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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 27 - Témoignages du 6 avril 2017


OTTAWA, le jeudi 6 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, tout le monde. Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Avant de poursuivre, je demanderai aux sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président du comité.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice Tardif : Bonjour. Claudette Tardif, de l'Alberta.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Bonjour, Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci. Je m'appelle le sénateur Maltais. Je préside le comité, et je viens du Québec.

Bienvenue à nos invités. Ce matin, nous accueillons M. Bob Lowe, président du Comité de l'environnement, et John Masswohl, directeur des Relations gouvernementales et internationales, de la Canadian Cattlemen's Association.

Avez-vous un exposé à présenter?

Bob Lowe, président, Comité de l'environnement, Canadian Cattlemen's Association : Merci de nous accueillir aujourd'hui. J'ai déjà rencontré certains d'entre vous, mais pas un très grand nombre. Nous sommes là pour discuter des changements climatiques et de la production bovine au Canada.

Je suis un grand éleveur du Sud de l'Alberta et président du Comité de l'environnement de la Canadian Cattlemen's Association; je préside également l'Alberta Beef Producers. John Masswohl, qui travaille à notre bureau d'Ottawa, m'accompagne.

L'industrie bovine canadienne s'efforce continuellement d'être un chef de file mondial en matière de production bovine durable et aspire à être un partenaire dans l'atteinte des deux cibles du Canada que sont l'économie et l'environnement. Grâce aux améliorations, à l'innovation et à la détermination continues des producteurs bovins canadiens, l'industrie bovine du pays a réduit son empreinte de gaz à effet de serre de 15 p. 100, de 1981 à 2011. Grâce aux progrès technologiques et à la gestion, le Canada produit la même quantité de bœuf en 2011 qu'il en produisait en 1981, au moyen de 29 p. 100 de moins de reproducteurs, en abattant 27 p. 100 moins de bétail et en utilisant 24 p. 100 moins de terre.

Le bœuf canadien produit le plus faible taux de gaz à effet de serre par unité de production au monde, soit l'équivalent de 12 kilogrammes de dioxyde de carbone par kilogramme de poids vif; c'est moins de la moitié de la moyenne mondiale. De plus, des quantités importantes de carbone sont stockées dans des pâturages naturels canadiens utilisés par l'industrie bovine. Même si elle apporte 33 milliards de dollars à l'économie canadienne, l'industrie bovine ne compte que pour 3,2 p. 100 des gaz à effet de serre produits au pays.

La participation active de la Canadian Cattlemen's Association à la politique relative au changement climatique est une évolution naturelle de son engagement de longue date à l'égard de l'intendance environnementale. Nous voulons prévenir la perte d'autres pâturages. En effet, les terres utilisées pour la production bovine font partie des dernières bandes de surface pastorale indigène, qui abrite des milliers d'espèces différentes et un important réservoir contenant 1,5 milliard de tonnes de carbone.

Selon nos estimations, la quantité d'émissions de gaz à effet de serre pourrait être réduite d'un taux pouvant aller jusqu'à 20 p. 100 grâce à l'adoption de stratégies d'atténuation et de 5 p. 100 de plus si on réduisait le gaspillage alimentaire de moitié. Afin d'obtenir ces réductions, nous recommandons l'investissement dans cinq domaines clés : dans l'accroissement de la productivité; dans le soutien de l'amélioration de la résilience face au changement climatique; dans l'appui de l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre; dans le soutien d'un dialogue et de la prise de mesures relativement au changement climatique aux échelons national et international; dans la mesure et la surveillance de l'empreinte de gaz à effet de serre de l'agriculture canadienne.

En ce qui concerne ces cinq domaines, je vais demander à John Masswohl de décrire un certain nombre de mesures précises qui, nous l'estimons, devraient être prises.

John Masswohl, directeur des Relations gouvernementales et internationales, Canadian Cattlemen's Association : Bonjour.

La clé de cette déclaration, c'était la partie au sujet de la productivité, de la recherche et de l'innovation. Une des choses que nous voulons faire, c'est poursuivre la Grappe scientifique de l'industrie de l'élevage bovin et investir davantage dans des programmes qui appuient la recherche, l'innovation et le transfert des connaissances concernant les pratiques qui permettent de réduire l'empreinte écologique de la production bovine.

Nous devons maintenir et rétablir la capacité cruciale d'Agriculture et Agroalimentaire Canada d'effectuer de la recherche ainsi que l'infrastructure nécessaire pour effectuer cette recherche. Nous devons créer des éléments déclencheurs clairs et des documents de référence pour le programme Agri-relance en ce qui a trait à la résilience. En outre, nous devons améliorer l'assurance du foin et des fourrages partout au pays en mettant en œuvre les recommandations formulées par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les fourrages qui a achevé son étude il y a quelques années.

Nous devons investir dans les infrastructures de gestion des eaux agricoles. Il pourrait s'agir, par exemple, d'appuyer la construction de systèmes d'irrigation améliorés et de structures d'inondation, comme des barrages, des installations de stockage ou d'autres sorties.

Nous voulons appuyer la création et la poursuite de l'amélioration des programmes de paiements pour services écosystémiques, qui fourniront des incitatifs relativement à de meilleures pratiques de gestion des terres et des eaux afin de préserver les terres agricoles essentielles, d'améliorer la santé environnementale et de renforcer la résilience dans le secteur agricole.

Nous voulons investir dans la recherche concernant la qualité des fourrages, les additifs alimentaires, la génétique animale et la santé animale, selon la description du Conseil de recherche sur les bovins de boucherie. Nous voulons également investir dans la recherche afin de mieux comprendre les causes du gaspillage alimentaire au Canada et d'améliorer les efforts de communication visant à réduire ce gaspillage à l'échelon du consommateur.

Nous devons améliorer et appuyer la conservation axée sur l'agriculture ainsi que les programmes et initiatives d'intendance qui soutiennent la conservation de zones riveraines et de pâturages naturels sains. Le projet Cows and Fish ou la création de paiements pour ces services écologiques sont des exemples de certains programmes fructueux.

Nous avons une Table ronde canadienne sur le bœuf durable. Nous voulons soutenir cette table ronde en suscitant une plus grande participation de la part d'experts d'Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que d'Environnement et Changement climatique. Nous voulons également que les projets menés au titre de cette initiative soient financés.

Nous voulons soutenir l'Alliance mondiale de recherche sur les gaz à effet de serre en agriculture et participer à cette alliance. Il y a aussi un Programme mondial pour un élevage durable, qui est coordonné par l'intermédiaire des Nations Unies.

Nous devons poursuivre la mesure scientifique et la surveillance de l'empreinte de gaz à effet de serre de la production bovine canadienne grâce à un investissement continu dans l'Enquête sur la gestion agroenvironnementale et le Recensement de l'agriculture afin d'assurer la solidité des ensembles de données qui permettent la surveillance des gaz à effet de serre.

Selon moi, enfin, notre recommandation précise, c'est d'appuyer l'élaboration de méthodes mondiales de surveillance des gaz à effet de serre par le truchement du Partenariat pour l'évaluation et la performance environnementales. C'est aussi quelque chose qui se fait par l'intermédiaire des Nations Unies. Nous voulons obtenir la participation des scientifiques responsables de la recherche en agriculture et en agroalimentaire en tant que conseillers techniques dans le cadre de cette initiative, de même que les contributions financières.

M. Lowe : Étant donné l'engagement du gouvernement fédéral à fixer un prix sur le carbone, nous recommandons que l'agriculture soit dispensée de tout régime de tarification du carbone et que l'on s'assure de prêter une attention particulière à la correction des conséquences directes et indirectes. Nous recommandons non seulement que l'agriculture primaire soit exemptée, mais aussi la transformation de la viande et des aliments.

En Alberta, nous avons déjà une taxe sur le carbone, alors nous sommes très actifs à cet égard. L'autre jour, je parlais à l'un des grands transformateurs. Compte tenu de deux ou trois suppositions — que quiconque se trouvant en amont de la chaîne va leur refiler le coût de la taxe, et en se fondant sur un prix de 50 $ la tonne de carbone —, cette taxe va leur coûter 5 millions de dollars de plus par année. Dans un contexte où nous sommes déjà très réglementés — je suis censé m'en tenir à mon texte et je m'en écarte —, nous devons garder nos transformateurs ici. Nous ne pouvons pas être sous-réglementés.

La principale raison pour laquelle nous recommandons l'exclusion de l'agriculture canadienne du régime de tarification du carbone, c'est que ce secteur est déjà un chef de file mondial de la production durable. En même temps, nos produits sont des denrées hautement commercialisées.

L'imposition d'un régime de tarification du carbone risque de rendre nos producteurs moins concurrentiels et pourrait pousser la production vers une autre région du monde dont l'empreinte de gaz à effet de serre est plus grande que celle de la production agricole canadienne. Il est très difficile, voire impossible, de corriger cette fuite de carbone, d'où notre recommandation d'exclure la production primaire et la transformation.

Nous ne voulons pas que cette demande d'exclusion d'un régime de tarification du carbone passe pour une absence d'engagement environnemental. Laissez nos résultats impressionnants — nous avons déjà réduit notre empreinte de gaz à effet de serre — et notre désir d'en faire plus témoigner de notre engagement. Cependant, nous croyons que l'outil de tarification du carbone est peu susceptible d'être le bon outil qui permettra de maximiser une réduction encore plus grande des gaz à effet de serre produits par l'agriculture.

Nous voudrions insister davantage sur le fait que l'agriculture, ainsi que la transformation de la viande et des aliments, sont des industries mondiales hautement concurrentielles et que les décideurs doivent être conscients du risque que notre industrie soit repoussée au sud de la frontière, où les coûts d'exploitation sont extrêmement moins élevés. Afin de corriger le coût indirect de la politique de tarification du carbone pour l'agriculture et son incidence sur ce secteur, nous recommandons d'investir une partie des fonds tirés du régime de tarification du carbone dans nos cinq domaines stratégiques clés pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'étude de régimes de tarification du carbone neutres du point de vue des recettes.

Nous recommandons également que l'on s'assure que des corrections sont apportées au prix du carbone pour les résidents des milieux ruraux, qui sont disproportionnellement touchés par la tarification du carbone, du fait que leurs frais de déplacement, comme leurs coûts de chauffage, sont plus élevés, et ainsi de suite.

En conclusion, nous voudrions vous remercier de la possibilité de comparaître aujourd'hui. Nous serions très heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, messieurs. Pour la première série de questions, nous cédons la parole au vice- président du comité, le sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Messieurs, merci. Je suis heureux de vous revoir ici.

Dans votre déclaration, vous avez affirmé que le bœuf canadien possède l'une des empreintes de gaz à effet de serre les moins importantes par unité de production au monde et qu'elle est inférieure à la moitié de la moyenne mondiale. Voudriez-vous nous expliquer, ainsi qu'aux personnes qui regardent, comment vous y êtes arrivés?

M. Lowe : C'est surtout grâce à la recherche et à la science. Nous nourrissons notre bétail grâce à une alimentation de finition à base de céréales, ce qui signifie que le bétail se transforme plus rapidement en source alimentaire.

Le sénateur Mercer : C'est une explication assez simple, mais compréhensible. Je vous en remercie infiniment.

Récemment — bien entendu —, le marché de la Chine s'est ouvert au bœuf canadien, et nous avons été nombreux au comité à nous rendre à Beijing et à Shanghai pour célébrer cet événement lorsqu'il s'est produit. Nous vous en félicitons.

Quel sera l'effet d'une tarification du carbone sur votre réintégration de ce marché? La tarification du carbone a-t- elle rendu l'accès au marché chinois plus difficile ou pas?

M. Lowe : Je vais laisser le spécialiste du commerce répondre à cette question.

M. Masswohl : Je pense qu'il s'agit de l'une de nos plus grandes préoccupations. Nous menons nos activités sur un marché mondial concurrentiel, et qu'il s'agisse de la Chine ou du Japon, ou même de vendre ici, au Canada, la plupart des consommateurs de la majorité des régions du monde sont inquiets au sujet du prix qu'ils doivent payer pour pouvoir nourrir leur famille.

Si nous menons nos activités dans un environnement où un prix du carbone est imposé à la production bovine du Canada, mais que nos concurrents américains n'ont pas à payer ces coûts, il est naturel de présumer que la production va finir par passer à l'environnement où les coûts sont inférieurs, et cela nous inquiète beaucoup.

Le sénateur Mercer : Bien entendu, dans l'environnement actuel, personne ne déménage aux États-Unis pour entrer dans cet environnement. Les gaz à effet de serre n'existent pas aux États-Unis; c'est un mythe, de fausses nouvelles.

Cette situation a-t-elle commencé à avoir un effet sur le prix en Alberta?

M. Lowe : Non, je ne pense pas. Nous ne faisons que commencer. Depuis janvier, aucune activité agricole réelle n'a été entreprise. De notre côté, nous cultivons une quantité importante de terres chez nous, et le carburant coloré est exempt de la taxe sur le carbone, mais rien d'autre ne l'est. La récolte d'une culture nous coûte environ 20 $ l'acre en carburant coloré, et 85 $ l'acre en fertilisant. Et le fertilisant n'est pas exempt de la taxe sur le carbone. Cette taxe aura un énorme effet. Nous ne l'avons pas encore ressenti, mais elle en aura un.

