Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 16 - Témoignages du 6 octobre 2016
OTTAWA, le jeudi 6 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour examiner la réponse du gouvernement au neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, intitulé L'importance de la santé des abeilles pour une production alimentaire durable au Canada, qui a été déposé et adopté au Sénat le 27 mai 2015.
Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, et je suis vice-président du comité.
Je vais d'abord demander aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.
La sénatrice Beyak : Je m'appelle Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Oh : Je suis le sénateur Oh, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Je m'appelle Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le vice-président : Aujourd'hui, le comité entendra des fonctionnaires au sujet de la réponse du gouvernement à notre étude sur la santé des abeilles qui a été déposée au Sénat le 27 mai 2015. D'Agriculture et Agroalimentaire Canada, nous accueillons Mme Andrea Johnston, directrice générale, Direction du développement et analyse du secteur, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés; ainsi que M. Stephen F. Pernal, Ph.D., chercheur scientifique et agent responsable, Ferme expérimentale Beaverlodge, Direction générale des sciences et de la technologie. De l'Agence canadienne d'inspection des aliments, nous avons Dr Jaspinder Komal, directeur exécutif et vétérinaire en chef adjoint, Direction santé des animaux. Enfin, de Santé Canada, nous accueillons M. Scott Kirby, directeur général, Direction de l'évaluation environnementale, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.
Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître. J'invite maintenant les témoins à faire leur exposé, et je leur demanderais de ne pas dépasser cinq à sept minutes.
Après les exposés des témoins, nous entamerons une période de questions et de réponses. Chaque sénateur aura cinq minutes à sa disposition pour poser des questions. La présidence donnera ensuite la parole à un autre sénateur. Les séries de questions se poursuivront tant que nous aurons du temps. Il n'est donc pas nécessaire que les sénateurs essaient de poser toutes leurs questions en même temps. Je leur demanderais d'être succincts et d'aller droit au but, et je demande aux témoins d'en faire autant. Merci beaucoup.
Nous allons maintenant commencer par Mme Johnston.
Andrea Johnston, directrice générale, Direction du développement et analyse du secteur, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Merci de nous donner l'occasion de comparaître. Comme nous l'avons mentionné dans notre réponse officielle au rapport du comité, nous sommes d'accord avec les conclusions générales du comité, à savoir que la santé des abeilles est cruciale pour la production d'aliments et de semences et qu'il faut poursuivre la recherche et la collaboration avec les intervenants pour assurer la santé des abeilles.
[Français]
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de faire le point sur les activités auxquelles s'adonne Agriculture et Agroalimentaire Canada depuis la présentation de votre rapport final, en mai 2015.
[Traduction]
Mes collègues de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et de l'Agence canadienne d'inspection des aliments vous parleront séparément et répondront à vos questions sur les recommandations applicables à leurs domaines de responsabilité respectifs.
Les recommandations applicables aux domaines de responsabilité d'AAC concernent notamment le projet de surveillance de la santé des abeilles, la recherche sur la santé des pollinisateurs, l'amélioration des pratiques de gestion et les initiatives visant à améliorer les habitats des pollinisateurs.
Le comité a également recommandé que le Forum sur la santé des abeilles, appelé maintenant la Table ronde sur la santé des abeilles, joue un rôle particulier dans certains de ces domaines.
Je parlerai brièvement de la collaboration d'AAC aux travaux de la Table ronde et demanderai à mon collègue M. Pernal, Ph.D., spécialiste principal de la recherche sur les abeilles domestiques à AAC, de faire le point sur certaines de nos activités de recherche.
[Français]
J'aimerais, en premier lieu, vous parler de certains des plus récents indicateurs de la santé des abeilles et de l'industrie de l'apiculture au Canada.
[Traduction]
Les dernières statistiques disponibles indiquent que les 8 533 apiculteurs du Canada ont produit 95,3 millions de livres de miel en 2015, ce qui représente une valeur de plus de 232 millions de dollars et une hausse de 11 p. 100 par rapport à 2014. En outre, AAC estime que la contribution économique totale de la pollinisation par les abeilles domestiques à l'agriculture canadienne varie de 3,15 à 4,39 milliards de dollars par année.
Le nombre total de colonies d'abeilles au Canada a atteint 721 000 en 2015, ce qui représente une hausse de 3,6 p. 100 par rapport à 2014 et de 9 p. 100 par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.
Les apiculteurs décident s'ils doivent agrandir leurs exploitations en augmentant le nombre de colonies selon leur estimation des coûts et du revenu potentiel à tirer des ruches, au moyen des frais de services de pollinisation, de la production de miel ou de la production supplémentaire de reines et d'abeilles pour la vente.
[Français]
Un autre indicateur de la santé des abeilles est l'étendue des pertes annuelles des colonies en hiver.
[Traduction]
Les pertes hivernales varient grandement d'une année à l'autre et d'un apiculteur à l'autre selon le profil des conditions météorologiques à l'automne et au printemps, l'évolution des problèmes liés aux ravageurs et aux maladies et les pratiques de gestion.
La moyenne nationale des pertes de colonies au cours de l'hiver 2015-2016 s'est établie à 16,8 p. 100. Les moyennes provinciales ont varié de 7,7 p. 100 pour Terre-Neuve-et-Labrador à 24,4 p. 100 pour l'Île-du-Prince-Édouard. Comme l'an dernier, les pertes de colonies déclarées à l'échelle nationale comptent parmi les plus faibles depuis 2006-2007 et pourraient laisser entrevoir une amélioration graduelle ces dernières années.
En ce qui a trait aux activités de notre table ronde multilatérale sur la santé des abeilles, j'aimerais d'abord souligner à quel point nous sommes ravis et encouragés de constater l'appui et la contribution que continuent d'apporter les divers membres représentant les apiculteurs, les producteurs, les chercheurs, les fournisseurs d'intrants et les partenaires fédéraux et provinciaux. En fait, la décision de passer d'un forum à une table ronde est le résultat d'une reconnaissance mutuelle que la santé des abeilles nécessite un engagement à long terme de temps, de coordination et de ressources.
Tandis que la table ronde sert de tribune pour l'échange de renseignements, le dialogue et la planification stratégique à long terme, des groupes de travail ont été organisés pour mettre en œuvre certaines initiatives. Ces groupes de travail se penchent actuellement sur la recherche, les habitats des pollinisateurs et les milieux ambiants, la lutte contre le varroa, la réduction de l'exposition aux pesticides, la nutrition des abeilles domestiques, les pratiques de gestion exemplaires et les communications.
À titre d'exemple, de nouveaux produits de communication, y compris un plan de communication assorti de fiches d'information et de messages clés, et un recueil des activités ayant trait à la santé des abeilles, aident les membres à mieux informer leurs intervenants sur les considérations relatives à la santé des abeilles et à les amener à participer aux activités actuelles.
