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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 29 - Témoignages du 9 mai 2017


OTTAWA, le mardi 9 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 heures, pour poursuivre son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bon après-midi, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Le Comité sénatorial permanent de 1'agriculture et des forêts poursuit son étude.

[Français]

Nous avons le plaisir d'accueillir, ce soir, Mme Ashley St Hilaire, directrice des programmes et des relations gouvernementales au sein des Producteurs biologiques canadiens, ainsi que M. Derek Lynch, professeur agrégé, faculté d'agriculture de l'Université Dalhousie. Bienvenue à vous deux.

[Traduction]

Avant de commencer, je vais demander aux sénateurs de se présenter chacun leur tour, en commençant, à ma gauche, par le coprésident du comité.

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

La sénatrice Tardif : Bonjour. Claudette Tardif, de l'Alberta.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Sénatrice Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de Toronto, en Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Mesdames et messieurs, je vous remercie.

J'inviterais maintenant les témoins à nous livrer leur exposé.

Ashley St Hilaire, directrice des programmes et des relations gouvernementales, Producteurs biologiques canadiens : Mesdames, messieurs, monsieur le président, bonjour. Nous vous remercions de nous avoir invités à vous parler de l'impact potentiel du changement climatique et des répercussions de la tarification du carbone sur l'agriculture biologique.

Je suis la directrice des programmes et des relations gouvernementales de l'organisme Producteurs biologiques canadiens. Je suis accompagnée par Derek Lynch, qui est professeur agrégé à la faculté d'agriculture de l'Université Dalhousie.

En prévision de cette déclaration liminaire, les membres du comité ont reçu une note d'information qui synthétise nos points de vue et énumère une série de recommandations au sujet des politiques et programmes de recherche du gouvernement, recommandations qui, nous le croyons, permettront d'aider les agriculteurs à adopter des pratiques aptes à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et leur empreinte écologique. Pour notre témoignage d'aujourd'hui, nous allons mettre l'accent sur nos principales recommandations et discuter de la science qui les sous- tend.

L'agriculture biologique allie la tradition, l'innovation et la science au bénéfice de l'environnement et de l'économie. Bien qu'on en parle souvent comme s'il s'agissait d'un secteur, il est important de se rappeler que l'agriculture biologique est une façon normalisée de produire des aliments au moyen de pratiques écoénergétiques et respectueuses du climat.

L'un des aspects fondamentaux de ces techniques, c'est qu'elles permettent aux agriculteurs d'améliorer la santé et la fertilité de leurs terres et de maintenir le carbone dans les sols. Grâce à cela, les agriculteurs n'ont plus besoin de recourir à des intrants externes, comme les engrais synthétiques qui, comme nous le savons, produisent 70 p. 100 de l'ensemble des émissions d'oxyde nitreux au Canada.

Nous ne sommes pas ici pour soutenir que tous les agriculteurs devraient tenter d'obtenir une certification biologique, mais nous croyons que tous ceux qui dépendent d'intrants externes pour augmenter la fertilité de leurs terres auraient avantage à adopter des pratiques biologiques de gestion des sols.

Il est particulièrement important de penser à cela dans la foulée de la mise en œuvre de cadres de tarification du carbone, puisque ces cadres feront nécessairement grimper les prix des engrais et menaceront la profitabilité des exploitations agricoles qui ne sont pas outillées pour réduire leur dépendance aux engrais.

Toutefois, lorsqu'il est question de changement climatique et d'agriculture, nos efforts ne sauraient se limiter à la seule réduction des gaz à effet de serre. Nous devons aussi discuter des stratégies qui peuvent être adoptées à l'échelle de la ferme pour s'adapter à la transformation du climat. Le recours à ces stratégies se traduira par la constitution d'un système de production agricole écoénergétique et résilient. Encore une fois, les techniques utilisées en agriculture biologique pourraient être mises à profit pour réaliser cela.

Je vais maintenant laisser la parole à Derek, qui vous parlera de l'utilisation de l'énergie en agriculture.

Derek Lynch, professeur agrégé, faculté d'agriculture, Université Dalhousie, à titre personnel : Je tiens tout d'abord à remercier le comité de me donner la chance de parler de ces questions complexes et névralgiques que sont l'atténuation des changements climatiques et l'adaptation à ces changements. J'effectue le gros de mes recherches en agronomie et en agroécologie, mais de 2005 à 2015, j'ai été titulaire de la Chaire de recherche en agriculture biologique de l'Université Dalhousie. J'ai surtout étudié l'impact environnemental des systèmes de production qui utilisent peu d'intrants ou qui font une grande place aux pratiques biologiques, mais j'ai aussi travaillé à la mise au point d'approches de gestion innovatrices pour tous les systèmes de production agricole.

