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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 27 - Témoignages du 4 avril 2017


OTTAWA, le mardi 4 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 13, pour étudier l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue aux invités du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec. Je vais demander aux sénateurs de se présenter, à partir de ma droite.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : On vient de lever la séance au Sénat, et les autres membres du comité vont arriver dans quelques minutes.

Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

[Français]

Nous accueillons aujourd'hui Brian Innes, vice-président, Relations gouvernementales, Conseil canadien du canola.

[Traduction]

Nous accueillons également, de la Canadian Canola Growers Association, Jack Froese, président, et Rick White, directeur de l'exploitation.

Et par vidéoconférence, nous entendrons Chris Vervaet, directeur général de la Canadian Oilseed Processors Association.

Chaque invité va faire un bref exposé. Parce que nous n'avons qu'une heure, nous vous prions de vous en tenir à de brefs exposés, et les sénateurs sont aussi priés d'être brefs dans leurs questions.

Monsieur Froese, vous êtes le premier.

Jack Froese, président, Canadian Canola Growers Association : Bonsoir, et merci de nous avoir invités à comparaître.

Je m'appelle Jack Froese, président de la Canadian Canola Growers Association (CCGA). Je suis un agriculteur de quatrième génération de Winkler, au Manitoba, une ville située à une heure et demie au sud-ouest de Winnipeg. Je cultive du canola, du maïs, des légumineuses et du blé sur 5 700 acres. Je suis accompagné de Rick White. Il est le PDG de la Canadian Canola Growers Association.

La CCGA est l'association nationale qui représente 43 000 producteurs de canola. Nous sommes également membres du Conseil canadien du canola, dont un représentant est également présent aujourd'hui. Ensemble, nous représentons une industrie de 26,7 milliards de dollars.

Aujourd'hui, je voudrais vous parler de l'adaptabilité et de la résilience des agriculteurs face aux changements climatiques, des répercussions de la tarification du carbone et des occasions pour l'avenir.

D'abord l'adaptabilité et la résilience. Le canola est une plante « faite au Canada ». Des chercheurs canadiens l'ont mis au point ici, de manière à ce qu'il soit adapté aux régions froides du Canada où il est cultivé, et son développement est une réussite. Le canola est maintenant semé sur environ un tiers de toutes les terres cultivées dans l'Ouest du Canada et il est la principale récolte sur le plan des recettes agricoles.

Les exploitations agricoles, plus que d'autres entreprises, subissent les effets de la nature et dépendent de l'environnement pour réussir. Les conditions météorologiques, les mauvaises herbes et les insectes entrent tous en jeu. Les conditions changent d'année en année, et chaque facteur peut avoir des répercussions considérables sur nos fermes. Les phénomènes météorologiques violents peuvent avoir des effets négatifs sur la production agricole.

Au cours de la dernière décennie, l'excès d'humidité a été la principale cause de pertes de récolte au Manitoba et en Saskatchewan. L'incertitude nous a amenés à adopter, de façon rapide et volontaire, des technologies modernes qui comportent des avantages économiques et environnementaux. Il s'agit notamment des variétés de semences génétiquement modifiées, du semis sans labour et de l'agriculture de précision.

Il y a 30 ans, l'armée était la seule organisation à utiliser le GPS. Aujourd'hui, le GPS fait partie intégrante de mon travail. La technologie me permet de cultiver avec précision, soit d'appliquer de l'engrais de manière ciblée et d'utiliser des pesticides de façon prudente. Cette façon de faire réduit les coûts et les émissions associés à l'utilisation de carburant et à l'application d'engrais.

Sur 30 ans, les pratiques de ce genre ont réduit de 43 p. 100 la consommation d'énergie par tonne de production de canola, et de 53 p. 100 les émissions de gaz à effet de serre.

Quand je peux, je pratique l'agriculture sans labour, ce qui élimine les gaz à effet de serre émanant de mes champs et réduit l'érosion des sols qui peut entraîner des événements catastrophiques comme les grandes sécheresses des années 1930. Cela signifie également qu'on passe moins souvent dans les champs avec un tracteur et, par conséquent, on utilise moins de carburant.

En 1991, 30 p. 100 des terres agricoles de l'Ouest canadien ont fait l'objet de pratiques de culture sans labour. En 2011, cette proportion avait doublé pour atteindre 61 p. 100. Lorsque les sols ne sont pas labourés, ils séquestrent les gaz à effet de serre. En raison de pratiques comme l'agriculture sans labour, les terres canadiennes cultivées séquestrent chaque année 12 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Cela équivaut à retirer, chaque année, 2,5 millions d'automobiles de la route.

L'adaptation à de nouvelles pratiques comme l'agriculture sans labour a permis aux agriculteurs de faire face à l'incertitude climatique et de rester concurrentiels sur les marchés mondiaux. À l'avenir, nous devrons continuer sur cette lancée afin de demeurer concurrentiels, et nous y arriverons. Grâce à des partenariats au sein de l'industrie et du gouvernement, de nouvelles pratiques sont explorées et mises en œuvre au moyen d'initiatives telles que la Table ronde canadienne sur les cultures durables, l'initiative canadienne Field Print, le programme national du Plan environnemental de la ferme et le programme d'engrais 4R.

Cependant, chaque année, il y aura de nouvelles pressions et l'adaptation peut prendre du temps. C'est pour cette raison que nous avons besoin d'une série solide de programmes de gestion des risques commerciaux qui aident à contrôler les risques. Les programmes actuels font l'objet d'un examen en vue du prochain cadre stratégique, et nous prions les gouvernements de ne pas simplement envisager de légères modifications aux approches existantes, mais de plutôt travailler avec des groupes de producteurs pour explorer les programmes qui seraient les meilleurs pour les 10 à 20 prochaines années.

Passons à la tarification du carbone. Actuellement, le gouvernement fédéral possède un plan ambitieux pour lutter contre les changements climatiques, et l'un des aspects de ce plan est la tarification du carbone. Comme chaque province détermine la façon de mettre en place un tarif sur le carbone, les agriculteurs restent préoccupés par les répercussions que cela pourrait avoir.

Nous sommes preneurs de prix sur un marché mondial. Nous ne pouvons transmettre aucun de ces coûts. C'est particulièrement préoccupant étant donné que 90 p. 100 de notre récolte de canola est exportée chaque année. Nous devons rivaliser à l'échelle internationale avec des agriculteurs qui exploitent leur entreprise dans un milieu qui n'acceptera pas ces coûts supplémentaires.

Comme on l'indique dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, le gouvernement peut aider notre industrie à atteindre des objectifs de réduction des émissions en cherchant de nouvelles meilleures pratiques et en investissant dans des technologies environnementales. Comme je l'ai déjà mentionné, les agriculteurs ont démontré qu'ils savent adopter rapidement de nouvelles technologies qui réduisent leur empreinte écologique tout en protégeant leur rentabilité, et ils continueront de le faire. Cependant, les agriculteurs en ont déjà fait beaucoup pour réduire leur impact, et il faut le reconnaître.

