Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 17 - Témoignages du 25 octobre 2016
OTTAWA, le mardi 25 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 2, pour poursuivre son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.
Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour à tous.
[Traduction]
Bonsoir, messieurs. Merci d'être venus aujourd'hui. Le comité poursuit son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.
[Français]
Avant de commencer, permettez-moi de me présenter : je suis le sénateur Ghislain Maltais, président du Comité. J'invite mes collègues à se présenter.
[Traduction]
La sénatrice Merchant : Bonjour et bienvenue. Je suis Pana Merchant, de la Saskatchewan.
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, Alberta.
Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.
La sénatrice Unger : Betty Unger, Alberta.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, Québec.
[Français]
Le président : Comme la Chambre vient tout juste de s'ajourner, il est possible que d'autres sénateurs viennent se joindre à nous. La sénatrice Nancy Raine vient d'arriver. C'est avec plaisir que nous lui souhaitons la bienvenue. D'autres sénateurs se joindront à nous dès leur retour de la Chambre.
[Traduction]
Nous commençons la première table ronde, où nous accueillons Dan Mazier, président des Keystone Agricultural Producers of Manitoba; Norm Hall, président de l'Agriculture Producers Association of Saskatchewan; et Lynn Jacobson, présidente de la Fédération de l'agriculture de l'Alberta.
[Français]
Vous avez sans doute un petit mémoire à nous présenter. Nous vous demandons d'être bref, car les sénateurs ont hâte de vous poser des questions. Comme vous le savez, nous ne disposons que d'une heure. Monsieur Mazier, vous avez la parole.
[Traduction]
Dan Mazier, président, Keystone Agricultural Producers of Manitoba : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de m'avoir invité à vous faire part des vues des Keystone Agricultural Producers — ou KAP — sur la question de l'acquisition des terres agricoles.
Nous sommes l'organisation globale qui s'intéresse à la politique agricole au Manitoba. Nous travaillons au nom de toutes les familles agricoles de la province et suivons les consignes de nos membres, y compris des agriculteurs et des groupes de producteurs spécialisés. Nous nous penchons sur les enjeux qui importent le plus à leurs yeux.
La montée vertigineuse du prix des terres agricoles compte parmi les nombreux problèmes auxquels nos membres font face. C'est une grande source de préoccupations pour le milieu agricole manitobain. Dans le récent rapport Valeur des terres agricoles de Financement agricole Canada pour 2015, le Manitoba affiche la hausse la plus marquée de la valeur des terres agricoles parmi les provinces pour cette année-là.
Nos membres ont du mal à composer avec le fardeau fiscal municipal accru occasionné par la hausse de la valeur des terres agricoles, lequel gruge leur marge bénéficiaire et crée des difficultés au chapitre de l'acquisition de nouvelles terres pour étendre les activités agricoles ou en amorcer de nouvelles.
Au Manitoba, nous sommes tout à fait conscients des problèmes que cela occasionne, et nous remercions le comité de se pencher de façon approfondie sur cette question.
Sur la question relative aux facteurs qui ont contribué à la hausse de la valeur des terres au Canada, nous sommes heureux de présenter plusieurs observations au comité. Toutefois, à l'instar de la Fédération canadienne de l'agriculture, nous demandons instamment au gouvernement de consacrer davantage de ressources à la collecte de données complètes sur la question. Ces renseignements sont nécessaires pour qui veut être en mesure de cerner clairement, à la lumière de données probantes, les principales causes du problème.
Premièrement, nous croyons que le prix élevé de marchandises au cours des dernières années a contribué à la hausse de la valeur des terres agricoles. Les prix ont commencé à baisser quelque peu, mais la faible valeur du dollar canadien a aidé à compenser les baisses. Somme toute, les recettes de productions végétales sont en hausse, et le coût des terres s'accroît en conséquence.
Deuxièmement, il y a peu de doutes que les faibles taux d'intérêt au cours des dernières années ont beaucoup joué sur le prix des terres agricoles. Ce phénomène n'est pas propre aux terres agricoles, puisque même les gens vivant en milieu urbain ont vu le prix des maisons s'accroître de façon importante pour la même raison. Lorsqu'il est si peu coûteux d'emprunter l'argent nécessaire pour acquérir un nouveau terrain, plus de gens cherchent à faire des acquisitions. Le simple jeu de l'offre et de la demande mène donc à une situation où les gens paient de plus en plus cher pour acheter le peu de terres agricoles en vente. Les guerres d'enchères deviennent plus courantes lorsqu'il est question de la vente de terres agricoles.
Troisièmement, nous croyons que la planification de la relève est un facteur déterminant dans la hausse de la valeur des terres agricoles. De nombreux agriculteurs cherchent à faire l'acquisition de terrains supplémentaires afin de pouvoir, au moment de leur retraite, céder l'exploitation agricole familiale à leurs enfants ou à d'autres membres de leur famille et avoir la possibilité de la fractionner en plusieurs parcelles de terre pouvant assurer la subsistance financière d'une famille. Pour un agriculteur cherchant à étendre de façon importante la taille de son exploitation, les taux d'intérêt faibles sont un facteur de motivation. Par conséquent, dans certains cas, la planification de la relève peut, lorsqu'elle est accompagnée de taux d'intérêt faibles, stimuler la demande et influer sur la valeur des terres agricoles. Cet enjeu ne ressort peut-être pas dans le portrait global, mais il joue certainement un rôle dans certaines régions.
Le quatrième enjeu qui est devenu une source de préoccupations pour les agriculteurs au cours des dernières années est l'accroissement apparent d'un nombre d'investisseurs institutionnels — c'est-à-dire des organisations non gouvernementales, comme des groupes voués à la conservation ou à l'environnement, et des acheteurs étrangers — qui sont entrés sur le marché des terres agricoles au Canada. Ces investisseurs viennent gonfler les rangs des acheteurs éventuels de terres agricoles, ce qui accroît la demande et les prix. Ils sont souvent bien financés et capables d'accéder au capital nécessaire pour acquérir des terres agricoles aux prix les plus élevés. Même s'il est difficile de prouver cela, en raison du manque d'information sur la question, il s'agit néanmoins d'une préoccupation soulevée souvent par nos membres.
Enfin, le facteur le plus évident est la quantité limitée de terres agricoles offertes aux acheteurs éventuels. Le nombre d'acres de terres arables baisse au lieu d'augmenter dans nombre de régions, à cause de l'étalement urbain. Les terres agricoles sont une ressource naturelle limitée, mais il s'agit bien souvent d'endroits où les gens veulent vivre. Il n'y a aucun doute qu'une part importante des quelque 4 millions d'hectares de terres agricoles perdus entre 1971 et 2011 est liée à l'étalement urbain. D'ailleurs, c'est devenu un problème majeur au Manitoba, où les localités en croissance qui entourent Winnipeg cherchent à s'étendre vers les terres agricoles rurales. Cette expansion urbaine vers les zones rurales réduit la quantité de terres agricoles disponibles et mène à l'accroissement du prix payé pour les terres qui restent. Le prix que les promoteurs sont disposés à payer pour ces terres, lorsqu'elles sont à proximité de grandes villes, doit aussi être pris en considération.
Je vais maintenant vous parler des préoccupations soulevées par la croissance de la valeur des terres agricoles et des défis que celle-ci présente pour les producteurs. Nous aimerions mettre en lumière trois grands points.
D'abord, nous craignons pour la capacité à long terme des agriculteurs de payer les terrains très coûteux qu'ils achètent aujourd'hui. Nous avons déjà observé récemment un affaiblissement du prix des marchandises. Il semble imprudent de tenir pour acquis que le prix des marchandises va augmenter et se maintenir du côté élevé des moyennes dans l'avenir.
De plus, nous ne devrions pas tenir pour acquis que les taux créditeurs pour le dollar canadien demeureront bas. Le paiement d'une hypothèque est un engagement de longue haleine, et les marchés, les taux d'intérêt et les taux de change peuvent évoluer rapidement. Les données d'Agriculture et Agroalimentaire Canada indiquent que l'endettement agricole au Canada est passé de 78 milliards de dollars en 2013 à 84,4 milliards de dollars en 2014. Fait encore plus éloquent, la taille moyenne des prêts approuvés par Financement agricole Canada a augmenté de presque 10 p. 100 de 2013 à 2014. Ces chiffres ne représentent pas seulement les coûts liés à l'immobilier, mais il y a fort à parier que ces augmentations de l'endettement et des prêts sont liées à l'augmentation du prix des terres agricoles.
Ensuite, notre deuxième préoccupation est liée au fait que les agriculteurs sont trop endettés parce qu'ils paient trop cher pour acquérir des terrains. Nous sommes en train de créer une situation où les agriculteurs et la production agricole canadienne en général deviennent tous deux très vulnérables aux effets d'un marché où les taux d'intérêt fluctuent. Nous ne voulons pas voir dans l'avenir une situation où de nombreuses exploitations agricoles font faillite et où la production agricole canadienne est bouleversée. C'est ce qui s'est passé durant les années 1980.
La production agricole compte pour une part importante de l'économie canadienne et de nos exportations. De graves problèmes financiers à l'échelon de l'exploitation agricole mineraient inévitablement la capacité du Canada de continuer de produire et d'exporter ces précieuses marchandises, ce qui nous coûterait des acheteurs internationaux qui cherchent un approvisionnement stable.