J'ai récemment participé aux travaux du groupe de travail sur la durabilité et les changements climatiques des tables rondes nationales sur l'agriculture. Ce groupe de travail réunit des représentants de tous les grands secteurs agroalimentaires du pays, y compris les produits de la mer et la production biologique. Il fournit un portrait à jour de la situation, des défis et des occasions favorables qui concernent les changements climatiques dans tous les secteurs de l'agriculture.

Dans mon exposé, je vais faire le point sur la recherche effectuée sur trois aspects des systèmes de production agricole liés au sujet d'aujourd'hui, c'est-à-dire l'énergie consommée dans les fermes, le statut carboné du sol ainsi que la santé et la résistance des sols.

En ce qui concerne l'énergie consommée sur les fermes, une évaluation complète du potentiel de réchauffement de n'importe quel système agricole comprend une évaluation des émissions de gaz à effet de serre, des changements de teneur en carbone des sols ainsi qu'une quantification du coût inhérent de l'énergie utilisé pour la production agricole, ce qui comprend tous les intrants.

La plupart des études portant sur l'énergie consommée par l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement agricole — comme celles qui ont été faites aux États-Unis et au Royaume-Uni — ont établi que les régimes de gestion des exploitations agricoles représentent jusqu'à 50 p. 100 des coûts d'énergie inévitables. Des études comparatives réalisées en Allemagne et en Suisse ont permis d'établir que la plupart des fermes biologiques utilisaient moins d'énergie par unité de produit que les fermes traditionnelles. Notre propre examen des données provenant de 130 études, dont des études canadiennes, a permis d'établir que les systèmes de production biologique de grain et de bétail entraînaient une diminution de la consommation d'énergie et une amélioration de l'efficacité énergique par unité de produit. Des études de métadonnées plus récentes, comme celle qui a été réalisée par des chercheurs de l'Université de la Colombie- Britannique, sont arrivées aux mêmes conclusions.

Toutefois, bien que le Royaume-Uni et les États-Unis soient parvenus à faire des évaluations complètes de l'énergie utilisée par l'ensemble de la chaîne de production — soit du champ à la table —, l'empreinte énergétique de la chaîne de production agricole canadienne demeure mal comprise. C'est pour cette raison que l'une de nos recommandations est d'effectuer une évaluation du cycle de vie et une vérification énergétique de tout le système agricole et agroalimentaire canadien. Cette évaluation examinerait chaque secteur de l'agriculture en détail et serait axée sur l'utilisation d'énergie dans les fermes, les transports, les installations de transformation, les commerces de détail et les cuisines des Canadiens.

Maintenant, en ce qui concerne le statut carboné des sols, sachez que le plus important élément terrestre d'entreposage du carbone est la matière organique du sol. Par conséquent, même une légère modification du carbone organique du sol peut contribuer de manière importante à atténuer les effets des changements climatiques. Selon certaines évaluations, cela pourrait compenser de 3 à 15 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.

Le fait de maintenir et d'améliorer le carbone organique du sol constitue également une importante stratégie adaptative permettant d'accroître la résistance des sols aux changements climatiques. Cependant, dans nombre de régions agricoles du Canada, on s'attend à ce que le virage au profit d'une augmentation des cultures annuelles et d'une simplification de la rotation de cultures — cultures qui, souvent, produisent peu de résidus — contribue à faire diminuer le carbone organique du sol.

Bien que les cultures biologiques demandent souvent plus de travail du sol, la rotation des cultures biologiques se veut plus étendue dans le temps et plus complexe. Les cultures visées par les rotations sont aussi plus diversifiées. Souvent, on agencera des fourrages vivaces avec des légumineuses et on utilisera des engrais verts, voire la biomasse des mauvaises herbes. Un certain nombre d'études ont montré l'effet net de cette combinaison de pratiques : l'agriculture biologique aide à préserver le carbone organique du sol. Il importe ici de souligner que les pratiques agronomiques de ce type sont les composantes clés de cette agriculture respectueuse du climat dont on fait la promotion dans le monde entier.

Mon troisième sujet est la santé des sols et la résistance des sols aux changements climatiques. La santé des sols est un terme qui fait référence à la mesure des propriétés chimiques, biologiques et physiques du sol. De nombreux aspects de la santé des sols dépendent de l'entretien et de l'addition régulière de matière organique.

Les systèmes traditionnels sans travail du sol diminuent la perturbation des sols et permettent donc d'y conserver le carbone organique du sol. Cette façon de faire peut améliorer la santé du sol, mais le taux de retour des résidus organiques peut être faible. De surcroît, un régime sans travail du sol peut être temporaire.

