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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 17 - Témoignages du 27 octobre 2016


OTTAWA, le jeudi 27 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 heures afin de poursuivre son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour tout le monde.

Je suis le sénateur Maltais, et je préside le comité de l'agriculture et des forêts. Les sénateurs se présenteront, à commencer par le vice-président.

Le sénateur Mercer : Sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.

La sénatrice Merchant : Bienvenue. Pana Merchant, de la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Pratte : Sénateur André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Don Plett. Je viens du Manitoba.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Gagné : Sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba.

Le président : Bienvenue à vous, monsieur Peterson, monsieur Boyd. Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts poursuit son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.

Ce matin, de Statistique Canada, nous recevons M. Greg Peterson, directeur général de la Direction de la statistique de l'agriculture, de l'énergie, de l'environnement et des transports, ainsi que M. Stephen Boyd, chef de sous-section, Division de l'agriculture. Messieurs, vous avez un mémoire à nous lire. Par la suite, les sénateurs vous poseront des questions. Je vous demande à tous d'être brefs, parce que nous sommes 11 autour de la table et tous les sénateurs ont des questions à poser. La parole est à vous, monsieur Peterson.

Greg Peterson, directeur général, Direction de la statistique de l'agriculture, de l'énergie, de l'environnement et des transports, Statistique Canada : Nous sommes heureux d'être ici, ce matin, pour vous présenter nos données au sujet de l'utilisation et de la valeur des propriétés agricoles au Canada.

[Traduction]

J'aimerais tout d'abord vous décrire brièvement le contexte entourant l'agriculture au Canada. Je crois savoir qu'on a fait circuler parmi les membres du comité une copie de l'exposé, et je vais me référer à un certain nombre de diagrammes sur ces diapositives, car ce sera plus expéditif.

Si nous nous intéressons à quelques faits stylisés touchant l'agriculture, si nous envisageons l'agriculture comme une sorte de mégatendance, j'ai — à la diapositive 2 — un graphique fondé sur le Recensement de l'agriculture montrant ce qui se passe depuis 1956. Lorsque nous regardons ce qui s'est passé entre 1956 et 2011, nous constatons que le nombre d'exploitations agricoles a baissé fortement, de 64 p. 100. Parallèlement, on observe une légère baisse de la superficie totale des fermes de l'ordre de 8 p. 100 au cours de la même période. Essentiellement, nous avons moins de fermes au Canada, mais elles sont plus grosses. Incidemment, toujours dans les mégatendances, notons que les recettes monétaires agricoles se sont multipliées environ par 20 au cours de la même période. Donc, un nombre réduit d'exploitations agricoles, mais celles qui restent sont plus grosses et beaucoup plus productives.

Encore une fois, une part importante de l'information que je présente est fondée sur le Recensement de l'agriculture. Le Recensement de l'agriculture est un outil très puissant, car c'est le seul mécanisme qui nous permet de fournir de l'information très détaillée sur le plan géographique, mais nos données s'arrêtent à 2011. Les résultats du recensement de 2016 paraîtront en mai. Cela dit, j'ai tiré une bonne quantité de données ayant de la pertinence dans le cadre de la discussion d'aujourd'hui.

Passons à la diapositive 3. Au-delà du déclin progressif dans la superficie totale des fermes, la nature du mode d'occupation des terres a également changé. Si nous nous attachons au pourcentage de la superficie agricole appartenant à l'exploitant, nous voyons que la proportion a baissé entre 1986 et 2011, période où nous avons commencé à mesurer cela, passant de 64 p. 100 de la superficie agricole détenue à 60 p. 100 en 2011.

Bien entendu, il y a une hausse correspondante de la proportion des terres agricoles louées. Cependant, cette augmentation tient surtout à des terres louées ou cédées à bail par d'autres joueurs plutôt qu'à des terres cédées à bail par des gouvernements. La superficie totale louée ou cédée à bail par des joueurs non gouvernementaux comptait pour 2 p. 100 de la superficie agricole en 1986. Elle correspondait à 27 p. 100 de la superficie agricole en 2011.

À la diapositive 4, maintenant, qui porte sur l'utilisation des terres agricoles, on voit que les terres agricoles sont utilisées, bien entendu, principalement pour la culture, suivie du pâturage. Encore une fois, selon le Recensement de l'agriculture, la superficie totale des terres en culture et en jachère a baissé légèrement entre 2001 et 2011, de 9 p. 100, à environ 75,6 millions d'acres.

Ce sont là quelques faits stylisés concernant l'agriculture. Si nous regardons plus précisément l'utilisation des terres, la diapositive 5 présente une carte de la région métropolitaine de recensement de Toronto. Il y a environ un an, nous avons commencé à étudier les écosystèmes qui entourent les régions métropolitaines de recensement et l'évolution des tendances en matière d'utilisation des terres dans l'écosystème de ces RMR. L'exemple que j'ai ici s'applique à Toronto, mais nous avons des renseignements similaires pour toutes les régions métropolitaines de recensement au pays. Sur cette carte, les zones urbaines de 1971 sont rose pâle, et les zones rose foncé correspondent à un développement plus récent. Nous pouvons constater que cette urbanisation croissante, bien entendu, se fait aux dépens de terres qui étaient utilisées à d'autres fins. Ce que ce diagramme montre, c'est que l'urbanisation accrue dans la RMR de Toronto s'est assortie de baisses de la disponibilité de terres arables ainsi que de terres naturelles.

Le sénateur Pratte : Où sont les terres agricoles sur cette carte?

M. Peterson : Les terres agricoles correspondent aux terres arables. Il s'agit de terres qui pourraient être utilisées pour l'exploitation agricole.

Le sénateur Pratte : D'accord, mais de quelle couleur sont-elles? Est-ce qu'il s'agit des zones blanches?

M. Peterson : Les zones rose pâle correspondent aux zones bâties de Toronto en 1971. Quant aux zones rose foncé, elles indiquent l'accroissement de l'urbanisation, et le diagramme à droite montre quels types de terres ont servi à cette urbanisation, donc les types de terres où on observe une baisse. Alors, l'urbanisation a effectivement lieu.

La diapositive 6, maintenant, illustre l'évolution de la valeur des terres et bâtiments au fil du temps, à partir de 1971. Les données sources utilisées pour établir ce graphique proviennent de notre Programme des finances agricoles, dont les renseignements sont moins détaillés que ceux du Recensement de l'agriculture, mais sont plus réguliers. Si nous jetons un coup d'œil à la tendance de la valeur par acre des terres, on constate qu'après une période de stagnation du début des années 1980 jusqu'aux années 1990, la valeur des terres a généralement été en croissance, avec de fortes poussées à compter de 2010.

On notera également qu'au cours de la période de cinq années entre 2010 et 2015, la valeur moyenne des terres et des bâtiments par acre s'est accrue de 77 p. 100, atteignant presque 2 700 $ l'acre. Bien sûr, cela varie d'une province à une autre. La valeur des terres en Saskatchewan, au cours de la même période, s'est accrue de 110 p. 100; en revanche, elle a augmenté de 78 p. 100 au Manitoba, de 84 p. 100 en Ontario et de 73 p. 100 au Québec.

La valeur des terres varie également d'une province à une autre. Les terres de l'Ontario sont les plus coûteuses. La valeur par acre des terres et des bâtiments en 2015 était d'environ 10 000 $ en Ontario, par comparaison à environ 5 500 $ l'acre au Québec et environ 5 400 $ l'acre en Colombie-Britannique. En 2015, la province affichant la plus faible valeur par acre des terres et des bâtiments était la Saskatchewan, avec environ 1 200 $ l'acre.

Passons à la diapositive 7; comme je viens de le dire, cette augmentation de la valeur des terres n'est pas uniforme à l'échelle du pays. À la diapositive 7, nous tentons d'illustrer l'évolution dans le temps de la valeur par acre des terres et des bâtiments en nous appuyant sur une géographie dite des « subdivisions de recensement unifiées ». Il s'agit d'une géographie fondée sur le recensement qui couvre tout le pays. Elle ne correspond pas nécessairement aux régions agricoles. Si vous regardez la carte, bien entendu, nous savons qu'il n'y a pas d'agriculture à proximité de la baie James. C'est seulement de cette façon que les frontières sont délimitées.

Si nous nous attachons à la géographie du recensement plutôt qu'à cette topologie agricole, je crois que cette diapositive est importante parce qu'elle montre que ces données ont également une dimension spatiale intraprovinciale importante. Cela n'est d'aucune façon concluant, certes, mais il y a lieu de croire que la proximité avec une zone urbaine peut influer sur la valeur des terres.

Revenons à la valeur réelle par acre des terres agricoles. La diapositive 8 compare la tendance que nous avons vue plus tôt à l'égard de la valeur par acre des terres et des bâtiments avec d'autres caractéristiques économiques de l'exploitation agricole, à savoir les recettes monétaires et l'endettement. Ce graphique compare la valeur par acre des terres à la valeur par acre des recettes monétaires et à la valeur par acre de la dette agricole, de façon à tout comparer sur la même base. On constate que, si le niveau de la dette agricole et des recettes monétaires agricoles affiche une croissance, la valeur par acre des terres agricoles et des bâtiments connaît une croissance plus rapide.

Pour obtenir un portrait plus complet de la situation financière des exploitations agricoles, ma dernière diapositive — la neuvième — illustre la croissance du passif par rapport à celle de la valeur des actifs. Si nous comparions les données sur l'actif et le passif des exploitations agricoles, toujours à partir des données plus à jour provenant du Programme des finances agricoles, on observe que le passif total s'accroît, mais beaucoup plus lentement que la valeur totale des terres et des bâtiments. Si on s'en tient aux résultats nets, l'actif total dépasse de loin le passif total.

Concentrons-nous maintenant sur les cinq dernières années de ce graphique, soit la période de 2010 à 2015 que j'ai décrite comme ayant connu une très forte augmentation de la valeur par acre des terres et des bâtiments. Encore une fois, la valeur totale s'est accrue d'un peu plus de 70 p. 100. Les actifs qui ne sont pas liés aux terres et aux bâtiments se sont accrus de 56 p. 100 au cours de la même période. Toutefois, la croissance du passif, à 43 p. 100, était beaucoup plus modeste. Le graphique montre que la valeur nette des fermes augmente, mais que cela tient surtout à la croissance de la valeur foncière.

Pour terminer mon propos au sujet du passif des exploitations agricoles, je souligne que nous assurons effectivement un suivi de la dette agricole et des types de dettes contractées. Entre 1995 et 2015, la croissance totale de la dette agricole se répartit en parts à peu près égales entre les dettes hypothécaires et les dettes non hypothécaires.

Voilà l'information que je voulais vous présenter. Je répondrai avec plaisir à toute question que vous me poserez.

Le sénateur Mercer : Merci, messieurs. Vous nous avez fourni des renseignements très intéressants, et vos diapositives m'ont permis de mettre ma vision à l'épreuve après une récente intervention chirurgicale.

Nous étudions aujourd'hui l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole. L'un des aspects que vous n'avez pas abordés — à moins que je ne l'aie pas remarqué — est la question de la cession des terres, qui est vraiment notre principale préoccupation. Il ne s'agit pas seulement du coût des terres. L'âge moyen des agriculteurs est bien avancé; ils ne sont peut-être pas aussi vieux que certains d'entre nous ici, mais ils avancent en âge, et ce qui les préoccupe, bien sûr, c'est leur capacité de céder cette terre à leurs enfants, mais aussi d'assurer leur propre bien-être lorsqu'ils prendront leur retraite, si tant est qu'ils le fassent. Avez-vous mené des études sur la question de la cession des terres agricoles?

