti des occasions découlant d'ententes commerciales telles l'AECG, le PTP et l'Accord de libre-échange Canada-Corée.

La réduction et l'élimination des barrières commerciales sont extrêmement importantes pour permettre l'accès à des conditions concurrentielles avec d'autres pays exportateurs de bœuf. Il est essentiel que le Canada participe à des accords commerciaux multilatéraux généraux s'il ne veut pas être laissé pour compte au moment d'accéder aux marchés.

D'autres pays, dont l'Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Mexique, s'intéressent fortement aux marchés de la région Asie-Pacifique et tentent de conclure des accords commerciaux bilatéraux avec des pays comme le Japon, ce qui risque de désavantager l'exportation de viande et de bovins canadiens.

L'accès à des marchés d'exportation à haute valeur ajoutée dans le cadre d'ententes bilatérales et multilatérales est le gage d'une industrie bovine durable et bien portante au Canada et au Manitoba.

L'accès est important. Je crois que nous avons tous fait passer ce message. Nous savons également que l'accès doit être prévisible et stable. Le Canada doit veiller en priorité à ce que les accords commerciaux contiennent des exigences techniques scientifiques claires et raisonnables en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires.

C'est avec enthousiasme que l'industrie bovine du Manitoba voit les possibilités inhérentes aux différents accords commerciaux, mais elle a besoin de temps pour recevoir les réactions que ces accords commerciaux vont créer dans les marchés et y répondre.

Contrairement à d'autres sortes de bétail, les bovins se reproduisent une fois par an. Il faut de 18 à 24 mois pour mettre un veau sur le marché ou pour qu'il atteigne son poids d'abattage. C'est le temps dont nous disposons pour augmenter le cheptel. Le seul moyen pour que nos producteurs et transformateurs se fient aux signaux du marché et apportent des changements ou profitent de ces marchés, c'est d'avoir un accès sûr et prévisible fondé sur ces exigences techniques scientifiques solides.

Il importe tout autant de prévoir des mécanismes de règlement des différends efficaces dans le cadre des accords commerciaux, afin d'arriver à une résolution avant que des dommages irréparables ne soient faits.

Comme on a pu le voir ces sept ou huit dernières années dans le cadre du contentieux COOL, il peut être très lent et coûteux d'opter pour le processus de règlement de l'OMC.

Les producteurs de bœuf du Manitoba aimeraient également souligner l'importance du Secrétariat de l'accès aux marchés du gouvernement fédéral et des ressources connexes. Tout cela joue un rôle essentiel pour rechercher de nouveaux débouchés et conserver nos clients.

Nous estimons que les investissements du gouvernement fédéral dans ce secrétariat ont été très utiles et ont abouti à d'énormes avantages non seulement pour le secteur de la viande, mais pour la plupart des secteurs agricoles, voire tous.

Nous encourageons le soutien continu du travail du secrétariat. Alors que nous, les producteurs bovins, pouvons certainement recommander des priorités et des orientations à notre gouvernement là où nous voyons des possibilités de renforcer le commerce, il appartient aux ministres et au personnel du Ministère de tenir des négociations entre gouvernements pour concrétiser les opportunités et régler les problèmes.

Il n'appartient pas à l'industrie bovine d'avoir ces discussions avec les représentants de gouvernements étrangers. Il faut que notre gouvernement s'engage à fournir les ressources nécessaires pour avoir ces discussions en notre nom.

En somme, les producteurs de bœuf du Manitoba sont du même avis que nos partenaires provinciaux et que l'Association canadienne des éleveurs en ce qui concerne le potentiel des grands marchés du monde entier. Comme priorité commerciale, nous demandons au gouvernement fédéral de continuer à travailler pour ouvrir des marchés fiables et sûrs pour l'exportation en s'appuyant sur des exigences techniques et scientifiques prévisibles et des mécanismes rapides pour régler les différends.

Comme je l'ai dit, dans l'industrie bovine, il faut compter de 18 à 24 mois pour engraisser un veau jusqu'à son poids de vente. Ce n'est pas une industrie où l'on peut appuyer sur un bouton ou ajouter un autre quart de travail pour augmenter la production. Il faut un certain nombre d'années pour que le secteur réagisse aux signaux du marché. Or, ce n'est qu'avec un accès au marché sûr et fiable que les producteurs et les transformateurs auront la confiance et la capacité voulues pour prendre les décisions qui leur permettront de tirer profit de ces nouveaux marchés.

En conclusion, nous estimons que le Canada peut rivaliser si les règles du jeu sont équitables dans ce marché hautement concurrentiel. Nous remercions le gouvernement de rechercher ces nouveaux débouchés pour les bovins vivants, les produits du bœuf, la génétique et pour tout ce qu'il fait pour résoudre les problèmes de commerce en suspens qui ont entravé notre capacité à développer notre industrie.

L'industrie bovine se félicite de sa collaboration avec le gouvernement fédéral, y compris le Secrétariat de l'accès aux marchés et tous les membres de la chaîne de valeurs à mesure que de nouvelles opportunités commerciales sont envisagées et concrétisées.

Nous croyons que les producteurs de bœuf du Manitoba sont en bonne position pour accéder à tous les marchés nouveaux ou en expansion qui sont en cours de négociation. Je ne saurais assez insister sur la manière dont l'accès à une nouvelle installation d'abattage inspectée par le gouvernement fédéral au Manitoba améliore fondamentalement notre capacité à saisir les occasions que peuvent créer ces nouveaux marchés.

Je vous remercie de cette occasion de témoigner et je rends la parole au président.

Le vice-président : Merci messieurs de vos exposés. Mes collègues vont vous poser des questions tout à l'heure. J'ai moi-même deux petites questions.

Monsieur Lemon, vous avez parlé de la nouvelle installation au Manitoba. Je viens d'une région où nous n'avons pas non plus d'usines de transformation réglementées par le fédéral. Nous sommes de petits producteurs et nous n'avons pas les mêmes volumes qu'au Manitoba, qu'en Saskatchewan ou qu'en Alberta. Comment avez-vous résolu ce problème?

M. Lemon : Comment nous avons résolu ce problème? Nous avions un homme très motivé.

Le vice-président : Aux coffres bien garnis, je suppose.

M. Lemon : Cela ne s'est pas fait sans l'aide des programmes d'Agriculture Canada. Je pense que cette personne a pu accéder au Programme d'amélioration de l'abattage pour essayer de faire exactement ce qu'il a fait : un accès régional à des installations d'abattage fédérales lorsque l'ESB a frappé et que notre capacité à expédier notre produit hors de la province a été complètement arrêtée.

Le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire d'Agriculture Canada et le ministre Ritz, a mis en place un programme visant le renforcement des capacités d'abattage. C'était un capital de départ, je suppose. Il y a eu un abattoir provincial pendant un certain nombre d'années tout en travaillant aux rénovations et à la construction nécessaires pour obtenir son autorisation du fédéral. Il vient de l'obtenir l'année dernière.

Le vice-président : Vous avez tous mentionné le marché potentiel dans le cadre du PTP. Certains d'entre vous ont donné les noms de pays où vous estimez que nous pourrions mieux faire. J'essaie de voir la question à plus long terme. En 2050, nous serons neuf milliards de personnes. Quelqu'un doit les nourrir. Elles ne vont pas toutes vivre dans les pays riches. Vous pouvez être sûr que beaucoup d'entre elles vivront dans des pays pauvres, mais nous sommes un des rares pays dans le monde à avoir la capacité de produire plus que nous ne consommons.

Quelle est la capacité ou connaissons-nous la capacité nécessaire si nous obtenons un meilleur accès aux marchés dans le cadre du PTP et de l'accord Canada-UE? Peut-on accroître la capacité? Je comprends qu'il faut quelques années pour élever un animal commercialisable, mais quel est le potentiel, messieurs?

M. Beierbach : Je dirais qu'il y a deux volets. L'un est d'ajouter plus de bétail et l'autre est de veiller à ce que toutes les parties de l'animal soient vendues. Le problème actuellement tient en partie au fait que les usines de conditionnement, en Alberta tout au moins, ont de la difficulté à trouver la main d'œuvre nécessaire pour transformer davantage ces produits. Certains produits pourraient être vendus mais ne le sont pas parce que la main-d'œuvre manque pour traiter ces produits et les préparer pour l'expédition.

Une partie de ce problème est probablement attribuable au prix. Si le prix de ces produits était plus élevé, ce serait une plus grande priorité. Le plus important est d'avoir suffisamment de main-d'œuvre pour faire le travail. L'originalité du bétail c'est que l'on peut utiliser des ressources ou des sous-produits de moindre valeur et les transformer en produits alimentaires de haute qualité.

Vous pouvez expédier des sous-produits de la production d'éthanol ou de la production de croustilles, du criblage des céréales et autre vers des régions des Prairies où on ne peut absolument rien faire d'autre que de faire paître des animaux et transformer cette herbe en produit alimentaire.

Il me semble qu'il y a là des possibilités. Plus la valeur d'un animal augmente, plus les gens trouvent des façons de les utiliser. C'est simplement une question de rentabilité. Il faut en arriver à un certain stade de rentabilité pour qu'il vaille la peine de transporter ces sous-produits-là où se trouve le bétail ou les intégrer dans le système de production.

M. Lowe : Il y a suffisamment de morceaux dans une vache pour nourrir tout le monde à tous les niveaux économiques. M. BeierBach l'a bien dit. Notre principale contrainte est le manque de main-d'œuvre. Nous ne pouvons pas obtenir la main-d'œuvre au Canada pour approvisionner l'industrie de la transformation. Il y a actuellement des commandes pour des parties des animaux que l'on ne peut pas produire parce que nous ne pouvons pas obtenir la main-d'œuvre. Ce sera notre principal désavantage pour pouvoir réaliser toute notre capacité.

Le vice-président : Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a fait l'objet de critiques ces deux dernières années. Pas dans le secteur agricole, mais il est devenu un problème en raison des abus de la part de certains, en particulier dans le secteur de la distribution. Ce n'est pas qu'ils ne devraient pas y avoir accès. Ce n'est pas ce que je dis.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a-t-il pu s'adapter aux exigences de l'industrie? Pour en revenir à mes 9 milliards de personnes d'ici 2050, nous devons accroître la capacité de l'industrie du bœuf pour relever ce défi. J'aimerais entendre vos conseils et vos commentaires sur ce que peut faire le Programme des travailleurs étrangers temporaires. S'il est bien géré et rationalisé, peut-il répondre à la demande et nous aider à produire ce dont nous avons besoin?

M. Lowe : Nous recherchons de nouveaux Canadiens. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été un tremplin qui nous a permis d'accélérer l'immigration. C'est ce à quoi il a servi. Il a fait baisser les chiffres. On peut toujours continuer, mais nous ne pouvons pas obtenir suffisamment de gens. Les chiffres ne sont pas assez élevés.

Dans notre propre exploitation, nous employons des Autochtones. Nous avons une famille qui a immigré de l'Irlande. Nous en avons une de Suisse. Nous avons des Mennonites, des Mennonites du Mexique et des Mennonites de Bolivie. Ils appartiennent à une catégorie différente. Ils sont Canadiens. Nous employons actuellement quelques Ukrainiens dont nous aimerions qu'ils fassent partie des nouveaux Canadiens.

Tout cela nous coûte de l'argent et nous cause beaucoup de soucis. Si je prends l'exemple de ces Ukrainiens qui travaillent pour nous actuellement, ils ont de jeunes enfants en Ukraine, mais il n'y a pas de travail en Ukraine. Ils préféreraient être là-bas. Nous ne pouvons absolument pas les placer dans un volet qui leur permettra de rester au Canada avant que leur visa du Programme des travailleurs étrangers temporaires expire. Cela fait maintenant un an. Ils n'ont pas le temps de passer par le processus qui les placera dans le volet de l'immigration. Voilà où se situe notre problème de capacité. Nous avons les terres, nous avons les gens et tout ce qu'il faut pour produire des vaches, mais nous n'avons pas la capacité de transformation.

Le vice-président : C'est ce que je voulais dire. Vous l'avez bien résumé. Si nous voulons répondre à la demande parce que nous sommes l'un des rares pays dans le monde à avoir la capacité de le faire, nous avons besoin d'une réglementation pour appuyer l'accélération de l'immigration.

Nous avons prouvé au cours des 12 derniers mois notre capacité à accélérer l'immigration lorsqu'il le faut ou lorsque nous le voulons. Nous devons commencer à y penser de façon stratégique par rapport au développement de l'agriculture. Je vais cesser de prendre le temps de mes collègues. Madame la sénatrice Tardif, s'il vous plaît.

La sénatrice Tardif : Merci beaucoup de vos exposés. Vous avez souligné l'importance d'accéder aux nouveaux marchés, à l'Union européenne dans le cadre de l'AECG et au Japon dans le cadre du PTP.

Certains de ces pays et des consommateurs ont exprimé leurs craintes concernant l'utilisation des hormones de croissance et des antibiotiques dans leur viande de bœuf. Comment pensez-vous contourner l'interdiction que certains pays pourraient imposer sur les importations de bœuf parce qu'ils ne veulent pas d'hormones de croissance dans leur bœuf?

M. Beierbach : Pour moi, les hormones de croissance sont un moyen de produire du bœuf de façon plus efficiente. Leur utilisation modifie légèrement l'équilibre hormonal du bétail, ce qui lui permet de transformer plus facilement l'alimentation en viande. Ce n'est pas que les animaux ne peuvent pas les produire sans elles, c'est simplement que cela coûte plus cher. Il faut davantage d'eau et de fourrage. C'est moins efficient. Le fait de ne pas utiliser d'hormones de croissance est probablement préjudiciable à l'environnement, mais nous pouvons produire du bœuf sans hormones si les consommateurs sont prêts à l'acheter. Mais il faut que le marché en vaille la peine.

Si la demande est insuffisante et si les consommateurs ne veulent pas payer plus cher pour tenir compte du coût supplémentaire de production, nous ne le produirons pas. Compte tenu de la valeur du bœuf dans l'Union européenne, les producteurs produiraient cette viande si ce n'était de la barrière technique du lavage des carcasses qui retarde les choses.

Quant aux antibiotiques, l'industrie du bœuf fait preuve de prudence. D'une part, nous faisons en sorte de montrer ce que nous faisons et d'autre part, nous veillons à n'utiliser que ce qui est nécessaire pour que le bétail soit en bonne santé et productif.

Il serait contraire à l'éthique d'avoir des animaux malades et de ne pas leur donner le médicament dont ils ont besoin. Je ne dis pas que nous n'utiliserons pas d'antibiotiques pour élever du bœuf. Ce serait comme dire que nous n'allons pas utiliser d'antibiotiques sur les humains. S'ils sont en train de mourir, il faut leur donner quelque chose. Nous devons simplement faire comprendre que nous les utilisons avec prudence et qu'il est important que l'animal soit soigné quand il est malade.

La sénatrice Tardif : Monsieur Lowe, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Lowe : Ce sont deux choses complètement différentes. L'utilisation ou non d'hormones est une question d'ordre économique. Si on me paye bien pour ne pas utiliser d'hormones, je serai ravi de cesser de les utiliser.

C'est jouer sur les mots que de parler de viande sans antibiotiques. Aucun des morceaux de viande qui arrivent sur votre assiette ne contient d'antibiotiques. Il faut faire bien attention à deux choses. Lorsque les gens parlent de viande sans antibiotiques, ils parlent d'une interdiction totale, c'est-à-dire que l'animal n'a jamais reçu d'antibiotiques, ce qui est tout à fait contraire au traitement humain du bétail. S'ils parlent de viande sans antibiotiques, toute la viande est sans antibiotiques. J'ai beaucoup de mal avec les détaillants ou les consommateurs qui demandent de la viande sans antibiotiques quand il n'y en a pas de toute façon. Un producteur qui ne donne jamais d'antibiotiques ne traite pas humainement les animaux tout comme ce serait le cas avec des humains. Si un animal est malade, il est du devoir du producteur de le traiter.

La sénatrice Tardif : Craignez-vous que l'UE refuse d'importer votre bœuf à cause de l'utilisation des hormones de croissance?

M. Lowe : L'UE ne certifiera pas quoi que ce soit auquel on aura ajouté des hormones.

La sénatrice Tardif : C'est exact.