Les systèmes d'agriculture biologique font quant à eux grand usage de carbone, et ils dépendent de l'addition et l'intégration périodiques de matière organique. La décomposition de cette matière améliore l'activité biologique et la santé des sols. Des études ont établi que, grâce à ces pratiques et au renforcement des sols qui en résulte, les systèmes d'agriculture biologique résistent particulièrement bien au stress environnemental. Les sols absorbent mieux l'eau quand les pluies sont fortes — comme celles que nous avons présentement —, ce qui réduit les risques d'érosion et la dégradation de la qualité et de la teneur en carbone des sols. Cette absorption améliore aussi la rétention de l'eau et augmente la quantité d'eau disponible pour les plantes, ce que stabilise le rendement lors des périodes de sécheresse. Voilà des exemples des principaux attributs des sols travaillés dans le respect du climat, et de la résistance de ces systèmes face aux conditions météorologiques extrêmes liées aux changements climatiques.

Une autre de nos recommandations — en fait, c'est une recommandation qui a été formulée par le groupe de travail multisectoriel sur la durabilité et les changements climatiques — est d'investir dans des recherches, des outils et des programmes appuyant la vérification des résultats et démontrant l'incidence que les modes de production agricole peuvent avoir sur l'atténuation des changements climatiques ainsi que sur l'amélioration de l'adaptation ou de la résistance à ce changement.

Je vais maintenant laisser ma place à Ashley pour la conclusion.

Mme St Hilaire : En terminant, nous aimerions insister sur le fait que les pratiques en l'agriculture biologique peuvent être utilisées pour atténuer et réduire les répercussions des changements climatiques. Elles peuvent être utilisées dans les fermes de n'importe quel type et de n'importe quelle taille, et elles ne sont pas réservées à ceux qui souhaiteraient obtenir une certification biologique.

Nous craignons que la tarification du carbone fasse augmenter le prix des produits agricoles et des aliments produits au Canada, et qu'il réduise la compétitivité du secteur agricole canadien.

De plus, nous craignons que l'augmentation du prix des intrants et des engrais découlant de la tarification du carbone nuise à la rentabilité des exploitations agricoles, et que les agriculteurs seront mal placés pour réagir s'ils n'ont pas acquis entretemps les connaissances et les compétences voulues pour passer aux nouvelles pratiques de gestion des sols. Dans cette optique, nous sommes d'avis que le gouvernement serait bien avisé de faire l'évaluation de l'impact économique de la tarification du carbone sur le secteur de l'agriculture.

Aussi, lorsque le gouvernement crée des politiques comme la tarification du carbone — une mesure qui forcera un virage dans le choix des pratiques agricoles —, il est capital qu'il priorise la recherche, la transmission des connaissances et les services d'encadrement à la ferme — comme la vulgarisation des techniques d'agriculture biologique — afin que les agriculteurs puissent acquérir les compétences dont ils ont besoin pour exploiter des entreprises agricoles prospères et efficaces sur le plan énergétique sans avoir à refiler la facture aux consommateurs.

En outre, nous souhaitons que le gouvernement mette au point un système de tarification du carbone à revenu nul pour le secteur de l'agriculture. L'argent devrait servir à encourager et à récompenser les meilleures pratiques environnementales et de résistance au climat à la ferme, et pas seulement la réduction des émissions de carbone. La tarification du carbone est une mesure punitive imposée d'en haut dans le but de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle devrait être contrebalancée par des programmes qui récompensent les agriculteurs qui ont pris des mesures pour protéger et améliorer la résilience de leurs écosystèmes agricoles.

En conclusion, je veux remercier le comité de l'invitation qu'il nous a lancée de venir lui parler de l'impact du changement climatique et de la tarification du carbone, et de l'occasion qu'il nous a donnée de formuler des recommandations au sujet de ce que nos gouvernements peuvent faire pour aider le secteur agricole à comprendre et à adopter les pratiques d'une agriculture respectueuse du climat. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup de vos excellentes présentations.

Nous allons maintenant passer à la période des questions.

Le sénateur Mercer : Merci à tous les deux pour ces exposés très instructifs.

Vous avez dit que l'examen des données contenues dans 130 études — dont la vôtre, monsieur Lynch — était arrivé à la conclusion que les systèmes de production biologique de grain et de bétail entraînaient une diminution de la consommation d'énergie et une amélioration de l'efficacité énergique par unité de produit.

Quel est le coût de tout cela?

M. Lynch : Est-ce que vous parlez du coût de la recherche?

Le sénateur Mercer : Non. Je parle de l'incidence que cette réduction a sur les coûts.

M. Lynch : Si je comprends bien votre question, vous voulez dire...

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé d'efficacité énergétique.

M. Lynch : Oui, j'en ai parlé.

Le sénateur Mercer : Combien d'argent cela permet-il d'économiser?

M. Lynch : C'est une très bonne observation. Principalement, les systèmes biologiques sont plus efficaces sur le plan énergétique, car ils évitent d'avoir à recourir aux intrants énergivores, à quelques exceptions près. On élimine l'utilisation d'engrais azoté, qui est très énergivore, mais il y a d'autres intrants qui le sont aussi. Même pour ce qui est du bétail, on a tous ces concentrés, ces pesticides, et cetera. Il y a donc des économies directes qui sont réalisées sur le coût des intrants. Lorsque vous passez à une forme d'agriculture moins axée sur les intrants — même si elle n'est pas biologique —, c'est la première source d'économie. Ce sont les économies les plus directes.

