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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 
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Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 20 - Témoignages du 1er décembre 2016


OTTAWA, le jeudi 1er décembre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour poursuivre son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous. Je suis le sénateur Ghislain Maltais, président du comité. J'aimerais d'abord demander aux sénateurs qu'ils se présentent, en commençant à ma gauche, par le vice-président du comité.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Tardif : Bonjour. Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta.

La sénatrice Gagné : Bonjour. Raymonde Gagné, sénatrice du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Sénateur Victor Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour. Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

Le président : Merci. Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.

[Français]

Nous accueillons ce matin l'Association des banquiers canadiens, représentée par M. Alex Ciappara, directeur du Marché du crédit et de la Politique économique, M. Troy Packet, vice-président, Services agricoles, TD Canada Trust, Mme Janice Holzscherer, vice-présidente et dirigeante nationale de la Banque Scotia, M. Adam Vervoort, directeur national, Agriculture, de BMO Banque de Montréal, M. Darryl Worsley, directeur national, Agriculture, de la CIBC, et Mme Gwen Paddock, directrice nationale, Agriculture et ressources, de la Banque Royale du Canada.

Si j'ai bien compris, monsieur Ciappara, nous allons commencer par votre présentation.

[Traduction]

Alex Ciappara, directeur, Marché du crédit et Politique économique, Association des banquiers canadiens : Merci beaucoup, et bonjour, tout le monde. Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'occasion de présenter le point de vue du secteur bancaire sur l'étude menée par le comité au sujet de l'acquisition de terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole.

L'Association des banquiers canadiens représente 59 banques membres, ainsi que des filiales et des succursales de banques étrangères exerçant des activités au Canada, et leurs 280 000 employés. Aujourd'hui, des représentants des cinq plus grandes banques au Canada, qui possèdent une grande expertise dans le domaine agricole et entretiennent des liens distincts avec le milieu agricole, m'accompagnent.

J'aimerais commencer par souligner le rôle que le secteur bancaire joue auprès du secteur agricole. Le secteur bancaire canadien est, depuis longtemps, engagé envers le secteur agricole. En effet, les prêts au secteur agricole représentent une importante part du financement accordé par les banques aux PME, plus de 14 p. 100 des prêts autorisés aux PME étant consacrés au domaine agricole. Les encours de crédit accordés par les banques au secteur agricole s'élèvent à 34 milliards de dollars, comprenant les prêts d'exploitation et les prêts à terme, ainsi que les prêts hypothécaires, ce qui représente environ 37 p. 100 du marché du financement agricole.

Selon Statistique Canada, environ 22 p. 100 des prêts hypothécaires et plus de la moitié des prêts non liés à l'hypothèque accordés aux agriculteurs proviennent des banques. Nonobstant la taille de l'exploitation agricole, les banques canadiennes appliquent au secteur agricole les mêmes règles prudentielles et la même gestion des risques exhaustive qu'aux autres secteurs d'activité.

En plus du financement et en vue d'aider les exploitations agricoles de toute taille, les banques fournissent une variété de services allant de la gestion de la liquidité et des services de dépôt à l'offre de services commerciaux et d'exportation.

À titre de participants actifs au marché du financement agricole, les banques sont en concurrence les unes avec les autres, de même qu'avec les coopératives de crédit, les agences de financement et de crédit-bail et Financement agricole Canada. En tant que société d'État dans le domaine agricole, FAC est un important joueur qui domine le marché, occupant 27 p. 100 du marché du financement agricole et près de la moitié de celui des prêts hypothécaires agricoles au pays.

Pour passer directement au sujet étudié par le comité, le secteur bancaire est conscient des aspects complexes des acquisitions de terres agricoles et de l'importance des terres agricoles pour les jeunes agriculteurs, établis et nouveaux. Un certain nombre de facteurs influent sur le prix des terres agricoles au Canada. Les très faibles taux d'intérêt, le prix relativement élevé des matières premières et la demande croissante de terrains destinés à une utilisation urbaine comptent parmi ces facteurs.

En outre, la taille, le nombre et le profil démographique des exploitations agricoles ont considérablement changé. Selon Statistique Canada, entre 1991 et 2011, la superficie agricole moyenne a augmenté de près de 30 p. 100 alors que le nombre d'agriculteurs a baissé d'environ 25 p. 100. Parallèlement, nous constatons que les exploitants agricoles sont de plus en plus âgés.

Enfin, les prix à la hausse des terres agricoles ont eu un effet sur le bilan des agriculteurs, la terre représentant désormais les deux tiers des actifs d'une ferme, une augmentation par rapport aux 54 p. 100 de 2005.

La transition vers des exploitations agricoles plus larges et le vieillissement de la population agricole sont à la source de l'intérêt croissant dans l'achat et la vente de terres agricoles. Pour les agriculteurs qui ont consacré une vie de dur labeur à leur exploitation agricole, la terre est un investissement qui financera leur retraite. En fait, la vente de leurs terres est une importante décision pour les agriculteurs désireux de prendre leur retraite. Les banques les aident dans cette transition, en plus de leur offrir des conseils inestimables au sujet de la retraite et de la planification de la relève, pour eux et leurs enfants.

En outre, les jeunes qui souhaitent entamer une carrière dans le secteur agricole se tournent vers les banques pour obtenir des conseils au sujet des options qui s'offrent à eux sur le plan des terres agricoles, notamment le crédit-bail, la location et le financement hypothécaire. Par ailleurs, les jeunes agriculteurs doivent faire un important investissement en capitaux pour l'achat d'équipement ou de machines afin de lancer leur exploitation agricole. Les banques sont en mesure de leur offrir la gamme complète de services et de conseils financiers nécessaires à cette fin.

Par ailleurs, les jeunes agriculteurs peuvent recourir au programme de la Loi canadienne sur les prêts agricoles — aussi appelée LCPA — offert par le gouvernement fédéral pour acheter des terres, des installations, des machines et de l'équipement, et les banques y ont également recours.

À mesure que le secteur agricole évolue, les banques continuent d'adapter leurs produits et leurs services pour répondre aux besoins de leurs clients. Elles emploient des banquiers spécialisés dans le domaine agricole qui, grâce à leur expertise et à leurs connaissances, comprennent les défis et les occasions propres au secteur. Les banques font de la communication continue avec leur clientèle du domaine agricole une priorité afin de veiller à ce que ses besoins soient comblés et à ce que les clients reçoivent les services nécessaires au moment de prendre des décisions financières.

Encore une fois, je voudrais remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de présenter le point de vue du secteur bancaire sur l'étude, et nous serons heureux de répondre à vos questions.

[Français]

Le président : Merci infiniment, monsieur Ciappara. Merci beaucoup aux autres membres d'être présents. C'est très important pour le comité aujourd'hui que vous soyez venus. Vous serez en mesure d'apprécier toute l'attention que les sénateurs portent à votre regroupement bancaire.

La première question sera posée par le vice-président du comité, le sénateur Mercer.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Avant le début de la séance, le sénateur Plett a indiqué qu'il n'était pas certain de savoir si ce sont les sénateurs ou les banquiers qui aiment le plus se faire critiquer, alors voici notre chance.

Sérieusement, votre exposé a suscité mon intérêt quand vous avez affirmé que les banques ont des banquiers spécialisés dans le domaine de l'agriculture qui possèdent l'expertise et les connaissances nécessaires pour comprendre les défis et les occasions qui sont caractéristiques du secteur. Je voudrais entendre un exemple ou deux de la part des banques quant à l'identité de ces experts et à la façon dont ils apportent cette expertise au secteur bancaire et dont ils interagissent avec le milieu agricole.