Enfin, nous sommes très préoccupés par les répercussions de l'accroissement de la valeur des terres agricoles sur les jeunes et sur les agriculteurs débutants. L'âge moyen des agriculteurs canadiens est maintenant supérieur à 54 ans. Autrement dit, si on veut maintenir les niveaux de production actuels, il faudra davantage de jeunes et de nouveaux arrivants voulant se lancer dans l'agriculture. Toutefois, le coût actuel des terres agricoles présente un obstacle important à l'entrée dans le secteur.
Financement agricole Canada offre un prêt Jeune agriculteur, et la Société des services agricoles du Manitoba offre pour sa part des incitatifs dans le cadre de l'initiative Pont entre les générations pour aider les jeunes agriculteurs. Toutefois, la taille importante des prêts nécessaires pour acheter des terres dans le contexte actuel a certainement un effet dissuasif sur les personnes qui voudraient se lancer en agriculture. En outre, la demande actuelle à l'égard des terres agricoles crée une situation où il est difficile pour les nouveaux arrivants dans le secteur de faire l'acquisition de terres.
J'aimerais maintenant aborder la question des solutions.
Dans l'ensemble, j'aimerais dire qu'il s'agit d'une question très compliquée et qu'elle ne se prête pas à des solutions simples. Par exemple, les agriculteurs qui prennent leur retraite et cherchent à vendre leurs terres auront une vue très différente de la question par rapport à ceux qui sont encore actifs et qui cherchent à accroître la taille de leur exploitation et aux jeunes agriculteurs et aux nouveaux arrivants qui espèrent acheter des terres et faire démarrer leur exploitation agricole. Cela dit, quelques mesures permettraient d'atténuer le problème de la montée en flèche de la valeur des terres agricoles.
Tout d'abord, nous croyons que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de premier plan en encadrant le débat sur la question et en encourageant les provinces et les municipalités à instaurer des règles claires, uniformes et solides qui protègent cette importante ressource. Les terres agricoles doivent être perçues par tous les acteurs à l'échelle du Canada comme une ressource naturelle précieuse mais limitée qu'il faut protéger vigoureusement.
Cela suppose la prise de décisions réfléchies par le gouvernement fédéral à l'égard de structures qui empiètent sur les terres agricoles, comme les pipelines. Tous les ordres de gouvernement devraient faire tout en leur pouvoir pour protéger les terres agricoles et veiller à ce que tout empiétement éventuel sur les terres agricoles ne porte pas atteinte à la production. En outre, nous encourageons le gouvernement du Canada à travailler avec les gouvernements provinciaux dans un effort concerté pour renforcer les lois et les lignes directrices provinciales en matière d'aménagement du territoire.
Ensuite, nous aimerions voir le gouvernement adopter des lois qui limitent considérablement l'acquisition de terres agricoles par des investisseurs institutionnels, des organisations non gouvernementales et des intérêts étrangers. La préservation des terres agricoles et la production agricole sont tout simplement trop importantes pour qu'on les laisse prêter le flanc à la spéculation financière. Nous devons également chercher à imposer des limites à ceux qui veulent destiner des terres agricoles à un usage autre que l'agriculture.
Enfin, nous demandons instamment au gouvernement de songer à investir davantage dans la collecte de données sur les facteurs qui contribuent à ce problème. Agriculture et Agroalimentaire Canada devraient travailler avec les gouvernements provinciaux à créer un programme national de contrôle de l'utilisation des terrains. Le but de ce programme devrait être de suivre les changements d'utilisation des terres et de propriétaires en prêtant une attention particulière à l'acquisition par des acteurs non agricoles. Une compréhension approfondie et éclairée de ce problème, à la lumière d'une recherche judicieuse, va mieux nous préparer à réagir à ce problème et à trouver les meilleures solutions. Notre objectif premier doit être la préservation des terres agricoles, mais nous ne pouvons réaliser cet objectif sans consacrer davantage de ressources à la collecte de données et au contrôle.
Je vous remercie de m'accorder de votre temps aujourd'hui, et je répondrai avec plaisir à toute question.
Le président : Merci beaucoup. Avant de poursuivre, permettez-moi de présenter les nouveaux membres du comité qui arrivent du Sénat.
[Français]
Le sénateur Plett du Manitoba, le sénateur Pratt du Québec et la sénatrice Gagné du Manitoba. Messieurs Hall et Jacobson, avez-vous un commentaire à ajouter? Je vois que vous avez une présentation. Allez-y, monsieur Hall.
[Traduction]
Norm Hall, président, Agriculture Producers Association of Saskatchewan : Au nom de l'Agriculture Producers Association of Saskatchewan, ou l'APAS, je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion de témoigner aujourd'hui et de présenter notre point de vue sur la valeur des terres agricoles et sur l'acquisition de celles-ci.
Pour commencer, je tiens à souligner à quel point les terres agricoles sont importantes en Saskatchewan. La terre et les semences sont les intrants le plus fondamentaux du producteur agricole. La possibilité de posséder sa terre est ce qui a motivé les pionniers à s'installer dans les Prairies.
Or, le fait de posséder sa terre est toujours un facteur de motivation puissant aujourd'hui. L'acquisition en propre des terres est une structure d'affaires préférable de loin à la location ou à d'autres modes de tenure sans acquisition, de la même façon qu'il vaut mieux posséder son logis que le louer.
La conservation des terres agricoles de la Saskatchewan est dans l'intérêt économique et stratégique des Canadiens. Plus de 40 p. 100 des terres agricoles du Canada se trouvent en Saskatchewan, et en 2014, nous avons exporté pour 15 milliards de dollars de produits agricoles de par le monde.
Le Canada est actuellement le sixième exportateur de grains en importance dans le monde. La préservation des terres agricoles productives est cruciale si nous voulons maintenir notre position concurrentielle sur le marché international. C'est également une question morale très importante, car le monde a besoin d'accroître sa production d'aliments de 70 p. 100 d'ici 2050 pour nourrir sa population croissante.
L'acquisition par les agriculteurs de leurs propres terres est un modèle fructueux qui a des retombées économiques, environnementales et sociales claires pour le Canada. Lorsque les agriculteurs sont propriétaires de leurs terres, la plus- value ainsi générée reste dans les collectivités locales, soutient l'emploi et favorise la croissance économique. En Saskatchewan, où l'agriculture est la plus grande industrie, c'est très important.
Les agriculteurs ont tout intérêt à veiller à ce que leurs terres restent durables et productives à long terme. Cet intérêt mène également à une meilleure gestion des terres et à de meilleurs résultats environnementaux pour tous les Canadiens.
Les agriculteurs forment le plus grand groupe de gestionnaires de terres privées au Canada et procurent nombre des biens et services environnementaux offerts à l'ensemble de la société, y compris la faune, l'habitat d'espèces indigènes, la conservation, la protection de la qualité de l'eau et la séquestration du carbone. Une récente analyse montre que les sols agricoles de la Saskatchewan absorbent plus de 11 millions de tonnes de carbone par année. Cela correspond aux émissions de plus de 1 million de véhicules.
Les terres agricoles accueillent également la plupart des installations éoliennes et solaires du Canada.
Il y a un certain nombre de domaines où les politiques du gouvernement peuvent aider à veiller à ce que les producteurs demeurent propriétaires de leurs terres et soient en mesure de continuer à offrir ces biens et services. Je vais d'abord parler de la valeur des terres et des obstacles à l'entrée.
Le prix des terres en Saskatchewan a monté en flèche au cours de la dernière décennie. Entre 2007 et 2014, les valeurs se sont accrues en moyenne de 16 p. 100 par année, ce qui est considérablement supérieur à la moyenne nationale de 9 p. 100. Ces augmentations des prix reflétaient généralement la santé globale de notre secteur. Depuis toujours, le prix des terres tend à refléter le taux de rentabilité de nos produits, comme Dan l'a déjà dit. Des prix solides pour le bétail et le grain se traduisent par une concurrence accrue pour les terres et par des prix plus élevés. Les taux d'intérêt n'ont jamais été si bas, et cela a contribué à encourager l'emprunt.
La concurrence d'intérêts non agricoles à des fins de spéculation a été un sujet courant au cours des dernières années. La Saskatchewan, par exemple, a récemment tenu un débat sur l'achat de terres agricoles dans le cadre d'un examen provincial de la Farm Security Act de la Saskatchewan. À la lumière de cet examen, le gouvernement provincial a depuis modifié la loi pour restreindre l'achat de terres agricoles par des régimes de pension et par d'autres organes d'investissement institutionnels. Cette mesure découlait du fort consensus, chez les résidents de la Saskatchewan, concernant l'importance de veiller à ce que les propriétaires résidents aient accès à nos terres agricoles. Des enquêtes menées par la province et par l'APAS ont révélé que plus de 90 p. 100 des répondants tenaient à ce que ce soient des Canadiens, et non des étrangers, qui accèdent à nos terres.
D'ailleurs, nous sommes heureux si des gens d'ailleurs dans le monde veulent venir ici et cultiver la terre avec nous, mais l'investissement dans les terres agricoles par des intérêts étrangers ou absents fait monter le prix des terres agricoles au point où elles sont hors de la portée des acheteurs locaux et ne sont plus liées à la valeur réelle — la productivité — des terres agricoles.
L'APAS appuie la prise de règlements permettant de veiller à ce que les terres agricoles restent à la portée des producteurs locaux. Nous sommes également d'avis qu'il faut en faire davantage pour aider précisément les jeunes producteurs et les nouveaux arrivants qui ont du mal à obtenir le capital requis pour entrer dans l'industrie ou accroître la superficie de leur terre.
Si nous voulons veiller à ce que les exploitations agricoles canadiennes continuent d'être exploitées par des familles propriétaires, il faut mettre en place des programmes pour aider les jeunes producteurs et les nouveaux arrivants à obtenir le capital nécessaire pour s'établir.