M. Peterson : Non, nous n'avons pas mené d'études portant précisément sur la cession des terres. La question que vous soulevez est vraiment intéressante et fait ressortir une lacune possible de notre système statistique actuel. Nous recueillons beaucoup d'informations sur les agriculteurs, alors les tendances démographiques que vous décrivez sont des choses que nous suivons principalement au moyen du Recensement de l'agriculture. Vous avez raison : le vieillissement de la population est un enjeu important.

Dans le Recensement de l'agriculture de 2016, nous allons commencer à poser des questions au sujet de la planification de la relève afin de déterminer comment les exploitations agricoles passeront d'une génération à l'autre. La question de la cession des terres révèle peut-être des lacunes dans nos ensembles de données sur la propriété. Nous recueillons effectivement de l'information sur la valeur des propriétés. Nous recueillons également de l'information sur les permis de construction. Les données que j'ai présentées reflètent les déclarations des agriculteurs à l'égard de la valeur des propriétés, mais nous n'avons pas été en mesure de recueillir des renseignements détaillés sur la cession des terres.

Le sénateur Mercer : À la diapositive 3, vous parlez du pourcentage de la superficie agricole qui appartient à l'exploitant, et elle serait passée de 64 p. 100 à 60. L'analyse que nous ferions ici consisterait à déterminer ce qui a occasionné cette baisse. Est-ce que ces 4 p. 100 ont été intégrés au milieu urbain à cause de l'expansion urbaine, ou est- ce qu'il s'agit de terres qui ne sont plus affectées à la production agricole?

M. Peterson : Non. Le diagramme de la diapositive 3 est une ventilation proportionnelle de toutes les terres agricoles. Par conséquent, tout ce qui y figure donne un total de 100 p. 100, mais le total, c'est l'ensemble des terres agricoles. Il y a moins de terres agricoles, mais, pour que nous puissions comparer les choses d'année en année, le total revient toujours à 100 p. 100.

Le sénateur Mercer : La superficie agricole appartenant à l'exploitant est passée de 64 à 60 p. 100. C'est cela qui m'intéresse. Il y a donc une plus grande part de la terre qui est louée au lieu d'être détenue en propre?

M. Peterson : C'est exact, oui.

Le sénateur Mercer : L'autre question que vous n'avez pas abordée est la disponibilité des terres agricoles. Notre comité a parlé nombre de fois du fait qu'il y aura six milliards de personnes sur notre planète d'ici 2050 et que nous devrons pouvoir les nourrir. Cela veut dire que ceux d'entre nous qui ont la capacité d'affecter davantage de terres à l'agriculture devront le faire, et nous devrons le faire de façon plus efficiente. Mais vous n'avez pas parlé de la quantité de terres ajoutées. Vos cartes des zones urbaines et celle au sujet de Toronto sont bonnes, mais il faut une autre carte qui illustre l'expansion des terres agricoles ou des terres arables.

M. Peterson : Il faudrait que je retourne étudier la question. Je n'ai pas sous la main une carte illustrant cela. Mais vous avez raison : à mesure que les villes prennent de l'expansion, les terres agricoles s'étendent vers d'autres terres arables. Statistique Canada ne dispose pas d'un inventaire complet des terres du Canada. Nous nous sommes vraiment attachés à cette analyse de l'étalement urbain.

Le sénateur Mercer : Peut-être, monsieur Peterson, que vous pourriez y jeter un coup d'œil et voir si vous avez des données qui illustrent l'expansion ou l'étalement des terres agricoles — vers le nord, je suppose — et leur éloignement des centres urbains.

M. Peterson : Oui.

Le sénateur Mercer : Il serait intéressant pour le comité, dans le cadre de son étude, de voir s'il y a un déplacement correspondant à partir de la carte que vous nous avez montrée de la région du Grand Toronto et peut-être du nord de Barrie, si on utilise l'Ontario comme exemple. Je suppose que cela se produirait dans toutes les régions du pays, mais nous voulons que vous nous disiez si cela se produit ou pas.

M. Peterson : Je vais regarder les données que nous avons, mais j'attirerais également votre attention sur le graphique de la deuxième diapositive, où nous voyons la superficie totale des terres agricoles affectées à l'exploitation, et il illustre une baisse graduelle au fil du temps.

Le sénateur Mercer : La question qui s'impose à l'esprit, c'est pourquoi? Certains avancent que c'est parce que moins de gens s'adonnent à l'agriculture et que cela tient peut-être à votre diapositive 5 illustrant le phénomène d'étalement urbain.

M. Peterson : Oui.

Le sénateur Mercer : Merci.

[Français]

Le président : Monsieur Peterson, lorsque vous trouverez ces renseignements, vous serait-il possible de les faire parvenir à notre greffier, M. Pittman, afin que nous puissions compléter notre étude? Merci.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Ce n'était pas l'une de mes questions originales, mais la question du sénateur Mercer m'a amené à m'interroger. À la diapositive 2, vous dites que le nombre d'exploitations agricoles est en baisse, mais pas nécessairement le nombre d'acres des exploitations, ou du moins que le nombre d'exploitations baisse plus vite que la superficie. Je crois que le sénateur Mercer et moi-même aimerions certainement savoir si nous sommes en train de nous placer dans une situation dangereuse, car il est clair que la production a augmenté. Sommes-nous sur la bonne voie pour nourrir ces six milliards de personnes, oui ou non? Allons-nous connaître des difficultés? S'il y a des statistiques sur ce sujet, je serais très intéressé à les voir également, à voir si c'est effectivement le cas. La production continue d'augmenter, alors à quel point pouvons-nous réduire le nombre d'acres de terre cultivées?

M. Peterson : Nous n'avons pas d'information prospective. Ce sont généralement mes collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada qui font ce genre de prévisions.

Le sénateur Plett : Peut-être pourrons-nous les inviter à venir et leur poser la question. Je n'en suis pas sûr.

M. Peterson : J'ai limité mon exposé à l'utilisation des terres, par souci de concision, mais le secteur agricole est vraiment un secteur fascinant à étudier. Nous avons une réserve foncière stable où se fait l'exploitation agricole. Elle baisse un peu, mais elle est assez stable. Le nombre de fermes a baissé, ce qui donne à penser qu'il y a eu des regroupements et que certaines exploitations ont peut-être réalisé des économies d'échelle, et nous voyons certainement une incidence accrue d'exploitations agricoles plus grandes et plus complexes.

Ce qui manque dans cet exposé, c'est une description de l'ensemble des immobilisations qui doivent être acquises pour exploiter une ferme de nos jours. Si nous regardions l'ensemble des immobilisations, et pas juste les terres, je crois que nous constaterions qu'au-delà de la croissance du prix des terres, il y a aussi une mécanisation accrue, et tout cela mène à un accroissement de la productivité à l'échelon de la ferme. La tendance au chapitre de la productivité des exploitations agricoles est positive.

Le sénateur Plett : Absolument. Merci.

Je souscris au commentaire du sénateur Mercer au sujet du fait que sa vision a été un peu mise à l'épreuve : je salue vos efforts visant à faire réaliser des économies au gouvernement et à ne pas utiliser trop de papier, mais c'est un peu difficile.

J'ai du mal à croire que la valeur moyenne des terres en 1971 était, d'après ce que je vois, inférieure à 100 $ l'acre. Était-ce bien le cas?

Stephen Boyd, chef de sous-section, Division de l'agriculture, Statistique Canada : C'est exact, pour certaines provinces.

Le sénateur Plett : Mais c'est la moyenne pour l'ensemble du pays, non?

M. Boyd : Oui, c'est exact.

Le sénateur Plett : Je viens du Manitoba, et j'aimerais bien le savoir. Je me serais attendu à ce que les terres au Manitoba vaillent plus de 100 $ l'acre en 1971.

M. Boyd : En 1971, la moyenne canadienne se situait à 100 $ exactement. Au Manitoba, la moyenne par acre était de 72 $.

Le sénateur Plett : J'aurais dû acheter des terres en 1971. Si c'est le cas, je vous crois sur parole.

Des témoins nous ont dit, tout comme vous, que le niveau d'endettement s'accroît constamment et que cette croissance n'est pas du même ordre que la croissance des terres agricoles, et la production s'améliore, alors les agriculteurs se tirent bien d'affaire. Mais nos taux d'intérêt sont assez avantageux. Je sais que vous êtes ici pour nous présenter des statistiques, mais selon votre opinion professionnelle, est-ce que nos agriculteurs seront dans le pétrin si nous nous retrouvons soudainement avec des taux d'intérêt de 10 p. 100, sans parler des 21 p. 100 que nous avions dans les années 1970? Allons-nous avoir des problèmes, ou est-ce que les agriculteurs auront des problèmes si les taux d'intérêt grimpent de 5 à 7 points de pourcentage, vu le niveau d'endettement de nombre de ces exploitations agricoles si profitables soient-elles?

M. Peterson : Merci de poser la question. Comme je viens de Statistique Canada, je dois m'en tenir à...

Le sénateur Plett : Eh bien, laissez-moi vous poser cette question de façon à ce que vous puissiez y répondre, et si vous n'avez pas le chiffre ici, peut-être pourriez-vous nous le communiquer plus tard. Pourriez-vous nous dire à combien s'élève la dette moyenne des exploitations agricoles? Avez-vous des chiffres sur cet aspect? Je crois que nous pouvons faire le calcul nous-mêmes. Nous présentions des chiffres ici l'autre jour, selon lesquels la ferme moyenne affichait une dette de 5 millions de dollars, et je suis capable de déterminer l'incidence d'une hausse de 5 points de pourcentage du taux d'intérêt sur une dette de 5 millions de dollars. Pourriez-vous nous donner des chiffres à cet égard?

M. Peterson : Nous pouvons vous éclairer sur l'endettement moyen des exploitations agricoles. Nous avons tout cela. Mais si je peux attirer votre attention sur la diapositive 9, vous verrez qu'elle présente de l'information pour une période assez longue. Elle indique une modeste baisse de la valeur des exploitations agricoles à mesure que les taux ont grimpé pendant les années 1980. Ce phénomène a, bien entendu, eu un effet modérateur sur la valeur des propriétés, laquelle a monté en flèche par la suite.

Il est certain que la valeur de la dette agricole augmente, et c'est ce qu'on attend de tout secteur d'une économie où les taux d'intérêt chutent.

Le sénateur Plett : Oui.

M. Peterson : La valeur nette demeure très avantageuse, ne serait-ce qu'en raison de la valeur des terres.

Le sénateur Plett : Je comprends cela, mais si les taux bondissaient de 7 points, tout serait bouleversé. Si nous pouvions obtenir des chiffres sur l'endettement moyen des exploitations agricoles, je vous en serais reconnaissant.

M. Peterson : Oui. Nous pouvons vous fournir cette information.

Le président : Sénatrice Raine, avez-vous quelque chose à ajouter?

La sénatrice Raine : Oui. Je suis désolée de mon retard, et vous avez peut-être dit cela dans votre déclaration préliminaire, mais je suppose que tous vos diagrammes sur les valeurs tiennent compte de l'évolution de la valeur du dollar, ou est-ce que vous comparez les dollars d'aujourd'hui aux dollars d'hier?