Gwen Paddock, directrice nationale, Agriculture et ressources, Banque Royale du Canada, Association des banquiers canadiens : Je peux répondre à cette question. Je vais vous donner mon exemple personnel. Je suis née et j'ai été élevée sur une exploitation de naissage située au sud de Guelph, en Ontario. J'ai participé aux 4-H et à la Junior Farmers' Association of Ontario, et je suis titulaire d'un diplôme en économie agricole de l'Université de Guelph. Je suis dans le milieu agricole depuis maintenant 31 ans.

Quand je suis arrivée à la banque, elle souhaitait embaucher avant tout des gens qui comprenaient l'agriculture, puis elle nous a donné une formation sur les services bancaires, croyant que nos clients agriculteurs accorderaient de la valeur au fait de parler à une personne qui possédait une certaine connaissance de l'industrie et qui pouvait parler d'agriculture avant tout, puis des aspects bancaires de leur entreprise. Je suis un exemple à long terme, mais voilà ce que nous recherchons chez tous nos directeurs des comptes, c'est-à-dire qu'ils aient de l'expérience en agriculture ou une passion pour ce secteur d'activité.

Le sénateur Mercer : Donc, vous n'offrez des services bancaires que dans le secteur de l'agriculture, maintenant?

Mme Paddock : Nos directeurs des comptes sont spécialisés en agriculture, alors ils finissent par se spécialiser dans le fait de répondre aux besoins de nos clients de ce domaine et dans certains marchés de nos clients ruraux. Dans certaines régions des Prairies, par exemple, il est avantageux d'avoir un directeur des comptes agricoles pour un fournisseur de produits agricoles, puisqu'il comprend l'industrie.

Le sénateur Mercer : Y a-t-il d'autres banques qui voudraient aussi répondre?

Troy Packet, vice-président, Services agricoles, TD Canada Trust, Association des banquiers canadiens : Je peux répéter les mêmes commentaires. Nous embauchons et recherchons des gens ayant une expérience agricole. J'ai toujours dit qu'il était plus facile d'enseigner à un agriculteur comment être un banquier qu'à un banquier comment être un agriculteur.

Je suis né et j'ai grandi sur une exploitation mixte, en Saskatchewan, et je prends toujours part aux activités de l'exploitation familiale. J'ai 21 ans d'expérience dans les services bancaires, mais j'ai toujours œuvré dans le domaine de l'agriculture. Comme l'a dit Gwen, la plupart des gens que nous employons sont des spécialistes de l'agriculture et s'occupent strictement des agriculteurs... ou la majorité d'entre eux. Encore une fois, en raison des collectivités rurales avec lesquelles nous faisons affaire, nous faisons parfois un peu de négociations agricoles, ce qui fait vraiment partie de l'agriculture, quoi qu'il en soit — ou un peu de négoce commercial —, mais la majeure partie du portefeuille est axée sur l'agriculture.

Le sénateur Mercer : L'une des critiques que nous entendons souvent de la part des gens du secteur, c'est que leurs options bancaires continuent de diminuer parce que les banques que vous représentez continuent de fermer les petites succursales situées dans les petites collectivités et qu'il pourrait leur rester deux options : Financement agricole Canada et une banque. Avant, il y avait peut-être deux ou trois banques dans la collectivité. Maintenant, il n'en reste qu'une. Quand on n'a qu'une option, ce n'est pas une option; on est coincé.

Financement agricole Canada est un concurrent, mais pas dans le sens où vous vous livrez mutuellement concurrence. Quand les banques ferment des succursales dans les petites collectivités, tiennent-elles compte de l'effet qu'aura cette fermeture sur la collectivité dans son ensemble, et pas seulement sur le résultat net pour la succursale qu'elles pourraient fermer?

M. Ciappara : Oui, nous en tenons compte. Au cours des 10 dernières années, le nombre de succursales a augmenté.

Le sénateur Mercer : Est-ce dans les centres urbains plutôt que dans les centres ruraux?

M. Ciappara : Ce pourrait être le cas. Je n'ai pas étudié la question de plus près, mais, lorsque des succursales ferment leur porte, des décisions d'affaires sont prises, mais elles sont communiquées aux collectivités rurales également. Des options leur sont également fournies au moment où ces décisions sont prises.

Nous avons également des spécialistes en agriculture qui se servent d'une succursale comme de leur bureau d'attache, puis qui vont parler aux agriculteurs sur leur lieu de travail ou à leur exploitation agricole. Nous disposons de spécialistes qui se rendent aux exploitations et qui servent les agriculteurs.

Le sénateur Mercer : Je ne suis pas certain que tous les agriculteurs soient à l'aise avec cela. Quoi qu'il en soit, je poursuivrai dans le cadre de la deuxième série de questions, s'il vous plaît.

Le sénateur Plett : Je voudrais que vous m'expliquiez un peu plus la LCPA. Vous l'avez mentionnée dans votre exposé. Il s'agit de la Loi canadienne sur les prêts agricoles du gouvernement fédéral. Que fait cette loi exactement? S'agit-il d'une loi que nous avons adoptée, avec laquelle travaillent les banques, ou bien seulement les agriculteurs?

M. Ciappara : Je peux prendre les devants, puis céder la parole à mes collègues. Il s'agit d'un programme qui fournit des garanties de prêts aux jeunes agriculteurs ainsi qu'aux coopératives. Au titre du programme. Les jeunes agriculteurs et les coopératives peuvent obtenir un financement allant jusqu'à 500 000 $ pour une propriété immobilière et jusqu'à 350 000 $ pour du matériel et de l'équipement. Au titre du programme, les banques ont environ pour 174 millions de dollars de prêt non remboursé. Elles utilisent le programme pour aider les jeunes agriculteurs à obtenir du financement.

Le sénateur Plett : S'agit-il d'une garantie de prêt à 100 p. 100?

M. Ciappara : C'est 85 p. 100.

Le sénateur Plett : Vous avez mentionné à quelques reprises les « jeunes agriculteurs et les coopératives ». Quels sont les autres... les agriculteurs âgés plutôt que les jeunes agriculteurs? Sont-ils admissibles?

M. Ciappara : Je crois que l'âge d'admissibilité s'arrête à 35 ou à 40 ans. Au-delà, ils ne sont pas admissibles. C'est vraiment une décision du gouvernement plutôt qu'une décision que les banques doivent prendre.

Le sénateur Plett : Ainsi, il faut être admissible aux yeux du gouvernement, et pas des banques. Si le gouvernement reconnaît l'admissibilité, la banque donne-t-elle automatiquement cet argent?

M. Ciappara : Il y a des exigences relatives à l'admissibilité, alors les agriculteurs s'autosélectionnent en étudiant le programme de la LCPA. Nous connaissons également les exigences d'admissibilité au titre de ce programme. C'est là que les agriculteurs décident d'y avoir recours ou pas. Ils connaissent les exigences d'admissibilité.

Le sénateur Plett : Vous avez affirmé que 37 p. 100 du financement agricole est consenti par des banques, et le reste, par FAC et par les coopératives de crédit.

M. Ciappara : Et par des entreprises de financement et de crédit-bail, ainsi qu'un programme de paiements anticipés.

Le sénateur Plett : Une dernière question, monsieur le président. Je voudrais savoir laquelle des cinq grandes banques est la plus amicale pour les agriculteurs; ces pourcentages sont-ils une moyenne dans toutes les banques? J'aimerais avoir une idée de la somme d'argent que représentent les prêts agricoles non remboursés.