M. Lowe : Ce qui arrête le processus en ce moment, c'est la façon dont nous décontaminons, ce qui je suppose n'est pas le bon mot, ou nettoyons les carcasses dans les installations de transformation. Nous utilisons un lavage acide et l'UE ne l'accepte pas, même si c'est le meilleur procédé au monde pour s'assurer qu'il n'y a pas de contaminants, pas d'E. coli ou de listériose. L'UE ne l'accepte pas, ce qui est évidemment une barrière commerciale non tarifaire.

Des réunions ont lieu en Europe en ce moment. Une fois que nous aurons fait part de ces difficultés, ce sera simplement une question de prix. Si l'UE paie le prix, il y a une usine de transformation juste au nord-est de Calgary qui va ouvrir. Ils ont un contrat de l'UE et créent la chaîne d'approvisionnement en ce moment même pour fournir du bétail selon la certification de l'UE. Tout dépendra précisément de ce que l'UE veut payer.

La sénatrice Tardif : Je suis heureuse que vous l'ayez mentionné car le ministre de l'Agriculture en a parlé aujourd'hui. J'étais curieuse à ce sujet. Il a dit qu'une usine qui respecterait les normes de l'Union européenne allait ouvrir près de Calgary.

M. Lowe : C'est Harmony Beef.

La sénatrice Tardif : Je me demandais ce qu'il voulait dire.

M. Lowe : C'est bien cela. Ils vont ouvrir le 8 août. Ils ont une chaîne d'approvisionnement en fonction du prix.

La sénatrice Tardif : Il semble que le Canada et les États-Unis vont modifier leurs règlements sur les aliments pour animaux en 2016. Ils ne pourront plus utiliser les antimicrobiens stimulateurs de croissance. Comment voyez-vous cette nouvelle réglementation?

M. Lowe : Je suis assez sûr que nous n'allons plus utiliser les antimicrobiens comme stimulateurs de croissance. Je ne suis pas sûr de ce qui est considéré comme antimicrobien. Le seul auquel je peux penser est appelé le Tylan qui a pour effet de réduire les abcès du foie. Je suppose qu'il stimule la croissance en rendant le foie de l'animal plus sain. Je suis sûr qu'ils seront supprimés sous la pression du public, mais sans aucune validité. Nous allons devoir le faire et nous allons devoir arrêter de l'utiliser.

La sénatrice Tardif : D'ici la fin de 2016.

M. Lowe : L'inconvénient, ce sera plus d'abcès du foie, moins d'efficacité sur le marché et moins d'efficience dans l'alimentation du bétail. Nous ne pourrons pas le nourrir aussi bien que maintenant. Cela aura un coût pour les producteurs.

La sénatrice Tardif : Monsieur Lemon, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Lemon : Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Le principal c'est que les producteurs canadiens produisent un bœuf des meilleurs au monde et de façon très humanitaire. Je pense que nous avons discuté de toute la notion de l'élevage sans antibiotiques.

Quels que soient ces modifications réglementaires, règlements ou restrictions proposés, ils devraient avoir une certaine base scientifique afin de pouvoir négocier. Nous devons avoir une discussion sur des faits et non sur la perception du public et de certains groupes d'intérêts et leur vision du monde.

Nous devons nous en tenir à la science. Si la science dit que les antimicrobiens vont avoir un impact sur les consommateurs, parlons-en. Ne faisons pas de suppositions sans avoir une discussion sur une base scientifique à propos des impacts. Nous sommes en fin de compte une entreprise. S'il y a un marché, je pense que vous aurez ici des producteurs novateurs et créatifs. Ils représentent quelques-unes des plus grandes petites entreprises du Canada si vous voulez voir les choses de cette façon. Ils sont là parce qu'ils croient en leur produit. Ils vont le vendre où ils le peuvent. S'il y a un prix et un marché, vous pouvez être sûrs qu'ils vont se lancer.

Le vice-président : Monsieur le sénateur Dagenais, s'il vous plaît.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Justement, madame la sénatrice Tardif le mentionnait, à la fin de 2016, on ne verra plus sur les étiquettes la fameuse mention, qui visait, je crois, à stimuler la croissance. Vous en avez longuement parlé en ce qui concerne vos pratiques d'élevage, et il faudra évidemment adapter les pratiques d'élevage à cette décision.

J'aimerais parler de l'accord conclu avec l'Union européenne. Évidemment, cet accord, et corrigez-moi si je me trompe, interdit l'utilisation d'hormones de croissance chez les bovins. Est-ce que le fait d'enlever cette mention sur l'étiquette, c'est-à-dire pour stimuler la croissance sans hormones, permettra de favoriser vos exportations vers l'Europe?

[Traduction]

M. Beierbach : Je dirais que cela ne facilitera pas nos exportations vers l'Europe. Il y a une différence entre les hormones de croissance et les antimicrobiens utilisés pour promouvoir la croissance. L'hormone de croissance n'a pas d'incidence sur la santé de l'animal. Soit vous lui en donnez et vous gagnez en efficacité alimentaire soit vous ne lui donnez pas l'implant et il se développe à un rythme plus lent et consomme plus de ressources. C'est simplement fondé sur le coût de l'élevage du bœuf. Si le prix plus élevé le permet, les producteurs le produiront.

En ce qui concerne les antimicrobiens stimulateurs de croissance, leur utilisation varie d'une exploitation à l'autre. Ce n'est pas comme si tout le monde utilisait les mêmes produits. Cela dépend de la situation et de ce qu'ils font. Cela détermine s'ils utilisent ou non certains produits pour élever le bétail.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Encore une fois, corrigez-moi si je me trompe, mais certaines chaînes de restaurants, comme les restaurants A&W et Earls, ont décidé d'acheter leur bœuf en Australie ou aux États-Unis, parce qu'elles prétendent qu'il y a eu utilisation abusive d'hormones de croissance.

Comment pensez-vous vous adapter à cette nouvelle exigence du marché? Évidemment, il s'agit encore de la question des hormones. Que pensez-vous de l'attitude des restaurants A&W et Earls?

On pourrait parler aussi des restaurants Saint-Hubert, au Québec, qui disent à tout le monde qu'ils utilisent du poulet sans hormones. En tout cas, je pense que ce sont des stratégies de marketing, mais j'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.

[Traduction]

M. Lowe : J'ai eu beaucoup de conversations avec Earls. Ils ont trouvé ce qu'ils pensaient être un avantage marketing et cela s'est retourné contre eux. La raison pour laquelle cela s'est retourné contre eux n'a rien à voir avec l'absence d'antibiotiques ou d'hormones. C'est parce qu'ils insinuaient que le bœuf canadien n'était pas élevé humainement et les consommateurs ont estimé que c'était faux. Ils ont immédiatement boycotté les restaurants, tout au moins en Alberta. Je ne sais pas pour le reste du Canada.

Nous avons eu beaucoup d'entretiens avec Earls. J'ai parcouru le Canada pour en parler aux nouvelles. J'ai rencontré le président d'Earls. J'ai passé probablement six heures avec lui sur deux jours et il s'est rendu compte de son erreur.

Notre industrie doit assumer une certaine responsabilité car nous n'avons pas suffisamment promu ce que nous faisons déjà plutôt bien. Ils ont vu là une occasion d'adopter cette désignation sans cruauté qui comprend l'interdiction totale des antibiotiques et l'absence d'hormones.

Pour résumer, Earls a beaucoup souffert de la réaction des consommateurs. Ils vont revenir au bœuf canadien et de l'Alberta. Nous travaillons maintenant avec eux. Ils veulent s'en tenir à leurs principes. Ils veulent de la viande sans antibiotiques. Ils ne veulent pas d'hormones ajoutées et veulent un élevage naturel. Ils ont découvert que notre Code de pratique, adopté par pratiquement tous les producteurs de bétail dans le pays, va beaucoup plus loin dans le traitement humain des bovins que ce que préconise le traitement sans cruauté.

Concernant les antibiotiques, nous parlons avec Earls au sujet de la différence entre l'interdiction totale et l'usage thérapeutique seulement. C'est leur entreprise. J'ai dit à Mo quand je l'ai rencontré que l'aspect positif de tout cela c'est qu'il n'est pas passé au poulet et qu'il continuait de servir de la viande bovine. C'est la première chose. Ils servent toujours du bœuf.

La deuxième chose c'est de savoir où ils vont s'approvisionner. Les détaillants ne savent pas vraiment comment fonctionne l'industrie.

Nous avons la Table ronde canadienne sur la viande durable dont apparemment personne n'avait entendu parler avant l'incident Earls. Des détaillants partout au Canada souhaitent en faire partie, ce qui pour moi est une très bonne chose. Ils feront partie du processus de développement durable. Comment atteindre les critères de durabilité? Ils feront partie désormais du processus et il ne devrait plus y avoir de plans d'interdiction totale.

Le vice-président : S'il n'y a pas d'hormones lorsque la viande arrive sur le marché, ne devrions-nous pas l'annoncer comme de la viande sans hormones?

M. Lowe : Il n'y a rien sans hormones. On ne peut pas dire que c'est sans hormones parce que ce n'est pas le cas. Ce qui est annoncé, c'est qu'il n'y a pas d'hormones ajoutées.

C'est tout à fait différent. Ce sont les antibiotiques qui me gênent vraiment. Nous produirons du bétail sans ajouter d'hormones si le prix en vaut la peine.

Le vice-président : Ne devrions-nous pas dire sans antibiotiques en raison du temps qui s'écoule entre le moment où on cesse d'utiliser les antibiotiques et celui où l'animal est abattu?

M. Lowe : J'ai eu une réunion avec des représentants de Canada Beef ce matin pendant laquelle nous avons parlé d'un programme sans médicaments.

Le vice-président : J'aime cela, oui.

M. Lowe : Ce qui est arrivé avec Earls est une très bonne chose. Si notre industrie et si Earls font ce qu'il faut, cela pourrait être une bénédiction pour l'industrie. Cela nous ferait sortir des sentiers battus parce que nous ne voulons pas que cela se reproduise et Earls ne le veut pas non plus. Ils ont perdu beaucoup d'argent pendant ces deux ou trois jours.

Le vice-président : Je dirais qu'ils ne l'ont pas récupéré.

La sénatrice Unger : Merci beaucoup, messieurs de vos exposés. J'ai deux ou trois questions qui portent sur le début de vos exposés.

Puisque les États-Unis sont notre principal marché d'exportation, qu'arriverait-il s'ils n'adhéraient pas au PTP? Continueriez-vous comme avant? C'est ma première question.

J'en ai une autre. J'aimerais savoir quelle est la différence de prix entre ce que l'on appelle le bœuf naturel et ce que vous vendez.

J'aurais probablement ensuite une troisième question rapide.

M. Beierbach : Si je comprends bien, le PTP n'ira pas de l'avant si les États-Unis n'en font pas partie. Si les États- Unis n'adhèrent pas au PTP, il est vraiment important que nous revenions à un accord commercial bilatéral avec le Japon car c'est ce qui apporterait le plus d'avantages.

Si les États-Unis entrent dans le PTP et si le Canada ne le fait pas, ce serait pour moi le pire des cas car le PTP irait de l'avant et nous perdrions le marché japonais. De plus, les États-Unis, notre principal marché, et le Mexique, qui est le no trois pour la viande bovine sur le marché canadien, seraient ouverts au reste des pays du PTP. L'Australie et la Nouvelle-Zélande accéderaient librement à ces marchés. Cela nous placerait dans une situation difficile dans la mesure où la concurrence serait beaucoup plus intense. Nous n'aurions pas non plus l'avantage de faire partie du PTP au Japon. Ce serait la pire situation.

La sénatrice Unger : Vous m'amenez en fait à ma troisième question. Cela fait plus de six mois que notre nouveau gouvernement est au pouvoir. Pour quelle raison, selon vous, ne ratifie-t-il pas le PTP aussi rapidement que possible?

M. Beierbach : Je n'en sais pas assez pour vous répondre. En dehors peut-être de la gestion de l'offre, tous les secteurs agro-industriels y sont favorables. Je sais qu'en Saskatchewan les industries en régime de gestion de l'offre souhaitent également aller de l'avant avec le PTP. D'après ce que j'ai entendu aux nouvelles, cela aurait peut-être quelque chose à voir avec le secteur automobile et pharmaceutique, il se peut que ces industries exercent des pressions pour freiner le mouvement.

Le vice-président : Il convient toutefois de noter que personne jusqu'ici n'a ratifié le PTP. On ne doit pas être montré du doigt pour n'avoir pas ratifié. Nous sommes tous dans le même bateau. Chacun fait preuve de diligence raisonnable.

M. Beierbach : Oui. Pour ma part, j'ai l'impression que le Japon est sur le point de le ratifier de même que l'Australie et la Nouvelle-Zélande, mais vous en savez autant sinon plus que moi sur ce sujet.

M. Lemon : Je ne peux pas dire s'ils avancent suffisamment vite, mais il y a deux ou trois semaines, nous avons eu l'occasion de parler au Comité permanent du commerce international, justement du PTP. Mon président s'est montré un fervent partisan du PTP et de sa prompte ratification.

J'aurais une réserve, semblable à celle de Ryan Beierbach. Ne perdons pas de vue non plus les efforts bilatéraux. Nous avions tous le sourire aux lèvres en voyant ce que font les États-Unis actuellement, mais suivant le résultat de ce processus, tous nos œufs risquent de se retrouver dans le même panier bilatéral. S'il n'y a pas de progrès là-dessus, nous continuerons d'avoir besoin de ces accords commerciaux.

M. Lowe : Je voudrais répondre à votre deuxième question sur le différentiel de prix. On a fait beaucoup de recherches sur les promoteurs de croissance. Selon le prix de l'orge dans l'ouest du Canada, on utilise l'orge plutôt que le maïs dans l'alimentation du bétail. En fonction du prix de l'orge, le prix peut s'élever à 120 $ par tête. L'un des avantages de l'emploi d'un protocole strict d'implantation des promoteurs de croissance, c'est que, vu le prix de l'orge actuellement, son emploi représente pour nous un avantage portant le prix par tête à environ 105 $.

J'ai acheté un contre-filet chez Costco il y a une quinzaine de jours et il coûtait 17 ou 18 $ le kilo. La semaine dernière, je suis allé au marché local, on y vendait du contre-filet exempt d'antibiotiques, exempt d'hormones, élevé en pâturage et alimenté au grain, comme ils disaient, ce qui veut dire que le bœuf avait été élevé dans un parc d'engraissement sans ajout d'hormones. Je ne saurais dire si on ne lui avait jamais au grand jamais administré d'hormones. Il coûtait 87,15 $ le kilo et il restait invendable.

J'ai remarqué que ce marché de producteurs locaux grouillait de jeunes femmes avec de petits enfants. L'étal du boucher était désert. Pas âme qui vive. Je me suis approché pour regarder les prix et j'ai compris.

C'est cela qui nous attend. Si nous sommes contraints de nous engager dans cette voie, nous condamnons l'industrie à mort ou à une cure d'amaigrissement brutale. On a fait beaucoup de recherches en Alberta. Vous avez peut-être entendu parler de l'Alberta Livestock and Meat Agency. Dans une de leurs recherches, quand les consommateurs franchissent la porte du restaurant, on leur demande s'ils veulent de la viande exempte d'antibiotiques et d'hormones. Si on me le demandait, je répondrais que oui. Puis, ils vont au comptoir de la viande et ils achètent le morceau le meilleur marché. Je pense que l'industrie a besoin d'aide au niveau de la vente au détail pour expliquer ce que veut dire exempt d'antibiotiques et d'hormones. Je crois que la Table ronde canadienne sur le bœuf durable nous aidera à le faire.

La sénatrice Unger : Croyez-vous que l'industrie doive faire davantage pour informer le public, l'éduquer? Je ne sais pas s'il y a des fonds pour s'attaquer à toutes ces questions différentes, mais il est vrai que les préjugés sont répandus dans le public.

M. Lowe : C'est exactement la raison pour laquelle nous avons formé la Table ronde canadienne sur le bœuf durable. C'était pour faire en sorte que tous les participants autour de la table, du détaillant aux producteurs, parlent le même langage.

La sénatrice Merchant : Monsieur Beierbach, c'est vous qui avez abordé cette question. Combien de temps faut-il pour résoudre ce genre de conflit? Disons pour le dernier cas d'ESB. La semaine dernière, au Sénat, je m'entretenais avec un représentant de Taïwan. Vous venez de nous dire que Taïwan et la Corée n'achètent plus notre bœuf. Je pense que c'est à cause du dernier cas d'ESB. C'était il y a combien de temps? Il faut combien de temps pour qu'un cas de ce genre se résorbe?