En outre, les membres de la table ronde et les organisations qu'ils représentent s'emploient activement à faire connaître la table ronde au pays et à l'étranger.
On a également terminé l'élaboration de pratiques de gestion exemplaires coordonnées à l'échelle nationale, en intégrant des approches régionales au besoin dans un format prêt pour la diffusion aux apiculteurs. Ces pratiques seront publiées et communiquées aux intervenants au cours des prochaines semaines.
Une norme commune de définition d'une « ruche en santé » pour la production de rapports sur les pertes hivernales a été élaborée et mise en œuvre. Cette norme de référence favorisera une compréhension commune de la situation sanitaire des abeilles par le public et les décideurs ainsi que la prise de mesures uniformes à cet égard.
Un inventaire des recherches et des publications canadiennes et internationales sur la santé des abeilles a été dressé. En outre, une analyse des écarts de l'inventaire par rapport aux priorités de la table ronde a servi à établir le cadre d'un programme national de recherche sur la santé des abeilles dont nous discuterons avec des partenaires provinciaux pour déterminer les possibilités d'intervention au cours des prochains mois.
On a également entrepris un projet visant à définir les mesures et les pratiques de plantation, de production et de remise en état que les intervenants peuvent adopter pour améliorer les habitats et les milieux régionaux.
Enfin, le Groupe de travail sur la nutrition et d'autres partenaires participent à une importante initiative américaine et internationale de recherche sur la nutrition des abeilles pour veiller à ce que les points de vue et les enjeux canadiens soient pris en considération.
[Français]
En bref, les intervenants aux échelons fédéral, provincial et sectoriel participent à un large éventail d'activités pour protéger la santé des abeilles. Bon nombre de ces activités sont coordonnées par la Table ronde sur la santé des abeilles.
[Traduction]
La santé des abeilles domestiques et des pollinisateurs demeure une priorité pour un grand nombre d'administrations au Canada et continue de susciter beaucoup d'intérêt chez le public. AAC maintient son engagement à collaborer avec les intervenants pour assurer la viabilité de l'apiculture et de l'agriculture.
Je vais maintenant inviter M. Pernal à vous fournir d'autres précisions sur nos récentes activités de recherche.
Stephen F. Pernal, Ph.D., chercheur et agent responsable, Ferme expérimentale de Beaverlodge, Direction générale des sciences et de la technologie, Agriculture et Agroalimentaire Canada : Monsieur le président, distingués sénateurs membres du comité permanent, bonjour.
Je suis le scientifique responsable spécialisé en recherche sur les abeilles domestiques à Agriculture et Agroalimentaire Canada, et je suis ici aujourd'hui pour représenter la Direction générale des sciences et de la technologie.
Agriculture et Agroalimentaire Canada est reconnaissant de l'occasion qui lui est donnée de vous fournir des renseignements sur les recherches importantes qui se font pour contribuer à améliorer la santé des abeilles domestiques au Canada.
Les activités du programme national de recherche sur la santé des abeilles d'AAC se déroulent à Beaverlodge, en Alberta. J'en suis le responsable et deux techniciens permanents m'assistent. L'équipe de recherche sur les abeilles domestiques d'AAC peut également compter sur la chercheuse Marta Guarna, qui s'est jointe à l'équipe en juin 2015. Nous prévoyons aussi l'embauche d'un technicien permanent additionnel pour appuyer le programme au cours de l'année à venir. Des étudiants diplômés et un boursier de recherche postdoctorale appuient également nos efforts.
AAC emploie aussi un scientifique étudiant les abeilles indigènes à Ottawa et des biologistes effectuant des recherches sur les abeilles indigènes à Kentville en Nouvelle-Écosse, à Brandon au Manitoba et à Calgary en Alberta.
Le ministère travaille sur plusieurs projets portant sur les abeilles. Par exemple, nous élaborons actuellement des recommandations pour détecter et traiter les colonies infectées par le Nosema ceranae, un parasite nouvellement introduit et associé à l'augmentation des pertes de colonies. De plus, nous mettons au point des techniques pour désinfecter l'équipement apicole exposé à ce ravageur ainsi que des méthodes pour détecter les résidus des produits de lutte qui pourraient demeurer dans les ruches.
Nous continuons d'analyser des échantillons en vue de dépister des résidus de pesticides agricoles dans le miel, le pollen et la cire d'abeille à l'échelle de l'Alberta, et nous examinons les concentrations de produits actuellement homologués pour lutter contre les maladies ou les acariens de l'abeille domestique qui pourraient s'accumuler dans ces matrices.
Dans le cadre d'un partenariat de longue date, la Direction générale des laboratoires agroalimentaires du ministère de l'Agriculture et de la Foresterie de la province de l'Alberta à Edmonton nous offre de l'aide en matière de chimie analytique pour ces activités.
Au cours des deux dernières années, AAC a financé plusieurs nouveaux projets sur la santé des abeilles. Par exemple, nous réalisons actuellement un projet portant sur le rôle interactif que certains facteurs de risque, soit le parasitisme de Nosema ceranae, la nutrition et les pesticides, ont sur la survie des colonies d'abeilles domestiques dans les exploitations apicales qui produisent du miel et offrent des services de pollinisation dans différentes régions du pays. Un deuxième volet de ce projet porte sur la diversité des pollinisateurs sauvages dans les écosystèmes agricoles et sur les facteurs susceptibles d'influencer leur nombre et leur santé en général.
Le ministère a récemment approuvé un nouveau projet, qui a débuté à l'été 2016, en vue de documenter la prévalence des parasites unicellulaires nouvellement décrits dans les populations canadiennes d'abeilles domestiques, et d'évaluer leur incidence possible sur la santé des abeilles.
En 2014, AAC a annoncé un financement de 1 million de dollars pour un projet de surveillance nationale de quatre ans dirigé par l'Alberta Beekeepers Commission en collaboration avec d'autres provinces. Ce projet, qui en est à sa troisième année, consiste à examiner des abeilles de partout au pays en vue de dépister les maladies, les ravageurs et les parasites nouveaux et existants, ainsi que les résidus de produits chimiques. Les données recueillies permettront aux apiculteurs et aux responsables des politiques d'intervenir adéquatement afin d'atténuer les menaces actuelles et potentielles pour la santé des abeilles domestiques.
Le programme d'AAC sur l'abeille domestique a également permis d'amasser un financement externe important auprès de consortiums scientifiques et de consortiums de financement dirigés par l'industrie afin de répondre à d'autres préoccupations de l'industrie apicole. On pense par exemple à l'étude des facteurs liés à la viabilité du sperme chez les reines d'abeilles domestiques nouvellement fécondées importées au Canada ainsi qu'à la recherche sur le rôle que peuvent jouer les abeilles domestiques et indigènes pour maximiser la pollinisation des cultures de canola.