Mme Paddock : Je suis heureuse de commencer. J'ai le plaisir d'affirmer que l'agriculture est un marché prioritaire pour la Banque Royale. C'en est un où notre portefeuille est très solide. Nous avons consenti plus de 6 milliards de dollars à des clients du milieu de l'agriculture. Ce qui est plutôt intéressant — et il s'agit d'un facteur qui représente la diversité dans l'ensemble du pays —, c'est que notre portefeuille est divers : la culture commerciale, les produits laitiers, le bœuf et certains des petits marchés à créneaux. Ce sont de bonnes affaires pour la banque, et c'est un domaine où nous voulons croître. Lorsque je regarde mes concurrents ici présents — nous sommes venus ensemble, mais ils sont également mes concurrents —, nous voudrions assurément faire croître ce secteur d'activités.

Le sénateur Plett : C'est 6 milliards de dollars pour la Banque Royale?

Mme Paddock : Oui.

Adam Vervoort, directeur national, Agriculture, BMO Banque de Montréal, Association des banquiers canadiens : Je suis très heureux de signaler que nous avons devancé légèrement la RBC du point de vue de l'argent que nous prêtons actuellement au secteur de l'agriculture. Je suis également fier de déclarer que nous sommes la première banque canadienne en ce qui a trait aux sommes consenties aux agriculteurs canadiens, qui s'élèvent à environ 8,5 milliards de dollars. Il s'agit clairement de domaines hautement prioritaires pour la Banque de Montréal. C'est le cas depuis de nombreuses années, et ça l'est encore maintenant.

Je me fais l'écho des commentaires de Mme Paddock selon lesquels nous nous consacrons beaucoup au secteur, qu'il s'agisse de l'industrie du bétail, des plantes de grande culture, de la gestion des approvisionnements... nous sommes actifs dans tous les domaines et partout au pays.

Le sénateur Plett : Merci. Qui est le prochain? La CIBC?

Darryl Worsley, directeur national, Agriculture, CIBC, Association des banquiers canadiens : À la CIBC, nous sommes fiers de nos affaires agricoles. Nous consentons des prêts aux agriculteurs depuis plus de 150 ans. Nous considérons qu'il s'agit d'un secteur d'activité solide; il est important pour la CIBC. Nous prêtons des fonds à l'ensemble des divers sous-secteurs partout au Canada. Nous considérons qu'il s'agit d'un secteur d'activité en croissance qui présente d'excellentes occasions.

Nous avons une part du marché très solide et avons consenti environ 6 milliards de dollars aux agriculteurs.

M. Packet : Je répète les mêmes commentaires. Le milieu de l'agriculture est un environnement très concurrentiel. Chacun d'entre nous adorerait avoir plus d'agriculteurs dans ses livres. Nous approchons les 5 milliards de dollars dans le livre de la TD. Il s'agit d'un domaine auquel nous nous attachons continuellement. Évidemment, nous voulons accroître notre part du marché partout au pays.

Janice Holzscherer, vice-présidente et dirigeante nationale de l'agriculture, Secteur bancaire agricole et commercial, Banque Scotia, Association des banquiers canadiens : La dernière, mais non la moindre. Mon père m'a dit qu'il valait toujours mieux y aller en premier ou en dernier.

Pour la Banque Scotia, l'agriculture est extrêmement importante. Il s'agit d'un facteur clé pour toutes les grandes institutions financières. Nous consacrons environ 3,5 milliards de dollars à l'agriculture, mais nous affichons une croissance très rapide. Ce secteur a été désigné comme un marché clé pour nous pour l'avenir.

Une des choses que je dirais au sujet des banquiers spécialisés en agriculture de la Banque Scotia, c'est que nous cherchons réellement à embaucher des personnes qui font vraiment de l'agriculture. J'ai beaucoup d'employés que je dois arracher à leur moissonneuse-batteuse en septembre. C'est très important pour nous. Comme tout le monde ici présent, il est très important que nous ciblions l'agriculture et que nous fassions notre possible pour appuyer l'industrie.

La sénatrice Tardif : Nous avons entendu des témoins affirmer qu'à mesure que la valeur des terres augmente, les investisseurs étrangers, certaines sociétés d'investissement et des institutions financières — comme la Banque Nationale — s'intéressent de plus en plus à l'achat de terres agricoles à des fins d'investissement. Prêtez-vous de l'argent aux investisseurs étrangers? En outre, achetez-vous des terres agricoles à des fins d'investissement dans le cadre de votre portefeuille d'investissement?

M. Worsley : Merci, madame la sénatrice. En tant que banque, nous prêtons de l'argent aux nouveaux Canadiens et agriculteurs provenant d'autres régions du monde. Depuis de nombreuses années, nous travaillons avec des exploitants de fermes laitières de partout au Canada, en particulier ceux qui viennent de l'Europe de l'Ouest. Nous travaillons en étroite collaboration avec les nouveaux agriculteurs canadiens qui arrivent au pays.

Comme vous l'avez mentionné, il y a aussi des investisseurs qui viennent au Canada. Nous travaillons avec les entreprises et nous prêtons de l'argent à tout Canadien qui cherche à acheter des terres agricoles. Si une personne arrive au Canada, obtient la citoyenneté et produit ses déclarations de revenus au Canada, nous travaillons avec elle ou son entreprise pour faciliter l'achat de terres agricoles.

La sénatrice Tardif : Pourrais-je demander à chacun d'entre vous quelle est votre politique relativement aux deux questions que je viens de poser?

Mme Paddock : Nous prêtons de l'argent aux personnes admissibles. Nous ne faisons pas de distinction quant à l'endroit d'où elles viennent ou quant aux motifs de l'emprunteur.

Je ne sais pas quelles sont les statistiques, mais la très grande majorité des terres agricoles que nous finançons servent à des exploitations agricoles. Qu'il s'agisse d'exploitations familiales qui prennent de l'expansion lorsque la jeune génération prend la relève ou de nouvelles personnes qui se lancent dans l'agriculture, dans le cas de la majorité des prêts que nous consentons relativement à des terres agricoles, nous appuyons des agriculteurs qui achètent des terres agricoles.

M. Vervoort : Je vais me faire l'écho des autres commentaires que vous avez entendus. À la Banque de Montréal, nous prêtons de l'argent aux entités canadiennes admissibles, qu'il s'agisse de sociétés familiales, de personnes ou de coopératives. Elles doivent également répondre à nos critères de prêt habituels.

Comme mes deux collègues y ont fait allusion, nous travaillons passablement avec les nouveaux Canadiens qui souhaitent se lancer dans l'agriculture, principalement ceux de l'Europe de l'Ouest, et, encore une fois, dans le secteur laitier.

Comme l'a mentionné Mme Paddock, une grande quantité des prêts que nous consentons dans le secteur agricole et que nous nous attendons à continuer de consentir pour les 5 à 10 prochaines années servent à financer des exploitations agricoles mettant à exécution un plan de relève. Étant donné l'âge moyen des agriculteurs canadiens, nous nous attendons à ce que la planification de la relève soit un énorme facteur au cours de la prochaine décennie, et, bien entendu, cela exige du financement et de la planification. Nous travaillons avec nos clients à l'atteinte de ces buts.

Mme Holzscherer : Merci de poser la question. Je ne pense pas que vous allez entendre quoi que ce soit de différent d'aucune des banques. À la Banque Scotia, nous avons établi une politique selon laquelle nous consentons des prêts aux emprunteurs admissibles, qu'il s'agisse d'immigrants ou d'agriculteurs actuels. La seule chose que je pourrais ajouter, c'est qu'il est tout à fait vrai que la grande majorité de nos prêts sont consentis à des agriculteurs qui travaillent sur des exploitations : des familles qui planifient la relève ou qui ont acheté des exploitations agricoles qu'elles ont exploitées pendant longtemps.

La sénatrice Tardif : Avez-vous quelque chose de différent à ajouter?