M. Peterson : Tous les montants sont en dollars canadiens et correspondent à la valeur nominale.

La sénatrice Raine : Alors, il ne s'agit pas de dollars constants?

M. Boyd : Il ne s'agit pas de dollars constants.

La sénatrice Raine : D'accord, parce que la valeur du dollar a changé.

Le sénateur Plett : Le prix de la terre tient davantage à la marchandise.

La sénatrice Raine : Mais nous étudions les valeurs en dollars.

Le sénateur Plett : On s'intéresse davantage aux marchandises qu'à l'actif.

La sénatrice Raine : Merci.

La sénatrice Unger : Je vous remercie de votre exposé. Je me demande seulement si vous tenez des statistiques sur les sociétés, les régimes de pension et d'autres grandes organisations du genre. Un autre enjeu dont nous avons pas mal entendu parler est la crainte de l'acquisition des terres par des intérêts étrangers. Je me demande si vous assurez un suivi à cet égard.

M. Peterson : L'acquisition de propriétés par des intérêts étrangers, au chapitre non seulement de l'agriculture, mais aussi de l'investissement résidentiel et non résidentiel, est actuellement une lacune que nous avons à Statistique Canada. Nous discutons avec d'autres intervenants de la façon de combler cette lacune, mais pour l'instant, nous n'avons pas d'information utile sur les propriétés appartenant à des intérêts étrangers.

La sénatrice Unger : Et que savez-vous des terres appartenant à des sociétés ou à de grosses entités?

M. Peterson : Ce n'est pas quelque chose que nous suivons actuellement.

M. Boyd : Nous avons effectivement des données provenant du recensement et du Programme des données fiscales agricoles permettant de déterminer si les exploitations agricoles sont des entreprises individuelles ou des sociétés, alors ces données sont disponibles, et la part des sociétés s'est accrue au fil des ans, mais, de façon générale, il s'agit toujours de sociétés agricoles familiales.

La sénatrice Unger : Merci.

Le sénateur Oh : Ma question ressemble à celle de la sénatrice Unger. On m'a dit qu'il y a des étrangers ici, mais qu'ils cultivent la terre. Il ne s'agit pas de gens qui achètent la terre pour spéculer : en fait, ils se lancent dans l'agriculture. Êtes-vous au courant de cela?

M. Peterson : Nous avons entendu les mêmes choses, mais lorsque nous faisons le suivi des exploitations agricoles, nous ne posons pas de questions au sujet de la nationalité des capitaux majoritaires ou d'autres questions au sujet des propriétaires, alors nous n'avons pas de statistiques de ce genre.

Le sénateur Oh : Merci.

La sénatrice Merchant : Bonjour. Certains aspects ont déjà été abordés, mais je vais me concentrer un peu sur la Saskatchewan, car vous en avez parlé deux ou trois fois. Est-ce que l'acquisition de la terre et son utilisation à des fins autres que la seule urbanisation tiennent au fait que nous avons une économie très robuste, fondée sur l'exploitation des ressources? Assurez-vous un suivi de ce qui se passe à l'égard des terres et des changements qui se produisent?

Ensuite, vu l'évolution de l'exploitation agricole, je crois que le concept de la ferme familiale est vraiment chose du passé, maintenant. En 1916, vous aviez une demi-section de terre, vous aviez six enfants, et votre épouse et vous-même étiez dans le champ à travailler la terre. Maintenant, les fermes ont changé. Nous avons peut-être moins de gens qui vivent de la terre en tant qu'agriculteurs, mais à cause des économies d'échelle et de toutes ces choses, est-ce que nous employons autant ou davantage de gens maintenant dans l'industrie agricole?

Nous pensons toujours que tout le monde s'en va en ville et que personne n'est à la campagne, mais quelqu'un doit exploiter ces fermes et conduire les machines. Peut-être qu'au lieu d'essayer de réparer votre propre machine, vous avez un mécanicien qui est là. En quoi cela change-t-il? En quoi la situation change-t-elle?

M. Peterson : Je suis désolé; pour votre deuxième question, est-ce que vous désirez obtenir de l'information sur l'emploi direct à la ferme?

La sénatrice Merchant : Oui, j'aimerais le savoir.

M. Peterson : Je vais commencer par votre deuxième question, puis je répondrai à la première.

Nous pouvons vous procurer des statistiques précises, mais je crois que la tendance est à la baisse pour ce qui est de la main-d'œuvre agricole. Cette tendance est assortie d'un accroissement des immobilisations — un accroissement des dépenses dans la machinerie et l'équipement —, résultat peut-être d'économies d'échelle accrues. Je crois que c'est ce qui se produit à ce chapitre, mais nous pouvons vous procurer des statistiques plus détaillées sur la main-d'œuvre à la ferme.

Pour ce qui est de l'utilisation des terres, les cartes que j'ai présentées au sujet des écosystèmes des RMR proviennent de notre programme de la statistique de l'environnement, dans le cadre duquel nous avons étudié l'impact de l'activité humaine sur l'environnement. Pour effectuer le type d'analyse que vous décrivez, il nous faudrait recenser en quelque sorte tous les écosystèmes du Canada. Nous serions ravis de faire une telle chose, mais nous ne le faisons pas parce que ce serait une entreprise colossale.

La sénatrice Merchant : Puis-je alors vous demander si vous avez des statistiques — et je suis certaine que vous en avez — sur la Saskatchewan? Est-ce que notre productivité a baissé? Vous dites qu'elle a augmenté à l'échelle du Canada, alors j'imagine que c'est le cas aussi en Saskatchewan.

M. Peterson : Oui.

La sénatrice Merchant : C'est bon; merci beaucoup.

La sénatrice Tardif : Merci d'être ici ce matin.

Les témoins précédents nous ont expliqué qu'il y a insuffisamment de données sur l'utilisation des terres agricoles au Canada et qu'il en faut davantage, surtout en ce qui concerne la cartographie des sols. Est-ce que Statistique Canada va chercher à obtenir de telles données dans un avenir proche, ou les avez-vous déjà?

M. Peterson : La réponse brève à cette question, je suppose, c'est que nous n'avons pas toutes les données qu'il nous faudrait pour mener ce genre d'étude complète sur l'utilisation des terres. Nous sommes en discussion avec d'autres ministères — Ressources naturelles Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada — sur les façons possibles de faire un recensement de l'environnement, si vous me passez l'expression, et de la façon dont nous pourrions mieux utiliser les données d'observation de la Terre et d'autres types d'informations climatiques et géologiques afin d'établir la cartographie et de recenser les caractéristiques de l'utilisation des terres. Ces travaux sont encore préliminaires, alors nous n'avons pas encore de données. Nous essayons encore de déterminer comment procéder.

La sénatrice Tardif : Si je comprends bien ce que vous dites, c'est un objectif réalisable, mais pas tout de suite.

M. Peterson : C'est exact.

La sénatrice Tardif : Je suppose que je vais m'arrêter là. Est-ce qu'il serait important d'avoir une telle chose?

M. Peterson : Je crois qu'il serait très intéressant d'avoir une telle chose. Selon moi, nous pourrions en retirer toutes sortes d'effets externes, mais nous en sommes toujours assurément au stade de l'exploration.

[Français]

Le président : Vous allez nous faire parvenir ces renseignements si vous pouvez les obtenir?

M. Peterson : Cela va prendre de trois à cinq ans.

Le président : Nous ne sommes pas pressés.

La sénatrice Gagné : J'aimerais faire suite à la question de la sénatrice Tardif. Vous avez dit que vous êtes à un stade d'exploration par rapport à cela. Est-ce qu'il y a une intention d'approfondir la question? Qu'est-ce qu'il faudrait pour que vous puissiez vous rendre au point où vous serez en mesure de recueillir plus d'information?

M. Peterson : Nous sommes en train de faire une étude d'évaluation pour voir s'il serait possible d'avoir une énumération de tous les écosystèmes au Canada.

La sénatrice Gagné : Alors, finalement, vous faites une étude par rapport à l'impact environnemental. Est-ce qu'on peut faire une étude sur l'impact de la structure de l'agriculture au Canada? Vous voyez comme on peut poser la question différemment, ou poser deux questions?

[Traduction]

M. Peterson : Puis-je répondre dans ma langue...?

La sénatrice Gagné : Oui, certainement.

M. Peterson : Si cette étude de faisabilité est entreprise dans le cadre de notre programme de la statistique de l'environnement, c'est seulement parce que c'est là que se trouve l'expertise en la matière, et cela permet d'examiner la grande question en essayant de mieux comprendre l'utilisation des terres à l'échelle du pays; bien entendu, l'exploitation agricole est un type d'utilisation des terres. Nous ne nous attachons pas seulement à l'impact environnemental; nous réfléchissons à l'utilisation des terres dans tous les écosystèmes à l'échelle du pays.

Mais, encore une fois, ce travail n'est qu'au stade de l'étude de faisabilité; nous devons d'abord déterminer si la réalisation d'un tel exercice est même possible.

[Français]

La sénatrice Gagné : Ma question est par rapport à la globalisation des marchés. Souvent, on suit des tendances mondiales, et je me demandais s'il existe des études comparatives concernant l'évolution de la structure de l'agriculture, dont vous seriez au courant, surtout entre les pays producteurs du monde entier. Est-ce que cela existe?

M. Peterson : Je crois qu'il y a des études qui ont été faites par les États-Unis.

[Traduction]

Ils ont mené un certain nombre d'études sur l'évolution de l'exploitation agricole. Je ne sais pas si elles portaient nécessairement sur le mode d'occupation des terres ou sur l'utilisation des terres, mais, assurément, ils étaient très intéressés à mieux comprendre de quelle façon les structures agricoles se complexifiaient.

La sénatrice Gagné : Qu'en est-il de l'Australie? Qu'en est-il d'autres pays du genre? Êtes-vous au courant d'études menées qui pourraient s'avérer utiles?

M. Peterson : Pas spontanément, non.

M. Boyd : J'aimerais seulement ajouter deux ou trois choses à la discussion au sujet des catégories de terrains et de l'utilisation des terres. Il y a certainement des cartes qui illustrent toutes les différentes classes de sols. La clé ici, c'est de relier l'utilisation des terres, à la lumière du Recensement de l'agriculture, à ces zones particulières. Lorsqu'un producteur agricole fait sa déclaration aux fins du Recensement de l'agriculture, nous obtenons les coordonnées de son siège social, mais nous ne savons pas exactement où se trouvent ses terres agricoles ou son bétail.

Greg en sait peut-être davantage que moi sur ce sujet, mais, pour le recensement de 2021, on explore la possibilité de recourir à des techniques de cartographie grâce auxquelles les producteurs, au moment de remplir le formulaire du recensement, pourraient indiquer ces choses précisément au moyen d'un outil graphique... Nous sommes très heureux du taux d'utilisation du questionnaire électronique obtenu lors du recensement de 2016, alors c'est quelque chose que nous songeons à faire en 2021 afin de pouvoir situer avec exactitude l'emplacement des terres agricoles et du bétail.