Le sénateur Mercer : J'ai été surpris de vous entendre dire que les systèmes sans labour traditionnels perturbaient moins les sols et, par conséquent, la minéralisation du carbone organique du sol, et qu'ils amélioraient la santé des sols, mais que le taux de retour au sol des résidus organiques pouvait être faible, et que le régime sans labour peut être temporaire.

M. Lynch : Oui, c'est exact.

Le sénateur Mercer : C'est la première que j'entends quelqu'un affirmer à cette table que l'agriculture sans labour n'a pas d'effet permanent.

M. Lynch : Il faut que la méthode soit maintenue en permanence et que le sol ne soit jamais perturbé. Avec un système sans travail du sol en particulier, on s'efforce de ne pas perturber la surface du sol. On ne laboure pas. La matière organique du sol s'accumule à la surface, alors il est très important de ne pas remuer la terre et de ne pas revenir au travail du sol à une date ultérieure.

En revanche, avec un système de culture plus diversifié où les plantes ont des racines plus profondes, la matière organique du carbone dans le sol n'est pas concentrée en surface. Vous la déposez plus bas dans la coupe du sol. Avec un système sans labour, c'est un peu comme si vous mettiez tous vos œufs à la surface du sol. Vous pouvez le faire, mais il est très important de ne pas perturber cette accumulation de carbone à la surface.

Un examen récemment réalisé par Bert VandenBygaart d'Agriculture Canada s'est penché sur certains documents de vulgarisation publiés un peu partout en Amérique du Nord. On a constaté que, bien que la culture sans labour ait été adoptée à grande échelle pas l'agriculture traditionnelle, les cas où elle a été maintenue de façon permanente et intégrale ne sont pas aussi nombreux que ce que les gens pourraient penser.

Pour diverses raisons, les agriculteurs ont dû revenir en arrière et labourer. Même à raison d'une année sur 10, l'intervention a une incidence sur la déposition du carbone dans le sol. Il y a une différence entre un système intermittent et un système permanent. Je serai heureux de vous faire parvenir cette étude de M. VandenBygaart.

Le sénateur Mercer : Cela serait utile, merci.

Voici ma dernière question. Dans l'une de vos recommandations, vous dites qu'il faudrait effectuer une évaluation du cycle de vie et une vérification énergétique du système agricole et agroalimentaire canadien.

Cela semble être une bonne idée, mais deux questions doivent être posées : qui fera cette évaluation et combien cela coûtera-t-il?

M. Lynch : Je pourrais probablement répondre à la première, mais pour la deuxième, je ne pourrais y aller qu'avec des approximations. J'ai parlé de deux études. L'étude exhaustive qui a été réalisée aux États-Unis au sujet de l'empreinte énergétique de la distribution, de la transformation et même de l'entreposage sur place des exploitations agricoles dans les secteurs de la production bovine et de la production laitière, et cetera. L'étude a été pilotée par l'USDA, le département américain de l'Agriculture.

C'était une étude colossale. C'est une chose de formuler cette recommandation, mais je reconnais que ce serait une entreprise de taille. Or, compte tenu de l'importance de la contribution de l'agriculture au changement climatique, c'est justifié.

Le sénateur Mercer : Je n'insinue pas que je m'y oppose. J'essaie de mettre les choses en contexte afin d'avoir une idée de ce à quoi nous devrions nous attendre. Si nous décidions d'intégrer cette recommandation à notre rapport définitif, je sais que la première chose que le ministère de l'Agriculture voudra savoir c'est : « Combien cette évaluation va-t-elle coûter et qui va la faire? »

M. Lynch : Agriculture et Agroalimentaire Canada est le candidat évident. En fait, bon nombre des éléments sont déjà en place. Agriculture Canada a réalisé de nombreuses évaluations sur le travail normal du sol et son coût énergétique.

Par contre, cela vise à l'examiner d'un autre point de vue. Cela se penche non seulement sur le système d'exploitation agricole, mais aussi sur la chaîne d'approvisionnement. C'est très utile, parce que cela permet de concentrer ensuite nos efforts dans les secteurs où c'est le plus susceptible d'avoir des effets sur le coût énergétique réel des aliments.

La sénatrice Gagné : Je crois que le Canada regarde traditionnellement du côté de l'Europe, où ont été réalisées la majorité des recherches concernant l'agriculture biologique. Je constate que ces études n'ont pas tendance à influer sur les politiques publiques au Canada.

Aimeriez-vous faire un commentaire à cet égard?

M. Lynch : Voulez-vous que je vous réponde ou que ce soit Ashley?

La sénatrice Gagné : Les deux.

M. Lynch : Voulez-vous faire un commentaire, Ashley?

Mme St Hilaire : Je peux y aller en premier. Je suis certaine que vous pourrez compléter ma réponse.