À la lumière de discussions avec nos organismes partenaires que sont les KAP et la Fédération de l'agriculture de l'Alberta, nous savons que l'accroissement de la valeur des terres est un obstacle à l'entrée dans le secteur partout au Canada. L'élaboration du prochain cadre stratégique pour l'agriculture qui remplacera Cultivons 2 est une occasion d'instaurer des politiques nationales pour aider les jeunes producteurs à accéder à du financement.
Un autre aspect qui influe sur l'avenir de l'acquisition des terres agricoles est notre capacité de faire concurrence à d'autres utilisations des terres, comme la croissance urbaine, les installations récréatives et les projets domiciliaires en milieu rural. À notre avis, le moyen le plus important de protéger les terres agricoles de ces utilisations concurrentes est de veiller à ce que les producteurs primaires soient suffisamment rentables pour être concurrentiels.
Nous devons veiller à ce que le droit à l'exploitation agricole soit expressément respecté et compris dans les lois fédérales, provinciales et municipales ainsi que dans la réglementation et dans les politiques gouvernementales. Nous reconnaissons également qu'il faut davantage de données sur les propriétaires des terres afin que nous puissions comprendre les tendances et les faits nouveaux et élaborer des politiques plus judicieuses.
Je vous laisse avec une dernière réflexion : nos terres agricoles ne sont pas infinies, mais elles sont renouvelables. Si nous voulons assurer notre santé environnementale et économique, il importe de veiller à ce que la terre reste entre les mains de ceux qui la travaillent.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Hall.
Écoutons maintenant M. Jacobson, de la Fédération de l'agriculture de l'Alberta.
Lynn Jacobson, président, Fédération de l'agriculture de l'Alberta : Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui. C'est un grand privilège.
Deux de nos ressources naturelles durables les plus importantes dans les Prairies canadiennes sont le sol et l'eau. Les deux sont essentiels pour produire des aliments et assurer la subsistance des humains. Même si la société semble avoir commencé à reconnaître que l'eau douce tend à disparaître et qu'il importe de la conserver, on ne peut pas en dire autant de la terre; pourtant, la terre et nos ressources en sols sont cruciales et demeurent vitales pour notre société.
L'Alberta occupe un territoire de presque 159 millions d'acres, mais seulement 51 millions d'acres sont utilisées pour l'agriculture, et 26 millions de celles-ci sont de grands pâturages libres ou des prairies artificielles utilisées pour la production de bétail. Il s'agit pour la plupart de terrains ou de sols de catégorie 5 ou 6. Environ 25 millions d'acres sont utilisées pour la production de cultures annuelles. Cela ne compte que pour 15,7 p. 100 de la superficie totale de l'Alberta, et aucune de ces terres n'est de catégorie 1. Les meilleures terres cultivées en Alberta sont de catégorie 2, 3 et 4. Les terres de catégorie 2 comptent pour moins de 4 p. 100 des terres en Alberta.
L'agriculture continue de compter parmi les industries et moteurs économiques clés de notre province, l'Alberta étant le troisième producteur et exportateur de produits agroalimentaires en importance au Canada. Cela illustre à quel point la disponibilité des terres agricoles est cruciale pour l'ensemble de notre économie.
Nos meilleures terres agricoles sont retirées de la production, et les occasions d'affecter de nouvelles terres à la production sont limitées. Pour cette raison, la préservation des terres agricoles est d'une importance cruciale pour nous en tant que société.
J'aimerais aborder certains des enjeux liés à la valeur des terres agricoles. Comme je l'ai déjà dit, l'agriculture demeure un des piliers de l'économie albertaine. Cependant, une bonne part des meilleures terres agricoles de la province se trouve dans le corridor entre Calgary et Edmonton, et c'est justement la zone où une croissance rapide de la population a créé la plus forte demande pour de nouvelles maisons.
Au cours des 25 dernières années, l'aménagement urbain et suburbain des terres s'est accru au total de 4,1 p. 100 et environ 60 p. 100 de l'expansion urbaine a eu lieu sur des terres agricoles, les deux tiers desquelles se prêtaient fortement à l'exploitation agricole. À mesure que l'aménagement de nos zones urbaines et résidentielles continue d'empiéter sur nos meilleures terres agricoles, nous voyons le développement agricole toucher des terres où le sol est de moins bonne qualité. Tout au long de cette même période, la part du territoire consacrée à l'agriculture s'est accrue de 3 p. 100, principalement aux dépens de la végétation naturelle, comme des terrains boisés et les prairies.
Il importe de noter qu'en Alberta l'achat de terres agricoles par des intérêts étrangers n'a pas autant d'incidence que certains pourraient le croire. À l'heure actuelle, les statistiques de Financement agricole Canada montrent que le prix et la demande sont influencés beaucoup plus par les producteurs locaux ou canadiens. C'est une statistique intéressante : les terres tendent à rester entre les mains du même propriétaire pendant très longtemps après l'acquisition et ne changent de main que tous les 40 ans environ.
Dans l'ensemble, la forte demande à l'égard des terres agricoles albertaines a mené à 23 ans de croissance constante des prix; la valeur moyenne des terres agricoles en Alberta s'est accrue de 11,6 p. 100 en 2015, après des gains de 8,8 p. 100 en 2014 et de 12,9 p. 100 en 2013. Même si ces valeurs accrues peuvent s'avérer avantageuses pour les agriculteurs cherchant à prendre leur retraite ou à quitter le domaine pour une autre raison, elles constituent un obstacle sérieux aux jeunes qui veulent faire leur entrée dans l'industrie, car la somme qu'il leur faut pour se lancer est extrêmement élevée.
La perte de terres agricoles de grande qualité en Alberta peut être imputée à trois grands facteurs, que je vous décris tout de suite.
La prolifération urbaine : l'Alberta affiche un taux de croissance relativement élevé depuis quelques années, en raison surtout de son économie. Même si nous nous dirigeons vers notre deuxième année de récession, la province continue d'afficher la croissance démographique la plus rapide au pays, selon Statistique Canada. Au cours des trois premiers mois de 2016, la croissance démographique de l'Alberta était de 0,4 p. 100 supérieure à celle du Canada dans son ensemble et de toute autre province.
À mesure que des gens affluaient vers la province, le développement urbain s'est effectué très rapidement, en particulier le long du corridor Calgary-Edmonton. À mesure que ces centres urbains croissent, ils continuent d'utiliser certaines des meilleures terres agricoles de l'Alberta pour s'étendre.
L'utilisation industrielle : le secteur pétrolier et gazier menace également les terres agricoles de l'Alberta. Par exemple, en juin 2016, environ 150 000 sites de puits abandonnés se trouvant sur des terres agricoles en Alberta devaient être remis en état. Les procédures de réhabilitation des terrains peuvent améliorer grandement le potentiel de production agricole. Toutefois, le sol ne peut retourner à son état d'origine. La croissance des installations industrielles — les puits pétroliers et gaziers, les batteries, les centrales au gaz, les éoliennes, les lignes de transport d'électricité et les routes menant à ces structures — continue de s'étendre sur les terres agricoles de la province.
L'investissement par des groupes de non-producteurs : la spéculation immobilière, les projets d'aménagement immobilier, les groupes de conservation et les intérêts privés non agricoles continuent d'acheter des terres agricoles et de réduire la disponibilité globale des terres que peuvent acquérir les exploitants. Soit dit en passant, comme nous l'avons expliqué plus tôt, certains des investissements étrangers ne se sont pas produits, mais des investissements ont effectivement été faits dans notre province par le Régime de pensions du Canada, par exemple, qui est canadien.
Le manque de rentabilité passé de l'exploitation agricole a incité des producteurs à quitter l'industrie. Lorsque ces terres agricoles sont vendues sans qu'on se préoccupe de leur utilisation ultérieure, cela peut mener à une perte graduelle, mais permanente de terres productives lorsque les terres ne sont plus consacrées à la production agricole. Il importe de noter qu'il est de plus en plus difficile d'attirer et de maintenir dans l'industrie de nouveaux producteurs lorsque les terres coûtent cher et que les profits sont bas.
Alors, quelle stratégie pouvons-nous adopter pour contrer la tendance? Je vais vous faire part de certaines observations de la fédération à cet égard.
Premièrement, nous aimerions que les nouveaux arrivants dans l'industrie aient accès à du capital. En effet, entrer dans l'industrie agricole en tant que nouvel exploitant est extrêmement difficile et exige une injection de capital massive qui, bien souvent, semble échapper à la portée des jeunes agriculteurs. En plus de cela, les réalités économiques de l'exploitation agricole font qu'il est de plus en plus difficile d'attirer de jeunes agriculteurs dans notre industrie.
Même si l'Alberta offre actuellement des programmes de prêts aux agriculteurs en devenir, à l'instar de Financement agricole Canada et de prêteurs privés qui offrent également du soutien aux jeunes agriculteurs et aux nouveaux arrivants, il y a encore beaucoup à faire à ce chapitre. Les provinces doivent continuer de songer à accroître l'accès à un financement préférentiel et à des subventions pour les nouveaux arrivants afin que ceux-ci puissent arriver à mener des activités commercialement viables.
