Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 14 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 16 juin 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour poursuivre son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Avant d'entreprendre notre étude ce matin, étant donné que c'est la dernière séance du comité pour la présente session, je voudrais remercier d'une façon tout à fait spéciale le personnel du comité, notre greffier, Kevin Pittman, ainsi que Mme Silvina Danesi, greffière en formation, les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement, les sténographes, les interprètes et les techniciens de la régie qui travaillent avec nous depuis le début de la session. Ils font un excellent travail, et c'est grâce à eux si nous pouvons diffuser les rencontres de notre comité, ce qui permet ainsi aux Canadiens et Canadiennes de suivre le travail des comités du Sénat.
[Traduction]
Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec. Je vais demander aux sénateurs de se présenter, à commencer par ma gauche.
Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, vice-président du comité.
Avant de céder la parole, monsieur le président, j'ai une petite annonce. J'ai eu la chance de rencontrer brièvement le ministre de l'Agriculture ce matin, et il m'a demandé de dire au comité qu'il a hâte de venir nous voir. Il s'excuse, étant donné qu'il voyage beaucoup, mais il sera ravi de venir nous rencontrer au début de l'automne.
La sénatrice Merchant : Je suis Pana Merchant, sénatrice de la Saskatchewan.
La sénatrice Beyak : Bonjour. Je suis la sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
[Français]
La sénatrice Tardif : Sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Bonjour. Je m'appelle Don Plett, et je viens du Manitoba.
[Français]
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue à la sénatrice Gagné, qui s'est jointe à notre comité. Je vous remercie de vous joindre à nous. Vous verrez qu'il s'agit d'un comité fort intéressant.
[Traduction]
Ce matin, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
[Français]
Ce matin, nous recevons M. Scott Winter, économiste principal, Division de la politique commerciale internationale, du ministère des Finances, M. Brad Loynachan, directeur, Politique commerciale, de l'Agence des services frontaliers du Canada, M. Doug Forsyth, directeur exécutif, Division de la politique commerciale stratégique, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Mme Katharine Funtek, directrice exécutive, Direction de la politique sur la réglementation commerciale, d'Affaires mondiales Canada, ainsi que, Mme Lyzette Lamondin, directrice exécutive intérimaire, Direction de l'importation/l'exportation d'aliments et de la protection des consommateurs, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Je vous souhaite à tous la bienvenue. Ce matin, nous passerons deux heures avec vous. Votre témoignage est attendu et essentiel aux travaux de notre comité. Les sénateurs sont anxieux de vous entendre et de vous poser les questions nécessaires. Je vous demanderais d'être le plus concis possible dans vos exposés, afin que les sénateurs puissent vous poser leurs questions, qui seront également concises. Nous allons commencer en donnant la parole à M. Forsyth.
[Traduction]
Doug Forsyth, directeur exécutif, Division de la politique commerciale stratégique, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci beaucoup, et bonjour tout le monde.
[Français]
Monsieur le président, je suis heureux d'être ici aujourd'hui et de prendre la parole sur l'importation des volailles de réforme et ses répercussions sur l'industrie canadienne de la volaille. Agriculture et Agroalimentaire Canada est responsable de l'ensemble de la politique agricole du Canada et sert d'agent de liaison principal entre le gouvernement du Canada et les intervenants agricoles et agroalimentaires.
[Traduction]
L'industrie de la volaille fait partie intégrante du secteur agricole et agroalimentaire de notre pays. Le Canada compte plus de 2 600 producteurs de poulet. En 2015, ces producteurs ont élevé plus de 600 millions de poulets, produit 1,1 milliard de kilogrammes de viande de poulet et réalisé des recettes monétaires agricoles de 2,4 milliards de dollars, ou environ 4 p. 100 du total des recettes monétaires agricoles canadiennes.
Comme vous le savez probablement tous, l'industrie canadienne de la volaille fonctionne en vertu de la gestion de l'offre, système qui vise à établir le meilleur équilibre entre la production et la demande prévue à l'échelle canadienne pour s'assurer qu'il n'y a ni surplus ni pénurie sur le marché intérieur. En vertu de la gestion de l'offre, les producteurs reçoivent un prix minimal négocié qui leur permet d'assumer leurs coûts de production et d'obtenir un rendement raisonnable par rapport à leur main-d'œuvre et à leurs investissements.
La gestion de l'offre repose sur trois piliers : le contrôle de la production, le contrôle des prix et le contrôle des importations. Ces trois piliers sont tous essentiels pour préserver l'intégrité du système.
En ce qui a trait au contrôle des importations, le Canada prévoit un niveau d'accès à une quantité donnée de produits de poulet qui sera importée libre de droits annuellement au moyen des contingents tarifaires, conformément à l'Accord de libre-échange nord-américain. Le volume des importations correspond à 7,5 p. 100 de la production nationale totale de l'année précédente. En 2016, ce volume est d'environ 83 millions de kilogrammes. Les importations dont le volume est supérieur à ce niveau d'accès sont assujetties à un taux de droit supérieur. Il y a quelques exceptions, par exemple, des importations supplémentaires approuvées en cas de pénurie sur le marché.
La prévisibilité des importations est essentielle à l'efficacité de la gestion de l'offre et nécessaire pour déterminer avec précision les besoins nationaux en approvisionnements, et éviter les pénuries ou les surplus qui perturbent le marché canadien. Le contingent de production national tient compte des importations quand vient le temps de répondre à la demande canadienne.
Les volailles de réforme sont des poules pondeuses ou des poules reproductrices qui ont terminé leur cycle de ponte et, ayant atteint la fin de leur vie productive, sont envoyées à l'abattoir. La viande des volailles de réforme, généralement de moindre qualité que la viande de poulet à griller et donc moins dispendieuse, est utilisée principalement dans la fabrication de produits transformés, comme les saucisses, les soupes et les ragoûts.
La viande des volailles de réforme n'est pas visée par les contrôles d'importation ou des restrictions quantitatives et peut être importée en franchise de droits si elle est produite aux États-Unis. Il en est de même depuis la signature de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, en 1987. En revanche, les importations de viande de poulet à griller sont régies au moyen de contingents tarifaires et de taux de droits supérieur à l'engagement d'accès en vigueur qui peuvent atteindre 253 p. 100.
Les importations de produits déclarés comme étant de la viande de volaille de réforme ont augmenté de 55 p. 100 entre 2009 et 2015, alors que la production canadienne de poulets a augmenté de 9 p. 100 durant la même période. En 2015, les importations de volailles de réforme correspondaient à environ 10 p. 100 de la production totale de poulet au Canada.
[Français]
L'industrie canadienne de la volaille, de même que les producteurs et les transformateurs ont souvent souligné avec inquiétude que les contrôles à l'importation de viande de poulet à griller sont contournés par certains importateurs qui déclarent de la viande de poulet à griller comme étant de la viande de volaille de réforme. Cela leur permet d'éviter les contrôles à l'importation et de faire entrer leurs produits au pays en franchise de droits. L'industrie est convaincue que c'est l'une des principales raisons à l'origine de la hausse importante des importations de volaille de réforme au cours des dernières années, en particulier les importations de viande de poitrine, étant donné qu'elle représente la meilleure valeur économique. Les importations de viande de poitrine déclarée comme étant de la viande de volaille de réforme ont augmenté de 318 p. 100 depuis 2009.
Au cours des dernières années, les producteurs de poulets ont indiqué que la prévisibilité des importations a diminué en raison de l'augmentation des importations de produits déclarés comme étant de la viande de volaille de réforme et des doutes entourant la validité de ces importations.
L'industrie canadienne du poulet craint que cette tendance continue de favoriser l'importation de viande de poulet à griller en franchise de droits, ce qui remplacera ainsi la production canadienne de poulet. Puisqu'il est impossible de distinguer le poulet et la volaille de réforme à l'œil nu, il est difficile de prendre des mesures pratiques et efficaces afin d'assurer la légitimité des importations de volaille de réforme.
[Traduction]
Un outil possible que l'industrie a soulevé pour aider à gérer le problème est le programme de vérification de la viande de volaille de réforme mis en place par le Département de l'agriculture des États-Unis. Il s'agit d'un programme volontaire offert à tous les producteurs et transformateurs de volaille américains qui demandent une vérification par une tierce partie pour certifier que la viande produite et transformée dans leur établissement provient de volailles de réforme, qu'elle est correctement étiquetée et qu'elle ne contient pas de viande de poulet à griller.
Ce programme a été mis en place à la demande des transformateurs américains de volailles de réforme qui disaient craindre que cette activité frauduleuse ne détruise la production légitime et le commerce des volailles de réforme. À l'heure actuelle, cinq entreprises américaines ont présenté une demande et sont approuvées en vertu du programme de vérification de la viande de volaille de réforme de l'USDA.
Agriculture et Agroalimentaire Canada dirige un groupe de travail interministériel afin d'examiner la question des importations de volailles de réforme et d'élaborer des options qui permettront d'assurer la légitimité des importations de volailles de réforme et d'améliorer la prévisibilité des importations pour l'industrie de la volaille. Le groupe de travail comprend des représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, de l'Agence des services frontaliers du Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, d'Affaires mondiales Canada et de Finances Canada
Une des options actuellement envisagées consiste à ajouter la volaille de réforme sur la Liste des marchandises d'importation contrôlée afin de faciliter la mise en œuvre d'une exigence de certification. Je vais laisser ma collègue d'Affaires mondiales fournir plus de détails sur cette option puisqu'elle relève de leur domaine de compétence.
[Français]
En terminant, je tiens à vous assurer que le gouvernement est bien conscient de l'importance des contrôles d'importation en ce qui concerne les produits soumis à la gestion de l'offre, et que les divers ministères collaborent afin de résoudre le problème.
Merci de nous avoir accordé de votre temps. Je suis heureux d'avoir pu être ici aujourd'hui, et je suis prêt à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Avant de continuer, j'aimerais présenter un nouveau membre du comité, soit le sénateur Oh, de l'Ontario.
Nous allons maintenant écouter Mme Funtek.
Katharine Funtek, directrice exécutive, Direction de la politique sur la réglementation commerciale, Affaires mondiales Canada : Bonjour. Monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler du mandat d'Affaires mondiales Canada en ce qui concerne l'application des contrôles à l'importation aux termes de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, pour appuyer le système de la gestion de l'offre du Canada visant le poulet et les produits du poulet, et, en particulier, des questions relatives aux importations de volailles de réforme. Je vous donnerai un aperçu du mandat que remplit Affaires mondiales Canada aux termes de cette loi, et je vous présenterai les contrôles à l'importation qui s'appliquent au poulet et aux produits du poulet.
Comme l'a souligné mon collègue d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, le système de gestion de l'offre du Canada repose sur trois piliers : la réglementation de la production intérieure, le contrôle des prix et le contrôle des importations. Les contrôles à l'importation sont administrés par Affaires mondiales Canada conformément à la Loi sur les licences d'exportation et d'importation.
La loi permet au gouvernement du Canada de faire diverses choses : de contrôler les exportations et les importations de certains biens et technologies militaires, stratégiques ou à double usage; d'assurer un approvisionnement suffisant pour répondre aux besoins du Canada, notamment dans le domaine de la défense; et de réguler les importations et les exportations de biens faisant l'objet de contrôles pour des raisons économiques, par exemple pour mettre en œuvre des accords commerciaux ou pour appuyer le système de gestion de l'offre du Canada.
Cette loi relève du ministre des Affaires étrangères, mais il est appuyé dans cette tâche par la ministre du Commerce international, qui assume la responsabilité des contrôles à l'exportation et à l'importation établis en application d'accords commerciaux internationaux ou pour d'autres raisons économiques. La loi confère au gouverneur en conseil le pouvoir d'établir des listes pour contrôler l'importation et l'exportation de certains biens, et d'ajouter des biens à ces listes pour différentes raisons. Je me concentrerai aujourd'hui sur la Liste des marchandises d'importation contrôlée.
La Loi sur les licences d'exportation et d'importation prévoit six raisons pouvant amener le gouverneur en conseil à juger nécessaire de contrôler un bien en l'inscrivant à la Liste des marchandises d'importation contrôlée. Dans le cas des produits soumis à la gestion de l'offre, ce qui inclut le poulet, les deux raisons suivantes s'appliquent : en premier lieu, pour mettre en œuvre un accord ou un engagement intergouvernemental tel que l'ALENA; en deuxième lieu, pour mettre en œuvre toute mesure d'application de la Loi sur les offices des produits agricoles en limitant l'importation sous quelque forme que ce soit d'un article semblable à un article produit ou commercialisé au Canada. Par exemple, le poulet importé est un article semblable au poulet qui est produit ou commercialisé à l'échelle nationale.