M. Packet : Non. Encore une fois, je répéterais les mêmes commentaires.

La sénatrice Tardif : Vous n'avez pas répondu précisément à la question, par contre. Achetez-vous des terres agricoles dans le cadre de votre portefeuille d'investissement?

M. Worsley : Non.

La sénatrice Tardif : Y a-t-il qui que ce soit qui le fasse?

Mme Paddock : Pas à ma connaissance, non.

La sénatrice Tardif : Pas à votre connaissance. Vos banques ne font pas cela pour tirer un rendement du capital investi? Merci.

Le sénateur Oh : J'ai deux questions à poser. Maintenant que les perspectives sont encourageantes sur le marché des terres agricoles et des exportations de produits agricoles à l'étranger, quelle est la proportion de faillites et de prêts irrécouvrables dans ce secteur comparativement à d'autres secteurs d'activité?

M. Vervoort : Je serai heureux de répondre à cette question. Merci, monsieur le sénateur.

Pour ce qui est de ce que nous observons dans le secteur agricole par rapport à notre portefeuille de prêt commercial type, je crois que je parlerais au nom de tout le monde ici présent si je disais que le taux de pertes sur prêts est beaucoup moins élevé dans le secteur agricole que dans tout autre secteur commercial. Je crois que cela témoigne de l'approche prudentielle adoptée par les gestionnaires d'exploitations agricoles. Ce sont des propriétaires-exploitants d'entreprises familiales, alors ils ont tout intérêt à bien faire les choses.

Le sénateur Oh : Est-ce que l'une de vos banques ou associations qui travaillent avec des établissements, des collèges ou des universités aide à préparer les jeunes à se lancer dans l'agriculture? Existe-t-il des programmes permettant de travailler avec les universités?

M. Worsley : Absolument. Pour répéter les commentaires formulés par ma collègue plus tôt ce matin, nous travaillons avec les universités, plus particulièrement les facultés d'agriculture de partout au Canada, afin de recruter des jeunes possédant de l'expérience et une expertise en agriculture au sein de notre effectif de vente.

Nous disposons également de programmes qui aident à encadrer les nouveaux agriculteurs. Par exemple, en Ontario, nous travaillons avec les intervenants du programme Dairy Sense, où nous fournissons des services d'encadrement supplémentaires et des conseils aux jeunes exploitants de fermes laitières, du point de vue des finances et de la planification d'entreprise.

Nous travaillons constamment avec les jeunes agriculteurs afin de les encadrer et de leur fournir de bons conseils financiers.

Mme Paddock : Nous menons des activités semblables. Dans une grande mesure, nous commençons dans les 4-H, c'est-à-dire un programme qui aide à perfectionner les jeunes des milieux ruraux et qui les encourage à rester dans le secteur de l'agriculture. Un problème croissant en agriculture tient au fait que nous devons nous assurer de conserver les talents au sein du secteur. Nous commençons dans les 4-H, puis nous passons par le système universitaire et participons à un certain nombre de cours sur les affaires en tant que chargés de cours invités.

Ensuite, une fois que les personnes qui ont choisi l'agriculture viennent tout juste de se lancer dans ce domaine, notre valeur pour elles se trouve dans les conseils que nous pouvons fournir concernant les bonnes pratiques de gestion, les pratiques exemplaires et certaines analyses comparatives des pairs afin qu'ils puissent voir sur quelles dépenses cibler leur attention et comment générer des recettes supplémentaires.

M. Vervoort : Encore une fois, je vais réitérer les commentaires de Gwen, c'est-à-dire que la Banque de Montréal commence aussi par le programme des 4-H. J'ai grandi dans une collectivité agricole, sur une exploitation agricole, et j'ai participé aux 4-H pendant toute ma jeunesse. C'est un programme très valable.

Compte tenu de l'évolution de la population du Canada rural, il est très important que les jeunes des milieux ruraux restent dans la collectivité et envisagent activement de joindre le secteur agricole à long terme, qu'il s'agisse d'exploiter activement une ferme ou — peut-être — de travailler pour une banque, une entreprise d'approvisionnement en intrants agricoles, une université... Tout ce qui est lié à l'agriculture.

Mme Holzscherer : Je crois que nous participons tous activement à des programmes coop et des activités universitaires et que nous discutons également avec les universités et les collèges au sujet de ce que recherche l'industrie, afin de nous assurer qu'au moment où ils terminent leurs études, les étudiants possèdent les compétences nécessaires pour tirer le meilleur parti d'un diplôme en finances spécialisé en agriculture.

M. Packet : Le programme des 4-H est manifestement important pour nous tous. Il s'agit d'une organisation à laquelle il importe de prendre part. Il importe également que l'on prenne part aux activités des universités et collèges offrant des programmes agricoles, que l'on présente des exposés et que l'on prenne la parole afin de mobiliser les jeunes et de participer. Nous sommes très actifs; c'est certain.

Le sénateur Oh : À quelle banque devrais-je envoyer mon fils? Merci, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je ne pourrai pas être très objectif, car ma conjointe a travaillé plus de 30 ans à la CIBC.

Des témoins nous ont dit que la Banque Nationale au Québec avait acheté des terres agricoles à des fins de placement spéculatif, sans doute parce qu'il s'agissait d'un bon placement pour la banque. Bon nombre de particuliers ont acheté des terres agricoles à titre d'investissement à même leur fonds de retraite. Selon plusieurs agriculteurs qui ont comparu comme témoins devant le comité, il est difficile pour eux d'avoir accès aux sommes d'argent nécessaires pour faire des investissements majeurs.

Je ne sais pas qui pourra répondre à ma question, mais j'aimerais connaître votre seuil de tolérance face aux agriculteurs. Quelles sont vos exigences à leur égard? On sait qu'il y a des exigences particulières pour les entrepreneurs, mais dans le secteur de l'agriculture, on peut s'attendre à tout. Qui aimerait prendre la parole?

[Traduction]

Mme Paddock : Je suis heureuse de répondre à cette question.

Si nous regardons les exigences relatives au financement de terres, nous souhaitons que l'emprunteur verse un acompte relativement à cet achat, et, habituellement, c'est environ 25 p. 100 du coût. Certaines personnes pourraient dire : « Afin de faciliter la tâche à une personne qui souhaite acheter une terre, pourquoi ne faites-vous pas en sorte de lui prêter un plus grand pourcentage de ce coût... jusqu'à 80 ou 85 p. 100? ». Le point de vue est le suivant : l'agriculture est un secteur instable, alors on a besoin d'un coussin afin de survivre aux périodes où les affaires sont au ralenti et établir un avoir propre sur lequel s'appuyer durant ces périodes.

Parfois, même si on pense que cela pourrait aider une personne que de lui accorder un ratio prêt-valeur plus élevé afin qu'elle puisse acheter la propriété, on pourrait lui faire du tort parce qu'on pourrait la mettre dans une situation où son budget est si serré qu'elle ne pourra résister à aucun obstacle en cours de route. À notre avis, les gens doivent verser un acompte; il doit être de 25 p. 100. Ensuite, ils doivent pouvoir générer un revenu suffisant pour rembourser cette dette. Encore une fois, à court terme, ce pourrait être excellent parce que nous consentons un prêt et que le client obtient la terre, mais, à long terme, si nous ne les avons pas préparés à connaître la réussite, cela ne fonctionne pas très bien.

M. Vervoort : Je peux moi-même ajouter une expérience personnelle à ce sujet. J'ai commencé à exploiter une ferme il y a environ quatre ans, et, actuellement, je suis dans une position où je loue encore la terre et où je travaille afin d'amasser un acompte pour l'achat de l'exploitation.

La Banque de Montréal, à l'instar de la Banque Royale du Canada, exige un versement initial de 25 p. 100, et je constate que c'est la nature des choses dans le monde agricole. C'est une industrie à forte intensité de capital qui requiert des investissements, mais il est possible d'en arriver là.