Faciliter le transfert intergénérationnel des exploitations agricoles : de nombreuses exploitations agricoles sont transmises d'une génération à une autre. Toutefois, la retraite de la génération âgée est liée à ses exploitations agricoles. Les programmes qui offrent un financement de transition pour le transfert intergénérationnel d'exploitations agricoles et pour les besoins en capitaux d'amorçage liés à l'établissement de nouvelles exploitations sont essentiels. On pourrait envisager de rendre non imposables les intérêts et d'offrir une garantie aux producteurs retraités participant à un programme pour les jeunes ou les nouveaux agriculteurs afin d'inciter les prêteurs non commerciaux à offrir davantage de produits et de meilleurs taux.
Il est très important pour nous de protéger les intérêts des générations actuelles. Même si l'amélioration de la rentabilité de l'agriculture représenterait manifestement la meilleure façon de protéger les terres agricoles de l'Alberta, il ne s'agit pas de la réalité actuelle. Souvent, au moment où les agriculteurs envisagent de se retirer de l'industrie, ils font face à des incitatifs de la part d'intérêts non agricoles qui dépassent largement leur désir de maintenir le caractère agricole de la terre, surtout quand leur retraite est souvent liée à cette exploitation agricole.
La quatrième mesure consisterait à se pencher sur les règles relatives à l'utilisation des terres. La création de règlements sains concernant l'utilisation des terres, lesquels sont fondés sur des recherches et des politiques solides, est un outil crucial pour ce qui est de s'assurer que les terres agricoles continuent de servir à la production agricole. Cela provoque également un besoin de lois solides concernant le droit à l'agriculture prévoyant des obstacles réciproques. Il n'est pas rare de constater que des résidents urbains disposent souvent d'obstacles qui empêchent des exploitations agricoles d'être établies à côté de chez eux, mais, souvent, les mêmes textes de loi ne confèrent pas aux agriculteurs la protection inverse.
Merci de nous avoir écoutés et de nous avoir demandé de présenter un exposé devant le comité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Jacobson.
[Français]
Avant de commencer la période des questions, je demande aux sénateurs de poser des questions brèves et aux témoins de fournir une réponse courte. De cette façon, tous pourront poser des questions. S'il reste du temps, nous ferons un deuxième tour. Est-ce que cela vous convient?
Des voix : D'accord.
Le président : La première question sera posée par le sénateur Plett, suivi de la sénatrice Unger.
[Traduction]
Le sénateur Plett : La libre entreprise est décevante, n'est-ce pas?
Je m'excuse d'être un peu en retard, mais je pense avoir entendu la majeure partie de ce qui a été dit. Je poserai une brève question, monsieur le président, mais je dois la faire précéder d'un petit préambule, si vous voulez bien me le permettre.
Messieurs, vous croyez tous les trois à la libre entreprise. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Les problèmes dont vous nous avez fait part sont tous des problèmes de type capitaliste liés à la libre entreprise. L'augmentation de la valeur des exploitations agricoles en raison du prix élevé des denrées. Nous voulons que le prix des denrées soit élevé. De faibles taux d'intérêt. Nous voulons tous de faibles taux d'intérêt lorsque nous sommes endettés, et il s'agit d'un facteur majeur touchant le prix des terres agricoles. Il y a des agriculteurs qui souhaitent acquérir des terres supplémentaires afin que, quand ils prendront leur retraite, ils pourront transmettre la ferme familiale et la diviser. C'est merveilleux. Et, enfin, les terres agricoles sont une ressource limitée, mais elles se trouvent aussi dans les zones où des gens veulent vivre.
Nous avons accueilli un jeune agriculteur, la semaine dernière, et je lui ai posé la question suivante : si vous aviez 1 000 acres de terre à côté de la ville de Toronto et que vous pouviez obtenir 100 000 $ l'acre au lieu de 10 000 $ l'acre à côté — disons — de London, en Ontario, que feriez-vous? Il a affirmé qu'il les vendrait et qu'il irait acheter des terres moins cher ailleurs.
La libre entreprise touche tous ces problèmes. Je suis d'accord avec tout ce que vous dites, et je pense que la propriété étrangère pose problème, mais comment pouvons-nous régler les quatre problèmes que vous, monsieur Mazier — et un peu les deux autres messieurs — avez soulevés? Comment pouvons-nous les régler lorsque nous croyons aux agriculteurs et à l'endettement élevé? Mais, encore une fois, nous disons que les agriculteurs sont d'excellents gens d'affaires et qu'il faudrait les laisser s'occuper de leurs propres ressources. Dites-moi comment nous pouvons régler ces problèmes.
M. Mazier : Merci d'avoir posé la question. En préparant l'exposé que nous avons présenté, nous avons dû faire un peu des pieds et des mains pour obtenir certaines données. Je n'ai pas pu m'en remettre.
Une situation qui se produit au Manitoba et dont nous avons un peu parlé dans l'exposé concerne les investisseurs institutionnels et les groupes de conservation. Canards Illimités est celui qui cause tous les problèmes, au Manitoba. Ses membres se rendent à des ventes aux enchères lorsque des terres agricoles sont à vendre dans des régions, surtout dans l'ouest du Manitoba. Je viens de Brandon, à deux heures à l'ouest de Winnipeg. C'est le pays des étangs. C'est ce qui fait sa renommée, et c'est là qu'aime être Canards Illimités. C'est là qu'aiment être les canards.
Les membres de ce groupe interviennent et font monter les enchères par rapport à des terres agricoles régulières libérées qui ont essentiellement été aménagées de manière à soutenir l'agriculture moderne, et ils misent sur ces terres. On les voit prendre des terres à 3 000 $, 4 000 $, de bonne valeur et très productives et réinstaller tous les drains et tout comme c'était dans les années 1970, remettre tous les étangs à leur état initial, puis ils sont censés les remettre sur le marché. Je ne sais pas s'ils le font ou pas, mais c'est un problème. Ils prennent des municipalités et de grands lopins de terre, et ils les déprécient et les rendent moins productifs. Ils sont peut-être plus productifs pour le bétail, en tant que pâturage, ou pour élever des canards, mais ils ne sont pas propices aux pratiques agricoles, surtout la production moderne et maximale.
Alors, tant que nos politiques ne changeront pas et que nous ne commencerons pas à recevoir les signaux appropriés concernant la façon d'utiliser cette ressource finie, nous aurons besoin de données et de réglementation pour mettre un peu un frein à tout cela. Laissez la libre entreprise les prendre en charge, et laissez les choses se régler d'elles-mêmes à l'échelon local, mais nous avons besoin de recherches définies concernant ce qui se passe réellement en ce qui a trait à la propriété foncière au Canada. Si, au bout du compte, les terres ne nous appartiennent pas, nous serons vraiment dans le pétrin, et c'est ce qui préoccupe tout le monde : à qui appartiendront nos ressources canadiennes, au bout du compte?
M. Hall : Quand nos ancêtres sont venus ici, on leur avait promis que des terres agricoles leur appartiendraient. S'ils venaient de l'Europe continentale, ils provenaient d'un système féodal. S'ils venaient d'autres endroits, c'était simplement la promesse de posséder une terre, un point c'est tout. Vous avez raison : tout le succès repose sur la libre entreprise. Toutefois, si nous voulons que nos enfants — les générations à venir — soient en mesure de posséder des terres et de ne pas vivre dans le système féodal qu'ont quitté nos ancêtres, alors, nous devons pouvoir créer d'une manière ou d'une autre la capacité pour les prochaines générations de posséder ces terres ou de pouvoir les acheter d'une manière ou d'une autre.
Dans le sud de l'Ontario, les terres se vendent à 25 000, 30 000 $ l'acre. C'est dans la région de London, en passant. Vous avez raison de dire que, dans les environs de Toronto, c'est 100 000 $ ou plus l'acre. Les terres de la Saskatchewan sont les moins chères du pays, jusqu'ici — à moins que ce ne soient celles de Terre-Neuve, et vous pourrez répondre à cette question, Kevin —, mais nos prix avoisinent les 1 500 à 3 000 $ l'acre. C'est relativement modique, mais, compte tenu de la valeur productive de ces terres, c'est très cher.
Si on veut amener la prochaine génération dans ce domaine, il faudra que certains changements fiscaux soient apportés. J'ai présenté un exposé à ce sujet devant le Comité des finances de la Chambre, et — comme cela a été mentionné dans l'exposé — peut-être que le prochain cadre stratégique créera un genre de programme national qui aidera les jeunes agriculteurs à démarrer.
La sénatrice Unger : Je vous remercie, messieurs, des exposés que vous avez présentés.
Je voudrais vous poser de nombreuses questions, mais je vais en choisir une. Les règles relatives à la propriété d'une exploitation agricole sont régies par des lois provinciales. Le gouvernement fédéral a-t-il pour seul rôle de diriger l'établissement du cadre du discours entourant cet enjeu et d'encourager les provinces et les municipalités à établir des règles claires? Est-ce là le rôle que vous envisagez pour le gouvernement fédéral, puisqu'il s'agit d'un enjeu provincial?
Un petit article remarquable de deux pages a été publié dans le Country Guide; il est daté du 3 février 2015, et les auteurs commencent en disant : « Les non-agriculteurs sont-ils en train de mettre la main sur trop de terres agricoles canadiennes? Personne ne le sait, surtout à Ottawa. » L'article contient de très bons arguments au sujet de chacune de nos provinces, et vous pourriez être d'accord ou en désaccord, mais je vous inciterais à le lire.
M. Hall : Vous avez raison de dire que c'est tout provincial, et, dans bien des cas, c'est aussi municipal. C'est à cela qu'on en vient en ce qui concerne l'utilisation des terres.