La perception des gens par rapport à l'agriculture biologique nous empêche parfois de faire progresser les politiques publiques. La majorité des commentaires que nous entendons d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et du personnel du cabinet du ministre sont qu'ils ne veulent pas encourager un secteur plus qu'un autre. Ils traitent également les divers groupes de producteurs.

Voilà pourquoi nous devons présenter plus clairement ce qu'est l'agriculture biologique. Il ne s'agit pas seulement d'un secteur; c'est aussi une approche. Devrions-nous mettre l'accent sur les pratiques agricoles durables et les encourager? Oui, et l'agriculture biologique en est une.

Il arrive parfois que ce soit la façon de communiquer le message et de parler de l'agriculture biologique. Nous voulons toujours avoir en place des politiques qui profitent à tous les groupes de producteurs agricoles. Ce que nous essayons de dire, c'est que, lorsque vous investissez dans la recherche sur l'agriculture biologique, tout producteur peut adopter ces techniques. Vous n'avez pas besoin de faire des pieds et des mains pour obtenir une certification.

Je crois que le problème est en partie la façon dont nous nous présentons.

M. Lynch : Du point de vue de la recherche, je crois que c'est vrai. Il y a 20 ou 30 ans de recherches sur les services écosystémiques en agriculture en Europe et les paiements aux agriculteurs. Il arrive parfois que 50 p. 100 des revenus des agriculteurs proviennent de services groupés, et l'agriculture biologique en faisait partie. Les Européens ont mené beaucoup de recherches pour vérifier si c'est réellement vrai que l'agriculture biologique accroît le carbone organique du sol.

Depuis 10 ans, nous avons connu de grands progrès au Canada et en Amérique du Nord dans la recherche sur l'agriculture biologique. Certaines entreprises biologiques commerciales au Canada sont en activité depuis au moins 30 ans maintenant. J'ai eu la chance inouïe de participer à de telles recherches pour vérifier si c'est vrai que l'agriculture biologique contribue grandement aux services écosystémiques.

Fait très intéressant, les tendances des consommateurs canadiens ont évolué depuis 10 ans. Lorsque des sondages ont été menés auprès de consommateurs canadiens, même il y a 10 ans, pour leur demander pourquoi ils achetaient des produits biologiques, ils répondaient pratiquement toujours que c'était parce que ces produits avaient des effets bénéfiques sur leur santé. Ce n'est plus le cas maintenant. C'est plus complexe; au moins le tiers des répondants indiquent que l'avantage environnemental perçu est la raison pour laquelle ils achètent des produits biologiques. C'est important.

La sénatrice Gagné : Comment les producteurs biologiques peuvent-ils aider les autres à adopter des pratiques à faibles émissions de gaz à effet de serre? Comment ce transfert de connaissances peut-il s'effectuer?

Mme St Hilaire : Des services de vulgarisation étaient normalement offerts par les autorités provinciales, et nous constatons que ces services ont grandement été réduits depuis 20 ou 30 ans. L'un des plus importants était le service de vulgarisation des Prairies qui existait depuis 30 ans et qui a été éliminé en 2010. Pour une certaine raison, nous n'en voyons peut-être pas la valeur ou nous ne reconnaissons pas suffisamment la valeur de ces services de vulgarisation.

Une grande partie du problème est que nous comptons sur la technologie pour résoudre tous nos problèmes, alors que la recherche montre que la technologie a ses limites. Nous pouvons créer d'excellentes semences et de formidables équipements, mais il y a une limite. Nous ne sommes plus conscients de la valeur des techniques et des pratiques agricoles et nous ne comprenons plus l'écosystème, les sols et la façon dont tout est interrelié dans l'environnement. Voilà ce qui passionne les gens dans l'agriculture biologique, et c'est ce que vous apprenez lorsque vous faites de la culture biologique.

Lorsque ces technologies nous causent des maux de tête, comme un pesticide qui est retiré du marché et qui n'est plus disponible, ou qu'augmente le prix d'un intrant, comme l'engrais, nous constatons actuellement que les agriculteurs se retrouvent pris au dépourvu. Ils ne savent pas vers quoi se tourner, parce qu'ils ne peuvent plus utiliser leur technologie. Voilà pourquoi nous disons souvent que l'agriculture biologique est un outil de gestion des risques de l'entreprise, étant donné qu'elle offre une protection contre la volatilité des prix et des intrants et cette imprévisibilité. À notre avis, les services de vulgarisation et le transfert des connaissances sont absolument essentiels pour diffuser le message aux autres, offrir de la formation et mettre le tout à la disposition des agriculteurs.

Le gouvernement met la priorité sur le transfert des connaissances. Nous en entendons beaucoup parler dans la lettre de mandat du ministre, mais le budget pour le transfert des connaissances a complètement été éliminé dans le dernier programme de la grappe scientifique biologique qui vient tout juste de se terminer. Le budget de 1,1 million de dollars a été éliminé. Nous réalisons d'excellentes recherches, mais nous n'avons pas l'occasion de diffuser l'information aux agriculteurs pour qu'ils puissent modifier leurs pratiques et être plus efficaces dans ce qu'ils font.