Ce que nous demandons, c'est que les agriculteurs ne soient pas touchés par la tarification du carbone, que la capacité concurrentielle ne soit pas compromise et qu'on envisage de rembourser les coûts supplémentaires engendrés par la tarification du carbone à l'aide de programmes efficaces de compensation ou d'autres mécanismes. En réalité, nous préférerions être encouragés à aider le gouvernement à atteindre ses objectifs en matière de changement climatique plutôt que de subir une taxe. L'agriculture est un volet prospère de l'économie canadienne et son avenir est brillant, mais seulement si nous sommes sur un pied d'égalité avec nos concurrents.

Les occasions pour l'avenir, maintenant. L'industrie du canola peut contribuer aujourd'hui à la réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada. On a déterminé que la bioénergie est une solution au problème des changements climatiques. Le canola est un apport de faible teneur en carbone de qualité pour les biocarburants canadiens. Le biocarburant provenant du canola produit 90 p. 100 moins de gaz à effet de serre que le diesel traditionnel. Augmenter la teneur en biodiesel exigé par le mandat fédéral de 2 p. 100 à 5 p. 100 entraînerait un avantage immédiat. En utilisant du canola, un tel changement réduirait les émissions de gaz à effet de serre au Canada de 5,2 millions de tonnes par année, ce qui équivaut à retirer un million d'automobiles de la route. L'augmentation du mandat fournirait une réduction immédiate et quantifiable des gaz à effet de serre, et ce, à très peu de coûts pour le gouvernement.

En conclusion, la CCGA reste optimiste quant à l'avenir des producteurs de canola du Canada et à leur capacité de continuer à contribuer positivement à l'atteinte des objectifs du pays en matière d'environnement, de changements climatiques et d'économie. Le secteur de l'agriculture canadienne doit être considéré comme un partenaire stratégique dans ce dialogue.

Je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de parler devant vous aujourd'hui et de discuter d'un sujet d'une grande importance pour les agriculteurs du canola.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Froese.

Notre deuxième témoin est M. Brian Innes. Avant de continuer, permettez-moi de présenter les autres membres du comité.

[Français]

De l'Alberta, il y a la sénatrice Tardif; du Québec, le sénateur Jean-Guy Dagenais; et, de l'Ontario, la sénatrice Lynn Beyak.

Monsieur Innes, la parole est à vous.

[Traduction]

Brian Innes, vice-président, Relations gouvernementales, Conseil canadien du canola : Bonsoir sénateurs. C'est un plaisir d'être ici pour communiquer des renseignements sur la façon dont le changement climatique touchera le secteur du canola.

J'aimerais tout d'abord parler un peu du Conseil canadien du canola. Il s'agit d'une organisation de chaîne de valeur qui représente l'industrie, soit les 43 000 producteurs de canola dont Jack préside l'association, les développeurs de semences, les transformateurs qui écrasent les graines pour en faire de l'huile et du tourteau destiné au bétail, et les exportateurs qui exportent le canola pour transformation à destination.

Je suis ici aujourd'hui avec les deux parties de notre chaîne de valeur les plus touchées par le changement climatique et la tarification du carbone. J'aimerais vous expliquer brièvement l'orientation que prend notre industrie. Nous avons établi pour l'avenir un plan de croissance qui vise à répondre à l'appétit croissant du monde entier pour des huiles et des protéines saines.

Notre plan s'appelle Vision 2025 — Keep it Coming 2025 — et son objectif est de faire croître la demande pour l'huile, la nourriture et les semences de canola et de répondre à cette demande par le biais d'une production durable et en visant une amélioration du rendement. Nous voulons atteindre une production de 26 millions de tonnes métriques d'ici 2025.

Notre plan compte deux piliers qui sont particulièrement pertinents dans le contexte de la discussion de ce soir : une production durable et un commerce stable et ouvert. Le Conseil canadien du canola finance et coordonne la recherche afin d'améliorer la production de canola et de la rendre plus durable. Par exemple, au cours des huit dernières années, en partenariat avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, notre industrie a investi plus de 40 millions de dollars dans la recherche. Cet investissement a rendu la production de canola plus rentable, plus efficace et plus durable.

Maintenant, nous nous préparons au prochain cadre stratégique avec un certain nombre de priorités pour nous adapter à un climat changeant et à un environnement politique favorisant la réduction des émissions de carbone. Par exemple, nous voulons que la recherche se concentre sur la façon dont les usines peuvent utiliser les engrais azotés de manière plus efficace, les pratiques d'engrais qui réduisent les pertes et améliorent le rendement du capital investi de nos producteurs et la manipulation des gènes qui augmente l'absorption de carbone dans le sol. Il s'agit d'excellentes occasions qui permettront à la production de canola de faire sa part pour contribuer à l'atteinte des objectifs du Canada en matière de changements climatiques à l'avenir.

Une chose que nos recherches antérieures ont démontrée, c'est que l'utilisation de biodiesel à base de canola peut réduire les émissions de carbone immédiatement, comme Jack l'a mentionné. Mes collègues, Jack et Chris, en parleront plus en détail.

Enfin, le commerce stable et ouvert constitue une partie importante de notre industrie puisque nous exportons plus de 90 p. 100 de tout ce que nous cultivons au Canada sous forme de semences, d'huile ou de tourteau. Cela signifie que nous devons maintenir notre capacité concurrentielle, comme Jack l'a mentionné, par rapport aux fournisseurs d'huile et de protéines d'autres pays ou nous ne pourrons pas continuer à apporter les mêmes richesses au Canada que nous le faisons actuellement. Pour mettre cette affirmation en perspective, plus d'un quart de million d'emplois canadiens dépendent du canola — la grande majorité d'entre eux étant soutenue par notre capacité à nous livrer à la concurrence sur les marchés internationaux.

Je serai ravi de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Innes.

Nous accueillons maintenant, par vidéoconférence de Winnipeg, M. Chris Vervaet de la Canadian Oilseed Processors Association.

Monsieur Vervaet, bienvenue.

Chris Vervaet, directeur général, Canadian Oilseed Processors Association : C'est un plaisir d'être ici, et merci de me permettre de témoigner par vidéoconférence ce soir. Je me réjouis des quelques minutes dont je dispose pour vous expliquer en quoi le changement climatique et les politiques qui s'y rapportent sont d'une importance capitale pour l'industrie de la transformation des oléagineux au Canada.

