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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 25 - Témoignages du 7 mars 2017


OTTAWA, le mardi 7 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 14, pour poursuivre son étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole, puis à huis clos pour étudier un projet d'ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, tout le monde. Je constate que nous avons le quorum. Je déclare que la séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle le sénateur Ghislain Maltais, du Québec, président du comité.

Je voudrais commencer par demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Merchant : La sénatrice Pana Merchant, de la province de la Saskatchewan.

La sénatrice Bernard : La sénatrice Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Gagné : La sénatrice Gagné, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Aujourd'hui, nous accueillons par vidéoconférence M. Tony Mahar, de la Fédération nationale des agriculteurs (Australie). Bienvenue au comité. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître.

J'inviterai maintenant le témoin à présenter son exposé. Monsieur Mahar, veuillez prendre la parole.

Tony Mahar, chef de la direction, Fédération nationale des agriculteurs (Australie) : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité, et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous ce matin. J'aurais aimé pouvoir me présenter en personne. Je ne suis jamais allé au Canada, alors j'ai hâte de m'y rendre un jour. C'est un si beau pays et un grand producteur agricole. Merci de l'occasion.

Je ferai une courte déclaration préliminaire concernant notre organisation et l'agriculture en Australie, puis je serai très heureux de répondre à certaines questions. Je vais décrire la politique de notre organisation en ce qui concerne l'investissement étranger dans l'agriculture.

Pour commencer, la Fédération nationale des agriculteurs est le grand organisme représentant les agriculteurs de l'Australie. Nous sommes dotés d'une structure fédérée dont des groupes agricoles d'État sont membres, de même que des conseils de denrées. Alors, toutes les denrées majeures, comme les céréales, la viande rouge, la laine, les produits laitiers, le riz, l'horticulture — dans une moindre mesure —, le coton... Toutes les denrées majeures que produisent les agriculteurs australiens ont leur propre conseil de denrées, et nous avons également établi des groupes agricoles d'État ou provinciaux qui sont membres de la Fédération nationale des agriculteurs, dont je suis le chef de la direction.

Nous faisons la promotion de politiques qui influent sur les agriculteurs australiens, donc qui englobent tout, depuis les enjeux stratégiques ruraux, comme la sécheresse, les transports et les infrastructures, jusqu'aux politiques relatives à la concurrence, en passant par les politiques concernant le commerce, les relations industrielles et la gestion des ressources naturelles et les politiques environnementales. L'un des enjeux importants dont nous défendons la cause et à l'égard duquel on fait régulièrement appel à nous afin que nous en parlions à notre gouvernement et à d'autres intervenants, c'est celle de l'investissement étranger dans l'agriculture australienne. Il s'agit d'un sujet constant qui fait régulièrement l'objet de discussions publiques, qui est régulièrement abordé au Parlement australien et à l'égard duquel nous avons élaboré une politique claire aux fins de nos activités internes, et nous nous en inspirons régulièrement.

Je vous présenterai un aperçu rapide de cette politique, et je suis également heureux d'envoyer au comité une copie de notre politique d'investissement étranger dans les terres agricoles, si vous pensez que cela en vaut la peine. Vous pourriez également y accéder sur notre site web, au nff.org.au.

Essentiellement, la politique qu'adopte la Fédération nationale des agriculteurs en ce qui a trait à l'agriculture australienne, c'est que nous reconnaissons le rôle important que jouent les investissements étrangers dans l'agriculture du pays du point de vue de la mise en valeur du secteur, des investissements dans le secteur et de la croissance de l'industrie. Nous reconnaissons également qu'ils ont permis d'injecter des quantités importantes de capitaux dans nos systèmes de production, d'améliorer notre efficience et de nous assurer que nos agriculteurs peuvent contribuer à un marché concurrentiel à l'échelle mondiale.

Sans égard à cela, au cours des dernières années — je suppose —, nous avons pris conscience du degré d'intérêt que l'agriculture australienne suscite de plus en plus auprès d'un éventail de pays. Nous avons obtenu des investissements d'un vaste éventail de pays, en Australie, au cours des dernières décennies.

Selon notre politique, essentiellement, même si nous accueillons favorablement l'investissement étranger et qu'il est bon pour l'agriculture australienne, nous pensons qu'il continuera de jouer un rôle important dans la croissance à venir de l'industrie agricole australienne. Nous devons nous assurer de nous tenir au courant du taux d'investissement, de l'incidence qu'il a, afin que nous puissions obtenir une certaine transparence à cet égard, et savoir où il a la plus grande incidence, d'un point de vue régional et sectoriel. Nous voulons faire la distinction entre la politique relative à la concurrence et la politique sur l'investissement étranger, car, dans le débat australien, ces deux enjeux sont parfois interreliés, pas nécessairement mélangés, mais abordés dans le cadre d'une même discussion. Alors, il est important de faire la distinction entre la politique relative à la concurrence et la politique sur l'investissement étranger, de notre point de vue.

Nous pensons qu'il doit y avoir une plus grande certitude et une plus grande transparence relativement aux décisions d'achat et d'investissement. Alors, encore une fois, du point de vue d'un fournisseur, mais aussi du point de vue d'un investisseur, la transparence et la certitude relativement au processus et aux exigences entraîneront deux résultats. Elles aideront à tenir compte de certaines des préoccupations du public concernant l'investissement dans l'industrie agricole australienne, et elles donneront à tout investisseur potentiel un peu plus de certitude relativement aux questions sur lesquelles il doit se pencher, qu'il doit prendre en considération et respecter et auxquelles il doit se conformer.

Nous pensons également que le Foreign Investment Review Board, ainsi que tout autre organisme qui s'y rattache, a un rôle constant à jouer en Australie, afin de s'assurer qu'un processus de surveillance est établi pour l'investissement.

Si un investissement était effectué et qu'il était étranger ou provenait de l'étranger, nous devrions nous assurer qu'il est conforme au plan d'affaires ou à son objectif, et ce, de façon continue, afin que, si l'investissement étranger était approuvé, un certain type de processus permettrait de s'assurer que l'investissement donne les résultats qu'il était censé donner en ce qui a trait à l'eau, aux terres ou à l'entreprise en tant que telle, qu'il contribue à la croissance, à la productivité et à la rentabilité du secteur agricole australien dans son ensemble, et qu'il n'a pas un impact défavorable sur le goulot de la chaîne d'approvisionnement, qu'il s'agisse des ports, des chemins de fer ou de parties de la chaîne d'approvisionnement où la production ou les activités sont à l'étroit. Ces goulots sont ce que nous appelons les goulots répartis sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, et nous ne voulons pas que ces investissements aient des conséquences néfastes sur eux, sur la politique relative à la concurrence ou sur toute autre disposition législative.

De façon générale, nous voulons que les investissements étrangers soient plus transparents. Nous voulons qu'ils soient conformes à toutes les dispositions législatives et réglementaires et aux lois de l'économie, du gouvernement et des collectivités de l'Australie, et nous voulons que l'investissement ait des répercussions positives sur les collectivités et sur l'économie.

Voilà qui résume probablement notre position concernant l'investissement étranger. Nous sommes ouverts à cela. Nous voulons être certains, et nous pensons que l'investissement peut continuer d'être bon pour l'agriculture en Australie, mais nous sommes bien conscients de préoccupations, pas nécessairement limitées au milieu agricole, mais au sein de la vaste collectivité de l'Australie, relativement aux problèmes liés au fait de « brader la ferme », comme nous nous plaisons à appeler cela, ici. Ce n'est pas bien perçu. Nous devons comprendre quel résultat va donner l'investissement, du point de vue de la vaste collectivité australienne, mais aussi du secteur agricole d'ici.

Nous pensons que le registre mis en œuvre par le gouvernement au cours des deux ou trois dernières années contribue en partie à la fourniture de données probantes concernant le taux d'investissements étrangers qui sont effectués dans le milieu agricole de l'Australie. Nous n'avions jamais eu de registre, ici, auparavant. Les gouvernements successifs se sont engagés à cet égard, et il a été mis en œuvre à la fin de l'an dernier.

Alors, il s'agit d'un point de départ pour aider à tenir la discussion en Australie. Comme je l'ai dit, il s'agit d'une discussion que nous tenons régulièrement. Les données et les données probantes qui aideront à éclairer le débat ont été très bien accueillies par nous et par la collectivité.

Ainsi, je suis heureux de m'arrêter là pour ma déclaration préliminaire et de répondre à toutes vos questions, mesdames et messieurs les sénateurs.

Le président : Merci, monsieur Mahar.

Pour la première intervention de la période de questions, notre vice-président sera le premier à prendre la parole.

Le sénateur Mercer : Bienvenue. C'est très gentil de vous joindre à nous.

Le prix des terres agricoles a-t-il augmenté en raison des investissements faits par des étrangers dans l'agriculture? Cela a-t-il été un résultat de leur participation?

M. Mahar : Cela dépend où l'investissement est fait. Comme le Canada, l'Australie est un grand pays. Nous avons deux ou trois propriétés plus d'actualité ou emblématiques qui ont été mises en vente. Kidman Station en est une que vous pourriez bien connaître : c'est la plus grande série de propriétés en Australie. Elle a été vendue l'an dernier pour environ 380 millions de dollars australiens. Il s'agit de 10 millions d'hectares, alors c'est une grande propriété... Environ 1 p. 100 de la masse terrestre de l'Australie.