M. Lynch : J'aurais un petit commentaire. Si nous examinons certaines des principales pratiques agronomiques dans l'agriculture biologique relativement au changement climatique et à la résilience aux changements climatiques, aucune de ces pratiques n'est unique à l'agriculture biologique.

De nombreux secteurs essaient d'encourager la diversification des cultures pour diverses raisons ayant souvent trait aux sols : le dépôt de carbone dans le sol en profondeur, l'amélioration de la santé des sols et l'amélioration de la résilience des sols. Vous devez peut-être diversifier vos cultures si vous êtes un agriculteur biologique, mais cette situation n'est pas unique à l'agriculture biologique.

L'amélioration de la résilience des légumes vise à réduire l'engrais utilisé, à être plus efficients, à réduire l'empreinte énergétique du système d'exploitation agricole et à rendre plus efficace l'utilisation de l'azote. Plusieurs recommandent le recours à des engrais verts, la protection des sols et la réduction de l'érosion du sol; ces recommandations ne sont pas uniques à l'agriculture biologique.

C'est vraiment stimulant de voir qu'il y aura de nouveaux investissements dans la prochaine ronde de financement de la grappe dans le domaine agricole au Canada. Certains étudient de telles pratiques pour déterminer comment tous les secteurs pourraient les adopter. Personne ne dit que cela ressemble à de l'agriculture biologique, mais ce n'est pas vraiment important que cela y ressemble. Ces pratiques sont reconnues mondialement comme les manières de régler les problèmes liés à la santé des sols et au carbone dans le sol.

La sénatrice Beyak : Je n'ai aucune question. Votre exposé était excellent, réfléchi et équilibré. J'ai appris de nouvelles choses aujourd'hui, et je tenais à vous en remercier énormément.

J'ai bien aimé les idées que vous nous avez données pour nous assurer que cela n'a aucune incidence sur les recettes et utiliser les revenus pour la recherche-développement. Je vous en remercie.

La sénatrice Petitclerc : J'aimerais vous poser une question, parce que je comprends à quel point la culture et l'agriculture biologiques sont moins évasives; vous l'avez très bien expliqué. Cet aspect est bien documenté, et nous le savons.

Je ne sais pas si je les qualifierais de détracteurs, mais je sais que même au comité certains ont déjà dit à un moment donné que, si nous passons tous à l'agriculture biologique, la planète criera famine. Dans quelle mesure est-ce durable ou possible d'avoir de grandes exploitations sur le plan des coûts et de la productivité? Est-ce réaliste de vouloir accroître l'ampleur de l'agriculture biologique?

Mme St Hilaire : Nous mettons souvent l'accent sur le rendement. Tout repose sur le rendement, et la productivité est le principal indicateur de réussite en agriculture. Nous essayons toujours de le voir du point de vue de la santé de l'environnement. Quel est le coût environnemental que nous sommes prêts à payer pour avoir de tels rendements? Quels sacrifices sommes-nous prêts à faire?

L'agriculture biologique gagne du terrain. Depuis combien de temps investissons-nous au Canada dans la recherche en agriculture biologique? Cela fait 10 ans. Nous en sommes actuellement à la deuxième grappe scientifique et nous passons à la troisième. Cela fait seulement 10 ans que le gouvernement investit officiellement dans la recherche en agriculture biologique, et le rendement de bon nombre de ces cultures s'est depuis amélioré.

L'un des plus importants facteurs pour accroître le rendement est l'utilisation de la bonne semence. Vous avez besoin d'une semence adaptée à la région qui a été sélectionnée pour l'agriculture biologique. Des chercheurs au Manitoba ont montré que, lorsque la bonne semence était utilisée pour l'agriculture biologique, les rendements sont concurrentiels, voire meilleurs que ceux des producteurs conventionnels. La productivité s'améliore, mais nous ne voulons jamais sacrifier la productivité de l'agriculture biologique aux dépens de la santé de l'environnement. C'est à ce sujet que nous essayons de trouver l'équilibre pour ce qui est de l'agriculture biologique.

M. Lynch : Je crois que votre question portait notamment sur la taille des exploitations agricoles, et je sais qu'il a également été question de la productivité globale. J'ai participé à des visites l'automne dernier après une conférence au Québec; nous avons visité certaines des plus importantes exploitations biologiques près de Montréal.