En 2016, nous nous sommes engagés dans un projet de génomique à grande échelle avec plusieurs autres groupes de recherche du pays pour mettre au point des marqueurs génétiques qui permettront aux apiculteurs de sélectionner des abeilles plus résistantes aux acariens et aux maladies. Il s'agit du plus important projet de collaboration sur les abeilles domestiques au Canada et il réunit des experts de différentes universités et du gouvernement qui possèdent de nombreuses compétences uniques et complémentaires.
Pour ce qui est de la capacité de diagnostic, un laboratoire d'AAC de la Ferme expérimentale de Beaverlodge est en mesure de faire des diagnostics de base et d'utiliser des techniques plus avancées en microbiologie et en biologie moléculaire. AAC exploite également une installation de recherche regroupant 400 colonies d'abeilles domestiques.
Au cours des dernières années, notre capacité de poser des diagnostics s'est beaucoup améliorée grâce à un partenariat officiel avec un établissement postsecondaire de notre région, le Collège régional de Grande Prairie. Grâce au soutien reçu du ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest et du Rural Alberta Development Fund, le collège a construit le Centre national de diagnostic des abeilles à la Ferme expérimentale de Beaverlodge. Ce laboratoire de diagnostic conçu sur mesure est pleinement opérationnel depuis le printemps 2013 et collabore activement au programme de recherche d'AAC, ce qui nous permet d'augmenter notre capacité de diagnostic. En 2016, le Collège régional de Grande Prairie a également présenté une demande de financement au titre du Fonds d'investissement stratégique pour les établissements postsecondaires à Innovation, Sciences et Développement économique Canada en vue de procéder à un agrandissement important de cette installation.
En terminant, permettez-moi de souligner qu'AAC travaille avec diligence pour trouver des réponses aux problèmes qui menacent la santé des abeilles au Canada et pour créer des partenariats qui fourniront la capacité de diagnostic requise pour participer à des recherches de pointe.
Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui.
Dr Jaspinder Komal, directeur exécutif et vétérinaire en chef adjoint, Direction santé des animaux, Agence canadienne d'inspection des aliments : Monsieur le président, distingués sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
[Français]
Je m'appelle Jaspinder Komal et je suis directeur exécutif de la Direction de la santé des animaux à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ainsi que vétérinaire en chef adjoint du Canada.
[Traduction]
L'ACIA est heureuse de répondre aux recommandations qui la concernent dans le rapport intitulé L'importance de la santé des abeilles pour une production alimentaire durable au Canada. En tant qu'organisme de réglementation à vocation scientifique ayant pour mission de protéger les végétaux, les animaux et les aliments, et de promouvoir la santé et le bien-être des Canadiens, de l'environnement et de l'économie, l'ACIA reconnaît la valeur des renseignements obtenus par l'entremise de ce rapport. L'ACIA reconnaît que les populations d'abeilles sont essentielles à la santé et à la vitalité du secteur agricole canadien.
À l'ACIA, nous procédons à des évaluations exhaustives des risques liés aux maladies et à d'autres facteurs qui influent sur la santé des abeilles. Ensuite, en collaboration avec des partenaires, nous élaborons et mettons en œuvre des solutions en matière de gestion des risques. Je mentionne ces éléments pour bien mettre en contexte la réponse du gouvernement du Canada à la recommandation 1, qui recommandait que Santé Canada et l'ACIA modifient le Règlement de 2004 interdisant l'importation des abeilles domestiques afin de permettre l'importation de paquets d'abeilles provenant des États-Unis tout en concevant de nouvelles méthodes et outils pour améliorer l'inspection des paquets d'abeilles domestiques importés.
Le gouvernement prend note de la recommandation.
En 2014, l'ACIA a procédé à une évaluation exhaustive du risque d'importation de paquets d'abeilles domestiques des États-Unis. Avant qu'elle soit finalisée, l'évaluation a été circulée pour que les intervenants puissent faire part de leurs commentaires à son égard. Le risque d'introduction de maladies et de parasites des paquets d'abeilles domestiques en provenance des États-Unis a été jugé inacceptable. Pour protéger l'industrie apicole du Canada, la frontière demeure fermée.
Pour déterminer s'il était possible de mettre en place des mesures d'atténuation permettant d'importer des paquets d'abeilles domestiques de manière sécuritaire, l'évaluation du risque de l'ACIA a été acheminée à tous les apiculteurs provinciaux. La majorité d'entre eux ont répondu qu'il n'existait pas de mesures d'atténuation permettant de réduire les risques. Le Règlement de 2004 interdisant l'importation des abeilles domestiques, aussi appelé l'Ordonnance interdisant l'importation des abeilles domestiques, est entré en vigueur en 1987, lorsque l'acarien varroa a été découvert aux États-Unis. Dans la pratique, cette ordonnance d'interdiction a fermé la frontière aux importations d'abeilles domestiques des États-Unis.
Les ordonnances d'interdiction sont des mesures mises en œuvre dans des situations d'urgence, comme dans le cas d'une éclosion de maladie dans un pays tiers, lorsqu'il n'y a aucun autre mécanisme de réglementation pour interdire l'entrée au Canada d'un animal, d'un produit ou d'un sous-produit animal présentant un risque d'introduction de maladie ou de ravageur.
L'Ordonnance interdisant l'importation des abeilles domestiques a été renouvelée plusieurs fois. À la suite d'une évaluation du risque complétée en 2003, l'ordonnance d'interdiction a été modifiée en 2004 pour permettre l'importation de reines-abeilles des États-Unis.
En 2006, le Règlement sur la santé des animaux a été modifié et on y a introduit une partie sur l'importation des abeilles domestiques. On a ensuite laissé expirer l'Ordonnance interdisant l'importation des abeilles domestiques, après quoi elle a été abrogée en 2015.
Désormais, aux termes du Règlement sur la santé des animaux, des abeilles domestiques peuvent être importées au Canada uniquement à la discrétion du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, par l'intermédiaire d'un permis d'importation.
La gestion de la santé des abeilles au Canada est une responsabilité que se partagent les gouvernements fédéral et provinciaux. L'ACIA travaille principalement à l'échelle nationale. Pour ce faire, nous désignons certaines maladies des abeilles comme des maladies réglementées et à déclaration obligatoire, ce qui signifie que des mesures de lutte particulières doivent être prises contre ces maladies. De plus, nous orientons l'industrie apicole par l'entremise de la Norme nationale de biosécurité à la ferme pour l'industrie apicole.
Ce point m'amène à la recommandation 2 : qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada, en collaboration avec les provinces et les territoires, de même qu'avec les intervenants de l'industrie, accélère la mise en œuvre de la Norme nationale de biosécurité à la ferme pour l'industrie apicole par un financement adéquat et des activités de gestion appropriées.