En outre, en ce qui concerne la Banque de Montréal, je dirais que le premier aspect que nous examinons avant de prêter de l'argent à un agriculteur, particulièrement si c'est pour l'achat de terres, c'est la capacité à générer suffisamment de liquidités pour repayer la dette. Nous voulons nous assurer que les gens réussissent, et non qu'ils subissent un échec.

[Français]

Le président : Avant de poursuivre, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à un autre membre du comité, le sénateur Ogilvie. Sénateur Pratte, vous avez la parole.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Dans votre exposé, vous parlez de l'augmentation des prix des terres agricoles et vous mentionnez des facteurs comme les taux d'intérêt constamment bas, les prix élevés des produits de base, la demande croissante à l'égard de terres à proximité des villes, et ainsi de suite.

Vous n'avez pas parlé de la demande émanant de grands investisseurs ou d'investisseurs étrangers, qui a été mentionnée ici par d'autres témoins.

Est-ce parce que vous ne considérez pas qu'il s'agit d'un facteur ou d'un facteur important, ou que vous ne le savez pas?

M. Worsley : Certes, les grands investisseurs ont été des intervenants plus présents au cours des dernières années, puisque les terres agricoles ont été perçues comme un investissement plus attrayant. Le rendement a été très important en ce qui concerne les terres agricoles, tout comme dans le secteur immobilier résidentiel, à l'échelle du Canada.

Ce que nous avons vu ou simplement observé plus récemment, avec le fléchissement possible des prix des produits de base, c'est que certains grands investisseurs se sont montrés moins intéressés à acquérir des terres agricoles supplémentaires. Ils comptent certainement parmi les nombreux intervenants du marché des terres agricoles à l'heure actuelle. Le marché est très différent de ce qu'il était il y a 30 ou 40 ans. Toutefois, nous remarquons que les exploitations familiales continuent d'être des intervenants essentiels dans tout ce contexte. Même si la taille des exploitations continue de s'accroître, il continue à y avoir des exploitations familiales, des fermes familiales multigénérationnelles, qui sont, pour la plupart, selon ce que nous observons, très actives actuellement sur le marché immobilier des terres agricoles.

Donc, il y a des intervenants institutionnels, mais ils ne sont certainement pas aussi solides qu'ils l'étaient il y a quelques années, et les fermes familiales continuent vraiment de jouer un rôle clé sur le marché.

Le sénateur Pratte : Est-il juste de dire, que selon vous, les autres facteurs comme les taux d'intérêt faibles et les prix des produits de base sont des facteurs beaucoup plus importants relativement au prix des terres agricoles que les acheteurs étrangers ou les grands investisseurs?

M. Worsley : Ce sont des éléments importants. L'un des aspects qui sont souvent sous-estimés au sujet de la valeur des terres agricoles au Canada est la rareté, comme sur d'autres marchés immobiliers. Très souvent, les terres ne seront mises en vente que dans certaines collectivités, une ou deux fois par génération, dans le meilleur des cas. Je viens d'un milieu agricole; je comprends parfois la passion qui anime les personnes qui veulent acheter certaines fermes lorsqu'elles sont mises en vente. Il se peut que vous n'ayez qu'une seule chance au cours de votre vie. Il y a donc souvent une importante demande contenue dans les collectivités locales. Les exploitations agricoles, comme nous le savons, s'étendent d'un bout à l'autre du pays. Si les investisseurs voient qu'une bonne parcelle de terre agricole est mise en vente, ils disposent de beaucoup de capitaux. Ils peuvent se l'offrir. Ils feront leur possible pour en faire l'acquisition. Une pénurie de terres agricoles peut parfois être un facteur également.

Le sénateur Pratte : Vous participez tous à la planification de la relève et vous aidez les jeunes agriculteurs à acquérir des terres. Dans quelle mesure l'accroissement des prix des terres au cours des 10 dernières années a-t-il été un obstacle à l'acquisition de terres par la relève agricole?

M. Worsley : Avec l'augmentation des prix, cela constitue un obstacle pour certains jeunes agriculteurs qui souhaitent peut-être étendre la portée de leurs activités. Pour les nouveaux agriculteurs qui entrent sur le marché, cela peut être un défi. Nous avons observé que beaucoup plus de jeunes agriculteurs achètent de petites parcelles de terre et continuent à en louer d'autres, du moins au début, pour accroître leur exploitation agricole. Parfois, il peut s'agir d'une approche plus rentable, selon le secteur dans lequel ils se trouvent. Nous avons constaté que les jeunes agriculteurs, pendant qu'ils accumulent leur avoir propre et qu'ils établissent plus solidement leur entreprise, sont en mesure d'acquérir des terres agricoles supplémentaires. Il ne fait aucun doute que cela représente un défi pour certaines personnes, mais les gens ont travaillé dur et ils ont fait preuve de créativité à l'égard de leurs entreprises pour les établir et pour acquérir graduellement des terres agricoles et accroître leurs activités.

Le sénateur Pratte : Quelqu'un d'autre a-t-il des commentaires à formuler?

Mme Paddock : Je pense que c'est en partie pourquoi nous voyons une augmentation de la taille des exploitations agricoles de manière à ce que les familles puissent faire participer la nouvelle génération. Lorsque vous amenez une autre génération dans le milieu agricole, vous devez, la plupart du temps, augmenter les revenus de cette activité de manière à pouvoir permettre à cette autre famille de vivre.

Lorsque les gens pensent à l'accroissement de la taille des exploitations agricoles, ils s'imaginent qu'il s'agit de fermes constituées en société ou de mégafermes, alors qu'en fait, dans la plupart des cas, il s'agit de fermes multifamiliales ou multigénérationnelles. C'est notre perception de beaucoup de jeunes agriculteurs qui entrent dans la communauté agricole.

La sénatrice Gagné : J'ai été une fière membre des Clubs 4-H. J'ai fabriqué de magnifiques napperons. Mon lit est toujours bien fait et j'ai appris à cuisiner. Malheureusement, la passion n'était pas vraiment là; j'aurais préféré être dans le jardin ou près des poulets, sur la ferme, à m'occuper de ce dont les agriculteurs s'occupent. Mais me voilà. Vous avez fait allusion à l'âge moyen des agriculteurs, mais vous ne l'avez pas précisé.

Quelqu'un peut-il répondre à la question suivante : en quoi cela changera-t-il au cours des 10 prochaines années? De quelle manière cela touchera-t-il votre plan d'affaires en ce qui concerne la demande de crédit dans un marché mondial en plein essor?

M. Chiappara : En 1991, l'âge moyen était d'environ 47 ans. En 2011, il a atteint 54 ans; il y a donc une différence de 7 ans, selon les données de Statistique Canada.

La sénatrice Gagné : Les 10 prochaines années?

M. Chiappara : Les 10 prochaines années? Si seulement je pouvais prévoir cela.

La sénatrice Gagné : Vous n'auriez aucune donnée, parce que je suppose que vous voudriez schématiser le tout.

M. Vervoort : Je vais tenter de répondre à cette question. Nous n'avons pas de boule de cristal qui nous permet d'être certains à 100 p. 100 à ce sujet. L'âge moyen des agriculteurs canadiens a augmenté, probablement parce qu'en 1990, bon nombre de ces gens dans l'industrie étaient âgés d'environ 47 ans; c'est essentiellement la génération du baby-boom qui s'était tournée vers l'agriculture.