Le sénateur Oh : En ce qui concerne le prix du carbone, nous savons que d'autres pays — l'Australie et la Nouvelle- Zélande — produisent la même chose que nous. Sommes-nous tous sur un pied d'égalité en ce qui a trait au prix du carbone? Qui vérifie cela? Sommes-nous tous à égalité?

M. Masswohl : Je pense que vous mettez vraiment le doigt sur la nature de la préoccupation. La question n'est pas de savoir si un prix du carbone sera établi ou non. Certains pays affirment qu'ils ne le feront pas. Toutefois, nous connaissons toutes sortes d'incertitudes liées à la transition. Le Canada dit une chose, mais qu'en est-il de ce pays-ci, de ce pays-là? Même à l'intérieur du Canada, nous comprenons que le régime fédéral est essentiellement une cible qui doit être élaborée par les provinces et que diverses provinces adoptent des approches différentes.

Quelle est l'incidence sur la nature concurrentielle de la production bovine en Alberta par rapport à la Saskatchewan, par exemple? Nous ne connaissons pas la réponse à beaucoup de ces questions. Nous entendons dire qu'il y aura des exemptions. Des exemptions applicables à quoi? À l'agriculture? Qu'en est-il du carburant, des fertilisants? Un grand nombre de ces questions touchant la transition vont avoir un effet sur le caractère concurrentiel. Nous ne connaissons pas pleinement la réponse à toutes ces questions, mais ce sont des choses auxquelles nous réfléchissons.

Le sénateur Oh : Nous plongeons-nous dans l'établissement d'un prix du carbone trop tôt, trop rapidement, trop vite?

M. Masswohl : L'une des clés, c'est que l'on doit coordonner ces éléments à l'échelon international au lieu de faire des déclarations visant à les imposer de façon unilatérale.

Nous voudrions voir s'il va s'agir d'un vrai prix du carbone; le terme « prix » donne à penser qu'il y a un marché du carbone, ce qui laisse également croire qu'il est possible de cumuler des crédits de carbone. À notre avis, les gens qui possèdent de vastes étendues de pâturage et qui font pousser des végétaux qui séquestrent le carbone devraient être récompensés. Ces agriculteurs rendent un service à l'environnement, et ils ne reçoivent rien en échange.

La sénatrice Tardif : Bonjour. Merci beaucoup pour cette fiche d'information sur la production bovine canadienne et les émissions de gaz à effet de serre. Elle est très concise; pourtant, tous les renseignements y figurent et sont présentés d'une manière intéressante.

Dans votre mémoire, vous avez mentionné qu'on avait besoin de soutenir davantage la Table ronde canadienne sur le bœuf durable par l'intermédiaire d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Je sais que la table ronde présente des indicateurs de durabilité pour la production du bœuf. Pourriez-vous nous expliquer comment les producteurs bovins utiliseront ces indicateurs de durabilité?

M. Lowe : Je vais revenir un peu en arrière. Je ne sais pas si vous connaissez le projet pilote de McDonald's sur le bœuf durable...

La sénatrice Tardif : Vous pourriez peut-être l'expliquer un peu pour les personnes qui nous regardent.

M. Lowe : Il y a trois ou quatre ans, les responsables des restaurants McDonald's ont décidé qu'ils allaient se procurer leur bœuf de façon durable, et ils sont venus au Canada pour le faire. Nous avons élaboré certains indicateurs fondés sur les critères de la table ronde mondiale, qui sont proposés dans le cadre du programme de production bovine vérifiée et soumis à la TRCBD.

La sénatrice Tardif : La TRCBD?

M. Lowe : Il s'agit de la Table ronde canadienne sur le bœuf durable, et elle a ces indicateurs. Si vous les appliquez en tant que producteur et qu'ils le sont à l'échelle mondiale... voilà la définition du terme « durabilité ». Notre but, c'est que l'industrie bovine canadienne adopte ces indicateurs à l'échelle du secteur, selon les critères de la table ronde mondiale en matière de durabilité du bœuf, et, essentiellement, nous y sommes déjà. Il s'agit essentiellement d'une méthode permettant de prouver aux consommateurs que nous en sommes là.

La sénatrice Tardif : Les producteurs ont-ils commencé à utiliser ces indicateurs?

M. Lowe : Nous y travaillons, voilà la meilleure réponse.

M. Masswohl : Je pense que c'est là que les incitatifs doivent entrer en jeu. Dans tous les cas, un groupe de la population est formé d'adopteurs précoces. Ils veulent donner l'exemple; ce sont des innovateurs, et ils vont le faire. D'autres personnes n'adopteront jamais la nouveauté. Toutefois, un grand groupe qui se trouve au milieu sait qu'il y a une meilleure façon de procéder et veut évoluer, mais il a besoin d'un peu d'aide et d'éducation. Si l'évolution suppose de dresser des clôtures autour des cours d'eau ou de changer d'équipement, les incitatifs financiers tendent à favoriser l'adoption de ces éléments.

La sénatrice Tardif : Si ces indicateurs étaient utilisés et qu'ils étaient homologués, cela entraînerait-il une augmentation des débouchés commerciaux?

M. Lowe : Je crois que ce serait le cas. Selon moi, tout se résume à cela. Je crois que, à l'échelon mondial, il s'agira d'une question d'accès au marché. Nous allons devoir le faire. Si nous dépendons de l'exportation de 40 ou de 50 p. 100, ou peu importe, de notre production à l'étranger, nous avons besoin de l'activité commerciale. Il ne s'agit que d'un autre outil nous permettant de nous assurer que nous avons de l'avance par rapport à d'autres.

Le sénateur Woo : Bonjour. Merci de vos exposés. Je voudrais vous demander de nous donner un peu plus de renseignements au sujet de la tarification des services écosystémiques et, plus particulièrement, de nous dire si ces programmes apportent une quelconque contribution directe à la réduction des GES, précisément, à part les autres types d'avantages environnementaux que pourraient englober les programmes de paiements pour services écosystémiques.

M. Masswohl : Nous savons que le public — ou du moins certains groupes — s'intéresse de plus en plus à la façon dont sa nourriture est produite, ce qui est très stimulant pour les producteurs agricoles, car nous voulons raconter l'histoire et nous voulons que des liens plus serrés nous unissent au public. Pour cette raison, nous savons qu'il y a certaines choses que veulent le public et la société. Ils veulent de l'eau propre. Ils veulent de la nourriture salubre. Ils aiment la faune et veulent qu'elle ait un habitat. Ils veulent protéger les espèces à risque.

Les agriculteurs, et plus particulièrement les éleveurs bovins, sont très bien placés pour fournir ces services, et ils le font. Sur — quel est le chiffre — probablement près de 150 millions d'acres de terres agricoles du Canada, environ le tiers est consacré à la production de bœuf. Les pâturages naturels offrent cet habitat ainsi que le réservoir pour stocker le carbone et le mettre dans le sol, alors il y a tous ces éléments que nous fournissons. La société n'a actuellement aucun moyen de récompenser financièrement les agriculteurs pour ces services. Oui, certains consommateurs disent : « C'est important, à mes yeux, et je vais payer plus cher », mais ces consommateurs ne sont pas assez nombreux. Comme je l'ai dit, la plupart vont à l'épicerie et font de leur mieux pour tenter d'étirer leur budget afin de nourrir leur famille, alors nous devons être conscients de tous ces facteurs. Si nous pouvions étudier ce désir d'avoir ces choses et fournir un moyen qui permettrait aux agriculteurs de conserver les pâturages en tant que tels, ce serait un énorme objectif et un énorme accomplissement, si nous pouvions le faire.

Le sénateur Woo : Une partie de ces services écosystémiques contribueraient directement à la réduction des GES, en particulier le rôle de réservoir des terres agricoles, mais d'autres volets des programmes de paiements pour services écosystémiques portent sur les préférences sociales et sur la contribution à la société en général.

M. Masswohl : Exact. Il est certain que nous pensons qu'un élément a trait aux crédits de carbone, qui ne réduisent pas précisément l'empreinte, mais qui sont étroitement liés au résultat net de cette réduction. Toutefois, d'autres visent des aspects différents de l'environnement.

Le sénateur Woo : Puis-je revenir sur une question concernant la tarification du carbone? Je crois comprendre la logique, et nous avons entendu le même argument de la bouche de vos collègues dans d'autres parties du secteur agricole au sujet des menaces pour votre compétitivité. Je pense que nous sommes très empathiques à cet égard, et il s'agit d'un problème difficile à régler. Toutefois, la tarification du carbone est plus efficace si les exemptions sont les moins nombreuses possible. Le fait de déterminer s'il faut accorder ou non des exemptions, et combien, est un problème stratégique pour le gouvernement.

Cependant, l'outil qui a beaucoup été abordé relativement à la tarification du carbone, qui peut aider à compenser les difficultés au chapitre de la compétitivité pour les industries qui effectuent des échanges commerciaux internationaux, c'est la neutralité sur le plan des recettes : l'idée selon laquelle tout produit d'une tarification du carbone reviendrait dans l'économie sous la forme de réductions fiscales ou, peut-être, d'investissements dans l'innovation, dans la technologie, et ainsi de suite.

Pouvez-vous dire quelque chose au sujet de la façon dont une tarification du carbone neutre sur le plan des recettes pourrait offrir une certaine compensation pour les coûts accrus dans votre industrie et rendre la situation moins pénible?

M. Lowe : Il y a les cinq domaines dont nous avons discuté. Je crois que le principal serait celui de la recherche.

Le sénateur Woo : Vous ne voulez pas payer le prix du carbone, mais vous voulez les recettes tirées de sa tarification; est-ce là votre position?

M. Lowe : Bien sûr.

Le sénateur Woo : J'ai compris.

M. Lowe : Comme vous l'avez dit, il est difficile de faire quelque chose. À mes yeux... je ne sais pas comment vous concevez le régime, car c'est pour des personnes plus intelligentes que moi, mais un régime ne devrait pas entrer en vigueur pour que, subitement, on ait besoin d'un tas d'exemptions. Si vous pouviez l'organiser afin qu'il n'y ait aucune exemption, cela serait probablement la meilleure façon de procéder. Toutefois, si vous taxez la production de nourriture à l'échelle mondiale, à mes yeux, cela a tout simplement quelque chose de fondamentalement mal, à une époque où nous manquons de nourriture.

Le sénateur Pratte : Je voudrais revenir un peu là-dessus, car beaucoup d'autres industries sont dans la même situation que la vôtre, c'est-à-dire qu'elles sont également en concurrence à l'échelle mondiale avec des entreprises qui sont sur des marchés où il pourrait y avoir d'autres formes de tarification du carbone, des prix du carbone inférieurs, voire absolument aucune tarification. Elles espèrent également qu'elles seront exemptées.

Alors, pourquoi l'agriculture ou des parties précises de l'industrie agricole seraient-elles exemptées, et pas d'autres?

M. Masswohl : Je suppose que je dirais que nous ne parlons que de l'industrie bovine. Nous ne vous disons pas de ne rien faire pour quelqu'un d'autre. Je pense que l'un des éléments que vous voudrez étudier, ce sont les secteurs dans lesquels le Canada est déjà un chef de file mondial, sur les plans de la protection environnementale et de la réduction des gaz à effet de serre, et c'est certes tout à fait le cas du secteur bovin. Nous travaillons déjà depuis bien des années, pas dans le but exprès de réduire notre empreinte de gaz à effet de serre, mais dans celui de devenir des producteurs plus efficients, et cet objectif a eu l'avantage de réduire notre empreinte de gaz à effet de serre.

Comparons cela — je dirais — à certains des très grands émetteurs, qui pourraient être la Chine, l'Inde et certains des pays sud-américains. Vous dites ensuite au Canada : « D'accord, vous avez un très bon rendement dans ce secteur, et maintenant, nous allons vous imposer une taxe. » Elle aura pour effet de faire sortir la production du pays, et on suppose qu'elle ira vers des pays qui n'obtiennent pas d'aussi bons résultats que nous. Qu'aurez-vous alors obtenu, de façon générale, du point de vue de la protection environnementale mondiale? Vous aurez en fait empiré la situation.

Comme nous l'avons dit, notre objectif global, c'est de nous aider à faire encore mieux que dans le passé. Nous avons recensé un certain nombre d'éléments sur lesquels nous travaillons déjà, car nous pensons que nous pouvons réduire encore davantage notre empreinte de gaz à effet de serre. Nous ne pensons pas que la taxe soit le bon outil pour nous aider à y arriver. Nous pensons qu'il y a des incitatifs dans l'innovation et la recherche. Ensuite, une fois que nous aurons fait cela, nous pourrons vraiment être un chef de file pour ce qui est d'aider les autres pays à voir ce qu'ils peuvent faire pour améliorer leur situation.

Le sénateur Pratte : Les régimes de tarification du carbone sont-ils tous équivalents, à vos yeux? Vous avez mentionné, par exemple, le fait que, pour l'instant, les régimes de plafonnement et d'échange ne semblent pas être applicables à l'agriculture, mais est-ce qu'un certain genre de régime de tarification du carbone pourrait être conçu de manière à être applicable aux exploitations agricoles? En conséquence, un système pourrait être établi, où vous tireriez profit de vos efforts.

M. Masswohl : Je le pense. Il y a beaucoup de pièces mobiles là-dedans, alors il est difficile de dire que tout est équivalent. L'une de nos préoccupations tient à la possibilité que le système soit différent d'une administration à l'autre. Les producteurs finiront par découvrir quelle est la meilleure administration où effectuer leur production afin de tirer le maximum de profit ou de réduire au minimum leur exposition à la taxe.