La taille peut être très impressionnante; cependant, en ce qui concerne la productivité, je réponds toujours en partie de la même façon. L'agriculture biologique est parfois présentée comme un moule auquel il faut se conformer, ce qui limite énormément la productivité. Si vous avez comme moi l'occasion de voir la productivité des exploitations laitières biologiques en Ontario et des exploitations de grains et de pommes de terre biologiques, le degré d'intensité varie énormément, et ce, même avec les normes de l'agriculture biologique. Vous pouvez avoir un système dont les intrants engendrent des coûts très bas; il sera peut-être plus rentable, mais la productivité sera faible. L'agriculture biologique permet tout de même de repousser les limites du système. Vous pouvez avoir une plus grande productivité qui ne sera peut-être pas aussi rentable, mais la productivité sera plus élevée, et vous aurez des exploitations d'envergure. Compte tenu de cette variation, vous avez un chevauchement d'exploitations de diverses tailles et le prix moindre des intrants du système conventionnel. J'imagine que ce que j'essaie de dire est que nous avons un vaste éventail à notre disposition en vue d'intégrer certaines des pratiques dont nous parlons, tout en maintenant absolument la productivité.

Le secteur de l'agriculture biologique a beaucoup appris depuis 10 ans en ce qui concerne les faiblesses et la façon d'accroître la productivité. Nous sommes plutôt en présence d'un grand nombre de synergies que de deux systèmes distincts.

[Français]

Le président : J'aimerais poursuivre dans la même veine que la sénatrice Petitclerc : pourquoi les produits biologiques coûtent-ils si cher? Si une famille moyenne canadienne de trois ou quatre enfants magasine dans la section des légumes à l'épicerie et voit un sac de carottes à 1,95 $, et un autre, à 5,95 $, lequel croyez-vous que la mère de famille va choisir?

[Traduction]

Mme St Hilaire : Merci de votre question. Nous entendons souvent le reproche que les produits biologiques coûtent plus cher, mais nous constatons que cet écart diminue. En améliorant nos systèmes et nos techniques, nous réussissons à cultiver plus efficacement des aliments, et nos rendements progressent. Je peux vous assurer que les prix des produits biologiques diminuent.

Il est important de comprendre pourquoi ces produits coûtent plus cher. Cela découle en partie de l'absence de systèmes de soutien pour les producteurs biologiques, qui doivent assumer en gros tous les risques de leurs systèmes de production, et cela se reflète notamment dans les prix.

Si vous voulez devenir un producteur biologique, la transition dure trois ans. C'est une période à risque élevé au cours de laquelle vous apprenez une toute nouvelle façon de cultiver les aliments. Vous avez souvent de nouvelles dépenses liées à l'infrastructure et aux immobilisations que vous n'aviez pas auparavant dans votre exploitation agricole. Vous devez investir dans de nouveaux équipements. Les producteurs de grains doivent investir dans l'entreposage de grains sur place, et cela représente une grande dépense pour eux. La certification entraîne par ailleurs des dépenses. Dans bon nombre de pays, il y a un programme à frais partagés pour la certification, mais nous n'avons rien de tel au Canada. Bref, les frais liés à la certification sont assumés par le producteur.

La chaîne d'approvisionnement comporte actuellement des lacunes. Les installations adéquates d'entreposage et de transport sont limitées, et il y a un nombre réduit d'abattoirs qui sont prêts à accepter de la viande biologique et à assumer ce risque. Les frais de transport sont aussi parfois beaucoup plus élevés. Divers mécanismes font grimper le prix des produits biologiques. Cependant, les études de consommation montrent que, dans le commerce de détail, les mères et la génération du millénaire sont les plus principaux consommateurs de produits biologiques.

[Français]

Le président : Excusez-moi. J'ai une autre question à poser, et les sénateurs aussi. Vous avez indiqué dans votre mémoire que ce ne sont pas tous les producteurs qui sont accrédités ou certifiés. Je peux donc trouver chez IGA un sac de carottes étiqueté « biologique », mais, en réalité, ce sont des carottes ordinaires pour les lapins. Comment les Canadiens peuvent-ils être sûrs que les produits biologiques qu'ils achètent sont certifiés biologiques et qu'il n'y a pas de falsification au sujet du produit, qu'il s'agisse de légumes ou d'autres produits?

[Traduction]

Mme St Hilaire : Je crois que le point que nous essayions de faire valoir dans notre exposé était que tous les producteurs au Canada peuvent adopter les pratiques utilisées dans l'agriculture biologique, qu'ils choisissent ou non d'être certifiés. Nous ne disons pas que seuls des producteurs biologiques peuvent utiliser les pratiques biologiques. Ce sont des techniques que tout le monde peut adopter.

Vous ne retrouverez aucun produit sur les tablettes du supermarché qui n'a pas été certifié comme étant conforme aux normes canadiennes sur l'agriculture biologique. C'est hautement réglementé. Les normes canadiennes sur l'agriculture biologique sont du ressort de l'Office des normes générales du Canada, et c'est l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui les applique. Si un produit porte à tort la mention « biologique », à savoir qu'il n'est pas conforme à ces normes, c'est une activité frauduleuse, et l'ACIA interviendra.