Tout le monde doit prendre sa retraite tôt ou tard, et ce que nous observerons au cours des 10 prochaines années, c'est un plus grand nombre de gens de la génération du baby-boom qui vont céder le flambeau à leurs enfants et même, dans certains cas, à leurs petits-enfants au cours des 15 prochaines années. Ces changements vont certainement nécessiter l'achat de terres supplémentaires ou l'accroissement des revenus des activités agricoles, que ce soit par l'acquisition de terres ou par la diversification des cultures ou des produits de base en vue d'accroître le revenu de façon à pourvoir aux besoins des familles supplémentaires qui arrivent dans le milieu agricole.

M. Packet : Je pense qu'il y a eu un certain changement. L'âge des agriculteurs augmente. Nombre de ces agriculteurs à la retraite possèdent encore leurs terres et les louent à la nouvelle génération ou à une famille voisine. Même si les agriculteurs vieillissent, nous constatons qu'ils conservent leurs actifs, et un grand nombre d'agriculteurs à la retraite voient cela comme leur régime de pension. Ils en vivent. Bien souvent, la terre fera partie du patrimoine familial, et ils peuvent continuer d'en être propriétaires ou finir par la vendre. Nous voyons que l'âge des agriculteurs augmente, mais même une fois à la retraite, beaucoup d'entre eux réalisent que l'investissement dans cette terre est assez solide et que le rendement est toujours assez bon; ils continuent d'en être propriétaires, même s'ils prennent leur retraite.

M. Worsley : Selon ce que je vois, on recense beaucoup plus de jeunes agriculteurs canadiens qui sont actifs dans les exploitations agricoles familiales aujourd'hui qu'il y a plusieurs années. Les agriculteurs insistent donc particulièrement sur la planification de la relève tout comme CIBC et mes autres collègues autour de la table le font depuis plusieurs années, et le fait d'insister sur la planification de la relève à l'échelle de l'industrie aide réellement les jeunes agriculteurs à participer aux activités agricoles, à être bien placés pour réussir ainsi qu'à diriger et à prendre leur place en tant que prochaine génération.

L'agriculture au Canada offre un avenir prometteur. De jeunes gens remarquables se tournent vers l'agriculture à l'heure actuelle. Cette semaine, CIBC était un commanditaire du concours des Jeunes agriculteurs d'élite du Canada. La remise des prix nationaux se fait à Niagara Falls cette semaine. C'est incroyable de voir de jeunes agriculteurs canadiens âgés de moins de 40 ans des quatre coins du pays prendre part à cet événement, et ce qu'ils ont accompli avec leur entreprise est extraordinaire.

Ils n'ont pas tous pris la relève d'une exploitation agricole familiale avant de connaître le succès. Certains d'entre eux ont lancé leur propre entreprise; ils se sont littéralement lancés en affaires avec certaines connaissances, mais ils ont réussi à obtenir du succès avec leur exploitation agricole en très peu de temps. Même si vous avez raison lorsque vous dites que de nombreux agriculteurs passeront le flambeau à la nouvelle génération au cours des prochaines années, l'agriculture canadienne est en très bonne posture. Beaucoup de jeunes formidables font leur entrée dans le milieu agricole.

La sénatrice Gagné : J'imagine qu'il y aura une augmentation du nombre de demandes de prêt et d'aide, probablement en raison de ce changement sur le marché où les agriculteurs plus âgés sont remplacés par la relève agricole.

M. Worsley : C'est exact. Ce que nous essayons tous de faire, c'est de nous assurer de collaborer avec la prochaine génération, pas seulement la génération actuelle, et de faire en sorte de comprendre les besoins qui pourraient être assez différents pour la nouvelle génération d'agriculteurs avec qui nous commençons à travailler.

La sénatrice Beyak : Merci de vos excellents exposés. Je viens du nord-ouest de l'Ontario, une vaste région agricole, et j'ai été bien heureuse, mais pas surprise, d'entendre parler de la grande fiabilité des agriculteurs, de l'éthique du travail et des valeurs familiales. J'en suis témoin chaque jour. Vous êtes très près de la communauté, c'est très agréable à entendre. J'avais la même question que la sénatrice Gagné au sujet de l'âge moyen des agriculteurs, soit 54 ans, mais pourriez-vous expliquer davantage ce chiffre? Est-ce parce qu'ils vivent plus longtemps et en meilleure santé? Il semble que dans ma région, les agriculteurs aiment le domaine agricole et y restent, et les nouvelles générations viennent se joindre à eux. Mme Paddock et M. Ciappara pourraient-ils aussi prendre part à la discussion?

Mme Paddock : Pourquoi les agriculteurs ne prennent-ils pas leur retraite? Je pense à mon père, qui n'a connu que l'agriculture et l'élevage; il est donc très difficile d'envisager un changement. Si vous élargissez cela pour l'appliquer à certaines entreprises d'aujourd'hui, il s'agit, dans certains cas, d'entreprises très grandes et complexes. Pour faire la transition, il doit y avoir un successeur si vous voulez que l'entreprise reste dans la famille. Les agriculteurs doivent réfléchir au fait que la transition touche autant les décisions à prendre que les actifs et à la façon de traiter équitablement les membres de la fratrie ou les enfants qui ne sont pas des agriculteurs. Ils doivent être traités de manière pas nécessairement égale, mais équitable. Beaucoup de facteurs entrent en ligne de compte. C'est pour cette raison qu'un certain nombre d'entre nous examinent les ressources que nous fournissons à nos clients du domaine agricole en matière de planification de la relève pour démystifier un peu la situation et éliminer le stress en faisant en sorte qu'un plan bien arrêté permette d'aborder les questions moins techniques, qui sont tout aussi importantes que les questions techniques.

Il est assez facile de transférer des avoirs, mais vous voulez tout de même que l'ambiance soit agréable autour de la table lors du souper de Noël. Cela suppose beaucoup de choses, et nous faisons ce que nous pouvons pour donner des conseils et de l'expertise à nos clients du domaine agricole afin de les aider à gérer cette transition.

M. Ciappara : Je dirais que le secteur agricole est le reflet de la société canadienne. Comme vous pouvez le voir, la société canadienne vieillit, et je pense que la communauté agricole est un reflet de la société canadienne. La communauté agricole vieillit elle aussi, mais je pense que Gwen a mis en valeur des caractéristiques propres aux exploitations agricoles qui contribuent également à ce vieillissement.

Mme Holzscherer : Je pense que ce n'est pas un hasard qu'on retrouve le mot « culture » dans agriculture. C'est un mode de vie, et non une activité commerciale. Elle est au cœur de la vie de l'agriculteur et de toute sa famille. J'aimerais dire que certains des commentaires qui ont été formulés et certaines des questions qui ont été posées au sujet de la valeur élevée des terres agricoles montrent que l'on s'accorde généralement pour dire qu'il s'agit d'une histoire de famille, de quelque chose qui se transmet dans la famille, et qu'il y a une tradition maintenue au cours de longues périodes. Cela renvoie aux propos de Darryl, selon lesquels les terres à vendre sont rares.

Je vis à l'extérieur d'Innerkip, sur une petite exploitation agricole, et si une parcelle de terre est à vendre, cela ne se fait pas par le marché; elle est vendue à quelqu'un de la région parce que les gens attendent de voir cela se produire et d'accroître la taille de leur exploitation. C'est un mode de vie; c'est une famille. Ce n'est pas une situation où vous comptez le nombre de jours qu'il reste avant de toucher votre pension. Les agriculteurs ne le voient pas de cette manière. C'est quelque chose qu'ils feront pour toujours.

M. Packet : Je ferai écho à ces commentaires. Mon grand-père est âgé de 91 ans et il pratique toujours l'agriculture. Certains agriculteurs ne prennent jamais leur retraite, et, manifestement, cela contribue à l'âge des agriculteurs. Dans ces cas-là, vous pouvez voir trois générations exploiter une ferme ensemble.