Cette propriété est emblématique et n'est probablement pas comparable à quoi que ce soit, alors votre question visant à savoir si les investissements ont influé sur le prix des terres en Australie... Je pense que la réponse à cette question serait « oui », mais cela dépend du lieu de l'investissement. Cette propriété est peu susceptible d'être comparable à tout autre endroit au pays. En ce moment, une propriété qui est à vendre est une terre agricole très productive, et il s'agit de 18 exploitations s'étendant sur environ 200 000 hectares. Le prix demandé s'élève approximativement à 300 millions de dollars australiens. Il s'agit d'une propriété très emblématique. Je dirais qu'il s'agit d'une référence en matière de propriété dans ces régions.

Cela dépend également des conditions saisonnières et de la mesure dans laquelle le prix des propriétés est supérieur à la norme ou au prix standard.

Le sénateur Mercer : Alors, les gens achètent-ils les propriétés afin d'y cultiver la terre eux-mêmes, ou bien les achètent-ils dans le but de les louer à d'autres agriculteurs, qui les utiliseront à leurs propres fins?

M. Mahar : De façon générale, ils s'intéressent aux exploitations agricoles en tant qu'entreprises permanentes et continuent de les exploiter en tant qu'entreprises agricoles.

Le sénateur Mercer : Mais, les exploitent-ils, ou bien embauchent-ils des gens pour les exploiter et le font-ils à distance?

M. Mahar : En général, ils veulent que l'actif soit géré par des exploitants expérimentés. C'est au cas par cas, mais, selon mon expérience, ils emploient des gestionnaires locaux ou retiennent leurs services pour qu'ils gèrent la propriété et injectent d'autres ressources ou de l'expertise, au besoin.

Le sénateur Mercer : Alors, la seule chose qu'ils en retirent, c'est le profit? Ne gèrent-ils pas la denrée?

M. Mahar : Encore une fois, cela dépend du type d'envergure dont il est question. Les investisseurs regardent le profit, manifestement, mais aussi... Il y a eu des cas où ils se sont intéressés au produit. Il y a ici une entreprise d'investissement étrangère du Qatar, Hassad Food. Il s'agit d'une entreprise d'investissement étrangère appartenant à l'État très fructueuse qui a acheté une propriété en Australie. Non seulement elle l'exploite en tant qu'entreprise rentable, mais elle s'intéresse aussi à l'approvisionnement de viande rouge vers son pays, alors cela fonctionne très bien pour elle. Elle réalise les profits, mais elle obtient aussi le produit.

Le sénateur Mercer : Les deux propriétés que vous avez mentionnées étaient exceptionnellement grandes. Quelle serait la taille moyenne d'une exploitation agricole en Australie?

M. Mahar : C'est vraiment difficile à dire. Ce sont de propriétés extraordinaires. Je dirais qu'il pourrait s'agir de 10 000 hectares, mais cela dépend du secteur dont il est question. Ceux qui sont plus intensifs, comme celui des produits laitiers, du poulet et de l'horticulture, ont des superficies bien inférieures à cela, mais les exploitations à grande échelle de cultures céréalières et les grandes productions de têtes de bétail ou de moutons pourraient s'étendre sur des superficies de 5 000 à 10 000 hectares.

Le sénateur Tkachuk : Simplement pour revenir sur les questions posées par le sénateur Mercer, qui sont les gens qui achètent les exploitations agricoles? S'agit-il d'entreprises publiques appartenant à l'État? Et d'où viennent-elles? Ou bien s'agit-il de sociétés privées? Et d'où viennent-elles?

M. Mahar : La réponse courte à cette question, c'est qu'il s'agit d'un mélange. Il y a des entreprises publiques, comme Hassad Foods. Certaines sont des sociétés ou des semi-sociétés... des coentreprises qui sont peut-être appuyées en partie par le gouvernement. D'autres sont des sociétés de pension de retraite. Celles du Canada sont des investisseurs dans l'agriculture australienne. Il y en a qui viennent d'autres pays.

La partie intéressante pour nous, tout récemment, a été l'idée que des entreprises publiques chinoises achètent de vastes étendues d'exploitations ou de terres agricoles australiennes. C'est préoccupant, et la préoccupation tient à l'ambiguïté et à l'incertitude quant au fait que c'est le gouvernement chinois qui achète les terres, une entreprise qui est appuyée par le gouvernement chinois, une coentreprise, une coopérative ou simplement une entité commerciale qui pourrait être située en Asie ou en Chine.

Cette idée a alimenté une grande partie du débat, ici, et voilà à quoi je faisais allusion quand j'ai parlé de plus de transparence en ce qui concerne non seulement l'entité qui achète les terres ou les exploitations, mais ses intentions par rapport aux terres.

Il y a ici de grandes propriétés. Le plus grand réservoir d'eau de l'Australie était Cubbie Station, il y a quelques années. Cette propriété était un producteur de coton — du coton irrigué — extrêmement important, et elle a été sur le marché pendant un bon moment. Très peu d'Australiens s'intéressaient à l'achat de cette propriété. Encore une fois, il s'agissait d'une propriété emblématique extrêmement grande. Elle a été sur le marché pendant deux ou trois ans, puis elle a suscité l'intérêt d'investisseurs chinois, et on a beaucoup débattu et discuté au sujet des raisons pour lesquelles elle serait ou pourrait être vendue à des investisseurs chinois.

Il s'est avéré qu'il s'agissait d'une coentreprise entre une société agricole familiale australienne et des investisseurs chinois, et, de façon générale, le gouvernement interne et le public étaient énormément préoccupés par cet achat. Depuis cette époque, je crois savoir que cette propriété et cette région ont profité grandement de cet investissement et que tout va extrêmement bien à cet égard.

Cela illustre simplement le fait qu'il y a beaucoup de préoccupations à l'égard de l'investissement chinois dans ce cas-là, de l'effet qu'il aura sur la propriété, sur la région et sur la collectivité. Je crois savoir que les choses vont extrêmement bien. Encore une fois, il s'agit probablement d'une propriété et d'un investissement d'acquisition extraordinaires, car la propriété est très grande et qu'une très grande quantité d'eau s'y rattache. Comme vous le savez, l'eau est une denrée précieuse, ici, en Australie, et l'achat a été préoccupant pour certaines personnes de l'industrie, mais il se déroule très bien.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci pour votre présentation, monsieur Mahar. J'aimerais aborder la question des producteurs agricoles locaux. Comme tout bon entrepreneur, les producteurs espèrent aussi réaliser des profits. Pouvez-vous nous parler brièvement des structures locales en Australie qui encadrent les producteurs australiens? Y a-t-il des organismes qui gèrent la production, la vente des produits et l'exportation de vos produits?

[Traduction]

M. Mahar : L'agriculture australienne est en grande partie déréglementée. Il y a deux ou trois décennies, nous avons suivi un processus dans le cadre duquel nous avons établi des ententes de marketing à guichet unique pour des secteurs comme ceux de la laine, du blé et des produits laitiers. Nous avons déréglementé cette industrie en grande partie. Il y a encore une certaine réglementation subtile dans l'industrie du riz ainsi que — en ce moment, c'est très d'actualité — dans l'industrie du sucre, mais le secteur a été déréglementé en grande partie.

Alors, pour ce qui est des organismes de marketing, auparavant, nous avions l'Australian Wheat Board, qui était le seul distributeur de blé australien, et cet organisme a été rendu obsolète il y a au moins une décennie, probablement plus.

En ce qui concerne les organismes de production ou de marketing, notre marché est très libéral et ouvert. Je remarque un peu, au sujet du marché canadien, où des accords de gestion de la chaîne d'approvisionnement ou de l'offre sont conclus pour les industries des produits laitiers, du poulet et des œufs, si je ne me trompe pas... Nous n'avons rien de tel, ici, en Australie. C'est très axé sur le marché, et il s'agit d'un marché ouvert.

Ce que nous avons, ce sont des sociétés de recherche, de développement et de marketing pour les secteurs, donc Meat & Livestock Australia et Dairy Australia doivent utiliser ces secteurs. Elles ont ce que nous appelons des sociétés de recherche et de développement qui effectuent de la recherche et du développement au nom de l'industrie. Les agriculteurs versent une redevance qui est destinée à la recherche et au développement dans les nouvelles technologies et les nouveaux processus et pratiques, et il y a aussi une redevance de marketing que paient les agriculteurs afin de contribuer à la mise en marché du produit, mais c'est lié à la stimulation de la consommation, pas à l'établissement de prix ou à la gestion des approvisionnements de cette manière.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez mentionné que vous n'avez pas de système de gestion de l'offre comme celui du Canada. Vous savez en quoi consiste cette gestion de l'offre. Avez-vous un système semblable en Australie qui protège notamment vos producteurs laitiers en leur assurant un revenu garanti?

[Traduction]

M. Mahar : Nous n'en avons pas. Nous regardons le système canadien, et je dirais que cet arrangement pourrait plaire à certains agriculteurs, en Australie. En général, il ne nous plaît pas parce qu'il s'agit d'une intervention sur le marché, de notre point de vue. Je comprends son fonctionnement et la raison pour laquelle il peut fonctionner, mais l'Australie a adopté la position selon laquelle nous devons déréglementer le secteur de l'agriculture et être très axés sur le marché. Ce processus a été douloureux pour l'industrie, mais nous osons croire que nous sommes plus efficients, plus connectés et plus axés sur le marché en conséquence de ce processus. Certains intervenants de l'industrie voudraient revenir à cette époque, cela ne fait aucun doute, mais, de façon générale, l'industrie considère la déréglementation comme une expérience positive.

La sénatrice Merchant : Le trésor australien a publié en 2015 un document de travail qui avait conclu que, même si les prix de l'immobilier résidentiel augmentaient, la croissance n'était pas attribuable à l'augmentation de la demande étrangère.

À votre avis, un argument semblable pourrait-il être formulé au sujet des terres agricoles, et pourquoi?