Le sénateur Pratte : J'ai une petite question à poser. Vous avez mentionné beaucoup de domaines différents où la recherche serait rentable, mais, au lieu de saupoudrer des millions ici et là, y a-t-il un domaine dans lequel la recherche pourrait être concentrée, où elle serait plus rentable?

M. Lowe : Oui. Connaissez-vous la Grappe scientifique de l'industrie de l'élevage bovin?

Le sénateur Pratte : Non. Je suppose que les personnes qui regardent non plus.

M. Lowe : John, voudriez-vous l'expliquer un peu?

M. Masswohl : C'est une question que nous réglons constamment, car il n'y a jamais assez de financement pour la recherche et l'innovation, mais il y a un très grand nombre de domaines dans lesquels nous voulons percer. Pour cette raison, nous avons créé une filiale de notre organisation appelée le Conseil de recherche sur les bovins de boucherie. Elle coordonne maintenant sa troisième grappe scientifique de recherche en élevage bovin.

L'objectif de cette grappe, c'est de réunir l'argent que notre industrie investit dans la recherche et de l'ajouter aux ressources des établissements d'enseignement et d'autres organismes de recherche privés et gouvernementaux et d'établir les objectifs liés à une optimisation des investissements dans la recherche.

Nous envisageons la recherche sur le fourrage et la nutrition. Quelles sont les diverses variétés de graminées qui pourraient être les mieux digérées afin que l'animal puisse utiliser les fourrages de la façon la plus efficiente et qu'on puisse produire la plus grande quantité de bœuf grâce à la plus petite quantité de ressources? Il s'agit de recherche dans ce domaine.

Nous étudions également la prévention des maladies. Les animaux tombent malades, ne sont pas efficients et, parfois, ne s'en sortent pas; ils meurent. Non seulement il y a un coût économique pour le producteur, mais il y a un impact environnemental lié au fait d'avoir élevé un animal qui ne produit rien.

Il s'agit à coup sûr de certains des domaines.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Vos renseignements sont toujours très bien documentés, très sensés et très faciles à comprendre pour les personnes qui regardent. Je vous en remercie.

Je ne pense pas que le gouvernement actuel soit au courant des conséquences importantes d'une surtaxation et d'une surréglementation. Vous avez commencé à vous écarter de votre texte, Bob, et je me suis demandé si vous alliez poursuivre sur cette lancée. Veuillez seulement nous indiquer à nouveau dans quelle mesure ces éléments nuisent à votre compétitivité partout dans le monde.

M. Lowe : Selon mon interprétation, nous allons connaître une pénurie alimentaire mondiale. Les États-Unis sont notre plus grand concurrent, et ils sont aussi notre plus grand client. Notre industrie — celle de l'élevage bovin — exporte ses produits dans une proportion de 40 à 50 p. 100. Nous devons être en mesure de livrer une concurrence à l'échelon mondial. Si notre plus grand client et concurrent va dans une direction et que nous allons dans l'autre, ce sera très difficile à faire.

J'ai soulevé la question des transformateurs, et il s'agissait de l'un des grands transformateurs. Nous en comptons deux, au Canada. Nous faisons face à des problèmes sur le plan de la main-d'œuvre... les salaires sont plus élevés chez notre concurrent. Nous ne pouvons pas amener la main-d'œuvre à accomplir les tâches dans le secteur de la transformation. Maintenant, vous ajoutez au problème. Au moins, en Alberta, nous préconisons vraiment la valeur ajoutée, mais nous chassons les gens pouvant ajouter cette valeur hors du pays. Pour être concurrentiel à l'échelon mondial, on ne peut pas agir ainsi pendant très longtemps, sans quoi on perd l'industrie.

La sénatrice Beyak : Merci.

M. Masswohl : L'une des choses que nous avons été vraiment heureux de voir, c'est le rapport qui a été publié il y a deux mois par le cercle des conseillers économiques du ministre des Finances. Je pense que certaines personnes l'appellent le rapport Dominic Barton. De notre point de vue, il n'aurait pas pu être mieux si nous l'avions rédigé nous- mêmes. L'auteur reconnaît que, lorsqu'il s'agit de l'agriculture canadienne, en particulier, nous pouvons être une superpuissance agricole dans le monde, si nous avons le bon environnement d'exploitation concurrentiel. Cela englobe absolument tout : les accords réglementaires, financiers, fiscaux, stratégiques et commerciaux ainsi que l'accès aux marchés. Ce sont donc toutes des pièces du même tableau.

Nous croyons absolument que nous pouvons non seulement apporter une énorme contribution à l'alimentation des Canadiens, mais aussi alimenter le monde et le faire d'une manière durable d'un point de vue environnemental.

Voilà pourquoi nous tenons cette Table ronde canadienne sur le bœuf durable, qui alimente la discussion d'une table ronde mondiale sur le bœuf durable et étaye un certain nombre des initiatives de l'ONU. Nous tentons d'y arriver.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Nos voisins américains sont répartis au nord et au sud. En fait, il y en a une grande partie au sud. Je ne crois pas qu'il y ait un grand écart climatique entre les deux pays, mais il y a sûrement une grande différence sur le plan politique, entre autres en ce qui concerne la taxe sur le carbone. Les éleveurs canadiens peuvent être confrontés à une concurrence sur le prix des produits par rapport aux éleveurs américains. Serait-il possible de mettre en place des politiques qui auraient un impact positif pour les éleveurs canadiens sans que les éleveurs américains fassent la même chose? Vous l'avez dit, la concurrence sera difficile.

[Traduction]

M. Lowe : Si l'investissement est bon — et nous avons mentionné nos cinq domaines différents dans lesquels, nous l'estimons, l'argent de la taxe devrait être investi —, je crois qu'il y a un moyen de le faire. Je ne sais pas comment, mais je ne suis pas payé pour le déterminer.

Je ne crois pas que nous devions harmoniser complètement nos politiques avec celles des États-Unis. Nous discutons d'une taxe neutre sur le plan du carbone ou sur le plan des recettes. Il faudrait que je consulte de nouveau attentivement mes documents, mais, si l'argent peut aller dans la recherche et dans la façon de vivre avec... faites-en quelque chose de bon au lieu d'imposer simplement une autre taxe. Voilà l'élément important. Je suppose qu'il vous incombe de découvrir comment procéder.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Tôt ou tard, la fameuse taxe sur le carbone aura un effet sur le prix des produits. Lorsqu'on se rend aux États-Unis et qu'on achète des produits américains, on constate qu'il y a parfois une différence dans le coût des produits, ce qui entraîne une compétitivité sur le marché. Ce sont les consommateurs qui décident à un moment donné. N'y a-t-il pas moyen que le gouvernement neutralise l'effet que pourrait avoir la taxe sur le carbone sur le prix des produits par la mise en place d'autres mesures incitatives pour diminuer la fiscalité pour les éleveurs canadiens?

[Traduction]

M. Masswohl : La première chose, c'est d'exempter la production agricole de la taxe sur le carbone. La deuxième, c'est d'examiner où il est possible de stocker le carbone séquestré. Les prairies... il faut les conserver telles quelles, au lieu de les retirer de la production de bétail. À quoi serviront ces terres? À la culture, ce qui veut dire qu'on labourera des prairies indigènes? Dès qu'on les aura labourées, le carbone dans le sol sera libéré, alors on aura ainsi augmenté l'empreinte carbone. On perd un habitat. Il s'agit donc d'un scénario très négatif, et nous voulons conserver ces prairies en tant que pâturages.

Certaines personnes pourraient dire : « Eh bien, laissez simplement les terres revenir à l'état sauvage. » Si vous faites cela, vous nuirez probablement aussi à l'écosystème. Vous modifierez l'équation de la biodiversité. Vous réduirez probablement l'habitat de certaines espèces, en particulier d'espèces à risque. Avant que le bétail se trouve sur les terres, qu'est-ce qui y était? Les bisons y vivaient. Le bétail joue le rôle que le bison jouait, autrefois. Alors, nous devons absolument laisser ces pâturages tels quels.

En ce qui concerne votre question précédente au sujet de ce que le Canada pourrait faire autrement que certaines autres administrations, en particulier, du point de vue de la résilience et de la réaction aux catastrophes naturelles, un domaine dont nous avons discuté plus tôt... Comme nous le constatons, certains des événements météorologiques deviennent plus graves. Nous avons davantage d'inondations ou plus de sécheresse. Cette situation sera probablement assez unique au Canada et touchera certaines régions, les plaines inondables. Nous savons que certaines régions, surtout au Manitoba, sont plus sujettes aux inondations. Des choses comme des projets d'infrastructure aquatique seraient des initiatives uniques.

Si vous voulez examiner les choses qui seraient uniques, c'est probablement du côté de la résilience et de l'adaptation.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup de votre exposé. Ma question pourrait être générale et idéologique également. Il y a quelques jours, je lisais dans La Presse un article très intéressant au sujet de la consommation de bœuf et de viande, de la santé et de l'environnement. C'était l'une des toutes premières fois que je voyais cela, car nous observons une tendance, c'est-à-dire que, dans le passé, des recommandations ont été formulées afin que l'on mange peut-être un peu moins de viande, et surtout de bœuf. Toutefois, le lien avec l'impact sur l'environnement, je n'avais pas vu cela. L'article affirmait également que, depuis le début des années 1970, l'impact de la production de bœuf sur l'environnement a diminué de 25 ou 29 p. 100, ce qui est assez incroyable.

J'ai deux questions à poser. Premièrement, comment pouvez-vous régler ce problème? Parce que certaines personnes pourraient dire que la solution pour réduire l'impact sur l'environnement consiste simplement à manger moins de bœuf. Mais à vous de voir. Alors, je veux savoir comment vous pouvez régler ce problème.

Par ailleurs, cette réduction de l'ordre de 29 ou de 25 p. 100 m'a impressionnée. Vous l'avez un peu mentionnée, mais je veux que vous fassiez des prévisions. La solution tient-elle au fait que les choses vont tellement s'améliorer que les traces seront très petites, si nous songeons aux 10 ou 15 prochaines années? Je ne sais pas comment vous pouvez régler ce problème.

M. Masswohl : Notre point de départ, dans cette situation, du point de vue du consommateur, c'est que nous savons que la personne moyenne veut faire quelque chose pour aider, n'est-ce pas? Toutefois, elle ne sait pas nécessairement quoi faire. Alors, elle pourrait lire un article comme celui-ci, ou bien elle pourrait lire cela. Souvent, les gens ne vont ni visiter d'exploitation agricole, ni parler à des agriculteurs, ni lire des revues techniques ou des documents scientifiques. Ils regardent un film ou quelque chose du genre. Alors, leurs impressions ne sont pas toujours des plus exactes.

L'un des défis auxquels nous faisons face tient au fait que la situation est contre-intuitive. Nous savons que le bétail produit des gaz à effet de serre. Nous savons cela. Toutefois, ce qui est moins évident, c'est l'avantage environnemental que présente la production de bétail. Si on regarde le cycle dans son ensemble, que fournit la terre? Parfois, il est facile de dire : « retirons simplement le bétail de l'équation, et nous mangerons davantage de carottes, de brocolis ou de quoi que ce soit. » Vous devez penser à cette terre.

Alors, si vous devez labourer un pâturage, qui a une utilité — le stockage du carbone et l'habitat qu'il offre —, la personne moyenne ne suit pas nécessairement tout ce processus de réflexion en se disant que, si nous faisons cela, nous libérons le carbone qui se trouve dans ces systèmes radiculaires profonds qui n'ont jamais été soumis au labour. Aussi, si nous plantons un champ de brocolis, vous passez d'un écosystème à une monoculture. Alors, encore une fois, le résultat est négatif. Tout ne se résume pas nécessairement à la production de carbone, mais, là où nous voulons en venir, c'est qu'il ne faut pas se concentrer sur un seul morceau du casse-tête. Nous devons regarder le portrait environnemental dans son ensemble. Beaucoup d'éléments sont interreliés. Si on déplace un levier ici, quelle réaction a- t-on provoquée là-bas?

Nous devons nous améliorer pour ce qui est de faire passer le message. La petite fiche de renseignements que Bob distribuait fait partie de ce processus. Toutefois, cela ne consiste pas nécessairement à parler au public de la recherche scientifique et de ce qui se passe dans une ferme de recherche de l'Université de la Saskatchewan. Il s'agit de la façon dont on utilise cette recherche pour faire passer le message.

M. Lowe : Pour ajouter un peu d'information à cette réponse, l'idée m'est venue l'été dernier. Mon tout premier but dans la vie, c'est de nourrir ma famille et mes amis. Si vous retirez la dimension scientifique de la production alimentaire, ma famille et mes amis vont encore être nourris. Je vais m'en tirer. Toutefois, nous vivons dans une société où toute la nourriture est très bon marché, y compris le bœuf. C'est parce que nous disposons des connaissances scientifiques nécessaires.

Pour que le reste de la société puisse manger, nous devons être en mesure d'utiliser les données scientifiques. Vous nous avez dit d'imaginer la situation dans 10 ans. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle sera. Toutefois, je sais qu'on en revient au profit. En agriculture, les marges deviennent de plus en plus petites, alors on a de plus en plus besoin des unités, et des gains en efficience. Tout cela nous est fourni par la science. Je ne sais pas où on s'en va, mais je sais que, si nous disposons des fonds nécessaires, nous serons encore en mesure de produire des aliments aussi bon marché que n'importe qui dans le monde.