La sénatrice Raine : Je vais juste poursuivre dans la même veine que ma collègue, sur le sujet des terres. Je sais, d'après nos notes ici, que l'Australie a récemment instauré un registre des terres agricoles appartenant à des intérêts étrangers, et qu'un premier rapport assorti de données complètes sur le niveau réel des terres détenues par des intérêts étrangers en Australie vient de paraître, en septembre. Selon ce rapport, 13 p. 100 des terres agricoles du pays appartiennent à des intérêts étrangers.

Je me demande seulement si nous allons recueillir des données pour déterminer quelle part de nos terres agricoles appartient à des intérêts autres que canadiens. Songeriez-vous à regarder ce que l'Australie a fait et à adopter une méthode similaire?

Je sais que la préoccupation relative à la propriété foncière n'est pas propre aux terres agricoles et qu'elle a une portée générale. Il y a beaucoup de ministères différents au sein de notre gouvernement, alors y a-t-il une relation entre Statistique Canada et Agriculture Canada, bien sûr, mais aussi avec Ressources naturelles Canada visant à comprendre ce qui se passe sur le plan de l'utilisation des terres?

M. Peterson : La question de la propriété foncière est importante, pas seulement en agriculture, mais...

La sénatrice Raine : Et elle relève peut-être de la compétence provinciale.

M. Peterson : Oui. Mais nous savons que c'est une lacune dans le système statistique. Nous étudions des façons de combler cette lacune, encore une fois pas seulement en agriculture, mais aussi à l'égard des propriétés résidentielles et non résidentielles également.

Il y a des questions de compétence. Si nous devions puiser dans les données administratives susceptibles de contenir cette information, beaucoup de celles-ci appartiennent aux provinces. Je crois qu'il y a pas mal de travail à accomplir avant qu'on puisse acquérir les données administratives qui existent et tenter de négocier des modifications de ces données administratives afin que l'information recueillie corresponde au type de renseignements sur la propriété qu'on cherche.

La sénatrice Raine : Alors, vous travailleriez avec les provinces sur ce point au lieu de partir à zéro.

M. Peterson : Si nous faisons l'acquisition de données administratives, notre approche, en général, est d'essayer de travailler avec le détenteur de ces données administratives.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Parmi les éléments qui menacent les terres agricoles, il y a l'acquisition de terres par les étrangers. Même si des lois existent, il y a quand même l'étalement urbain. Au Québec, on ne peut pas vendre les terres comme on le veut, mais si on prend l'exemple de Laval, au nord de Montréal, il y avait d'excellentes terres agricoles qui ont été vendues à des promoteurs immobiliers, ce qui a permis à certains agriculteurs de bénéficier d'une excellente retraite.

Quelles recommandations pourrions-nous faire qui vous aideraient à pousser plus loin vos statistiques afin d'aider le milieu agricole, entre autres, à faire face à l'acquisition des terres par des étrangers et par les promoteurs immobiliers? On a beau faire des lois, mais lorsqu'il y a de la pression en raison de l'étalement urbain et qu'il y a d'excellentes terres à vendre, on peut parfois modifier les lois.

M. Peterson : Comme je l'ai dit, nous avons malheureusement un manque d'information sur l'achat des propriétés agricoles par les étrangers. Par contre, comme vous l'avez vu à la cinquième diapositive, nous avons des données au sujet de l'urbanisation pour toutes les villes au Canada.

[Traduction]

Nous avons ces données pour toutes les régions métropolitaines de recensement à l'échelle du pays, alors nous pourrions certainement faire cela pour la région métropolitaine de recensement de Montréal. En ce qui concerne l'étalement urbain, nous pouvons décrire les endroits où cela s'est produit. Est-ce qu'il se fait aux dépens de terres arables ou de terres naturelles? Nous pouvons certainement mettre ce rapport à votre disposition.

Le sénateur Pratte : J'ai une question au sujet de la diapositive 4. De 2001 à 2011, il y a une légère baisse dans les terres en culture et en jachère. Bien entendu, c'est toujours l'utilisation dominante des terres, mais la réduction correspond tout de même à probablement 8 millions d'acres ou quelque chose du genre, et c'est beaucoup d'acres. A-t- on fait des analyses pour cerner les causes? Les autres catégories d'utilisation des terres ne semblent pas augmenter beaucoup, alors peut-être que ce sont les boisés et les superficies en arbres de Noël. Est-ce que la production d'arbres de Noël connaît une croissance si vigoureuse? A-t-on analysé la question pour déterminer les causes de cette baisse?

M. Boyd : Je peux répondre en partie à cette question. Nous avons observé une baisse assez importante dans la catégorie des terres en culture lors du recensement de 2006, ainsi qu'une augmentation dans la catégorie, comme vous l'avez dit, des boisés, des terres humides et toutes les autres terres, y compris la ferme et l'enclos de ferme. La principale raison de la baisse entre ces deux années est l'inondation : les agriculteurs déclaraient leurs terres comme étant « autres » parce qu'elles étaient trop détrempées pour qu'on puisse semer. Le phénomène s'est poursuivi, dans une moindre mesure, durant le recensement de 2011. Il sera intéressant de voir, dans les résultats pour 2016, si certaines de ces terres sont retournées à la culture ou si la baisse va se poursuivre.

Le sénateur Pratte : Alors, cela n'avait rien à voir avec la spéculation ou autre chose du genre, à votre connaissance?

M. Peterson : Nous ne pouvions pas le savoir avec un bon degré de précision, non.

Le sénateur Pratte : C'est ma deuxième question. Ce sont les données dont vous disposez. Vous n'allez pas davantage dans le détail. Vous ne disposez pas de données plus détaillées sur l'utilisation des terres.

M. Peterson : C'est exact. Il ne faut pas perdre de vue, au moment d'examiner notre collection de statistiques sur l'agriculture, que l'unité d'observation est la ferme. Nous avons très peu de statistiques où l'unité d'observation est la parcelle de terre. Pour mener ce genre d'analyse, il faudrait chercher à déterminer ce qui arrive aux parcelles de terre au lieu de poser des questions à un agriculteur.

Le sénateur Pratte : L'horizon temporel que vous avez — c'est-à-dire 2001, 2006, 2011 —, c'est l'horizon que vous avez, ou pouvez-vous aller plus loin dans le passé?

M. Boyd : Oui, nous le pouvons.

Le sénateur Pratte : Cette baisse s'inscrit-elle dans une tendance à long terme, ou a-t-elle juste commencé en 2001?

M. Boyd : Le questionnaire du recensement relatif à l'utilisation des terres a un peu changé.

Le sénateur Pratte : Alors vous ne pouvez pas comparer.

M. Boyd : Il y a une limite à ce que nous pouvons comparer dans le passé, et l'année 1986 est la première où nous pouvons étudier ces catégories d'utilisation des terres particulières, où tout est comparable. De légères baisses ont été observées. Entre 1986 et 1991, la baisse était de l'ordre de 1 p. 100; et une autre baisse de 1 p. 100 a été enregistrée au cours de la période de recensement suivante, soit de 1991 à 1996. Les déclins plus marqués ont été enregistrés au cours des 10 dernières années. Comme je l'ai dit, les répondants nous ont fait savoir que cela tenait beaucoup à l'inondation.

Le sénateur Pratte : Vous dites que les données de 2016 pour cette diapositive particulière seront disponibles en mai. Il sera intéressant de voir les données à ce moment-là.

Le sénateur Mercer : Messieurs, c'est une discussion intéressante. Vous ne vous attendiez peut-être pas à ce que nous vous fassions travailler aussi dur.

J'aimerais revenir sur une question qui a été posée plus tôt au sujet de la constitution de sociétés agricoles. Je ne veux pas vous donner l'impression que nous parlons principalement des grandes sociétés, bien que ce soit l'une des grandes questions que nous avons.

Je crois que vous allez constater, puisque vous n'avez pas recueilli les données, que de nombreuses exploitations agricoles sont maintenant constituées en sociétés. Les fermes familiales sont constituées en sociétés, et ces agriculteurs sont les entrepreneurs les plus avisés au pays. Ils examinent les lois fiscales et cherchent des façons de tirer le maximum d'avantages, et s'ils voient que la constitution en société est l'une des façons de tirer son épingle du jeu, alors ils vont le faire. Et ils le font en grand nombre.

Vous devez comprendre que l'information que nous voulons connaître, c'est combien d'exploitations agricoles sont constituées en personnes morales, mais nous voulons également savoir combien d'entre elles appartiennent à des Canadiens par le truchement de l'ancienne constitution en compagnies familiales ou à des entités étrangères. Ainsi, pendant que vous effectuez les recherches, ce sont les entités étrangères qui nous intéressent. Nous souhaitons également savoir combien d'exploitations agricoles canadiennes ont été constituées en personnes morales par la compagnie familiale, car nous les appelons traditionnellement des exploitations familiales. Je voudrais ajouter cela à votre liste de tâches en vue du prochain recensement.

M. Boyd : Simplement pour donner suite à cette question, nous avons des données sur la proportion et le nombre de propriétaires uniques par rapport aux grandes sociétés. Ces données sont accessibles dans le recensement.

Le sénateur Mercer : Mais j'avais cru comprendre que vous n'aviez pas les données sur les sociétés étrangères par rapport aux sociétés canadiennes, et, bien entendu, cela devient encore plus compliqué parce qu'il y a de grandes sociétés agricoles canadiennes qui possèdent des exploitations. Ensuite, il y a l'exploitation familiale qui est constituée en personne morale à des fins fiscales ainsi que de division ultérieure des terres au moment où les actionnaires principaux, c'est-à-dire la mère et le père, décideront de prendre leur retraite. Il s'agit d'une façon de diviser les actifs afin que maman et papa soient pris en charge une fois à la retraite.

M. Peterson : Il s'agit là d'un très bon point.

Le sénateur Mercer : C'est important. J'ai visité dans ma province une très petite exploitation agricole où l'agriculteur, son épouse et ses deux enfants cultivent la terre, mais sa mère et son père y vivent toujours, et l'exploitation a été divisée. Son frère vit dans l'autre partie de l'exploitation agricole.

Je ne veux pas que vous entrepreniez cela sans réfléchir à toutes les complications liées à la propriété d'une terre agricole, car nous voudrions vraiment disposer des données pour tout. Voilà une autre liste d'épicerie d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.

La sénatrice Raine : Plus tôt, vous avez affirmé que vous n'aviez pas les statistiques sur la nationalité des capitaux majoritaires. En réalité, lorsque nous analysons ces types de statistiques, nous devons regarder qui est le propriétaire. L'exploitation pourrait appartenir à une société qui est canadienne, mais la nationalité des capitaux majoritaires est peut-être la préoccupation à long terme. Comment définissez-vous ce terme? Est-ce ce que vous allez chercher à savoir si vous étudiez la propriété étrangère des terres agricoles?

M. Peterson : La nationalité des capitaux majoritaires est une notion que nous utilisons tout au long du programme de statistiques économiques. Il s'agit essentiellement de poser la question de savoir quel pays détient une part suffisante des capitaux propres pour prendre des décisions au nom de l'entreprise en question. C'est fondé sur l'actionnariat.

Le président : Messieurs Peterson et Boyd, merci beaucoup.

[Français]

Nous attendons des documents supplémentaires que vous pourrez faire parvenir à notre greffier.

Nous accueillons maintenant M. Don McCabe, président de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous savons que vous avez une présentation liminaire à nous faire, et nous vous demandons d'être les plus concis possible, car plusieurs sénateurs ont exprimé leur désir de vous poser des questions et nous ne disposons que de 50 minutes. Je vous cède maintenant la parole.