Une chose que nous pouvons demander au gouvernement fédéral de faire, c'est aider à sensibiliser notre population. Au Canada, très peu d'Européens blancs ont déjà connu la famine. On tient la nourriture pour acquise et, par conséquent, la propriété foncière. Dans l'ouest du pays, nous exportons de 80 à 85 p. 100 de notre production. La majeure partie de l'est du Canada est autosuffisante du point de vue de la nourriture. Une grande part de notre population tient la nourriture pour acquise, alors, aucune pression n'est exercée sur le gouvernement afin qu'il établisse des règles pour maintenir le statut agricole des terres agricoles. La majorité des villes du Canada sont érigées sur des terres comptant parmi nos plus productives. Qu'est-ce que les villes font de mieux que s'étendre, et sur ces terres productives?
L'une des choses que le gouvernement canadien pourrait faire, c'est aider à sensibiliser les gens à l'égard de l'importance des aliments et du caractère fini de nos terres agricoles. Lorsqu'ils sortent de la région du Grand Toronto, ou même de Saskatoon, et qu'ils voient toutes ces terres agricoles, ils se demandent : « Comment pouvons-nous en manquer? » Mais elles ne sont pas illimitées.
D'ici 2025, il y aura six pays dans le monde qui exportent de la nourriture, et nous en ferons partie. Nous sommes censés accroître notre production de 70 p. 100 d'ici 2050. Nous ne pourrons pas le faire si nos villes englobent toutes les terres ou si nous les avons perdues à des fins de loisirs. La plupart des terres qui cessent de servir à la production agricole ne redeviennent jamais des terres agricoles si elles se trouvent dans des villes ou ont servi à autre chose.
Voilà quelque chose dont le gouvernement fédéral peut discuter avec les gouvernements provinciaux. Je vais m'arrêter là. Peut-être que vous pouvez aborder les données.
M. Mazier : En fait, il y a trois éléments, et ils s'en viennent. À la Fédération canadienne de l'agriculture, cet après- midi, nous venons tout juste de discuter de l'établissement de cartes des sols à jour partout au Canada. Nous n'avons même pas une idée de ce que nous sommes capables de faire des sols au Canada, et, compte tenu des changements climatiques, il pourrait s'agir d'une occasion, alors nous devons adopter une approche coordonnée dans l'ensemble du Canada à cet égard.
Production périodique de rapports sur l'exode agricole ou sur les pertes de terres : combien de terres entrent en production, et combien en sortent? Nous n'assurons absolument aucune surveillance de cette situation. C'est tout à l'échelon provincial, et peut-être qu'il y a quelque chose que nous pouvons faire sur ce plan, à l'échelle nationale et à plusieurs échelles, provinciale ainsi que fédérale, en tant que pays.
Puis, il y a une base de données d'inventaire qui comprend de l'information sur la propriété étrangère et la propriété non agricole. Comme nous en disposons en tant que sélection spéciale, nous devrions être en mesure d'extraire ces données pour voir quelle proportion du Canada appartient en fait à des Canadiens et à des agriculteurs et quelle proportion appartient à des institutions et à des étrangers. Ces trois choses pourraient nous aider à bien mieux comprendre le problème.
M. Jacobson : Il s'agit d'une notion intéressante parce que, essentiellement, le gouvernement provincial a compétence relativement à la propriété foncière sur son territoire — comme l'a dit Norm —, jusqu'à l'échelon des municipalités.
Une chose que le gouvernement fédéral peut utiliser pour influer sur ce qui se passe au chapitre de la propriété agricole, par l'intermédiaire de l'industrie des prêts fédéraux, c'est le FAC, c'est-à-dire la grande institution bancaire qui consent des prêts aux agriculteurs pour l'acquisition d'intrants, en plus de l'équipement et des terres agricoles.
L'une des choses manquantes qui pourrait être traitée grâce au FAC ou rattachée à cette institution, c'est l'offre d'un plus grand nombre de cours sur les affaires à l'intention des agriculteurs débutants. Cette formation aiderait vraiment à cimenter... Parce que nous connaissons tous des exploitations agricoles ou avons tous vécu des situations où des exploitations agricoles situées dans notre région ont été transférées à des gens qui étaient très jeunes et qui, pour commencer, n'étaient pas préparés... la plupart d'entre eux ont fait faillite dans les deux ou trois premières années. Il s'agit d'une grande perte non seulement pour la collectivité, mais aussi pour ces personnes, pour le FAC et pour le gouvernement fédéral.
Je dirais qu'une façon dont vous pouvez influer sur ce qui se passe au chapitre de la propriété, de la responsabilisation et de la production de bonnes et saines analyses de rentabilisation consisterait à offrir quelques cours de plus sur les affaires par l'intermédiaire du FAC.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Mazier. Corrigez-moi si je me trompe, mais dans votre présentation, vous avez dit qu'entre 2010 et 2015, la valeur des terres agricoles avait augmenté d'environ 67 p. 100, ce qui est énorme.
Si la valeur des terres augmente, comme ce fut le cas au cours des dernières années, je serais porté à croire qu'avec une plus-value en poche, les agriculteurs ont plus facilement accès au crédit et leur ratio d'endettement est sans doute moindre.
Les propriétaires de ces terres profitent-ils d'une telle conjoncture, entre autres pour améliorer l'état de leur équipement qui est certainement très coûteux?
[Traduction]
M. Mazier : Voilà le problème. En ce qui concerne l'activité agricole, il faut tout de même des liquidités. Votre terre, c'est la ressource dont vous avez besoin; le médium, c'est la façon dont vous faites de l'argent, et vous n'y arrivez — je pense que quelqu'un l'a mentionné — que tous les 40 ans. Au début du cycle, vous achetez la terre, vous la cultivez et l'utilisez, et, si sa valeur augmente ou diminue, quand vous avez terminé, vous vendez cette terre ou la transmettez à quelqu'un. D'une manière ou d'une autre, il s'agit du modèle agricole, et le simple fait que votre terre vaut beaucoup plus cher ne signifie pas que vous êtes plus rentable en tant qu'agriculteur. J'utiliserai l'analogie d'une maison : le simple fait que la valeur de votre maison a augmenté de 300 ou 400 %, à Vancouver, ne signifie pas que vous avez encore les moyens d'effectuer les paiements.
C'est un peu la même chose, mais la terre, c'est la base de ce avec quoi nous travaillons, dans le domaine de l'agriculture, alors, c'est différent. Certaines personnes nous demandent : « pourquoi ne pas en vendre un quart si vous éprouvez des difficultés financières? » La vente du quart ou de la moitié d'une terre n'aide pas du tout votre entreprise. Ce que vous faites, c'est emprunter plus d'argent et espérer survivre à ce cycle.
Dans de nombreux autres domaines, cela n'a pas de sens. Nous devons découvrir comment briser ce cycle. Quand on éprouve des difficultés, on est rentable ou on ne l'est pas. Cependant, il y a toute cette chose qu'on appelle Dame Nature qui a tendance à arriver dernière au bâton, pour utiliser une analogie de la Série mondiale.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous dites que vos terres prennent beaucoup de valeur. Évidemment, le fait de vendre la terre peut être enrichissant pour un agriculteur, mais on sait qu'aujourd'hui beaucoup d'étrangers veulent acquérir les terres et ils sont prêts à payer le prix.
Croyez-vous que le gouvernement devrait fixer une limite nationale afin d'éviter que cela se produise? Et si oui, de quelle façon devra-t-il le faire? C'est un peu comme à Vancouver avec le secteur de l'immobilier, parce qu'actuellement on sait que les étrangers sont intéressés par nos terres agricoles.
[Traduction]
M. Mazier : Je me demandais si le plafond des taux d'intérêt augmenterait.
Nous ne le savons pas. Je suppose qu'il s'agit de la réponse courte, simple et gentille. Nous n'avons pas une bonne idée de qui possède quel type de terre au Canada, et c'est pourquoi nous demandons la tenue d'un inventaire national concernant ce qui arrive à nos terres, au Canada, et à nos actifs canadiens.
La sénatrice Tardif : Comme vous l'avez indiqué, les provinces sont responsables de légiférer en ce qui a trait aux affaires de propriété agricole au Canada, et nombre d'entre elles ont — de fait — établi des limites concernant l'acquisition de terres agricoles par des étrangers. Cependant, la saisie de terres agricoles par des étrangers semble être relativement marginale, ou il s'agit du moins de ce que je crois savoir. Toutefois, qu'en est-il des acquisitions de terre agricole par des investisseurs canadiens? Sont-elles de plus en plus répandues?
M. Jacobson : C'est un fait que des investissements institutionnels sont effectués en Alberta. De fait, là où je vis — à Enchant — et à Vauxhall, je pense qu'un régime de pensions canadien a acheté une exploitation agricole. Je pense qu'il a acheté environ les 30 quarts de la terre de cette exploitation. Ensuite, il a loué cette terre aux agriculteurs et leur a donné un bail à long terme.
Comme je dis, il ne s'agit pas vraiment d'une pratique répandue dans notre région, pour l'instant. Nous comprenons pourquoi les investisseurs le font, car je pense que n'importe lequel des régimes institutionnels ou des investisseurs cherche... ou bien — s'il s'agit d'un régime de pension — il effectue un paiement, et il cherche à investir dans quelque chose qui va prendre de la valeur et lui procurer ce paiement. Lorsque les investisseurs restent dans les sentiers battus et qu'ils touchent peut-être 1,2 — voire 2 ou 3 p. 100, ce n'est pas suffisant pour que leur régime reste viable, et c'est ce qu'ils cherchent.