Le poulet a été inscrit à la Liste des marchandises d'importation contrôlée en 1979, et un contingent d'importation global a été introduit pour ledit poulet. La volaille de réforme, pour sa part, a été explicitement exclue de la Liste des marchandises d'importation contrôlée et des produits visés par le contingent, n'étant pas jugée être un substitut du poulet à griller. L'exclusion de la volaille de réforme des contrôles à l'importation a été réitérée dans l'Accord de libre- échange Canada-États-Unis entré en vigueur en 1987. L'annexe 706 de cet accord prévoit que le poulet et les produits du poulet ne comprennent pas la volaille de réforme communément appelée « poule à bouillir ». Cette exclusion a été par la suite intégrée à l'ALENA.
Conformément aux négociations du Cycle d'Uruguay, qui ont institué l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, le Canada a converti ses contingents en contingents tarifaires, ou CT, y compris le contingent de poulet à griller. Là encore, la volaille de réforme a été exclue de l'application du CT.
Pour ceux pour qui les CT ne sont pas familiers, un CT établit un accès à des taux tarifaires faibles ou nuls pour des quantités spécifiques du produit importé visé. Ces quantités sont couramment désignées comme quantités dans les limites du contingent. Contrairement aux contingents absolus, un système de CT permet l'importation de marchandises en dehors, ou au-delà de la limite du CT. Bien qu'il n'y ait pas de restrictions quant aux quantités de marchandises qui peuvent être importées au-delà du CT, ces importations sont soumises à des taux d'importation beaucoup plus élevés.
À titre d'exemple, le poulet à griller importé dans les limites du CT du Canada entre au pays à des taux d'importations variant entre zéro et 7,5 p. 100, tandis que les importations hors contingent, comme mon collègue l'a dit, sont soumises à des taux variant entre 238 et 253 p. 100. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les importations de volaille de réforme n'ont jamais fait l'objet de contrôles et peuvent entrer au Canada à partir des États-Unis et d'un certain nombre d'autres pays en franchise de droits — en plus des États-Unis, ils peuvent provenir du Chili, du Pérou, de la Colombie ou des pays les moins développés.
Les importations de volaille de réforme en provenance de pays avec lesquels le Canada n'a pas d'arrangement d'accès préférentiel bénéficient du taux tarifaire de la nation la plus favorisée, qui peut s'élever à 9 p. 100, selon le produit. Ce taux est bien inférieur aux taux de 238 à 253 p. 100 imposés sur le poulet hors contingent.
Compte tenu des préoccupations que soulève un contournement potentiel des contrôles à l'importation sur le poulet, et dans le but de veiller à ce que la volaille de réforme ne soit pas faussement classifiée ou représentée comme du poulet, le gouvernement examine un certain nombre d'options pour améliorer la mise en œuvre des contrôles aux frontières. L'une des options mises de l'avant par certains intervenants de l'industrie, comme Les Producteurs de poulet du Canada, est une mesure prise en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation visant à faciliter la mise en œuvre d'une exigence de certification qui aiderait les autorités frontalières à faire la distinction entre les importations de volaille de réforme et les importations de poulet. La faisabilité d'une telle option est actuellement à l'étude.
Comme il a toutefois été noté précédemment, la volaille de réforme a été spécifiquement exclue des contrôles à l'importation sur le poulet à griller aux termes de l'ALENA et de l'Accord instituant l'OMC, de sorte que les importations de volaille de réforme continueront d'entrer au Canada sans restriction quantitative. Et, comme les importations de volaille de réforme proviennent en majorité des États-Unis, elles continueront d'entrer au pays en franchise de droits.
Pour terminer, j'aimerais souligner qu'Affaires mondiales Canada continuera de travailler avec ses partenaires d'autres ministères, et avec l'industrie, pour appuyer et mettre en œuvre les décisions du gouvernement concernant le système de gestion de l'offre du Canada. Je vous remercie infiniment du temps que vous m'avez accordé. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Nous allons maintenant écouter M. Loynachan.
Brad Loynachan, directeur, Politique commerciale, Agence des services frontaliers du Canada : Bonjour. Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie.
[Français]
Je m'appelle Brad Loynachan, je suis directeur de la Division de la politique commerciale, qui fait partie de la Direction générale des programmes de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je vous remercie de me donner l'occasion de contribuer à votre étude sur les questions touchant l'importation de volaille de réforme.
[Traduction]
L'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, est consciente de la nécessité, pour les producteurs de volaille du Canada, d'être concurrentiels, et elle prend très au sérieux le rôle qu'elle joue pour appuyer le système de gestion de l'offre du Canada.
L'ASFC est chargée d'appliquer le Tarif des douanes, même si Finances Canada en est l'ultime responsable du point de vue législatif et stratégique. L'ASFC applique aussi d'autres lois du gouvernement du Canada qui régissent l'admissibilité des marchandises au Canada. Dans le cadre de ce mandat, l'agence doit aussi garantir le classement tarifaire approprié des marchandises importées au Canada.
Les produits visés par la gestion de l'offre peuvent être importés conformément aux dispositions du Tarif des douanes, en se fondant sur les quantités négociées auprès de l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, et dans le respect des accords de libre-échange. Comme il a déjà été mentionné, Affaires mondiales Canada gère l'attribution de ces quantités au moyen de la délivrance de permis d'importation.
Comme mes collègues l'ont indiqué, la volaille de réforme n'est pas soumise au système de gestion de l'offre du Canada et peut donc être importée en quantités illimitées. La volaille de réforme est assujettie à un droit de douane ordinaire de la nation la plus favorisée, pouvant atteindre jusqu'à 9 p. 100, mais celle en provenance des États-Unis peut être importée légalement au Canada en franchise de droits en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain, ou ALENA.
Il est difficile d'établir à la frontière le classement tarifaire approprié du poulet importé puisqu'aucun moyen visuel ne permet de distinguer le poulet à griller et la volaille de réforme lors de l'importation. En raison de ce risque, l'ASFC emploie un robuste programme de vérification après importation fondé sur les risques dans le cadre duquel elle vérifie les livres et les registres liés aux documents d'importation, comme les bons de commande des clients, les pièces comptables et les contrats.
Entre 2012 et 2014, l'ASFC a mené 25 vérifications de conformité portant sur le classement tarifaire des importations de volaille de réforme. Aucune de ces vérifications n'a permis de constater une inobservation des règlements.
Depuis avril 2016, l'ASFC a mené d'autres vérifications de conformité ciblées portant sur le classement tarifaire des importations de volaille de réforme. Elle pourrait amorcer de plus importantes vérifications à l'échelle nationale si ces vérifications permettaient de conclure que du poulet à griller est classifié indûment en tant que volaille de réforme.
De sa propre initiative, l'industrie a élaboré un test d'ADN qui pourrait permettre de faire la distinction, d'un point de vue scientifique, entre le poulet à griller et la volaille de réforme. Le gouvernement du Canada continue d'étudier la possibilité d'utiliser un test d'ADN en tant qu'outil de surveillance qui permettrait de veiller au classement tarifaire approprié des importations de volaille de réforme. Afin de déterminer s'il est possible, du point de vue opérationnel, d'utiliser le test d'ADN, le gouvernement doit évaluer les principaux éléments suivants : la confirmation de la fiabilité du test d'ADN proposé; l'acceptation de ce test par les organismes externes d'examen, comme le Tribunal canadien du commerce extérieur et les tribunaux; le côté pratique de l'échantillonnage et de l'administration du test, en tenant compte des quantités de volaille de réforme qui sont importées chaque année; et, les répercussions négatives que l'échantillonnage pourrait avoir.
Bien que le test d'ADN pourrait être un précieux outil permettant de vérifier la conformité lors de la surveillance du classement tarifaire des importations de volaille de réforme, et qu'il pourrait dissuader ceux qui ne se conforment pas aux lois, il ne constituerait pas une exigence en matière d'importation, comme le serait un processus officiel de certification.
Si le gouvernement du Canada adoptait un programme de certification des importations de volaille de réforme, l'ASFC devrait veiller à ce que les importations soient accompagnées des certificats et des permis nécessaires, qui feraient alors partie de son processus de vérification.
[Français]
Monsieur le président, l'Agence des services frontaliers du Canada comprend les préoccupations des producteurs de volaille du Canada, et elle continuera de soutenir les efforts du gouvernement du Canada visant à régler ce problème important.
[Traduction]
C'est ainsi que prend fin mon exposé. Je serai heureux de répondre aux questions du comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Loynachan. C'est le vice-président du comité qui posera les premières questions.
Le sénateur Mercer : Bonjour à tous. Nous avons beaucoup parlé de la volaille de réforme — plus que nous l'aurions tous voulu. C'est un problème.
On nous a fourni des chiffres alarmants sur la volaille de réforme; comme par magie, les États-Unis sont en mesure d'exporter plus de volaille de réforme qu'ils n'en produisent. C'est une bonne affaire si la quantité de produits exportés dépasse la quantité produite au pays. Bien sûr, la plupart sont exportés au Canada.
Nous faisons face à un problème. L'ennui, c'est que nous ne connaissons pas l'ampleur du problème. Il apparaît à certains d'entre nous que des vérifications ponctuelles doivent être effectuées à la frontière. Il nous faut faire les tests d'ADN qui sont maintenant accessibles et faire des vérifications ponctuelles.
L'industrie n'est pas aussi importante qu'on le pense. La nouvelle circulerait assez vite si des vérifications ponctuelles étaient menées à plusieurs postes frontaliers pour déterminer si les produits sont vraiment de la volaille de réforme. Pourquoi ne le faisons-nous pas? C'est une question simple.
M. Loynachan : Je suis conscient de l'importance de vos observations et des préoccupations de l'industrie à cet égard. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, le gouvernement du Canada étudie la possibilité de recourir aux tests d'ADN pour régler le problème.
Certaines des questions à prendre en considération concernent l'aspect pratique et la faisabilité opérationnelle de ces tests. Je dirais aussi que bien que, comme vous l'avez dit, il pourrait s'agir d'un outil de surveillance ou de dissuasion efficace, les nouvelles se répandent rapidement. Cependant, cette mesure ne constituerait pas une disposition de contrôle des importations. Je crois que le gouvernement du Canada examine de façon globale des options ou une solution qui renforceraient la réglementation de ces importations plutôt que des outils de conformité ou de surveillance.
Le sénateur Mercer : Nous continuons à signer des accords commerciaux : le PTP fait l'objet de discussions, et il y a aussi l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, par exemple. Chaque fois que nous le faisons, nous devons abandonner quelque chose pour obtenir autre chose. Nous savons comment fonctionnent les négociations.
Nous continuons à réduire petit à petit la gestion de l'offre. Je dois dire que mes collègues et moi ici avons été impressionnés par l'attitude des gens du secteur de la gestion de l'offre — les agriculteurs qui produisent dans le cadre du système de gestion de l'offre — et leur volonté et leur compréhension quant à l'appui d'accords comme le PTP et l'Accord entre le Canada et l'Union européenne; ils comprennent que c'est bon pour le pays, même s'il en découle une réduction de la gestion de l'offre.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire des tests d'ADN à chaque poste frontalier du pays. Il nous faut de l'équipement mobile qu'il est possible de déplacer d'un site frontalier à un autre. Vous savez mieux que moi quels postes frontaliers sont les plus utilisés pour ce produit. Ils ne sont pas tous équipés pour faire les tests d'ADN. Comme je l'ai dit, si on les fait passer d'un endroit à l'autre, les nouvelles voyageront vite : on ne sait pas où les tests seront effectués. Une ou deux poursuites, même une seule, enverraient un message très clair aux gens qui contreviennent à la loi — c'est la loi.
Vous dites que le gouvernement est en train d'examiner cela. Savez-vous ce qui fait traîner les choses?
M. Loynachan : Non, je ne le sais pas précisément. Dans le contexte du groupe de travail interministériel qui a été formé pour examiner les options qui amélioreraient la gestion des importations de la volaille de réforme, deux ou trois options viables possibles sont sur la table, ce qui inclut certainement les tests d'ADN. Je vous remercie de vos observations. Ce que vous dites est très pertinent, encore une fois, au sujet de l'effet dissuasif.
Au cours du dernier exercice, les importations de volaille de réforme se sont élevées à 3 340 environ.
J'ai mentionné les mesures de vérifications actuelles de l'Agence des services frontaliers du Canada. Nous examinons les postes à risques élevés, comme vous le dites, et des importateurs précis.
L'agence comprend complètement vos observations au sujet de l'importance des tests d'ADN.
Le sénateur Mercer : Ma dernière question, sur ce qui retarde les choses, est importante, car nous avons une occasion ici de faire comparaître une personne qui prend les décisions. Il nous faut savoir de qui il s'agit pour pouvoir lui poser la question.