J'aimerais commencer par vous parler un peu de notre industrie et vous expliquer en quoi consiste la Canadian Oilseed Processors Association. La COPA travaille en partenariat avec le Conseil canadien du canola pour représenter les intérêts des transformateurs d'oléagineux au Canada. Nous représentons les entreprises qui détiennent et exploitent 14 installations de traitement au Canada. Ces installations transforment le canola et le soja cultivés par des agriculteurs canadiens en des produits à valeur ajoutée pour les secteurs de la transformation des aliments, en l'occurrence de l'huile végétale, de l'alimentation animale, c'est-à-dire les aliments protéinés auxquels Brian a fait allusion, ainsi que des biocarburants.

Au cours des dernières années, l'industrie de la transformation des oléagineux au Canada a connu une croissance considérable en matière d'investissements et de capacité, particulièrement en ce qui concerne le canola. On estime que le traitement du canola et du soja au Canada est maintenant responsable de 9 milliards de dollars en activité économique chaque année, soit une augmentation qui a triplé depuis les 10 dernières années.

Selon un rapport récent du Conference Board du Canada, le secteur a été le moteur de la croissance de l'industrie alimentaire au cours de la dernière décennie.

Depuis 2005, environ 2 milliards de dollars ont été investis dans la construction d'usines, ce qui a permis de plus que doubler la capacité d'écrasement du canola et de transformer la moitié de la récolte de canola cultivée au Canada. L'objectif de l'industrie, qui s'inscrit dans la stratégie générale du Conseil canadien du canola, est de traiter 14 millions de tonnes de canola d'ici 2025. Pour atteindre cet objectif, d'importants investissements supplémentaires seront nécessaires.

Les investissements qui ont été réalisés au Canada reposent en grande partie sur les fondements de l'offre et de la demande des produits oléagineux sur le plan national et mondial, mais aussi sur le contexte d'investissement et de réglementation traditionnellement stable et prévisible du Canada.

J'aimerais parler brièvement de certaines des politiques qu'on envisage en matière de changement climatique, en particulier la tarification du carbone et son incidence potentielle sur la compétitivité.

Les transformateurs d'oléagineux reconnaissent le rôle du gouvernement pour lutter contre le changement climatique et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au moyen de l'élaboration de politiques et de règlements. Nous reconnaissons également depuis longtemps l'importance de l'efficacité énergétique et des ressources pour réduire les coûts et les émissions de gaz à effet de serre, sans l'impulsion des politiques et des règlements gouvernementaux telle que la tarification du carbone.

Bien que l'industrie ait mis en place des technologies pour maximiser l'efficacité, le traitement d'oléagineux demeure un procédé très intensif en énergie qui sera considérablement touché par l'imposition d'un tarif sur le carbone. En fait, un tarif sur le carbone de 50 $ la tonne coûtera, même aux installations de traitement les plus modernes et efficaces, plus de 2 millions de dollars additionnels par année en gaz naturel uniquement — ces coûts ne peuvent être transmis à la chaîne de valeur. Les transformateurs d'oléagineux opèrent dans un marché mondial hautement concurrentiel en matière d'huiles et de graisses végétales, de tourteaux de protéines, de carburants renouvelables et d'autres bioproduits.

Un grand nombre de juridictions avec lesquelles les transformateurs d'oléagineux sont en concurrence n'ont pas mis en place de mécanisme de tarification du carbone. À cet égard, les transformateurs d'oléagineux sont vulnérables aux effets économiques et commerciaux d'une taxe sur le carbone et ne pourront pas transmettre les coûts aux consommateurs.

De même, les transformateurs ne pourront pas transmettre les coûts aux agriculteurs. Étant donné que l'industrie est en concurrence avec les exploitants de silos qui recherchent des graines de canola pour l'exportation, ces graines sont souvent destinées à des marchés comme la Chine où il n'existe aucun mécanisme de tarification du carbone. En l'absence de mesures d'atténuation visant à compenser les coûts liés à la tarification du carbone et à relever les incidences sur la compétitivité, nos membres devront repenser les investissements de capacités actuels et futurs au Canada.

Nos membres sont d'avis qu'il existe des possibilités pratiques pour le secteur de la transformation des oléagineux afin d'aider le Canada à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en maintenant notre capacité concurrentielle mondiale.

Je vais maintenant en profiter pour passer en revue une partie des différentes options qui, selon nous, valent la peine d'être envisagées en vue d'atténuer les coûts associés à la tarification du carbone tout en nous permettant de rester concurrentiels sur le marché international.

Il y a d'abord la mise en œuvre des compensations, des indemnités ou des crédits liés aux émissions de carbone, qui reconnaissent les réductions de GES des activités agricoles, du traitement industriel et de l'utilisation de biocarburants à faible teneur en carbone, comme le biodiesel à base de canola, tout en encourageant les réductions d'émissions raisonnables.

Deuxièmement, rendre le tarif du carbone neutre lorsque le gouvernement doit recycler tous les revenus qu'ils obtiennent de la tarification du carbone pour réduire les autres taxes.

Troisièmement, assurer des investissements publics dans l'innovation pour soutenir le déploiement de technologies émergentes pouvant aider l'industrie à optimiser davantage le rendement des usines actuelles.

À l'instar de la Canadian Canola Growers Association et du Conseil canadien du canola, la COPA appuie pleinement les normes sur les carburants propres pour le Canada et une hausse du seuil des carburants renouvelables de 2 à 5 p. 100.

En terminant, l'industrie de la transformation des oléagineux au Canada a connu une croissance considérable au cours des dernières années. Afin de maintenir cet élan et d'atteindre nos objectifs d'ici 2025, les politiques et les règlements du Canada doivent continuer d'encourager les investissements et le commerce.

Nous avons hâte de travailler avec les gouvernements fédéral et provinciaux pour déterminer les options et les occasions en matière de politiques concrètes visant le secteur de la transformation des oléagineux afin d'aider le Canada à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en compensant les coûts associés au tarif du carbone et en maintenant notre capacité concurrentielle mondiale.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Vervaet.

Nous allons entamer la période des questions avec le sénateur Ogilvie de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ogilvie : Messieurs, vous avez donné un résumé très clair et concis d'un aspect de la question. Notre ordre de renvoi prévoit que nous étudiions l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier. Il est clair que la tarification du carbone est une question importante pour vous sur le plan des affaires.

Il est aussi compréhensible que vous vous attachiez autant à ces questions, car elles sont réelles. Elles se surviendront, quoi qu'il advienne et elles auront des répercussions sur votre industrie et toutes les autres, alors je comprends très bien pourquoi vous vous y arrêtez.

Cependant, un autre aspect de l'incidence des changements de température et de composition des gaz dans l'atmosphère concerne la viabilité des organismes vivants. Dans ce cas, il est question de plantes agricoles très utiles. Étant donné que nous sommes tous enthousiastes à l'idée de la tarification du carbone, nous avons présumé que les températures augmenteraient vraiment au fil du temps et que les prévisions de l'augmentation du dioxyde de carbone étaient réelles. C'est la raison pour laquelle vous faites face à cette taxe sur le carbone.