M. Beierbach : Tout dépend du pays réellement et de sa volonté de le régler. Le dernier cas s'est présenté au mois de février 2015. Cela fait pratiquement un an et demi maintenant. Nous ne savons pas ce qu'ils font pour régler le problème.

Pour ma part, j'assimile cela à une entrave non tarifaire au commerce. Cela ne concerne pas réellement la santé humaine ou la qualité des aliments ou leur sécurité sanitaire. C'est une simple excuse pour barrer l'accès de notre bœuf à ce marché.

Certains pays qui font beaucoup d'échanges commerciaux se montreront un peu plus proactifs et s'efforceront d'accélérer le règlement du problème comprenant bien que s'ils traitent un pays de cette façon dans un cas, ils risquent un retour de bâton sur l'un de leurs produits. Les pays qui exportent moins vers le Canada ont moins de motifs de chercher à en accélérer le règlement.

M. Lemon : Si je me reporte au dernier cas d'ESB, la réaction avait été quasi immédiate. En partie du fait que certains pays font preuve de diligence et disent, « Cherchons à mieux comprendre de quoi il retourne. » Certains de ces marchés se ferment et s'ouvrent de nouveau très rapidement. D'autres saisissent le prétexte et l'intègrent à leur stratégie de défense des intérêts de leurs propres industries, mais cela dépend vraiment.

Il me semble juste de dire qu'après ce cas, nous avons retrouvé assez rapidement notre accès aux différents marchés, mais il continue d'y avoir des traînards. Il est difficile de répondre à cette question.

M. Lowe : Nous avons rencontré la Corée et parlé spécifiquement de toutes les règles de l'OMC que nous devons suivre. L'ACIA a terminé son enquête pourtant la Corée refuse d'ouvrir son marché, donc cela ne dépend plus de nous. Cela ne dépend pas de l'OMC. C'est à eux, évidemment, de prendre l'initiative.

La sénatrice Merchant : Pensez-vous que le gouvernement canadien a fait tout que ce qu'il pouvait? Êtes-vous satisfait des mesures prises du côté canadien?

M. Lowe : Sauf à intervenir sur le plan politique, nous ne pouvons plus rien faire. Le dossier scientifique est complet.

M. Lemon : Cela rejoint ce que je disais à propos du secrétariat à l'accès aux marchés et des ressources dont il dispose. C'est un petit arrière-guichet. Soumis à de nombreuses pressions. Il représente l'industrie du bœuf, l'industrie du porc, et le secteur céréalier. Toute la gamme. Sur tous les marchés. Sa capacité à faire davantage est limitée par ses ressources.

Je dirais que nous devons veiller à ce que le gouvernement ait les ressources pour réagir et faire ce qu'il doit faire. Cela n'est absolument pas une critique des efforts déployés en ce moment, mais les ressources imposent des limites.

La sénatrice Merchant : La Chine est un énorme marché émergeant. J'y étais juste après le Nouvel An. Je sais que notre délégué commercial fait tout ce qu'il peut. Nous l'avons rencontré avec les responsables chinois.

L'Australie a passé un accord avec la Chine. Elle nous devance, à cet égard. Le fait d'être en tête du peloton est également très important. Cela revient à ce que vous disiez qu'avec un secrétariat plus important sur place, cela pourrait sans doute vous aider davantage.

Les Chinois ont également dit que le bœuf canadien était très cher. Ils ne nous ont montré que des comparaisons de prix. Ils nous ont montré le très bel emballage du filet canadien. Et ils ont dit « C'est très, très cher. Le bœuf canadien est hors de prix pour la plupart de nos gens. »

Ce qui me ramène à ce que dit le président depuis le début, à savoir que nous devons nourrir le monde. Je ne pense pas qu'on puisse le nourrir au bœuf. Je sais que vous n'essayez pas de faire manger du bœuf à tout le monde, mais le bœuf est un produit coûteux. Il nous faudra envisager d'autres solutions. Je sais qu'on ne pense pas uniquement au bœuf et qu'il faut voir à long terme.

Vous dites qu'il y a certaines parties de l'animal qu'on ne mange pas, mais que vous pourriez vendre après transformation. À quoi pensez-vous en termes macro?

M. Lowe : Il y a 25 ans, j'ai entendu une présentation du gouvernement de l'Alberta. Le présentateur était un commercial. Cela ne m'est jamais sorti de la tête. Il y a une différence entre le bœuf et le blé, disait-il. Avec le blé, on prête de l'argent à un autre pays. Puis, ils utilisent l'argent pour acheter notre blé et on efface leur dette. Le bœuf, nous ne le vendons pas à ceux qui ne peuvent pas se le payer.

On n'essaie pas de le faire. L'industrie du bœuf du Canada a des prix de revient très élevés. Nous ne visons pas tous les marchés. Nous savons que nous ne pouvons pas fournir tout le monde. Le bœuf canadien, en tant que tel est un produit différencié au niveau mondial, pour ne pas parler de la situation dans notre pays.

Nous ne voulons pas forcer les gens à acheter du bœuf partout dans le monde, mais avec la croissance démographique mondiale, la classe moyenne va aussi augmenter. C'est à la classe moyenne que nous entendons vendre du bœuf. Nous savons que ne pouvons pas nourrir tout le monde.

La sénatrice Merchant : Je suppose que vous êtes tous d'accord avec cela. Il n'y a pas de dispute.

M. Lemon : Il n'y a pas de dispute. Si je comprends bien votre programme de travail, vous aurez la possibilité de visiter le centre d'excellence, plus tard cette semaine. J'ai eu la chance de le voir pour la première fois hier, et votre question m'a rappelé une anecdote.

Il y a un morceau de la carcasse qu'on appelle queue de longe qu'on a l'habitude de jeter dans le seau pour en faire de la viande hachée parce que c'est un morceau que les Nord-Américains ne mangent pas. Au centre d'excellence, on y travaille. Ils l'ont sorti du réfrigérateur et me l'ont montré sur le comptoir. Ils travaillent avec ce produit pour l'accommoder suivant différentes recettes et trouver des moyens d'en faire un bon dîner.

On fait donc des recherches sur ce morceau. Au niveau de l'industrie nous investissons également pour chercher des moyens d'utiliser ces autres découpes pour valoriser toutes les autres. En Amérique du Nord, nous avons une forte préférence pour un nombre très limité de découpes. Nous aimons notre steak.

Avec l'émergence de ces pays, une partie de la population recherchera cette alimentation à l'occidentale. Ils demanderont du filet également, mais il y aura toujours une partie de la population qui recherchera ces autres produits.

Chaque fois que nous valorisons une découpe qui ne part plus dans le seau de la viande hachée, on peut la vendre des dollars la livre plutôt que des cents la livre. Nous investissons dans cette recherche et, avec un peu de chance, vous pourrez voir demain l'excellent travail qui se fait au centre d'excellence.

La sénatrice Merchant : Comme l'Alberta et le Manitoba ont déjà des abattoirs, cela veut-il dire qu'en Saskatchewan, on n'a guère d'espoir d'en avoir? Que se passe-t-il en Saskatchewan? Tout le bœuf vient de chez nous.

M. Beierbach : Selon moi, notre rôle, c'est d'avoir les exploitations de naissage et de bovins semi-finis parce que nous avons le grain. L'un des sous-produits du grain est les criblures. Il y a aussi des terres sur lesquelles on ne peut qu'élever du bétail pour ce qui est de la production alimentaire. On peut les exploiter pour produire des veaux qui vont en Alberta ou aux États-Unis. C'est cela notre créneau, je crois.

L'industrie de l'abattage est un secteur d'affaires très dur. Elle a besoin de main-d'œuvre. Elle doit être à proximité des parcs d'engraissement et des débouchés de vente. La Saskatchewan n'est sans doute pas dans une situation idéale de ce point de vue et l'usine inspectée par le fédéral que nous avons à Moose Jaw pourrait continuer à fonctionner au lieu de rester inactive. Mais au lieu de s'acharner pour une cause perdue d'avance, nous devons chercher à tirer parti de nos atouts et à utiliser nos véritables ressources là où nous sommes le plus concurrentiels.

Le vice-président : Merci. Avant de passer à la prochaine question, je voudrais revenir à celle de la sénatrice Unger concernant le processus d'approbation. On vient de vérifier rapidement. Les détails du PTP n'ont pas été rendus publics avant les élections fédérales. Ils l'ont été depuis et le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes a commencé ses réunions le 28 octobre.

Au vu des derniers chiffres, il a entendu 179 témoins. La ministre Freeland, ministre du Commerce international, a comparu devant le comité pour lancer le processus d'approbation. Elle a indiqué à ce moment-là que la mise en place du processus d'approbation prendrait environ deux ans. Nous n'en sommes qu'au début. Le processus est lancé.

Nous ne devons pas partir de l'idée que nous avons pris du retard dans quoi que ce soit. Je dirais même que le travail de ce comité fait partie du processus et c'est pourquoi nous allons poursuivre en passant aux questions de la sénatrice Tardif, je vous en prie.

La sénatrice Tardif : La Table ronde canadienne sur le bœuf durable a participé à un projet pilote avec les producteurs de l'Alberta. Je crois qu'il s'appelait Projet pilote de McDonald sur le bœuf durable vérifié du Canada et devait s'achever au mois d'avril de cette année. Est-il terminé? Quels sont selon vous les avantages de ce projet pilote?

M. Lowe : J'étais le premier producteur à participer à l'élaboration du premier jeu d'indicateurs pour ce projet de McDonald. Il s'appelait bien Projet pilote de McDonald sur le bœuf durable vérifié du Canada. Pour vous en faire un petit historique, la compagnie voulait tout d'abord se distinguer du reste du marché. McDonald et le Fonds mondial pour la nature ont lancé la Table ronde canadienne sur le bœuf durable. Ils avaient décidé de lancer un projet pilote.

Ils sont venus au Canada, entre autres, parce qu'ils achètent tout leur bœuf au Canada. Nous n'avons que deux grandes installations de transformation, une grande usine de conditionnement et une installation de transformation qui leur fournit leur hamburger. C'était une boucle très étroite. Nous avions le programme sur le bœuf durable vérifié. Nous avions le BIXS, le système d'échange d'informations sur le bœuf, et la Canadian Cattlemen's Association participait à titre volontaire. Le processus a suivi son cours et s'est terminé officiellement le 1er avril de cette année.

McDonald a dit d'emblée, « nous voulons pouvoir dire que nous achetons un pourcentage de bœuf durable vérifié correspondant aux critères établis par la table ronde mondiale en 2016. » Ils doivent tenir leur réunion le 1er juin à Calgary où ils annonceront ces chiffres. Je ne sais pas quels seront ces chiffres.

Pour ce qui est de notre industrie, nous sommes le premier pays au monde qui pourra dire que 182 de ses installations ont suivi le processus. Ne me citez pas pour les chiffres, mais c'est de l'ordre de 40 000 à 50 000 génisses et autour de 700 000 animaux élevés en parcs d'engraissement. Ces installations ont suivi le processus et c'est le nombre d'animaux qui en est sorti.

McDonald peut effectivement dire que la traçabilité est totale. Le producteur doit être vérifié durable. Le parc d'engraissement aussi. Les deux usines sont durables donc il n'y a pas de problème. Si un veau né chez moi va dans un parc d'engraissement qui ne participe pas au programme, ce veau n'est pas compté. McDonald obtiendra des chiffres beaucoup plus réduits.

Leur idée, c'est de présenter à la Table ronde canadienne sur le bœuf durable les conclusions et les outils de vérification utilisés pour conférer la dénomination que le projet pilote de McDonald a mise au point. La table ronde est en train de le faire donc on est dans une espèce de transition.

McDonald n'a pas simplement dépensé 2 millions de dollars pour faire cela et tout laisser tomber ensuite. Le plus dur sera de tracer la voie d'une transition vers ce modèle dans l'ensemble de l'industrie au Canada. Nous sommes le seul pays au monde qui, à compter du 1er juin, pourra dire qu'il produit du bœuf durable vérifié.

La sénatrice Tardif : Pensez-vous que ce mécanisme de certification par un organisme tiers puisse ouvrir de nouveaux débouchés?

M. Lowe : Je l'espère bien. Mon impression sur toute cette histoire de licence sociale de durabilité, c'est que dans les années à venir vous n'aurez pas votre place dans les échanges commerciaux si vous n'avez pas satisfait aux exigences d'un organisme ou d'un autre pour obtenir un label de producteur vérifié.

Nous avons constaté qu'aux États-Unis, il y a quelque 400 labels de certification différents, au dernier décompte, et que n'importe qui peut en créer un. Au Canada nous voulons mettre en place quelque chose de vraiment crédible, et cela prendra un certain temps.

La sénatrice Tardif : Vous voulez dire une marque canadienne?

M. Lowe : Oui.

La sénatrice Unger : C'est plus un commentaire qu'une question. Vous parlez de McDonald. Dans ma vie antérieure d'infirmière agréée, j'avais ma propre société de services d'infirmerie. On s'occupait de santé et de sécurité au travail. Nous avions l'usine Carvel à Spruce Grove comme client. À l'époque, ils avaient également des inspecteurs fédéraux des viandes, mais nos infirmières faisaient toutes leurs évaluations de santé avant qu'ils n'engagent le personnel. Je les ai vus à leurs tout débuts et je suis contente d'apprendre qu'ils poursuivent leurs activités.

La sénatrice Merchant : Les goûts des gens changent. Nous appartenons à une génération différente. Une génération plus jeune nous suivra et j'aurai des questions à lui poser, mais j'ai constaté que l'industrie de la restauration rapide diversifie ses options également. Ils servent des salades maintenant tandis que, dans les pays en développement, la viande est un luxe et ceux qui peuvent se le permettre affluent au McDonald et à ce genre d'endroit. C'est s'offrir un caprice.

Au Canada, je ne sais pas si c'est un courant, mais on commence à dire qu'il faut s'écarter de la viande rouge, ne pas trop en manger. Comment faire face à cela?

M. Lowe : La question est posée. Depuis que ce projet sur le bœuf vérifié durable a été lancé, McDonald vend plus de poulet que de bœuf au niveau mondial. Cela nous préoccupe vivement. McDonald est une entreprise. Je ne veux pas faire de la publicité pour McDonald, mais lorsque nous avons lancé ce programme, ils avaient cinq entreprises distinctes faisant un chiffre de plus de 1 milliard de dollars. Que des hamburgers. Ils ont dit également que s'ils ne pouvaient pas gagner de l'argent en vendant des hamburgers, ils vendraient autre chose.

C'est à nous, l'industrie, de faire en sorte que notre produit reste attrayant pour l'acheteur. On ne le leur fera pas acheter de force. Je commence à penser que la science est toujours bonne. C'est très bien de l'avoir en arrière-plan, mais les gens en ont marre de l'équation promoteurs de croissance-environnement. Ils n'en veulent plus.

Il nous faut trouver une issue et je pense que c'est du côté de la vente au détail qu'il faut chercher. Je reviens à la Table ronde canadienne sur le bœuf durable. C'est à cela qu'elle sert, à nous aider à nous passer de la mauvaise science. Il existe un mouvement qui veut débarrasser le monde du bétail, grand bien leur fasse. C'est un débat qui ne nous intéresse pas. Nous avons tout ce qu'il faut pour nous défendre sur le plan scientifique, mais nous avons cherché à convaincre les jeunes du nouveau millénaire que c'est bon pour tous.

Un de mes amis disait l'autre jour qu'on a l'économique, l'environnemental et le social : « Parlez aux jeunes, la rentabilité économique semble être le cadet de leurs soucis. » Ils lisent et entendent un tas de choses. Certaines fausses. La plupart sans doute, parce qu'on trouve tout ce qu'on veut sur Google. La grand-mère de l'un est morte du cancer et la viande rouge pourrait être en cause. Sitôt que cela se produit, ils cessent aussi de se préoccuper de l'environnement.

Il nous faut travailler sur la licence sociale. Nous avons l'exemple du bilan lamentable des forêts et du secteur pétrolier. Nous devons faire mieux.