Nous avons besoin de votre aide pour déterminer où se situe l'obstacle, ou sur quel bureau se trouve le dossier à l'heure actuelle. Je suis le plus ancien membre du comité et j'en ai assez de parler de la volaille de réforme. Je veux passer à d'autres questions importantes.
Si quelqu'un a une idée de la façon de procéder — vous ne pouvez peut-être pas le dire pendant que nous sommes filmés —, je serai ici durant la pause.
M. Forsyth : Je peux répondre à la question, sénateur.
Comme mon collègue de l'ASFC l'a dit à juste titre, c'est une décision collective du gouvernement du Canada qui doit être prise quant à la façon de gérer cela. Pour notre part, en tant que membres du groupe de travail interministériel, nous proposons des options et faisons des recommandations, qui seront présentées aux ministres pour qu'ils prennent les décisions.
Le sénateur Mercer : Donc, le dossier est sur le bureau d'un ministre?
M. Forsyth : Non, pas encore. Aucune recommandation n'a été présentée à un ministre.
Le sénateur Mercer : Comme je l'ai dit au début de la réunion, le ministre de l'Agriculture comparaîtra devant nous au cours de l'automne. Je le reverrai durant l'été, comme c'est le cas normalement, et je lui dirai que ma première question portera sur ce problème, et peut-être que d'ici là, le ministre sera en mesure de nous répondre. Merci.
Le sénateur Ogilvie : Je vais poursuivre dans la même veine. Il est évident que c'est important parce que si l'on peut importer de la volaille de réforme sans que des tarifs soient appliqués, la remballer et la vendre comme de la viande de poitrine, il saute aux yeux que cela représente un avantage concurrentiel injuste dans le marché canadien.
En ce qui concerne la capacité ou l'incapacité de détecter de la volaille de réforme à la frontière, je remarque que M. Forsyth dit ici que les importations de viande de poitrine déclarée comme étant de la viande de volaille de réforme ont augmenté de 318 p. 100 entre 2009 et 2015, mais M. Loynachan dit que 25 enquêtes portaient sur une trace écrite — je ne considère pas que c'est vraiment un problème de traçabilité important — et qu'aucun problème de non-conformité en matière d'étiquetage n'a été découvert.
Monsieur Forsyth, quels tests utilisés vous amènent à dire que la quantité de viande de poitrine désignée incorrectement comme de la volaille de réforme a augmenté de 318 p. 100 au cours de cette période? Quels tests sont utilisés?
M. Forsyth : Je ne parlais pas de tests à proprement parler. Je soulignais que la quantité de volaille de réforme importée au pays a augmenté. Cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Ogilvie : On dit ici « importations de viande de poitrine déclarée comme étant de la viande de volaille de réforme ».
M. Forsyth : Je peux demander à mon collègue de parler de ce qui se passe lorsque les produits traversent la frontière, mais je parlais des statistiques que nous avons. Il est possible qu'un importateur déclare que la viande de poitrine qu'il importe est de la volaille de réforme pour le taux de droit. Je crois que cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Ogilvie : Comment le détermine-t-on?
M. Forsyth : Par les documents qui sont présentés à la frontière.
Le sénateur Ogilvie : Donc, est-on capable d'examiner la déclaration et de déterminer qu'il s'agissait d'une fausse déclaration par la suite?
M. Loynachan : Non.
Le sénateur Ogilvie : Donc, au bout du compte, le produit est étiqueté comme étant de la volaille de réforme, mais il s'agissait en fait de la viande de poitrine?
M. Loynachan : Sénateur, je veux préciser que je ne suis pas complètement sûr qu'il s'agisse d'un problème d'étiquetage. Il s'agit plus exactement de la façon dont les produits qui sont importés au Canada sont déclarés.
Il s'agit en fait de déterminer si, oui ou non, la viande de poulet à griller qui est assujettie à des contingents d'importation dans le cadre du système de gestion de l'offre est déclarée incorrectement comme de la volaille de réforme et s'il y a contournement. À la frontière, ou au moment de l'importation au Canada, les importateurs ont une responsabilité en vertu de la loi de déclarer correctement les produits au gouvernement. L'ASFC examine la déclaration pour s'assurer qu'elle est correcte.
Comme je l'ai souligné, l'un des obstacles ou l'une des difficultés auxquels notre organisme fait face, c'est que visuellement, on ne peut pas faire la distinction, au moment où...
Le sénateur Ogilvie : Je comprends tout cela. Ce n'est pas cela le problème pour moi.
Je suis un petit gars de la campagne. On parle ici d'importations de viande de poitrine déclarée comme étant de la viande de volaille de réforme.
Cela signifie-t-il qu'à la frontière, les gens ont en fait déclaré que le produit est étiqueté comme étant de la volaille de réforme, mais qu'il s'agit en fait?... Ils ont donc volontairement déclaré la fausse information sur l'étiquette?
M. Loynachan : C'est possible.
Le sénateur Ogilvie : D'accord. La question que je me posais est la suivante : comment le détermine-t-on? De plus, ce n'est pas déterminé par une méthode d'enquête. C'est dans le processus de déclaration.
Je veux revenir sur un deuxième aspect, et c'est lié aux raisons pour lesquelles le sénateur Mercer a passé toutes ses années ici au comité à répéter les mêmes choses, et à entendre le même jargon administratif, et à demander quel organisme est responsable. Vous parlez de la possibilité d'élaborer des tests d'ADN, et voici ce que vous dites dans votre document : « De sa propre initiative, l'industrie a entrepris d'élaborer un test d'ADN qui permettrait de faire la distinction, d'un point de vue scientifique, entre le poulet à griller et la volaille de réforme. » Je présume qu'elle n'a pas encore de test définitif à ce moment-ci.
Est-ce que vous ou les organismes du gouvernement du Canada auxquels vous avez fait référence avez établi un contrat de recherche précis avec un laboratoire d'analyse de l'ADN au pays, ou ailleurs, dans le but d'élaborer un test qui indiquerait un changement dans l'ADN, qui indiquerait qu'une molécule d'ADN, par exemple, change de façon substantielle selon l'âge du poulet?
M. Loynachan : Je vous remercie. En un mot, non. Le gouvernement du Canada n'a pas engagé qui que ce soit pour ce qui est des tests d'ADN. Je précise toutefois que les Producteurs de poulet du Canada, en collaboration avec des universités canadiennes et le secteur privé, ont proposé un test que nous examinerons pour déterminer s'il permet de régler ce problème d'importations.
Ils nous l'ont présenté. Nous voyons le bien-fondé de ce test. Toutefois, comme je l'ai indiqué, le gouvernement a besoin d'examiner la fiabilité du test. Comme vous le savez, toute décision commerciale fait l'objet d'un examen par des organismes externes qui vérifient le classement des produits importés, plus précisément le TCCE, le Tribunal canadien du commerce extérieur ou les tribunaux.
Il nous faudrait également nous assurer que du point de vue légal, il s'agit d'un bon test et que la décision du gouvernement sur le reclassement de ces produits est solide.
Le sénateur Ogilvie : Je suis complètement d'accord avec vous à cet égard.
J'en conclus qu'un prototype en est à l'étape de la vérification, ou qu'il est sur le point de l'être. C'est un vrai progrès. Je vous remercie beaucoup.
Le sénateur Plett : Dans son exposé, M. Forsyth a dit ceci : « Puisqu'il est impossible de distinguer le poulet de la volaille de réforme à l'œil nu [...] »
Voici ce qu'a dit Mme Funtek dans son exposé :
Le poulet à griller a été inscrit à la Liste des marchandises d'importation contrôlée en 1979 et un contingent d'importation global a été introduit pour ledit poulet. La « volaille de réforme », pour sa part, a été explicitement exclue de la Liste des marchandises d'importation contrôlée et des produits visés par le contingent, n'étant pas jugée être un substitut du poulet à griller.
Nous avons parlé d'augmentations d'environ 300 p. 100. J'ai quelques chiffres ici. De septembre 2013 à avril 2014, on a importé 51 millions de kilos de volaille de réforme. L'année suivante, on en a importé 55 millions de kilos. Au cours de la même période l'an dernier, les importations ont atteint 81 millions de kilos.
Des producteurs nous ont dit que ce poulet a été importé illégalement; vous nous dites la même chose et vous dites que la situation dure depuis longtemps.
J'ai deux ou trois questions. Comment savons-nous que ce qui est importé est, en fait, de la volaille de réforme s'il est impossible de la distinguer de la viande de poulet à griller? Quelqu'un fait la distinction quelque part, ou nous n'aurions pas ces chiffres et ne saurions pas que le produit a été passé illégalement. Vous nous dites que nous pouvons ou non faire des tests d'ADN, et qu'un document sera présenté à un ministre à un moment donné.
J'ai fait partie du gouvernement précédent, et c'était un problème à l'époque. Visiblement, nous n'avons rien fait à cet égard, et le gouvernement actuel n'en fait pas davantage, et on nous dit qu'un ministre est peut-être saisi du dossier, mais ce n'est pas encore le cas.
Nous savons que c'est un problème. Il existe depuis des années. Est-ce que quelqu'un quelque part goûte au poulet à griller et se rend compte du problème? Si c'est le cas, pourquoi diable ne mettons-nous pas en prison la personne qui a fait passer cette viande désignée comme étant de la volaille de réforme? Si nous l'avions fait à quelques reprises, peut- être que tout cela cesserait.
Comment savez-vous que de la volaille de réforme est introduite illégalement et qu'il s'agit, en fait, de viande de poulet à griller? Comment faites-vous pour le déterminer?
M. Loynachan : Je vous remercie de vos observations.
Pour ce qui est de se rendre compte que la viande de poulet à griller est, en fait, déclarée comme de la volaille de réforme, c'est une grande question. Comme je l'ai indiqué, de 2012 à 2014, compte tenu des préoccupations de l'industrie, l'ASFC a mené 25 vérifications de livres et de registres et aucune d'entre elles n'a permis de constater une inobservation des règlements.
Je comprends les données d'importation fondées sur la production des États-Unis et certains des chiffres sur la disponibilité de la viande de poulet à griller au pays, et je comprends que l'industrie a des préoccupations. L'agence continue, en raison des préoccupations exprimées, à cibler les risques élevés ou à vérifier ces importations.
Pour ce qui est de savoir comment le gouvernement découvre le problème, je ne suis pas en mesure de vous donner une réponse complète.
Le sénateur Plett : J'ai une suggestion. Vernon Frœse est l'un des dirigeants des Manitoba Chicken Producers, et je suis sûr que d'autres personnes ont des fonctions similaires dans toutes les autres provinces. Je parie que si vous lui posiez la question, il vous donnerait une bonne suggestion sur la façon dont nous pourrions gérer cela, et il pourrait peut-être vérifier les produits qui traversent à la frontière. Il semble connaître le nombre exact de marchandises qui entrent illégalement.
Pourtant, notre bureaucratie semble dire qu'il faudrait étudier la possibilité d'utiliser des tests d'ADN. Peut-être cela fonctionnerait-il, car nous ignorons comment faire.
Mesdames et messieurs, je ne siège pas au comité depuis aussi longtemps que le sénateur Mercer, mais je suis tout de même ici depuis sept ans, et j'entends toujours la même chose : utilisons des tests d'ADN, trouvons une façon de faire ceci, trouvons une façon de faire cela.
Je crois que vous devriez discuter avec les agriculteurs sur la façon de procéder; je vous parie qu'ils auront de bonnes suggestions à vous faire.
Je suis désolé, monsieur Forsyth. Vouliez-vous réagir à ma diatribe?
M. Forsyth : Certainement. Et, c'est une bonne diatribe. Merci.
Je tiens à souligner que nous travaillons en étroite collaboration avec des intervenants canadiens et que nous rencontrons très souvent les représentants de Producteurs de poulet du Canada. Je sais que vous ne voulez plus entendre parler des tests qui ont été mis au point, mais nous travaillons avec ces gens afin de trouver une solution réaliste.
Je tiens à rappeler à tous les participants qu'il y a des entreprises légitimes qui utilisent la volaille de réforme et qui fabriquent des produits au Canada. Vous conviendrez avec moi qu'il faut continuer d'encourager l'utilisation légitime de la volaille de réforme. Il suffit de trouver une façon d'encourager ces importations et de décourager les autres.
Le sénateur Plett : Même les producteurs de poulet vous diraient que si vous voulez utiliser ces volailles pour faire de la soupe, allez-y et importez-les. Je ne crois pas que ce soit un problème
Je vais m'éloigner du sujet de la volaille de réforme quelques instants, car j'en ai marre d'en parler.
J'aimerais parler d'un autre sujet dont on a suffisamment entendu parler, un sujet qui concerne l'industrie porcine, car nous avons des représentants de l'ASFC à la table et qu'on me dit toujours que c'est de leur faute.