La sénatrice Petitclerc : J'ai une autre question à poser. Je souhaite connaître votre point de vue. Brossez-moi un bref tableau de la production de bœuf biologique par rapport au bœuf conventionnel, du point de vue de l'impact sur l'environnement. C'est que, spontanément, on aurait tendance à penser que c'est beaucoup mieux, mais peut-être que vous pouvez me donner une idée de ce à quoi ressemble la situation du point de vue de la durabilité ou de l'accès aux consommateurs, dans le cas de la production de bœuf biologique par rapport au bœuf conventionnel?

M. Lowe : Les deux sont bons. C'est de la vente de bœuf dans les deux cas. Toutefois, nous n'allons pas nourrir une société grâce à la production biologique. C'est remonter dans le temps. C'est revenir 50, 60 ou 70 ans en arrière. Je crois que nos connaissances scientifiques sont très bonnes. Nous produisons beaucoup plus à l'aide de beaucoup moins. Si nous retournons à une production alimentaire entièrement biologique, nous allons nous mettre à avoir pas mal faim.

Le sénateur Oh : Ma question nous ramène encore une fois à la tarification, à la commercialisation. Concernant le régime de tarification du carbone, l'Australie a conclu un accord de libre-échange avec le marché chinois. Son bœuf est partout en Chine. Ainsi, alors que vos produits sont exportés en Chine, les Australiens profitent de droits d'importation moins élevés grâce à l'accord de libre-échange. Comme le régime de tarification du carbone s'appliquera à vous, comment envisagez-vous la situation : vos prix seront-ils concurrentiels à l'étranger?

M. Masswohl : Il s'agit certainement d'un morceau du casse-tête. Comme nous le savons, la taxe sur le carbone n'a pas encore été pleinement mise en œuvre ici. Nous ne connaissons pas tous les détails. Nous ne savons pas quelles sont les exemptions. Toutefois, nous avons toujours une préoccupation.

Vous soulevez l'exemple précis d'un environnement concurrentiel sur un marché, en Chine. Nous savons que l'Australie est un énorme concurrent pour nous. Nous venons tout juste d'élargir notre accès en Chine; maintenant, le bœuf canadien non désossé a accès au marché. Nous devons expédier des produits congelés seulement. Nous ne pouvons pas en expédier des frais. À notre avis, nous fournissons un produit de grande qualité.

Ce qui est très emballant pour nous au sujet de la Chine, c'est qu'il y a là un marché très haut de gamme. Ce pays compte beaucoup de gens très riches qui sont disposés à payer pour obtenir un produit de grande qualité. Les produits frais, c'est de cela que nous avons besoin. Nous avons encore besoin d'un accès à la Chine pour le bœuf frais, qui arrivera probablement par avion afin de servir ce marché.

Alors, tous ces éléments entrent dans l'équation. Si nous avons une taxe que nos concurrents n'ont pas, si nous avons une taxe à un certain échelon qu'ils n'ont pas ou dont ils sont exemptés, mais pas nous, il s'agira d'un facteur. Le tarif douanier est aussi un facteur. Le tarif sur le bœuf qui entre en Chine varie en fonction de la nature du produit, mais il avoisine les 20 à 25 p. 100.

Je sais que le Canada et la Chine ont annoncé qu'ils vont étudier la possibilité d'un accord de libre-échange Canada- Chine. Nous serions très favorables à cet accord, dans l'avenir, afin de nous débarrasser de ce tarif et de nous mettre sur un pied d'égalité avec nos concurrents de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande; la Nouvelle-Zélande a conclu un accord de libre-échange avec la Chine il y a maintenant quelques années. Ce sont tous des éléments du paysage concurrentiel général.

Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Merci, monsieur le sénateur Oh.

Monsieur le sénateur Woo, veuillez prendre la parole.

Le sénateur Woo : Je tente de faire le calcul des coûts qu'entraînera la taxe sur le carbone pour votre industrie. C'est approximatif, mais votre exposé nous indique que la production bovine canadienne compte pour environ 12 kilos d'équivalent en dioxyde de carbone par kilogramme de poids vif. Selon mon calcul approximatif, cela donne des coûts supplémentaires de 36 cents par kilo de poids vif, si nous supposons que le prix du carbone s'établira à 30 $ la tonne. Vous pouvez vérifier les calculs, mais est-ce que cela vous semble à peu près exact? En outre, si c'est 36 cents par kilo de poids vif de bétail, quelle proportion de vos coûts cette taxe représente-t-elle? J'essaie de déterminer quelle est l'incidence financière réelle qu'aurait sur l'industrie un prix du carbone de 30 $ la tonne. Est-ce que 36 cents par kilo de poids vif semble à peu près exact?

M. Lowe : Je n'ai jamais effectué ce calcul. Je ne veux pas le contester. C'est le fait qu'il s'agit tout simplement d'un autre coût.

Le sénateur Woo : Je sais, mais j'essaie d'obtenir les proportions, vous savez? Bien entendu, toutes les industries devront faire face à de nouveaux coûts parce que, regardez, le prix du pétrole pourrait remonter jusqu'à 80 $ en trois mois, et nous serons confrontés à davantage de coûts, mais il s'agit de l'ampleur de l'incidence et de la façon dont elle peut être atténuée, le cas échéant.

Il ne s'agit peut-être pas d'une question équitable, mais, si, à un certain moment, vous êtes en mesure de nous donner des calculs, il sera très intéressant pour moi de vraiment approfondir les chiffres pour voir quel genre d'incidence concrète la taxe aura sur votre industrie et sur d'autres industries.

M. Masswohl : Comme, dans mon esprit, je fais en quelque sorte passer votre calcul — peut-être — à la prochaine étape, et que ce soit 30, 35 ou 40 cents, c'est quelque chose.

Le sénateur Woo : Oui.

M. Masswohl : Selon le fonctionnement du marché de la transformation du bœuf et du marché bovin, Bob produit un animal vivant, qu'il vend à un abattoir de bovins, où cet animal est découpé en 300 pièces différentes. L'abattoir doit vendre chaque pièce au client le plus offrant.

Si vous êtes allé à l'épicerie, vous avez vu qu'un haut de surlonge coûte tant, qu'un bifteck de ronde coûte tant et que le bœuf haché coûte tant. Ils ont tous un prix différent. La question est la suivante : si vous estimez ce coût supplémentaire, comment pouvez-vous transposer ce prix sur le marché, sur telle ou telle coupe? La réalité, c'est que vous ne le pouvez probablement pas parce que, si vous mettez chacune de ces pièces dans une épicerie canadienne et que les épiciers et les clients ont également l'occasion de voir le prix du bœuf canadien et de le comparer à celui du bœuf américain et à celui du bœuf australien, qui sera moins élevé, certains clients paieront davantage pour du bœuf canadien — absolument —, mais ils ne sont pas assez nombreux.

Nous croyons que peut-être environ 15 p. 100 des consommateurs sont disposés à payer plus pour un produit local, mais la plupart des gens essaient seulement d'obtenir le produit à bon prix. Ou bien — désolé, messieurs — ils pourraient décider d'acheter du porc, du poisson, du poulet ou quelque chose d'autre.

Les consommateurs doivent tenir compte de beaucoup de variables sur le marché, alors nous pensons que l'imposition de cette taxe — quel que soit son taux — modifie l'équation du marché en entier, si ce n'est pas fait d'une manière qui est uniforme dans l'ensemble des administrations et pour tous les concurrents.

Le sénateur Woo : En ce qui concerne l'uniformité, une idée circule dans certains cercles au sujet d'une taxe canadienne de rajustement à la frontière imposable aux produits importés de pays qui n'ont pas établi de régime de rajustement du carbone, comme une taxe sur le carbone. Dans votre industrie, bien entendu, cette taxe s'appliquerait aux États-Unis. Pouvez-vous me donner une opinion sur cette idée?

M. Masswohl : Je suppose que nous avons commencé à en entendre parler. Je ne sais pas si nous en avons vraiment entendu parler dans des cercles officiels en tant que proposition. J'imagine qu'il y a beaucoup de questions concernant la façon dont cette taxe s'inscrit dans vos obligations commerciales à l'égard de l'OMC. S'agit-il d'un tarif d'importation? C'en est un.

Le sénateur Woo : Oui. C'est une taxe de rajustement à la frontière.

M. Masswohl : Exact, il s'agit d'une nouvelle terminologie provenant d'un certain pays avec lequel nous allons avoir un vrai problème.

Le sénateur Woo : Oui.

M. Masswohl : Vous savez, nous voyons déjà le gouvernement de notre pays s'adresser aux Américains et affirmer que, si aucune taxe de rajustement à la frontière n'est imposée dans leur pays, ils peuvent s'attendre à ce qu'il y ait des représailles. Alors, ce qui est bon pour l'un s'applique à l'autre.

Le sénateur Woo : D'accord.

Le vice-président : Bien entendu, l'autre complication tient au fait que, dans l'industrie bovine, le bétail traverse la frontière presque aussi souvent que les Canadiens eux-mêmes, alors d'où provient vraiment l'animal en question? C'est une complication.

J'ai deux ou trois questions très rapides à poser avant que nous terminions.

Comment savez-vous que seulement 15 à 20 p. 100 des consommateurs achèteraient du bœuf canadien plutôt que du bœuf importé, même si le prix était différent? Comment le savez-vous?

M. Masswohl : Pendant bien des années, nous nous sommes battus contre quelque chose qu'on appelait l'étiquetage du pays d'origine, aux États-Unis, et la façon dont les Américains l'avaient appliqué. Maintenant, ce n'est pas nécessairement que nous soyons contre la notion d'étiquetage du pays d'origine et le fait de fournir cette information aux consommateurs, mais les États-Unis l'ont appliqué d'une manière qui se voulait discriminatoire envers le bétail importé. Durant cette période, nous avons effectué beaucoup d'études sur les Américains.

Du point de vue de la commercialisation, nous avons également étudié l'attitude des Canadiens, les divers facteurs dont les consommateurs tiennent compte lorsqu'ils sont à l'épicerie. Dans le cadre de beaucoup de recherches, nous avons constamment constaté que, d'une liste de 10 facteurs, l'origine du produit arrivait quelque part vers la sixième ou la septième place dans l'ordre d'importance. Le prix était toujours en tête de liste, de même que la couleur du produit et ce genre de choses.

Le vice-président : Je connaissais la réponse. Je voulais seulement que vous la déclariez officiellement. En tant que principal responsable de l'épicerie, chez moi, la première chose que je regarde lorsque j'arrive dans le rayon des viandes, c'est le prix et la qualité.

L'autre événement intéressant qui s'est produit sur le marché canadien au cours de la dernière année ou à peu près, c'est qu'au moins une chaîne de restauration rapide a beaucoup insisté sur le fait qu'elle prétend servir du bœuf sans hormones et sans stéroïdes. Toutefois, elle ne parle pas de l'origine du bœuf. Je sais qu'une autre grande chaîne passe beaucoup de temps à parler du fait qu'elle utilise presque exclusivement du bœuf canadien.

Est-ce que cela a eu un effet? Cela a eu un effet sur leurs ventes. Je ne vais plus assez souvent dans les restaurants- minute pour pouvoir comparer les prix, mais je pense qu'ils vendent leurs produits plus chers que certains de leurs concurrents. Cette publicité a-t-elle eu un effet sur l'industrie du bétail?

M. Lowe : Probablement, d'une façon mineure. Ce n'est rien que nous puissions mesurer. Je veux dire, ces restaurants vendent du bœuf. Il s'agit du tout premier critère.

Le vice-président : Mais est-ce du bœuf canadien?

M. Lowe : Eh bien, je sais de quelle chaîne vous parlez, et, en fait, en Alberta, c'est le cas. Pour ce qui est du reste du Canada, je n'en suis pas certain.

En Alberta, c'est du bœuf canadien, mais c'est la seule province. Je sais que c'est vrai. Mais, comme l'a dit un collègue, ces restaurants auraient pu cesser de vendre des hamburgers et passer aux burgers au poulet, ce qui aurait été mauvais pour l'industrie bovine. Alors, s'ils vendent du bœuf, ils vendent du bœuf. Nous préférerions que les publicités affirmant qu'on n'utilise jamais telle ou telle chose n'existent pas, car cela laisse entendre que, dans certains cas, l'aliment principal n'est pas aussi bon.

Le vice-président : Je pense que la complication tient au fait que certaines personnes utilisent cela comme outil publicitaire. Ces chaînes ont-elles autre chose à dire, mis à part le fait que le bœuf qu'elles utilisent ne contient pas d'hormones ou de stéroïdes? Cela n'en fait pas nécessairement du meilleur bœuf.

L'autre question que nous n'avons pas abordée aujourd'hui et que nous n'aurons maintenant pas le temps d'aborder, c'est le fait que nous serons 9 milliards de personnes sur la planète d'ici 2050 et que nous devons être en mesure de les nourrir. Cela signifie que nous devons être plus efficients dans la façon dont nous produisons la nourriture. Cela pourrait signifier que nous avons besoin de plus d'interventions au moyen de produits chimiques et de choses comme les stéroïdes et les hormones afin de pouvoir répondre à cette demande. Si nous ne pouvons pas nourrir les 9 milliards de personnes et qu'un autre milliard sont affamées, ces personnes ne seront pas seulement affamées; elles seront aussi en colère, et les gens en colère font des choses que le reste d'entre nous ne va pas aimer. Alors, nous devons être préparés à améliorer cette production.