M. Mahar : Oui, je le pense. Je pense que c'est vrai. Selon moi, la géographie de l'Australie est telle que, sur le grand nombre de petites exploitations dans le pays — nous comptons environ 130 000 entreprises agricoles —, et compte tenu de la répartition géographique et de la nature des entreprises agricoles de l'Australie, la plupart sont de petits exploitants familiaux. Davantage de regroupements se produisent, et cette situation perdure depuis deux ou trois décennies. Je dirais que les conditions saisonnières et la répartition géographique ont limité l'influence ou l'incidence des investissements étrangers pour ce qui est de faire augmenter les prix. Cela ne veut pas dire qu'un achat ou qu'un investissement particulier n'a pas d'incidence dans une région, mais ce n'est pas nécessairement le seul facteur qui influe sur le prix des terres dans le secteur agricole.

La sénatrice Merchant : Pouvez-vous nous dire si les jeunes agriculteurs ont de la difficulté à être concurrentiels en Australie en raison du prix des terres? Cela fait partie des problèmes que nous avons, ici. Avez-vous des jeunes qui s'intéressent à l'agriculture? Veuillez nous présenter une peu le paysage de l'Australie.

M. Mahar : Bien sûr. Écoutez, nous n'avons pas suffisamment de jeunes qui s'intéressent à l'agriculture. Je dois dire qu'il s'agit de l'un de nos problèmes : attirer des gens vers l'industrie. De façon générale, il s'agit d'un travail dur et rude. Il est difficile de l'entreprendre, et l'instabilité des rendements et des profits au chapitre du revenu est quelque chose qu'il faut vraiment prendre en considération si on est un jeune qui entre dans l'industrie. Il existe probablement des tas d'autres domaines d'emploi dans lesquels on peut aller pour obtenir une source de revenus fiable. L'industrie minière a pris beaucoup de jeunes au cours de la dernière décennie, plus ou moins. À mesure que cette industrie commencera à décliner ou à redescendre de son sommet, nous pensons que davantage de gens viendront dans le domaine de l'agriculture.

L'entrée dans ce domaine coûte cher. Vous avez mentionné — madame la sénatrice — le marché du logement. Les jeunes doivent payer très cher pour accéder au marché du logement. Il est probablement plus difficile d'accéder au marché agricole, car, pour que votre entreprise soit viable, vous avez besoin d'une parcelle de terrain assez grande. Les risques associés à cette entreprise peuvent être élevés, selon le secteur dans lequel vous entrez. Encore une fois, les coûts de démarrage sont élevés, alors il est difficile d'attirer de nouvelles personnes vers l'industrie.

Les investissements étrangers jouent-ils un rôle clé à cet égard? Je ne sais pas. Je pense que c'est difficile, de toute façon. Selon moi, les investissements étrangers sont probablement un facteur contributif, mais je ne pense pas qu'il s'agisse du seul à inciter les gens à se lancer dans l'entreprise.

Nous étudions actuellement des façons d'attirer davantage de jeunes dans l'industrie de diverses manières, des manières auxquelles nous n'avions pas pensé. Certaines sont des incitatifs liés à l'imposition ou aux structures d'entreprises coopératives qui leur permettent d'être des coentreprises. On octroie des crédits-baux ou on devient copartenaires avec des sociétés existantes et on effectue des virements. Nous étudions des moyens grâce auxquels le droit de timbre peut être déduit de la planification de la relève afin que toutes les personnes qui transmettent l'entreprise à leurs enfants n'aient pas à payer le droit de timbre. Ainsi, les entreprises restent dans la famille, mais cela permet aussi aux jeunes d'effectuer la transition vers l'industrie.

Nous n'avons pas encore tout à fait obtenu de résultats fructueux, mais il s'agit d'un enjeu réel pour nous.

La sénatrice Merchant : L'une des choses que nous tentons de faire, en Saskatchewan, c'est d'amener l'agriculture dans les salles de classe. Notre ministre de l'Éducation nous a dit au printemps dernier, lorsque nous tenions des séances — et il a comparu devant nous —, que, parfois, les jeunes n'ont pas vraiment d'idée de l'origine des aliments et de ce en quoi consiste l'agriculture. Ils pensent qu'on va au supermarché et qu'on obtient les choses.

L'un des moyens de susciter de l'intérêt — vous avez mentionné les autres industries — consiste à faire comprendre aux gens dès leur jeune âge toute l'importance de la culture des aliments, l'importance de la nourriture pour la société et de leur faire comprendre que c'est quelque chose à quoi il pourrait être intéressant pour eux de participer. Je crois comprendre qu'il est question de valeurs aujourd'hui, mais l'une des façons de les mobiliser pourrait être de les sensibiliser encore davantage.

M. Mahar : Je suis entièrement d'accord avec vous. Nous devons absolument leur faire comprendre d'où proviennent les aliments, et nous tentons activement d'intégrer cette information dans les programmes scolaires à un âge précoce afin non seulement que les enfants comprennent l'agriculture et l'exploitation agricole — et la façon dont les aliments sont produits—, mais aussi qu'ils y accordent de la valeur. Ces temps-ci, il est vraiment difficile de s'assurer que la population dans son ensemble, et en particulier la nouvelle et jeune génération et population, comprend ce qu'il faut pour que les aliments arrivent dans l'assiette.

La sénatrice Gagné : J'ai eu la chance de visiter votre beau pays il y a deux ou trois ans. J'ai visité pas mal de fermes ovines dans l'État de Victoria. J'ai également eu du plaisir à visiter pas mal de vignobles, dans le Sud de l'Australie. J'ai été épatée.

Vous avez mentionné quelque chose concernant le droit de timbre. Qu'est-ce que le « droit de timbre », en passant?

M. Mahar : Il s'agit d'une malheureuse taxe que nous avons, en Australie. Quand le gouvernement transfère des documents, il se plaît tout simplement à y apposer un timbre et à imposer un droit. Il s'agit d'une taxe administrative, essentiellement.

La sénatrice Gagné : La question posée était au sujet de l'aide aux jeunes agriculteurs. Il s'agissait d'un problème au moment où j'ai visité deux ou trois exploitations familiales. La difficulté, pour les jeunes agriculteurs, c'était de se lancer dans cette entreprise.

Le gouvernement australien aide-t-il les jeunes agriculteurs au moyen de prêts, ou bien existe-t-il de programmes offerts aux jeunes exploitants agricoles qui veulent se lancer dans ce domaine... Ou alors si les exploitants agricoles veulent étendre leurs activités, mais ne le peuvent pas en raison de l'investissement d'une société ou d'investisseurs étrangers?

M. Mahar : De façon générale, non. Par le passé, un éventail de petites initiatives ont été offertes afin de tenter d'aider les jeunes agriculteurs à entrer dans l'industrie. Elles sont très petites et un peu ponctuelles. Je pense que le gouvernement adopte le point de vue selon lequel, s'il commence à donner un coup de pouce ou à fournir de l'aide à certaines personnes dans l'industrie, ce pourrait être désavantageux pour quelqu'un d'autre. En outre, pourquoi seulement l'agriculture? Devrait-il le faire pour le textile, pour l'exploitation minière ou pour d'autres industries?

Au cours des dernières décennies, de quelque allégeance qu'il puisse être, le gouvernement s'est largement retiré de l'intervention sur le marché.

Il s'agit d'une généralisation grossière. Divers programmes et projets ont été mis à l'essai pour fournir de l'aide à cet égard. Dans quelle mesure ont-ils porté fruit? Je ne sais pas.

La sénatrice Gagné : Il y avait aussi la question de la recherche. Vous avez mentionné que vous investissez dans la recherche auprès des exploitants agricoles, surtout dans le cadre de projets qui augmenteront la productivité. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Mahar : Oui, c'est exact. Les exploitants agricoles versent une redevance par animal ou par tonne de production, laquelle est destinée à la recherche et au développement. C'est lié aux nouvelles technologies, aux processus et aux marchés, ce genre de choses. Ces redevances sont égalées par le gouvernement. Pour chaque dollar apporté par l'exploitant agricole, le gouvernement verse une somme équivalente destinée à la recherche et au développement afin de faire croître l'industrie et de la rendre plus efficiente, plus productive et — espérons-le — plus concurrentielle à l'échelle mondiale.

Essentiellement, selon les normes de l'OCDE, je pense que l'Australie et la Nouvelle-Zélande arrivent au premier et au deuxième rangs des plus bas taux d'aide gouvernementale accordée à l'industrie agricole. Toute aide que nous obtenons est liée à ces sommes équivalentes versées aux fins du financement de la recherche et du développement.

Les exploitants agricoles paient également une redevance de marketing qui est versée dans un bassin central et qui sert à commercialiser le produit. Elle vise à ouvrir et à étendre les marchés au lieu de fixer des prix, comme je l'ai déjà dit.

[Français]

Le président : Monsieur Mahar, j'aurais deux petites questions à vous poser. L'exploitation minière en milieu agricole est-elle un facteur qui inquiète les producteurs?

[Traduction]

M. Mahar : La réponse courte c'est « oui ». Voulez-vous que je donne des détails?

Le président : Oui.

M. Mahar : Oui, il s'agit d'une préoccupation constante, et c'est quelque chose avec quoi l'industrie jongle encore, en gérant ou en mettant au point sa position. Divers États ou provinces adoptent des points de vue différents sur la coexistence et l'exploitation minière. Le gaz... Il s'agit principalement du problème qui touche les exploitants agricoles australiens, et c'est un débat très d'actualité en Australie, en ce moment, relativement à la sécurité énergétique et aux prix de l'énergie.