Comme je l'ai déjà dit, je viens du Manitoba. J'ignore si c'est une chose dont on peut être fier, mais nous sommes la capitale du porcin d'élevage au pays. Nous l'exportons. Nous embarquons les porcins d'élevage dans une remorque dans laquelle nous mettons également de la paille canadienne. Ces porcins laissent dans la remorque du fumier canadien. On trouve aussi dans cette remorque du fourrage canadien. Lorsque cette remorque traverse la frontière des États-Unis, seules ses roues touchent le sol américain.
À l'autre bout du trajet, ces porcins sont placés dans une porcherie, les rampes sont replacées dans la remorque, puis le camionneur nettoie ses bottes, les remets dans le camion et revient vers la frontière canadienne. Une fois arrivé, on lui dit qu'il ne peut pas franchir la frontière avant d'avoir nettoyé son camion avec de l'eau des États-Unis. Il refuse, car les Américains utilisent de l'eau recyclée dans laquelle on trouve beaucoup de bactéries, entre autres. Il ne veut pas nettoyer son camion là, avec cette eau, car il rapportera toutes ces bactéries sur son camion jusqu'au Canada. Il devra ensuite nettoyer de nouveau son camion au Canada et s'assurer de le désinfecter en raison de toutes ces bactéries.
Cette situation ne date pas d'hier. Il y a quelques années, j'ai travaillé à ce dossier en compagnie du ministre de Travaux publics et de représentants de l'ASFC et nous avons trouvé la solution idéale. Ce camion, à la frontière, sera scellé, comme nous le faisons tous les jours avec les camions, et il devra se rendre immédiatement vers une entreprise de lavage de camions au Canada où se trouveraient des inspecteurs de l'ASFC ou de l'ACIA. Le camion se fait alors nettoyer au Canada. C'est la solution idéale, mais cette option n'est plus possible.
Les agriculteurs et camionneurs refusent de nettoyer leurs camions avec cette eau recyclée à la frontière. Ils doivent donc parcourir des centaines de miles pour trouver un endroit acceptable où laver leur camion. Une fois rendus au Canada, ils doivent nettoyer de nouveau leur camion au coût de 400 $ ou 500 $ le lavage.
Pourquoi ne pas adopter une solution simple, comme celle que je viens de proposer? Cette procédure fonctionnait très bien. En revenant à l'ancienne façon, on nettoie ces camions aux États-Unis avec de l'eau potentiellement contaminée à la diarrhée épidémique porcine, la DEP. Pourquoi ne pas revenir à la procédure qui fonctionnait?
M. Loynachan : Merci, monsieur le sénateur. Je comprends la situation. Je tiens à rappeler que l'ASFC administre de nombreuses mesures législatives pour le compte d'autres ministères.
Concernant le processus pour l'entrée sanitaire de l'équipement ou des biens au Canada, cette responsabilité revient à l'ACIA. Je crois que mes collègues ici présents seraient mieux placés pour vous répondre plus en détail.
Le sénateur Plett : Au moins, vous pointez vers des gens dans la salle. Je vous en remercie.
Lyzette Lamondin, directrice exécutive intérimaire, Direction de l'importation/l'exportation d'aliments et de la protection des consommateurs, Agence canadienne d'inspection des aliments : J'ai un peu peur de vous dire que je ne suis pas une spécialiste de la santé animale à l'ACIA. Je travaille dans le domaine alimentaire. Je vais donc me cacher un peu derrière cela.
Nous nous attendions à ce que cette question soit soulevée et nous savons parfaitement que ce dossier est une source de préoccupation au Manitoba. Bien entendu, cette question est abordée dans les médias.
Les exigences auxquels vous faites référence, soit le retour au nettoyage aux États-Unis, à titre de mesure de contrôle, avant de revenir au Canada, sont en vigueur depuis 1990. Ce n'est qu'en 2014 que les mesures temporaires ont été mises en place au Canada.
Je vous assure que nos responsables de la santé animale ne jouent pas avec les risques zoosanitaires. C'est nous qui devons intervenir lorsqu'il y a un problème. Ce n'est qu'après avoir analysé les anciennes données et après que des analyses scientifiques rigoureuses aient été menées que les responsables ont décidé de revenir à l'ancienne procédure, confiants que le réseau canadien serait protégé.
Cela dit, je sais que cette question demeure une source de préoccupation, notamment au Manitoba. C'est un sujet qui revient souvent dans les discussions avec les représentants manitobains. Un groupe de travail fédéral-provincial- territorial continue d'examiner diverses mesures de contrôles pour trouver les meilleures. Il est toujours important d'examiner les mesures de contrôle les plus efficaces, efficientes et économiques lorsqu'il est question de salubrité alimentaire, de santé animale et de la santé de la planète. Je peux vous assurer que plusieurs scientifiques expérimentés, tant à l'ACIA que dans les provinces et territoires, étudient les options possibles.
Je ne peux pas répondre à votre question ni parler précisément de la DEP ou des risques pour la santé porcine. Toutefois, je peux vous assurer que ce dossier fait l'objet de discussions et que les scientifiques de l'Agence, et ceux de nos partenaires, se penchent sérieusement sur cette question.
Le sénateur Plett : Monsieur le président, j'aimerais terminer ma diatribe avec un commentaire.
Je vous propose, madame, comme je l'ai fait aux autres témoins concernant la volaille de réforme, de discuter avec les agriculteurs et camionneurs et de leur demander leur opinion. Je crois qu'ils auraient une meilleure idée. Tout comme vous, ils veulent éviter que des maladies entrent au pays.
Demandons conseil à ceux qui travaillent sur le terrain.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je ne reviendrai pas sur le sujet de la volaille de réforme, mais j'ai l'impression que c'est une forme de dumping de produits américains. Je vais aller plus loin en disant que c'est une forme de fraude envers le consommateur en ce qui concerne l'étiquetage, et cela doit certainement priver le Canada de nombreux emplois.
Cela dit, ma question s'adresse à M. Loynachan. Corrigez-moi si je me trompe, mais est-ce que les États-Unis font comme le Canada, c'est-à-dire qu'ils laissent entrer des aliments sur leur territoire et ne font que des vérifications aléatoires? Cela veut-il dire que nos producteurs ont plus de difficulté à faire entrer des produits sur le marché américain, ou est-ce que ce sont les Américains qui font davantage de vérifications? Lorsque l'on traverse la frontière, on a l'impression, en tant que voyageurs, d'être vérifiés de plus près par les Américains, qui ont de nouveaux équipements, que lorsque nous entrons au Canada.
[Traduction]
M. Loynachan : Malheureusement, je ne peux ni confirmer ni infirmer la rigueur des mesures de contrôles américaines en matière d'importation de volaille de réforme, pas plus que le nombre d'inspections et les mesures mises en place par l'ASFC ou la USCBP.
Je n'ai pas, non plus, de statistiques ou de chiffres à vous fournir sur ces importations aux États-Unis. J'ignore si mes collègues d'Agriculture et Agroalimentaires Canada seraient en mesure de vous fournir ces données aujourd'hui. Sinon, l'ASFC, avec l'aide de mes collègues, serait heureuse de réunir ces informations et de vous les faire parvenir par écrit, si c'est le souhait du comité.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Loynachan, on sait que le contrôle des importations relève de la responsabilité de l'Agence des services frontaliers du Canada, mais, si j'ai bien compris votre présentation — et corrigez-moi si je me trompe —, il n'y a pas de représentants des ministères de la Santé ni de l'Agriculture.
Maintenant, dans le cas de la majorité des aliments qui arrivent des États-Unis et du Mexique, qui exerce ce genre de contrôle d'un côté ou de l'autre de la frontière? En outre, est-il normal qu'il n'y ait pas d'agents de Santé Canada dans nos postes frontaliers pour faire les vérifications? Si c'est le cas, pouvons-nous améliorer nos contrôles aux frontières?
[Traduction]
Je tiens à vous assurer que toutes les organisations représentées à cette table travaillent ensemble, même si l'Agence des services frontaliers du Canada, comme je l'ai souligné, est principalement responsable des mesures de contrôle des importations et administre plus de 100 mesures législatives canadiennes pour le compte de ses partenaires. Je vous assure que nous nous appuyons sur nos partenaires et que nous leur transmettons les informations nécessaires.
Il arrive parfois à l'ASFC de conclure des protocoles d'entente avec diverses organisations pour mener des activités bien précises. Par exemple, nous avons un protocole d'entente avec l'ACIA. Certaines des mesures comprises dans ce PE concernent les biens à haut risque et définissent les rôles et responsabilités des diverses parties. Dans certains cas, nos partenaires participent aux activités à divers points d'entrée.
[Français]
Le président : Il nous reste cinq minutes et cinq sénateurs. Je vais donc prolonger la période des questions de 10 minutes, mais c'est tout le temps qu'il nous reste. Je demanderais aux sénateurs et aux témoins d'être concis dans leurs questions et leurs réponses.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Le problème de la volaille de réforme ne date pas d'hier. Avez-vous une idée des pertes de revenus encourues par le gouvernement fédéral et du nombre de postes que les producteurs de poulet du Canada ont dû supprimer? Pendant que nous discutons de la question, des chargements de camions continuent d'entrer au pays. Les pertes de revenus sont quotidiennes. Auriez-vous des conseils à donner au comité?
M. Forsyth : Nous n'avons pas ces statistiques. Je tiens à rappeler qu'il y a des importations légitimes de volaille de réforme. Nous n'avons pas fait de calculs relativement aux importations légitimes et illégitimes ou sur les pertes de revenus encourues. Nous n'avons pas fait ces calculs.
[Français]
Le président : Pourriez-vous, monsieur Forsyth, fournir ces chiffres au comité afin que nous puissions les transmettre au sénateur Oh?
[Traduction]
M. Forsyth : Nous pourrions essayer.
La sénatrice Tardif : Je partage totalement l'avis de mes collègues concernant la volaille de réforme ainsi que leurs préoccupations. J'aimerais brièvement soulever un autre point.
De nombreux témoins se sont dits inquiets du manque d'harmonisation entre les règles d'inspection canadiennes et américaines à la frontière pour les produits agricoles.
Que fait-on pour harmoniser les règles d'inspection à la frontière pour les produits agricoles?
Mme Lamondin : Le Canada et la U.S. Food and Drug Administration travaillent fort au dossier des règles relatives aux produits agricoles et à plusieurs produits transformés, soit la viande et, ironiquement, le poisson-chat.
Par l'entremise du Conseil de coopération en matière de réglementation, nous effectuons un travail considérable pour tenter d'harmoniser nos règles.
Le mois dernier, nous avons signé, avec la Food and Drug Administration, une l'Entente de reconnaissance des systèmes de sécurité sanitaire des aliments. Cette entente reconnaît que les aliments sont essentiellement produits et inspectés de la même façon dans les deux pays, ce qui assure un même niveau de protection. L'entente nous permettra d'élaborer des stratégies de mise en œuvre plus détaillées afin d'inclure des procédures d'inspections et de rappels, notamment.
Je dirais que les efforts se sont accentués au cours des dernières années pour tenter d'harmoniser les règles, comparativement aux décennies précédentes.
La sénatrice Tardif : Je vais devoir m'arrêter ici, monsieur le président. Merci.
La sénatrice Beyak : Mon opinion diffère de celui de mes collègues par rapport à ce que vous nous dites. Le dossier de la volaille de réforme m'inquiète, car de nombreux témoins nous ont signalé qu'il s'agit d'un problème, mais en ce qui me concerne l'augmentation, celle-ci pourrait être associée à une utilisation accrue de la volaille de réforme dans les aliments transformés, si l'on tient compte du fait qu'il y a plus de familles monoparentales et plus de gens qui travaillent et du fait que les aliments transformés sont plus savoureux qu'ils ne l'étaient il y a 10 ou 20 ans. Cette augmentation pourrait-elle être légitime? Nous n'avons pas vérifié si la volaille de réforme est étiquetée comme étant de la viande de poulet à griller, n'est-ce pas?
Ensuite, je n'avais que 30 ans, en 1979, alors ça ne date pas d'hier. Avez-vous une idée de qui a décidé qu'il était facile de faire la différence entre la volaille de réforme et la viande de poulet à griller? Évidemment, les tests d'ADN n'existaient pas à l'époque. Quelqu'un a décidé qu'il y avait une différence. Comment? À mes yeux, c'est la même chose.
M. Forsyth : Je vais d'abord répondre à votre première question. Vous avez tout à fait raison. Comme je l'ai dit, la volaille de réforme est utilisée de façon légitime. Au cours des dernières années, la transformation des aliments et la fabrication de produits alimentaires ont augmenté au pays. On peut donc s'attendre à ce qu'il y ait une augmentation des importations de la volaille de réforme. Je dirais qu'il s'agit, dans ce cas, d'une importation légitime de volaille de réforme. Les données fournies tiennent compte de cette augmentation, cela ne fait aucun doute.