Le vice-président : Vous avez abordé de nombreuses questions. Vous avez suscité un certain débat parmi nous, ce qui est très bien. Ce qui se passe à la Chambre des communes autour du PTP est très intéressant, mais tous les autres pays ont les yeux rivés sur ce qui se passe aux États-Unis parce que rien ne bougera avant que l'on sache ce qu'ils vont faire.

L'un des candidats à la présidence est partisan du PTP. On ne sait pas trop ce que veut l'autre gars, de quoi il est partisan. Il n'est question ici que du PTP. On ne sait pas trop de quoi il est partisan non plus sur d'autres questions.

Rien ne bougera en attendant les élections américaines, point final. Le fait que de notre côté nous fassions preuve de diligence raisonnable est une excellente chose. On peut espérer que notre rapport sera pris en compte dans ce processus de diligence parce que nos interlocuteurs sont bien choisis. Aussi bien vous, que ceux auxquels nous parlons partout au pays.

Je vous remercie infiniment d'être venus. Nous voici bien documentés. Vos réponses tapaient juste. Vous avez contribué à notre éducation, cela fait partie du processus, et je voudrais vous en remercier.

Si tout d'un coup, en partant, il vous revient quelque chose que vous avez oublié de nous dire, n'hésitez pas à prendre votre plume ou votre clavier pour envoyer au greffier une note. Il nous en fera part et cela sera intégré à notre rapport. Merci.

Pour notre dernier groupe de travail de cet après-midi, nous avons le plaisir de recevoir M. Darcy Fitzgerald, directeur exécutif d'Alberta Pork; M. Andrew Dickson, directeur général de Manitoba Pork; et M. Don Janzen, président de HyLife. HyLife est une société manitobaine qui vend des produits de porc exceptionnels dans le monde entier y compris au Japon, en Chine et en Russie. Tout cela est mis par écrit. Je pensais que tous les produits de porc canadiens étaient exceptionnels, mais quelqu'un a voulu distinguer les vôtres.

Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Je vous demanderai dans un instant de commencer. Les présentations de nos témoins seront suivies d'une période de questions et de réponses. Chaque sénateur disposera de cinq minutes pour poser des questions et recevoir des réponses avant que je ne passe au suivant.

Par conséquent, je vous demanderai d'être succincts dans vos questions et à nos invités d'être brefs et concis dans leurs réponses. Avec un groupe de cinq sénateurs, nous avons réussi à avoir au moins deux tours de parole à chaque séance jusqu'ici, nous espérons que cela continuera.

Monsieur Fitzgerald, vous avez la parole.

Darcy Fitzgerald, directeur exécutif, Alberta Pork : Au nom de l'Alberta Pork Producers' Development Corporation, je voudrais dire merci au comité de nous donner l'occasion de présenter nos vues sur les avantages du commerce international et les implications d'accords comme l'Accord de libre-échange Canada-Union européenne et l'accord de Partenariat transpacifique.

Voilà plus de 47 ans que notre organisation représente l'ensemble de l'industrie ici, en Alberta, et agit à titre d'organisme à but non lucratif aux termes de la loi provinciale sur la commercialisation. Les programmes et services que nous offrons servent à renforcer et améliorer l'industrie du porc. Nous représentons également les intérêts de nos producteurs et faisons entendre leur voix auprès du gouvernement et du public.

Notre financement repose sur un mécanisme de prélèvements obligatoires, mais remboursables, basés sur le nombre de porcs de marché produits, qui est très différent de ce qui se fait dans les autres provinces.

Nous représentons également 13 p. 100 environ de l'ensemble de l'industrie canadienne pour ce qui est de la production porcine. Bien que notre part ne soit que de 13 p. 100, nous sommes heureux de pouvoir vous dire que nous accueillons la deuxième installation de transformation au Canada. Nous avons également deux autres transformateurs agréés par le fédéral. Une grande partie de leur production est destinée à l'exportation.

En outre, l'Alberta est également le principal fournisseur de porcs sur le marché de la Colombie-Britannique. Dans la plupart des cas, ces porcs sont destinés aux marchés asiatiques après transformation dans les installations fédérales.

En 2015, Statistique Canada évalue notre production à 3,3 millions de porcs. Elle est peut-être légèrement inférieure, mais disons que l'Alberta a produit 3,3 millions de porcs et en a transformé environ 2,8 millions. Sur ce volume d'environ 252 000 tonnes, 57 p. 100 ou encore 144 000 tonnes de ce produit ont été envoyés à l'exportation pour une valeur légèrement supérieure à un demi-milliard de dollars. De plus, comme vous vous en souviendrez, les porcs qui vont à la Colombie-Britannique représentent environ 35 000 tonnes et la plupart proviennent d'élevages en Alberta.

Environ 45 p. 100 de ce demi-milliard d'exportations, soit 228 millions de dollars, sont absorbés par le marché japonais. C'est un marché très important pour nous et environ 52 p. 100 de toutes les exportations hors de la province sont destinées à des signataires de l'accord de Partenariat transpacifique.

Lorsqu'on examine les perspectives pour nous dans les pays qui pourraient devenir membres du PTP, le chiffre des exportations d'aujourd'hui passerait à environ 99,5 p. 100. Le PTP lui-même, en tant qu'accord commercial, revêt une grande importance pour notre province.

Compte tenu de la situation de nos producteurs et de nos installations fédérales qui exportent vers ce marché fortement tributaire des exportations et compte tenu des nouveaux accords commerciaux et en particulier de ce partenariat, nous suivrons de très près l'évolution des prochaines négociations.

Les pays signataires du PTP représentent environ 40 p. 100 de l'économie mondiale sans compter les nouveaux membres potentiels qui apporteraient une contribution substantielle à l'accroissement de la part du PTP dans l'économie mondiale.

L'industrie porcine en Alberta représente une production économique substantielle. En 2014, nous avons mené une étude de son impact sur notre économie. En tenant compte des incidences directes et indirectes, il se chiffre à environ 1,6 milliard de dollars et 7 000 emplois avec un revenu brut d'environ 670 millions de dollars tiré de la vente des produits.

Les deux accords, le PTP et l'AECG nous mettent réellement sur un pied d'égalité avec les autres concurrents. C'est ainsi que l'industrie perçoit la situation, surtout par rapport à nos principaux concurrents, les États-Unis et l'Union européenne. Tous les intervenants sur ces marchés sont soumis aux mêmes conditions d'accès et autres.

Le PTP donnera la possibilité au Canada de négocier les conditions, comme je l'ai dit plutôt, avec d'autres pays qui cherchent à adhérer à l'accord comme la Corée du Sud, les Philippines et la Thaïlande. Nous risquerions fort de perdre le marché japonais de 228 millions de dollars si nous ne participions pas aux efforts pour conclure le PTP.

L'industrie canadienne estime également que la mise en place de l'accord, dans le seul marché japonais, pourrait représenter un chiffre d'affaires de 300 millions de dollars pour l'ensemble du Canada au cours des quatre premières années.

Nos économies, au Canada et en Alberta, reposent sur le commerce et les produits d'exportation. Les produits agricoles et alimentaires, dont les autres pays ont grandement besoin, sont au cœur des échanges commerciaux. Ne pas participer à cet accord aurait un effet négatif sur notre secteur porcin et sur la rentabilité économique de notre industrie, qui entraînerait des pertes d'emplois et des fermetures parmi les producteurs les transformateurs et les exportateurs de produits porcins.

Le Canada a été fondé sur le commerce. Il s'est hissé aux tout premiers rangs des échanges mondiaux dans de nombreux secteurs. Ce genre d'accord nous offre la possibilité d'améliorer considérablement notre économie en stimulant la croissance dans de nombreux secteurs et en créant de réelles opportunités, je parle de réelles opportunités pour la prochaine génération d'agriculteurs.

Sur ces mots, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de parler avec vous.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Fitzgerald. Nous passons maintenant à monsieur Dickson.

Andrew Dickson, directeur général, Manitoba Pork : Merci de nous avoir invités. Le Manitoba Pork Council souhaite remercier le comité de nous avoir donné cette occasion de vous exposer notre point de vue sur l'implication de la ratification par le Canada de l'AECG et de l'accord de Partenariat transpacifique.

Notre conseil représente les intérêts des producteurs de porcs au Manitoba. Nous différons des autres conseils dans ce sens que les deux grandes sociétés de transformation, HyLife et Maple Leaf, sont indirectement représentées au sein de notre conseil d'administration, cas unique au Canada.

Dans sa forme actuelle, notre conseil a été créé il y a 20 ans, même si sa fondation remonte à la création de la commission de commercialisation du porc des années 1960. Nous avons été créés par une loi provinciale sur la commercialisation des produits agricoles afin de mettre en place des programmes et dispenser des services visant à renforcer et développer le secteur porcin dans la province et à représenter les intérêts de tous les producteurs à tous les paliers de gouvernement. Notre financement repose sur un mécanisme de prélèvements obligatoires sur les porcs vendus aux abattoirs de la province et sur les porcelets sevrés destinés à être exportés hors de la province.

Quelques statistiques suffiront à illustrer notre dépendance à l'égard des exportations et de ces nouveaux accords commerciaux. Selon Statistique Canada, il y a environ 550 exploitations qui produisent plus de 8 millions de porcs, dont 4,5 millions sont transformés au Manitoba et un peu plus de 3 millions de porcelets sevrés et de porcs d'engraissement sont exportés, essentiellement vers les États-Unis.

Le Manitoba est la province qui produit et exporte le plus de porcs au Canada avec 29,6 p. 100 de la production canadienne en 2015. La valeur de la production de porcs pour l'année 2015 est estimée à 1,03 milliard de dollars. Nous achetons environ 2 millions de tonnes de céréales fourragères et de farines d'oléagineuses, soit l'équivalent de 20 p. 100 de la récolte du Manitoba.

Les producteurs de porcs du Manitoba, comme industrie, sont entièrement tributaires des ventes à l'exportation. Le Manitoba transforme plus de 5 millions de porcs soit 20 p. 100 des porcs abattus au Canada. En plus des nôtres, nous importons aussi des porcs de la Saskatchewan. La part de nos usines de transformation dans les exportations canadiennes de porcs, en valeur, pour l'année 2015, est légèrement inférieure à un quart soit 23,2 p. 100.

L'usine de HyLife est le plus gros exportateur de porcs au Japon, de toutes les usines du Canada. Plus de 250 millions de kilos de produits de porcs du Manitoba ont été exportés à destination de 30 pays de par le monde pour une valeur de 799 millions de dollars en 2015. La moitié environ consistait en morceaux frais ou réfrigérés, 40 p. 100 en morceaux congelés, et le reste était des salaisons et des conserves.

Alors que 25 p. 100 du total a été vendu aux États-Unis, ce pourcentage a pu se réduire à 2 p. 100 selon le taux de change. Le Japon est de loin le marché du porc le plus grand et le plus lucratif du monde. En valeur, presque la moitié de nos produits de porcs sont vendus au Japon, mais seulement un tiers en volume. Les ventes de produits de porcs hors du Canada représentent presque 75 p. 100 de toutes les ventes. Le secteur emploie entre 12 000 et 13 000 employés et constitue l'essentiel de l'industrie manufacturière et de transformation de produits alimentaires dans la province.

Le 18 octobre 2014 et le 5 octobre 2015, jours de la signature respectivement de l'AECG et du PTP, font date pour nos producteurs. Le premier représente un nouveau marché dans un sens, qui ne représentait que 6 000 tonnes de produits de porc auparavant. L'UE est le seul marché de consommation de porcs important auquel l'industrie canadienne du porc n'avait qu'un accès limité, avec une population de 500 millions de personnes et une consommation de plus de 20 millions de tonnes de porc. Le nouvel accord ouvre maintenant un potentiel de vente de 85,000 tonnes de produits de porc.

Il reste beaucoup à faire pour surmonter certaines entraves techniques aux échanges. Notre organisation nationale a une mission en visite à Bruxelles cette semaine pour aborder ces questions avec les responsables. L'UE bénéficie d'un accès ouvert à notre marché depuis des années.

Pour ce qui est du PTP, il est potentiellement très lucratif pour l'industrie du porc du Manitoba. En 2014, le Manitoba a exporté plus de 175 millions de kilogrammes de produits de porc vers seulement sept des 12 membres du PTP. Cela représente un chiffre d'affaires de 677 millions de dollars pour nos producteurs. Les États-Unis sont notre principal concurrent sur les marchés internationaux encore que l'Union européenne soit très présente sur le marché des congelés au Japon.

Le facteur fondamental de cet accord, c'est qu'il nous donnera le même accès à ces marchés que les États-Unis. Nous ne pouvons faire la même gaffe qu'avec l'accord de libre-échange avec la Corée du Sud lorsque nous avons tardivement signé en acceptant les conditions négociées par les États-Unis. Nous sommes restés à la traîne durant la période d'introduction des réductions tarifaires et avons perdu des ventes dans un marché à haute valeur ajoutée. L'un de nos transformateurs indiquait avoir perdu plus de 70 millions de dollars en ventes annuelles destinées à l'un des principaux détaillants de la Corée du Sud. Cela prendra des années pour récupérer notre part de marché dans ce marché.

Pour ce qui est des avantages directs, nous visons spécifiquement une augmentation des ventes sur le marché japonais en raison de l'abaissement des tarifs pour certains produits et d'une augmentation de la demande des détaillants. Le mécanisme japonais de seuil de prix vise à maintenir un niveau de prix élevé pour la production nationale de porcs afin de protéger les producteurs.

Alors que le porc est la principale viande rouge au Japon, il est relativement cher par rapport aux prix intérieurs canadiens. Avec l'abaissement des barrières tarifaires, nous devrions pouvoir accroître notre volume de vente, en particulier pour les découpes de moindre valeur et augmenter notre part de marché pour les autres découpes et les produits transformés. Selon une étude, le Canada pourrait augmenter son chiffre de vente de porcs au Japon de 300 millions de dollars avec l'abaissement des tarifs. Le Manitoba s'attribuera une part importante de cette croissance.

À l'avenir, le marché du Vietnam, avec ses 90 millions d'habitants qui consomment principalement du porc comme viande rouge, sera particulièrement ciblé par nos transformateurs. Avec l'essor rapide de son économie sur la voie de la prospérité et l'amélioration du niveau de vie, sa consommation de porc est appelée à augmenter, sur la base de notre expérience, en particulier celle des classes moyennes mieux loties, en expansion.

Si les États-Unis en viennent à ratifier l'accord et le Canada reste sur la touche, les producteurs du Manitoba seront les premiers à en pâtir. La perte du marché japonais au profit des États-Unis serait la plus grosse catastrophe ayant jamais frappé nos producteurs. Nous serons contraints de réduire énormément nos capacités de production, ce qui se traduirait par des licenciements massifs dans l'industrie de transformation à Brandon, Neepawa et Winnipeg. Les producteurs perdraient du même coup leurs fermes et leurs moyens d'existence.

Je voudrais terminer sur une note positive. Nous disposons d'un énorme potentiel pour développer nos activités avec une abondance de terre et d'eau. Notre secteur de la transformation a besoin d'encore 1 ou 1,2 million de porcs pour mettre ses capacités de transformation au niveau des installations de taille similaire aux États-Unis.

Notre conseil ne ménage pas ses efforts pour élaborer des programmes visant à encourager l'augmentation de la production de porcs en fin d'engraissement dans nos élevages avec pour effet d'améliorer l'efficacité-coût de nos installations de transformation. Quelque 40 p. 100 de nos producteurs peuvent rivaliser avec l'Iowa, le producteur de porcs au prix de revient le plus bas de la planète, et 30 p. 100 ont un prix de revient qui ne s'écarte que de 5 $ de celui du producteur moyen de l'Iowa.

Nous avons besoin de programmes d'assistance, soutenus en partie par le gouvernement et les institutions financières privées, pour faire face aux problèmes de gestion de trésorerie sur la durée du cycle de production, ainsi que de programmes d'assurance pour couvrir les risques liés à la mortalité et aux appels de marge.

Nous estimons avoir besoin de lever au cours des cinq années à venir entre 160 et 180 millions de dollars en nouveaux investissements pour environ 80 nouvelles fermes d'engraissement. À plus long terme, nous aurons besoin d'encore 1,6 milliard de dollars pour commencer à remplacer les étables construites dans les années 1990 sur plus de 600 sites.