Le gouvernement appuie cette recommandation.
Dans le cadre de la stratégie Cultivons l'avenir d'AAC, l'ACIA a collaboré avec les intervenants pour établir une norme facultative de biosécurité pour l'industrie apicole canadienne. Cette norme, publiée en 2013, oriente les éleveurs d'abeilles domestiques, de découpeuses de la luzerne et de bourdons dans la gestion proactive des organismes nuisibles et des maladies.
L'élaboration de la norme a été guidée par le Comité consultatif sur la biosécurité des abeilles, qui regroupait des représentants d'associations de producteurs, des apiculteurs provinciaux, des experts de l'industrie des bourdons, des chercheurs et des représentants de l'ACIA.
L'ACIA demeure déterminée à assurer la solidité et la prospérité de l'industrie du miel et de l'apiculture dans le cadre d'un système agricole durable et compétitif. Nous allons continuer à contribuer à cet objectif en misant sur la collaboration avec l'industrie et d'autres partenaires gouvernementaux.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
[Français]
Scott Kirby, directeur général, Direction de l'évaluation environnementale, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada : Merci, monsieur le président. Honorables sénateurs, mon nom est Scott Kirby, je suis directeur général de la Direction de l'évaluation environnementale de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), de Santé Canada. En tant qu'organisme fédéral de réglementation des pesticides, nous sommes un partenaire de premier plan lorsqu'il s'agit de régler des problèmes liés à la santé des abeilles au Canada. Je suis ici pour vous faire part des mesures qu'a prises l'ARLA afin de protéger les abeilles et, dans une perspective plus large, les pollinisateurs en général.
Le rapport du comité intitulé L'importance de la santé des abeilles pour une production alimentaire durable au Canada présente un certain nombre de recommandations qui sont du ressort de l'ARLA. La réponse du gouvernement explique en détail la façon dont l'agence a donné suite à ces recommandations, mais j'aimerais profiter de cette comparution pour vous donner un aperçu des progrès réalisés dans le but d'atteindre ces objectifs.
[Traduction]
Le comité a recommandé que l'ARLA règle les préoccupations relativement aux pesticides faisant l'objet d'une homologation conditionnelle. En janvier dernier, nous avons consulté les Canadiens et les intervenants sur notre intention de mettre fin aux homologations conditionnelles. La majorité des intervenants approuvaient cette démarche, et en juin dernier, nous avons publié une directive d'homologation afin d'indiquer que nous cessons d'accorder des homologations conditionnelles. Les dossiers concernant les homologations conditionnelles actuelles seront réglés d'ici la fin de 2017.
Comme l'a recommandé le comité sénatorial dans son rapport, l'ARLA continue de surveiller le niveau de mortalité des pollinisateurs afin d'évaluer si les mesures d'atténuation obligatoires adoptées en 2014 sont efficaces. Depuis que les mesures d'atténuation sont en place, le nombre d'incidents déclarés au cours des périodes de semis de 2014 et de 2015 a diminué d'environ 70 et 80 p. 100 respectivement par rapport au nombre d'incidents déclarés en 2013, ce qui représente une amélioration importante. Selon les rapports produits durant la saison des semis de 2016, la tendance positive observée au cours des deux années précédentes s'est poursuivie. Un rapport sera publié sous peu.
Nous continuons à progresser dans notre réévaluation scientifique des pesticides de la classe des néonicotinoïdes, comme l'a recommandé le comité. Pour faire cette réévaluation, nous utilisons un nouveau cadre d'évaluation des risques pour les pollinisateurs, lequel a été conçu en partenariat avec l'Agence américaine de protection de l'environnement et le California Department of Pesticide Regulation. Ce cadre représente une avancée dans la façon dont nous évaluons les risques que posent les pesticides pour les abeilles, et il nous permet de prendre des décisions réglementaires et d'adopter des mesures de communication qui améliorent la protection des pollinisateurs.
Une évaluation préliminaire des effets de l'imidaclopride sur les pollinisateurs a été publiée à des fins de consultation plus tôt cette année, et cette évaluation n'a relevé aucun risque important pour les abeilles domestiques. Nous avons également examiné les répercussions sur les abeilles indigènes et nous évaluons des renseignements additionnels en vue de finaliser l'évaluation. Une réévaluation de l'imidaclopride relativement à d'autres aspects liés à la santé et à l'environnement est en cours, et nous prévoyons en publier les conclusions plus tard cette année.
Les évaluations des effets de la clothianidine et du thiaméthoxame sur les pollinisateurs suivront en 2017. Ces réévaluations restent des priorités pour l'ARLA, et nous continuerons de mener des consultations auprès des intervenants et des Canadiens relativement aux décisions.
La santé des abeilles est un dossier complexe, et il reste du travail à faire afin de comprendre tous les facteurs qui contribuent aux augmentations périodiques du taux de mortalité. Nous continuons à collaborer avec tous les intervenants, au pays et à l'étranger, afin de générer les connaissances nécessaires pour protéger la santé des populations d'abeilles à long terme, au Canada et partout dans le monde.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire le point sur ce dossier important.
Le vice-président : Un grand merci à tous pour vos exposés. Le sénateur Dagenais posera maintenant la première question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma première question s'adresse à Mme Johnston. Devant les résultats obtenus au cours des dernières années en Ontario et au Québec, est-ce qu'il y a une pratique agricole que le gouvernement pourrait mettre en œuvre, particulièrement en ce qui a trait à l'usage des pesticides, et que l'ensemble des provinces pourrait suivre pour mieux protéger les abeilles? Ou est-ce qu'il faut continuer de fonctionner sur une base régionale?
[Traduction]
Mme Johnston : Je vous remercie de la question, monsieur le sénateur.
La question des efforts aux échelles nationale et régionale est intéressante. Ce que certains résultats ont montré, c'est que la santé des abeilles est complexe parce qu'elle dépend des conditions météorologiques. Les conditions météorologiques ont des répercussions. Il est donc logique de s'attaquer à certaines tendances de déclin des colonies d'abeilles d'un point de vue régional en particulier.
Cela dit, la valeur de la Table ronde sur la santé des abeilles, une table ronde multilatérale, c'est qu'elle permet de faire part des expériences vécues. Ainsi, si l'Alberta constate une augmentation de la population d'un certain organisme nuisible, elle peut en faire part au groupe afin d'en élargir la compréhension, et d'autres associations provinciales peuvent accroître la surveillance pour détecter ces organismes.
Je ne crois pas que ce soit l'un ou l'autre. Il faut à la fois des efforts à l'échelle nationale et une approche régionale ou provinciale.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Kirby, certains apiculteurs dans les provinces atlantiques auraient aimé pouvoir importer des abeilles des États-Unis. Évidemment, il y a la question de la distance et des coûts liés à ces importations.