Je pense que cette situation va perdurer, puisque, tant que les taux d'intérêt seront extrêmement bas, ils ne peuvent pas rétablir le plafond des intérêts ou ils ne peuvent pas faire les investissements qui seront profitables. Je pense qu'il s'agira d'un problème dans l'avenir. Je ne sais pas comment vous pourrez arrêter cela, surtout compte tenu des règles relatives aux terres. En Alberta, essentiellement, si vous êtes une entreprise canadienne, vous pouvez posséder des terres. On ne réprouve que les investissements étrangers.
Or, nous avons connu toute une ruée, il y a environ 10 ans, quand un grand nombre d'agriculteurs sont arrivés de Hollande. À ce moment-là, ils immigraient, et ils ont acheté des terres. Ils ont fait augmenter le prix des terres. Il y avait toute une différence entre le prix des terres en Hollande et celui des terres dans le sud de l'Alberta, où ils arrivaient, ou de n'importe où ailleurs en Alberta. Ils arrivaient avec beaucoup d'argent, et ils investissaient, et cela a fait augmenter le prix des terres.
La sénatrice : La situation est-elle la même en Saskatchewan et au Manitoba?
M. Hall : En Saskatchewan — comme je l'ai dit —, nous sommes limités aux investisseurs canadiens. Mais aussi, nous avons fermé la porte à des groupes d'investisseurs, comme l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada. Ce groupe a acheté un autre groupe d'investisseurs, qui possède 102 000 acres. Comme l'a dit Lynn, ils investissent. Ils doivent faire de l'argent pour pouvoir finir par nous verser nos pensions, et leur but, c'est un rendement de 5 p. 100. Il s'agit d'une combinaison de l'augmentation de la valeur des terres et de leur location. Ils demandent de 3,5 à 4 p. 100 du prix d'achat, comme vous voyez, et, pour le reste, ils espèrent que le terrain prendra de la valeur.
M. Mazier : Au Manitoba, c'était intéressant. Nous avons invité un évaluateur provincial à assister à l'une de nos réunions. Nous avons également accueilli l'office provincial de la propriété du Manitoba. Nous avons un office provincial. Si une entité ou un investisseur étranger arrive, il doit se présenter devant cet office. Le représentant était désolé de déclarer qu'au Manitoba, nous sommes probablement de vrais partisans de la libre-entreprise. Normalement, c'est privé, ou bien ce sont les voisins qui font augmenter les prix, au Manitoba, pas tellement les conseillers institutionnels.
J'y ai fait allusion plus tôt. La seule chose qui se passe au Manitoba qui soit un peu différente, c'est l'organisation environnementale Canards Illimités qui vient acheter de très bonnes terres agricoles pour les prendre en charge. Il s'agit d'un fait nouveau, qui est plus préoccupant que tout, car on ne sait pas comment contrôler cette organisation. Quels genres de critères son rendement doit-il respecter? C'est un peu une anomalie, et elle suscite probablement plus de préoccupations que les grands investisseurs institutionnels qui viennent actuellement.
Le sénateur Pratte : Bonsoir. J'ai cru comprendre, d'après ce que vous avez dit, que vous voulez tous les trois une plus grande protection des terres agricoles, par exemple, contre l'étalement urbain et le développement résidentiel. Je serais curieux de savoir dans quelle mesure vous voulez plus de protection. Le système de protection le plus complet du Canada était celui du Québec, n'est-ce pas? Le système de protection de cette province est très complet. Elle l'a établi il y a 40 ans. Bien des gens pensent qu'il est trop exhaustif. Entre un système de libre-entreprise comme le vôtre et un système de protection très complet comme celui que nous avons, au Québec, y a-t-il un juste milieu, selon vous?
M. Jacobson : C'est quelque chose qui a été mis à l'essai et à quoi nous avons déjà pensé. L'un des moyens utilisés pour empêcher l'expansion des villes consiste essentiellement à augmenter les taux de densité de la population dans les villes qui peuvent être peuplées, c'est-à-dire contrôler ce taux, ou bien le rendre plus élevé ou obligatoire, avant que les villes ne s'étalent. Actuellement, tout le monde veut sa maison et sa cour, et cetera, en dehors de la ville.
Si vous survolez Calgary — je suis certain que vous l'avez tous fait... vous avez vu toutes les collectivités en périphérie. Ces collectivités ont pris la place de précieuses terres agricoles, il s'agit de certaines des meilleures terres agricoles de l'Alberta, et la ville continue de prendre de l'expansion. L'étalement ne se fait pas à l'ouest de Calgary, où on arrive dans les terres rocheuses et dans des broussailles qui ne sont pas vraiment propices à l'agriculture. On pourrait peut-être établir un ranch dans ce secteur. Toutefois, on prend les bonnes plaines sur lesquelles il est facile de travailler. L'une des idées, c'est d'augmenter le taux de densité des villes, puis de forcer la population à s'accroître un peu vers le haut au lieu de vers l'extérieur.
Le sénateur Pratte : En principe, le système québécois est très simple. On légifère qu'il s'agit d'une terre agricole, et on ne peut rien faire d'autre que la cultiver. En principe, c'est très simple. C'est la loi, et il s'agit d'une terre agricole, et c'est tout. Ne seriez-vous pas d'accord avec cela?
Le sénateur Plett : Partout ailleurs au pays, nous croyons en la libre-entreprise.
M. Jacobson : Il a raison, d'une certaine manière. La personne qui est adossée à la ville et espère se faire annexer... il s'agit également d'un groupe qui s'exprime haut et fort. C'est un enjeu dont il faut discuter.
Il y a des attentes à l'égard de certaines personnes. Elles pensent qu'elles ont de la chance de vivre près de la ville parce que, si elles veulent continuer à cultiver la terre, elles peuvent vendre la leur pour telle somme et venir dans ma région acheter tout un paquet de terres, et elles peuvent devenir rentables à ce moment-là. On rencontre des problèmes au moment de légiférer au sujet des terres. Mais, une chose qui sera probablement utile — et elle n'est pas légiférée —, c'est l'augmentation de la densité à laquelle ces villes doivent se rendre avant de pouvoir commencer à s'étaler.
M. Hall : L'un des deux exemples qui me viennent à l'esprit, où l'on tente de faire fonctionner ce système, à part le Québec, c'est la région du grand Toronto... la zone verte qui l'entoure. Elle vient tout juste de passer sans transition à ce système, n'est-ce pas? Cette expérience n'a pas fonctionné aussi bien qu'on l'aurait escompté.
J'oublie le nom du programme de retrait qu'on a établi pour les terres agricoles, mais, dans la vallée du bas Fraser de la Colombie-Britannique, pour chaque acre de terre agricole qu'on retire de la production, on doit créer une autre acre ailleurs. Ainsi, on prend des terres agricoles décentes, et on crée des terres bien plus pauvres, plus loin, qui ne produisent pas. Ces terres n'ont de valeur qu'en tant que pâturage. On déplace certaines des terres servant à l'arboriculture fruitière ou à la production céréalière vers le bas. Il est vraiment difficile de faire fonctionner ce système dans notre pays.
M. Mazier : C'est intéressant, au Manitoba. Les terres sont une ressource limitée. Je suis déchiré. À mes yeux, la propriété, c'est le contrôle. Si on perd la propriété, on perd le contrôle de ces terres, et quiconque les possède a le dernier mot à leur sujet. Si vous dites : « d'accord, voici une terre agricole, et nous allons la mettre de côté » et que c'est ainsi qu'elle sera traitée, c'est excellent, mais je souhaite que le reste de la société adhère à cette pratique.
Nous sommes une nation exportatrice, et nous disposons de terres en tant que ressources dont nous pouvons tous profiter. Au lieu de dire que nous allons les limiter, nous les limitons à l'agriculture pour les raisons suivantes : pour notre économie, pour notre pays, pour le bien de tous les gens. Si nous commencions à les regarder de cette manière au lieu de les envisager comme une denrée qui peut être achetée, échangée et possédée par quiconque, ce n'est pas une mauvaise conversation, et je pense que tout le monde peut s'en accommoder, mais nous sommes loin de là. Tout le monde veut seulement obtenir sa part du gâteau, et au diable le reste du monde.
Je pense que nous devons regarder les terres agricoles d'un autre œil, maintenant, surtout dans notre monde en croissance. L'humanité n'a jamais été composée du nombre de personnes qu'elle va devoir nourrir dans le monde au cours des 50 prochaines années. Nous sommes maintenant confrontés à un autre défi. Je pense qu'il faut en discuter autrement, en ce qui a trait à la propriété foncière et à qui contrôle les terres.
Je reviens sur le fait que, tant que les Canadiens les exploitent et peuvent les contrôler, nous roulons sur l'or, mais, dès que nous nous éloignerons de ces modèles, nous allons connaître quelques difficultés.
Le sénateur Plett : Monsieur Mazier, cela nous touche personnellement, parce que vous et moi sommes du Manitoba, tout comme la sénatrice Gagné. Quand même, je n'avais jamais entendu parler du problème de Canards Illimités. Si vous n'avez pas les chiffres avec vous, il n'y a pas d'inconvénients à ce que vous nous les fassiez parvenir plus tard, mais j'aimerais savoir combien de terres Canards Illimités a achetées aux enchères et ce qu'elle fait avec elles.
Les terres céréalières conviennent aux canards également, si c'est bien pour les canards. Quel est leur objectif? Vous avez dit qu'il était question de remplir les étangs? Expliquez-vous un peu, je vous prie. Aussi, je serais intéressé de voir les chiffres sur l'impact que cela a au Manitoba, si vous pouvez nous les faire parvenir.