Pour mettre les choses en perspective, les producteurs de l'Iowa construiront, cette année seulement, 130 nouvelles étables. Aux États-Unis, on prévoit actuellement de construire cinq nouvelles installations de transformation pour 11 millions de porcs. La moitié environ de la production totale du Canada.

La production mondiale de porc augmente chaque année d'un montant équivalent pratiquement à la production totale du Canada. En 2014, selon diverses sources, la Chine aurait réduit son troupeau de truies de 14 millions de têtes. C'est deux fois le nombre total de truies au Canada et aux États-Unis. Ces quelques statistiques vous aideront à mettre la production canadienne en perspective.

J'en ai fini avec mes commentaires, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci, monsieur Dickson.

Avant de poursuivre, je souhaite remercier M. Janzen pour sa générosité et l'hospitalité dont il a fait preuve à l'égard du comité par le passé. L'ironie veut qu'aucune des cinq personnes qui siègent autour de la table n'ait pris part à ce voyage. Je suis le membre le plus ancien du comité et je devais être malade ou occupé par d'autres affaires du Sénat à ce moment-là. Je n'ai pas participé au voyage bien que je siège au comité depuis plus longtemps que quiconque, mais je me souviens de ce voyage et des échos que j'ai eus de mes collègues à leur retour montrant combien ils avaient apprécié votre hospitalité lors de leur visite à HyLife. Nous vous remercions pour cela pour ce qui est du passé, et maintenant nous attendons avec impatience votre présentation.

Don Janzen, président, HyLife : Merci, et bonjour à tous les membres du comité permanent. Nous apprécions votre invitation à participer à ce forum.

Nous avons chez nous deux gars, Grant Lazaruk et Guy Beaudry, qui seraient bien meilleurs pour faire la présentation et répondre à vos questions, mais ils avaient déjà d'autres engagements alors je me suis porté volontaire.

Le vice-président : Nous devrons nous coltiner le patron.

M. Janzen : Oui, ce n'est pas toujours bon.

Tout d'abord, je vous dirai quelques mots de HyLife. HyLife a été fondée en 1994. C'était une coentreprise qui est rapidement devenue le principal producteur de porcs du Canada avec une production annuelle de 1,7 million de porcs au Canada et aux États-Unis. Le siège social de HyLife est à La Broquerie, au Manitoba, et nous vendons des produits de porc dans le monde entier.

Notre société s'engage à produire des produits de haute qualité sains et nutritifs. Nous prenons les mesures qui s'imposent pour que nos produits répondent aux normes les plus strictes de l'industrie dans le respect des normes environnementales durables. Nous tenons également à offrir à nos 1 800 employés un environnement de travail sûr et gratifiant.

Nous sommes une société intégrée verticalement. Par quoi il faut entendre que nous produisons nous-mêmes les aliments pour nos animaux. Nous avons des meuneries partout au Manitoba et au Dakota du Nord. Nous avons des flottes de véhicules pour assurer le transport des aliments et du bétail. Nous avons une société de construction qui a construit la plupart de nos étables. Nous avons une société de gestion du fumier qui s'occupe du traitement de tous les déchets de manière durable. Nous avons également un centre de distribution et de fabrication puis, en 2008, nous avons acheté l'usine de Neepawa.

Nous avons aussi des partenariats stratégiques et je vous parlerai de l'un d'entre eux. Nous avons un partenariat en Chine où, avec un autre partenaire sur place, nous produisons environ 600 000 porcs.

Les pages suivantes donnent une brève description de HyLife. Pour ceux d'entre vous qui ont la brochure sous les yeux, vous pouvez voir qu'en 1998 nous avions environ 50 employés et nous en sommes aujourd'hui à 1 800 environ.

La page suivante donne un résumé de notre revenu brut sur une période donnée. En 2006, notre revenu brut annuel était un peu supérieur à 100 millions de dollars. L'année dernière, il était d'environ 650 millions de dollars.

La page suivante présente nos marchés d'exportation. Comme vous pouvez le voir, notre plus gros marché d'exportation est le Japon, comme le disaient MM. Dickson et Fitzgerald. Il s'agit d'un marché qui est très important pour nous. Il est vital pour notre succès. Le second serait la Chine, puis, le Canada et les États-Unis. Les autres sont également énumérés, comme la Russie, la Corée, le Mexique et les Philippines. Naturellement, nous avons quitté la Russie, il y a un an environ.

Sans entrer dans les détails de la page suivante, on voit la totalité des exportations de différents pays à destination du Japon. On voit que le Canada est un des principaux fournisseurs de porcs du Japon.

Compte tenu des attentes et des préoccupations des parties prenantes canadiennes de l'agroalimentaire, nous avons besoin de l'accès au marché. Le Canada exporte 70 p. 100 de sa production porcine et doit conserver un accès concurrentiel au marché. Parmi les entraves qui continuent de gêner les échanges aujourd'hui, et il y en a eu beaucoup au fil des ans, citons la Chine qui retarde l'approbation des produits congelés canadiens; les États-Unis qui négocient un accord commercial nettement meilleur avec la Corée que le Canada, comme l'a mentionné M. Dickson en passant; et en ce moment la Russie qui impose des restrictions aux échanges avec le Canada, les États-Unis et l'UE.

On travaille actuellement sur l'accord du Partenariat transpacifique. Le Canada doit en faire partie et nous devons impérativement être sur un pied d'égalité avec nos concurrents, en particulier les États-Unis. Le Japon est notre plus gros client avec 120 millions de personnes. Le PTP nous ouvrira également d'autres portes, notamment celle du Vietnam, avec ses 90 millions d'habitants. Il y a bien sûr d'autres pays

Nous avons également besoin d'une main-d'œuvre durable. HyLife s'est développée rapidement dans des zones rurales en grande partie parce qu'elle a pu avoir accès à la main-d'œuvre. Les modifications politiques d'immigration au niveau fédéral ont considérablement gêné l'accès à la main-d'œuvre nécessaire pour les usines et les fermes. Le Manitoba connaît un taux de chômage de 6 p. 100 ce qui veut dire que très peu de personnes sont à la recherche d'un emploi.

Des améliorations à la chaîne de production : le Canada est un chef de file dans la vente de viande de porc réfrigéré au Japon et a la possibilité de pénétrer les marchés d'autres pays, dont la Corée, comme je l'ai dit plus tôt. Notre industrie et HyLife collaborent avec Canada Porc International pour accroître notre part de marché et fournir des produits ayant une durée de conservation plus longue comme facteur clé de différentiation. Une durée de vie plus longue atténue également l'acuité de problèmes comme ceux que nous avons dû affronter en 2014 avec les arrêts de travail liés aux mouvements des conteneurs dans les ports. Notre industrie a également besoin d'améliorations technologiques constantes.

Je dirais maintenant quelques mots des facteurs réglementaires. Le gouvernement fédéral procède à une modernisation du cadre réglementaire de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA. Nous sommes d'accord avec l'orientation de cette initiative, qui présente toutefois certaines difficultés, liées notamment au manque de ressources nécessaires pour assurer la transition. L'ACIA met en place un Centre national de services à l'exportation. C'est un engagement qui a été pris il y a 12 mois et qu'il convient de mettre en œuvre sans tarder. J'ai parlé du retard dans l'approbation des produits réfrigérés canadiens en Chine. L'ACIA n'a pas su communiquer de manière efficace les messages de l'industrie auprès des pays importateurs.

On m'a parlé d'un transfert accordé à Dre Elham Girgis, une vétérinaire à l'ambassade canadienne en Chine. Cela a été une perte pour nous également parce qu'elle était très bien informée de la situation.

Résolution des problèmes d'importation liés au scellement des conteneurs : il nous faut normaliser les systèmes pour tous les pays importateurs. Nous avons vu ce que les États-Unis ont fait et le Canada n'a pas fait respecter les exigences d'étiquetage de l'ACIA.

Un protocole frontalier adéquat en matière de biosécurité pour la DEP : l'ACIA a appliqué un vieux règlement qui n'est pas efficace et qui présente un risque pour nos fermes en matière de DEP. Cela a eu un effet dévastateur sur l'industrie américaine, il y a quelques années. Cela ajoute également des frais supplémentaires de 20 à 47 cents par porc à notre coût de production.

J'ai également joint l'annexe A. Je vous en dirai seulement qu'elle traite de la biosécurité aux frontières en matière de DEP. Cela a été rédigé par quelqu'un de Steve's Livestock, probablement l'une des plus grosses entreprises du secteur porcin de l'Ouest du Canada.

Compétitivité et rentabilité du secteur agroalimentaire canadien : l'industrie du porc des États-Unis se modernise en ouvrant cinq nouveaux abattoirs dans les trois années à venir. Cela se traduira par une augmentation de leur production de 8 p. 100.

La production canadienne de porc est concurrentielle grâce à notre accès aux aliments. Cependant l'industrie canadienne du porc souffre sur le plan économique à cause d'économies d'échelle plus petites, de difficultés pour attirer une main-d'œuvre qualifiée sur le plan national et, maintenant, sur le plan international, d'un excédent de capacité dans les abattoirs, et de coûts élevés de construction tant pour les étables que pour les installations de transformation.

Solutions : un programme d'amélioration continue de l'abattage. Nous avons également un programme qu'on appelle « Cultivons l'avenir » qui rend de grands services. La mise en place de programmes de crédits à l'investissement plus robustes et audacieux devrait probablement être envisagée.

Merci.

Le vice-président : Merci pour vos présentations. Nous passerons aux questions dans un moment, mais je souhaite poser une question à M. Janzen.

Vous insistez sur certains défis. Le transfert de la vétérinaire de l'ambassade canadienne en Chine a représenté une perte substantielle, je veux bien le croire, mais était-ce à sa demande ou à l'initiative du gouvernement? Vous ne le savez peut-être pas.

M. Janzen : Je ne le sais pas, mais c'est Guy Beaudry qui me l'a signalé, le directeur de l'usine de Neepawa, que c'était une perte pour l'industrie qui aura davantage de mal à promouvoir sa cause parce qu'apparemment, elle était très ferrée.

Le vice-président : Il y a longtemps que ce transfert a eu lieu?

M. Janzen : Je ne suis pas sûr. C'est plutôt récent, je crois.

Le vice-président : Je pense qu'il vaut la peine de noter que si le ministre MacAulay comparaît devant nous, nous soulèverons la question. Nous espérons le voir bientôt. C'est une question de personnel, et qui sait ce que cela recouvre? Vous dirigez une grande entreprise. Vous savez mieux que moi qu'il vaut la peine de s'assurer que le ministre est informé de ce besoin.

Ma dernière question s'adresse à vous trois. Si nous signons le PTP et si les marchés s'ouvrent à nous et s'il existe une demande pour davantage de produits, sommes-nous en mesure de la satisfaire? De combien de temps avons-nous besoin à partir du moment de la signature du PTP pour nous donner les moyens de produire assez pour répondre à la demande supplémentaire?

La troisième partie de cette question : quelles sont les conséquences sur le plan de l'emploi? Je ne parlerai pas du Programme des travailleurs étrangers temporaires ou du programme d'immigration. Je vous demande seulement quelques chiffres pour nous fixer les idées.

M. Janzen : Je commencerai, puis, MM. Fitzgerald et Dickson pourront compléter.

Oui, je crois que nous pouvons répondre à la demande supplémentaire. Tout d'abord, comme nous l'avons dit plus tôt, nous devons faire partie de l'accord. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.

Le vice-président : Oui.

M. Janzen : On exporte beaucoup de porcelets sevrés aux États-Unis actuellement. Je pense que nous pourrions mettre en place des programmes, M. Dickson a fait allusion à certains d'entre eux, permettant de construire davantage de parcs d'engraissement au Canada, en particulier dans l'Ouest du pays.

Nous avons des capacités dans les installations de transformation et de production de porc qui sont sous-utilisées. Nous avons beaucoup de terres ici dans l'Ouest du Canada, du Manitoba, en Saskatchewan, et en Alberta où nous pourrions construire des étables et utiliser l'engrais produit par les porcs.

Le vice-président : J'ai posé une question à propos de l'emploi. Combien d'emplois cela pourrait-il contribuer à créer?

M. Janzen : Je laisserai le soin de répondre à M. Dickson. Il est mieux placé que moi pour le faire.

Le vice-président : Monsieur Dickson, allez-y. Soyez à l'aise.

M. Dickson : Dans la province, ce n'est pas que les emplois à la ferme. Il y a les emplois de services qui gravitent autour, les vétérinaires, les plombiers, les électriciens; les emplois dans les usines de transformation; les chauffeurs de camion; les gens qui s'occupent de l'emballage et du transport des marchandises. Il y a le matériel qui vient de l'usine de Brandon, par exemple. Maple Leaf s'approvisionne à l'usine de Winnipeg, et il y a plus d'emplois à Winnipeg. Puis, le produit part de là.

Un jour, nous avons fait la liste de toutes les compagnies pour voir qui employait qui et combien de personnes et nous sommes arrivés au chiffre de 13 000 au Manitoba. Si l'on pouvait produire 1 million de porcs de plus, c'est-à-dire 20 à 25 p. 100, on créerait sans doute de 2 000 à 3 000 postes de travail dans la province du Manitoba seulement. On verrait la même chose se répéter parce que d'autres entreprises en Saskatchewan et en Alberta bénéficieront également de ce genre de demande.

Le vice-président : C'est un changement substantiel.

Je suis le seul sénateur de l'Est, alors je dois poser cette question. Vous continuez de parler d'une industrie implantée dans l'Ouest du Canada en particulier dans les prairies. Y a-t-il une raison qui fait qu'on ne parle pas de l'industrie de l'Est du Canada?

M. Fitzgerald : C'est parce que nous sommes implantés dans l'Ouest du Canada, j'imagine, que l'on parle de l'Ouest du Canada, mais les statistiques vous diront que le Québec est le plus gros producteur de porcs du pays. Le Manitoba et l'Ontario se disputent la deuxième place à l'heure actuelle.

M. Dickson : Ce n'est pas une compétition.

M. Fitzgerald : Ce n'est pas une compétition. Les gars, vous prenez la tête, très bien.

Le vice-président : Ils ne sont pas dans la salle.

M. Fitzgerald : C'est exact.

Le quatrième serait l'Alberta et le cinquième la Saskatchewan. Évidemment, il y a un plus grand nombre de porcs dans l'Est du Canada, au Québec et en Ontario.

Si je peux revenir à votre question, sénateur, sur notre capacité de répondre à la demande, quand on voit les installations en place aujourd'hui, en particulier au Manitoba et en Alberta, on est largement en dessous de nos capacités par rapport au nombre de porcs qui entrent dans les installations. On a plus de capacités pour produire du porc qu'on ne met réellement de porcs dans ces installations. C'est en grande partie liée à la valeur de ce porc. Plus on traite, on empaquette et on expédie de porcs à l'exportation vers des pays qui payent mieux, comme le Japon, plus la valeur de ce porc augmente. Le revenu qu'en tire le producteur devrait également augmenter, ce qui envoie le signal qu'il faut élever davantage de porcs.

Je ne garantis pas le chiffre, mais je crois que nous expédions actuellement entre quatre et cinq millions de porcs aux États-Unis depuis l'Ouest du Canada. Il s'agit de porcelets sevrés, de jeunes porcs qui doivent être engraissés aux États- Unis. Si le prix était plus élevé, un plus grand nombre de ces porcs resterait sans doute au Canada pour y être engraissés, remplissant toutes les étables, appelant la construction de nouvelles étables, créant des emplois, et alimentant le système d'exportation.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Fitzgerald.

La sénatrice Merchant : Merci et bienvenue.

Si l'on examine le problème sous l'angle de l'éthique mondiale, comme notre président nous l'a souvent rappelé au cours de ces auditions, nous allons devoir nourrir 9 milliards de personnes d'ici 2050.

L'industrie du porc est dans une situation enviable. Vous avez dit plus tôt que la viande de porc est la viande rouge de prédilection dans bon nombre de pays à l'heure actuelle. Du point de vue du bilan énergétique, la graine de soya est le moyen le moins coûteux de nourrir le monde. C'est pourquoi on mesure tout à l'aune du soya. Je vous donne les statistiques. Je pense qu'elles sont exactes. Le rapport œufs-soya est de 1,21, pour le poulet, il est de 1,41, et pour le porc de 1,61, alors qu'il est de 4,51 pour le bœuf.