Pensez-vous que les règles d'importation pourraient être adoucies? De plus, croyez-vous qu'on a en place des moyens de contrôler la qualité et la santé des abeilles qui sont importées?
M. Kirby : Je vous remercie de votre question, sénateur. En ce qui concerne l'importation des abeilles, étant donné que mon champ de spécialisation porte sur les pesticides, je vais donner la parole à M. Komal.
Le sénateur Dagenais : Oui, d'accord.
Dr Komal : Comme je l'ai mentionné dans ma présentation, nous avons un règlement à ce sujet. Lorsqu'un pays nous demande d'exporter ou d'importer des abeilles ou des reines, nous faisons une évaluation du risque en vertu de ce règlement.
Cela nous permet de vérifier l'état de santé des abeilles dans ce pays et de nous assurer de ne pas importer au Canada de maladies dont nous ne voulons pas, ou à tout le moins de déterminer que le risque de propagation est négligeable ou nul. C'est sur la base des résultats de l'évaluation que nous autorisons l'importation.
Une fois que les abeilles se retrouvent en sol canadien, nous continuons d'évaluer le risque et de surveiller les activités pour nous assurer que des maladies ne se propagent pas.
[Traduction]
Le sénateur Pratte : Les données montrent qu'il semble y avoir des tendances positives et très encourageantes concernant la santé des abeilles. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un dossier très complexe. Savez-vous quelles mesures adoptées dans les dernières années ont donné les meilleurs résultats et ont le plus grandement contribué à ces tendances positives?
Dr Pernal : La réponse à cette question n'est pas simple. Je crois que grâce à l'augmentation de la surveillance et à l'élargissement des mesures dans toutes les provinces, surtout dans le secteur de l'apiculture commerciale, les apiculteurs ont de meilleurs renseignements sur lesquels fonder leurs décisions de gestion. Ainsi, les apiculteurs connaissent mieux les risques auxquels les exploitations apicoles sont exposées dans ce monde de plus en plus complexe et menaçant pour les abeilles. Les apiculteurs ont besoin de ces renseignements.
Heureusement, nous disposons de bons produits pour lutter contre le varroa. Lorsqu'ils sont bien utilisés, ils réduisent les risques posés par cet acarien à un niveau relativement acceptable. De façon générale, la lutte contre le varroa donne des résultats positifs dans la plupart des provinces canadiennes. Une des préoccupations des gens, c'est que ces outils demeurent en place, car on reconnaît presque universellement que le varroa est un des éléments clés ayant une incidence négative sur les abeilles partout dans le monde.
Je pense que les apiculteurs sont aussi à la merci d'éléments comme les conditions météorologiques. La rigueur de l'hiver est un des facteurs qui a des répercussions importantes sur la survie à l'hiver. Dans la plupart des régions du pays, à l'exception des Maritimes, les conditions météorologiques se sont améliorées. Certains facteurs environnementaux ont une incidence sur la survie à l'hiver.
Le sénateur Pratte : Plus tôt cette semaine, des producteurs de miel nous ont fait part de leurs profondes préoccupations liées à la réduction des prix du miel, qui serait causée, si j'ai bien compris, par de nouvelles importations de miel d'autres pays. Ils ont parlé du problème posé par le miel de qualité inférieure altéré par l'ajout de sirop de riz. Ils craignent que le contrôle à la frontière soit insuffisant en ce qui touche ces produits de qualité inférieure, qui semblent être ajoutés — je ne sais pas — peut-être à d'autres produits. Je pense qu'ils ont communiqué avec Agriculture Canada et probablement l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
Des mesures sont-elles prises pour protéger les consommateurs canadiens et, évidemment, les producteurs de miel canadiens?
Dr Komal : Je vais répondre. Merci, monsieur le sénateur. En bref, la réponse est oui, nous avons adopté des mesures de contrôle. Nous avons des mesures de contrôle pour empêcher l'altération du miel produit au pays ou importé. Notre système d'inspection est fondé sur le risque. Bien sûr, nous n'analysons pas chaque chargement, mais nous planifions les inspections à faire au cours de la prochaine année en fonction des données antérieures.
Pour les inspections normales, nous analysons un chargement sur un nombre prédéterminé de chargements. Si nous constatons que les chargements en provenance d'un pays donné sont souvent contaminés ou altérés, nous déclenchons les inspections amplifiées. Nous procédons aux inspections amplifiées pendant un certain temps, jusqu'à ce que nous établissions que le pays respecte la réglementation canadienne.
Si un pays donné continue à poser problème ou si nous recevons de l'information de la part d'autres partenaires qui importent du miel de ce pays, nous passons aux inspections ciblées. Cela signifie que nous cherchons les chargements en provenance du pays concerné et nous continuons à les analyser. Si la situation persiste, nous finissons par avertir le pays que nous cessons de laisser entrer ses chargements parce qu'ils contreviennent chroniquement à la réglementation canadienne. Donc oui, nous avons adopté des mesures.
Pour répondre à votre question au sujet des prix du miel, je pense que dans le contexte du commerce international, si le pays a le droit d'exporter du miel au Canada, nous devons permettre à ces produits d'entrer au pays; c'est ensuite le marché qui fixe les prix. Pareillement, je pense que le miel canadien peut aussi être exporté dans d'autres pays. Il y a donc une question de concurrence avec les autres pays.
Le sénateur Pratte : Les producteurs semblaient dire qu'il existe de nouvelles méthodes d'altération du miel qui rendent les modifications plus difficiles à détecter. Avez-vous les compétences techniques ou scientifiques nécessaires pour détecter les nouvelles façons d'altérer le miel?
Dr Komal : Oui, nous élaborons continuellement de nouvelles méthodes. Des laboratoires nous appuient. Partout au Canada, des laboratoires de chimie alimentaire continuent à chercher des méthodes de détection des altérations. Nous collaborons également avec des pays qui ont les mêmes préoccupations que nous et qui connaissent des difficultés semblables aux nôtres; nous échangeons de l'information et des méthodes avec eux. Si nous n'arrivons pas à créer les méthodes nécessaires au Canada, nous travaillerons avec nos collègues. Nous veillons toujours à ce que la concurrence soit juste et à ce que les exportateurs ou les producteurs fournissent bel et bien le produit indiqué sur l'étiquette.
Le vice-président : Monsieur Komal, rien n'est plus efficace que la publicité. C'est la première fois qu'on nous dit que nous faisons des inspections et que nous vérifions certains produits qui entrent au pays. Comment communiquons- nous ces renseignements à l'industrie? Si quelqu'un apprend que nous inspectons le miel importé et que nous avons découvert que sa qualité était altérée au moyen de produits du riz ou autres, il me semble que cela aurait un effet dissuasif. Comment communiquons-nous ces renseignements à l'industrie?