Nous continuons d'analyser la différence entre les importations légitimes et illégitimes, mais vous avez tout à fait raison : l'utilisation légitime de la volaille de réforme a augmenté au cours des dernières années.
Je crois que personne ici n'était au gouvernement en 1979. J'ignore pourquoi la volaille de réforme n'a pas été incluse à l'époque, mais je crois que vous avez raison d'établir un lien avec le fait qu'à l'époque, les processus de production n'étaient pas aussi avancés qu'aujourd'hui. À l'époque, la volaille de réforme n'était utilisée que pour la soupe, mais, au fil des ans, son utilisation a augmenté, cela ne fait aucun doute.
[Français]
Le président : Monsieur Forsyth, pourriez-vous fournir un complément de réponse au comité à la suite de la question du sénateur Dagenais?
Je tiens à vous remercier tous les cinq d'avoir témoigné aujourd'hui. Les sénateurs Plett et Mercer auraient, eux aussi, d'autres questions à vous poser. Nous comptons vous accueillir de nouveau à notre comité.
[Traduction]
Le sénateur Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Terry Mercer, sénateur de la Nouvelle-Écosse, et je suis le vice-président du comité.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. Le secteur agricole et agroalimentaire joue un rôle important au sein de l'économie canadienne. En 2014, le secteur employait plus de 2,3 millions de personnes, soit un travailleur sur huit au pays, et comptait pour environ 6,6 p. 100 du produit intérieur brut du Canada.
À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien compte pour 3,6 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires. En 2014, le Canada pointait au cinquième rang des plus importants exportateurs mondiaux de produits agroalimentaires.
Le Canada a conclu plusieurs accords de libre-échange. À ce jour, 11 accords de libre-échange sont en vigueur, sans compter l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, le Partenariat Trans- Pacifique et l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine qui ont été conclus, mais pas encore signés. De plus, huit accords de libre-échange sont en cours de négociation.
Le gouvernement fédéral a également entrepris des discussions commerciales exploratoires avec la Turquie, la Thaïlande, les Philippines et les pays membres du Mercosur, dont l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay.
Je vais demander à mes collègues de se présenter. Ensuite, nous passerons aux témoins.
La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.
Le sénateur Plett : Bienvenue au comité. Je m'appelle Don Plett, et je viens du Manitoba.
[Français]
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le vice-président : Merci, chers collègues.
Aujourd'hui, nous accueillons le président de Keystone Agricultural Producers of Manitoba, M. Dan Mazier, ainsi que M. Andrew Glastetter, de la société Great Western Railway Ltd. Merci d'avoir accepté notre invitation. J'invite les témoins à présenter leurs exposés. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.
Dan Mazier, président, Keystone Agricultural Producers of Manitoba : Bonjour. Je m'appelle Dan Mazier, et je suis le président de Keystone Agricultural Producers of Manitoba. Nous sommes la plus importante organisation agricole du Manitoba, et nous défendons les intérêts des agriculteurs de tous les secteurs d'activités pour les enjeux primordiaux qui touchent notre industrie, ce qui comprend la fiscalité, les transports, la réglementation et les programmes agricoles, pour n'en citer que quelques-uns.
Nous avons pour mandat de favoriser la rentabilité, la durabilité et la réussite pour les agriculteurs actuels et la prochaine génération.
Keystone Agricultural Producers, plus connu sous le nom de KAP, est membre de la Fédération canadienne de l'agriculture, et je siège à son conseil d'administration.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous entretenir aujourd'hui de l'agriculture au Manitoba et de la nécessité d'accéder aux marchés internationaux pour les produits primaires.
Le Manitoba est un producteur de blé, de diverses cultures céréalières, de légumineuses, de soja et de canola. En effet, nous produisons 17 p. 100 de la récolte canadienne de canola et 20 p. 100 de celle de soja.
Nous sommes également l'un des plus importants producteurs et exportateurs de porc au Canada, tant sur le plan des animaux vivants que des produits transformés. Nos secteurs des bovins à viande, des produits laitiers, de la volaille et des œufs sont également très solides.
Le Manitoba compte plus de 19 millions d'acres qui servent à produire de la nourriture et qui génèrent six milliards de dollars de recettes monétaires agricoles annuelles, et il ne s'agit là que de la production primaire. La transformation des aliments, qui constitue le plus important secteur manufacturier du Manitoba, génère quatre milliards de dollars de plus.
Ce que nous produisons et transformons est exporté en grande partie aux États-Unis, en Asie, en Europe et en Amérique du Sud. Les nouveaux accords commerciaux qui ont été conclus récemment nous permettront d'élargir nos possibilités dans d'autres pays. Cependant, la recherche de nouveaux débouchés n'est d'aucune utilité s'il ne nous est pas possible d'y livrer nos produits.
Les agriculteurs de l'Ouest canadien dépendent énormément du transport ferroviaire pour expédier leurs produits vers les terminaux portuaires, que ce soit celui de Vancouver, de Thunder Bay ou de Churchill. En tant que producteur de grains et d'oléagineux, je tiens à souligner l'importance d'avoir un service ferroviaire de qualité au sein de notre secteur.
Néanmoins, personne n'ignore que, depuis quelques années, le service ferroviaire n'est pas adapté à nos besoins. Les choses ont culminé en 2013-2014 quand une récolte exceptionnelle et la lenteur des services ferroviaires ont eu de nombreuses et graves répercussions pour les agriculteurs.
Par exemple, cet automne-là, les terminaux portuaires sont restés sans service ferroviaire pendant 28 jours au cours d'une période de trois mois et demi, et les agriculteurs canadiens ont perdu des ventes parce qu'il leur a été impossible de respecter les échéances prévues par les contrats avec les acheteurs étrangers. Qui pis est, cela a nui à notre réputation de fournisseur fiable.
En outre, quand elles n'avaient pas de grain à charger sur les navires en attente, ou que les expéditions étaient en retard, les sociétés maritimes faisaient payer aux entreprises céréalières des frais allant de 12 000 $ à 18 000 $ par jour et par navire. Ce coût était transféré directement aux agriculteurs.
Les agriculteurs ont également perdu des centaines de millions de dollars — des milliards, selon certaines estimations — lorsque l'engorgement du système a donné lieu à un excès de l'offre dans les silos de la région, ce qui a fait diminuer le prix local par rapport au prix du port.
Cela a eu des conséquences importantes sur notre capacité de maintenir une trésorerie, d'équilibrer les comptes des agriculteurs et de jouer un rôle à l'égard du développement économique rural.
En 2014, on a adopté la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain afin de régler la crise. Parmi les dispositions de la loi, mentionnons la prolongation des droits d'interconnexion, l'arbitrage des différends portant sur les marchés entre expéditeurs et sociétés ferroviaires, ainsi que la capacité de fixer les exigences des volumes de transport de grains, s'il y a lieu. Toutefois, ces dispositions arrivent à échéance le 1er août 2016.
Le gouvernement fédéral travaille à en étendre d'un an la portée. Je tiens à remercier le comité pour sa contribution à faire avancer les choses. Le Sénat, comme vous le savez, a adopté la semaine dernière la résolution d'extension. Hier, la Chambre a adopté la motion. Grâce à cette extension, les agriculteurs de l'Ouest canadien pourront être protégés en vue de la prochaine saison d'expédition commerciale.
Désormais, nous devons collaborer afin d'établir ces éléments fondamentaux dans la Loi sur les transports au Canada : cela est extrêmement important pour le maintien d'un système efficace de transport.
La disposition sur l'interconnexion permet à un chemin de fer d'acheminer les grains d'un client d'un autre chemin de fer jusqu'à concurrence d'une distance de 160 kilomètres, plutôt que de la distance habituelle de 30 kilomètres. Cette mesure permet que les expéditeurs qui n'ont qu'un choix de compagnie de chemin de fer aient un accès équitable et raisonnable au réseau ferroviaire à un prix réglementé.
L'obligation de transporter un volume minimum, à laquelle on n'a recours qu'au besoin, exige des sociétés ferroviaires qu'elles transportent une quantité de grains déterminée par le gouvernement au cours d'une période déterminée. Autrement, la société ferroviaire sera passible d'une amende.
De cette façon, le système de transport du grain ne fera pas face à l'arriéré important et aux retards au port qu'il a connus il y a de cela quelques années.
L'intégration de ces mesures à la Loi sur les transports au Canada protégera les expéditeurs et les agriculteurs, nous aidera à nous acquitter de nos obligations contractuelles sur le marché mondial et nous permettra de profiter de nouveaux accords commerciaux.
Andrew Glastetter, directeur général, Great Western Railway Ltd. : Mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui pour présenter mes observations dans le cadre de votre étude. Au cours de mon exposé, je vous présenterai une description de notre organisation, puis je me concentrerai sur certaines dispositions du projet de loi C-30. J'aborderai également les aspects de l'examen de la LTC liés à l'accès aux marchés.
Great Western Railway, ou GWR, est une entreprise détenue et exploitée localement. Il s'agit de la plus importante des 14 lignes ferroviaires sur courte distance de la Saskatchewan, et elle dessert les collectivités réparties le long d'un tronçon ferroviaire d'une longueur de 440 milles dans le sud-ouest de la Saskatchewan. Nous sommes fiers d'être la ligne ferroviaire sur courte distance qui dessert plus grand nombre de voies d'évitement pour le chargement des wagons de producteurs au Canada. Au cours de notre dernier exercice financier, qui s'est terminé en octobre, nous avons expédié un peu plus de 5 000 wagons de grain destiné à l'exportation. La correspondance se fait à Assiniboia, en Saskatchewan, avec le CP, notre transporteur de catégorie I.
Je suis conscient que la prolongation d'un an des dispositions de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain a déjà été approuvée, mais j'aimerais tout de même parler des répercussions sur nos activités, aux fins de considération ultérieure. En 2014, lorsque la loi est entrée en vigueur, j'ai cru comprendre à ce moment-là — et j'y suis toujours favorable aujourd'hui — que l'objet, pour une partie du projet de loi, du moins, était de s'assurer de maximiser le transport du grain dans le cadre du système opérationnel.
Je me dois de souligner que les transporteurs de catégorie I ont fait valoir un point très valable concernant les effets conjugués de la campagne agricole record et de l'hiver extrêmement rigoureux, en 2013. Je peux vous confirmer que ces conditions ont rendu la tâche beaucoup plus difficile que beaucoup pourraient le penser. La différence entre nos conditions hivernales moyennes — certes difficiles — et les conditions extrêmes que nous avons connu cette année-là ont complètement changé la donne du point de vue de l'exploitation d'un réseau ferroviaire.
Il n'en demeure pas moins que, selon mon expérience, les transporteurs de catégorie I auraient pu faire beaucoup d'autres choses pour assurer un transport plus efficace du grain canadien destiné à l'exportation. Depuis mon arrivée à la Great Western Railway, l'année dernière, j'ai constaté que même si la loi était fondée sur de bonnes intentions et a permis d'obtenir de nombreux résultats positifs, elle a eu des effets nuisibles sur la Great Western Railway, ces installations de chargement des wagons de producteurs ainsi que sur les producteurs que nous servons dans notre région.
L'accent mis sur l'obligation de transporter un volume minimum de grain par semaine a incité les transporteurs de catégorie I à prioriser davantage l'utilisation de leurs lignes principales et de leurs installations situées près des ports. Dans une certaine mesure, cela a empiré la situation de nombreux exploitants de chemins de fer d'intérêt local et de producteurs de la Saskatchewan. À titre d'exemple, tandis que l'arriéré de trafic s'accentuait dans l'ensemble du réseau, quelque temps après l'entrée en vigueur des dispositions de la loi, la plupart des sept plus importants silos de grains intérieurs des concurrents de nos sociétés ferroviaires avaient un arriéré de deux à quatre semaines, alors que cet arriéré était de 22 semaines pour bon nombre de nos clients locaux.
Je peux vous dire que la Great Western Railway aurait pu prendre certaines mesures pour mieux gérer les choses de son côté, notamment en mettant un accent accru sur l'exactitude des données concernant la livraison des wagons dans le système. À l'époque, cela aurait favorisé l'exactitude des rapports.
En raison du déséquilibre d'approvisionnement en wagons, une bonne partie du volume provenant de notre région de production a été transportée par camion jusqu'aux installations des lignes principales, voire jusqu'aux destinations de l'autre côté de la frontière, aux États-Unis. La baisse du trafic ferroviaire à l'échelle locale a été considérable et nous n'avons toujours pas retrouvé les niveaux antérieurs, car il est toujours difficile de regagner la confiance d'un client une fois qu'on l'a perdue.