[Traduction]

Don McCabe, président, Fédération de l'agriculture de l'Ontario : Merci. Je suis profondément reconnaissant d'avoir la possibilité de comparaître devant le comité. En outre, je m'excuse d'être en retard et de ne pas avoir pu arriver à temps. Je réglerai cela avec le chauffeur de taxi plus tard.

La possibilité de comparaître devant le comité au sujet de la question de l'acquisition des terres est très importante pour la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, et je sais que vous venez tout juste d'avoir l'occasion de discuter de l'affaire avec nos homologues nationaux — la Fédération canadienne de l'agriculture — plus tôt ce matin.

Tout d'abord, je voudrais établir ce qu'est la Fédération de l'agriculture de l'Ontario. Elle représente actuellement 36 000 agriculteurs de l'ensemble de la province, entre le Manitoba et le Québec et jusqu'à l'île Pelée. Pour les agriculteurs de l'Ontario, l'enjeu est une question d'acquisition de terres, et nous devons partager un paysage avec un certain nombre d'entités diverses, et avec les gouvernements provincial et fédéral dans le cadre du même processus.

En outre, la réalité que je souhaite officialiser, c'est que l'agriculture est la première industrie de l'Ontario. Elle vaut maintenant plus de 36,5 milliards de dollars en répercussions sur le PIB, et cela comprend la chaîne complète, de l'agriculteur au consommateur. Toronto se classe maintenant au deuxième rang au chapitre de la transformation des aliments en Amérique du Nord et a besoin des intrants pour y arriver, et, par conséquent, la ville a besoin des terres pour que cela se produise.

Ensuite, je voudrais diviser l'Ontario en deux gros segments. Le premier, ce sont les 87 p. 100 de l'Ontario qui appartiennent à la Couronne, et il y a les 13 p. 100 qui appartiennent à des parties privées. À l'intérieur de ces 13 p. 100 de terres appartenant à des parties privées se trouvent des villes comme Ottawa, Toronto, London, Windsor, Kingston, St. Catharines et tout le reste. Elles gâchent vraiment l'agriculture, mais, là où je veux en venir, c'est qu'elles mangent, alors nous les tolérons.

Au moment de la mise en œuvre, le problème, ce sont les conséquences qui découlent de l'acquisition des terres agricoles. Encore une fois, j'attirerais votre attention sur ce que je crois que vous venez tout juste d'entendre au sujet de la Fédération canadienne de l'agriculture. Je n'ai pas grand-chose à offrir comme grands titres directs que ses représentants n'ont pas déjà abordés relativement aux enjeux liés à l'urbanisation.

Je peux aborder quelque chose qui, je le crois, est plus important, c'est-à-dire certaines des applications dont l'Ontario a fait l'essai au moment de s'occuper de l'acquisition des terres agricoles, et il manquait encore certains morceaux. Oui, la question de l'urbanisation est extrêmement importante. Pour mentionner une conséquence directe, en Ontario, de 2006 à 2011, selon les données du recensement, nous avons perdu 350 acres par jour en raison de l'expansion des villes. Quand on a maintenant des terres qu'on garde à des fins de développement dans l'avenir, on peut constater que la couche arable est en train d'être retirée de ces terres et qu'une petite partie est remplacée de manière à ce que l'on puisse s'assurer qu'elle pourra être cultivée jusqu'à ce qu'elle soit prête à accueillir un pâté de maisons. Cependant, cette pratique vise également à éviter d'autres conséquences réglementaires, comme les espèces en voie de disparition qui pourraient choisir de s'installer sur la terre en question. Le promoteur à qui elle appartient maintenant souhaite s'assurer qu'elle est toujours prête pour accueillir des maisons, pas nécessairement une culture.

Il y a le problème des gens qui souhaitent déménager en campagne et acheter leur terre, qui pourraient choisir d'acheter 50 ou 100 acres, et, tout d'un coup, cette terre n'est plus cultivée. Ils construisent leur maison au milieu de la terre — une maison qui ressemble davantage à un petit château — et souhaitent s'assurer que la terre qui l'entoure n'est pas touchée par ce qu'ils considèrent être du bruit ou d'autres impacts.

Le problème est également lié aux infrastructures et à notre besoin d'être en mesure de nous en occuper, car l'Ontario recevra 4 millions de résidents de plus dans un avenir très rapproché; par conséquent, la province doit établir un plan de croissance pour tenir compte de cette augmentation de la population. Mais, cela devient ensuite le problème de s'assurer que des cibles d'intensité sont atteintes pour veiller à ce que le transfert, en soi, soit viable. Par conséquent, pourquoi envisageons-nous de construire davantage sur des terres agricoles, quand le problème devient celui de déterminer si l'intensité est suffisante à ces endroits pour d'abord obtenir des résultats?

À mesure que nous progressons à ce chapitre vers les questions touchant l'application des lois, en Ontario, on a établi un énoncé de politique provincial, qui a ensuite été corrigé afin de mettre les terres agricoles au premier rang des terres à protéger, mais elles sont également en concurrence avec d'autres secteurs. Cela signifie que des choses comme les terres patrimoniales sont encore là, et cela devient un manque de compréhension du fait que les biens et services écologiques sont tout aussi bons sur des terres agricoles et, dans certains cas, meilleurs pour certains services que d'autres. Le patrimoine est aussi un dossier distinct.

Au bout du compte, les planificateurs et les conseillers ne connaissent pas parfaitement la question des affaires agricoles et, donc, ce qu'il faut pour maintenir ces choses. Par conséquent, ils pourraient déjà avoir réglé des problèmes par d'autres moyens, et les plans officiels peuvent donc également être préjudiciables à l'acquisition de terres agricoles.

Je n'ai pas abordé la question de la part financière des jeunes agriculteurs et de tout le reste. Je pense qu'il s'agit d'une histoire assez connue. J'ajouterai également — toutefois — que c'est la raison pour laquelle il y a des sociétés familiales ou des agriculteurs familiaux qui sont constitués en personnes morales, ce qui est une étiquette vraiment mal utilisée parce que 98 p. 100 des sociétés constituées en personnes morales du secteur agricole sont des exploitations familiales. Cela permet d'assurer la relève et permet aux jeunes d'entrer dans le domaine, alors faisons attention à la façon dont nous brandissons ces étiquettes.

Au bout du compte, la réalité de l'agriculture, c'est que c'est le sol qui compte. Nos sols sont fonction du climat, des matériaux parentaux, de la topographie du biote et du temps. Quand j'achète telle exploitation agricole, je ne peux pas changer le climat, et je ne peux pas changer les matériaux parentaux. Je pourrais être en mesure de changer la topographie au moyen d'un très gros bulldozer, mais je ne voulais pas faire cela. Je voulais l'acheter pour cultiver la terre.

Qu'est-ce que j'obtiens si je joue avec le biote et le temps? Le biote désigne la vie végétale et animale qui s'y trouve... On appelle cela la rotation des cultures. Le temps, c'est le remboursement de l'hypothèque. Alors, voici la réalité de l'acquisition d'une terre agricole : je dois être le plus près possible de mes marchés, mais j'ai aussi besoin d'être respecté par ces marchés pour ce que j'essaie de faire et pour la façon dont nous tentons de le faire.

La réalité du fait de faire face aux changements climatiques dans l'avenir, la résilience nécessaire et les drains qui doivent traverser ces terres nous ramènent là où j'avais commencé. Il s'agit d'un paysage. Il doit être partagé. Il doit l'être de façon appropriée.

Nous devons également comprendre que les grands-pères qui se détournent maintenant de l'agriculture quittent une industrie, où, lorsqu'ils étaient enfants, ils ont vu leur grand-père partir, alors que la moitié des Canadiens cultivait encore la terre et que l'autre moitié vivait dans des villes. Ils partaient à un moment où les chevaux quittaient la ferme et où les tracteurs arrivaient.

L'agriculteur qui part, aujourd'hui, quitte le secteur dans une période d'intensification encore plus grande, et il ne s'agit pas d'un gros mot. En outre, des problèmes liés à l'agriculture de précision commencent à se faire sentir, mais il ne reste que 1,4 p. 100 des Canadiens qui cultivent la terre. L'acquisition des terres agricoles est un enjeu important, et des grandes sociétés gardent des terres afin que des agriculteurs les cultivent.

Nous pouvons surmonter tous ces problèmes, mais il faudra que les règles du jeu soient très équitables, et je reviens sur certains des enjeux que la Fédération canadienne de l'agriculture a déjà mentionnés.

Merci du temps que vous m'accordez ce matin. J'ai hâte de répondre à vos questions.

[Français]

Le président : Merci, monsieur McCabe. Pour la première ronde de questions, les sénateurs Mercer et Plett commenceront.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Monsieur McCabe, merci beaucoup. Il s'agissait d'un exposé très intéressant. Vous avez dit que 1,4 p. 100 des Canadiens travaillent dans le secteur agricole, et vous avez évoqué certains des problèmes qui s'y rattachent. Ensuite, vous avez affirmé que nous pouvions surmonter ces problèmes. La question simple que je vous pose, c'est comment.

M. McCabe : La sensibilisation. En tant qu'agriculteurs, les efforts que nous avons déployés pour vous expliquer la nature de notre travail sont lamentables. Nous avons simplement continué à adopter des technologies et à aller de l'avant. Nous pouvons surmonter ces problèmes grâce à des politiques claires. Encore une fois, on en revient à la sensibilisation des planificateurs municipaux, qui aident à dresser le plan officiel à la lumière des énoncés provinciaux.

Du point de vue du gouvernement fédéral, la question consiste à reconnaître les limites que nous impose actuellement le système et comment vous souhaitez établir des politiques, dans l'avenir, pour le secteur agricole dans son ensemble. Actuellement, nous observons une hausse rapide au chapitre des terres agricoles parce que de bons prix ont été établis.

Je pense que nous devons être réalistes quant aux raisons pour lesquelles les bons prix ont été établis. En réalité, cela n'avait rien à voir avec la politique de quiconque; c'était davantage lié à la question d'une sécheresse aux États-Unis et au fait que le Chicago Board of Trade est intervenu. Au bout du compte, il n'y a que deux forces dans ma vie qui influent actuellement sur ce qu'on appelle le Chicago Board of Trade. Il s'agit des politiques gouvernementales américaines, lesquelles le touchent par la façon dont elles réagissent à d'autres gouvernements dans le monde et à Dame Nature.

Ensuite, la réalité, c'est qu'après cela, nous allons — en tant qu'agriculteurs — étudier la question des affaires et comment acquérir des terres agricoles. Est-ce que je les loue? Est-ce que je les prends à bail? Est-ce que je les achète? Par conséquent, quel type d'agriculteur suis-je? Si je cultive le grain et les oléagineux, j'ai besoin de beaucoup d'acres, car c'est ainsi que fonctionnent ces types d'exploitations.

Pour ce qui est de l'industrie des serres, habituellement, ce ne sont pas les terres qui coûtent cher; c'est l'infrastructure. Mais, où est cette infrastructure? Est-ce que j'achète le terrain au bon endroit?

En ce qui concerne le bétail, en Ontario, les éleveurs vont devoir déménager au nord. La réalité de ce secteur particulier, c'est qu'il ne reste pas assez de terre aux prix requis pour permettre au bétail de brouter dans le sud de l'Ontario. Voilà pourquoi vous avez observé les diminutions que vous avez vues.