Dans cette situation, le monde dira bientôt, on ne peut plus se permettre d'élever des bovins si l'on veut nourrir le monde. C'est tout simplement une façon inefficace d'utiliser l'énergie alors que vous vous situez au bas de l'échelle de sorte que la conclusion de ces partenariats commerciaux et l'ouverture des marchés assumeront une très grande importance.

Je comprends que vous souhaitiez que le Canada signe le PTP. D'après notre président de nouveau, le gouvernement du Canada s'efforce continuellement d'y parvenir, mais les États-Unis sont le principal joueur. Si les États-Unis ne signent pas, pour les 12 pays qui sont sur le point de signer, je pense qu'il y aura un problème. Il vous faut donc réfléchir aussi aux solutions de rechange.

Quelles sont vos perspectives et qu'attendez-vous que fasse notre gouvernement?

M. Dickson : Deux, trois choses. Pour en revenir à vos chiffres sur la façon la plus efficace de nourrir le monde, le facteur fondamental, c'est le prix. Si le prix est élevé, les agriculteurs du monde entier augmenteront la production sur les terres dont ils disposent. Ils augmenteront les emblavures et ce sera plus efficace. Les rendements en riz peuvent augmenter considérablement dans certaines régions du monde.

Le gros de la croissance démographique aura lieu en Afrique. Le potentiel de l'Afrique en matière de développement agricole est énorme. Voyez ce que des pays comme le Kenya et d'autres ont pu faire, c'est une croissance phénoménale. L'Afrique dispose d'un énorme potentiel pour devenir autosuffisante sur le plan alimentaire. Le monde se nourrira. Il n'y a rien comme le prix pour inciter les gens à le faire. Ils adopteront de nouvelles technologies, et ainsi de suite.

Pour ce qui est de la viande, il faut faire attention à ne pas comparer des pommes et des oranges. Les ruminants mangent des choses comme l'herbe que l'homme ne peut pas manger. Ils convertissent des plantes fourragères et choses de ce genre en protéines que nous pouvons manger, mais ils ne sont pas la principale source de viande dans le monde.

La principale source de viande est le porc. La deuxième est le poulet, puis vient le poisson, pour la plupart aujourd'hui du poisson d'élevage. Nous avons pratiquement épuisé les ressources de l'océan.

Voyons le porc. Il convertit les aliments qu'il reçoit selon un rapport de 3,1 à 3,2 livres par livre d'augmentation de poids. Ce rapport est de l'ordre de 2 plus ou moins pour le poulet et de 1,6 à 1,8 pour le poisson, selon le type de poisson. On mettra donc surtout du porc et du poulet dans les assiettes.

Le porc est très populaire en Extrême-Orient et ailleurs. Il y a des marchés en Inde, qui l'eût cru. Vous pouvez vous faire servir du porc au restaurant en Israël. Il y a différentes façons de le faire, mais ce n'est pas comme chez nous. La grande question sera l'Afrique. Que va-t-il se passer en Afrique, et comment vont-ils faire?

Nous fournirons des produits en Amérique du Nord à des marchés sophistiqués, aux classes moyennes, et cetera, comme l'on dit les producteurs de bœuf plus tôt, parce que nous vendons des produits de porcs réfrigérés bon marché, et cetera. Nous sommes équipés pour cela. Nous le faisons très bien. Nous avons un excellent système de transport en place. Nos usines sont à la pointe de l'art. En fait, les gens disent, allez en Europe pour vous instruire. En réalité, ce sont les Européens qui viennent apprendre de nous.

Ces accords uniformisent les conditions pour tous. Les accords qui sont en place sont déjà en place. Ils ne vont pas changer. Si le PTP n'aboutit pas, ce ne sera pas la fin du monde. Les accords en place demeurent. La question qui se pose c'est : et maintenant, que va-t-il se passer?

Au départ, l'idée était de rassembler tout le monde sous les accords de l'OMC, des accords à l'échelle mondiale dont tous les pays seraient signataires. Ça n'a pas marché. Les négociations de Doha, et cetera, ont été problématiques. Nous avons dû nous contenter d'accords de commerce régionaux, d'accords bilatéraux, et ainsi de suite.

Des pays comme l'Inde doivent encore apprendre à signer des accords, à se conformer à leurs conditions et à s'y tenir. L'une des raisons de l'admission de la Chine à l'OMC était de l'amener à respecter certaines règles commerciales.

Comme l'a dit M. Janzen, ils ne peuvent pas changer tout le temps les choses. Chaque fois que vous expédiez une cargaison à l'autre bout de l'océan, le temps que votre conteneur arrive, la règle a changé. Cela ne peut pas se produire. Le marché a besoin de règles.

Si le PTP n'aboutit pas, le Canada s'en remettra à des accords commerciaux bilatéraux ou fera copain-copain avec un autre pays comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande où essaiera de conclure un accord multilatéral avec certains pays comme le Japon, et cetera. C'est plus difficile, lorsque la plus grande puissance économique de la planète, les États-Unis, est assise à la table de négociation. Cela change les règles pour tout le monde et il nous faut être très attentifs à cela.

L'accord de libre-échange avec l'Europe nous a appris que les dispositions relatives aux 80 000 tonnes que nous avions obtenues représentaient un montant fictif parce que les Européens disaient : « Nous allons négocier avec les États-Unis après vous. Nous allons vous donner cette tranche parce que les Américains voudront un montant proportionnel. » Cela doit se produire dans les deux années à venir.

Les États-Unis au bout du compte signeront des accords commerciaux parce que c'est comme ça qu'ils gagnent leur vie. Ils feront pression pour les conclure et ils respecteront les règles. Ils veulent des règles. Ils veulent que l'OMC fonctionne, et cetera.

J'ai participé de près à l'affaire des EPO. Je me suis rendu cinq fois à Genève et tout ça. En dernier lieu, comme cela a été dit plus tôt dans l'une des présentations, la dotation en personnel au niveau du gouvernement fédéral constitue un facteur critique pour le succès dans ce genre de choses. Il vous faut avoir la meilleure équipe sur le terrain.

Le Canada a d'excellents avocats spécialisés dans le droit du commerce. Il a les meilleurs du monde. L'un d'eux est sur le point de prendre sa retraite. On doit commencer à penser à la génération qui prendra la relève de nos avocats actuels parce que si vous n'avez pas les spécialistes du droit commercial qu'il vous faut, vous allez perdre.

La moitié du personnel des sociétés américaines appartient au service juridique parce que, dans les sociétés américaines, on utilise le droit commercial comme un outil pour faire des affaires. De même qu'ils ont un représentant du service d'ingénierie, un autre du département de la production, et cetera, ils ont leurs avocats pour leurs batailles juridiques aux États-Unis et partout dans le monde. Il vous faut commencer à penser en ces termes.

Le vice-président : En votre qualité de conjointe d'un avocat, vous souhaitez peut-être faire un commentaire.

La sénatrice Merchant : J'allais dire en ma qualité de conjointe d'un avocat et de mère de trois avocats. Pour ne rien dire des sœurs, des cousins et des autres. C'est une triste affaire. Quelqu'un m'a dit « Je vous fais mes condoléances », lorsque j'ai commencé à me vanter de ma famille.

La sénatrice Tardif : Merci.

Vous avez parlé de la nécessité de pouvoir recruter les travailleurs qu'il fallait. Vous semblez avoir moins de difficultés que l'industrie du bœuf. Je ne suis pas sûr, mais ce matin les représentants de l'industrie du bœuf nous ont dit qu'ils avaient du mal à recruter des travailleurs qualifiés en particulier dans les usines de transformation de la viande. Rencontrez-vous les mêmes difficultés dans les usines de transformation de la viande de porc?

M. Janzen : En Alberta, l'industrie de la viande est surtout en concurrence avec l'industrie pétrolière. Je pense que la dynamique n'est pas la même. Au Manitoba, c'était moins le cas. Cela s'est présenté un peu en Saskatchewan parce que nous avons également des étables en Saskatchewan et nous étions en concurrence avec l'industrie pétrolière.

Pour nous c'est impératif. Lorsque vous avez un taux de chômage de 6 p. cent, personne ou presque de ces 6 p. 100 ne cherche réellement du travail. On emploie plus de 1 100 personnes à Neepawa et c'est une ville d'environ 4 000 habitants. Il y a également des Autochtones dans la région. Nous avons travaillé dur avec eux.

Lorsque nous avons acheté l'usine, nous avions 300 employés. Nous avons encore 300 employés environ originaires de Neepawa. Les 700 ou 800 autres viennent d'autres pays, principalement des Philippines. Il est difficile de faire venir des gens à Neepawa si on ne les fait pas venir en leur facilitant la démarche pour entrer au pays.

Quand vous vous rendez dans d'autres pays pour aller chercher des candidats à l'immigration, il y a beaucoup de gens qui cherchent du travail. Ce sont de bons travailleurs. Ils viennent grossir les rangs de la communauté. Ils sont habitués à travailler dur. Ils sont productifs, il est donc vital de garder cette voie ouverte pour notre industrie. Je dirais que c'est vital pour toute l'industrie de la viande, mais pour nous en tout cas et pour Maple Leaf au Manitoba, c'est important.

La sénatrice Tardif : Si j'ai bien compris, vous avez dit avoir accès à de la main-d'œuvre pour les fermes et les usines mais pas sans faire venir des travailleurs d'autres pays ou dans le cadre du programme de travailleurs étrangers temporaires. C'est bien ça?

M. Janzen : En général, dans les étables que nous avons dans différentes zones rurales, on a besoin de 50 à 80 employés. On n'a généralement pas de mal à les trouver, même si ces dernières années, c'est devenu un peu plus difficile. Quand vous êtes implantés dans une communauté éloignée d'un grand centre comme Winnipeg et que vous avez plus de 1 100 employés alors que la ville n'a que 4 000 habitants en tout, il n'est pas possible de recruter sur place tout le personnel dont vous avez besoin.

On se démène actuellement, on travaille avec le gouvernement, avec le ministre Mihychuk et d'autres à Ottawa. Nous avons un avocat qui ne s'occupe que d'immigration. Nous sommes en contact avec des gens sur place afin de mettre en place une procédure pour pouvoir faire venir plus de travailleurs immigrés.

Notre but, c'est qu'ils deviennent des citoyens du Canada. C'est notre objectif.

La sénatrice Tardif : Monsieur Janzen, pouvez-vous élaborer un peu sur certains de ces défis. Vous dites qu'il y a 12 mois, l'ACIA a créé un centre de service pour les exportations nationales et qu'il faut procéder plus rapidement à sa mise en opération. Les cas échéant, quelle serait la valeur ajoutée pour votre compagnie?

M. Janzen : Je ne suis pas très au courant. Guy Beaudry m'en a parlé, mais nous ne sommes pas allés dans les détails, car nous étions tous deux pris ailleurs. Je n'en sais pas vraiment davantage. Selon lui, dans l'ensemble du système, cette initiative du gouvernement va dans la bonne direction. Il suffit d'y consacrer plus de ressources et d'en accélérer la mise en œuvre.

M. Dickson en sait peut-être plus que moi.

M. Dickson : L'ACIA est un organisme gigantesque qui, il y a plus de trois ans, a entamé l'étude de nombreux textes législatifs dont la Loi sur la santé des animaux pour essayer de la moderniser.

Il y a aussi le mandat de l'ACIA. Au lieu d'être axé sur le ministère de l'Agriculture, il place davantage l'Agence sous le ministère de la Santé. Elle doit, par exemple, réorienter sa façon d'appliquer ses règles et règlements, tout en justifiant le besoin d'une réglementation pertinente qui assure un approvisionnement canadien d'aliments salubres, sans pour autant nuire à la compétitivité internationale sur le plan des prix de ce qui est essentiellement une entreprise exportatrice. C'est très compliqué.

Nous avons mentionné notre petite règle sur le PED, une maladie des porcelets qui est actuellement endémique aux États-Unis. En un an, les Américains ont perdu de 8 à 10 millions de porcelets. Nous avons réussi à l'endiguer dans l'Ouest canadien. Selon la règle, si vous envoyez une remorque aux États-Unis vous devez la laver et la désinfecter aux États-Unis.

En 2014, nous nous sommes dit : « Ça n'a pas de sens, les remorques lavées là-bas vont ramener cette maladie américaine au Canada, car les stations de lavage sont infectées ».

Nous avions un protocole : Les remorques étaient scellées avant de franchir la frontière, car elles étaient salubres à l'aller et, si le conducteur gardait les portes closes une fois les porcs sortis, elles resteraient salubres. Le lavage et la désinfection se feraient au Canada où nous avons des règles et des inspections en place.

La règle de l'ACIA, c'est le lavage, alors depuis le 2 mai, on est revenu à l'ancienne règle. La frontière était notre première ligne de défense, mais maintenant comme nous avons des doutes, nous intervenons dans les parcs de groupage et dans les fermes. Pour contrer la maladie, nous avons une démarche en trois étapes.

Je comprends la position juridique de l'ACIA, nous ne voulons pas être un irritant, mais, le ministre doit, par exemple, se manifester et dire : « Nous devons corriger cette situation à long terme ».

L'Ouest canadien possède une industrie porcine moderne. L'Ontario connaît des problèmes à cause de l'absence de stations de lavage efficaces. Le Québec a réussi en grande partie à empêcher la contamination, mais son volume d'exportations d'animaux vivants vers les États-Unis est inférieur aux nôtres. Chaque semaine, 120 remorques franchissent la frontière à Emerson. Nous avons eu cinq cas d'infection. La décontamination a pris une éternité. Il faut empêcher l'infestation, autrement tout l'Ouest sera infecté, du Manitoba à l'Alberta, et cela provoquera une autre pénurie de porcs.

La sénatrice Tardif : Savez-vous si l'échéancier du 2 mai a été respecté?

M. Dickson : C'est entré en vigueur à 12 h 1 le jour même.

La sénatrice Tardif : Je veux parler des changements?

M. Dickson : On est revenu à l'ancienne règle et j'ai travaillé avec l'ACIA pour obtenir ces changements afin de pouvoir attraper les camions à la frontière. La coopération du personnel de Winnipeg sur le terrain a été excellente, mais l'approche d'Ottawa était différente. Ça va, mais c'est vraiment insensé.

Nous leur avons demandé : « Quel désinfectant recommandez-vous? » Il y avait notamment l'acide citrique. J'ai dit : « N'est-ce pas ce que l'on met dans le gin-tonic? » Le vétérinaire de l'ACIA était catégorique : c'était un désinfectant tout à fait adéquat.

C'est l'une des maladies les plus virulentes que l'industrie porcine ait connues. Une seule éprouvette de ce truc pourrait infecter chaque ferme en Amérique du Nord. C'est vraiment difficile de s'en débarrasser. Il n'y a actuellement pas encore de vaccin, mais VIDO de Saskatoon va en produire un, ce sera une première en Amérique du Nord. Les essais cliniques vont bon train et espérons qu'il sera efficace.

Le vice-président : Je pense que les gens d'Ottawa font une mauvaise réputation à l'industrie du porc.

Monsieur Fitzgerald, vous alliez nous dire quelque chose.

M. Fitzgerald : Sénateur me permettez-vous de vous parler d'Albertain à Albertaine?

La sénatrice Tardif : Oui, je l'apprécierais.

M. Fitzgerald : Et ça s'adresse aussi aux autres membres du comité.

Votre première question sur la main d'œuvre est spécifique à l'Alberta et à la Saskatchewan. Beaucoup au pays ne sont pas conscients du grand nombre de Canadiens sont à la recherche d'emplois lucratifs, mais, quand ces emplois disparaissent, ils retournent chez eux et ne veulent pas d'emplois mal rémunérés.

Dans notre économie, les gens considèrent le travail agricole comme peu intéressant. Nous dépendons donc des travailleurs agricoles étrangers qui veulent travailler pour nous et faire leur vie ici. Mes grands-parents, comme beaucoup d'autres, ont immigré ici pour devenir travailleurs agricoles. C'est ainsi que l'Ouest s'est développé.

Nous avons une économie pétrolière qui, tout d'un coup, ne carbure plus. Et tous ces travailleurs spécialisés, qui gagnaient un salaire dans les six chiffres, ne vont pas travailler dans la transformation alimentaire ni dans les granges. Vous ne demanderiez pas à un mécanicien d'être votre médecin ou votre infirmier. C'est pareil. On ne demande pas à un avocat, à un ingénieur ou à un soudeur d'aller soigner les porcelets.