Merci messieurs. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de venir. Votre participation aux séances et votre réponse à nos invitations sont toujours bienvenues, et nous vous en remercions. Nous vous félicitons de votre récent succès en Chine et vous en souhaitons beaucoup d'autres.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

Le président : Je souhaite la bienvenue au deuxième groupe de témoins.

[Français]

Nous accueillons maintenant Corlena Patterson, directrice exécutive de la Fédération canadienne du mouton, Barbara Johnstone-Grimmer, directrice, Colombie-Britannique, Fédération canadienne du mouton, Normand Martineau, deuxième vice-président du Conseil canadien du porc, et Gary Stordy, directeur des relations publiques. Bonjour.

[Traduction]

Corlena Patterson, directrice exécutive, Fédération canadienne du mouton : Bonjour et merci aux sénateurs. Au nom de la Fédération canadienne du mouton et de l'industrie ovine canadienne, je souhaite vous remercier de nous offrir l'occasion de vous parler de certains changements que les membres de notre secteur s'attendent à voir survenir dans l'élevage du mouton au Canada en raison des changements climatiques; de certaines mesures d'adaptation et d'atténuation pouvant être mises en œuvre; et de certaines mesures de soutien qui pourraient vraiment aider les entreprises de notre secteur agricole à mettre en œuvre ces mesures d'adaptation et d'atténuation.

Je suis la directrice exécutive de la Fédération canadienne du mouton. Je suis accompagnée par Barbara Johnstone- Grimmer, directrice, Colombie-Britannique. Elle a rédigé un bon nombre d'articles sur les changements climatiques et leur incidence sur l'élevage du mouton au Canada.

Je vais présenter un exposé, et Barbara m'aidera assurément à répondre aux questions. J'ai fourni un document qui contient plus de détails que mon exposé d'aujourd'hui. Vous pourrez en prendre connaissance ultérieurement.

Les grands éleveurs et les agriculteurs se sont toujours adaptés aux changements météorologiques, mais les tendances climatiques des quelques dernières décennies, et celles prévues à l'avenir, offrent de nouvelles possibilités en agriculture et posent aussi de nouveaux défis. L'accroissement du nombre de phénomènes météorologiques extrêmes et très variables, comme des sécheresses et des inondations, l'augmentation des températures annuelles, l'augmentation des précipitations en hiver dans presque tout le pays, et possiblement la diminution de l'apport neigeux — comme nous le constatons aujourd'hui à l'extérieur —, la baisse du niveau des lacs, la baisse des débits des cours d'eau et le recul des glaciers entraînent une diminution de l'humidité du sol, et nous prévoyons que ces changements feront partie de notre nouvelle normalité.

Pour limiter le réchauffement climatique et ses conséquences sur l'agriculture, il faut consentir un effort international. Si nous voulons aller plus loin, le fait de pratiquer une « agriculture intelligente face au climat » dans le domaine de l'élevage du mouton pourrait aussi avoir pour effet d'améliorer l'efficacité de la production et la rentabilité, tout en nous permettant de nous adapter aux changements climatiques et de réduire les GES.

Notre latitude septentrionale nous conférera certains avantages par rapport aux régions plus chaudes. Selon certaines indications, jusqu'en 2060, la capacité de paissance des prairies canadiennes demeurera productive, et la quantité de graminées de saison chaude cultivées sur des sols sableux augmentera. On s'attend à effectuer les semis plus tôt et à profiter de niveaux d'humidité du sol inchangés ou améliorés, et on prévoit des étés plus chauds et plus secs et un réchauffement plus hâtif au printemps dans la plupart des régions, même si des conditions climatiques plus sèches en général pourraient survenir à certains endroits.

Même si les saisons de croissance seront plus longues, les étés plus chauds réduiront la saison de végétation des graminées et des cultures de saison fraîche. L'augmentation des températures est habituellement liée à l'augmentation nette de la productivité primaire, mais on prévoit que les vagues de chaleur diminueront la productivité en raison de l'augmentation de l'évapotranspiration et de l'assèchement croissant des sols.

L'augmentation des niveaux de CO2 pourrait favoriser la croissance des végétaux, mais pourrait aussi avoir des effets négatifs sur la distribution des plantes et des espèces ainsi que sur la qualité et la quantité des plantes fourragères. L'augmentation des niveaux de CO2 pourrait favoriser la croissance des mauvaises herbes, et la tendance générale au réchauffement pourrait accroître la variété de mauvaises herbes et d'espèces envahissantes. On s'attend à ce que de nombreuses écorégions d'élevage soient touchées par de grandes sécheresses. Le nombre de feux de forêt devrait croître en raison de l'augmentation des températures, des sécheresses en été et du nombre d'arbres morts à cause du dendroctone. Les régions côtières subiront vraisemblablement des hivers plus humides, et, en raison de la hausse des températures, les parasites poseront peut-être davantage problème.

Les changements climatiques ont été liés à une augmentation des infections parasitaires, et, habituellement, un environnement humide et chaud favorise l'apparition de vers. On a pu constater cela dans des régions comme les Maritimes et la côte Ouest, où bien souvent nous sommes confrontés à la résistance des parasites.

Outre les changements touchant les conditions de croissance des végétaux et les cultures, on peut constater chez le bétail directement soumis à des températures extrêmes et au stress thermique une diminution de l'appétit, une transpiration et un halètement excessifs, une augmentation de l'hormone de stress, une diminution des hormones thyroïdiennes, des réactions de thermorégulation comportementale, la déshydratation, un déséquilibre nutritif et des carences. Ces changements réduisent la productivité et augmentent les taux de morbidité et de mortalité du bétail.

Les moutons qui sont exposés à des températures élevées présentent une altération de la fonction reproductrice, qui est aggravée par un taux d'humidité élevé. Ce trouble s'accompagne d'une réduction de la prise alimentaire et de l'efficacité et de l'utilisation alimentaire ainsi que d'une interruption des processus métaboliques du système digestif et d'une réduction de la lactation.

L'augmentation des températures estivales peut aussi avoir une incidence sur la qualité de la viande du bétail en raison des effets directs de la chaleur, comme la déshydratation, la perte de poids, l'altération du métabolisme musculaire et le stress. Par ailleurs, ces effets surviennent en particulier pendant le transport et la manipulation vers des abattoirs ou des enceintes de mise aux enchères. Le climat a une influence sur des maladies comme la fièvre charbonneuse, la fièvre aphteuse, l'hémonchose et la fièvre catarrhale du mouton en modifiant leur aire de distribution et le moment ou l'intensité des éclosions. La saison des maladies propagées par des insectes aériens sera probablement allongée, et les périodes d'éclosion seront modifiées partout au Canada.

Que pouvons-nous faire devant ces changements des conditions touchant l'agriculture? Il est possible de s'adapter aux changements climatiques en réagissant aux changements observés sur la ferme et en procédant à une planification à long terme tenant compte des changements climatiques attendus. Il appartiendra aux responsables de chaque ferme de cerner les points faibles et les possibilités propres à leur exploitation agricole. Les ressources et les outils permettant de prévoir les tendances climatiques régionales et leurs effets jouent un rôle important; de nouveaux outils sont en cours d'élaboration, et il nous en faut encore plus. Des outils comme le logiciel Holos d'AAC permettent aux producteurs d'évaluer les émissions de GES, de cerner des mesures d'adaptation et de réduire leurs émissions de GES au fil du temps.

Les mesures d'adaptation peuvent comprendre la préservation et l'amélioration de l'approvisionnement en eau; l'installation de systèmes de drainage et d'irrigation; la diversification des activités de la ferme; la modification des dates de plantation et de récolte, de reproduction et d'agnelage; l'amélioration des abris et des infrastructures destinés au bétail; ou la mise à contribution de technologies nouvelles d'adaptation.

De la même façon, des mesures d'atténuation visant à réduire la quantité nette d'émissions de GES dans l'atmosphère sont essentielles pour ralentir les changements climatiques. Les stratégies d'atténuation pouvant être mises en œuvre par notre secteur comprennent le recours à des vérifications énergétiques et relatives au climat pour évaluer et améliorer de façon globale la productivité de la ferme et l'utilisation efficace des ressources; l'optimisation de la productivité pour améliorer l'utilisation efficace des ressources; la mise en œuvre de mesures de biosécurité; l'amélioration de la surveillance des maladies et des vecteurs de transmission; et le perfectionnement des stratégies de lutte antiparasitaire pour combattre la migration vers le nord des vecteurs de transmission de maladie et la capacité d'adaptation des organismes pathogènes.

Nous pouvons travailler à séquestrer le carbone dans les arbres, les herbages et le sol, mettre au point des plans de gestion des éléments nutritifs et des plans environnementaux des fermes pour promouvoir les pratiques exemplaires et réduire les perturbations du sol, le travail du sol, les jachères et la surcharge des pâturages. Nous pouvons gérer les ressources en eau, qui sont essentielles pour la santé et le bien-être du troupeau et cruciales pour protéger les terres de pâturage, et explorer le recours à des sources d'énergie renouvelables, non émettrices de carbone, comme le vent, l'eau, le sol et les biocarburants.

Pour soutenir ces initiatives, les gouvernements fédéral et provinciaux jouent un rôle clé en ce qui concerne les mesures d'adaptation et d'atténuation. Des politiques et du soutien, au moyen de programmes incitatifs, sont essentiels pour entraîner des changements dans l'industrie sur le plan de la gestion et des technologies, et pour soutenir des approches globales d'intensification durable, d'atténuation et d'adaptation.

Il est impératif d'investir dans les technologies, les collaborations durables et la recherche qui soutiennent la capacité d'adaptation. Les priorités essentielles en recherche doivent être axées sur les progrès dans le domaine de la séquestration du carbone dans le sol; la réduction au minimum des émissions de GES des divers systèmes de production, étant donné qu'ils diffèrent l'un de l'autre; l'utilisation des intrants agricoles dans un contexte de changements climatiques; et la gestion de la fermentation entérique dans le cas du bétail.

Il est particulièrement important de mener des recherches spécifiques à l'élevage ovin dans les domaines qui le touche, puisque notre secteur fait souvent l'objet de politiques et de programmes fondés sur les effets environnementaux de l'élevage d'autres espèces. L'élevage du mouton a un excellent dossier sur le plan de la durabilité, fait qui n'est ni bien compris ni apprécié à ce jour. Il est important d'offrir davantage de soutien et de transfert technologique afin d'amener la technologie sur le terrain. Les technologies propres exigent d'importantes dépenses en immobilisation et doivent être soutenues par des moyens comme des crédits d'impôt et des modifications aux plans d'amortissement, qui favorisent les investissements.

Dans leur forme actuelle, les plans relatifs à la tarification du carbone au Canada auront un effet négatif sur la compétitivité du secteur agricole canadien. En tant que membres d'une industrie de preneurs de prix, les éleveurs et les agriculteurs canadiens ne peuvent se permettre de refiler les coûts des intrants aux consommateurs, et les taxes sur le carbone ne font qu'augmenter le coût de production et menacer la pérennité de l'industrie.

La possibilité d'accumuler des crédits de carbone et des crédits d'impôt pour les mesures d'atténuation des émissions de GES en agriculture doit être incluse dans les stratégies de tarification du carbone du Canada, et les droits d'émission doivent être calculés de façon équitable par rapport aux taxes qui sont imposées pour leur utilisation. On doit accroître les crédits pour la séquestration du carbone qui compensent la taxe sur le carbone liée aux intrants agricoles pour soutenir les agriculteurs et les éleveurs canadiens, et on doit gérer les différences entre les mécanismes en vigueur dans les provinces et l'application des divers plans de façon à ne pas créer de concurrence à l'échelle du pays.

Les programmes de gestion des risques de l'entreprise doivent avoir un certain degré de flexibilité pour s'adapter à la nature changeante des risques auxquels les agriculteurs canadiens sont confrontés en raison des changements climatiques.

De la même façon, le prochain Cadre stratégique pour l'agriculture doit soutenir de façon inhérente les mesures d'adaptation et de durabilité. Des programmes fédéraux comme le Programme national d'approvisionnement en eau, qui vise à améliorer l'infrastructure des ressources en eau, mais qui a été délaissé, doivent être rétablis. Pour terminer, toutes les provinces doivent inclure dans leurs mécanismes de tarification du carbone des crédits de remplacement pour les agriculteurs et les éleveurs qui utilisent des technologies d'énergie renouvelable en remplacement de celles qui produisent du carbone.

La capacité d'adaptation des moutons aux changements en matière de pâturage, d'alimentation et d'environnement, combinée à la relativement petite empreinte écologique du secteur quant à l'émission de GES pourrait faire en sorte que l'industrie soit en bonne position pour croître dans un contexte de responsabilité environnementale accrue, si elle obtient le soutien approprié.

Le Canada a un avantage unique, car il a longtemps connu le froid, la glace et la neige. Pour certains, un petit réchauffement, en particulier une journée comme aujourd'hui, serait bienvenu et procurerait un certain avantage à l'échelle internationale. Actuellement, le degré d'incertitude et les prévisions quant aux phénomènes météorologiques extrêmes font qu'il est difficile d'être confiant en l'avenir. Peut-être que le meilleur conseil serait d'espérer que tout ira bien, mais de se préparer aussi au pire.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Martineau, vous avez la parole.