L'augmentation de la circulation de camions dans la région a eu des répercussions sur le réseau routier local, ce qui a entraîné une augmentation des dépenses publiques pour les infrastructures autoroutières. Dans notre secteur de la province, on trouve beaucoup d'exemples d'une accélération extrême de la détérioration des routes découlant de la transition du transport par rail au transport par camion pour le transport du grain jusqu'aux lignes ferroviaires principales ou jusqu'aux destinataires aux États-Unis.
Cela a aussi un effet négatif sur notre environnement. Comparativement au transport par camion le transport de marchandises par rail peut entraîner une réduction de l'ordre de 75 p. 100 des répercussions pour notre environnement, étant donné notre capacité de transporter un nombre total de tonnes plus élevé, par mille et par litre de carburant.
Il est important de noter qu'au cours des deux ou trois dernières années, nous avons fait des efforts considérables à l'échelle locale, et notre entreprise a réalisé des progrès à bien des égards au chapitre de l'efficacité de façon à être un partenaire plus efficace dans la chaîne de transport. Cela nous a permis de renforcer notre relation déjà solide avec le CP. J'ai confiance que nous sommes maintenant en meilleure posture quant à l'approvisionnement futur en wagons. Si on songe de nouveau à imposer des volumes minimums, sans condition, je crains que cela n'entraîne encore une fois une baisse de trafic sur notre tronçon.
Je recommanderais plutôt de réglementer les volumes minimaux que dans les situations exceptionnelles, mais l'application d'une telle mesure devrait être uniforme de façon à favoriser une répartition équitable pour tous les tronçons et tous les réseaux ferroviaires, y compris les chemins de fer d'intérêt local dans les régions rurales de la Saskatchewan.
En ce qui concerne l'examen de l'Office des transports du Canada, la recommandation visant à éliminer, à terme, les questions liées à la détermination du revenu admissible maximal pourrait avoir un effet négatif quant à un accès aux marchés efficace et équitable pour le secteur du grain. Je ne suis pas habituellement favorable à la réglementation à cet égard pour la plupart des activités commerciales, mais je constate qu'il existe, en quelque sorte, un double monopole qui touche la majeure partie du vaste réseau ferroviaire au Canada, de sorte que la plupart des clients en sont dépendants. Dans un tel système, la capacité de fixer sans contrainte la tarification pourrait nuire à de nombreux producteurs et expéditeurs de petite à moyenne taille, qui représentent une part importante du tissu économique des régions rurales de la Saskatchewan.
Dans le cadre de l'examen de l'Office des transports du Canada, il a été proposé de moderniser le Programme de revenu admissible maximal, jusqu'à son élimination complète, d'ici sept ans. Je serais plutôt favorable à un examen exhaustif visant une modernisation ou une refonte du programme, mais sans l'idée d'y mettre fin.
J'aimerais ajouter une observation au sujet de la tarification : il faut examiner dès maintenant la structure tarifaire d'expédition au cours des dernières années. Récemment, les expéditeurs nous ont récemment informés de changements importants à la tarification qui rendent l'expédition sur notre réseau plus coûteuse comparativement aux changements à la tarification d'autres acteurs. Je travaillerai en étroite collaboration avec le CP pour mieux comprendre la nature des changements, le cas échéant, quant à l'approche du transporteur pour la détermination des tarifs d'expédition à partir de nos installations d'origine afin de garantir une tarification équitable pour tous.
Le dernier point que j'aimerais aborder concernant l'accès des producteurs de grain aux marchés porte sur l'accès physique comme tel. Le manque d'accès aux ports est l'une des préoccupations les plus courantes soulevées par mes clients. Pour mettre les choses dans leur contexte, il est important de comprendre que les chemins de fer d'intérêt local ont été créés à l'époque où les sociétés céréalières fermaient leurs installations pour déplacer leurs activités vers des installations centralisées le long des principales lignes de chemin de fer. Les sociétés ferroviaires ont vendu les lignes à de petits exploitants de chemins de fer indépendants, comme GWR. Donc, habituellement, notre clientèle se compose d'entreprises céréalières et d'acheteurs qui n'ont pas leurs propres terminaux portuaires. Les potentiels acheteurs étrangers de grains qui montrent un intérêt pour les produits céréaliers de nos producteurs locaux sont très préoccupés par le manque d'accès aux ports.
En ce qui concerne les deux principaux ports, ils n'ont pratiquement aucun accès au port de Vancouver et un accès très limité à celui de Thunder Bay. Il faut savoir que dans le cas de la Great Western Railway, la majeure partie de notre blé dur de grande qualité était habituellement transportée par rail jusqu'au marché américain. Évidemment, étant donné la récolte exceptionnelle aux États-Unis l'an dernier, jumelé à l'effet négatif de la valeur du dollar canadien sur les coûts d'expédition, ce marché est presque disparu au cours du présent exercice.
L'accès aux installations portuaires est essentiel à l'accès adéquat du grain canadien aux marchés internationaux. Des progrès très positifs ont eu lieu récemment avec le CP, qui souhaite appuyer nos efforts de commercialisation et collaborer avec nous, pour que nous pussions offrir des prix incitatifs pour le transport par train-bloc, ou des rabais aux expéditeurs, à ceux qui pourront atteindre le volume requis pour le transport par train-bloc sur notre ligne. On entend par train-bloc des trains d'au moins 100 wagons, vers une seule destination.
Bien qu'il puisse être difficile pour les compagnies de chemin de fer d'intérêt local de le faire, sur le plan logistique, sans les principaux terminaux à haute capacité, cela pourrait être une mesure très importante pour l'amélioration de l'offre de services de transport à l'échelle locale pour les producteurs.
Toutefois, l'une des premières questions est la suivante : lorsque nous aurons déterminé que nous pouvons utiliser les trains-blocs de notre chemin de fer d'intérêt local, dans quelle mesure aurons-nous accès aux ports? Étant donné que la plupart des installations portuaires appartiennent aux principaux acteurs du secteur canadien des grains, nos options sont très limitées quant à ceux, le cas échéant, qui donneront accès au port à nos trains-blocs.
En terminant, les marchés mondiaux des céréales sont très concurrentiels, et les producteurs de grains canadiens sont en concurrence avec ceux d'autres pays dont les zones de culture sont beaucoup plus près des ports de mer. Les chemins de fer d'intérêt local comme la GWR peuvent jouer un rôle primordial dans la chaîne d'approvisionnement. Ils permettent en effet de réduire le recours au transport par camion et réduisent par conséquent les coûts des producteurs pour le transport de la ferme au point de livraison. Ils offrent en outre des services ferroviaires plus efficaces et moins coûteux, réduisent l'impact environnemental et favorisent la création d'emploi à l'échelle locale.
Pour survivre, cependant, il nous faut un approvisionnement en wagons adéquat, des tarifs concurrentiels pour le transport sur de longues distances, et un accès rentable aux installations portuaires. Merci.
Le vice-président : Merci de vos exposés, messieurs. Nous passons maintenant aux questions des sénateurs; nous commençons par le sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Merci. J'ai monopolisé une bonne partie de la discussion avec le groupe de témoins précédent. Je serai donc bref, afin de permettre à mes collègues de poser des questions.
Messieurs, j'ai parrainé le projet de loi C-30 au Sénat et j'en suis fier. J'ai aussi appuyé la motion visant à le prolonger d'un an, présentée au Sénat il y a une semaine ou deux par le sénateur Harder, représentant du gouvernement au Sénat. Je suis bien sûr ravi que le gouvernement ait mis cette mesure en œuvre.
Ce que je vais dire est davantage une observation qu'une question, mais j'aimerais que vous y réagissiez tous les deux.
L'une des principales raisons d'être de ce projet de loi était que les grandes compagnies ne livraient pas le grain. L'objectif du projet de loi n'était pas de s'en prendre aux compagnies de chemin de fer d'intérêt local, mais plutôt de faire en sorte que les grandes compagnies, qui opposaient une forte résistance, se remettent à transporter du grain au lieu du pétrole. Même lors de leur comparution devant ce comité, leurs protestations étaient très évidentes. Elles ont invoqué des centaines de raisons, comme l'hiver rigoureux. Au Canada, il fait froid chaque année pendant l'hiver, surtout dans l'Ouest, d'où je viens. C'était la principale contestation à ce moment-là et je pense que le gouvernement a pris la bonne décision alors et qu'il prend encore une fois la bonne décision maintenant.
Il s'agit vraiment d'une observation. Vous pouvez y réagir si vous le souhaitez, mais je suis heureux de la décision que le gouvernement a prise alors et de celle qu'il vient maintenant de prendre. Je pense que cela aide les agriculteurs, qui constituent l'une des principales industries du pays, surtout dans l'Ouest canadien. Selon moi, nous devons veiller à ce que les grands conglomérats ferroviaires ne prennent pas le contrôle de la situation. Ce n'est certainement pas ce que font les compagnies de chemin de fer d'intérêt local. Je sais que vous avez perdu des clients, mais c'est la conséquence du refus des sociétés ferroviaires de livrer le grain. Si vous avez des commentaires, n'hésitez pas à les faire. Merci beaucoup. C'était ma dernière question.
M. Glastetter : Comme je l'ai signalé au cours de ma présentation du point de vue de la Great Western Railroad, j'ai appuyé et compris l'objectif de la loi. Il y avait une crise qu'il fallait dénouer rapidement. Les suggestions que j'ai formulées visent à améliorer la loi. Nous avons un an de plus pour l'examiner ou la repenser. Comme toute autre chose, elle a été mise en place pour que des améliorations y soient apportées par la suite. Ce que nous voudrions, c'est que les chemins de fer d'intérêt local et les petits expéditeurs bénéficient de certaines mesures de protection. Je comprends pourquoi cette loi a été mise en place et la raison est valable. Elle a permis de livrer beaucoup de grain, cela ne fait aucun doute. Comme tout le reste, elle peut être améliorée et mes suggestions vont dans ce sens.
M. Mazier : Ce qui m'a vraiment choqué, c'est à quel point cette crise a nui à l'activité économique au Canada. On estime que l'activité a chuté de quelque 7 milliards de dollars parce que nos céréales ne se rendaient pas jusqu'au marché.
Le marché les réclamait et les prix au port ont atteint des sommets, mais les prix à la ferme étaient nuls. Dans les Prairies, à un moment donné, il n'y avait aucune soumission. C'est inquiétant. Quant aux agriculteurs, ils ont fait tout ce qu'il fallait. Ils ont produit une récolte record et dame Nature a coopéré avec eux. C'est ainsi que l'on renforce la résilience et que les choses devraient fonctionner, mais les sociétés ferroviaires n'ont pas compris le message.
Ce problème doit être réglé. Ce qui me fâche dans tout cela, c'est qu'en vertu du contrat qu'elles ont conclu, les compagnies de chemin de fer ont convenu de transporter du grain, mais elles n'honorent pas ce contrat. La Western Grain Elevator Association a les mains liées. Elle a des débouchés, mais personne n'arrive à s'entendre avec les compagnies de chemin de fer.
Il faut que la question soit réglementée et nous vous remercions d'avoir adopté cette loi, parce qu'elle a attiré une attention considérable sur le problème, à défaut d'autre chose. Autrement, le problème serait demeuré dans l'ombre. Il s'agit maintenant d'une priorité pour tout le monde, à Agriculture Canada et à Transports Canada, mais aussi au Commerce international. Je pense que cette approche pangouvernementale est nécessaire pour veiller à ce qu'une telle situation ne se reproduise pas.
Je continue d'exercer des pressions et je sais que la bataille sera dure, mais c'est à nous tous d'agir. Le secteur agricole a beaucoup de potentiel si on le laisse prendre sa place et qu'on le traite de façon équitable.
Le sénateur Dagenais : J'aimerais que l'on revienne à la problématique du transport par rail. L'année dernière, le président du CP a témoigné devant notre comité. Le CP se dit propriétaire des engins, le CN se dit propriétaire des rails, et vous avez les wagons. Je comprends qu'il faille négocier avec tout ce beau monde, mais êtes-vous obligé de tenir des négociations intensives avec les compagnies ferroviaires? Sont-elles disposées à livrer à temps? On nous mentionnait que le grain était en train de pourrir dans les silos, ou encore qu'on préférait transporter du pétrole, parce que c'est plus payant. Ces compagnies sont-elles indifférentes à vos objectifs? Il semble y avoir un problème avec les propriétaires des wagons et les propriétaires de rails. Il semble que ce soit un problème majeur pour le transport du grain.
[Traduction]
M. Glastetter : Certainement, la Great Western Railroad négocie avec le CP, qui est notre transporteur de catégorie I pour certaines de nos ententes de transport, en ce qui concerne les niveaux de service, les conditions d'exploitation et les tarifs ferroviaires.