Si vous acceptez que ces prévisions sont réelles et qu'il est essentiel de prendre ces mesures — et je pense qu'il est bon, de toute façon, de réduire le plus possible les niveaux d'engrais azotés et les polluants, peu importe le reste — supposons que même les prévisions les plus modestes concernant les hausses de température se concrétisent. Nous savons que ce sont les petits changements de température qui sont durables. Je ne pense pas aux fluctuations qui provoquent les tempêtes et les changements de conditions météorologiques auxquels vous avez fait allusion dans votre présentation, monsieur Froese. Je parle d'une hausse permanente de la température, par exemple, de 2 degrés, et d'une hausse permanente du dioxyde de carbone en fonction des prévisions.

Que font vos industries pour contrer les répercussions qu'auront sur la situation des ravageurs, la productivité des types de plantes existantes, la propagation des mauvaises herbes et cetera un tout petit degré de différence de température et les changements concomitants aux conditions atmosphériques, aux taux d'humidité et autres? Où en sommes-nous dans nos plans concernant les conditions actuelles du changement climatique?

Rick White, directeur de l'exploitation, Canadian Canola Growers Association : Je vais commencer à répondre, et peut-être que mes collègues pourront se joindre à moi.

Lorsqu'on prend la situation du point de vue de l'agriculture et qu'on se concentre sur une hausse stable de 2 degrés dans l'environnement dans lequel nous menons nos activités agricoles, on réalise actuellement beaucoup de travaux de recherche et d'innovations en ce qui touche les plantes actuelles, en particulier le canola. Le canola est une culture très progressive lorsqu'il s'agit de susciter l'intérêt de la recherche et du développement. Nous avons déjà des problèmes avec l'éclatement des pétales des plantes en fleurs pendant les journées chaudes de juillet, et on mène actuellement des travaux de recherche pour aider ces plantes à supporter les grandes chaleurs de l'été. Je pense que cela nous aidera à contrer la hausse de 2 degrés, alors ces travaux sont actuellement en cours.

La biotechnologie a profité à l'agriculture et aux plants de canola en particulier, car elle permet d'envisager des solutions en fonction des différentes structures du plant, comme les racines. Un meilleur système de racines pourrait être en mesure de mieux résister à la chaleur pour des périodes prolongées. Il y a la question de l'éclatement des pétales. Cependant, aussi longtemps que nous aurons une politique environnementale qui étudie les mesures scientifiques visant à approuver ces solutions, cela nous sera utile.

Cela dit, au bout du compte, lorsque l'on prend ce qui se passe au Canada et qui ne se passe pas ailleurs, notre question est de savoir avec quoi nous sommes en compétition. Nous ne pouvons pas changer la température planétaire simplement du point de vue canadien. Il pourrait en être autrement si la planète en entier envisageait de gérer cette question, mais notre principale préoccupation est que, si aucun de nos compétiteurs n'est prêt à imposer une taxe ou à composer avec le changement climatique dans le monde, tout ce qu'il nous restera seront des exploitations agricoles pour payer et dont les mouvements seront limités pour être concurrentiels sur le marché mondial, car nous engagerons des dépenses que personne d'autre n'aura à payer. Voilà pourquoi nous revenons constamment à cette question.

Parallèlement, nous nous préparons parce que la situation environnementale empire. Nous menons actuellement des travaux de recherche et de développement. Merci d'avoir posé la question.

Le sénateur Ogilvie : Je suppose que personne d'autre ne veut y répondre.

J'ai commencé par dire que je comprenais pourquoi vous vous concentriez autant sur la question de la taxe sur le carbone. Je le comprends très bien, et je sais exactement ce qui va se passer si nous prenons des mesures pour vous placer dans une situation où vous n'êtes pas concurrentiels. Je le comprends parfaitement, et j'ai mes propres vues sur la question de savoir si nous devrions poursuivre sur notre lancée dans ce dossier.

C'est une partie compréhensible de la question. Tout le monde parle de cette position concurrentielle, et nous savons ce qui arrivera si nous nous retrouvons avec un désavantage unique dans le marché. Alors je suis vraiment de votre côté. Si nous partons du principe que ces problèmes sont réels, je voulais savoir ce que nous faisons et quels seront les changements que nous apporterons à la vie végétale.

Je ne vais pas aller plus loin; vous avez donné une réponse. Je suis conscient d'une bonne partie du contexte scientifique, mais je voulais connaître votre perspective à vous.

M. Innes : Pour faire fond sur votre question concernant les mesures que nous prenons, lorsque j'ai parlé de la recherche dans laquelle nous investissons et dans laquelle les producteurs, la chaîne de valeur et Agriculture Canada investissent, elle porte précisément sur les choses que vous avez nommées, c'est-à-dire les populations de ravageurs, qu'il s'agisse de maladies ou d'insectes qui mangent le canola à divers stades de sa croissance.

J'ai parlé des démarches que nous envisageons de prendre en ce qui concerne l'azote et les gaz à effet de serre, mais nous envisageons aussi de meilleures façons de comprendre comment les populations de ravageurs émergent pour aider les producteurs à savoir d'avance quand ils pourraient être confrontés à une infestation et à mieux s'y préparer. Cela comprend les mauvaises herbes, mais dans le cas du canola, une bonne partie de nos problèmes sont plutôt attribuables aux insectes et aux maladies. C'est dans ces secteurs que notre industrie investit en partenariat avec le gouvernement.

Le sénateur Pratte : Je crois savoir que vous vous opposez à une taxe sur le carbone, mais j'essaie de comprendre les solutions de rechange potentielles. Le gouvernement a décidé d'agir, alors si c'est par le truchement d'une taxe sur le carbone, vous cherchez à en être exemptés, si j'ai bien compris, ou à être dédommagés, et je ne sais pas comment on pourrait justifier pareille mesure. Par exemple, je ne sais pas comment on pourrait justifier une exemption pour les usines de transformation de l'industrie du canola.

Un système de plafonnement et d'échange serait-il plus acceptable? Est-ce que ce serait préférable? Je ne suis pas certain qu'il fonctionne pour les exploitations agricoles, car il marche habituellement pour les grandes industries, mais pas à l'échelon des fermes. J'essaie d'en venir aux solutions de rechange qui fonctionneraient, en tenant pour acquis que le gouvernement a décidé d'agir dans ce dossier.

M. Froese : Pour ce qui est de l'agriculture, nous avons fait ces changements il y a de nombreuses années. Comme cela a été dit, nous avons cessé tous nos labours afin de réduire l'empreinte carbone. Pour utiliser une image, disons que nous avons cueilli tous les fruits qui étaient facilement accessibles. Ce qu'il reste, ce sont ces 10 p. 100. Or, il est très difficile de venir à bout de ces 10 p. 100 puisque nous avons besoin de carburants fossiles pour faire marcher nos tracteurs et nos moissonneuses-batteuses.