Dr Komal : Merci, monsieur le vice-président. Nous ne pouvons pas communiquer l'information relative à un chargement précis, mais nous collaborons avec les associations de l'industrie et nous leur fournissons des renseignements sur la situation générale. Nous rencontrons les gens du Conseil canadien du miel et d'autres partenaires pour les informer des mesures que nous prenons. De plus, nous collaborons avec l'ASFC, notre organisme sœur, afin qu'elle soit au courant des problèmes et qu'elle cible ces inspections.
Le vice-président : Quand vous inspectez un produit et vous découvrez des défauts ou vous constatez qu'il ne respecte pas la réglementation canadienne, vous adressez-vous à la personne qui l'a acheté pour lui dire : « Vous avez acheté un produit de qualité inférieure qui n'est pas conforme à la réglementation canadienne »? Procédez-vous ainsi?
Dr Komal : Oui, nous entrons en contact avec l'importateur, l'exportateur et l'autorité compétente dans le pays de provenance du miel. Si nous découvrons une violation ou si le miel ne correspond pas à la norme de consommation canadienne, le chargement est retenu jusqu'à ce qu'il soit conforme à la réglementation canadienne. S'il n'atteint pas la conformité, nous en ordonnons la destruction. Notre inspecteur est autorisé à ordonner la destruction lorsque l'importateur est incapable de se conformer à la réglementation canadienne.
La sénatrice Merchant : Bonjour. Merci beaucoup de votre présence et de vos exposés.
J'ai quelques questions au sujet du processus d'approbation des pesticides et des homologations conditionnelles. Tout d'abord, l'ARLA a l'intention d'accélérer le processus d'évaluation des nouveaux produits utilisés pour s'attaquer aux acariens et aux maladies touchant les abeilles domestiques. Nous avons appris qu'un nouveau produit chimique a été approuvé depuis pour aider les apiculteurs à lutter contre les acariens.
Pouvez-vous nous dire quelles mesures l'ARLA a adoptées pour accélérer le processus d'homologation des produits chimiques utilisés par l'industrie apicole? L'agence a-t-elle l'intention d'approuver d'autres produits chimiques?
M. Kirby : Je vous remercie de la question. Ce que vous dites est exact. Nous avons approuvé un produit utilisé à l'intérieur de la ruche et, à l'heure actuelle, nous évaluons un autre produit utilisé dans la ruche; nous espérons qu'il sera homologué sous peu. En ce moment, il existe huit produits utilisés dans la ruche pour lutter contre le varroa. Nous nous sommes engagés à faire de notre mieux pour accélérer le processus d'évaluation des produits utilisés à l'intérieur de la ruche qui font l'objet d'une demande d'homologation, afin que ces produits soient mis sur le marché le plus rapidement possible. Or, il faut faire preuve de diligence raisonnable et soumettre ces produits à une évaluation du risque pour déterminer qu'ils sont sans danger pour la santé et l'environnement.
La sénatrice Merchant : Combien de temps le processus prend-il?
M. Kirby : Je ne pourrais pas vous dire exactement combien de temps il faut pour évaluer un produit utilisé à l'intérieur de la ruche, mais un délai de plus d'un an serait certainement normal. Si vous voulez connaître le délai exact, je peux vous l'obtenir.
Comme je l'ai déjà dit, nous tentons d'accélérer le processus dans la mesure du possible quand le besoin est urgent, selon la charge de travail de l'agence et la priorité que représente la nécessité du produit.
La sénatrice Merchant : Je pense que vous avez maintenant l'intention de cesser d'accorder des homologations conditionnelles, n'est-ce pas?
M. Kirby : C'est exact. Nous avons consulté les Canadiens au début de l'année et nous avons publié notre décision finale cet été. Nous n'accepterons donc plus les homologations conditionnelles. Nous avons l'intention de conclure les dossiers de celles qui existent actuellement — il y en a quelques-unes — dans la prochaine année, d'ici la fin de 2017.
La sénatrice Merchant : Selon le rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable publié en janvier 2016, 36 pesticides à base de néonicotinoïdes sont toujours homologués sous condition. Quelles mesures avez- vous prises pour traiter les homologations conditionnelles, et comment les producteurs de semences y ont-ils réagi?
M. Kirby : Les produits chimiques homologués sous condition sont assortis d'une série d'exigences en matière de données qui doivent être respectées avant qu'ils puissent être pleinement homologués. Dans certains cas, ces données sont internes; dans d'autres, elles continuent d'être générées. À l'heure actuelle, nous passons en revue nos renseignements internes. Nous attendons les données supplémentaires, et une fois que nous les aurons, nous prendrons une décision finale concernant ces homologations conditionnelles. Pour le moment, certains de ces produits doivent arriver à échéance en 2016; pour cette raison et compte tenu du moment où nous recevrons les données, il pourrait être nécessaire de prolonger les homologations conditionnelles pour pouvoir examiner ces données. Cependant, comme je l'ai mentionné, on vise à tout terminer d'ici la fin de 2017.
La sénatrice Merchant : Comment les producteurs de semences ont-ils réagi à ce plan? Avez-vous eu des nouvelles d'eux?
M. Kirby : Pour ce qui est de notre décision de ne plus permettre les homologations conditionnelles, je ne peux pas parler d'eux en particulier. Dans l'ensemble, lorsque nous avons tenu des consultations, la rétroaction des intervenants a été généralement positive. Même s'ils se pliaient à la décision, certains secteurs de l'industrie estimaient que les homologations conditionnelles avaient leur utilité. Cependant, dans l'intérêt de donner suite aux recommandations de la commissaire, je pense que c'est la bonne décision à prendre, et nous ne les acceptons plus.
Le sénateur Oh : Merci aux témoins d'être venus et de faire un aussi bon travail. Une nouvelle maladie a été détectée au Canada depuis que le comité a publié son rapport sur la santé des abeilles. Je crois qu'on les appelle les abeilles zombies et qu'on les a trouvées dans l'Ouest canadien. L'industrie canadienne se préoccupe-t-elle de cette maladie et a- t-elle accès aux produits antiparasitaires pour en protéger les abeilles?
Dr Pernal : Je peux répondre à cette question. C'est intéressant de voir à quel point certaines questions sont bien diffusées par les médias. Je peux vous assurer que la question des abeilles zombies ne représente pas une menace importante pour la santé des populations d'abeilles canadiennes. On doit garder à l'esprit que, dans la nature et en entomologie, il existe de nombreuses espèces de mouches parasitoïdes; il s'agit d'une espèce naturelle qui parasitera les mouches, et cette famille d'insectes parasitera d'autres insectes.