À notre avis, les terres agricoles devraient servir à l'agriculture. S'il y a d'autres industries d'extraction et d'énergie qui peuvent coexister d'une manière qui ne compromet pas la productivité à venir de l'agriculture — et que nous pouvons en être absolument certains grâce à des signes et à des données probantes — nous devrions être ouverts à envisager cette coexistence. L'agriculteur doit avoir le droit d'accepter ou de refuser de permettre à cette coexistence d'avoir lieu sur sa propriété. Ce sont en grande partie des lois d'État qui dictent cela.

C'est une question controversée et complexe. Toutefois, au cours des derniers mois, ici, en Australie, nous avons connu deux ou trois perturbations de l'approvisionnement en énergie. Il s'agit d'un enjeu public très d'actualité et d'un dossier très chaud, ici, en Australie, relativement à la sécurité énergétique et à ce que cela signifie pour l'agriculture.

De façon générale, nous pensons que les industries peuvent coexister, pourvu que l'eau et les terres ne soient pas compromises aux fins d'une production agricole ultérieure.

[Français]

Le président : J'imagine que vous faites souvent appel à des travailleurs étrangers. Quel pourcentage de travailleurs étrangers allez-vous chercher à chaque année comparativement aux Australiens qui travaillent uniquement dans le domaine de l'agriculture?

[Traduction]

M. Mahar : C'est une question à laquelle il est difficile de répondre en raison de la nature saisonnière de l'agriculture. Une grande proportion des personnes qui travaillent sur nos exploitations sont des randonneurs ou des touristes qui viennent en vacances en Australie. Ils sont visés par des dispositions particulières, du fait que, s'ils travaillent pendant 88 jours sur une exploitation agricole en Australie, ils ont droit à une deuxième année de visa de vacances. Ainsi, les randonneurs — qu'ils viennent du Canada ou d'ailleurs — peuvent venir travailler pendant un an en Australie et obtenir un visa. S'ils travaillent pendant 88 jours sur une exploitation agricole, ils obtiennent un visa pour une deuxième année.

Cela fonctionne bien pour nous, car nous obtenons des cueilleurs de fruits et des personnes qui peuvent conduire des moissonneuses-batteuses au moment des récoltes, mais ces personnes ont aussi l'occasion d'aller s'étendre sur la plage, dans le Queensland, et de passer une plus longue période en Australie.

Cela fonctionne bien, mais nous dépendons fortement des travailleurs étrangers en agriculture, car nous ne pouvons pas attirer suffisamment de travailleurs australiens disposés à venir travailler sur les exploitations à cueillir des fruits, à courir après des moutons ou à conduire des moissonneuses-batteuses, parce que c'est un travail difficile, dur et chaud. Pour être honnête avec vous, il n'y a pas assez d'Australiens qui veulent faire cela.

Le sénateur Mercer : Concernant votre dernière réponse, nous avons un problème semblable, au Canada.

La Fédération nationale des agriculteurs a demandé au gouvernement australien d'établir un cadre stratégique national qui reconnaîtrait la valeur de l'agriculture dans les décisions concernant la planification de l'avenir du pays. C'est quelque chose qui en vaut la peine, mais quels éléments clés la Fédération nationale des agriculteurs voudrait-elle trouver dans un cadre stratégique national, et certains de ces éléments sont-ils liés à l'accessibilité des terres agricoles?

En outre, pour mettre cette question dans le contexte de ceux d'entre nous qui siègent au comité, ce cadre est-il semblable à celui qu'ont établi les Américains? Ils présentent toujours un projet de loi agricole national, à toutes les sessions. Est-ce de cela que vous parlez?

M. Mahar : Non, c'est très différent. Nous considérons le projet de loi agricole comme quelque chose que nous souhaiterions avoir, en Australie. La somme d'argent qu'obtiennent les agriculteurs américains... Les agriculteurs australiens regardent cela et sont verts de jalousie.

Nous sommes un marché très déréglementé. Alors, lorsque nous discutons de cela, il est surtout question de la place de l'agriculture dans l'économie. Les exploitants agricoles de l'Australie sont des producteurs à coût très élevé... Les coûts liés à l'énergie, à la main-d'œuvre et au transport sont élevés. Sans égard à cela, nous estimons être concurrentiels à l'échelle mondiale. L'agriculture est en croissance, et nos exportations augmentent.

Ce que nous voulons tirer de cette déclaration, monsieur le sénateur, c'est que l'agriculture devienne une priorité du gouvernement, qu'il adopte une approche bipartite par rapport à l'agriculture afin de reconnaître le rôle important qu'elle joue, et pas seulement dans l'économie. Nous ne comptons que pour 3 p. 100 du PIB de l'Australie, et je pense que c'est 6 p. 100, au Canada. Nous sommes un assez petit joueur dans l'économie nationale, mais l'agriculture joue un rôle très important dans les économies rurale et régionale.

En campagne, l'agriculture est au cœur des collectivités. Si elle devait les quitter, il en découlerait tout un éventail d'effets des points de vue social, environnemental et économique.

Nous voulons que l'agriculture soit considérée comme une priorité. Quand le gouvernement prend des décisions concernant les infrastructures, l'éducation, la planification et l'utilisation des terres, nous voulons qu'il n'oublie pas que nous devons avoir une économie et un secteur agricoles forts en Australie. Nous faisons face à des incursions de la part de parcs nationaux, d'industries de l'extraction, d'aménagements urbains et de lois relatives à la végétation indigène et à l'environnement qui réduisent lentement la quantité de terres agricoles accessibles. Nous voulons dire au gouvernement que nous devons protéger ces terres. Quand la limite sera-t-elle atteinte? À quel moment dirons-nous : « D'accord, trop, c'est trop, ce sont toutes des terres agricoles, et aucune autre activité ne peut y être pratiquée. »

C'est toute une intervention sur le marché, mais nous voulons tenir cette discussion avec le gouvernement. Nous protégeons les meilleures terres agricoles. Certaines sont très marginales et pourraient être utilisées à d'autres fins, peut-être.

Le sénateur Mercer : Concernant votre commentaire au sujet du projet de loi agricole américain, j'ai une expression que mes collègues ici présents ont entendue de nombreuses fois : la plus importante pièce d'équipement sur une exploitation agricole américaine, c'est la boîte aux lettres, où arrivent les chèques du gouvernement.

Je veux poser une question au sujet de l'éducation agricole. Combien y a-t-il d'écoles offrant des cours en agriculture, en Australie? Reçoivent-elles le maximum d'inscriptions, ou bien y a-t-il de la place pour plus d'étudiants?

M. Mahar : Le nombre de ces écoles a diminué au cours des deux ou trois dernières décennies. Auparavant, nous avions beaucoup d'universités agricoles. J'en ai moi-même fréquenté une, mais elle a maintenant été transformée en une université qui se spécialise dans la dentisterie. C'est en Nouvelle-Galles-du-Sud. Leur nombre diminue.

Je vois maintenant des rapports selon lesquels plus de gens reviennent vers les études agricoles, comme l'économie agricole, mais la réponse courte, c'est que le nombre de ces écoles a diminué de façon importante au cours des deux ou trois dernières décennies. Il en reste encore quelques-unes, mais il n'y en a certainement pas autant qu'autrefois.

Le président : Monsieur Mahar, je vous remercie infiniment de votre exposé. Je vois qu'il est tôt, pour vous, en Australie, alors merci et au revoir.

M. Mahar : Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez offerte.

Le président : Mesdames et messieurs les honorables sénateurs, le comité va maintenant reprendre ses travaux. Nos prochains témoins, par vidéoconférence, sont M. Mark Parker, directeur de la zone D et président du comité de l'agriculture, et M. Gerry Thiessen, directeur municipal, du District régional de Bulkley-Nechako, en Colombie-Britannique.

Bienvenue. Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation à comparaître. Si vous avez un petit exposé à présenter, veuillez le faire, et les sénateurs vous poseront ensuite des questions.

Mark Parker, directeur de la zone D et président du comité de l'agriculture, District régional de Bulkley-Nechako : Je m'appelle Mark Parker. Je suis le directeur de district et président du comité de l'agriculture du District régional de Bulkley-Nechako. En fait, je suis aussi un agriculteur. Simplement pour que vous le sachiez, j'ai une certaine expérience dans l'industrie agricole. J'en ai fait partie toute ma vie, et je continuerai probablement d'en faire partie pour le reste de ma vie. Je vais céder la parole à Gerry afin qu'il se présente.

Gerry Thiessen, directeur municipal, District régional de Bulkley-Nechako : Je m'appelle Gerry Thiessen, et je suis le maire de la Ville de Vanderhoof. Je viens également d'une famille agricole. Je viens tout juste de vendre mon exploitation, il y a environ quatre ans, mais ma famille a cultivé la terre pendant 70 ans. Je viens aussi d'un milieu immobilier. C'est ma quarantième année dans l'immobilier, et les exploitations agricoles comptent pour une partie importante de cette industrie. J'ai été le président non seulement de l'association immobilière du Nord de la Colombie-Britannique, mais aussi de l'association immobilière provinciale de la Colombie-Britannique et de l'Association canadienne de l'immeuble, en 2005.

M. Parker : Nous avons un petit exposé à vous présenter aujourd'hui. Nous voudrions vous donner une petite explication de ce qui se passe dans le Nord de la Colombie-Britannique. Nous sommes situés dans la moitié supérieure, et un peu du côté Ouest. Notre superficie agricole est assez large et sert beaucoup à la production de bœuf; nous cultivons le grain, et nous avons aussi pas mal de ventes de foin dans la région.