Nous nous sommes adaptés là où il était possible de le faire et nous allons continuer de le faire. En tant qu'agriculteurs, nous faisons partie de comités consultatifs auprès de sociétés qui œuvrent dans les sciences de la vie. Elles ont besoin de savoir où s'en vont les choses en matière de commerce et autres. Elles doivent toujours avoir une longueur d'avance, et nous sommes rendus au point où nous avons l'heure juste au sujet des variétés, alors nous n'arrêtons jamais de nous adapter. Notre mode de vie en dépend.

Je dois être l'intendant de ce qui m'appartient. Mes enfants s'alimentent à même les sols que nous cultivons, et nous n'allons certainement pas faire quelque chose pour nuire à ces sols; nous tentons de faire ce qu'il y a de mieux pour préserver l'activité microbienne et toutes les autres choses que nos sols renferment.

M. Vervaet : Pour clarifier les choses à l'intention des transformateurs d'oléagineux, sachez que nous ne sommes pas contre la taxe sur le carbone en tant que tel. Je crois que même mes collègues en conviendraient. Le problème, c'est que si la taxe est mise en place au Canada, mais pas chez nos deux grands rivaux, les États-Unis et la Chine, nous allons être désavantagés sur le plan de la concurrence.

Pour la deuxième partie de votre question, qui portait sur les options concernant les mesures d'atténuation des coûts, je me dois aussi d'apporter des précisions. Là non plus, nous ne demandons pas d'exemptions. Nous souhaitons seulement que quelque chose soit mis en place pour compenser certains coûts. Nous travaillons en collaboration avec plusieurs provinces où le prix du carbone est en vigueur, l'Ontario, et maintenant l'Alberta.

En Ontario, bien entendu, nous avons un système de plafonnement et d'échanges, système auquel mes membres participent activement. Des seuils et des valeurs de référence sont fixés quant à l'intensité des émissions, mais des crédits et des indemnités sont aussi offerts aux industries comme la nôtre qui doivent composer avec la taxe sur le carbone sans perdre de vue leur compétitivité. Nous réalisons que c'est un système avec lequel nous pouvons travailler. Nous ne dirions pas qu'il est parfait, mais, jusqu'ici, nous réalisons qu'il est possible de travailler avec ce système.

L'Alberta a aussi une taxe sur le carbone et, à l'instar de l'Ontario, elle cherche elle aussi à instaurer un système de plafonnement et d'échanges, car elle reconnaît — comme nous l'espérons de toutes les administrations — que cette taxe a des effets sur la compétitivité, et qu'il est essentiel que divers mécanismes commerciaux comme des crédits ou des indemnités soient mis en place pour faire contrepoids.

Le sénateur Pratte : Merci.

Le sénateur Woo : Merci de votre témoignage. J'aimerais rester sur le sujet de la taxe sur le carbone, en commençant par M. Vervaet.

Je comprends que la taxe sur le carbone laissera les exportateurs canadiens en position de désavantage par rapport aux administrations concurrentes où cette taxe n'existe pas, mais l'une des raisons d'être de la taxe sur le carbone est d'encourager ce que l'on appelle le « recentrage des dépenses ». Vous avez tous parlé de la façon dont le canola pourrait remplacer le diesel. C'est une chose qu'une taxe sur le carbone pourrait encourager puisqu'elle ferait augmenter le prix du diesel par rapport au biocarburant que fournirait le canola.

Pouvez-vous parler de la mesure dans laquelle la taxe sur le carbone pourrait modifier la composition de votre produit à valeur ajoutée, surtout s'il est transformé en carburant, et nous décrire l'incidence que cela pourrait avoir sur la profitabilité de l'ensemble de l'industrie?

M. Vervaet : C'est assurément l'une des options stratégiques que nous défendons pour répondre aux répercussions financières associées à la taxe sur le carbone. Nous appuyons sans réserve le Conseil canadien du canola et la Canadian Canola Growers Association, qui revendiquent une augmentation de la proportion de biodiesel dans la composition du diesel. Le canola pourrait bien entendu être une matière première dans ce processus et c'est quelque chose que nous encourageons fortement.

Si cette proportion devait être augmentée et si l'huile de canola devait faire partie de cette augmentation, il y aurait assurément plus de débouchés pour mes membres; ils pourraient produire une plus grande quantité d'huile végétale et en vendre davantage sur les marchés.

Assurément, chaque fois qu'il y a un débouché, chaque fois que la demande augmente, mes membres y trouvent leur compte. Le biodiesel pourrait jouer un rôle important pour contrebalancer une partie des coûts associés à la taxe sur le carbone puisqu'il multiplierait les occasions de générer des revenus.

Le sénateur Woo : Le fait de porter le seuil de 2 à 4 p. 100 est une approche réglementaire pour augmenter l'utilisation du canola comme carburant. Ce dont je parle, c'est d'un mécanisme qui ferait en sorte que la taxe sur le carbone modifierait les prix relatifs, ce qui aurait pour effet d'encourager les producteurs à délaisser le diesel pour des biocarburants.

M. Vervaet : Merci de cette clarification. Je n'ai pas de réponse précise à donner sur le prix relatif des carburants fossiles par rapport à un produit biodiesel, ni sur le seuil qui inciterait un distributeur à passer de l'un à l'autre. Je regrette, je n'ai pas de chiffres à ce sujet. Ce que vous proposez est certes possible, mais je ne peux pas vous dire exactement quand cela pourrait se produire.

M. Innes : Je peux peut-être apporter des précisions.

À l'heure actuelle, nous vendons notre huile de canola sur les marchés des biocarburants de l'Union européenne et des États-Unis, ainsi qu'ici, au Canada. La majorité de l'huile de canola utilisée pour le biodiesel est écoulée dans des endroits comme l'Europe et les États-Unis, où de vigoureux marchés ont pu être créés en raison d'une réglementation stable en matière d'environnement. Par exemple, en Europe, la proportion d'huile végétale qui entre dans la composition du diesel est de 6 à 7 p. 100, et c'est surtout de l'huile de canola; au Canada, nous sommes aux alentours de 2 p. 100. À l'instar d'autres personnes qui s'intéressent aux marchés des biocarburants un peu partout dans le monde, ce que nous avons constaté, c'est que les mandats fonctionnent puisqu'ils incitent les personnes concernées à mettre au point de nouveaux mélanges.

En jetant un coup d'œil aux marchés des carburants, vous allez constater que les biocarburants ne sont pas parfaitement concurrentiels, et que l'approche réglementaire est un moyen éprouvé de réduire les émissions de gaz à effet de serre. C'est ce que nous avons pu voir tant aux États-Unis qu'en Europe, ainsi qu'ici, au Canada.