M. Mazier : Le conseil des propriétaires fonciers pourrait probablement vous fournir les chiffres définitifs. Je ne sais pas si vous avez entendu parler du lac Whitewater. Il se trouve juste au nord de Deloraine, au Manitoba. Le lac prend de l'expansion. C'est un amphithéâtre morainique. Le lac ne s'écoule nulle part, il ne fait que se remplir lentement. Il a fini par envahir les terres agricoles. Avant, l'endroit était presque un désert. La région sud-ouest du Manitoba était très aride auparavant; aujourd'hui, on atteint des niveaux jamais vus.
Canards Illimités est venue acheter environ un quart de cette terre, dont une partie était une terre agricole. À présent, Canards Illimités peut décider s'il faut ou non assécher le lac Whitewater. Voilà ce qui nous préoccupe, et ce n'est qu'un exemple.
Canards Illimités s'est également approprié de très bonnes parcelles de terrain. Je connais deux ou trois agriculteurs qui se sont rendu compte qu'ils compétitionnaient aux enchères contre cette organisation. Une fois que la nouvelle se répand... Bien sûr, vous ne connaissez pas leur offre, mais pour la plupart de ces terres vendues aux enchères, tout ce qu'il y a à faire c'est écrire que votre offre sera, disons, 10 $ de plus que toutes les autres. Cela donne assez rapidement des sommes astronomiques. Avec une offre comme celle-là, vous vous imaginez qu'il est impossible de l'emporter sur le Trésor.
Le sénateur Plett : Peut-être pourriez-vous nous faire parvenir des chiffres. Dans le cas contraire, nous pourrions peut-être demander à quelqu'un de venir témoigner à ce sujet. Selon moi, ce serait intéressant. Merci.
[Français]
Le président : Monsieur Mazier, vous pourrez envoyer à notre greffier les informations qu'a demandées le sénateur Plett.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Merci, messieurs. Dernièrement, des fonds de placement comme Walton International et AG Capital achètent beaucoup de terrains. Ils constituent probablement la plus grosse banque foncière. Je sais que Walton acquiert aussi beaucoup de terres, puis les revend en lots séparés à l'étranger. Quel impact cela a-t-il sur l'avenir des terres agricoles?
M. Hall : Ce genre de choses n'arrive pas en Saskatchewan, parce que les groupes d'investissement ne peuvent pas acheter de terres agricoles dans cette province. Ils peuvent acheter 10 acres au maximum, pas plus. Donc, ce genre de choses n'arrive pas en Saskatchewan.
M. Jacobson : En Alberta, un certain contrôle est imposé aux étrangers qui possèdent des terres : ils doivent être citoyens canadiens. Il y a un système d'obligations redditionnelles. Je sais qu'il y a certaines provinces, par exemple l'Ontario, je crois, où il n'y a pas de règles.
Le sénateur Oh : Je crois qu'en Ontario, il faut être résident pour acheter des terres agricoles.
M. Jacobson : Mais je sais que c'est le cas pour certaines provinces, parce que nous en avons parlé avec certains membres de la FCA. Ils nous ont dit, à ce sujet, que certaines des provinces avaient des règles, et d'autres, non.
Je crois que la situation par rapport aux terrains à usage industriel — on en parle parfois ou on les compare aux terres agricoles — est différente de celle des terres agricoles en ce qui concerne les questions de propriété. En Alberta, on peut acheter, à Calgary ou dans d'autres villes, des parcelles de terrain — des terrains à usage industriel — et il n'y a aucun frein ni contrepoids. Les contrôles visent davantage uniquement les terres agricoles, d'après ce que j'en sais.
M. Mazier : Je crois que c'est l'un des plus importants facteurs contraignants ou préoccupants par rapport à l'utilisation industrielle. Il y a toute une affaire concernant une société dans le sud de l'Ontario, je crois qu'il s'agit peut- être de Lipton, qui essaie d'acheter l'eau. Quels impacts ont ces visées industrielles sur le bilan hydrique et, en conséquence, sur l'agriculture dans la région?
Je sais que la vallée de Bow s'est asséchée, et qu'il y a une attribution excessive à la région de Calgary. C'est un gros problème pour Calgary.
Il faut garder à l'esprit, lorsqu'on discute de l'utilisation des terres à des fins industrielles ou de l'utilisation centralisée des ressources sur les terres, qu'il y a d'autres choses à prendre en considération pour le développement de la région; l'eau est l'un des facteurs les plus contraignants ou préoccupants dans ce genre de décisions. Il faut en étudier l'impact sur les terres agricoles.
La sénatrice Raine : Je siège aujourd'hui au comité seulement à titre d'invitée. Le sujet de l'étude est tout de même très important, et j'aurais aimé avoir le temps d'y participer régulièrement.
Je sais qu'en Colombie-Britannique, nous avons la Agricultural Land Commission Act. Vous la connaissez sans doute mieux que moi. Lorsque cette loi a été adoptée au début des années 1970, il y a eu une levée de boucliers. Les gens disaient : « Vous ne pouvez pas faire cela. Vous dépréciez nos terres. » Aujourd'hui, de nombreuses années plus tard, tout le monde reconnaît que c'était la bonne décision. Il y a des échanges d'un côté comme de l'autre afin d'utiliser les terres — lorsque c'est nécessaire — à des fins autres que l'agriculture, mais je crois que la majorité des habitants de la Colombie-Britannique sont très favorables à ce que nous gardions nos terres agricoles et qu'elles continuent d'être cultivées.
Je sais que les Albertains adorent être indépendants, libres et exemptés de toute règle, mais il est insensé que la ville empiète sur les terres agricoles arables alors qu'elle pourrait s'agrandir sur des terres où il n'y aurait aucun impact sur l'agriculture. Je crois qu'il vous revient de faire en sorte que les Albertains se rangent derrière vous.
Les différentes provinces échangent-elles des pratiques exemplaires relativement à la loi et à leurs expériences passées afin d'éviter d'avoir à réinventer la roue? Il suffit d'en discuter pour comprendre ce qui s'est passé lorsque ces lois ont été adoptées.
M. Jacobson : Les provinces communiquent entre elles, y compris sur ce sujet. Par l'intermédiaire de la FCA, notre organisation agricole est en communication avec l'ensemble du pays, alors nous sommes au courant d'exemples concrets. Nous portons aussi ce genre de questions à l'attention du gouvernement. Je crois que le gouvernement, grâce à ses propres sources, va interagir avec les gens, mais il ne fera probablement rien de très important s'il n'y a aucune pression de la part d'un groupe de pression ou d'un groupe d'intérêts au sein du gouvernement, parce que chaque fois que nous présentons un argument, il y a toujours quelqu'un pour dire : « Eh bien, non, laissez-moi faire. Je vais m'en occuper. » Il faut trouver un certain équilibre. Mais nous communiquons, et je crois que les gouvernements communiquent aussi, effectivement. Je ne suis pas au courant d'affaires précises concernant les réserves foncières, parce que cela n'a pas encore été soulevé en Alberta.
La sénatrice Raine : J'imagine que la question principale que le comité pourrait poser serait de savoir ce que le gouvernement fédéral peut faire pour partir le bal.
M. Jacobson : Pour en faire plus, oui.
M. Hall : Jeudi dernier, Ron Bonnett de la Fédération canadienne de l'agriculture est venu témoigner devant votre comité. La FCA dispose bien d'un comité sur les terres agricoles, dont je suis président, et l'un des objectifs de ce comité est de recueillir, aux quatre coins du Canada, les pratiques exemplaires relatives à la protection des terres agricoles.
Oui, les provinces communiquent bien entre elles, mais je ne suis pas sûr qu'elles jouissent du même esprit de camaraderie ou de la même relation que nous, les associations agricoles. Après tout, personne ne porte de chapeau coloré dans ces rencontres. Nous sommes tous simplement des agriculteurs. Nous faisons la promotion des meilleures pratiques en matière de protection des terres, et ce sont celles de la Saskatchewan et du Québec. Je vais m'arrêter ici.
M. Mazier : C'est intéressant. Vous pouvez mettre un agriculteur et une petite ville l'un en face de l'autre... J'ai aimé les commentaires de Lynn à propos des inconvénients. On en parle toujours par rapport aux zones habitées, mais jamais en ce qui concerne les activités agricoles.
Ce qui arrive actuellement en Colombie-Britannique est intéressant. La question porte davantage sur le type d'activités agricoles qui se dérouleront sur la terre : biologiques, commerciales, élevage de bétail. Quel genre de personnes vont s'en occuper? La collectivité accepte-t-elle ces pratiques agricoles?
On peut parler des pratiques exemplaires en matière de gestion jusqu'à en perdre haleine, mais si la collectivité n'accepte pas ces pratiques et n'en veut pas dans la région, les gens vont faire en sorte que ce soit bloqué; ils vont nous rendre la vie le plus pénible possible.
Pourquoi y a-t-il des activités agricoles au Canada? Pourquoi cela se passe-t-il dans nos régions? Quel est le but de l'agriculture? Comment cela avantage-t-il notre pays? Le gouvernement fédéral peut jouer un rôle lorsqu'il faut répondre à ces questions importantes. Sur quel genre de mécanismes économiques jouons-nous lorsqu'il est question de la propriété et de l'utilisation des terres?
La sénatrice Gagné : Les provinces et le gouvernement fédéral collaborent-ils de façon efficace afin de régler cette question sur la protection des terres agricoles?
M. Mazier : C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui.
M. Hall : D'après ce que j'en sais, non. Nous le disons depuis le début : cette question relève de l'échelon provincial. Le gouvernement fédéral n'a eu jusqu'ici aucune raison d'intervenir; ce serait empiéter sur la compétence des provinces.