[Français]

Normand Martineau, deuxième vice-président, Conseil canadien du porc : Bonjour, je m'appelle Normand Martineau. Je suis éleveur de porcs près de Québec et deuxième vice-président du conseil d'administration du Conseil canadien du porc. Nous représentons neuf régions au Canada. Vous savez sans doute que l'industrie porcine représente 31 000 emplois au Canada, 103 000 emplois directs et indirects, et 24 milliards de dollars en retombées économiques. Nous sommes 7 000 producteurs de porc au Canada et nous élevons 25 millions de porcs destinés à la consommation interne ainsi qu'au marché international chaque année.

D'entrée de jeu, je tiens à remercier les membres du comité de nous avoir invités à discuter de l'impact potentiel des effets des changements climatiques sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Les changements climatiques sont un enjeu réel. Notre planète a bel et bien besoin d'un électrochoc environnemental. Ainsi, tout en multipliant nos efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous avons le devoir d'être lucides et de nous adapter à de nouvelles réalités. En ce qui concerne les changements climatiques, l'équilibre des menaces et des opportunités pourrait bien avantager le Canada, dans la mesure où l'on s'y prépare adéquatement. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas attendu pour modifier nos pratiques afin de limiter notre impact sur l'environnement.

Un secteur qui se prend en main, l'élevage du bétail, commande un engagement 24 heures sur 24 toute l'année. En plus du bien-être de leurs animaux, les éleveurs ont à coeur la saine gestion du patrimoine naturel. Grâce à des avancées technologiques continuelles, nous élevons maintenant plus d'animaux sur moins de terre, en consommant moins de ressources, afin de limiter ainsi les impacts de notre production sur l'environnement. En effet, la recherche nous a permis d'améliorer la reproduction, les programmes de santé à la ferme et la nutrition animale afin d'augmenter la productivité.

Aux États-Unis, nos collègues du National Pork Board ont réalisé une étude démontrant qu'au cours des 50 dernières années, nous avons amélioré de 33 p. 100 l'indice de conversion alimentaire, réduit de 41 p. 100 l'utilisation de l'eau, réduit de 59 à 78 p. 100 l'utilisation totale des terres, et réduit de 35 p. 100 notre empreinte de carbone. Les éleveurs gèrent les rejets d'animaux avec rigueur en participant à des programmes de gestion agro-environnementale. Ces plans sont élaborés de concert avec des experts des sols et des eaux pour indiquer quand et combien d'éléments nutritifs sont appliqués dans nos champs et nos cultures.

Dans plusieurs régions du Canada, les éleveurs ont recours à des méthodes d'épandage du fumier par injection, c'est- à-dire dans le sol. Une telle injection directe dans le sol contribue non seulement à réduire les ruissellements, mais également les émissions d'azote, un puissant gaz à effet de serre. La plantation de haies brise-vent d'odeurs et l'aménagement de bandes riveraines qui favorisent la captation du CO2 sont aussi encouragés.

Les résultats y sont. Selon les données publiées par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation (FAO), notre porc aurait la meilleure performance de toutes les régions du monde en matière de bilan de carbone. Par rapport à la moyenne mondiale, on parle de 31 p. 100 de moins d'émissions de gaz à effet de serre par kilogramme de carcasse. Au cours de la dernière décennie, l'industrie agricole a effectué des recherches et a investi dans la technologie de gestion des lisiers, tels les digesteurs anaérobies

Pour demeurer compétitive dans un marché concurrentiel, l'industrie du porc est engagée dans une saine gestion du patrimoine naturel et dans le développement et le recours à des carburants renouvelables. Cependant, elle ne peut toutefois assurer son essor sans des règles du jeu équitables. Nous devons demeurer compétitifs dans un marché où les marges sont serrées et où la compétition est très féroce. Les éleveurs sont préoccupés par une éventuelle taxe sur le carbone et par l'augmentation conséquente du coût de certains intrants de production. À titre de preneurs de prix, nous ne pourrons transférer les frais d'exploitation supplémentaires aux consommateurs. Notre réussite en tant qu'industrie tient essentiellement à notre compétitivité sur les marchés intérieurs et internationaux. Elle est à risque lorsque les pays compétiteurs ne s'imposent pas de contraintes aussi sévères que celles du Canada. Dans une industrie où les marges sont faibles, il est possible qu'une ou plusieurs provinces établissent un plan tarifaire pour le carbone qui entraîne pour les éleveurs un désavantage concurrentiel par rapport à un éleveur d'une autre province. Des règles du jeu cohérentes et équitables sont essentielles.

Par ailleurs, il y a quelques pistes d'actions concertées. Près de la moitié de l'empreinte carbone associée à l'élevage porcin est attribuable à l'alimentation des porcs. Conséquemment, l'indice de conversion, comme je l'ai mentionné plus tôt, et la santé de nos troupeaux sont d'incontournables points de départ pour réduire les émissions globales de l'élevage porcin. Ainsi, il serait approprié de soutenir des projets de recherche — et vous le faites très bien, au Canada — pouvant mener à des améliorations pratiques dans les bâtiments qui généreront encore davantage d'économies d'aliments, d'eau et d'énergie. Outre le coût de l'alimentation des animaux, le coût de l'électricité et du carburant représente une partie importante des coûts de production. Le chauffage de bâtiments est le seul élément important du coût qui dépend des combustibles fossiles. Le coût de l'électricité peut varier d'une province à une autre. Il est donc essentiel de trouver des moyens de réduire ces coûts et de disposer de règles du jeu équitables.

Le gouvernement peut toutefois aider les éleveurs à devenir plus efficaces en les aidant à investir dans la construction de nouveaux bâtiments plus efficients dotés de nouveaux systèmes de ventilation. Des installations plus performantes améliorent la productivité animale, atténuent l'impact environnemental et réduisent l'incidence et la variabilité saisonnière des températures dans les bâtiments.

Nous sommes d'ailleurs ravis que le budget fédéral de 2017 comporte du financement au titre du « Développement et du transfert de technologies propres ». Il est essentiel que la recherche et l'innovation soient au coeur de l'amélioration globale de la productivité dans notre secteur et que le soutien de la recherche soit maintenu dans les discussions sur le nouveau Cadre stratégique pour l'agriculture.

En conclusion, notre industrie a trois attentes : l'élaboration d'un cadre réglementaire permettant à notre industrie de demeurer compétitive à l'échelle mondiale en vue de la taxe sur le carbone; le soutien à la recherche dans le domaine des technologies afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre des élevages; l'accompagnement financier des éleveurs dans l'adoption de technologies et d'infrastructures novatrices dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment un soutien à l'investissement en matière de ventilation, de structures d'entreposage, de bandes riveraines et de méthanisation, pour ne nommer que ceux-ci.

Je vous remercie de votre attention et d'avoir choisi de traiter de ce dossier incontournable pour notre avenir à tous. Nous serons ravis de répondre à vos questions.

Le président : Merci infiniment, monsieur Martineau. Je cède la parole au vice-président du comité, le sénateur Mercer.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous de votre présence. Nous avons entendu des exposés très intéressants.

Monsieur Martineau, vous avez mentionné le besoin d'avoir des bâtiments plus efficaces et de meilleurs systèmes de ventilation, et vous avez aussi évoqué par la suite l'aide que le gouvernement pourrait vous apporter. Toutefois, vous n'avez pas précisé quelle forme elle prendrait. Comment cela fonctionnerait-il pour aider à promouvoir votre industrie? Comment feriez-vous cela sans qu'un de nos concurrents dépose une plainte auprès de l'Organisation mondiale du commerce?

[Français]

M. Martineau : Je crois qu'en ce qui concerne le soutien des gouvernements envers leurs industries agricoles, chacun des pays appuie son secteur agricole de différentes façons. Vous n'êtes pas sans savoir que les bâtiments de l'industrie porcine au Canada sont désuets. Nous en sommes rendus à une étape où il faudra mettre en oeuvre les nouvelles technologies pour avoir une meilleure utilisation de nos animaux ainsi qu'une meilleure conversion alimentaire sur le plan animal. Dans toutes les productions, une meilleure ventilation et de meilleures conditions environnementales feront en sorte que les animaux consommeront moins d'aliments et, par le fait même, cela permettra d'améliorer l'ensemble de notre gestion en matière d'émissions de gaz à effet de serre.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vous n'avez pas précisé la façon dont le gouvernement pourrait fournir de l'aide. Dans votre exposé, vous avez mentionné de l'aide gouvernementale quant à de nouvelles installations et à une meilleure ventilation, en d'autres mots la construction de nouveaux bâtiments, mais, dans votre réponse à ma question, vous n'avez pas expliqué ce que vous souhaitez que le gouvernement fasse pour vous aider.

[Français]

M. Martineau : C'est de mettre en place un programme d'investissement qui nous permettrait de rénover nos bâtiments et éventuellement de mettre en oeuvre de nouvelles technologies. Je crois que nous en sommes rendus à une étape où ces améliorations pourraient être soutenues par des programmes d'investissement.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci. J'encourage les responsables du secteur et en particulier les éleveurs de porcs et de moutons de tirer profit d'un marché qui grandira, et j'espère que les occasions se présenteront. Toutefois, nous devons être prudents et ne pas mettre en péril nos relations commerciales en raison d'un soutien gouvernemental trop important.

Les personnes présentes autour de cette table savent que nous ne donnons pas de subventions au secteur agricole au Canada, et nous savons que nos concurrents le font, même s'ils affirment le contraire. C'est bien connu que l'équipement agricole le plus important sur les fermes américaines est la boîte aux lettres, parce que c'est par là qu'arrive l'argent du gouvernement. Nous sommes de votre côté, mais nous devons faire preuve de prudence dans la façon de procéder. Est-ce que quelqu'un souhaite formuler un commentaire?

Gary Stordy, directeur, Relations publiques, Conseil canadien du porc : Oui, j'aimerais seulement ajouter que les acteurs de notre industrie sont assurément très sensibles aux questions que nous avons soulevées. Nous portons une grande attention au fait de nous assurer que notre industrie n'est pas dans une situation où nous pourrions faire l'objet d'une mesure compensatoire. Quant aux installations qui ont besoin de rénovations, la situation est semblable à celles d'habitations au Canada, où il faut vraiment apporter des améliorations pour accroître la circulation de l'air et la résistance aux conditions météorologiques, ce genre de choses, qu'il s'agisse, pour reprendre l'analogie de la maison, de remplacer les fenêtres ou d'installer une meilleure toiture.

Quand il s'agit de certaines installations ou porcheries dans lesquelles nous élevons nos porcs, le gouvernement peut aider de différentes façons. Au départ, il peut financer la recherche visant à améliorer la conception et les matériaux.

Un autre aspect est l'amélioration des programmes existants comme les prêts de la LCPA, un programme de garantie de prêts accessible aux producteurs, mais pour l'industrie porcine. La somme qu'un producteur peut en réalité emprunter pour la construction d'une porcherie moderne est franchement insignifiante.

En plus de cela, notre industrie est fière du fait que nombre de nos producteurs utilisent une meilleure technologie de traitement du lisier. Le meilleur exemple est la technologie d'injection directe dans le sol. Dans ce cas, au lieu d'épandre le lisier sur le sol, on l'injecte dans le sol. Il s'agit d'un avantage environnemental. Cela permet aux nutriments d'aller directement dans le sol et de prévenir l'écoulement des eaux; les nutriments se retrouvent dans le sol, là où ils sont nécessaires.

Une grande partie de la transition de notre industrie pour passer d'une technologie encore utilisable à une technologie d'injection directe a été possible grâce aux programmes fédéraux-provinciaux, il y a 10 ans, lorsque les programmes ne subventionnaient pas le coût de l'équipement, mais offraient au producteur le choix d'acheter une épandeuse ou bien de recevoir de l'aide relativement aux coûts supplémentaires entraînés par l'achat d'un équipement écologique. Lorsqu'on parle de la ventilation d'une porcherie, de tels programmes nous aideraient. Je m'excuse d'avoir parlé aussi longtemps, mais je croyais que ce serait utile.

Le sénateur Mercer : Non, vous n'avez pas pris trop de temps. C'était une contribution très précieuse. Merci beaucoup.

Le sénateur Oh : Merci aux témoins. Tient-on un congrès international sur les mécanismes de tarification du carbone pour l'industrie porcine, l'expédition ou le bétail? Est-ce que vous vous réunissez et parlez de la façon dont la tarification vous touchera et comment vous pouvez résoudre ce problème avec un mécanisme de tarification du carbone?

M. Stordy : Au sein de l'industrie porcine — et je vais également parler de l'industrie bovine —, nous avons établi de nombreux réseaux avec nos partenaires internationaux et d'autres producteurs au Canada. Les intervenants de l'industrie porcine se réunissent avec leurs homologues des États-Unis et du Mexique pour parler des problèmes et de la tarification.