En toute honnêteté, je pense que notre expérience diffère quelque peu de celle de nombreux autres chemins de fer d'intérêt local. Nous avons une bonne relation de travail avec le CP. À l'époque, nous avons beaucoup souffert de l'approvisionnement et de l'attribution des wagons. Je ne travaillais pas à la Great Western Railroad à ce moment-là, mais je me suis tenu au courant de cette histoire. Il y a eu beaucoup de problèmes relativement au service et nous tentions d'établir une bonne communication pour savoir quand les trains allaient arriver et quand les expéditeurs allaient recevoir des wagons. Il a fallu une éternité pour mettre les wagons en place. Il ne fait aucun doute que cela a nui grandement à notre compagnie de chemin de fer et aux agriculteurs. D'après ce que j'ai compris, le CP aurait pu prendre de nombreuses mesures pour améliorer la situation, mais il ne l'a tout simplement pas fait.
Comme je l'ai mentionné dans ma présentation, certains points pourraient être améliorés pour faciliter les choses, comme veiller à améliorer notre efficacité, comprendre que nous devons être au service de nos clients 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et accepter le passage des trains du CP. Nous devons devenir plus souples et assurer une meilleure communication avec nos employés qui s'occupent des demandes de wagons pour confirmer l'exactitude de celles-ci.
Il y avait de nombreux points que nous pouvions améliorer et nous y avons consacré beaucoup d'efforts au cours de la dernière année. Cela a contribué à améliorer nos rapports avec le CP, car nous lui avons bien fait comprendre que nous étions déterminés à livrer ses biens rapidement et à les traiter avec le respect nécessaire.
À l'heure actuelle, j'estime que le CP est ouvert à travailler avec nous. En juillet et août dernier, alors que nous écoulions la récolte précédente, les volumes étaient élevés et la circulation était intense, mais le CP a comblé 100 p. 100 de nos besoins en matière d'attribution de wagons, et ce, à un moment où beaucoup d'autres réseaux ne recevaient que 80 à 85 p. 100 des wagons qui leur étaient attribués. Nous sommes peut-être une exception, mais nous avons une excellente relation de travail avec le CP et les choses vont bien. J'entrevois un avenir prometteur.
Je n'ai pas eu connaissance de situations où la priorité a été accordée au pétrole. En 2013-2014, le pétrole ne représentait que 2 p. 100 des marchandises expédiées par des transporteurs de catégorie I, qui n'ont pas estimé que cela avait eu une incidence sur l'ensemble des expéditions. Selon moi, le pétrole était pour eux un client relativement nouveau et la demande était en croissance. J'ai remarqué qu'ils avaient apporté des changements à leurs réseaux pour faciliter la croissance dans ce secteur. Souvent, quand on fait ce genre de changements, ceux-ci ont des effets considérables sur les activités et les centres ferroviaires, ce qui a posé des problèmes. À mon avis, cela a certainement influencé la situation.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vous ai entendu parler du CP. Est-ce à dire qu'on oublie complètement le CN?
[Traduction]
M. Glastetter : J'ai un peu d'expérience avec le CN. Je préfère parler seulement de mon expérience, parce que je trouve injuste de me prononcer sur une situation que je ne connais pas bien. En 2013-2014, je travaillais pour une autre compagnie de chemin de fer d'intérêt local où je supervisais trois exploitations de chemin de fer distinctes au Canada. Nous avons établi des interconnexions et travaillé en étroite collaboration avec le CN dans deux d'entre elles. J'ai remarqué certaines difficultés de ce côté.
J'étais chargé de la surveillance des marchandises expédiées outre-mer qui arrivaient par notre ligne à destination du port de Churchill. Nous avons constaté d'énormes lacunes en matière d'attribution des wagons pendant cette période, et nous ne recevions pas toujours les marchandises que nous étions censés recevoir afin de les traiter.
À l'époque, je supervisais une société ferroviaire en Saskatchewan qui avait de la difficulté à accéder au triage de Saskatoon en raison de la congestion, qui était causée en grande partie par les wagons de pétrole qui y transitaient. Dans ce cas précis, un changement était en cours sur le réseau du CN et celui-ci déviait vers Saskatoon beaucoup de marchandises qui n'y transitaient pas habituellement. Il est certain que cela a alourdi la congestion.
J'ai pu observer les deux côtés et les problèmes sont très semblables chez les deux compagnies de chemin de fer de catégorie I.
M. Mazier : En 2013-2014, le service a été complètement interrompu parce que les transporteurs ne se présentaient pas. Les wagons qui sont commandés par l'intermédiaire des silos doivent suivre un horaire. Tout d'un coup, des producteurs de légumineuses se sont manifestés. Une coalition s'est formée et a commencé à surveiller tous les silos. Le Programme de surveillance des grains a entrepris d'examiner à quelle fréquence les wagons étaient commandés, puis à quelle fréquence ils étaient apportés sur les lieux et complétaient les commandes.
Pendant deux ans, c'est-à-dire en 2013-2014 ainsi qu'en 2014-2015, les transporteurs travaillaient de 30 à 50 p. 100 du temps. Les wagons étaient livrés ou vidés au moment convenu. Cela a duré deux ans. Puis, cette année, soudainement, le taux est devenu de 80 à 90 p. 100. Il était même de 100 p. 100 la semaine dernière. Il y a forcément quelque chose qui se passe. Et en passant, il se trouve que l'industrie pétrolière vient de s'effondrer. Pendant tout ce temps, les compagnies ont refusé d'admettre la vérité.
Le vice-président : Cela n'avait rien à voir.
M. Mazier : Comment peut-on remédier à cette situation? La solution consiste à comprendre le fonctionnement des compagnies de chemin de fer et à obtenir les renseignements appropriés. Nous nous sommes penchés sur le Groupe de travail sur la logistique du transport des récoltes qui a été nommé par le ministre. J'ai fait partie du comité présidé par la Commission canadienne des grains. Je n'arrivais pas à comprendre comment fonctionne le système ferroviaire. Toute l'industrie comprend ce qui se passe, sauf les compagnies de chemin de fer.
Au fond, ce sont elles qui ont le contrôle. Elles veulent contrôler le réseau pour qu'il ne soit pas engorgé. Je comprends cela, mais elles doivent néanmoins travailler avec les entreprises, ce qu'elles ne font pas. La situation n'a absolument aucune répercussion sur les compagnies de chemin de fer. C'est un problème majeur.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous dites qu'ils contrôlent le réseau; est-ce là ce qui les rend arrogants? Ils ont le monopole, c'est donc eux qui décident. Je les ai rencontrés à une occasion, et je trouvais qu'ils affichaient une attitude selon laquelle ils avaient le monopole et qu'ils allaient ainsi décider s'ils transporteraient le grain ou non, selon leur bon vouloir. C'est l'impression que j'ai eue.
[Traduction]
M. Mazier : Voilà où est le problème pour le secteur agricole. Ce que nous produisons n'est pas un objet, ce n'est pas quelque chose qu'on puisse cesser de produire, comme de la potasse, de l'engrais ou des voitures. Notre production est basée sur les cycles de la nature.
L'agriculture est différente, et c'est pourquoi le système de transport et de manutention du grain fait actuellement l'objet d'une analyse complète. Il faut gérer cela différemment. Si l'on veut tirer profit des accords commerciaux, il faut que les compagnies de chemin de fer soient disposées à discuter.
Cela dit, elles ont fait beaucoup de progrès. Le CN a créé un centre de service à la clientèle à Winnipeg, dont Kate Fenske est la nouvelle personne-ressource. Nous l'avons rencontrée à Winnipeg et elle est très ouverte.
La sécurité est maintenant leur priorité. Elles sont en communication avec tous les GD et avec les villes. Je comprends tout à fait que la sécurité soit la grande priorité. Parallèlement, il faut aussi tenir compte du service.
Les intervenants du secteur agricole peuvent aussi en parler du service avec la représentante du service à la clientèle.
Le vice-président : Les compagnies de chemin de fer et le service, ce sont deux termes qu'on ne voit pas très souvent ensemble.
La sénatrice tardive : Le projet de loi C-30 a fait passer de 30 à 160 kilomètres la distance d'interconnexion des chemins de fer, si on peut l'appeler ainsi. Cela vous a-t-il permis de transporter davantage de grain et de devenir plus compétitifs sur le marché?
M. Glastetter : La distance d'interconnexion ne touche pas vraiment les clients ou les expéditeurs de Great Western Railway parce que ceux-ci sont situés sur une courte ligne. S'ils cherchent à obtenir un niveau de service d'un autre fournisseur, nous allons établir une interconnexion avec le CP de toute façon. S'ils veulent établir une interconnexion avec le CN, ils devront passer par le CP afin d'arriver à la ligne du CN.
Ce changement ne nous touche pas concrètement, parce que nos clients ne peuvent pas vraiment changer de ligne. Je comprends la mesure et elle a été appliquée dans certains cas. Je crois savoir que les régions qui en ont bénéficié sont très satisfaites. Je sais que certains ont tendance à croire que cette disposition, même si elle n'est pas utilisée à sa pleine mesure, peut au moins favoriser la compétitivité.
Je ne peux donc pas parler par expérience parce que personne sur notre réseau n'y a recours.
M. Mazier : Au Manitoba, à défaut d'autre chose, cela a été très utile pour négocier avec les compagnies de chemin de fer. Cette mesure a été très avantageuse jusqu'à Emerson et à Winnipeg.
Je viens de Brandon, au Manitoba, dans l'ouest de la province, et je n'en ai pas beaucoup entendu parler. Techniquement, les compagnies peuvent venir jusqu'à Brandon, mais je n'ai pas tellement entendu parler des avantages.
En général, les responsables des silos disent que le coût d'expédition chute quand ils acheminent le grain par les corridors qui peuvent se prévaloir de cette disposition. Dans l'ensemble, instaurer cette concurrence est une bonne chose au lieu, car cela empêche les compagnies de chemin de fer de faire ce que bon leur semble.
La sénatrice Tardif : M. Glastetter, pendant votre présentation, vous avez dit que vous voudriez être en mesure de :
[...] pour que nous pussions offrir des prix incitatifs pour le transport par train-bloc, ou des rabais aux expéditeurs, à ceux qui pourront atteindre le volume requis pour le transport par train-bloc sur notre ligne [...] Bien qu'il puisse être difficile pour les compagnies de chemin de fer d'intérêt local de le faire, sur le plan logistique, sans les principaux terminaux à haute capacité, cela pourrait être une mesure très importante pour l'amélioration de l'offre de services de transport à l'échelle locale [...].
Pouvez-vous m'expliquer cela dans un langage courant?
M. Glastetter : Dans l'industrie du transport ferroviaire, les structures tarifaires sont telles que le taux majoré est plus élevé quand on expédie des wagons au tarif de wagons uniques, qu'il s'agisse d'un, deux ou dix wagons, quel que soit leur nombre en deçà de 25 wagons.
Des incitatifs sont offerts à ceux qui peuvent expédier un train-bloc, à savoir un train entier, généralement composé de plus de 100 wagons transportant tous le même produit vers une même destination, comme un train express, qui ne devra faire aucun arrêt ni être dirigé vers d'autres destinations. Le train va directement au port, où il est déchargé.
Il y a des remboursements offerts traditionnellement par les transporteurs ferroviaires de catégorie 1 pour ce genre de service. C'est pourquoi on voit, le long de toutes les voies principales, de grands terminaux de ciment qui peuvent charger un train de 100 ou 120 wagons en 24 heures.
Du point de vue de l'efficacité, cela est vraiment extrêmement avantageux pour les transporteurs ferroviaires de catégorie 1.
Il est habituellement difficile d'obtenir des mesures incitatives pour l'expédition à partir de chemins de fer d'intérêt local. On voit rarement ce genre de grand terminal sur un chemin de fer d'intérêt local. Ces chemins de fer sont en fait apparus parce que la majeure partie des grains était transportée des zones desservies par les chemins de fer d'intérêt local jusqu'aux installations terminales des voies principales.
Nous avons des installations plus petites qui peuvent charger environ 25 wagons par jour à la fois, ou 22 wagons à la fois — certains vont jusqu'à 50. Le CP nous a expliqué que si nous trouvons des moyens d'accumuler des trains-blocs à partir de notre ligne de chemin de fer aux interconnexions — en provenance de différentes installations de chargement sur notre ligne de chemin de fer — nous pourrons retourner au CP un train de 100 wagons vers la même destination.
Avec un expéditeur et un acheteur uniques s'occupant des marchandises, ils nous offriront les mêmes mesures incitatives. Cela aide vraiment à réduire la disparité des taux entre les expéditeurs des voies principales et les expéditions en provenance de notre chemin de fer, et les agriculteurs peuvent livrer leurs produits beaucoup plus près de la ferme et les acheminer vers le terminal tout en ayant quand même de meilleurs taux d'expédition.