Le sénateur Ogilvie : Je reconnais que nous mettons l'accent sur la valeur de la terre, et ma question concernera cet aspect. Nous avons beaucoup entendu parler de la tradition de l'agriculture en tant que telle et de la manière dont elle se transmet sur de nombreux plans, par exemple les fermes familiales.

Mais le sol n'est essentiellement qu'un substrat qui sert à tenir le plant pendant que les nutriments sont absorbés dans le sol pour faire croître le plant. Nous savons que d'autres substrats peuvent être utilisés pour produire des plants. Les plants sont cultivés pour produire des produits de base; nous sommes donc dans le domaine des produits de base.

Si nous jetons un coup d'œil à la situation agricole réelle, il y a la question de la technologie. Je vis dans la vallée d'Annapolis en Nouvelle-Écosse où nos sols sont extrêmement productifs, mais où nous avons peu de terres agricoles par rapport au reste du pays. Toutefois, selon moi, la technologie qui existe actuellement a transformé et transforme la manière dont les activités agricoles se font. La question de l'âge des agriculteurs devient vite sans conséquence en ce qui a trait au fait d'avoir de l'équipement qui permettra de gérer automatiquement, à partir d'un ordinateur, des champs de taille considérable ou de petite taille. En ce qui concerne le besoin de rotation de cultures, disons pour les fruiticulteurs, nous voyons des agriculteurs changer un verger au complet tous les deux ou trois ans puisque des produits ayant plus de valeur entrent en jeu.

Vous examinez la question d'un point de vue financier, donc vous adoptez une approche à plus long terme que beaucoup d'autres, mais où voyez-vous que ces types de transformations ont une incidence sur la façon dont se déroulent les activités agricoles? Quels impacts auront-elles sur la valeur de la terre?

Comme dernière remarque, j'ajouterais que, selon moi, la technologie s'adapte rapidement aux conditions climatiques, aux parasites et à d'autres sortes de conditions; le sol sert de substrat, vous n'avez pas à le créer, et il deviendra un bien très précieux à l'avenir. Voyez-vous dans l'industrie se produire des changements technologiques qui auront un impact important sur la valeur des terres et sur ceux qui gèrent réellement les terres?

M. Vervoort : Nous observons définitivement certaines de ces tendances, et certains des commentaires que vous avez formulés sont tout à fait justes en ce qui a trait au fait que l'agriculture est une composante du secteur des produits de base. Avec la population mondiale qui s'accroît toujours rapidement, les gens ont besoin de plus de nourriture. Si on veut nourrir la planète, la technologie et les progrès continus sont encore nécessaires. Nous avons observé des avancées exceptionnelles, particulièrement dans les domaines de la phytotechnie et de l'équipement, depuis les 30 dernières années.

Lorsque j'ai commencé à travailler dans le secteur agricole après avoir obtenu mon diplôme universitaire, je me rappelle ce qu'était le rendement de culture moyen dans les exploitations agricoles de taille moyenne du sud-ouest de l'Ontario à cette époque. Depuis, le rendement moyen a augmenté annuellement à un point tel que, au cours des 10 dernières années, la moyenne du rendement agricole générale a sûrement monté de 10 p. 100. La rentabilité et les recettes accrues de ces cultures ont essentiellement fait monter le prix des terres.

Au bout du compte, nous pouvons attribuer une partie de cette augmentation de la valeur des terres aux avancées technologiques, particulièrement au cours des 10 dernières années.

[Français]

Le président : Avant de continuer, si vous me le permettez, j'aurais une question à poser.

Je vous rappelle que nos débats sont télévisés. Nous avons reçu beaucoup de témoins, de jeunes agriculteurs et des associations de jeunes agriculteurs, qui ont mis en cause les services spéculatifs des banques. Pourriez-vous me dire aujourd'hui, à la face de ces jeunes agriculteurs du Canada, que, directement ou indirectement, par vos services spéculatifs de fonds, vous ne faites pas augmenter indûment le prix des terres?

[Traduction]

M. Ciappara : Monsieur sénateur, faites-vous référence aux investissements directs dans les terres agricoles?

[Français]

Le président : Je parle de vos investissements directs ou indirects; indirectement, par vos fonds de placement, par exemple. Ce n'est pas nécessairement vous qui prenez les décisions, mais vous investissez des sommes d'argent dans des fonds de placement, ce qui a pour effet de faire augmenter le prix des terres. Souvent, les fiduciaires louent ces terres; ils ne les mettent pas en vente et les jeunes agriculteurs ne peuvent donc pas les acheter. Or, lorsque ces terres sont mises sur le marché, elles ont un prix de vente trois, quatre ou cinq fois trop élevé, ce qui fait que les jeunes agriculteurs ne peuvent pas prendre de l'expansion.

Si ce n'est pas vous qui le faites, essayez de trouver le coupable, parce qu'il y en a un quelque part dans le monde. Pour les jeunes agriculteurs, ce problème s'inscrit parmi leurs principaux défis. Je ne parle pas des gentilshommes cultivateurs ou des agriculteurs du dimanche, mais je parle des jeunes de 30 ou 35 ans qui vivent de leur production agricole, qui veulent faire grossir leur entreprise et qui sont incapables d'acheter les terres avoisinantes qui sont à vendre, parce que le prix spéculatif de ces terres est beaucoup trop élevé.

[Traduction]

Mme Paddock : Je vais essayer de répondre à la question. À ma connaissance, la Banque Royale n'investit pas dans les terres agricoles.

Lorsque vous parlez de la relève agricole qui est capable d'avoir accès à des terres agricoles, je pense à une exploitation agricole qui vient tout juste d'être vendue à côté de chez mes parents, et l'exploitation agricole a été vendue pour un prix que je considère au-delà du prix du marché...

[Français]

Le président : Excusez-moi; je n'ai pas dit que les banques investissaient dans les terres agricoles. J'ai dit que l'argent des banques, placé dans différentes fiducies qui achètent des terres agricoles pour faire de la spéculation, empêche les jeunes de faire croître leur entreprise sur leurs terres.

Je voudrais savoir si c'est bien le cas ou si c'est de la fabulation que les gens sont venus nous raconter ici.

[Traduction]

Mme Paddock : Je n'ai pas connaissance que l'on ait investi des fonds fiduciaires dans l'achat de terres agricoles.

Le sénateur Mercer : C'est un point de vue intéressant au sujet duquel nous n'obtiendrons aucune réponse. Vous m'avez déconcerté, et je soupçonne que vous avez déconcerté certains membres du public qui sont à l'écoute. Vous avez dit entre autres que l'agriculture est non pas une activité commerciale, mais un mode de vie. Si je comprends bien, c'est la première fois que les banques prêtent de l'argent pour maintenir un mode de vie plutôt que pour exploiter une entreprise ou à une personne qui possède une entreprise qui lui permet de rembourser ces prêts.

Nous savons que l'agriculture est un mode de vie, mais c'est aussi une activité commerciale, et c'est quelque chose de sérieux pour les gens qui font partie du secteur.

Deux problèmes majeurs ont été soulevés au moment de discuter du sujet particulier qu'est la disponibilité des terres. Il s'agit du conflit et de l'opposition entre les intérêts des régions urbaines et ceux des régions rurales. Nul besoin d'aller bien loin du bâtiment où nous nous trouvons ou de n'importe lequel de vos bureaux à Toronto pour constater l'existence de ce conflit; il suffit d'aller là où l'expansion urbaine se termine et les exploitations agricoles commencent. Mais ces exploitations agricoles en bordure de la ville ont énormément de valeur, et il est très tentant pour certains de retirer les terrains aux fermes et à l'agriculture et d'en faire des biens immobiliers.