Cela signifie également que nous avons besoin que l'État prenne conscience du problème lié au fait que des agriculteurs ont été envoyés dans le nord de l'Ontario comme récompense après avoir servi leur pays lors des guerres mondiales, seulement pour ne pas avoir la capacité de maintenir une exploitation là-bas. Nous devons changer cette philosophie et nous y remettre.

Au bout du compte, on en revient à un problème de sensibilisation. En tant qu'agriculteurs, les gens prennent des décisions. Certains des agriculteurs vont être extrêmement stressés si les taux d'intérêt changent un jour. Toutefois, ils ont pris une décision d'affaires, et cette situation va se régler au fil du temps.

Le sénateur Mercer : C'est un résumé assez concis, et je vous en suis reconnaissant. Pour ceux d'entre nous qui siègent au comité depuis un certain nombre d'années — je suis le plus ancien membre du comité —, la sensibilisation est un enjeu continu auquel nous faisons face chaque fois que nous discutons avec des gens qui ne sont pas des personnes comme vous au sujet de l'élevage et de l'agriculture. Ils ne manifestent aucun intérêt avant qu'on leur présente certains des chiffres économiques. Votre statistique selon laquelle Toronto est le deuxième centre de transformation des aliments en importance en Amérique du Nord est frappante pour la plupart des Canadiens, et il s'agit probablement d'une statistique frappante pour les Torontois, mais c'est un fait.

Il faut que les Canadiens commencent à se rendre compte du fait que l'agriculture est une grosse entreprise. Ce sont peut-être de petites exploitations dans le concept du pays, mais c'est une grosse entreprise. Selon vous, quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de changer cette attitude?

M. McCabe : Eh bien, le 1er avril 2018, l'initiative Cultivons l'avenir 3 — le prochain cadre stratégique, ou bien une étiquette que je n'ai pas encore entendue — va remplacer Cultivons l'avenir 2. Dans une partie de cette discussion, j'entends dire, parmi les informations qui sont communiquées, qu'il y aura un aspect lié à la confiance du public, à l'acceptabilité sociale ou à quoi que ce soit d'autre qui doit être présent. Nous devons nous assurer que la question du rétablissement de cette confiance est maintenue et mise de l'avant.

Encore une fois, on en revient au problème qui tient au fait qu'en tant qu'agriculteurs, nous n'avons pas été aussi ouverts qu'il le fallait pour nous assurer que les gens comprenaient ce que nous faisons, car nous étions occupés à le faire. Nous étions tellement occupés à le faire que, selon toutes les estimations approximatives, à la Saint-Valentin ou avant — je choisis ce moment parce que les gens se souviendront de la fête plutôt que d'une date exacte —, au Canada, la nourriture pour une famille de quatre personnes est payée, et cela comprend le fait de s'assurer que Galen Weston peut s'en sortir une fois de plus.

Le sénateur Mercer : La dernière fois qu'on a eu un formulaire du jour de collecte, j'ai refusé de donner.

M. McCabe : J'ai aussi des habitudes sélectives en matière de magasinage, monsieur. Le problème tient au fait que l'agriculteur était payé le 10 janvier. Voilà la contribution que nous redonnons à la société canadienne.

Ensuite, la réalité, pour l'avenir, c'est que le secteur de l'agriculture est très prêt pour les occasions qui l'attendent, pourvu que nous puissions tenir le dialogue approprié afin d'être en mesure de transformer les choses en les questions et les énoncés avec lesquels les agriculteurs sont prêts à travailler. Parce que ces mêmes personnes — à Loblaws, Metro ou Sobeys, ou bien où que ce soit d'autre — veulent de la durabilité. C'est aussi le cas de McDonald's Canada, mais : « Oh, non, nous n'avons plus les moyens de payer. » Eh bien, devinez quoi? On ne peut pas le faire avec un bras dans le dos et l'autre qu'on nous tord.

La durabilité et les changements climatiques doivent être traités comme un même enjeu. Lorsque je regarde par ma porte de derrière, je vois mon exploitation agricole, et il s'agit d'un système agricole. Ce système repose sur l'eau. Monsieur le sénateur, ma définition de l'agriculture correspond à la suivante : je cultive peut-être du maïs, des fèves de soya et du blé, mais, en fait, je suis un gestionnaire des cycles du carbone, de l'azote et du phosphore, avec l'intervention du cycle de l'eau, pour produire de l'amidon, de l'huile, du carburant, des fibres, de l'énergie et des protéines, tout en fournissant un habitat aux animaux et en améliorant la qualité de l'air et des sols. Je veux seulement être payé pour quelque chose.

Le sénateur Plett : Merci de votre présence, monsieur. J'ai deux ou trois questions à poser, et je pense que la première est assez simple. Vous ai-je bien entendu? J'ai cru que vous aviez dit que 87 p. 100 des terres de l'Ontario appartiennent à la Couronne? Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. McCabe : Oui, monsieur.

Le sénateur Plett : Je trouve qu'il est astronomique que 87 p. 100 des terres lui appartiennent, alors que les terres agricoles ne lui appartiennent pas. Qu'est-ce que la Couronne possède, en Ontario? Donnez-moi un peu une idée. Je suppose que les forêts — peut-être — comptent pour une grande partie de cette part.

M. McCabe : Eh bien, il y a assurément des forêts. Il y a tout un tas de milieux humides. Il y a beaucoup de tout. Réfléchissons-y seulement en regardant la carte de l'Ontario. Disons que vous êtes ici, à Toronto, et que vous vous rendiez à Barrie par la route 400. Une fois que vous arrivez au nord de Barrie, vous commencez à sortir lentement des terres agricoles très productives. Une fois que vous arrivez à North Bay, vous entrez de plus en plus dans un territoire où les sols appartiennent à la Couronne, car aucune pression réelle n'a été exercée afin d'aller là-bas.

Par ailleurs — je ne souhaite pas faire de sarcasme —, je suis très heureux d'avoir appris, essentiellement à mes dépens, que, à partir de chez moi, à Inwood, en Ontario, on peut conduire pendant deux jours et encore être en Ontario. Cela suppose également qu'on ne passe pas par le Michigan pour tenter de raccourcir le trajet.

La réalité, c'est que notre province et notre pays sont très grands; les terres agricoles ne comptent plus que pour 7 p. 100 du pays. Les endroits où nous avons commencé à cultiver la terre, il y a longtemps, c'est aussi là que se trouvaient les meilleures terres, et c'est là qu'ont commencé les villages. Maintenant, notre pays compte des sols qui sont éteints parce qu'ils ont été asphaltés, et on ne pourra plus jamais les récupérer. Quand on fait recueillir l'eau de pluie à cet endroit et qu'on veut la faire passer par un tuyau, nous nous en occupons parce qu'elle doit arriver par les mêmes voies que les plans d'eau qui se trouvent sur les terres en question.

Au bout du compte, concernant notre question de l'examen de ces terres, je suis certain qu'on vous a présenté la notion des classes 1 à 7. Les classes 1 à 3 sont les meilleures terres qui soient. La classe 1 désigne les sols qui sont absolument les meilleurs que nous ayons, et l'Ontario a de la chance en raison de son emplacement géographique. N'oubliez pas que nous sommes pas mal situés directement de l'autre côté d'un État appelé l'Iowa. Alors, chaque fois qu'une personne me dit qu'elle ne sait pas comment cultiver le maïs, j'ai l'occasion de lui souligner que nous l'avons emporté sur l'Iowa à un certain nombre de reprises au chapitre du rendement. Dans le même ordre d'idées, la classe 7 désigne les terres de la Couronne dont nous discutons. C'est de la roche. Ce ne sont pas vraiment des sols. Ce n'est qu'une belle façon de les mettre dans une catégorie. Elles ne sont là que pour empêcher la lumière du soleil d'illuminer l'enfer. Elles ne servent à rien.

Le sénateur Plett : Malheureusement, il est clair que les gouvernements établissent des politiques en fonction de ce qui va leur permettre d'obtenir le plus de votes. Je viens du Manitoba, et, depuis 13 ans, nous avons un gouvernement qui obtient ses votes dans les centres urbains, alors il prend des décisions en grande partie fondées sur ce qui va lui permettre d'obtenir des votes.

C'est l'œuf ou la poule. Il y a quelques années, l'agriculture n'était pas aussi productive qu'elle l'est peut-être aujourd'hui... Certainement, au Manitoba et — je crois — dans d'autres provinces... Certainement, en Ontario, où — comme vous l'avez dit — les gens veulent sortir et veulent acheter 100 acres pour y construire leur petit château. Mais le contraire est aussi vrai : que les agriculteurs ne faisaient pas beaucoup d'argent à planter des cultures. Au lieu de vendre leurs terres au Manitoba pour peut-être 3 000 ou 4 000 $ l'acre, ils les vendaient pour 20 000 ou 30 000 $ l'acre et les divisaient en parcelles de 5 acres de terre, pas 100, et les gens construisaient leurs grosses maisons sur ces terres. Comme vous l'avez dit, maintenant, ils ne veulent pas le bruit et les autres choses. Et, bien entendu, elles sont divisées, et les agriculteurs ne peuvent pas planter une culture appropriée. Mais ils ont un peu été les instigateurs de cette situation en vendant ces terres.

Alors, qui est le plus à blâmer, et comment pouvons-nous faire cesser cette situation si les agriculteurs veulent continuer à faire cela? Dans notre pays, nous croyons à la libre entreprise. Comment pouvons-nous contrôler cette situation?

M. McCabe : Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur, je dirais que le jeu de Monopoly a tout de même des règles et que la réalité, c'est que les agriculteurs qui ont choisi de diviser leurs terres en parcelles de 5 acres ont dû examiner ces terres et s'assurer qu'ils allaient pouvoir les transformer en titres et en lots. Ils ont pu le faire parce qu'ils se trouvaient au bon endroit, assez proche pour qu'une personne soit disposée à retourner encore dans le centre urbain où elle voulait être. Voilà les règles qui sont en place, et c'est la réalité de la situation dans laquelle nous devons maintenant nous trouver.

Vos déclarations concernant l'intensification de l'activité agricole sont tout à fait valides. Si ce n'était du fait que nous obtenons essentiellement un rendement cinq fois plus élevé d'une même acre, nous ne pourrions même pas faire toutes ces autres choses sur le même paysage.

Le sénateur Plett : Mais assez près de l'endroit où vous voulez être dans notre pays, monsieur, c'est à moins d'une heure et demie de l'endroit où on veut être. Les gens sont habitués de conduire. À Toronto, les gens font une heure et demie de route pour aller travailler. Évidemment, c'est une bonne distance. Elle comprend presque l'ensemble des bonnes terres agricoles de la province.

M. McCabe : À Toronto, cela peut maintenant vouloir dire une heure et demie de possibilités de regarder le pare- chocs de la personne devant vous, puis vous arrivez tout de même au travail. J'ai eu ma part de congestion routière, et je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que nous avons déjà construit les infrastructures à certains endroits. Cela devient ensuite le dispositif de sécurité inversé. Voici l'infrastructure; nous ne faisons qu'y ajouter.