Je voudrais simplement commencer par ce qui nous a amenés ici, aujourd'hui, à comparaître devant vous, c'est-à-dire que nous avons connu deux ou trois situations uniques dont je pense que vous n'êtes pas au courant, dans l'Est. Probablement au cours des 10 dernières années, plus ou moins... Depuis 2007, une entreprise est venue du Royaume-Uni et a commencé à acheter de grandes étendues de terre. Elle a commencé en 2007 et a conclu l'achat des terres en 2015.

Une fois qu'elle a eu terminé d'accumuler des terres, elle s'était procuré 29 652 acres dans le Nord de la Colombie-Britannique. Elle avait acheté les étendues de terre dans le but de planter des arbres afin de séquestrer du carbone, ce qui, en retour, allait l'aider à compenser pour les usines qu'elle exploitait en Europe, où elle produit des choses comme des désodorisants Glade et même de la moutarde French's, des choses comme cela.

Au moment où cela a eu lieu, nous n'avons pas eu assez de temps pour réagir immédiatement. Nous ne considérerions pas qu'il s'agissait d'un si gros problème, mais, manifestement, comme vous pouvez le constater, en une courte période, l'entreprise a grugé beaucoup de terres dans le Nord. Alors, encore une fois, ces terres sont effectivement retirées des fins agricoles, en ce moment.

Voici ce que nous avons fait : grâce à beaucoup de publicité négative de notre part et au nom de l'administration locale et d'associations d'éleveurs de bovins... Nous avons exercé des pressions sur l'entreprise et lui avons fait comprendre ce qu'elle faisait à nos terres agricoles; en septembre 2016, elle a accepté de mettre fin au programme, de ne plus planter d'arbres sur certaines des terres où elle n'en avait pas encore planté, et de ne plus acheter d'autres terres.

Ainsi, nous sommes tout de même restés avec 29 652 acres de semis qui sont absolument inutiles au secteur agricole, et ces semis ne vont aller nulle part. Les 7 413 acres que l'entreprise avait promis de remettre sur le marché à une valeur marchande équitable... Nous n'avons pas encore vu cela se produire, alors effectivement 29 000 acres sont toujours retirées de nos terres agricoles.

Par la suite, une autre entreprise étrangère a acheté 41 propriétés totalisant 10 862 acres, dans une très petite région. Il s'agit de la vallée de la Nechako, qui entoure la ville de Vanderhoof. L'entreprise qui a acheté ces terres l'a fait dans le but de produire de grosses balles classiques, de les compresser et de les expédier vers la Chine, alors elles sont destinées à l'exportation à l'extérieur de notre région, et, encore une fois, cela enlève effectivement une valeur agricole à nos jeunes entrepreneurs locaux et aux exploitations agricoles existantes.

Les terres servent encore à la production agricole, alors c'est un peu mieux que si des arbres y avaient été plantés, mais, encore une fois, nous n'obtenons pas les avantages sociaux et économiques de ces applications. Beaucoup de ces terres — surtout celles du programme de reboisement de RB — c'est-à-dire celles de Reckitt Benckiser, dont je vous ai parlé, du Royaume-Uni... Personne ne vit sur ces terres. Personne n'habite plus dans ces propriétés, alors la ville de Vanderhoof, les régions rurales et les petites collectivités n'en tirent plus aucun revenu. C'est devenu un énorme problème.

Lorsqu'on additionne ces ventes, il y a maintenant 40 000 acres dans le Nord qui ont été achetées par deux entreprises, et cela ne redonne rien du tout à nos collectivités.

La Colombie-Britannique n'a pas de règlements ni de politiques en place qui restreignent la propriété étrangère de quelque façon que ce soit. Nous croyons qu'il est temps que cela change. Le programme de reboisement de RB ne peut plus le faire. L'ALC en Colombie-Britannique a mis en place une nouvelle politique. Elle a en réalité modifié une politique qui ne permet pas la plantation d'arbres sur des parcelles de 20 hectares sans que l'on présente une demande. Les commissaires ont éliminé cette pratique, en réalité, de manière efficace après avoir compris qu'il y avait une partie du territoire où on utilisait des terres agricoles pour y planter des arbres.

Top Hay, l'entreprise qui gère les usines de foin comprimé, même si elle produit du foin à partir de ses terres... Rien vraiment ne pourrait empêcher trois, quatre ou cinq autres de ces entreprises de s'installer ici, de faire la même chose et de soustraire essentiellement les terres à la superficie consacrée à notre production agricole et à notre sécurité alimentaire locale. Si nous n'avons pas de sécurité alimentaire dans la vallée, nous avons un problème. Nous survivons en raison de l'agriculture, alors nous devons vraiment nous pencher sur ce problème.

Sans aucune politique en place, nous sommes essentiellement dans le pétrin. Comme l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan ont tous des politiques très strictes concernant la propriété étrangère, toutes les entreprises étrangères regardent la Colombie-Britannique à ce stade et disent : « Wow, nous pouvons aller en Colombie-Britannique et payer de 800 à 1 000 $ l'acre pour une terre; c'est un excellent investissement. » Que ce soit pour obtenir des compensations d'émissions de carbone ou exporter du foin en Chine, le fait d'acheter des terres en tant qu'entreprise est encore un énorme investissement et une excellente possibilité de faire de l'argent dans l'avenir, alors nous croyons en réalité qu'il doit absolument y avoir une politique à cet égard. Il y a trois choses que nous voulons que vous examiniez comme solutions possibles.

La première serait d'envisager une politique nationale claire partout au pays dans laquelle serait enchâssée une politique minimale sur la propriété étrangère. Nous croyons que nous pourrions avoir deux échelons. Un comportant une politique fédérale, et l'autre, une politique provinciale que devraient respecter ces sociétés parce que, actuellement, elles le font encore à l'échelon provincial.

Nous avons vu que, dans les rapports Cultivons l'avenir 2 et Cultivons l'avenir 3, il n'y a pas grand-chose sur la protection de nos terres agricoles. Je crois qu'il est temps que le gouvernement fédéral... Nous avons besoin d'appuis pour protéger nos terres agricoles exactement contre ce type de choses. Ce serait à cet égard que nous envisagerions un certain soutien du gouvernement fédéral afin d'avoir une politique nationale.

La deuxième chose que nous aimerions examiner, c'est de trouver une façon d'accorder des prêts aux jeunes agriculteurs et aux agriculteurs existants et de mettre en place des mesures incitatives qui leur permettraient de continuer d'être concurrentiels; cela nécessiterait moins de politiques. Je vais laisser la parole à Gerry pour qu'il vous commente l'enjeu.

M. Thiessen : Même si j'ai travaillé dans la vente de biens immobiliers pendant 40 ans, je n'ai pas encore vendu de propriété agricole dans notre région par l'intermédiaire de Financement agricole Canada. Nous pensons que cet organisme est très inefficace au moment d'aider nos jeunes agriculteurs à démarrer leur entreprise.

Je suis vraiment convaincu que, tout comme des gens peuvent acheter une maison au moyen d'une préautorisation, les futurs agriculteurs devraient posséder un ensemble de connaissances, avoir une situation financière stable, connaître le type d'exploitation agricole qu'ils désirent lancer et établir un plan d'affaires et qu'on devrait leur permettre d'obtenir une préautorisation de Financement agricole et leur donner la possibilité de démarrer leur exploitation agricole au moyen d'un bon programme. On doit utiliser la Société du crédit agricole de manière très similaire à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui s'occupe de résidences. C'est un véhicule que le gouvernement peut utiliser afin d'établir des politiques pour aider les jeunes agriculteurs.

Nous ne pouvons pas avoir que des méga-exploitations dans l'industrie agricole. Il doit y avoir également des petites exploitations agricoles familiales.

La dernière chose dont nous voulions parler était que tout processus décisionnel doit comporter une portée à long terme. Nous avons vu souvent — et Marc et moi-même évoluons en politique municipale — que de nombreux processus décisionnels présentent une portée à court terme qui suit les cycles électoraux. Toute politique doit être un plan à long terme qui durera d'une élection à une autre.

Le président : Merci. Nous allons commencer la période de questions. Le vice-président du comité posera la première question.

Le sénateur Mercer : Ce qui est intéressant, c'est qu'une entreprise du Royaume-Uni vient au pays et plante des arbres dans le Nord de la Colombie-Britannique. Quel type d'arbres plante-t-elle?

M. Parker : Des arbres à feuillage persistant.

M. Thiessen : Principalement des pins.

Le sénateur Mercer : Si je comprends bien, Royaume-Uni vient planter des arbres ici...

Le sénateur Tkachuk : C'est bon pour l'environnement.

Le sénateur Mercer : C'est dans la région où les dendroctones du pin s'en sont donné à cœur joie dans nombre d'arbres de la Colombie-Britannique. Les responsables de l'entreprise courent-ils après les problèmes en faisant cela?

M. Parker : Nous avons tenu de nombreuses réunions avec eux, et nous les avons pressentis concernant un certain nombre de façons dont ils pourraient... Ils feraient beaucoup mieux de mettre en pot des arbres destinés à la plantation. Nous avons eu un certain nombre de feux de forêt importants. Il y a, comme vous venez de le mentionner, les dendroctones.

Nous éprouvons un certain nombre de problèmes dans des régions clés où les futurs acheteurs auraient pu nous aider, mais pour eux, ils devaient acheter des terres. Ils n'étaient pas intéressés à louer des terres ou à tout type de sociétés foncières d'État. Ils devaient acheter des terres. Nous n'en sommes venus à aucune entente avec eux. Comme vous pouvez le voir — et je crois que j'ai envoyé un procès-verbal à cet égard —, ils n'étaient intéressés à rien d'autre qu'à l'achat de terres.