Nous sommes tous impressionnés par le fait que les banques ont toutes embauché des gens ayant des connaissances en agriculture pour gérer leurs dossiers agricoles. Cela est parfaitement logique et c'est avantageux. Mais on se retrouve face à un conflit. Si je possédais une parcelle de terre, disons, au nord de Toronto et que je fais de l'exploitation agricole sur cette terre, et qu'à côté de ma terre se trouve le tout dernier lotissement résidentiel, je subis maintenant de la pression à mesure que ce lotissement résidentiel est construit et vendu et que des gens y emménagent. Ma terre a maintenant plus de valeur parce qu'elle est près d'un grand centre urbain.

Si j'étais actionnaire d'une banque, j'imagine que je voudrais que la banque fasse autant d'argent que possible de façon à ce que je puisse en profiter en tant qu'actionnaire. Comment justifier le fait de dire à l'agriculteur que vous allez lui prêter de l'argent pour qu'il continue à faire de l'exploitation agricole — parce qu'il a besoin de nouvelles machines, de nouvel équipement ou d'une nouvelle terre — alors que la valeur de cette terre est beaucoup plus élevée si elle ne sert pas à l'agriculture et qu'elle est vendue dans le but que des maisons y soient construites? Comment pouvez-vous justifier cela auprès de l'actionnaire?

M. Ciappara : Je pense que cela renvoie ce que nous avons mentionné dans nos déclarations liminaires au sujet de la relation de la banque avec le particulier et l'agriculteur. Cela dépend de la ferme en soi et de l'ordre de priorité. C'est vraiment du cas par cas, je crois, et il appartient à l'agriculteur de prendre la décision. Nous allons lui offrir les outils et les conseils nécessaires pour l'aider à prendre cette décision, mais je pense qu'en fin de compte, la décision appartient à l'agriculteur.

Le sénateur Mercer : Il ne faut pas être un génie pour comprendre que si j'ai quelques centaines d'acres de terre à côté de la ville de Toronto ou de la région de Peel ou de Durham, je peux faire beaucoup plus d'argent en vendant les terres pour des projets immobiliers que je ne pourrai jamais en faire en cultivant quoi que ce soit sur la terre. D'un point de vue financier, il est parfaitement logique de vendre les terres.

Je ne vois pas les banques dire aux agriculteurs : « Nous voulons que vous restiez dans le domaine de l'agriculture. Nous voulons établir cette relation à long terme avec vous. » Le seul cas où cela est avantageux pour l'agriculteur, c'est si la banque dit : « Acceptez l'offre pour cette terre, mais achetez-en d'autres plus au nord pour pratiquer l'agriculture. » Cela fait-il partie des portefeuilles que vous gérez? Si vous avez l'intention de vendre votre terre à des fins d'aménagement urbain, il faut acheter plus de terres en vue du développement agricole plus au nord.

M. Worsley : C'est une bonne question, monsieur le sénateur. Je pense que nous avons observé, dans les principaux centres urbains et aux alentours, qu'il y a certainement de la demande pour des terres destinées à des logements et à des résidences. Souvent, cela peut donner lieu à une décision difficile à prendre parce que l'exploitation agricole peut appartenir à la famille depuis de nombreuses générations, mais il arrive un moment où l'utilisation locale des terres, ce sur quoi les banques n'ont aucune influence ni aucun contrôle, peut changer.

Pour revenir à ce que vous disiez, il peut y avoir des conséquences sur le zonage, et les agriculteurs pourraient, selon le rendement qu'ils peuvent tirer de leurs terres agricoles, prendre la décision commerciale de vendre la propriété agricole à proximité d'un centre urbain et de déménager dans une autre région de la province. J'ai vu des gens se rendre dans une autre province où les possibilités commerciales étaient les mêmes pour eux et, dans certains cas, où de meilleures possibilités leur ont permis de faire croître leur exploitation agricole et de prendre de l'expansion.

Je pense que nous avons tous été témoins de situations de la sorte, où les agriculteurs ont subi des pressions en raison du développement urbain et ont délocalisé leurs activités et réussi à les faire croître.

Le sénateur Mercer : Le problème tient au fait qu'en 2050, nous serons 9,5 milliards de personnes sur la planète. Si nous continuons de retirer des terres à l'agriculture pour construire des immeubles de grande hauteur ou des maisons unifamiliales, nous n'arriverons pas à nourrir ces 9,5 milliards de personnes. S'il y a beaucoup de gens affamés dans le monde, il y a beaucoup de gens en colère dans le monde, et notre incapacité à nourrir les gens entraînera des troubles sociaux. C'est un problème sérieux qui doit être abordé.

Un autre problème très grave à cet égard touche la difficulté de planifier la relève pour un agriculteur qui a travaillé sur ses terres toute sa vie. Quelqu'un ici a dit que son grand-père travaillait toujours sur sa terre alors qu'il a dans les 90 ans. Comment peut-il planifier la relève si sa famille et lui-même ne peuvent transférer les terres et qu'il ne peut conserver un revenu pour sa propre petite cellule familiale alors qu'il vieillit? Quels conseils allez-vous donner à la communauté agricole à cet égard? C'est une immense décision à prendre.

Nous continuons de parler de l'âge des agriculteurs. Je pense que quelqu'un a dit que l'âge moyen est de 54 ans, cela signifie donc que beaucoup de gens sont âgés de plus de 54 ans et qu'ils s'approchent de la retraite. La seule façon pour eux de s'assurer d'avoir un revenu de retraite stable est de vendre l'exploitation agricole et de ne pas demander à leurs enfants de prendre la relève agricole. De quelle manière pouvez-vous les aider à cet égard?

M. Worsley : Dans de nombreux cas, nous voyons que des membres de la famille veulent continuer à vivre sur la ferme ou à prendre part aux activités agricoles, mais qu'ils peuvent décider plutôt de conserver une participation minoritaire dans l'entreprise, dans le but de transférer une grande partie de l'entreprise aux jeunes membres de la famille pour leur permettre de prendre la relève progressivement. Nous avons vu de nombreux cas où l'agriculture représente toute la vie d'une personne; elle veut rester dans le domaine dans une certaine mesure, mais elle travaille en vue de transférer l'entreprise à la nouvelle génération pour ensuite peut-être prendre du recul et assumer un rôle moins important, si vous le voulez, dans les activités quotidiennes de l'exploitation agricole.

Le sénateur Mercer : Devrions-nous conseiller à ces agriculteurs de ne pas devenir ce que nous appelons une « ferme familiale conventionnelle », mais plutôt de se constituer en personne morale afin qu'ils puissent participer aux bénéfices continus de l'exploitation agricole?

M. Worsley : Nous voyons de plus en plus de propriétaires d'exploitations agricoles canadiens se constituer en personne morale. Il s'agit d'une décision individuelle prise par l'exploitation agricole. Nous voyons de plus en plus de sociétés par actions.

Le sénateur Mercer : Le fait de se constituer en personne morale présente-t-il un quelconque avantage fiscal?

M. Worsley : Encore une fois, cela dépend de l'agriculteur lui-même. Il peut y avoir des avantages dans certains cas.

[Français]

Le président : Mesdames et messieurs, merci infiniment d'être venus témoigner devant notre comité aujourd'hui. Votre témoignage sera très utile aux membres du comité, surtout pour la rédaction de notre rapport. La relève agricole sera un enjeu prédominant au Canada pendant les 15 prochaines années, et ce sont les jeunes qui doivent prendre la relève. Il faut toujours faire la différence entre une petite ferme familiale et les grandes exploitations qui sont gérées par des entreprises. Comme le dit le vieux proverbe : « La terre appartient à celui qui la cultive. »

Sur ce, je vous remercie et vous souhaite un bon retour.

(La séance est levée.)

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