On pense que c'est la même chose, mais travailler avec les animaux demande un état d'esprit différent, une approche et des émotions différentes, car il faut protéger ces animaux. On ne peut pas confier cet emploi au premier venu. Nous comptons sur des gens d'expérience qui veulent travailler dans l'agriculture et qui possèdent les compétences voulues.

Que ce soit pour le meilleur ou pour le pire, notre industrie est en décroissance. Tout le monde délaisse l'agriculture, mais tout le monde mange et personne ne travaille dans le secteur agricole. Il y a bien d'autres industries où travailler. Nous dépendons de ce programme des travailleurs étrangers temporaires. C'est peut-être l'appellation que tout le monde déteste, alors il faut peut-être la changer.

La sénatrice Tardif : Merci d'avoir ajouté cette information.

Le vice-président : Sénateur Dagenais, s'il vous plaît.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vais commencer avec vous, monsieur Janzen. Selon Statistique Canada, à moins que les choses aient changé, plus de la moitié des produits agroalimentaires sont exportés vers les États-Unis.

Pensez-vous que la fluctuation du dollar canadien pourrait exposer votre secteur à des risques? On sait que le dollar a tendance à fluctuer beaucoup. Il se situe à 77,46 ¢ ces jours-ci. Il n'a pas trop bougé. Est-ce que cela pourrait entraîner des risques pour votre industrie?

[Traduction]

M. Janzen : La valeur actuelle du dollar est excellente, car la parité avec la devise américaine était problématique pour notre industrie. Nous pouvons concurrencer l'industrie américaine quand le dollar tombe autour des 80 cents américains. Nous aimons le taux de change actuel du dollar.

M. Dickson : Pour préciser, nous sommes payés en devises américaines. La base de calcul pour nos porcs est fondée sur le prix national américain. Il n'y a pas de prix canadien. C'est le prix national américain du jour qui détermine le prix du porc au Canada. C'est la même chose au Québec. En fait, c'est la formule incorporée dans les plans de marketing au Québec.

Le prix national américain est une combinaison du prix Eastern Cornbelt, de la Ceinture de maïs de l'Est, du prix du sud de Minnesota et de l'Iowa et du prix Western Cornbelt, soit la Ceinture de maïs de l'Ouest. Ce sont les appellations de nos exportations et elles sont toutes payées en devises américaines, alors, l'appréciation du dollar nous avantage.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Évidemment, il s'agit des États-Unis. Je le dis et je le répète, et corrigez-moi si je me trompe, la moitié des produits agroalimentaires sont exportés aux États-Unis.

Vous avez aussi mentionné le PTP et l'accord conclu avec l'Union européenne. Vous pourriez diversifier vos marchés d'exportation, ce qui vous mettrait peut-être dans une meilleure position. Ai-je raison lorsque je dis que 80 p. 100 de vos exportations sont destinées aux États-Unis? Ce pays représente tout de même votre principal client. N'est-ce pas?

[Traduction]

M. Dickson : En fait, plus de produits sont vendus ailleurs, même si le pourcentage est élevé. Comme acheteur important, on ne peut pas en faire fi. Autrefois, c'était l'acheteur de tous les produits du porc, mais, dans les 25 dernières années, nous avons fait de grands efforts de diversification et nous sommes tournés vers plus de 100 pays pour conquérir d'autres marchés. Il suffit que le produit soit bloqué une fois à la frontière américaine pour provoquer une crise commerciale. Après avoir longuement étudié la question, nous avons perçu la nécessité de se diversifier et d'avoir de nombreux partenaires commerciaux. Ainsi, aucun partenaire ne peut nous mettre en péril.

Prenons l'embargo commercial de la Russie qui a réduit nos exportations d'un milliard de dollars en un jour. Mille conteneurs de produits de porc se trouvaient sur un quai et sur un bateau en cours de déchargement à destination de l'usine. Il a fallu tout arrêter, tout rapatrier, trouver une nouvelle destination et tout ré-étiqueter. On ne peut pas vendre un produit avec une étiquette en russe à un autre pays. Ces changements doivent être approuvés par l'ACIA et suivre les règles des pays clients.

Si nos exportations vers les États-Unis étaient plus importantes, disons de l'ordre de 3,4 milliards de dollars, il suffirait de fermer la frontière pour nous mettre dans l'impossibilité d'expédier ces produits où que ce soit. Nous devons donc nous diversifier.

M. Janzen : J'aimerais ajouter quelque chose.

Je suis d'accord avec M. Fitzgerald. Dans les années 1980, quand je suis arrivé dans cette industrie, les États-Unis accusaient un déficit dans leurs approvisionnements et leurs besoins en porc, ils en importaient probablement 25 p. cent. De nos jours, ils exportent environ 25 p. cent, ce qui est toute une croissance.

Tout comme nous, les États-Unis sont un pays exportateur, mais nous exportons 70 p. 100 de notre production comparativement à eux qui sont à 25 p. 100. Comme nous, ils dépendent autant de tous ces pays comme la Chine, le Japon et la Corée. Voilà pourquoi il est difficile d'expédier des produits aux États-Unis, sans compter l'étiquette du pays d'origine qui nous a exclus de certains marchés et c'est difficile de les réintégrer après de longues années d'absence.

M. Dickson : La plupart du temps, la balance commerciale des produits du porc entre le Canada et les États-Unis est bien équilibrée. En fait, le Canada est légèrement favorisé, car nous vendons un peu plus que nous achetons à nos voisins du Sud. C'est tout à fait naturel entre deux partenaires commerciaux et on voit la même chose dans le domaine de l'automobile et ailleurs. Les choses s'équilibrent comme entre l'Allemagne et la France.

Nous importons des États-Unis certaines coupes de viande plus rares au Canada et vice-versa. Il ne faut pas perdre de vue que la valeur en dollars est à peu près la même.

Proportionnellement parlant, les exportations américaines sur le marché canadien sont énormes, elles représentent environ 30 p. 100 de notre marché intérieur, sinon plus. Une bonne partie des produits de Costco, par exemple, vient des États-Unis.

Voilà où intervient l'étiquetage. Il suffit de mettre les produits dans de grands conteneurs portant des étiquettes où l'on peut lire « Fabriqué aux États-Unis » ou « Produit des États-Unis ». Une fois ces paquets débarqués et mis dans ces petites barquettes en plastique, selon l'ACIA, la mention « Produit des États-Unis » n'est pas requise.

Lors de l'emballage final de produit pour vente au détail aux États-Unis la mention « Produit du Canada » doit apparaître. Il y a toutes sortes de problèmes d'étiquetage, toutes sortes d'impacts, sans parler du dumping. Si, une fin de semaine, certains magasins de Chicago ne veulent pas d'un produit, c'est un jeu d'enfant de l'expédier en Ontario à n'importe quel prix pour s'en débarrasser. Bien sûr le producteur canadien se demande ce qui se passe.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Évidemment, on parle de la production. J'aimerais aborder avec vous trois la question des infrastructures de transport. Donc, plus il y a de production, plus il y a de marchés, plus il nous faut d'infrastructures.

Entre autres, vous l'avez mentionné, monsieur Dickson, il y a une augmentation des exportations. C'est important. Ainsi, le fait de bien acheminer les produits dans un délai qui est concurrentiel, soit selon un délai relativement court et avec des prix raisonnables, est un aspect important.

J'aimerais donc que vous nous parliez un peu plus des infrastructures de transport pour vos produits. Vous parliez plus tôt de je ne sais combien de camions qui traversent les frontières. Cependant, j'imagine qu'il s'agit aussi de conteneurs, de bateaux, tout ça, pour expédier les marchandises à l'extérieur. J'aimerais vous entendre parler des infrastructures de transport qui servent à acheminer vos produits à l'exportation.

[Traduction]

M. Janzen : Actuellement, nous expédions probablement 120 à 130 conteneurs par semaine, la plupart à destination des ports de l'Ouest. D'ordinaire, le prix dicte le nombre de personnes intéressées, mais je pense que l'infrastructure existe. Parfois, nous devons payer les camionneurs un peu plus pour acheminer les produits vers la côte ouest. Tout se fait par sous-traitance, on ne touche à rien et il est rare qu'on manque de camions. Parfois le prix est élevé, mais ils sont toujours là. Même chose pour les bateaux aux ports, il y en a toujours suffisamment, mais les prix varient d'un mois à l'autre et d'une année à l'autre selon ce qu'ils transportent.

Le vice-président : Avant de donner la parole à mon prochain collègue, je veux revenir sur une des déclarations préliminaires au sujet de la façon dont l'Afrique et le monde vont se nourrir quand il y aura 9 milliards d'êtres humains sur Terre.

L'unique façon d'y arriver, c'est si quelqu'un enseigne aux autres pays l'autonomie alimentaire, car c'est un enjeu réel. Nous sommes dans le commerce alimentaire et nous devons le perpétuer. À un moment donné il faudra aborder cette question si l'on ne veut pas tous devoir composer avec une agitation sociale causée par la famine. Je tenais à faire ce commentaire.

La sénatrice Unger : Merci pour votre présentation.

Plusieurs de mes questions ont déjà été posées, mais j'ai une question complémentaire sur les remorques revenant des États-Unis. Tout ça m'a aussi l'air d'une initiative insensée, alors pour prévenir le risque de propagation de cette maladie au Canada, surtout dans l'Ouest, consentiriez-vous à relaver les remorques ou à les faire relaver par les conducteurs?

M. Fitzgerald : Il y a quelques années de cela, un vétérinaire plutôt malin qui travaillait à l'ACIA et qui est maintenant vétérinaire en chef pour le Manitoba s'était penché sur le problème et avait dit que nous devrions modifier la loi d'urgence. Nous devons arrêter les camions et en vérifier la propreté. Je n'insisterai jamais assez sur l'aide apportée à notre industrie par le programme Cultivons l'avenir et je suis sincère.

Grâce à Cultivons l'avenir 1, nous avons reçu une aide financière pour former nos agriculteurs et renforcer la biosécurité. Partout au pays, on cherchait à faire les choses différemment. Nous sommes passés à l'action dès le premier cas de DEP en Ontario. Je peux aussi vous dire qu'en Alberta, notre vétérinaire provincial en chef a utilisé l'argent de Cultivons l'avenir; il a dit : « Utilisons ces dollars aujourd'hui. Soyons forts et vigilants, et lavons nos véhicules. Faisons les choses comme il faut. »

Au Manitoba, nous avions tous ces véhicules en provenance des États-Unis à destination de tout l'Ouest canadien car, c'est là où passe ce trafic. On a fait preuve de détermination en modifiant la loi afin de sceller ces camions à la frontière. « Travaillons tous ensemble, gouvernement, industrie et services frontaliers. Assurons-nous de faire les choses correctement. »

En rétrospective, nous pouvons dire qu'il y a eu peu de cas. Tous ces véhicules étaient-ils complètement propres? Étaient-ils porteurs de maladies? Nous les avons échantillonnés après lavage seulement, alors on peut dire qu'ils ont ramené la maladie. Il faut attribuer la situation actuelle et le nombre de cas dans l'Ouest canadien, en comparaison de l'éclosion aux États-Unis, à la mise à disposition de ces fonds et à l'action des professionnels de tous les paliers de gouvernement qui ont collaboré avec l'industrie et qui ont dit : « Voilà une excellente solution. Scellons ces camions. Ramenons-les à des installations approuvées. » Nous avons utilisé l'argent de Cultivons l'avenir, des contribuables et de l'industrie pour mettre en œuvre des programmes efficaces d'accréditation des processus dans les aires de lavage. Nous testons les aires de lavage pour nous assurer de leur salubrité. Quand ces camions reviennent à la ferme, les fermiers vont vers eux, à pied, pour jeter un coup d'œil aux remorques et ils se demandent si la remorque est vraiment propre. Ils veulent y jeter un coup d'œil avant qu'on la recule sur leur terrain. Ils ont un certificat disant que tout cela a été fait. La remorque est garée et personne n'y pénètre.

Elle repart vers les États-Unis et personne n'y pénètre, car elle provient d'un site contaminé. Elle revient scellée des États-Unis, franchit la frontière pour être nettoyée à nouveau. Ce processus a fonctionné à merveille sans aucun problème.

Je reviens sur la question des fonds de Cultivons l'avenir. Les gens très malins qui ont créé ce programme se sont dit qu'il fallait un programme de biosécurité. Cela a vraiment sauvé notre industrie et changé la façon de faire de nos producteurs. Permettez-moi d'ajouter une chose à ce sujet. Le moment venu, nous pouvons faire de Cultivons l'avenir 3 un programme encore meilleur. Cela aide énormément notre industrie à faire de grandes choses.

Quoi qu'il en soit, le processus actuel est fondé sur des problèmes de maladies qui remontent à 30 ou 40 ans, et la situation actuelle n'est plus du tout la même.

M. Janzen : Je suis d'accord avec M. Fitzgerald. J'ajouterais que notre compagnie a introduit des mesures de biosécurité beaucoup plus strictes. Ces remorques étaient toutes verrouillées. Nous avons aménagé nos propres aires de lavage pour laver l'intérieur des remorques. En fait, nous avons maintenant aménagé ce que nous appelons des aires de cuisson où, après le lavage, les remorques sont chauffées à environ 160 degrés pour tuer les bactéries.

Ensuite, pour nous assurer de leur propreté, notre inspecteur effectue une vérification des remorques et fait un prélèvement. Si les remorques sont sales, elles retournent au lavage. Nous avons commencé cela il y a plusieurs années lors de la propagation de la DEP aux États-Unis. Maintenant, c'est comme si nous faisions un pas de l'arrière alors que nous avons mis toute cette infrastructure en place pour bien faire le travail.

La sénatrice Unger : Vous parliez du nettoyage des remorques et de prélèvements. En tant qu'ancienne infirmière ça m'a surpris, mais ça parait logique. En effet, c'est une façon de déterminer la présence de bactéries indésirables.

M. Fitzgerald : Actuellement, ce programme de surveillance est en place dans les usines de transformation, dans les parcs de groupage où les porcs sont rassemblés et dans les aires de lavage, cela à titre de garantie supplémentaire. Nous sommes toujours à l'affût de problèmes, à tel point que, le cas échéant, nous allons intervenir comme groupe et désinfecter les installations au complet, à nos frais.

La surveillance est aussi de la vigilance. Excusez-moi, au début, vous m'aviez demandé si nous relavions les remorques? La réponse est oui. Actuellement, ces camions sont lavés aux États-Unis, comme l'oblige la loi originale qui s'applique de nouveau depuis le 2 mai. À leur retour au Canada, nous relavons ces camions et ces remorques.

Aux États-Unis, nous faisons des détours pour trouver un poste de lavage de camions sur le chemin du retour vers le Canada; ensuite, nous les relavons en utilisant le même processus. C'est du temps et de l'argent de plus. Les gens disent : « Peu importe, c'est uniquement une question d'économie, et non de maladie ». C'est une question d'économie.

La sénatrice Unger : Comment analysez-vous tous ces prélèvements? Faites-vous appel à d'autres laboratoires vétérinaires?

M. Fitzgerald : Nous nous adressons aux laboratoires ordinaires en place. Je peux uniquement vous parler de l'Alberta, où les laboratoires provinciaux et privés nous donnent un sérieux coup de main pour effectuer les tests et mettre un processus en place. Nous avons l'aide de nos vétérinaires praticiens et de leurs techniciens, ainsi que du personnel de différentes installations. Nous prélevons régulièrement des échantillons et nous surveillons le tout.

La sénatrice Unger : Rapidement, quelle est la différence entre le porc réfrigéré et le porc surgelé, pour mon édification personnelle. Surgelé je comprends, mais c'est quoi du porc réfrigéré?

M. Janzen : Les Japonais aiment les produits réfrigérés, pas surgelés. Ils achètent surtout les longes de porc. Nous les mettons au frais et les maintenons à 1 degré. Ensuite, les longes sont expédiées dans un conteneur dont la température demeure constante pendant toute la traversée. La durée de stockage normale est de 55 jours. Je pense que c'est le minimum. En usine, on teste régulièrement une durée plus longue pour voir s'il y a accumulation de bactérie après un certain temps.