Maintenant, toutefois, la réalité doit être : regardons ces infrastructures et bâtissons en hauteur plutôt que prendre de l'expansion. Nous pouvons loger des gens en hauteur. Nous ne pouvons pas inventer plus de terres agricoles. Nous devons protéger des régions précises de l'Ontario. À Niagara, nous avons une ceinture de terres fruitières qui subit des pressions, et elle s'est maintenant beaucoup transformée en industrie du raisin de renommée mondiale. C'est pourquoi le bétail a également quitté la province, en raison du prix des terres et parce que le bétail n'a pas la possibilité de puiser son énergie dans ce paysage, car il vaut mieux en faire un usage supérieur.

La sénatrice Tardif : Merci de l'exposé très inspirant que vous avez présenté. J'ai posé cette question aux témoins que nous avons accueillis mardi, qui provenaient du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Elle portait sur l'acquisition de terres agricoles par des investisseurs canadiens, les investisseurs des fonds de pension qui achètent les terres afin d'obtenir un rendement. Est-ce que cela arrive aussi en Ontario?

M. McCabe : Oui.

La sénatrice Tardif : Ce phénomène devient-il plus répandu? Le voyez-vous prendre de l'ampleur?

M. McCabe : Il s'agit d'une force croissante. Il est très difficile de faire le suivi de quoi que ce soit en raison d'un manque de tenue de dossiers propres à ces affaires, et je pense que c'est une chose qui avait également été soulevée par la FCA et qui inquiète la FAO depuis un certain temps.

C'est très simple. Le problème tient au fait que, si les investisseurs peuvent acheter les terres à un taux approprié, quand on fait le calcul et qu'il est possible de les louer à ce taux, il s'agit d'un meilleur rendement que si la terre se trouvait n'importe où ailleurs. C'est un investissement plus sûr. Tant que le prix des terres continuera d'augmenter, les investisseurs vont obtenir un rendement s'ils doivent les liquider, mais ils ont la possibilité de récupérer ce qu'ils veulent du loyer et d'avancer en conséquence.

La sénatrice Tardif : Certaines des provinces imposent des limites à l'acquisition de terres agricoles par des étrangers. Est-ce que l'Ontario impose de telles limites?

M. McCabe : Pas à ma connaissance.

La sénatrice Tardif : Y a-t-il un mouvement visant à pousser la province à établir des limites?

M. McCabe : Il est certain qu'une préoccupation est soulevée. Je soutiendrais qu'avant que toute bonne décision puisse être prise, il faut de bonnes données. J'affirmerais que le Canada manque cruellement de bonnes données, actuellement, où que ce soit.

La sénatrice Tardif : Nous avons entendu ces propos de la bouche de nombreux témoins. Merci, monsieur.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur McCabe. Parfois, on se demande si les décideurs fédéraux et provinciaux sont sur la même longueur d'onde quand vient le temps de créer des programmes pour aider les agriculteurs.

Est-ce que les fonds de financement ou les programmes qui ont été mis en place servent à dynamiser l'industrie agricole? Est-ce que cela aide l'industrie agricole? Pouvez-vous nous en parler? Sinon, qu'est-ce que cela représente comme difficulté, compte tenu des différents programmes gouvernementaux qui peuvent être assez compliqués?

[Traduction]

M. McCabe : Je vous demanderais, monsieur, de clarifier votre définition du terme « programmes de financement mis en place ». Faites-vous allusion aux programmes de protection du revenu précisément?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Oui, entre autres, les programmes de sécurité. J'imagine qu'autant le gouvernement de l'Ontario que celui du Québec et le gouvernement fédéral essaient d'appuyer les agriculteurs, soit au moyen d'une assurance financière ou par d'autres moyens. Trouvez-vous cela compliqué ou est-ce que cela aide les producteurs à continuer d'exploiter les terres agricoles?

[Traduction]

M. McCabe : Cette question a une large base qui doit être abordée. Tout d'abord, la réalité, c'est qu'entre le Canada et les provinces, la réaction est établie comme suit — 60 p. 100 de responsabilité pour le Canada, et 40 p. 100, pour les provinces —, relativement à la façon dont ils établissent des politiques. Si un gouvernement n'est pas d'accord avec l'autre, l'autre peut mettre en œuvre un programme unilatéral.

En ce qui concerne les problèmes liés à la sécurité du revenu — et, pour expliquer clairement ce que j'entends par là, il y a un grand nombre de programmes qui commencent par le terme « agri ». Il y a Agri-protection; il y a Agri-stabilité et il y a Agri-relance, et ainsi de suite.

Le problème lié à la protection, c'est exactement ce que dit le terme. Il s'agit de la possibilité de faire assurer une denrée, et, au Canada, les denrées ne sont pas toutes protégées par une assurance, surtout lorsqu'il s'agit de fruits et de légumes ou de bétail. Je cultive du maïs, des fèves de soja et du blé, et je peux obtenir une protection pour ces cultures. Cette année, quand nous avons connu la sécheresse, en Ontario, j'ai été très heureux d'avoir souscrit cette assurance, et je suis étonné que Dame Nature m'ait donné de la pluie qui m'a permis de ne pas prendre part à ce programme.

L'un des problèmes qui ont été soulevés ici, auparavant, parmi les questions comme Agri-stabilité, ce sont les programmes qui s'occupaient directement des prix et qui étaient récompensés pour cela. Ils étaient considérés comme étant vulnérables aux importations par certaines personnes, et nous ne voulions pas rester sur ce terrain et les avons contestés relativement aux droits compensateurs et à quoi que ce soit d'autre.

Par ailleurs, les économistes ne cessaient de nous dire : « Oh, mon Dieu, ces agriculteurs vont prendre tout cet argent, et ils vont se contenter de le capitaliser de nouveau dans la terre. » Je soulignerais que l'histoire a maintenant prouvé que ce n'est pas du tout le cas. Ce qu'il a fallu, c'était l'occasion d'obtenir des recettes accrues. Les programmes gouvernementaux ne le faisaient pas. Encore une fois, j'avancerais que cela devient une déclaration de plus concernant le fait que la seule raison pour laquelle nous avons des économistes, c'est pour bien faire paraître les historiens.

Au bout du compte, il faut que des programmes soient en place pour permettre aux agriculteurs d'être concurrentiels par rapport à nos homologues étrangers, qui pourraient avoir établi d'autres programmes. Au bout du compte, la réalité, c'est que nous réagissons du mieux que nous le pouvons aux signaux du marché et que nous devons réagir en fonction de notre situation dans le paysage.

Je ne cultive pas de blé de force roux de printemps parce que je n'obtiendrais jamais de rendement, et je ne m'attends pas à ce que tout un tas de mesures importantes soient prises relativement au canola non plus, dans le sud-ouest de l'Ontario. Au bout du compte, les recettes de l'Ontario comptent pour environ — selon l'endroit où on veut mesurer — 20 à 25 p. 100 de la réaction du Canada. Cela n'a rien à voir avec la réalité des programmes. On recherche les programmes après avoir tenté de faire affaire avec le marché et de prendre les meilleures décisions. Dans le secteur agricole, personne ne demande la charité. Nous voulons être sur un pied d'égalité.

La sénatrice Unger : J'ai une question au sujet de la Loi sur la ceinture de verdure, qui a été adoptée par l'Ontario en 2005 afin de protéger les terres agricoles écologiquement fragiles qui sont situées près de centres hautement urbanisés du centre-sud de l'Ontario, connu sous le nom de Golden Horseshoe. La politique de zonage agricole adoptée par le gouvernement de l'Ontario est-elle efficace pour ce qui est de protéger les terres agricoles dans cette région?

M. McCabe : Avec tout le respect que je vous dois, madame la sénatrice, cela dépend de la personne à qui vous posez la question. Du point de vue de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, le fait d'avoir tracé une ligne sur une carte a causé beaucoup de malaises au sein du secteur agricole. Par ailleurs, cela signifiait simplement que, tout d'un coup, les promoteurs pouvaient découvrir où se situait cette ligne et la franchir.

Ainsi, le problème tient au fait qu'à l'intérieur de la ceinture verte — comme je l'ai mentionné —, l'agriculture diminue, du point de vue du nombre de participants, mais on a encore besoin d'un système opérationnel complet pour que ces agriculteurs puissent exploiter leur ferme. J'emploie le terme « système » pour désigner le fait que je dois pouvoir obtenir des pièces d'équipement et pouvoir livrer mon produit aux points de vente nécessaires. Les gens ne veulent pas tous apporter leurs denrées en ville et faire partie d'un mouvement alimentaire local. Certaines personnes s'intéressent à l'exportation des denrées et à ce genre de choses.

La ceinture verte pourrait venir au deuxième rang des meilleures choses sur lesquelles le gouvernement de l'Ontario ait jamais misé, et il adore ce concept. D'ailleurs, elle n'a pas mené à un maintien réel du statut agricole des terres. Et, pour en revenir à l'autre question, je m'exprimerai très clairement à ce sujet : certains agriculteurs ont vraiment eu l'impression de s'être fait arnaquer vu que cette ligne verte supposait désormais qu'ils n'allaient plus pouvoir vivre la retraite à laquelle ils pensaient avoir droit. Ce n'est qu'une question de politiques, et le gouvernement ne va pas corriger cette situation parce qu'une personne est touchée chaque fois qu'une ligne est tracée.

Au bout du compte, d'après ma compréhension de la question du logement et de l'endroit où les lignes sont maintenant tracées, cette région particulière de l'Ontario comporte une quantité suffisante de terres et de possibilités déjà mises de côté qu'elle va en avoir jusqu'en 2031.

Vous souhaiterez peut-être consulter un rapport produit par la Fondation Neptis. Les gens de cette fondation pourront appuyer une partie de ces déclarations. Toutefois, je préférerais que nous examinions une bonne politique en tant que bonne politique, pas son fonctionnement lorsqu'elle a été imposée. Je pense que John Diefenbaker a bien résumé la situation lorsqu'il a dit que les sondages ont la même utilité que des poteaux pour les chiens.

La sénatrice Unger : Concernant ce rapport, pourriez-vous l'envoyer au comité?

M. McCabe : Je peux demander à un des membres de notre personnel de recherche de l'examiner. J'ajouterais que nous venons tout juste de terminer l'envoi d'une réponse à ce qui s'appelait l'Examen coordonné des plans d'aménagement du territoire, parce que la Loi sur la ceinture de verdure n'est pas la seule chose qui fonctionne sur ce terrain. Il y a un Plan de conservation de la moraine d'Oak Ridges, un Plan d'aménagement de l'escarpement du Niagara et un Plan de croissance proposé.

Relativement aux agriculteurs, je vais prendre comme exemple une exploitation qui se trouve dans la région de Niagara. Ces gens étaient des producteurs de sirop d'érable qui voulaient faire prendre de l'expansion à leur exploitation familiale dans ce domaine. Ils avaient également des vergers de fruits. Ils estimaient qu'il y avait maintenant assez de gens qui venaient visiter leur exploitation afin d'y manger des crêpes qu'ils étaient ravis d'élargir leur entreprise. Un petit problème : je n'ai peut-être mentionné que quatre étapes, mais, au moment où ils ont eu terminé, ils avaient fait 27 demandes de permis. La paperasse, c'est nécessaire, mais pas en si grande quantité. La réalité, c'est que les politiques qui prennent des stéroïdes, ce n'est pas beau à voir.

La sénatrice Unger : Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez tout juste de dire. Ma dernière question est la suivante : à votre avis, en général, les agriculteurs ont-ils suffisamment la possibilité d'adresser des commentaires à leur gouvernement provincial afin de pouvoir exprimer leurs opinions?