Le pire, dans tout cela, c'est que nous avons des gens qui sautent dans leur bouteur pour renverser des arbres et défricher plus de terres afin d'agrandir leur exploitation agricole parce que l'entreprise du Royaume-Uni a acheté un terrain adjacent parfait pour des champs de luzerne et y a planté des arbres pour obtenir des compensations d'émissions de carbone.

M. Thiessen : Un des problèmes qu'ils ont éprouvés, lorsqu'ils sont venus pour acheter des terres, c'est qu'il devait s'agir de terres qui avaient été défrichées et cultivées avant 1980, je crois. Alors ils achètent nos meilleures terres agricoles et y plantent des arbres. Ils ne se bornent pas à planter des arbres sur une terre déboisée.

Le sénateur Mercer : Ce que des Canadiens feraient, car nous faisons du reboisement partout au pays.

Ces gens emploient-ils des Britanno-Colombiens?

M. Parker : Pour la production, ils ont un gestionnaire local des propriétés qui venait de la région. Ils l'ont embauché en raison de sa spécialité et de sa connaissance de la région. Mais pour ce qui est de la plantation d'arbres en tant que telle, je crois qu'ils ont embauché certains résidents de la Colombie-Britannique à cet égard, mais c'était à très court terme.

Le sénateur Mercer : Quel est votre plan pour...

M. Thiessen : Mais aucune personne à long terme.

Le sénateur Mercer : D'accord. Alors le rendement pour la collectivité de la Colombie-Britannique est très faible, voire nul, à part le fait qu'il y a beaucoup d'arbres.

M. Thiessen : Oui.

Le sénateur Mercer : L'usine de foin comprimé emploie-t-elle des Britanno-Colombiens? Si oui, combien?

M. Parker : Oui, elle en emploie. Rendons à César ce qui appartient à César. Ce n'était pas le cas lorsqu'elle est initialement arrivée, mais je crois que les responsables ont maintenant compris qu'ils doivent au moins employer des personnes locales afin de s'assurer de comprendre ce qu'ils font parce que ce n'était pas le cas, au départ. Ils ont connu de nombreux échecs dans cette région en essayant de produire du foin. Maintenant, ils ont effectivement des employés locaux. Ils ont embauché quelques personnes qui connaissent le domaine. Cela a aussi servi un peu de relations publiques parce qu'ils n'étaient pas aussi populaires lorsqu'ils sont arrivés ici. Ils s'améliorent. Ils redonnent un peu à la collectivité, mais il ne s'agit pas des mêmes retombées que celles que généreraient des exploitations agricoles individuelles.

Le sénateur Mercer : C'est un gain net ou une perte nette pour la Colombie-Britannique d'avoir ces deux exploitations? Nous avons des terres qui ne produisent pas, mais nous avons ensuite des gens qui utilisent davantage de terres à des fins de production. Subissons-nous une perte nette de terres en ce qui concerne la production agricole dans la région?

M. Thiessen : Nous avons une perte nette. Le programme de compensations d'émissions de carbone de Reckitt Benckiser ou peu importe le programme... De nombreuses terres ne produisent plus à cause d'eux. Les entreprises de propriété étrangère qui produisent du foin utilisent certainement ces terres à des fins de production. J'hésiterais à dire que lorsqu'on a une énorme exploitation agricole, celle-ci ne produit pas de manière intensive et ne favorise pas la production. Ces exploitants viennent tout juste d'arriver; ils ne sont dans notre région, je crois, que depuis environ quatre ans maintenant. Alors ce sont de très nouveaux joueurs dans notre région, mais ce n'est certainement pas l'intensité de production que vous observez sur une exploitation agricole familiale ou une plus petite exploitation.

Une partie de l'économie repose sur le fait d'avoir des familles dans la collectivité, et lorsqu'on a ces exploitations agricoles familiales, on a des écoles, des activités et des salles communautaires dans la région. Si vous passez par la vallée de la Nechako maintenant, vous verrez que la plupart des écoles rurales sont fermées, que la plus grande partie des salles communautaires sont condamnées et que les terres agricoles sont exploitées à grande échelle.

Le sénateur Woo : Pour préciser, les terres achetées par ces deux entités... À quelles fins étaient-elles utilisées avant le changement de propriétaire?

M. Parker : C'étaient des terres agricoles... des terres agricoles qui servaient à produire du foin.

Le sénateur Woo : Du foin?

M. Parker : De la production agricole. Oui, absolument.

M. Thiessen : C'était toutes des terres qui assuraient une production agricole. Une partie de celles-ci servait à la production de grains et de céréales, mais toutes ces terres étaient nos meilleures terres agricoles. Ces entreprises ont choisi nos meilleures terres agricoles. Celles du Royaume-Uni... Il fallait que ce soit de bonnes terres agricoles, et elles ont été utilisées pour planter des arbres. Ensuite, le producteur de foin a naturellement obtenu aussi la meilleure terre pour produire du fourrage. L'entreprise, dans certains cas, a éliminé les arbres dans certaines parties pour augmenter un peu sa production, mais elle a choisi la meilleure terre à foin qu'elle pouvait obtenir pour produire du bon foin destiné à son marché.

Le sénateur Woo : Qu'est-il arrivé aux propriétaires précédents, les gens qui ont vendu la terre? Ont-ils réinvesti le produit de la vente dans d'autres parties du district afin de poursuivre leurs activités agricoles ou ont-ils simplement quitté l'industrie? Avez-vous une idée?

M. Thiessen : Oui. Pour ce qui est des gens qui ont vendu leur terre à l'entreprise qui plante des arbres, la plupart d'entre eux ont pris leur retraite. C'étaient des gens qui vendaient leur exploitation agricole. Pour autant que je sache, aucune personne qui a vendu sa terre n'a poursuivi ses activités agricoles. Ils ont quitté l'industrie pour de bon.

Quant à l'exploitation agricole qui produisait du foin, la plupart de ces personnes sont toujours dans le domaine, certaines à une plus petite échelle. Mais d'autres ont aussi cessé leurs activités agricoles. La plus grande exploitation agricole est maintenant plus petite; il y a quelques membres de la famille qui gèrent une exploitation à plus petite échelle, mais pour ce qui est des autres personnes, elles ont ralenti leurs activités et sont parties en ville.

Le sénateur Woo : Il semble que ces personnes ont retiré leurs billes, si l'on peut dire, et ont pris leur retraite.

M. Thiessen : Oui.

Le sénateur Woo : Quelle aurait été la solution de rechange? Il semble que certains de ces agriculteurs étaient peut-être âgés et envisageaient de prendre leur retraite à un moment donné, peut-être dans un avenir proche. Quelles auraient été leurs options si ces deux entreprises n'étaient pas venues et ne leur avaient pas fait un pont d'or, pour ainsi dire?

M. Parker : Je crois que certains d'entre eux auraient fini par vendre leur terre. Évidemment, certaines des raisons dont nous avons parlé... Le fait d'avoir un faible taux d'intérêt ou des mesures incitatives pour que les jeunes agriculteurs puissent acheter certaines de ces propriétés. Des agriculteurs avaient mis en vente leur exploitation agricole alors que d'autres ont en réalité refusé de la vendre parce qu'ils désirent qu'on conserve son intégrité agricole.

Vous ne pouvez pas blâmer les gens. Évidemment, ils ont été agriculteurs toute leur vie, et une personne leur a fait une proposition. C'est l'enjeu ici. C'est comme si les acheteurs leur avaient fait un chèque en blanc en leur disant : « Oui, nous sommes acheteurs. Combien demandez-vous? » Et ils leur ont remis le chèque. On n'a mené aucune négociation.

Un autre acheteur aurait peut-être acheté cette terre dans une période de quatre à six mois s'il avait eu le temps de négocier et d'en venir à une entente avec une banque, mais le temps pressait dans le cas de certaines de ces propriétés, et ils voulaient juste libeller le chèque. Avec un peu de patience, certaines des personnes qui ont vendu leur terre en seraient encore propriétaires, et d'autres auraient peut-être quand même vendu la leur.

Le sénateur Woo : Si je peux m'attarder un peu plus là-dessus. L'acquisition de ces deux grandes bandes de terre, à votre avis, a-t-elle entraîné une augmentation appréciable du prix des terres en général dans la région? A-t-elle influé sur le prix des terres?

M. Thiessen : Certainement, à mon avis, c'est ce qui s'est produit. J'imagine que c'est l'effet cumulatif des ventes de propriétés. Selon moi, ce qui s'est produit par le passé avec les exploitations agricoles familiales, c'est qu'il y a eu une planification de la relève, et les gens ont fait des plans pour prendre leur retraite et constaté que peut-être les membres de leur famille ou une autre personne pouvaient faire partie de l'exploitation agricole familiale, et ça s'est poursuivi de cette façon.

Cela a permis à des gens de prendre une décision rapide et de changer de plan. C'était une de ces situations où l'on a constaté une augmentation vertigineuse des terres agricoles dans notre région. Au cours des cinq dernières années, je crois qu'il y a eu une augmentation de 30 p. 100 des terres agricoles de notre vallée.

Le sénateur Woo : Trente pour cent. Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous dites.

M. Thiessen : L'augmentation.

Le sénateur Woo : L'augmentation du prix?

M. Thiessen : Oui, l'augmentation du prix.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup, messieurs.

La sénatrice Tardif : Je crois que je vous ai entendu dire que Financement agricole Canada était inefficace au moment d'aider les jeunes agriculteurs. Je ne suis pas certaine si j'ai bien entendu cela, mais si oui, pourriez-vous préciser votre propos?