Lorsqu'il s'agit précisément de la tarification du carbone, c'est vraiment une discussion canadienne à ce stade, alors la situation n'a pas évolué à cet égard. Toutefois, nous nous réunissons — dans le cadre de nos réunions trilatérales, mais aussi avec la communauté mondiale des producteurs de viande — pour parler de l'effet que l'agriculture, et particulièrement le bétail, a sur l'environnement. L'organisme s'appelle l'Office international de la viande, pour être plus précis. On se réunit régulièrement pour discuter de certains problèmes, de problèmes environnementaux et d'autres choses, de même que d'autres préoccupations liées à la concurrence.

Barbara Johnstone-Grimmer, directrice, Colombie-Britannique, Fédération canadienne du mouton : Nous n'en avons pas vraiment parlé à l'échelle internationale, mais au pays nos tables rondes principales sur les chaînes de valeur comportent un groupe de travail sur l'approbation sociale, et c'est une de nos priorités. Je suis présidente du groupe de travail, et une de nos priorités est de déterminer la nature des structures de tarification du carbone au Canada. En Colombie-Britannique, nous avons depuis un certain temps la taxe sur le carbone. Notre propre province a annoncé le mois dernier qu'elle permettrait la plantation d'arbres sur des terres agricoles en échange de crédits de carbone. C'est un travail en cours que nous examinons afin d'en déterminer les incidences.

Je sais que, en Colombie-Britannique, la taxe sur le carbone nous a vraiment touchés de façons dont nous ne pouvons même pas mesurer parce que nous en ressentons les effets chaque jour. Dans la région où je vis, dans les îles Gulf, le prix d'un litre d'essence dépasse 1,50 $. Si l'effet d'une taxe sur le carbone est de changer le comportement du public, c'est certainement le cas lorsque le prix de l'essence est si élevé.

Une taxe sur le carbone — c'est mon opinion personnelle — sensibilise davantage les Canadiens à l'enjeu lorsque celui-ci touche tout le monde.

Encore une fois, le problème que j'éprouve est que je ne crois pas que l'agriculture devrait être exemptée, mais je pense effectivement qu'on devrait profiter des possibilités lorsqu'elles se présentent, et vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne pouvez pas mesurer, alors nous avons besoin de davantage de recherche sur les possibilités qui se présentent à nous pour profiter des crédits de carbone en agriculture.

Le sénateur Oh : Savez-vous si vos concurrents à l'échelle mondiale — l'Australie, les États-Unis, le Brésil, l'Argentine —, qui sont de grands producteurs de bétail, font la même chose que nous? Seriez-vous en mesure de les concurrencer s'ils ne faisaient rien et que vous continuiez à faire augmenter vos coûts d'exportation?

Mme Johnstone-Grimmer : Je sais que, aux États-Unis, dans le domaine agricole, on parle de la tarification du carbone pour tous les produits du bétail afin de trouver une façon de profiter également d'une taxe sur le carbone.

En Europe, j'ai suivi des cours à l'Université Wales Bangor. L'Europe est en avance sur nous à de nombreux égards dans ce domaine de recherche. On choisit davantage la voie réglementaire avec l'Union européenne, mais nous optons davantage pour une voie qui offre des possibilités, je crois.

[Français]

M. Martineau : Quant à la taxe, il est sûr qu'il sera difficile éventuellement de s'y opposer, mais si, à l'inverse, on a des programmes de soutien en matière de recherche pour diminuer ou améliorer nos conversions alimentaires, améliorer l'efficacité de nos animaux, et avoir de meilleurs reproducteurs, je crois que, d'une part, on aura un effet négatif, mais d'autre part, on obtiendra des avantages sur le plan de la productivité, ce qui permettra un certain équilibre.

Au fil des ans, nous nous sommes toujours défendus sur le plan de la production. Nous sommes en concurrence avec des pays qui disposent d'une main-d'oeuvre bon marché. Les kilos de viande sont moins chers qu'au Canada. Nous avons nos marchés et nos normes de qualité. Nous trouvons sûrement notre compte dans tout cela. Il y a eu de belles améliorations sur le plan de la recherche au cours des dernières décennies, et ce n'est pas terminé. La santé de nos troupeaux nous permet de faire beaucoup mieux que ce qu'on fait en ce moment.

[Traduction]

Mme Patterson : Je voulais faire une observation à ce sujet. Il s'agit non pas d'une réaction propre à notre secteur, mais davantage d'une réaction mondiale. J'ai assisté à un webinaire avec le groupe de la SFDD, le groupe de la Stratégie fédérale de développement durable, qui met fréquemment — je crois que c'est aux trois ans — à jour une analyse « choc » des plans de durabilité, à l'échelle mondiale. Dans l'analyse « choc » mise à jour récemment sur ce qu'on fait en matière de durabilité — parce que l'environnement et les changements climatiques font partie de manière légitime du concept de durabilité —, les pays qui possèdent des plans proviennent principalement de l'Europe. On a posé une question très précise : « Comment se fait-il que vous ne nous ayez pas montré ce que les États-Unis ou le Mexique font relativement au développement durable? » On a répondu : « Parce qu'ils n'ont pas de plans. »

Cela montre bien où nous en sommes comme pays... Nous devons être fiers du fait que, du moins, nous portons une certaine attention au problème et élaborons des politiques. Nous établissons des points de référence en ce qui concerne notre contribution aux changements climatiques en examinant l'adaptation et l'atténuation, et nous avons la capacité d'améliorer nos progrès à cet égard.

Un certain nombre de pays, y compris certains de nos principaux concurrents dans notre industrie, n'ont pas ces mesures en place. C'est pourquoi, lorsque nous parlons de compétitivité, du moins pour nous dans certains cas, il s'agit vraiment d'un problème. Nos principaux concurrents n'auront pas — ou n'ont pas, du moins, à l'heure actuelle — une taxe sur le carbone qui s'ajoutera à leur coût de production. Cela a vraiment une incidence sur la façon dont nous pouvons être concurrentiels.

Selon une perspective mondiale, il semble y avoir une pénurie de stratégies à l'extérieur de l'Europe qui englobent les changements climatiques, et cela complique passablement la tâche de tenir une table ronde internationale propre à une industrie, au secteur du bétail ou à l'agriculture en général sur les changements climatiques.

Le sénateur Oh : Nous devons être prudents relativement à notre part de marché. S'il n'y a pas de part de marché, il n'y a pas de taxe sur le carbone.

Mme Patterson : Absolument, oui.

Le sénateur Woo : Merci de votre témoignage. J'aimerais que nos collègues du secteur ovin parlent des expériences sur le terrain que nous avons vécues pendant près d'une décennie en Colombie-Britannique avec la taxe sur le carbone en place et ses effets sur le secteur ovin de la province, tant avant qu'après l'exemption du carburant agricole. Je m'intéresse particulièrement à l'effet sur le commerce international des produits ovins et de l'agneau.

Un débat important se déroule dans notre comité depuis maintenant des semaines — depuis le début de nos audiences — concernant l'effet qu'aura un prix national sur le carbone sur le secteur agricole. Nous avons entendu uniformément qu'il touche la compétitivité, qu'il entrave le commerce et ainsi de suite. Mais une expérience sur le terrain se poursuit depuis plusieurs années déjà en Colombie-Britannique, dans certains secteurs agricoles, parce que la province ne représente pas le spectre des industries agricoles au pays. L'élevage de moutons serait toutefois un bon exemple.

Nous aimerions entendre ce que vous avez à dire sur l'expérience de la Colombie-Britannique.

Mme Johnstone-Grimmer : Comme je l'ai mentionné, je crois que nous constatons une augmentation générale du coût de production. Nous sommes des preneurs de prix, alors c'est difficile.

En Colombie-Britannique, l'agneau tend à être commercialisé directement. Nous pouvons en réalité mieux fixer notre prix de cette façon. Nous visons à fabriquer un produit d'agneau de première qualité de la Colombie-Britannique avec une association d'abattoirs de la province. Au Canada, nous venons d'annoncer un programme de mouton vérifié. Cela nous permet d'offrir un peu plus au consommateur en ce qui concerne la salubrité des aliments à la ferme, la biosécurité et le bien-être des animaux. Nous avons également notre programme agroenvironnemental.

Mais la taxe sur le carbone est insidieuse. Ce n'est pas tout le monde qui a accès à du carburant agricole. Mais je crois que le gouvernement de la Colombie-Britannique a également prévu — je l'ai lu, mais je ne l'ai pas vu en réalité dans mon projet de loi fiscal — certains crédits visant nos taxes agricoles. Il s'agit donc d'un petit allègement fiscal.

Nous avons essayé de contourner le problème en commercialisant directement plus de produits ou en travaillant davantage avec les détaillants sur la chaîne de valeur, selon notre réalité.

Le sénateur Woo : Connaissez-vous l'étude de 2014 effectuée par Rivers et Schaufele? La Revue canadienne d'agroéconomie a réalisé une étude précise sur l'effet qu'a la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique sur les échanges de produits agricoles dans la province et les marchés internationaux. L'étude a montré qu'il n'y avait aucun effet.

Mme Johnstone-Grimmer : Oui, je l'ai lue. On a cru que les chercheurs n'ont peut-être pas eu assez de temps pour effectuer l'étude, mais ceux-ci ont trouvé qu'il n'y avait aucun effet sur l'agriculture.

Le sénateur Woo : Malgré la taxe sur le carbone.

Mme Johnstone-Grimmer : Malgré la taxe sur le carbone. Oui, j'ai l'étude sur mon téléphone si quelqu'un veut la lire.

Le sénateur Woo : Juste pour faire un suivi de votre approche pour élaborer... Vous n'avez pas utilisé ces mots, mais je crois que vous tentiez de parler d'un « produit de première qualité », où vous avez des quantités de votre produit que d'autres producteurs n'ont pas. Quel type de première qualité pouvez-vous obtenir en vous concentrant sur cet aspect?

Mme Johnstone-Grimmer : Nous avons un marché très solide en Colombie-Britannique. Les consommateurs de cette province sont très conscients de la nourriture locale et ils recherchent des produits locaux. Nous sommes en mesure de fixer un prix beaucoup plus élevé que notre coût de production parce que c'est la seule façon de poursuivre nos activités.

Le sénateur Woo : Oui.

Mme Johnstone-Grimmer : Il existe une demande éthique importante pour l'agneau en Colombie-Britannique qui dépasse ce que nous pouvons produire.

La sénatrice Beyak : Merci aux témoins. La façon dont nos grands éleveurs et nos agriculteurs s'occupent de leurs animaux est reconnue à l'échelle mondiale tout comme la qualité de leurs produits. J'ai été surprise d'entendre parler des stress des animaux. Je me demande si vous pouviez nous en dire un peu plus à ce sujet et nous dire comment vous relevez ces défis.

Mme Johnstone-Grimmer : Nous avons souffert d'une grave sécheresse il y a quelques années; quatre mois se sont écoulés sans aucune pluie. C'est une région qui souffre d'un déficit hydrique même pendant une bonne année. Afin de bien nous occuper des animaux, nous surveillons également leurs comportements. Les moutons s'adaptent très facilement aux changements climatiques. Ils vont commencer à brouter plus tôt le matin et plus tard le soir et chercheront un abri pendant la journée.

Alors nous nous assurons qu'ils ont accès à de nombreuses zones d'ombre, à de l'eau fraîche — non pas à des mares- réservoirs, mais à de l'eau potable fraîche —, nous les plaçons dans des enclos aménagés en cas de sécheresse et nous les nourrissons.

C'est aussi bon pour nous parce qu'ils continueront d'être productifs.

La sénatrice Beyak : Voulez-vous ajouter autre chose sur la façon dont la situation touche vos animaux?

[Français]

M. Martineau : Il est certain que la ventilation permet de régulariser les températures dans nos bâtiments. Il y a des températures idéales pour notre production qui font en sorte de favoriser la conversion alimentaire et les animaux. Lorsque la température est plus élevée, nos animaux sont plus aptes à se reposer et à limiter leur consommation pour éviter d'avoir à bouger ou à faire des efforts qui feront en sorte qu'ils auront encore plus chaud. Donc, nos animaux consomment moins et performent moins. Pour la plupart des animaux, chez les bovins laitiers tout comme chez d'autres espèces, une température élevée diminue la performance des animaux.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Pratte : Ma première question s'adresse à M. Martineau. Si j'ai bien compris, même si la taxe sur le carbone ne fait pas trop votre affaire, vous allez l'accepter de mauvais gré pourvu que l'argent provenant de la taxe vous serve à des fins d'investissement. Je vous avoue que je suis un peu étonné, parce que, jusqu'à maintenant, les producteurs d'autres secteurs de l'industrie agricole nous ont dit qu'ils ne voulaient surtout pas de taxe sur le carbone. Même si l'argent leur était retourné à des fins d'investissement dans le secteur, ils ont répondu que ce serait épouvantable pour la compétitivité. Qu'y a-t-il de particulier dans l'industrie du porc pour que vous puissiez affirmer que vous vous en êtes toujours tirés et que ce sera encore le cas?

M. Martineau : En ce qui concerne les taxes à l'heure actuelle, nous sommes taxés sur le pétrole, l'automobile et les moyens de transport pour déplacer nos animaux. Il faut être traité de façon équitable. Si on est le seul pays à l'échelle internationale à imposer une taxe sur le carbone, je vois difficilement pourquoi on devrait assumer ces coûts, alors que ce n'est pas le cas de nos compétiteurs américains et brésiliens. Si vous décidez de mettre en oeuvre une taxe sur le carbone et que nous nous rendons compte que nous sommes les seuls à la verser à l'échelle mondiale, je me demande pourquoi on irait en ce sens. Par contre, si nous sommes imposés et que l'argent nous revient pour des projets de recherche qui amélioreront notre productivité, notre industrie va s'en sortir avec des gains pour les animaux, la reproduction et la santé. De nombreux facteurs ont un impact sur la productivité de notre industrie.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Ma prochaine question s'adresse aux représentantes de la Fédération canadienne du mouton.