Si, tout d'un coup, on passe sous les 55 jours, il faut vérifier la propreté de l'usine. Alors, on nettoie l'usine à fond en faisant appel à une trentaine de personnes qui y passent trois à cinq heures, je crois, mais je n'en suis pas sûr. Elles lavent l'usine et s'assurent que tout est impeccable.

Évidemment, c'est lavé à l'eau chaude pour tuer les bactéries. C'est une exigence préalable, nous devons développer un produit ayant la durée de stockage requise pour traverser l'océan.

La sénatrice Unger : J'ai une dernière petite question. Il semble que le Japon jouit du statut de nation plus favorisée concernant bien des échanges dont celui du porc. Qu'en est-il de la Chine? Existe- t-il des projets?

M. Janzen : Selon l'industrie du bœuf, les Chinois consomment beaucoup de coupes que les Nord-Américains dédaignent. Nous leur vendons beaucoup de produits, comme des oreilles, des museaux, des foies et des intestins. C'est un marché important et d'envergure pour l'industrie porcine. Il y a beaucoup d'urbanisation et, peu à peu, les Chinois commencent à acheter des coupes nobles, plus cher, mais ils achètent surtout les coupes bon marché.

M. Fitzgerald : Nous avons actuellement, trois jours par semaine, un vol qui fait le circuit Shanghai, Edmonton, Houston et retour. C'est un gros avion-cargo, mais il ne transporte pas de porc. Toutefois, je peux presque vous garantir que cet avion sera plein à chaque voyage de retour dès que nous pourrons faire changer les règles pour que le porc réfrigéré soit accepté en Chine.

J'ajouterai que, cet été, Canada Porc international va ouvrir ses bureaux et embaucher du personnel. L'organisme a un bureau à Shanghai et il sera fonctionnel cet été. Nous sommes fin prêts à livrer les produits réfrigérés. Nous voulons obtenir de la Chine ce statut qui nous permettra d'expédier des produits de porc réfrigérés, les plus lucratifs.

La sénatrice Unger : Que faut-il pour expédier du porc sur ce vol?

M. Fitzgerald : Il suffit que les Chinois reconnaissent que notre porc est merveilleux.

Le vice-président : Le sénateur Dagenais veut commenter.

[Français]

Le sénateur Dagenais : À titre d'information, je suis membre du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Ainsi, je vais tout de même assez souvent aux États-Unis. L'année dernière, nous avons assisté à une présentation du président de la compagnie Heinz, qui se plaignait des délais à la frontière pour faire entrer ses produits de pâte de tomate au Canada.

J'aimerais vous entendre parler des délais aux frontières lorsque vous exportez des produits de porc aux États-Unis, parce que je vais y retourner cette année et, si vous avez une recommandation à me faire, je me ferai le porteur du message en ce qui a trait aux délais aux frontières.

[Traduction]

M. Janzen : À ma connaissance, on peut expédier du porc aux États-Unis sans problème si l'on respecte les exigences sur l'étiquetage du pays d'origine. Nous expédions également beaucoup de produits au Mexique, produits qui doivent transiter par les États-Unis et, là non plus, je n'ai eu vent d'aucun problème.

Je veux vous informer d'une petite chose à ce sujet. L'automne dernier, en raison du produit que nous expédions, nous avons aménagé un établissement de transformation au Mexique où nous employons une centaine de personnes. Avant, nous vendions notre jambon fini au Mexique, et, désormais, nous épargnons nos effectifs de Neepawa en expédiant le produit brut pour qu'il soit transformé là-bas.

C'est une petite parenthèse qui déborde un peu de votre question, mais non, nous n'avons pas de problème à expédier les produits aux États-Unis.

M. Fitzgerald : C'est une anecdote intéressante sur laquelle je vais broder pour vous illustrer la balance commerciale et comment fonctionne les choses.

En Alberta, nous avons une usine fédérale qui livrait du jambon en Italie et les Italiens nous ont dit : « Au lieu d'amener votre jambon jusqu'ici, nous pourrions investir avec vous en Alberta dans la construction d'une usine de prosciutto. » C'est ce qui est arrivé et, désormais, nous fabriquons le prosciutto en Alberta. Nous avons toujours ce genre de mouvement dans les produits.

Le vice-président : Sénateur Dagenais, je pense qu'un des problèmes vise les tomates qui franchissent la frontière en Ontario où le volume est différent. Il y a aussi du volume dans l'Ouest canadien, mais si les produits franchissent la frontière à Buffalo où à Erie c'est un long processus, peu importe le produit.

M. Dickson : Selon un des autres transformateurs, il y a eu des difficultés à la frontière, pas tellement du côté canadien, bien qu'en partie du côté canadien. Il s'agit des tests et des agents américains qui aiment s'assurer que l'étiquette et tout le reste est correct. En cas de problème, le produit est refusé et retourné au Canada, alors l'ACIA est un peu coincée. Nous avons eu des cas problèmes de conteneurs mal étiquetés, destinés aux États-Unis, mais les produits expédiés étaient canadiens.

Ils ont eu des problèmes avec cela et c'est une de ces questions administratives que les deux pays devraient appréhender et résoudre. C'est la raison d'être de cette commission nationale créée par le premier ministre et le président, pour essayer de résoudre ce genre de problèmes. J'ignore où le dossier est rendu présentement.

La sénatrice Tardif : Monsieur Dickson, vous avez mentionné dans votre exposé qu'aux États-Unis on construit beaucoup de fermes de finition et qu'au Manitoba il faut rénover les granges ou en construire de nouvelles. Je ne connais pas la situation en Alberta, mais, en février dernier, le Conseil canadien du porc s'est dit inquiet du manque de crédit offert au secteur porcin pour la construction de bâtiments. Êtes-vous d'accord?

M. Dickson : Le crédit est toujours là si vous faites fortune, mais quand les marges sont minces, comme dans le secteur porcin, c'est dur d'obtenir des capitaux.

Un des problèmes a été le moratoire imposé par l'ancien gouvernement du Manitoba. Il a maintenant été levé. Beaucoup de nos granges sont vieillissantes. Les banques prêtent sur l'évaluation du marché et les ventes existantes, soit les ventes de granges vieilles de 15 ans ou des bâtiments du genre.

On parle zone de finition pour désigner un endroit dans la grange où l'on peut produire trois porcs de finition par an. On évalue le coût de la zone de finition à 250 $ et la banque peut vous prêter 65 p. 100 du montant, mais toute nouvelle construction coûte 500 $. La banque ne prête pas le plein montant, car elle se base sur l'évaluation. Voilà les règles des prêts bancaires.

Heureusement, Financement agricole Canada, FAC, lui, n'est pas assujetti aux règles de la Loi sur les banques, nous a approchés pour nous prêter 65 p. 100 du coût d'immobilisation de toute nouvelle construction, autrement dit, 65 p. 100 de 500 $ par nouvelle zone. Donc, l'agriculteur n'a qu'à trouver 35 p. 100 du montant pour construire une nouvelle grange. Ce fut tout un déblocage.

Notre espoir, étant donné que FAC peut le faire, c'est que les banques vont trouver le moyen de l'imiter. Elles ne cèderont pas le marché du prêt à long terme de capitaux dans une grande industrie comme celle du secteur porcin au Canada.

Je reviens sur des propos antérieurs. Pourquoi pas le Québec et l'Ontario? La superficie agricole ou ensemencée du Québec est à peu près la même que celle du Manitoba. On parle d'environ 10 ou 11 millions d'acres en terres cultivées. Au Québec, il y a la question, importante de l'utilisation du fumier. Vous devez composer avec un problème majeur de phosphore. Au cours des 20 dernières années, le gouvernement québécois a dépensé des sommes importantes afin de résoudre ce problème. Dans le lac Champlain, il y a un problème d'efflorescence de cyanobactéries, entre autres.

Les exploitants savent qu'ils ont un problème. Il y a une limite au nombre de granges qu'on va pouvoir y construire. Il va falloir remplacer les granges existantes.

C'est la même chose en Ontario. De nombreuses exploitations sont plus petites qu'au Manitoba, mais les gens sont confrontés à un problème de terres disponibles, car ils sont en conflit d'intérêts avec l'urbanisation, les vergers, les exploitations laitières, les poulaillers et autres. Le territoire agricole est donc limité.

Au pays, toute expansion du secteur porcin se fera dans l'Ouest du Canada. Le géant dormant c'est la Saskatchewan, car la production porcine y est relativement petite.

Mais, comme M. Janzen l'a mentionné, il y a des problèmes de main-d'œuvre en Saskatchewan. Nous avons besoin d'eau potable pour les porcs et de capitaux d'investissement. Les gens doivent revenir à la table et réinvestir dans l'industrie. On s'en occupe et on va réussir, mais ce sera long.

M. Fitzgerald : Oui, je dirais que nous nous ressemblons. Comme M. Dickson l'a mentionné, le peu d'accès aux capitaux pour de nouvelles infrastructures ou même des rénovations est certainement un obstacle majeur à la revitalisation et au maintien de l'industrie. L'autre aspect, c'est l'accès aux fonds de roulement et aux prêts d'exploitation. C'est aussi problématique pour nous, car nous devons nous assurer d'avoir un encaisse constant pour maintenir l'opération à flot.

Les dernières années se sont assez bien passées comparativement aux sept années précédentes. Cela a envoyé un signal aux banques et je ne pense pas qu'elles s'en sont remises. Ce serait bien si nos institutions prêteuses provinciales et fédérales également se manifestaient en disant : « Nous voyons le potentiel de croissance de cette industrie et nous pouvons en tirer quelque chose. » Il faut se remettre en selle. FAC aime investir dans les quotas, mais nous n'en avons pas.

La sénatrice Tardif : Intéressant. Combien de nouvelles granges avons-nous besoin en Alberta?

M. Fitzgerald : C'est comme M. Dickson l'a mentionné. En pourcentage, nous représentons le tiers de la superficie du Manitoba. Nos besoins sont semblables. Son estimation était de l'ordre de 1,3 milliard de dollars.

M. Dickson : Non, les porcs.

M. Fitzgerald : Oh, les porcs. Excusez-moi, je reviens à vos chiffres pour vous aider. Pour les nouvelles granges, il parlait de 1,6 milliard de dollars. Il nous en faudrait probablement le tiers pour lancer le remplacement.

De nos jours, dans la plupart des entreprises il y a le problème de vieillissement, et, avec la relève qui arrive, cela continue de croître. On en rajoute un peu et cela n'arrête pas de grandir. Chez nous, c'est la stagnation. En fait, il y a même un recul. On essaie simplement de garder les vieilles granges debout.

Nous avons un autre problème. À la fin de mon exposé, j'ai parlé d'espoir pour les prochaines générations. On parle vraiment de l'âge moyen des producteurs qui sont dans la cinquantaine avancée ou au début de la soixantaine. S'ils veulent investir, personne n'est prêt à prendre la relève. Il n'y a aucune motivation pour réinvestir. Cela se résume à : « Tenir le coup tant que je serai là. »

Nous avons besoin de stimulation. Si le crédit était disponible, on verrait plus de gens, de jeunes gens, s'investir dans l'industrie. J'ignore s'ils seraient très jeunes, mais il y aurait un incitatif à s'impliquer et à agir.

La sénatrice Tardif : Avez-vous des recommandations à formuler au gouvernement sur le sujet?

M. Fitzgerald : M. Dickson a peut-être des recommandations sur les dollars requis.

M. Dickson : Comment dire? Il faut 1 million de dollars pour construire une petite grange de finition de 2 000 places. Ce qui est bien, c'est que vous aurez 1 million de dollars en ventes. Il faut comparer cela avec les terrains qui se vendent probablement de 4 000 $ à 5 000 $ l'acre au Manitoba. Une bonne récolte de canola peut rapporter 400 $ l'acre. Si l'on compare la valeur des actifs au montant des ventes annuelles, voilà ce que les porcs rapportent.

Venons-en à la question des liquidités, c'est l'essence même de l'industrie. Le problème des cycles de production porcine, c'est que les producteurs sont littéralement à cours de comptant pour régler leurs factures mensuelles. Le chargement de moulée doit être payé par chèque avant d'être déchargé. Il faut payer le personnel et les factures d'électricité pour continuer de fonctionner.

Nous envisageons certains programmes de gestion des liquidités. Nous avons formulé des suggestions à l'intention des gouvernements provincial et fédéral qui, selon nous, pourraient s'appliquer à l'ensemble du pays. Il serait fort utile de solutionner ces problèmes d'encaisse qui sont aggravés par le cycle de la production porcine. C'est un cycle avec des hauts et des bas tous les trois ou quatre ans. Des thèses de doctorat ont été écrites sur les cycles de la production porcine sur 100 ans.

Le plus important, c'est le programme de stabilité agricole. Lors de la dernière ronde de Cultivons l'avenir 2, le gouvernement fédéral et les provinces ont réduit les marges de références de 85 à 70 p. cent. Pour les cultivateurs, ce n'était pas grave, car à l'époque, ils faisaient plein d'argent, quoique maintenant, ils commencent à y penser. Pour nous, ce programme était contre-cyclique. Côté encaisse, il a favorisé le producteur moyen.

Mais, pour les plus grands producteurs, possédant 20 000 truies ou plus, ce n'était pas l'idéal, car la limite était fixée à 3 millions de dollars. Il existe différentes façons de les modifier un peu, mais pas de beaucoup. Dans l'ensemble, nous devons commencer à penser à l'industrie à l'échelle du pays et non des petites fermes. Nous devons penser secteurs et avoir une approche plus globale en matière de financement, car nos compétiteurs viennent d'endroits comme la Chine.

Actuellement, le gouvernement chinois jongle avec l'idée d'acheter une assurance récolte pour toute la Chine. Ils vont simplement payer les primes au complet pour tous leurs agriculteurs. C'est tout un programme. Partout dans le monde, les compagnies d'assurance veulent leur part du gâteau. On peut imaginer la taille du contrat.

Voilà la façon de penser que nous devons adopter au Canada. Nous sommes un petit pays en concurrence avec des économies énormes, industrielles et verticalement intégrées qui voient les choses à l'échelle mondiale.

L'Union européenne est énorme, et regardez la petite part de marché qu'elle nous a accordée, 80 000 tonnes, et regardez les quantités qu'elle consomme. Pourtant, nous sommes tous si fiers d'avoir cette parcelle, alors que les Européens ont le plein accès à nos marchés, et ce pour des années.

L'autre jour, à l'occasion d'une réunion à Ottawa, j'ai mangé des côtelettes danoises dans un restaurant canadien. C'est comme porter de l'eau à la rivière. D'un autre côté, je suis sûr que nous expédions des produits au Danemark.

L'océan Arctique et les changements climatiques, voilà matière à réflexion n'est-ce pas? Comment cela va-t-il affecter le secteur porcin? Selon un représentant d'une compagnie danoise que j'ai rencontré, le Danemark envisage d'emprunter le couloir de navigation partant de ses côtes et longeant celles de la Russie pour accéder au marché japonais et l'approvisionner en produits de porc réfrigérés. Cela serait rendu possible par une diminution du temps et de la distance. Les Danois se demandent s'ils doivent le faire cette année ou l'année prochaine.

Un plein navire : voilà le genre de concurrence à laquelle nous sommes confrontés. Nous allons les battre mais, nous devrons être malins et nous devons le faire ensemble sur une grande échelle. Il faut cesser de penser petit.

La sénatrice Tardif : Merci pour cet aperçu global.

Le vice-président : Voilà pourquoi l'Ouest ne devrait pas nécessairement être votre premier réflexe pour les cargos car, du port de Halifax on peut, via le canal de Suez, rejoindre le marché indien et une bonne partie du sud de la Chine une journée plus vite. Je suis payé pour vous le dire sans cesse jusqu'à ce que vous disiez : « Nous expédions par le port de Halifax ».

Vous ne l'avez pas mentionné, mais je sais que ce sera un problème. Comme je l'ai déjà dit plus tôt à un autre groupe, le port de Halifax n'a pas connu d'arrêt de travail depuis 1976 et, comme vous le savez, au port de Vancouver c'était la semaine dernière. Mais en cas de pépin, nous sommes là pour vous aider.

Comme il n'a y pas d'autres questions, je vous remercie beaucoup messieurs. C'étaient d'excellents exposés et c'était très important pour nous de vous entendre. Cela en valait bien l'attente. Profitez du reste de votre journée.

(Le comité s'ajourne.)

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