M. Thiessen : Oui. Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai vendu des biens immobiliers pendant 40 ans, depuis 1982, dans la vallée de la Nechako, et de jeunes agriculteurs sont souvent arrivés dans la région avec de grandes attentes. Ils croient que s'ils ont un bon plan d'affaires, ils pourront aller voir Financement agricole Canada, obtenir du financement et être en mesure d'acheter une terre. Dans notre région, les exploitations agricoles sont très abordables, de 800 $ à 1 200 $ l'acre. Les meilleures terres agricoles de la vallée se vendent environ 1 500 $ l'acre.

Alors, c'est une très bonne occasion pour les jeunes de devenir agriculteurs, mais chaque fois, il semble y avoir... Je sens que les gens de Financement agricole ne comprennent pas vraiment les besoins des agriculteurs, c'est certainement le cas dans notre vallée. Ils font probablement du meilleur travail dans des villes plus grandes, par exemple à Rivière-la-Paix, dans le Nord de la Colombie-Britannique, ou dans les Prairies, mais dans les régions de la vallée de la Nechako, avec l'élevage bovin et ce type d'agriculture à petite échelle, ce n'est certainement pas la possibilité que j'ai vue.

Personne, ni moi-même ni d'autres vendeurs d'immeubles dans notre bureau, n'a utilisé Financement agricole afin d'aider des jeunes à acheter une terre.

La sénatrice Tardif : Savez-vous si Financement agricole a refusé d'accorder un prêt à de jeunes agriculteurs? Dans la situation actuelle, le problème réside-t-il dans le fait qu'on ne leur offre pas la possibilité d'acheter une terre ou que ce type d'achat ne les intéresse pas?

M. Thiessen : Je crois que c'est la bureaucratie liée à l'achat d'une terre. Je pense que la frustration ressentie par les personnes qui désiraient acheter une terre a fait en sorte qu'ils ont changé d'idée. Je sais qu'il y avait un jeune homme venu de la Saskatchewan, qui avait une jeune famille et qui voulait acheter, je crois, deux sections de terres agricoles. Il était très enthousiaste et croyait que vu qu'il avait travaillé avec son père en Saskatchewan, il serait en mesure de concrétiser son projet avec Financement agricole. Au final, cependant, il a dû aller voir une autre institution financière. Il a effectivement obtenu le financement et a été en mesure d'acheter la terre, mais il a dû obtenir l'aide d'une autre institution financière.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Dans un premier temps, j'aimerais entendre votre opinion au sujet des risques commerciaux qui se posent aux producteurs de votre région. Notamment, où la concurrence mondiale se trouve-t-elle et quel est l'effet de la valeur du dollar canadien sur le commerce dans votre région?

[Traduction]

M. Parker : Certainement. Pouvez-vous répéter la première question? Désolé, pouvez-vous la préciser pour moi?

[Français]

Le sénateur Dagenais : En Colombie-Britannique, on sait qu'il y a une concurrence qui peut être de niveau mondial, et le dollar canadien aujourd'hui vaut 74,56 cents. Est-ce que cela a un impact sur la valeur de votre commerce?

[Traduction]

M. Thiessen : J'imagine, oui. Je crois que Mark l'a vraiment constaté l'an dernier. La concurrence a certainement compliqué la situation des éleveurs bovins dans notre région avec tout le foin qui quittait le pays. Cela a eu un effet négatif parce que, brusquement, sorti de nulle part, un seul producteur cultivait pour un marché en particulier. Nous avons certainement constaté que, avec la grande quantité de foin qui sortait de notre coin de pays, cela a eu un effet négatif sur la viabilité commerciale de nombreuses autres exploitations agricoles de la région.

M. Parker : Oui. Cela peut aller dans les deux sens. Si c'est une bonne année et qu'on exporte tout, cela fait augmenter le prix du foin pour le reste des agriculteurs de la vallée. Certaines années, ces agriculteurs doivent acheter du foin afin d'en avoir suffisamment pour nourrir leurs bovins. Alors soudainement, si c'est une bonne année, que les conditions sont favorables et que tout le foin est exporté, le prix augmentera de 110 à 200 $ la tonne pour ce qui reste dans la vallée. L'agriculteur commercial est donc obligé de vendre certains de ses bovins s'il n'a pas les moyens d'acheter une tonne de foin à 200 $ ou d'aller voir en réalité une banque afin d'obtenir un prêt pour acheter plus de foin.

Par ailleurs, si cette entreprise qui a autant de pouvoir connaît une mauvaise année et qu'elle ne peut pas exporter son produit, alors elle inondera le marché, et le prix de la tonne chutera à 80 $. La personne qui essaie habituellement de vendre son foin à 110 $ la tonne — l'agriculteur commercial qui vend seulement du foin — ne peut plus le vendre 110 $ la tonne. C'est certainement l'effet de cette situation pour les agriculteurs en comparaison de ces sociétés qui exportent leur produit.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Avec votre permission, monsieur le président, j'aimerais poser une autre question. Voulez-vous ajouter un commentaire, monsieur Thiessen?

[Traduction]

M. Thiessen : Oui. À mon avis, lorsqu'une année le prix du foin est tellement élevé que vous devez vendre des vaches et que l'année suivante il est tellement bas que vous essayez de vous procurer tous les animaux que vous pouvez, cela fragilise la stabilité d'une très bonne vie agricole. Le système est la cause d'importantes fluctuations. Je ne suis pas certain de connaître la solution au problème. C'est l'économie de marché, mais nous avons certainement beaucoup vu cela dernièrement.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Votre gouvernement vous offre-t-il un cadre législatif suffisant pour vous protéger contre l'accaparement des terres agricoles, notamment par les banques, les sociétés et les fonds d'investissement?

[Traduction]

M. Parker : Je ne vous ai pas entendu pendant un court moment. Avez-vous parlé d'investissements étrangers?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Oui, parce qu'on sait que l'accaparement des terres existe. Vous l'avez mentionné, l'Angleterre avait acheté des terres pour y planter des arbres. Des banques et des sociétés de fonds investissent dans les terres. Le gouvernement vous fournit-il un cadre législatif suffisant pour vous protéger contre les envahisseurs étrangers?

[Traduction]

M. Parker : Absolument pas. Nous ne recevons aucun soutien de la province à ce stade.

Nous avons rencontré le gouvernement provincial pour lui demander exactement cette protection dont vous parlez. Nous ne recevons aucun soutien de la province actuellement.

Il n'y a aucune loi en place qui pourrait interdire demain ces pratiques. Une entreprise du Royaume-Uni a tous les droits au monde d'arriver au pays et d'acheter la superficie en acres qu'elle désire. Nous n'avons aucune protection.

La sénatrice Merchant : Excusez-moi, mais monsieur Mahar, avez-vous dit que vous étiez agriculteur et que vous avez vendu votre exploitation agricole?

M. Parker : Ça, c'est M. Thiessen. Je suis actuellement agriculteur.

La sénatrice Merchant : Je vous ai confondus l'un et l'autre; je suis désolée.

Monsieur Parker, avez-vous dit que vous étiez agriculteur, mais que vous avez vendu votre exploitation agricole?

M. Parker : Je suis encore agriculteur; j'ai toujours des bovins, je vends encore du foin et je suis toujours en affaires.

La sénatrice Merchant : Votre partenaire ici à la table, avez-vous dit que vous étiez agriculteur et que vous avez vendu votre exploitation agricole?

M. Thiessen : Oui, j'ai vendu mon exploitation il y a cinq ans. J'élevais des bovins et j'ai toujours 160 acres où je pratique une culture fourragère de manière contractuelle. Mais j'ai déménagé et je vis maintenant dans la ville de Vanderhoof.

La sénatrice Merchant : À qui avez-vous vendu votre exploitation agricole? Vous avez mentionné que de nombreux agriculteurs prévoient d'avoir une personne, un jeune agriculteur ou une autre personne, à qui vendre leur terre. À qui avez-vous vendu la vôtre?

M. Thiessen : Je l'ai vendue à un jeune couple. Le fils d'un ami voulait devenir agriculteur. Il est venu me voir et m'a offert d'acheter toute l'exploitation, et il vit maintenant là-bas.

La sénatrice Merchant : C'est une bonne réponse.

Avez-vous été en mesure d'obtenir de l'aide de la Fédération canadienne des municipalités relativement à vos difficultés? Parce que, après tout, les gens de la fédération parlent au nom d'administrations rurales, et le développement rural est un des problèmes avec lesquels ils devraient peut-être vous aider.

M. Parker : Non, pas à ce stade. Nous en parlerons peut-être au prochain congrès.

La sénatrice Merchant : Allez-vous aborder avec eux les problèmes que vous éprouvez?

M. Parker : Oui.

La sénatrice Merchant : Quels sont certains des problèmes que vous allez soulever, dites-moi?

M. Parker : Encore une fois, le besoin d'une politique nationale qui mettra tout le monde sur un pied d'égalité. Chaque province sera assujettie aux mêmes règles. Alors si notre province n'intervient pas et ne nous donne pas une certaine forme de protection, nous en aurons une à un échelon plus élevé.

M. Thiessen : Mark affirme que, peu importe la décision prise et les politiques en place, on a besoin d'une politique ayant une portée nationale. Et nous avons certainement vu cela avec le logement lorsque Vancouver a ajouté des critères visant l'investissement étranger, et très rapidement cet investissement est allé à Toronto, et c'est très fluide.

C'est la même chose au Canada avec les terres agricoles. Comme d'autres provinces ont adopté une réglementation plus sévère concernant les investissements à grande échelle, et particulièrement les investissements relatifs à la propriété étrangère, ces entreprises sont allées là où l'accès à la propriété est le plus facile. Et oui, nous allons travailler. Je devrais seulement vérifier, mais je crois que la question a été portée à l'attention de la FCM; nous avons commencé à travailler là-dessus, et cela faisait partie de l'ensemble de la situation qui a fait en sorte que l'entreprise a décidé de ne pas acheter davantage de terres.