J'essaie de mieux comprendre votre point de vue relativement à un régime de tarification du carbone. Je ne suis pas certain de bien le comprendre. Vous semblez dire que vous êtes ouverts à certains régimes de tarification du carbone; vous ne les aimez pas nécessairement, mais vous êtes ouverts à certains régimes du moment que vous recevez un certain type de compensation. Je me demande : s'il y avait un régime de tarification du carbone sans incidence sur les revenus dans le cadre duquel l'argent perçu serait réinvesti dans l'industrie, par exemple, afin de réduire son empreinte carbone, est-ce que ce serait acceptable pour votre industrie?

Mme Johnstone-Grimmer : Oui, je le crois, si l'argent perçu était consacré à la recherche, en particulier. Il existe des lacunes importantes en recherche, particulièrement pour ce qui est des moutons et de l'éducation. Je crois que les gouvernements fédéral-provinciaux-territoriaux pourraient travailler ensemble sur à cet égard. S'ils pouvaient aider à soutenir l'éducation des producteurs concernant ce qu'ils peuvent faire, ce serait très utile. Je crois qu'on doit travailler davantage sur cet aspect.

Mme Patterson : Moi aussi. Je crois que vous avez écouté certains exposés du Conseil de l'orge du Canada, par exemple, qui ont démontré de manière irréfutable et quantifiable que l'agriculture peut en réalité aider à ralentir les changements climatiques lorsqu'on déploie des efforts d'atténuation et d'adaptation qui augmentent la séquestration du carbone dans le sol.

Nous luttons tous contre les changements climatiques, que nous vivions dans une région urbaine ou dans une région rurale. Selon nous, ce qui est important, ce sont les efforts que nous déployons et les technologies que nous mettons en place qui aident en réalité à séquestrer le carbone et à ralentir les changements climatiques au fil du temps. Ils doivent représenter un avantage par rapport aux effets de notre utilisation de produits de carbone... En d'autres mots, nous avons besoin de crédits de carbone pour les activités qui aident à ralentir les changements climatiques au fil du temps.

Je crois donc que si nous pouvons trouver un système qui reconnaît cela, ce serait bénéfique pour tous. C'est bénéfique pour nous en agriculture, bien sûr, parce que ça réduit le coût de production, mais ce qui est plus important encore, c'est bénéfique pour la société tout en ayant un effet positif sur les changements climatiques.

L'empreinte de l'agriculture n'est pas entièrement négative lorsqu'il s'agit de l'effet sur les changements climatiques. Nous utilisons des carburants dans le cadre de nos activités agricoles, mais probablement pas autant que l'automobile à côté de moi, ce matin, en pleine circulation. Il y avait beaucoup d'automobiles, mais peu de tracteurs. Il s'agit non pas d'être désinvolte à ce propos, mais réaliste quant à la façon dont nous devons nous concentrer sur la participation de notre industrie à la lutte contre les changements climatiques plutôt que sur notre contribution négative à ces changements. Je crois que nous pouvons trouver un système qui est équitable à cet égard, qui serait assez acceptable pour de nombreuses personnes.

[Français]

M. Martineau : J'aimerais ajouter un commentaire quant à la question que vous avez posée plus tôt. La FAO a reconnu que notre empreinte carbone est de 31 p. 100 par rapport au kilo de porc produit. L'industrie porcine sera-t- elle un jour reconnue pour ses efforts en vue de consommer moins d'eau et moins d'aliments? On déploie beaucoup d'efforts actuellement sur le plan de la recherche. On travaille en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il faudra aussi reconnaître cet aspect, à savoir que les éleveurs se prennent déjà en main pour réduire autant que possible les impacts sur nos ressources naturelles.

La sénatrice Petitclerc : J'ai une question à vous poser. J'aimerais retourner à l'aspect humain. À vous écouter, je me rends compte qu'en matière de changements climatiques, les solutions passent beaucoup par la recherche, la science, les technologies. J'étais curieuse de savoir comment les choses se passent à ce chapitre, parce que quand on regarde au-delà de cette industrie, il y a des personnes, des familles, de petits, de moyens et de grands producteurs? Y a-t-il des résistances à ces changements qui seront et qui sont nécessaires? Ces gens-là sont-ils outillés, équipés, préparés à embarquer dans le virage technologique? Comment cela se passe-t-il?

M. Martineau : C'est une très bonne question, sénatrice Petitclerc. Notre industrie doit informer, éduquer et sensibiliser nos producteurs sur tous les changements à venir. On tire profit des perspectives à l'échelle internationale. On s'inspire beaucoup de l'Europe en matière de concentrations animales. On s'inspire beaucoup de ces pays pour ne pas répéter les mêmes erreurs que dans certains autres secteurs. On forme nos producteurs au fur et à mesure. On les sensibilise à l'impact environnemental. On doit répondre au public. Nos consommateurs, ce sont les membres du public. Il faut répondre à leurs préoccupations. Donc, on est à l'affût des changements. C'est notre devoir de répondre à nos consommateurs, et ils nous le font savoir par l'entremise des journaux et des médias sociaux comme Facebook, Twitter et compagnie. Ces médias font en sorte qu'on doit se tenir à jour dans les techniques d'élevage. Sur le plan international, qu'on le veuille ou non, en réduisant notre consommation de moulée, nous pouvons offrir un produit de très haute qualité à un prix compétitif à l'échelle internationale.

[Traduction]

Mme Patterson : C'est une excellente question. Y a-t-il une ouverture à ce sujet? J'imagine qu'il existe toutes sortes de degrés d'ouverture selon les producteurs. Je crois que, en général, nous sommes disposés à prendre des mesures parce que nous sommes tous dans le même bateau.

Certaines des mesures d'adaptation que nous avions décrites — qui sont exposées plus en détail dans les documents que nous avons fournis au comité —, supposent également une productivité accrue. Il ne s'agit pas seulement de réduire au minimum le temps dont on a besoin pour que les produits se retrouvent sur le marché afin de réduire l'empreinte carbone; il faut aussi augmenter la productivité et la rentabilité de l'exploitation agricole. Il faut comprendre les avantages qu'offrent ces efforts d'adaptation et d'atténuation, non seulement leurs effets sur l'industrie, mais leur impact sur le résultat net du producteur, qui pourrait être très bénéfique.

Nous avons toutefois laissé entendre que, entre la recherche et la mise en œuvre, on retrouve le transfert de technologie. Est-ce une question de résistance de la population de producteurs? C'est probablement davantage une question d'accès à la technologie et d'une certaine forme de soutien afin de comprendre la façon dont on procède à la mise en œuvre selon la situation des producteurs.

Cet élément de prolongation... le transfert de technologie pour passer de la recherche à une mise en œuvre sur le terrain, si l'on peut dire, serait très bénéfique et, au final, améliorerait l'adhésion à la mise en œuvre de ces technologies et de ces mesures qui peuvent aider.

Mme Johnstone-Grimmer : Je crois qu'il y a beaucoup moins de résistance maintenant parce que nous avons déjà vécu des conditions météorologiques extrêmes, et les gens travaillent à l'extérieur sur leur exploitation agricole, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Ils ont effectivement besoin de davantage d'outils. Il s'agit certainement d'un élément.

Au Royaume-Uni, les gens ont une merveilleuse planification de la gestion des éléments nutritifs — au moyen de logiciels — alors ils n'ont qu'à entrer leurs données lorsqu'ils veulent épandre du fumier sur leurs champs. Ils ont déjà compris tous les différents... Vous avez parlé de méthodes d'injection. Ils comparent cela à une méthode de diffusion et disent à l'agriculteur : « Vos émissions seront beaucoup plus faibles si vous utilisez ce produit. Si vous l'utilisez cette journée-là, nous connaissons la quantité de pluie que vous recevrez et le type de sol que vous avez. Vous devriez donc en appliquer moins parce que nous savons ce qui se trouve déjà dans votre sol. » Les agriculteurs peuvent bénéficier d'une application plus précise et générer moins de pollution. Mais nous n'avons pas tous ces outils qu'on utilise en Europe, auxquels les agriculteurs peuvent avoir accès.

Nous devons également prendre en considération — vu que je travaille à l'extérieur tous les jours — le stress que vivent les agriculteurs qui doivent composer tout le temps avec le caractère variable des conditions météorologiques; ils assistent ensuite à quelque chose qu'ils n'ont jamais vu auparavant.

Il existe un nouveau concept appelé One Welfare, qui tient à l'effet de ces événements extrêmes sur la santé mentale des agriculteurs de même que sur leur capacité d'assurer en même temps le bien-être de leurs animaux. Il y a aussi ce concept.

Également, au Royaume-Uni et en Europe, on a constaté qu'une bonne approche relativement aux changements climatiques, c'est de dire aux agriculteurs qu'ils amélioreront leur rentabilité s'ils utilisent ces méthodes, qui représentent une façon non pas seulement de s'adapter aux changements climatiques, mais aussi de les atténuer. Parfois, les agriculteurs ne connaissent pas la meilleure chose à faire, et c'est là que nous devons offrir plus de possibilités d'éducation.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma question s'adresse à M. Martineau. Personnellement, quand j'entends le mot « taxe », je prends un peu peur, car elle est souvent reflétée dans l'assiette du consommateur. Je n'ai aucun doute qu'on a des produits de grande qualité au Canada, mais souvent, les gens n'ont pas d'autres choix que de se tourner vers ce qui est moins dispendieux. De plus, la compétitivité avec nos voisins américains entre en ligne de compte. Je ne suis pas certain que la nouvelle politique de la taxe sur le carbone n'aide en rien.

Cela étant dit, les comités sénatoriaux font des études et formulent des recommandations dans leurs rapports. Ce que la Chambre des communes fait avec nos rapports, on ne le sait pas toujours. Avez-vous une idée de l'attention que la Chambre des communes accorde à vos requêtes concernant la redistribution de cette taxe? Elle peut aussi bien vous répondre favorablement et en garder une partie pour en faire autre chose. Je rejoins un peu le sénateur Pratte à ce sujet, c'est la redistribution de cette taxe qui va vous permettre d'offrir des prix compétitifs. Évidemment, le consommateur, c'est le consommateur, il achètera là où ça coûte un peu moins cher. Je ne voudrais pas que cette fameuse taxe sur le carbone, qui nous touche tous, se reflète tôt ou tard dans l'assiette du consommateur. J'aimerais vous entendre parler de l'écoute que vous accordent les gens de la Chambre des communes.

M. Martineau : : Il est certain que nous sensibilisons nos gouvernements au fait que nous ne souhaitons pas aller de l'avant si nous ne sommes pas sur le même pied d'égalité que nos compétiteurs. Le danger, c'est que cette mesure se répercute sur les coûts en alimentation pour notre population. Quant à nos représentations auprès de la Chambre des communes, nous ne sommes pas les seuls à avoir besoin du gouvernement canadien. Le danger qu'une partie de ces taxes ne soit pas redistribuée à l'industrie porcine existe, c'est sûr.

[Traduction]

Mme Patterson : Encore une fois, nous parlons encore de redistribution. Avons-nous assez de pouvoir pour influer sur la façon dont ces taxes sont redistribuées après avoir été perçues? Je ne sais pas si c'est notre cas en tant que secteur, mais je ne sais pas non plus si nous avons assez d'influence en tant qu'industrie.

Je crois que nous avons perçu un certain nombre de taxes pour différentes raisons, à part celles touchant l'agriculture, qui devaient être affectées à une fin particulière, mais ne l'ont jamais été. On nous a demandé auparavant si nous étions heureux de cette taxe. Probablement pas. Si elle pouvait soutenir la recherche, ce serait fantastique. Avons-nous été en mesure de démontrer que nous possédons une assez grande influence afin de nous assurer que l'argent qui est perçu en agriculture est entièrement réinvesti en agriculture? Je ne suis pas très convaincue, mais je suis optimiste; j'espère ne pas trop brûler de ponts en formulant les choses de cette façon.

Nous menons des consultations, au-delà de ce que nous faisons ici concernant le climat, sur tout ce qui concerne les programmes de l'ACIA, ceux d'Agriculture Canada et le prochain Cadre stratégique pour l'agriculture, et nous éprouvons toujours des difficultés avec le Cadre lorsqu'il s'agit d'obtenir davantage de travail pour une somme d'argent donnée. Si nous pouvions avoir un système auquel les agriculteurs pourraient avoir accès afin de soutenir les infrastructures, la technologie et la mise en œuvre au fil du temps, ce serait certainement utile. Mais nous lançons un appel pour nous assurer que l'argent reviendra à l'agriculture au bout du compte.

[Français]

Le président : Nous tenons à remercier chaleureusement tous les témoins pour leurs témoignages aujourd'hui. Cela nous sera très utile dans le cadre de l'élaboration de notre rapport. D'ici la fin des auditions, si vous avez des renseignements supplémentaires à communiquer au comité, n'hésitez pas à le faire. Vous pouvez contacter notre greffier en tout temps. Vos représentations seront toujours fort utiles au comité.

(La séance est levée.)

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