Le problème est, en quelque sorte, plus marqué aux États-Unis, mais il n'est pas commun, et son incidence au Canada serait relativement faible. Je crois que le seul cas a été détecté en Colombie-Britannique. Les cas sont rares au Canada, mais ils ne sont pas anormaux. Je peux vous dire avec conviction qu'ils n'influent pas de façon significative sur la population d'abeilles domestiques canadiennes. Je pense que nous en apprenons davantage sur les merveilles de la nature, mais nous n'avons pas à craindre que ce parasite ait des effets néfastes sur notre population d'abeilles.
Le sénateur Oh : Le financement que vous recevez du gouvernement suffit-il à financer tous vos travaux de recherche?
Dr Pernal : Je peux répondre en partie à cette question. Je reconnais qu'au cours des deux ou trois dernières années — et depuis la dernière fois que je me suis adressé au comité —, la Direction générale des sciences et de la technologie d'Agriculture et Agroalimentaire Canada a affecté, à l'interne, du financement ciblé aux projets de recherche sur les abeilles. On a aussi eu plus de possibilités de recueillir des fonds par l'intermédiaire d'organismes de financement externes.
La création d'un second poste scientifique a grandement influé sur nos travaux de recherche. Il s'agit de celui de Mme Guarna, que j'ai mentionnée tout à l'heure. Il est essentiel de bâtir cette infrastructure à long terme pour réaliser de plus amples travaux de recherche. Peut-être qu'on a toujours besoin d'une infrastructure et d'un financement accrus, mais je reconnais que le ministère et le gouvernement du Canada ont contribué aux recherches sur les abeilles.
Mme Johnston : J'ajouterais que le travail que nous faisons de concert avec l'USDA sur la santé des pollinisateurs est d'une importance capitale, et que ce type de collaboration scientifique nous aide à tirer parti de nos résultats à chacun. Ensemble, nous pouvons obtenir de bons résultats.
Le vice-président : J'espère que le travail de notre comité pour jeter l'éclairage sur ces questions aura aussi été utile.
La sénatrice Beyak : Merci encore pour vos excellentes présentations. De nombreux Canadiens nous regardent à la maison, car je crois que nous devons tous manger et que nous nous soucions tous de la qualité des aliments que nous consommons.
Les producteurs nous disent qu'ils ont énormément de manuels et de règlements à consulter et de choses à faire au lieu de simplement élever leurs abeilles et s'inquiéter de leur santé. Parallèlement, d'autres pays ont des normes très peu élevées de production et de qualité, comme le sénateur Pratte l'a mentionné.
Le sénateur Ogilvie a formulé des suggestions au cours de notre dernière réunion concernant de nouvelles façons d'assurer le contrôle de cette qualité. Je me préoccupe beaucoup du fait que les produits importés d'autres pays ne soient pas de qualité élevée et que nous ne sommes pas aussi à jour que nous devrions l'être dans nos activités de contrôle de la qualité.
Dr Komal : Je vais répondre à ce commentaire. Merci, madame la sénatrice. Nous nous en préoccupons aussi, et c'est la raison pour laquelle nous sommes dotés d'un système d'inspection. C'est une priorité. Nous nous assurons de continuer à tester ces arrivages et à mener des inspections. Nous savons que des produits frelatés peuvent nous arriver de tiers pays, et pas seulement du miel.
Nous faisons deux ou trois choses. Une des mesures que nous prenons est de nous assurer, par le truchement des manuels et des normes en matière de biosécurité que nous avons élaborés, que la santé des abeilles soit prise en compte, mais aussi que le miel que produisent ces abeilles soit sécuritaire. Nous collaborons avec d'autres pays développés afin d'établir ces normes en matière de biosécurité et de continuer à être des chefs de file sur la scène internationale, notamment au sein de l'OIE, organisme international qui fixe ces normes, dans l'espoir que d'autres pays les respecteront.
À notre époque, les produits se retrouvent partout et si rapidement que nous essayons de faire en sorte que les conditions soient équitables pour tous. Nous travaillons donc avec des collègues de pays comme les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, ainsi que certains collaborateurs de l'Union européenne pour influer sur ces normes et, avec le Codex Alimentarius pour la nourriture et l'OIE pour les animaux, nous nous assurons qu'ils respectent vraiment ces normes. Il faut du temps, mais je pense que nous sommes beaucoup plus avancés aujourd'hui que nous l'étions il y a 10, 15 ou 20 ans. Nous continuons d'exercer cette pression sur la scène internationale par l'intermédiaire des organismes internationaux pour nous assurer que les consommateurs et les producteurs canadiens soient bien servis.
La sénatrice Beyak : Je me demande, monsieur Pernal, si vous pourriez nous parler un peu plus en détail de ce nouveau parasite que vous venez de découvrir et de la façon dont vous le traitez.
Dr Pernal : Je n'ai pas personnellement découvert le nouveau parasite, ce sont des collègues qui l'ont fait. Il s'agit d'un trypanosome, qui est flagellé; il ressemble à un parasite de la malaria et il pourrait y être apparenté de loin. Bien qu'il vienne d'être décrit, nous n'en savons pas beaucoup à son sujet. Il a été détecté dans des populations d'abeilles en Europe et aux États-Unis, et nous voulons simplement déterminer la mesure dans laquelle il est répandu au Canada.
Je peux vous dire que nous l'avons détecté parmi les abeilles dans certaines parties du Canada, et notre nouveau projet souhaite déterminer la mesure dans laquelle il est répandu et s'il a vraiment une incidence sur les abeilles. Sans vouloir être alarmistes, nous pourrions découvrir qu'il s'agit d'un parasite qui a peu d'importance pour la santé des abeilles, mais nous ne savons pas vraiment si c'est le cas. Je pense qu'il nous incombe de mieux comprendre ce parasite.
Le sénateur Ogilvie : Merci. Après avoir jeté un coup d'œil à vos titres et responsabilités, je n'avais pas l'intention de vous poser de question concernant l'importation, car vous ne sembliez pas avoir de responsabilités dans ce secteur. Cependant, monsieur Komal, puisque vous avez abordé le sujet en répondant à la question des sénateurs sur la qualité des importations, j'aimerais vous faire un commentaire. Vos réponses concernant nos processus et autres pour traiter les produits à la frontière m'ont paru générales. Je veux m'attarder en particulier à l'augmentation relativement dramatique des importations en provenance de certains pays au cours des 12 derniers mois environ et de la chute de prix relativement marquée qui en a découlé pour les producteurs de miel au Canada.
À mon sens, les changements survenus sont attribuables à des produits provenant de pays qui ont — pour d'aucuns — au moins dans l'esprit du public, des bilans discutables s'agissant de la qualité de leurs produits en général, a fortiori dans le domaine de l'alimentation, comme dans le cas qui nous intéresse. Le miel est une denrée alimentaire. Un représentant de l'industrie nous a dit qu'il faut parfois attendre deux ans pour qu'on soumette à des essais les barils de miel importés et que, pour ce faire, nous envoyons des échantillons en Europe aux fins de vérification.