Le problème que cela pose pour nous, actuellement, c'est que la plupart des grands terminaux céréaliers sur la voie principale qui utilisent traditionnellement cette mesure incitative de train-bloc possèdent toutes les installations portuaires où les trains arrivent et sont chargés sur des navires pour se rendre à l'étranger. Maintenant, nous aurons l'occasion d'expédier des marchandises à bord de trains-blocs — c'est une très grande faveur que le CP nous fait — et nous en sommes heureux. Cependant, nous devrons trouver des emplacements dans des ports qui sont prêts à accepter des trains d'expéditeurs indépendants plutôt que des trains de grandes entreprises céréalières canadiennes.
La sénatrice Tardif : Pouvez-vous me dire rapidement si vous avez la capacité en wagons permettant de constituer un train-bloc?
M. Glastetter : Oui, absolument. Quand les affaires vont bien, nous remplissons de 130 à 150 wagons par semaine, et il nous reste encore une bonne capacité. La seule chose, c'est que des 130 à 150 wagons que nous envoyons au CP et qui nous reviennent actuellement, 20 wagons peuvent aller à Thunder Bay, 20 à Vancouver et 50 aux États-Unis — ils vont partout. Par conséquent, les expéditeurs paient le taux d'envoi d'un wagon pour leurs produits.
La sénatrice Tardif : Merci pour l'explication.
M. Mazier : Je pense qu'on essaie également de déterminer où se trouvent ces points d'interconnexion. L'Elevator Association le demande. Nous avons posé la question. Nous n'arrivons pas à savoir où ils se trouvent. Personne ne nous donne cette information.
Nous entendons également qu'ils commencent à enlever quelques points d'interconnexion — ou à réduire la capacité. Au lieu de 100 wagons, nous sommes limités à seulement 50 wagons. En ce moment, les compagnies ferroviaires commencent à diminuer en fait le nombre de sites d'interconnexion.
La sénatrice Tardif : Est-ce que ce sont des transporteurs de catégorie 1?
M. Mazier : Des transporteurs de catégorie 1. Cela continue, et ils affirment qu'ils ont bien sûr augmenté la capacité d'interconnexion, mais en réalité ils enlèvent les points où on pouvait le faire.
Le vice-président : Avant de commencer le deuxième tour, je veux faire ma petite publicité habituelle.
Vous continuez à expédier des marchandises vers l'ouest. Vous allez à Vancouver, où il y a constamment des conflits de travail. J'aimerais attirer votre attention sur le port de Halifax où il n'y a pas eu d'arrêt de travail depuis 1976. De plus, à partir de là, c'est un jour de moins pour se rendre en Inde, dans le Sud de la Chine et pour traverser le canal de Suez, comparativement à un départ de Vancouver. Vous ne devriez pas négliger cette option.
Dans mon autre vie, je siège également au Comité permanent des transports et des communications, et le sénateur Plett y a aussi siégé pendant quelques années. Nous avons entendu souvent que des wagons vides se dirigent vers l'ouest, traversent les régions rurales de la Saskatchewan où des agriculteurs attendent, prêts à expédier leurs produits, et voient ces wagons vides qui passent devant eux sans s'arrêter. Les compagnies de chemin de fer disent qu'elles ne savent pas où sont tous leurs wagons vides.
S'il y avait de l'argent dans ces wagons, je vous assure qu'elles le sauraient assez vite. Ces wagons vides représentent de l'argent qui dort et qui nous échappe, et nous ne livrons pas nos produits à temps ou dans l'état dans lequel ils devraient être.
Voyez-vous ce problème des wagons vides qui vont vers l'ouest jusqu'au port de Vancouver? Pas plus tard que la semaine dernière, vous vous plaigniez de ne pas avoir les wagons dont vous avez besoin.
M. Mazier : Il y a des wagonnets à trémie pour les céréales, et il y a des wagons porte-conteneurs.
Le vice-président : Pas nécessairement pour des céréales. Merci de préciser la différence, mais il y a beaucoup de wagons.
M. Mazier : Les produits transformés, ou les produits de spécialité, si nous en avions, iraient sans doute dans des conteneurs.
On peut adapter le réseau ferroviaire et les wagons eux-mêmes à ce type de transport intermodal.
Cependant, au Manitoba, il y a un seul endroit où nous pouvons en fait charger des conteneurs intermodaux sur un train et c'est à Winnipeg. Même si nous devons aller à Regina, ce qui prend trois heures, ou à Winnipeg, ce qui prend deux heures pour expédier nos produits à partir de Brandon, au Manitoba, on n'y trouve pas, encore une fois, les installations de collecte nécessaires.
Cela soulève un autre point intéressant. Notre parc de wagons arrivera à la fin de sa vie utile en 2022. Le parc de l'Alberta sera le premier à arriver à ce point. Nous devons décider de ce que nous allons faire avec ce parc d'ici 2019. Il faut deux ans pour passer une commande, et il y a un retard d'environ deux ans. Il faut donc décider d'ici 2019 ce que nous allons faire avec notre parc de wagons à l'avenir.
Le vice-président : Qui est propriétaire du parc?
M. Mazier : Il y a six parcs différents. On trouve de tout, du gouvernement de l'Alberta aux exploitants de silos. Je ne sais pas si le CN et le CP sont des propriétaires.
M. Glastetter : Oui, ils possèdent une grande partie du parc de wagons, et le gouvernement en possède aussi.
M. Mazier : C'est probablement notre plus grand défi pour l'avenir. Parmi les sujets à discuter, comme l'avenir de l'examen de la LTC et du RAM et tous les sujets de ce genre, c'en est un qu'il faut surveiller.
C'est un problème qui va nous rattraper si nous ne réagissons pas maintenant.
La sénatrice Beyak : J'aimerais faire un suivi sur la question de la sénatrice Tardif. Croyez-vous que les gens à qui vous parlez de ces trains-bloc écoutent et comprennent le problème? Parce que vous semblez convenir tous les deux qu'il s'agit d'un problème.
M. Glastetter : Oui. Le CP est certainement d'accord que nous déplacions les trains-bloc à partir de notre ligne. C'est pourquoi il a proposé cela. C'est en fait un grand changement d'orientation pour eux que de nous permettre cela.
Les prochaines personnes à qui nous devons parler sont celles qui gèrent l'accès aux ports. Il y en a; ne vous méprenez pas, mais nous avons des craintes au sujet des deux auxquels nous avons accès, peut-être en passant par Thunder Bay ou même par le port de Québec, souvent utilisé. Nous pensons qu'il se passe dans l'industrie des choses qui nous donnent des raisons de croire que nous pourrions éventuellement être exclus de ces endroits également.
Je dirais que les gens avec qui nous négocions comprennent la situation, mais actuellement l'accès est très limité.
Le sénateur Plett : On dit qu'il ne faut pas juger l'arbre à ses fruits et M. Mazier est plutôt pour le projet de loi C-30 et pour son maintien. M. Glastetter ne le condamne certainement pas, mais ne le soutient pas autant.
J'ai un commentaire et une question. Vous avez été très clair lorsque vous avez dit que vous perdiez des affaires au profit de camions qui vont vers le sud et qui font la vie dure aux routes de la Saskatchewan et du Manitoba. Malgré cela — et vous avez maintenant de la difficulté à récupérer cette part du marché —, vous n'appuyez pas complètement l'obligation de transporter une certaine quantité de grains.
La compagnie ferroviaire explique que 2 p. 100 de son chiffre d'affaires provient du pétrole et c'est peut-être le cas. Je ne sais pas, mais le pétrole est certainement une marchandise plus importante pour elle que les grains. Mais peut-être que non.
Je ne vois pas bien pourquoi vous vous opposez à une chose qui fonctionne manifestement bien et qui aide réellement les agriculteurs. Ils affirment maintenant — M. Mazier est très clair — que le grain bouge. C'est une opération réussie et je pense que les agriculteurs louent les deux gouvernements d'y avoir donné suite au moins.
Pourquoi ne voulez-vous pas cela? Si vous êtes obligés de transporter des marchandises, cela vous permettrait peut- être de récupérer les affaires que les camions vous ont enlevées. Si ce n'est pas le cas, les camions vont encore se les approprier.
M. Glastetter : Absolument. Je le répète : je ne condamne certainement pas cela. Je ne suis pas contre le projet de loi et je pense, comme pour toute autre chose, que quelque chose a été proposé, est en place et connaît beaucoup de succès.
Cependant, je n'irai pas jusqu'à dire que c'est une réussite totale. Je crois qu'on pourrait améliorer les choses, sénateur.
Le sénateur Plett : Sans doute.
M. Glastetter : Comme pour toute autre chose, nous mettons quelque chose en place, nous lui faisons subir l'épreuve du temps et nous devons retourner en arrière pour voir ce qui a fonctionné. Beaucoup de grains ont été transportés. C'est bien. J'appuie certainement cela et je le soutiens jusqu'au bout.
Cependant, il y a autre chose qui n'a pas marché. En me préparant à cette réunion, j'ai fait beaucoup de recherches et j'ai regardé la vidéo des discussions et des séances relatives à l'adoption du projet de loi en 2014. On y répète maintes et maintes fois qu'on cherche dans une grande mesure par ce projet de loi à adopter une solution juste pour tout le monde. On a répété cela plusieurs fois.
Je m'en voudrais d'affirmer que c'est bon sur toute la ligne. Ce n'est pas le cas, même si en réalité c'est excellent sur de nombreux points. Je pense que c'est formidable et que c'est un fleuron pour le Sénat et pour toute personne qui a voté pour cela. C'est une bonne mesure, mais j'espère que le Sénat, dans ses démarches ultérieures, est capable de reconnaître que le document n'est peut-être pas encore parfait.
Le sénateur Plett : Je suis d'accord.
M. Glastetter : Dans ce cas, avec du recul, ce n'était pas juste pour les petits expéditeurs et les petits agriculteurs de la Saskatchewan qui ont dû payer beaucoup plus pour acheminer leurs produits sur les marchés, parce qu'ils ont dû les faire transporter par camion. Nos routes en ont subi les effets. Les contribuables ont dû payer davantage pour faire réparer les routes. Pour accéder aux marchés, cela leur coûte beaucoup plus d'argent.
Ce que je dis, c'est qu'il est possible d'apporter des améliorations et nous devrions examiner cela.
Le sénateur Plett : Quel est le principal produit que la Great Western Railway transporte?
M. Glastetter : Nous avons comme actionnaires un peu plus de 300 agriculteurs locaux qui cultivent des grains dans notre région, alors les grains sont et demeureront le principal produit que nous transportons.
Le sénateur Plett : Ils doivent être contents.
M. Glastetter : Je dirais que beaucoup d'entre eux sont assez préoccupés par certains changements qui découlent de cette loi, en ce sens que leurs coûts d'expédition ont augmenté considérablement. En 2013-2014, ils payaient pour faire transporter leurs marchandises par camion jusqu'à la voie principale.
En ce moment, ils sont très heureux. Soyons réalistes. Le marché est au ralenti cette année et pas seulement pour le pétrole brut. Il est vraiment au ralenti pour les grains également. Indépendamment de ce qui s'est produit avec le pétrole brut, l'approvisionnement en grains serait très bon compte tenu de la disponibilité des wagons actuellement.
Je pense que les agriculteurs aimeraient avoir un meilleur accès au réseau ferroviaire local à partir de leur région.
M. Mazier : Dans notre politique, nous appuyons les corridors et l'équilibre entre les corridors et leurs particularités, de manière à ce que les chemins de fer d'intérêt local et les petits expéditeurs ne soient pas pénalisés. Il faudra rétablir l'équilibre dans la nouvelle loi ou dans la loi existante.
Nous appuyons cela, mais reconnaissons qu'il y a des lacunes. C'est clair. Nous entendons le même discours de la part de nos expéditeurs.
Le vice-président : Merci, messieurs pour vos exposés. Il est bon de voir que les compagnies ferroviaires reconnaissent qu'il y a un hiver au Canada et qu'il faut s'y préparer. Cela nous étonne qu'ils se rabattent sur cette excuse, parfois.
Merci, messieurs de votre participation. Si vous vous dites soudainement en retournant à la maison ou en arrivant chez vous qu'il y a quelque chose que vous avez oublié de nous dire, n'hésitez pas à nous envoyer une note par l'intermédiaire de notre greffier. Il nous communiquera l'information. Je vous encourage à le faire, afin que nous ne rations pas une occasion de profiter encore plus de vos lumières.
M. Mazier : Combien de temps encore le comité va-t-il étudier cette question en particulier?
Le vice-président : Nous espérons terminer à l'automne.
Merci, messieurs. La séance est levée.
(La séance est levée.)