Le sénateur Woo : Certaines personnes ont recommandé que le Canada impose un ajustement de taxes aux frontières pour le carbone afin de compenser ce désavantage qui nuit à votre industrie, à notre secteur agricole et, en fait, à tous nos exportateurs. Quelle que soit l'industrie, si nos exportateurs ont à payer une taxe sur le carbone et que cela les désavantage, la recommandation serait d'imposer un tarif du carbone sur les importations agricoles et autres en provenance de pays qui n'ont pas de taxe sur le carbone. Que pensez-vous de cela?

M. White : En ce qui concerne l'imposition d'une taxe à la frontière, le canola est un produit d'exportation. Le mouvement se fait donc dans l'autre sens et nous n'en retirerions pas beaucoup, car nous en produisons beaucoup plus que ce dont nous avons besoin. Je ne crois pas que ce serait une bonne chose pour notre industrie.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais vous parler de la biométhanisation, c'est-à-dire la récupération du gaz méthane. Il y a trois ans, je suis allé à Saint-Hyacinthe, qui est un terreau agricole fertile au Québec. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont donné une subvention à cette ville pour qu'elle construise une usine de biométhanisation. Ils récupèrent des produits agricoles et en font un compost, duquel ils produisent un gaz. Ce gaz sert à la ville et à ses installations, et le surplus est vendu à Gaz Métro. Il s'agit d'un enrichissement pour la ville et une utilisation du gaz méthane.

Dans vos provinces respectives, avez-vous entendu parler de la construction de telles usines? Est-ce que vos gouvernements provinciaux respectifs ont envisagé de subventionner des usines qui récupèrent le gaz méthane?

[Traduction]

M. Vervaet : Je peux essayer de répondre à cette question.

Que ce soit dans la province où je vis ou dans les provinces où mes membres ont des installations, je n'ai rien entendu à ce sujet.

Par ailleurs, concernant votre question sur les diverses technologies qui pourraient être utilisées dans les installations pour récupérer le méthane ou réduire les émissions, plusieurs de mes membres ont adjoint des centrales de cogénération à leurs installations. Ces centrales leur permettent de produire de l'énergie sur place en conjonction avec la combustion du gaz naturel qu'ils utilisent pour d'autres parties du processus. Là où je veux en venir, c'est que, de façon générale, mes membres sont constamment en train d'essayer de trouver des façons innovatrices de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de réduire les coûts associés à ces efforts de réduction et d'optimiser la combustion du gaz naturel.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous le soumets respectueusement, parce qu'il y a très peu de telles usines. Je sais que le gouvernement provincial avait versé 14 millions de dollars en subventions, que le gouvernement fédéral de l'époque avait accordé 11 millions de dollars, et que la ville avait payé la différence. Ils ont agrandi l'usine de biométhanisation, et elle sert à récupérer les déchets organiques et à en faire du gaz méthane. C'est une solution à la taxe sur le carbone. Je préfère la création de ce genre d'usine à l'imposition de taxes sur le carbone. Je vous le propose humblement.

Le président : De l'Alberta, la sénatrice Tardif.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Depuis plusieurs années, l'Alberta applique son règlement sur les émetteurs de gaz désignés. Ce programme a été mis en place pour dédommager les agriculteurs pour le carbone qu'ils absorbent dans le cadre de leurs activités agricoles en leur donnant des crédits en échange. Comment évaluez-vous les avantages économiques d'un tel programme du point de vue des agriculteurs?

M. White : Tout dépend de la façon de fixer les prix, les valeurs de référence, le prix du carbone et la valeur du carbone emprisonné. Tous ces aspects sont gérables si vous êtes en mesure de trouver un modèle qui préservera l'intégrité de l'agriculteur. Selon nous, les agriculteurs — et surtout les agriculteurs, comme les producteurs de canola, qui ne labourent rien — ne font pas partie de ce problème, mais ils pourraient être une bonne partie de la solution, puisque les sols que nous exploitons pourraient être utilisés et valorisés comme puits de carbone.

Tout dépend de la façon de fixer les prix, du fonctionnement proprement dit du mécanisme et de la valeur qu'en tireront les agriculteurs. Si le mécanisme peut compenser une taxe à laquelle ils sont confrontés tout en les laissant indemnes, ce serait peut-être une solution qui tiendrait la route. Nous cherchons à préserver l'agriculteur, car il s'agit d'une industrie de 26,5 milliards de dollars, d'une industrie qui fournit 250 000 emplois au pays. Nous ne faisons pas partie du problème, mais bien de la solution, et nous voulons éviter de bouleverser cette activité économique.

Il y a peut-être des façons de procéder, et c'est pour cette raison que nous ne fermons pas la porte à tout cela. Cela dépend de la façon de procéder. Les choses doivent être faites correctement. L'objectif devrait être de faire en sorte que les agriculteurs s'en tirent sans coûts supplémentaires, car c'est ce qui nous permettra de soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux et de continuer à embaucher les personnes dont nous avons besoin.

La sénatrice Tardif : Un tel programme de compensation profiterait-il aux producteurs d'oléagineux?

M. Vervaet : C'est une très bonne question. Nous sommes actuellement en grande discussion avec le gouvernement de l'Aberta en ce qui concerne ce règlement sur les émetteurs de gaz désignés et le passage au nouveau système qui entrera en vigueur en 2018, le système d'attributions fondé sur les extrants.

À l'heure actuelle, les transformateurs d'oléagineux ne sont pas visés par le règlement sur les émetteurs de gaz désignés, car l'empreinte de nos émissions n'excède par les 100 000 tonnes d'équivalent CO2 par année. Je ne veux pas entrer dans les détails techniques; tout ce que je dis, c'est que nous ne sommes pas encore visés par ce programme. Cela ne nous empêche pas d'en voir le potentiel. Or, le règlement sur les émetteurs de gaz désignés laissera bientôt sa place à son successeur, le système d'attributions fondé sur les extrants. C'est quelque chose qui pourrait fonctionner pour les transformateurs d'oléagineux.

Nous appuyons assurément certaines des choses qu'évoquait Rick, c'est-à-dire ces crédits que les agriculteurs seraient peut-être en mesure de générer — crédits qui permettraient d'alimenter les crédits potentiels que nous devons récupérer chez nos agriculteurs. Nous y voyons une possibilité de relation symbiotique.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs, de vos exposés.

Je me préoccupe toujours des impôts. Je ne veux pas qu'on nous impose davantage, car nous travaillons jusqu'au 7 juin pour payer nos impôts, et ce qui reste est ce que nous avons pour vivre et pour payer nos factures.

Le gouvernement vous a-t-il consulté avant d'aller de l'avant? Il ne fait aucun doute que vous avez des idées formidables. Le gouvernement vous a-t-il demandé votre avis avant d'imposer la taxe sur le carbone?