La sénatrice Gagné : Vous avez mentionné des politiques nationales dans différents domaines. Comment cela est-il possible s'il n'y a pas de coopération entre les provinces et le gouvernement fédéral sur ces questions?
M. Hall : C'est pour cela, entre autres, que notre comité est membre de la fédération canadienne; c'est pour commencer à récolter l'information. Ensuite, on demande aux provinces et au gouvernement fédéral comment ils devraient collaborer là-dessus, parce qu'il y a de grandes différences d'un océan à l'autre relativement à la propriété par des intérêts étrangers et à l'utilisation des terres.
Si le Canada veut avoir la réputation de fournisseur alimentaire mondial, ou même seulement de fournisseur pour le Canada lui-même, surtout pour l'est du pays, alors le gouvernement fédéral devrait peut-être s'allier aux provinces et les aider à protéger leurs terres.
La sénatrice Gagné : Selon vous, le gouvernement fédéral a-t-il démontré un intérêt à cet égard?
M. Jacobson : Je crois que le gouvernement fédéral s'intéresse à l'utilisation des terres, mais je ne suis pas convaincu que les choses sont assez avancées pour commencer à parler de mise en œuvre et d'impact sur les provinces.
En Alberta, lorsque les nouvelles en ville concernent les terres, lorsqu'on parle d'annexer une partie des terres, il ne semble y avoir aucune conséquence. Ce n'est pas un sujet qui intéresse la population. Ce que les gens veulent savoir, c'est s'ils vont avoir un métro ou comment la situation va évoluer. Certains disent : « Je ne veux pas de ce métro, venez acheter ma maison. »
Il va falloir qu'il y ait un changement de mentalité dans la façon dont la production alimentaire et la valeur des terres sont établies dans l'avenir. Comme je l'ai dit, actuellement, les villes ne semblent pas vouloir restreindre leur expansion. Elles veulent continuer de s'agrandir. Je vis tout près de la ville de Lethbridge, et c'est la même chose. Elle continue de s'agrandir tout autour, et il ne semble y avoir aucun frein ni contrepoids ni intérêt à construire en hauteur au lieu de continuer vers l'extérieur.
M. Hall : Le gouvernement fédéral a démontré un certain intérêt. Il a commencé à parler d'une stratégie alimentaire nationale. Il s'agit peut-être de la première étape pour reconnaître que la production alimentaire et la sécurité alimentaire sont un besoin au Canada et dans le monde.
M. Mazier : C'est qu'on n'utilise pas le terme « agriculture ». Vous êtes au courant du projet Bipole d'Hydro Manitoba. Le projet va empiéter sur les terres agricoles. Eh bien, Hydro Manitoba a demandé la tenue d'une étude nationale sur l'impact environnemental, mais on n'a pas demandé que soit tenue une étude sur l'impact que cela aurait sur l'agriculture. Ce qu'il faut, c'est modifier la terminologie. On pourrait se pencher sur l'importance des impacts sur l'agriculture. Il faut y accorder une plus grande priorité. Ce ne serait pas difficile. Au lieu de demander quels seraient les impacts sur l'environnement... Qui veut savoir comment va la population de chevêches des terriers quand on n'a même pas assez de nourriture pour se nourrir? Nous devons changer nos priorités à l'échelle du pays et nous poser les bonnes questions.
Le sénateur Plett : Monsieur Mazier, vous venez de toucher un point sensible dans votre dernier commentaire, mais je vais tenter de rester apolitique; je ne vais pas y donner suite. Quand même, votre commentaire était tout à fait juste.
Monsieur Jacobson, vous avez dit que nous nous étendons vers l'extérieur au lieu de bâtir en hauteur. À nouveau, on revient au cas de l'œuf et de la poule. Je ne sais quels règlements sont en vigueur à Kelowna actuellement, mais je sais qu'il y a quelques années, les règlements de la ville de Kelowna interdisaient la construction d'un immeuble de plus de quatre ou six étages. Ce sont les villes qui adoptent ces règlements, cela ne concerne pas le gouvernement fédéral. Vous avez reconnu le fait que la majorité de ces questions relèvent des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Le sénateur Dagenais a brièvement soulevé la question concernant Vancouver, et c'est la même chose dans toutes ces villes.
À moins de devenir socialistes, que pouvons-nous faire lorsque les villes veulent s'agrandir? Si nous voulons croire en un marché libre, je ne vois pas comment on pourrait mettre un frein à la situation sans faire fi de ce scénario.
La ville de Toronto veut s'agrandir, et, malheureusement... Le jeune homme qui est venu témoigner ici la semaine dernière a été très franc. Il nous a dit : « Si une acre vaut 100 000 $, je vais la vendre. » Tant que les gens voient strictement à leurs propres intérêts, ils vont faire ce que vous avez dit. Ils vont vendre une acre pour 100 000 $ et acheter des terrains en Saskatchewan pour 1 500 $ l'acre; ils n'auront aucune dette et pourront faire de l'argent pendant quelques années, jusqu'à ce qu'ils aient tout dépensé. Je connais la chanson.
C'est plus une observation qu'un commentaire, mais ce que je dis, c'est que, à moins que nous ne voulions éliminer cette attitude par rapport au marché libre, nous ne pouvons pas régler ce problème.
M. Jacobson : Vous avez tout à fait raison; c'est l'un des fondements de la liberté, de pouvoir faire ce genre de choses, et nous y croyons.
Si on regarde d'autres endroits dans le monde, on voit que les entreprises sont libres, mais qu'elles sont freinées par la réglementation relative à la densité urbaine. Il arrive un moment où il faut faire quelque chose. La population de l'Alberta n'atteint pas les 100 millions de personnes, mais si nous avions 100 millions de personnes en Alberta et que les villes pouvaient s'agrandir vers l'extérieur, il n'y aurait plus une seule terre agricole en Alberta.
Le sénateur Plett : Vous avez absolument raison.
M. Jacobson : En tant que société, nous devons prendre une décision sur la voie à suivre. Il y a des avantages pour le public qui sont dans l'intérêt du public, et il y a des choses qui ont disparu pour la liberté d'entreprise. Nous devons prendre une décision quant à la voie à suivre.
La sénatrice Raine : Je ne suis pas sûre s'il convient de poser ma question; c'est seulement parce que je siège à un autre comité également.
Je sais que nous essayons de nous réconcilier avec les Premières Nations et les Autochtones du Canada, et je sais que cela a aussi un impact sur nos terres agricoles, parce que les Autochtones d'un bout à l'autre du pays veulent ravoir une partie de leurs terres. Votre comité en a-t-il discuté?
M. Hall : Oui. Les Premières Nations ont acheté des dizaines de milliers d'acres de terrain en Saskatchewan. C'est une discussion en cours.
L'une des choses que l'APAS — ainsi que la FCA — essaie de faire, c'est de discuter avec les Premières Nations à propos d'agriculture. Peu de réserves et de groupes mènent des activités agricoles, mais la majeure partie du temps, les terres qui sont achetées sont des terres agricoles — parfois, c'est aussi des terres en ville — qui sont louées afin d'être utilisées comme source de revenus. Elles ne les utilisent pas pour leurs propres activités agricoles.
La sénatrice Raine : Mais les terres continuent d'être utilisées à des fins agricoles?
M. Hall : Eh bien, en Saskatchewan, la plupart du temps, oui.
M. Mazier : Tout juste à l'extérieur de Brandon, au Manitoba, entre l'aéroport et, en fait, le nord de Brandon, il y a trois nations autochtones qui possèdent des terres. Elles ont essayé d'y aménager un hippodrome et d'y installer des appareils de loterie vidéo. Elles semblent suivre un modèle. Elles ont acheté quelques terres de Carberry Sandhills et elles y ont construit un casino au beau milieu du désert. Je ne sais pas si elles essayaient de créer un nouveau Vegas, mais c'est triste.
J'ai discuté avec Claude Shannacappo de la nation Rolling River. Je n'étais pas sûr de la façon dont je devais parler aux Premières Nations, et j'avais beaucoup de questions à ce sujet. Il m'a dit de les traiter comme n'importe quelle autre collectivité, et cela m'a frappé. Cette nation possède des terres, elle est tout près du parc national du Canada du Mount-Riding et elle loue ses terres aux propriétaires fonciers locaux. Je lui ai demandé : « Pourquoi ne pas cultiver les terres vous-mêmes? »
Nous sommes une organisation agricole générale. Si vous êtes agriculteur, vous pouvez être l'un des nôtres. À qui doit-on s'adresser dans ces collectivités? C'est l'une des plus importantes difficultés avec lesquelles nous devons composer afin de les faire participer aux conversations. Si vous pouvez nous offrir de l'aide quelle qu'elle soit à ce chapitre, je vous en prie, allez-y.
[Français]
Le président : Messieurs, vous avez sans doute remarqué que je n'ai posé aucune question. C'est que, ce matin, j'ai passé quelques heures en compagnie du vice-président de la Fédération canadienne de l'agriculture et nous avons fait le tour de la situation.
En terminant, j'aimerais vous dire que ce fut un privilège de vous accueillir ce soir. Comme vous avez pu le constater, les sénateurs sont drôlement intéressés par la propriété des fermes au Canada, et cet intérêt est partagé avec des milliers de Canadiens.
Merci infiniment de vous être déplacés jusqu'ici. Nous espérons avoir l'occasion de vous revoir dans des circonstances plus réjouissantes. Vous pourrez faire parvenir vos informations à notre greffier. Merci beaucoup et bon retour.
(La séance est levée.)