Puisque vous vous êtes aventuré dans ce secteur, je vais vous poser une question précise : est-ce vrai que l'Agence des services frontaliers ou les personnes responsables de protéger notre secteur agricole et nos importations n'ont pas encore effectué de contrôle sérieux du miel importé? Je ne nommerai pas de pays, mais il y en a un certain nombre dont les importations au Canada ont augmenté de façon dramatique au cours des 12 derniers mois. Alors pourriez-vous confirmer précisément, au lieu de généralement, ce que le miel contient? Si cela n'est pas de votre ressort, j'accepterai aussi cette réponse.
Dr Komal : Vous avez raison; j'essayais de répondre de façon générale parce que je comprends le processus que nous avons mis en place. Bien entendu, je n'aurai probablement pas tous les détails pour répondre à une question précise, car je ne travaille pas chaque jour dans ce domaine, mais j'aimerais dire deux ou trois choses, sénateur Ogilvie. Nous sommes bien conscients des produits qui sont importés et des secteurs qui posent problème, car je sais que l'agence possède les données sur les importations et les essais, et nous retournerons en arrière pour consulter les données antérieures et voir ce qui se passe. Mes commentaires restent généraux; je ne peux pas vous parler d'une cargaison en particulier, mais je veux vous assurer que si nous repérons des problèmes, nous prenons les mesures qui s'imposent.
Nous faisons deux choses : en premier lieu, de concert avec l'ASFC, nous nous assurons que la cargaison soit retenue et qu'elle fasse l'objet de contrôles. Il arrive souvent que nous fassions les essais dans nos propres laboratoires au Canada. Lorsqu'on procède à un essai dirigé de l'ACIA, c'est surtout au Canada. Nous avons nos propres laboratoires. Si l'industrie envoie des échantillons dans d'autres pays, je ne suis pas au courant.
En second lieu, nous faisons des investissements afin de régler les problèmes à la source. Nous collaborons avec des pays qui exportent au Canada pour examiner leurs systèmes d'inspection outre-mer et voir ce qu'ils font. C'est quelque chose que nous n'avons pas fait par le passé, mais nous nous préparons maintenant à continuer de le faire, car nous savons que nous importons plus de produits d'un plus grand nombre de pays qu'auparavant. Nous prenons donc les mesures en conséquence. Je sais que ma réponse est toujours générale, mais puisque je suis un spécialiste de la santé animale, je ne peux pas vraiment vous parler en détail d'un problème en particulier.
Le sénateur Ogilvie : Merci, monsieur Komal. Je m'attendais à ce que vous nous donniez de plus amples précisions et je n'insisterai pas sur ce point. En conséquence, je dirais que j'estime qu'il est important pour Agriculture Canada, et les organismes avec lesquels il collabore, de prévoir les éventuels problèmes et de faire enquête au lieu d'attendre que des rumeurs ou autres circulent dans le marché en général. Vous avez fait une bonne suggestion lorsque vous avez dit avoir la possibilité d'inspecter les méthodes de production d'un pays particulier en cas d'augmentation dramatique de ses exportations au Canada, surtout de denrées alimentaires, mais il n'y a rien de mieux que de procéder à l'essai ponctuel d'un produit à la frontière. Cela dit, encore une fois, je vous sais gré d'avoir tenté de répondre à cette question générale. J'accepte votre réponse dans le contexte dans lequel vous l'avez donnée. Merci.
Le vice-président : Je pense qu'il est intéressant que les membres du comité aient pris part, au fil des ans, à des discussions sur la difficulté d'inspecter le miel importé. Certains produits laitiers sont entrés au Canada parce que les employés des Services frontaliers n'étaient pas nécessairement en mesure de reconnaître qu'il s'agissait de laitages. Nous connaissons aussi les problèmes que nous a causés la volaille de réforme en provenance des États-Unis. Peut-être qu'un des messages que nous pourrions transmettre au gouvernement est que nous devons consacrer beaucoup plus de temps à former et à soutenir les employés des Services frontaliers pour qu'ils comprennent le rôle qu'ils jouent dans la protection du secteur agricole au Canada et aussi pour leur fournir les ressources dont ils ont besoin. Rien ne sert de leur dire « Voilà ce que vous êtes censés faire » si vous ne leur donnez pas les ressources nécessaires.
Monsieur Komal, vous avez dit dans votre présentation que, en vertu du Règlement sur la santé des animaux, les abeilles domestiques ne peuvent maintenant être importées au Canada qu'au moyen d'un permis d'importation délivré à la discrétion du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Combien de ces permis ont-ils été délivrés?
Dr Komal : Nous avons déterminé qu'il était sécuritaire d'importer des abeilles domestiques ou des reines de certains pays. À titre d'exemple, à cause du varroa, nous n'importons des États-Unis que des reines. Nous importons aussi de pays comme le Chili, la Nouvelle-Zélande et, jusqu'à récemment, l'Australie, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'on y détecte un problème de varroa. Nous continuons aussi de collaborer avec d'autres pays exportateurs potentiels. Nous avons, par exemple, un certificat négocié avec le Danemark, bien que les Danois estiment ne pas être équipés pour expédier des abeilles dans des boîtes; nous essayons cependant de leur montrer comment le faire.
J'ai assisté, en mai dernier, à la séance de l'OIE à Paris, où nous avons tenu une réunion bilatérale avec de nombreux pays. Voilà le message que je leur ai transmis : s'ils ont le potentiel d'exporter des abeilles ou des abeilles domestiques au Canada, nous étudierons leur demande. Par suite de cette réunion, nous avons reçu une demande de l'Ukraine, que nous évaluons actuellement.
Voilà comment nous étudions nos options. Nous nous assurons que notre industrie au Canada soit en mesure d'importer de différents pays des abeilles, des mères et des reines mères.
Le vice-président : Vous n'avez pas répondu à ma question précise concernant le nombre de permis d'importation qui ont été délivrés.
Dr Komal : Je ne saurais vous dire, car je n'ai pas ces données avec moi, mais je peux vous fournir cette information.
Le vice-président : Merci. Au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier tous les quatre d'être venus témoigner ce matin. Vos interventions ont été très instructives. La question est de savoir si nous nous améliorons en ce qui concerne la gestion des abeilles ou si nous avons eu de la chance côté température au cours des dernières années. Je suppose que nous aurons la réponse après le prochain hiver rigoureux. Personne n'y a hâte, mais nous savons tous qu'il viendra. Sauf en Saskatchewan.
Les nouvelles que nous avons reçues depuis la publication de notre rapport ont été positives. Nous aimons penser que c'est grâce à notre rapport, et pas parce que nous l'avons publié au bon moment, mais nous allons prendre le bon rapport et les bons résultats. Encore une fois, merci beaucoup. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans vos entreprises futures.
(La séance est levée.)