M. McCabe : Il y a des possibilités de consultation. Toutefois, j'élargirai également votre question, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, madame la sénatrice, pour l'appliquer au gouvernement fédéral. Il tient actuellement un grand nombre de consultations — et j'y ai fait allusion plus tôt — concernant le prochain cadre stratégique de Cultivons l'avenir 3. Il affirme qu'il y a toute cette possibilité d'aller sur Internet pour le faire.

Je souhaite expliquer qu'il existe maintenant un certain nombre de regroupements dans l'Ontario rural qui peuvent envoyer des milliers d'éléments de données par minute jusque dans le nuage. Nous pouvons réunir des cartes de rendement et effectuer une meilleure analyse de nos propres exploitations agricoles. Un petit problème : je ne peux pas recevoir les données chez moi parce que je n'ai pas Internet à large bande. Les consultations au moyen d'Internet à large bande ressemblent pas mal à une gifle pour la majeure partie du Canada rural.

La réalité, c'est qu'on est en 2016; nous méritons des infrastructures rurales correspondantes. Nous ne sommes pas dans cette situation parce Bell, Rogers et quelques autres savent où se trouve l'intensité. Actuellement, les possibilités de consultation existent, mais il faut également se rappeler la constitution du groupe auquel on a affaire. Ce sont des gens très intensifs en ce qui concerne leur propre métier. Ils souhaitent s'assurer qu'ils disposent de la meilleure protection des animaux possible. En outre, il y a maintenant deux groupes démographiques. Il y a le groupe des personnes âgées, qui se préparent à leur propre retraite et qui ont été propriétaires de tout durant toute leur vie et qui voient cela comme leurs actifs. Il y a un groupe de jeunes qui sortent pour se rendre au hangar et, là où papa aurait regardé et dit : « Il faut que j'échange cela, et je possède ces trois choses-là, et un versement de plus, puis c'est à moi », ils s'en vont et éteignent la lumière parce qu'ils emmènent leur fille au hockey et leur fils à ses leçons de piano ou quoi que ce soit d'autre. Ils connaissent un tout autre monde d'applications.

Actuellement, l'agriculture canadienne prend du recul au chapitre de la question de pouvoir disposer d'infrastructures appropriées, qu'il s'agisse d'Internet à large bande, de gaz naturel ou de quelques autres choses, pour pouvoir maintenir la cadence qui nous permet d'aider le monde à atteindre ses propres cibles pour 2020, 2030 et 2050.

Le sénateur Plett : Une brève question, monsieur : encore une fois, comme vous l'avez mentionné dans votre déclaration préliminaire... Je pense que vous avez affirmé que l'Ontario compterait quatre millions d'habitants de plus d'ici un certain temps. C'est plus de 10 p. 100 de notre population actuelle. Ce certain temps, c'est pour bientôt? Combien de terres sont achetées autour des centres urbains à des fins de spéculation, et combien sont achetées dans le but de répondre à des besoins immédiats?

M. McCabe : Donc, « d'ici un certain temps », c'est parce que ma mémoire ne me dit pas exactement de quelle année il s'agit, mais je crois que l'information se trouve dans les documents de l'initiative Place à la croissance. Je vais maintenant déclarer — et je pourrais me tromper — que nous nous attendons à ce que 4 millions de personnes s'ajoutent à la population de l'Ontario d'ici 2030.

J'ai également fait allusion au problème des terres qui ont déjà été achetées et qui se cachent dans ce document de la Fondation Neptis. Si vous me demandez de préciser si ces terres ont été achetées à des fins de spéculation, je ne peux pas répondre à cette question. Tout le monde a ses propres motifs pour acheter des terres, quel que soit le rendement qu'on pourrait souhaiter en tirer. Je n'ai pas de source de données qui précise si les terres ont été achetées à des fins de spéculation ou pour une fin absolue, car la définition du terme « spéculation » pourrait comprendre des promoteurs qui voient une occasion de construire sur ces terres à mesure qu'ils avancent. Mais, encore une fois, je ne peux pas répondre directement à cette question.

Le sénateur Plett : Alors, une brève question de suivi : d'ici 2050, je pense que nous sommes censés être 6 milliards de gens dans le monde, et, manifestement, il faudra tous les nourrir. À votre avis, le Canada sera-t-il à la hauteur pour faire sa part, compte tenu du rythme auquel nous perdons des terres agricoles?

M. McCabe : Je répondrais que, selon moi, les chiffres pourraient se rapprocher davantage des 9 milliards, en 2050. Ensuite, j'ajouterais immédiatement que les Canadiens profitent actuellement de vastes possibilités liées au fait qu'ils s'habituent maintenant à l'idée qu'il est normal qu'une fraise puisse être utilisée avec un lance-pierre pour assommer un écureuil parce qu'elles sont cueillies vertes, en Californie, pour être envoyées ici, parce que nous en voulons 365 jours par année. J'affirmerais que le Canada fait partie des rares pays du monde — environ six — qui, selon les estimations, pourront encore exporter de la nourriture à ce moment-là.

Le plus gros problème de tous, c'est que, actuellement, environ 40 p. 100 de la nourriture sont gaspillés. Je préciserais que, lorsque je tente de vendre une denrée, il n'est pas dans mon intérêt de la gaspiller. Je n'ai pas intérêt à ce qu'elle moisisse en entreposage. Il n'est absolument pas dans mon intérêt d'essuyer cette perte.

Je mentionnerais certains articles d'actualité très récents... Je crois que c'était CBC et peut-être dans le cadre de son émission appelée Marketplace, mais c'était probablement au National. Certaines grandes entreprises qui souhaitent maintenant exercer des pressions vers le bas de la chaîne de valeur, jusqu'aux agriculteurs, et qui souhaitent obtenir des attributs encore plus grands et un prix plus modique, même après qu'un contrat a été signé, comptent parmi les sources de ce gaspillage alimentaire. Comme la séance est publique, il est inutile de gaspiller des mots. Walmart fait partie des principales entreprises qui jettent des choses par la porte de derrière — il semble —, selon Marketplace.

Là où je veux en venir, c'est de nouveau à la question de la sensibilisation. Les Canadiens ne comprennent pas réellement ce qu'il faut pour leur nourriture, pour sa logistique, puis ils se demandent ce qui se passe avec les changements climatiques et tout le reste. Les agriculteurs et les forestiers sont les deux seuls groupes qui vont pouvoir remettre le carbone dans le sol grâce à la séquestration du carbone. Nous ne sommes pas reconnus pour cela. Il s'agit de l'autre question, qui se résume à celle du système.

Je n'ai absolument aucun scrupule à traiter de la question de ce qui s'en vient en 2050. Si la plupart de ces gens font partie de ma famille, ils vont s'attendre à ce que je fasse la vaisselle, moi aussi, et cela ne me pose aucun problème parce que tout sera recyclable. Nous pouvons aborder l'enjeu de l'économie à faibles émissions de carbone, mais un tas des termes qu'on adopte actuellement sont totalement absurdes. Nous ne décarbonisons pas cette économie. Si on la décarbonise, bonne chance pour commander ce qui figure au menu, ce soir. Vous êtes vous-même un être fait de carbone. En réalité, revenons à des termes réalistes, à une logistique réaliste, et assurons-nous que toutes ces pièces s'emboîtent. Le fait de traiter de 2050 ne me pose aucun problème.

Le sénateur Mercer : Monsieur McCabe, merci beaucoup de votre exposé. Il a été très instructif — et divertissant, dans une certaine mesure —, mais j'allais bien jusqu'à ce que vous me fassiez vraiment peur. Depuis les deux ou trois dernières années, autour de cette table, il a toujours été question de 6 milliards de personnes d'ici 2050. J'ai assisté à un congrès tenu en Europe cet été, où il était question de 6,6 milliards, et cela m'a fait peur. Mais, vous dites 9 milliards, et maintenant, j'ai encore plus peur. Ce n'était pas l'essentiel de ma question. Je voulais seulement commenter ce que vous aviez dit. Quel que soit le chiffre, nous avons beaucoup de travail à faire si nous allons nourrir ces gens, car il y aura du désordre civil si nous ne sommes pas en mesure de nourrir les gens, quel que soit leur nombre en 2050.

Je voulais aborder un élément précis. L'un des problèmes dont nous avons entendu parler au fil des ans à cette table, c'est la difficulté de transférer la propriété de l'exploitation familiale à au moins un des enfants de la famille. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet? Avez-vous des suggestions de façons dont le gouvernement peut soit aider, soit cesser de faire obstruction?

M. McCabe : Monsieur le sénateur, je pense avoir fait allusion, plus tôt, à la question de savoir pourquoi des exploitations familiales sont constituées en personnes morales, et cela fait partie du raisonnement qui sous-tend cette déclaration. Le problème, dans ce cas, c'est que la valeur de l'exploitation agricole est maintenant de plusieurs millions de dollars. La taille de l'entreprise n'a pas d'importance. J'en reviens aux 36 000 agriculteurs de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario. Peu m'importe la taille de votre exploitation; ce dont je me préoccupe, c'est de la qualité de votre travail d'agriculteur. La réalité devient ensuite la suivante : si vous êtes un bon agriculteur, vous allez établir une bonne entreprise.

Certaines des exploitations plus intensives d'un point de vue financier se trouvent sur les plus petits terrains parce que ce sont des serres, ou bien il peut s'agir d'aquaculture, ou bien d'autre chose. La réalité devient la suivante : comment peut-on déplacer ces actifs? Si une personne s'y intéresse et veut faire cela, peut-être que le meilleur moyen, c'est que cette personne montre qu'elle veut investir son argent dans l'achat de parts de cette société afin de la faire progresser et de se mettre à la tâche, car personne ne veut emprunter le genre de somme dont il sera question pour concrétiser certaines de ces choses.

Les perspectives à long terme pour bon nombre de ces aspects... je ne vois encore rien que je puisse désigner comme une solution miracle à tout cela. Le problème, c'est qu'il va me falloir un vaste éventail de mesures complémentaires pour constituer une solution. Tout le monde doit pouvoir aller trouver les outils dont il a besoin au moment où il en a besoin. Après, ce sera la fameuse question de la nature humaine.

Qui est prêt à passer à autre chose? Quant aux problèmes dont nous entendons parfois parler relativement aux droits de succession déposés et à quoi que ce soit, c'est aussi la génération âgée qui n'a pas fait sa planification. Elle n'a pas trouvé comment elle veut procéder. Si on doit être vindicatif jusqu'à la tombe, il faut garder la roue en mouvement une fois qu'on y est parce qu'on a cafouillé avant d'y arriver.

Le président : Sénateur Plett, avez-vous une question supplémentaire?

Le sénateur Plett : Pas vraiment une question; je dois seulement déclarer officiellement que M. McCabe est en fait plus près du bon chiffre que le sénateur Mercer et moi-même l'étions. Les prévisions de l'ONU sont de 9,7 milliards. Ainsi, nous étions certainement un peu plus dans le champ qu'il ne l'était.

Le président : Monsieur McCabe, merci beaucoup.

[Français]

Je vous remercie, monsieur, d'avoir témoigné devant notre comité. C'était très intéressant. Si vous avez des documents à faire parvenir au comité, veuillez les transmettre à notre greffier. Je suis persuadé qu'ils nous seront utiles.

(La séance est levée.)

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