M. White : Pas à ce que je sache. Nous l'avons vu venir durant les élections. C'est une mesure qui faisait partie du programme du gouvernement qui a été élu, alors nous nous doutions bien que cela allait arriver. Quoi qu'il en soit, non, les agriculteurs n'ont pas été consultés, car le gouvernement n'était pas en place. Nous savions que la taxe du carbone était une promesse électorale, alors nous ne sommes pas surpris de la voir arriver.

M. Vervaet : C'est la même chose pour les transformateurs d'oléagineux. Nous n'avons pas été directement consultés à ce sujet. Comme le disait Rick, nous savions que cette taxe s'en venait. Je crois que cela s'appliquerait aussi à la tarification du carbone qui a été mise en place dans différentes provinces. Nous savions que cela s'en venait. Permettez- moi cependant de faire remarquer que les choses sont mises en œuvre très rapidement.

Le sénateur Oh : Ma question concerne les échanges commerciaux. Nous avons appris que les exportations de canola vers la Chine ont atteint un sommet, et ce, quelques mois seulement après le différend commercial. La forte demande du côté chinois a fait bondir les exportations de canola à 845 millions de dollars en janvier, ce qui a contribué à gonfler notre excédent commercial. Comme c'est le cas avec les différends commerciaux, les politiques de tarification du carbone constituent un risque pour les producteurs de canola. Que font vos organismes pour gérer ce risque?

M. White : Nos échanges commerciaux sont très importants pour le canola, et nous en dépendons fortement. C'est ce qui explique pourquoi nous appuyons et défendons si énergiquement les accords comme l'Accord économique et commercial global, l'AECG. Nous voulions que le Partenariat transpacifique se concrétise; maintenant, nous nous préoccupons du sort de l'ALENA, l'Accord de libre-échange nord-américain. C'est pourquoi nous sommes très actifs — et particulièrement Brian — sur le plan commercial. Nous voulons nous assurer que le commerce est ouvert et équitable, et que des systèmes de règlement des différends sont en place pour faire en sorte que le commerce soit prévisible et ouvert au marché.

Cela étant dit, nous devons veiller à ce que nous ne soyons pas désavantagés par la mise en œuvre de politiques nationales qui feront augmenter nos coûts, et ceux de nos clients par ricochet. Malgré tous ces efforts louables pour stimuler le commerce et ouvrir les marchés, l'introduction de telles politiques nous fera reculer et nous rendra moins concurrentiels.

Notre organisation soutient le commerce, car nous dépendons des exportations, et nous sommes ravis des accords commerciaux qui ont été négociés. Plus particulièrement, nous espérons que le Canada engagera des négociations commerciales avec la Chine, car c'est un marché énorme, comme vous l'avez mentionné. C'est un marché qui est très important pour nous. Nous devons simplement chercher à stabiliser le commerce de manière à ce qu'il soit plus prévisible qu'il ne l'est maintenant. Un accord commercial pourrait nous aider à cet égard.

M. Innes : Si vous me permettez d'ajouter, le mois de janvier a été un mois record, pas seulement pour les semences de canola, dont vous avez parlé, mais pour le canola en général — l'huile de canola, le tourteau de canola et les semences. De récente mémoire, en fait, de tous les temps, c'est le mois où nos exportations ont été les plus importantes.

Nous constatons que nos produits sont très recherchés partout dans le monde. Pour nous, cette demande est une façon de rapporter de la valeur au Canada. Cette demande crée des emplois et stimule la croissance. Nous innovons beaucoup pour soutenir cette dynamique.

Pour ce qui est des débouchés en Chine dont Rick a parlé, nous sommes d'avis qu'ils sont très importants. À titre d'exemple, un accord de libre-échange avec la Chine abolissant les tarifs nous permettrait d'augmenter nos exportations d'environ 1,2 milliard de dollars. Une simple abolition des tarifs pourrait concrétiser cela.

Nous voyons là une occasion formidable de croissance. Cette augmentation de 1,2 milliard de dollars dans nos exportations se traduirait par 33 000 emplois supplémentaires pour les Canadiens.

Nous sommes très optimistes en ce qui concerne la demande à venir, que ce soit en Chine ou en Asie. En vérité, c'est l'augmentation de la demande pour une huile saine et une protéine saine qui fait avancer notre industrie.

M. Froese : Comme ils l'ont dit, tout est relié au commerce. Nous exportons 90 p. 100 de ce que nous produisons, et ces marchés font partie intégrante de ce que nous faisons. Lorsque M. Trudeau est intervenu dans ce différend sur le canola, nous avons vu ce qu'une interruption du commerce peut signifier.

Tout ce qui pourrait nous pénaliser est nuisible au commerce, mais nous sommes très favorables à tous ces accords commerciaux, particulièrement l'AECG.

M. Vervaet : Permettez-moi d'intervenir pour faire écho aux propos de mes collègues, mais peut-être avec une approche différente.

Bien entendu, le commerce est absolument crucial pour les membres de la Canadian Oilseed Processors Association, mais l'investissement est aussi essentiel pour permettre à nos sociétés actives au Canada de répondre à cette croissance. À l'observation de Rick, il convient d'ajouter que pour tirer profit de ces accords commerciaux et faire grandir notre industrie, nous devrons faire d'importants investissements au Canada. C'est ce que nous devrons faire pour atteindre certains de nos objectifs et soutenir la croissance de cette industrie.

Les sociétés que je représente ou que nous représentons peuvent investir où bon leur semble. Elles ont des activités aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Chine et en Australie. Ce sont des multinationales qui doivent décider de l'endroit où elles souhaitent placer leur capital. Si elles estiment qu'elles ne seront pas concurrentielles en venant ici, que leurs investissements ne leur procureront pas le rendement dont elles ont besoin, il n'y aura tout simplement pas d'investissement au Canada.

Le sénateur Oh : Messieurs, j'ai récemment assisté au forum sur le commerce des pays de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, l'ANASE, qui se tenait en Asie du Sud-Est. Est-ce que l'un de vous a pu pénétrer dans un des pays de l'ANASE? Je pose la question parce qu'il s'agit d'un marché émergent, l'un des plus importants en dehors de l'Inde.

M. Innes : L'Asie-Pacifique offre beaucoup de débouchés. Nous croyions que le Partenariat transpacifique allait être le moyen idéal d'y accéder. Assurément, l'ASANE offre certains débouchés, et d'autres pays aussi. Tant pour l'huile que pour la protéine, il y a une grande augmentation de la demande dans cette région.

Lorsqu'il est question de commerce, tout va. Nous mettons l'accent sur le Japon et la Chine, mais l'ASANE est aussi un marché intéressant.

[Français]

Le président : Il y a quelques minutes, le vice-président du comité a fait son entrée; il était retenu en raison d'une autre réunion. Nous allons lui laisser la chance de vous saluer et de vous poser une courte question, s'il le désire.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Pardonnez-moi d'être arrivé en retard. J'assistais à une autre réunion, mais je ne voulais pas manquer cette occasion de venir vous saluer et de poser une question.