Le sénateur Tkachuk : Une élection s'en vient en Colombie-Britannique l'an prochain ou est-ce cette année?

M. Parker : Dans deux mois.

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il un parti politique qui parle de restreindre l'accès aux terres agricoles? De restreindre la vente de terres agricoles à des intérêts étrangers?

M. Parker : Un parti l'a mentionné, et c'est le Parti vert. C'est le seul parti qui croit qu'il s'agit d'un problème à ce stade.

M. Thiessen : Si vous regardez la géographie de la Colombie-Britannique, vous constatez que nous sommes une grande province, et la plupart des gens vivent dans le coin sud-ouest de la province. Notre Parlement se trouve sur une île, qui se trouve dans le coin sud-ouest, et je crois vraiment que, parfois, il est très difficile pour les problèmes ruraux de retenir l'attention du public général, même en période électorale. Alors nous continuerons de nous battre dans le cadre de cet enjeu afin qu'il fasse partie du mandat de certains de ces partis.

Un exercice continuel auquel nous nous livrons dans les régions rurales de la Colombie-Britannique, c'est de transmettre notre message aux partis.

Le sénateur Tkachuk : Avez-vous une politique sur la façon dont vous aimeriez qu'on impose les restrictions relativement à la propriété étrangère? Viseraient-elles le nombre d'acres? En d'autres mots, vous pouvez acheter certaines terres, mais selon un nombre d'acres déterminé? Envisagez-vous de telles politiques? Comment exactement voudriez-vous appliquer une politique nationale à cet égard?

M. Parker : Je crois que la solution réside peut-être dans la superficie en acres, et cela serait probablement le point de départ. La politique n'a pas à être restrictive. Je suis contre l'idée que nous devons éliminer totalement les investissements étrangers. Si une personne de la Suisse, de la Chine ou de l'Angleterre désire venir au pays et acquérir une exploitation agricole de 500 acres et l'exploiter, nous appuyons cela. Par contre, nous ne souhaitons pas voir une société acheter 29 000 acres. Peut-être qu'il faut fixer cela à 1 000 acres.

Nous avons tenté d'engager ce dialogue avec les provinces; nous avons rencontré les ministres et leur avons dit que nous devions entamer des discussions de manière efficace afin de protéger nos terres agricoles. À un certain stade, nous avons besoin d'une certaine forme de protection. Nous ne disons pas que la limite devrait être de 10 acres. La solution n'est peut-être pas si draconienne, mais nous avons besoin d'une certaine forme de protection.

Le président : Pour la dernière série de questions, je demande aux sénateurs de poser des questions courtes. Quant aux témoins, veuillez répondre brièvement.

Le sénateur Mercer : Votre dernière réponse m'a inspiré la question suivante. Il existe bel et bien une chose qu'on appelle le British Columbia Farmland Preservation Program, le Programme de préservation des terres agricoles de la Colombie-Britannique, qui est en place depuis 1973. Alors ma question initiale... Si on doit mettre à jour ce programme, je changerais ma question. A-t-il le moindre effet?

M. Parker : Pas à ma connaissance. Nous avons les RTA, et c'est la forme actuelle de protection. Elles dictent non pas le nombre d'acres de terre que vous pouvez posséder, mais ce que vous pouvez faire sur la terre en ce qui concerne la préservation de sa vocation agricole. Ce que nous devons suivre à ce stade, c'est l'exemple des réserves de terres agricoles.

Le sénateur Mercer : Ces réserves permettent la plantation d'arbres comme pratique acceptable sur des terres agricoles, n'est-ce pas?

M. Parker : Elles le permettaient. On a maintenant changé la politique. On l'a modifiée l'été passé après avoir compris qu'elle posait problème et qu'on se bornait à planter des arbres sur ces terres. On doit mettre en place une politique selon laquelle si on désire planter 20 hectares d'arbres, on doit passer par l'Agricultural Land Commission et présenter une demande à cette fin.

Il y a fort à parier que l'ALC n'approuvera pas ce type de demande. Elle refuse les demandes de plantation d'arbres.

Le sénateur Mercer : Alors on a fermé la porte de l'étable après que le cheval est sorti?

M. Thiessen : Exactement.

Le sénateur Woo : Je veux revenir à la façon de régler ce problème, et le débat se poursuit : doit-on se concentrer sur la source du capital, la nature du capital ou l'utilisation des terres? Dans votre réponse précédente à la question du sénateur Tkachuk, vous avez laissé entendre que la couleur de l'argent, dans un sens, n'est pas importante si on conserve la vocation de production de la terre agricole.

Je veux élargir cette idée pour laisser entendre que, peut-être, cela n'a pas d'importance si les agriculteurs, par exemple les agriculteurs familiaux, possèdent ou louent la terre selon des conditions décentes et justes et ainsi de suite. J'essaie de comprendre la raison pour laquelle vous vous concentrez tant sur la source et le type des investissements contrairement à la nature de l'utilisation de la terre.

Ne devriez-vous pas vous concentrer essentiellement sur ce qu'a dit le sénateur Mercer, soit vous assurer que l'on conserve la vocation agricole de cette terre? Peu importe qui la possède, qui l'achète ou les ententes conclues, le principe est de protéger la terre à des fins d'agriculture; est-ce logique selon vous?

M. Thiessen : Je crois vous comprendre, mais je ne suis pas d'accord avec vous. À mon avis, être un agriculteur, c'est en partie avoir le privilège de posséder un titre de propriété d'une terre, quelque chose que vous pouvez léguer à vos enfants. Vous pouvez voir cela comme un investissement à long terme. J'ai grandi dans une région où cette entreprise qui produit du foin a acheté de nombreuses terres. Lorsque j'étais jeune, certains agriculteurs de la région ne travaillaient pas année après année pour décider de la façon dont ils allaient améliorer leur terre agricole, mais il y avait un effet générationnel. On se disait : « Voilà comment nous allons labourer le sol et comment nous allons nous en occuper afin de nous assurer qu'elle sera là à long terme. »

Alors pour nous, ça tient au fait de posséder cette propriété et à l'engagement des personnes qui créent une collectivité et en font partie. Lorsque des personnes investissent de l'étranger et permettent que la terre soit encore exploitée, cela n'ajoute pas vraiment quelque chose à l'économie. Cela n'ajoute rien à la compréhension des besoins de la collectivité, de même que des plus grandes régions de la province ou du pays, et cette relation d'affaires peut à tout moment changer. Cela tient à toute la mentalité d'agriculteurs comme Mark, qui a travaillé avec son père. J'ai travaillé avec mon grand-père qui est déménagé dans la vallée en 1942, et, pendant 70 ans, nous avons géré une exploitation agricole familiale. Vous saviez que votre terre agricole allait produire en fonction des efforts que vous étiez prêt à déployer et non pas de ce qui allait se passer cette année ou de votre relation cette année-là. Je regardais la viabilité à long terme de l'exploitation agricole et la façon de la garder viable.

Le sénateur Woo : Je comprends votre réponse, mais vous avez mentionné les difficultés financières de la plupart des agriculteurs qui lancent leur entreprise et leurs difficultés liées au fait d'obtenir des capitaux pour une entreprise qui est devenue, à mon avis, davantage capitalistique. Nous devons régler deux problèmes en même temps. Le premier consiste à garder les agriculteurs sur la terre afin qu'ils puissent perpétuer leurs traditions et léguer un héritage agricole, mais on doit aussi résoudre celui de l'obtention de capitaux pour que ces agriculteurs aient une exploitation viable; vous ne pensez pas?

M. Thiessen : Exactement. Nous avons vu, comme vous l'avez mentionné plus tôt, pas seulement des entreprises étrangères. De grandes sociétés d'investissements ont remarqué que les terres agricoles sont actuellement un excellent investissement, et elles se manifestent, alors les choses peuvent changer. Les sociétés et les conseils d'administration prennent des décisions très rapides en s'appuyant sur un état financier.

Je peux vous dire que nos familles ont exercé leurs activités agricoles durant la grande dépression. Elles n'ont jamais envisagé de quitter l'agriculture. Elles sont restées. Elles ont tenu bon parce qu'elles étaient déterminées à assurer une production alimentaire, et c'était notre garantie. Cela dépendra vraiment du type de pays que nous désirons bâtir. Voulons-nous que le Canada soit un pays qui se concentre sur les bilans et qui est profitable ou qu'il dispose d'une offre alimentaire sûre? Cela sera un défi qui demandera beaucoup de discussions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Woo.

Messieurs Parker et Thiessen, merci beaucoup de vos exposés.

[Français]

Je vous remercie infiniment. Cela nous a été très utile, et je vous remercie d'avoir témoigné au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je vous souhaite bonne chance dans vos travaux.

Honorables sénateurs, nous allons siéger quelques minutes à huis clos. Nous avons deux points à traiter, y compris la question de s'entendre sur le prochain mandat du comité, dont le comité directeur a discuté et que nous vous recommandons. Je pense que tout le monde l'a reçu. Sénateur Tkachuk, vous ne l'avez pas reçu?

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Nous reprenons la séance en public pour traiter de la motion d'adoption du budget. Sénateur Mercer?

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Que le budget suivant, d'un montant de 94 791 $, pour l'étude sur l'acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles pour l'exercice se terminant le 31 mars 2018 soit approuvé et présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

[Français]

Le président : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix : Oui.

Le président : La motion est adoptée. Merci.

(La séance est levée.)

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