Je crois comprendre que vous êtes contre une taxe sur le carbone, mais pouvez-vous me dire ce que nous allons faire par rapport au changement climatique et à la situation dans laquelle le monde se trouve? Si ce n'est pas une taxe sur le carbone, qu'est-ce que ce sera?

M. White : Plutôt que d'avoir recours à une taxe sur le carbone ou à un système de pénalités — le gros bâton —, il pourrait y avoir des carottes et des mesures pour encourager les comportements appropriés. D'office, les agriculteurs sont encouragés à capter le carbone, à réduire leurs intrants au minimum, comme le diesel, les pulvérisations chimiques, les engrais, et cetera. Ils ne labourent pas leurs terres parce que cela coûte trop cher. Ils ont déjà beaucoup de bonnes raisons de ne pas émettre plus de carbone que nécessaire.

Il conviendrait peut-être de multiplier les mesures incitatives pour encourager les industries à modifier leur comportement d'une certaine façon plutôt que d'avoir une taxe sur le carbone qui s'applique à grande échelle, une taxe qui nous pénalise sur le plan de la compétitivité alors que nous cherchons à exporter.

M. Froese : Comme je l'ai dit, nous avons modifié nos pratiques dans l'Ouest canadien il y a environ 15 ans. Nous avons mis fin au labourage et nous avons supprimé deux ou trois applications au-dessus du champ. Les gaz à effet de serre sont éliminés dans une vaste mesure, et nous faisons le même type d'innovations partout où c'est possible.

Comme les engrais coûtent cher, nous n'en utilisons pas plus qu'il n'en faut. Je sais que de nombreux producteurs analysent le sol de leurs champs et formulent leurs propres recommandations. Maintenant, le programme de fertilisation des 4R est en train de s'installer. Il s'agit d'utiliser la bonne quantité du bon fertilisant au bon endroit et au bon moment, ce qui permet de ne pas en utiliser plus que la quantité absolument nécessaire.

On pourrait dire la même chose des différentes semences. Nous avons vu que la biotechnologie a changé les choses de manière radicale. Nous croyons que dans un avenir très rapproché, nous allons voir des plantes qui doubleront l'énergie qu'elles emmagasinent ou leur photosynthèse, ce qui multipliera par deux le captage du carbone.

Aussi, nous espérons que ces mêmes technologies permettront à certaines plantes de fixer l'azote, comme c'est le cas de certaines légumineuses. Si nous arrivons à donner cette faculté au canola ou à d'autres cultures, ce sera un grand pas en avant.

Le sénateur Mercer : J'ai l'impression que l'agriculture n'est pas le grand problème, mais qu'elle est une partie importante de la solution, ce qui est malheureux pour vous puisque vous êtes pris au piège. L'agriculture fait face à un dilemme, et j'en suis bien conscient. Lorsqu'il s'agit de travailler avec l'environnement et de faire travailler l'environnement, personne ne fait mieux les choses que les agriculteurs, car vous êtes en mesure de voir les conséquences au jour le jour.

Ne mésinterprétez pas ma question. J'essaie seulement de trouver des réponses. Si vous en trouvez une ou si l'un de vos membres a tout à coup une idée lumineuse, faites-nous-en part. Nous aimerions beaucoup l'entendre.

M. Froese : L'aspect décevant de cela, c'est que nous nous retrouvons avec tous ces coûts qui s'appliquent à une foule d'aspects; d'abord à la ferme, puis sur le plan du transport, puis du transport au système d'élévation, sans oublier le transport par train jusqu'au port et le fret maritime. Nous allons rester pris avec ces coûts et nous ne pourrons pas nous en soustraire.

Le sénateur Mercer : Voilà un autre enjeu. L'un des problèmes qu'ont les Canadiens — voire toute la civilisation occidentale —, c'est qu'ils paient leurs produits alimentaires trop peu cher et qu'ils n'en sont pas conscients. Ils se plaignent lorsque les prix augmentent, mais lorsque l'on jette un coup d'œil à ce qui se passe ailleurs dans le monde, on constate que ces prix sont une aubaine.

M. Innes : Vous avez parlé des solutions. L'agriculture peut fournir le type de solutions dont Rick et Jack ont parlé, mais elle peut aussi être une solution au chapitre des biocarburants, et c'est aussi quelque chose dont nous voulions vous parler aujourd'hui. C'est une solution toute prête qui peut être adaptée au parc de véhicules actuel qui utilise du diesel. Les biocarburants pourraient réduire les émissions de carbone de 90 p. 100 par rapport aux carburants fossiles.

Nous savons désormais qu'il s'agit d'une solution qui a recours à une culture que le Canada produit en abondance, un produit qui pourrait être utilisé dans notre système de transport — facilement et sur-le-champ —, pour réduire de façon tangible les émissions de gaz à effet de serre.

Nous comprenons que le gouvernement a une cible, et nous savons que nous pouvons jouer un rôle important pour atteindre cette cible. Prenons par exemple les projections de réduction des émissions du gouvernement dans le secteur du transport. Le fait d'augmenter l'apport végétal de 2 à 5 p. 100 permettra de réaliser 17 p. 100 des réductions demandées dans ce secteur. Le biodiesel à base de canola pourrait donc occuper une place importante dans la solution que le gouvernement appliquera pour réduire les émissions de carbone, au même titre que certaines des idées que mes collègues ont proposées dans une perspective plus large.

[Français]

Le président : Vous savez, ici, on considère les agriculteurs comme les gardiens de la terre cultivable. C'est extrêmement important pour les Canadiens et pour le monde entier.

Monsieur Froese, vous êtes agriculteur, je crois. La méthode de la culture du canola sans labour est-elle unique au Canada ou est-elle utilisée aussi aux États-Unis, en Europe, en Chine ou ailleurs? Est-ce que c'est une technologie unique au Canada?

[Traduction]

M. Froese : On s'en sert dans d'autres pays, notamment en Australie. Je ne sais pas dans quelle mesure la méthode est appliquée, mais je sais que le Canada est vraiment à l'avant-garde sur le plan de l'intégration.

[Français]

Le président : Pendant combien de temps pouvez-vous faire des récoltes sans labourer? Est-ce que c'est éternel?

[Traduction]

M. Froese : Indéfiniment. Ils utilisent des semoirs pneumatiques sans labour et repassent avec un herbicide. Vient ensuite le moissonnage-battage, puis ils recommencent. Le sol n'est donc jamais dérangé.

Le président : Monsieur Innes, monsieur Froese, monsieur White et monsieur Vervaet, merci de votre comparution devant notre comité.

[Français]

Si vous aviez d'autres éléments d'intérêt à nous soumettre, n'hésitez pas à les communiquer au greffier du comité. Nous serions heureux de les inclure dans notre rapport.

Je vous remercie de vous être déplacés et vous souhaite à chacun un bon retour, dans la pluie!

(La séance est levée.)

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