Nous avons actuellement un système fondé sur les plaintes. Les autorités ne cherchent pas activement les cas de fraude et interviennent lorsque des consommateurs ou d'autres portent plainte au sujet des pratiques. L'intégrité de l'image de marque est excellente au Canada en raison de ce partenariat avec le gouvernement en vue d'établir des normes canadiennes rigoureuses sur l'agriculture biologique.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos témoins. Ma première question porte sur le carbone. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets des effets qu'aura la taxe sur le carbone sur un producteur moyen par rapport à un producteur majeur?

[Traduction]

Mme St Hilaire : Lorsque nous pensons à la tarification du carbone d'un système agricole, nous pensons très souvent aux effets sur le coût des intrants utilisés. Nous examinons les frais qui augmenteront. En raison des taxes sur le carbone, nous nous attendons à ce que cela touche les engrais, parce que leur production nécessite énormément d'énergie, et le carburant dans les exploitations agricoles. Nous pensons aux taxes qui seront imposées. Ce sont les deux principaux intrants qui seront touchés par la tarification du carbone.

Par chance, les engrais synthétiques ne sont pas utilisés par les producteurs agricoles; l'effet de la tarification du carbone se limitera probablement donc dans leur cas à une augmentation du prix du carburant.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Revenons aux produits biologiques. Ne pensez-vous pas que le coût à payer pour les produits biologiques limite la clientèle à un groupe restreint d'acheteurs qui ont les moyens de se les payer? Le Canadien moyen qui gagne un salaire de 30, 40 ou 50 000 $ par année choisira des produits moins dispendieux pour nourrir sa famille. Ne pensez-vous pas que cela s'adresse à des Canadiens qui ont les moyens de se payer des produits biologiques?

[Traduction]

Mme St Hilaire : Nous collaborons également avec l'Association pour le commerce des produits biologiques du Canada qui réalise chaque année une étude de marché sur le secteur des produits biologiques et qui commande des sondages d'Ipsos auprès des consommateurs. Nous constatons que plus de 50 p. 100 des Canadiens achètent chaque semaine des produits biologiques et qu'ils ont l'intention de continuer d'en acheter chaque année autant, voire plus.

Les Canadiens accordent une grande valeur aux aliments durables; ce sont des consommateurs très avisés et très avertis. Ils comprennent que les produits biologiques ont des effets bénéfiques sur l'environnement et sont prêts à payer un peu plus pour cela.

Nous voyons également que les factures d'épicerie des consommateurs qui achètent régulièrement des produits biologiques sont d'environ 25 $ de plus par semaine. Ce n'est pas inaccessible. C'est un mythe que les produits biologiques sont uniquement pour l'élite; ce n'est pas ce que nous constatons.

Les sondages auprès des consommateurs que nous avons montrent qu'un groupe varié de personnes achètent des produits biologiques. Il n'y a aucune tendance en ce qui a trait à l'âge ou à l'origine ethnique, mais nous entendons que les mères et la génération du millénaire sont les plus grands consommateurs de produits biologiques au Canada.

M. Lynch : Si vous me permettez de répondre en partie à votre question sur le prix des aliments d'un point de vue légèrement différent, mon commentaire ne vous surprendra probablement pas. En un sens, je me demande qui assume la facture, si nous voulons vraiment avoir des systèmes d'exploitation agricole qui conservent la matière organique du sol, qui augmentent peut-être le carbone dans le sol et qui contribuent à la lutte contre le changement climatique. Pour atteindre ces objectifs, certains secteurs agricoles devraient réduire l'intensité de leurs activités, avoir une rotation de cultures plus diversifiées et revenir moins fréquemment aux cultures à valeur élevée.

En fin de compte, nous devons nous poser la question suivante : cela signifie-t-il que les coûts de ce système d'exploitation agricole seront transférés aux consommateurs ou le pays le subventionnera-t-il, comme c'est le cas ailleurs? Le véritable coût des aliments est une question beaucoup plus vaste. Ce qui est en fait inclus dans le prix des aliments, ce sont des enjeux globaux, et cela concerne donc tous les secteurs.

La sénatrice Tardif : J'aimerais que vous nous en disiez plus long au sujet de deux affirmations que nous retrouvons dans la note d'information que vous nous avez fournie.

Premièrement, le Canada a négocié des accords sur l'équivalence des produits biologiques avec 90 p. 100 de ses principaux partenaires commerciaux, à savoir les États-Unis, l'Union européenne, la Suisse, le Costa Rica et le Japon. Des pourparlers sont en cours avec le Mexique et la Corée du Sud. Qu'entendons-nous par des accords sur l'équivalence des produits biologiques?

Deuxièmement, vous affirmez que les producteurs d'aliments biologiques à valeur ajoutée sont tributaires des importations et ont de la difficulté à trouver des sources fiables et stables d'ingrédients. Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet de ces deux affirmations?

Mme St Hilaire : Un accord sur l'équivalence des produits biologiques permet des échanges commerciaux et l'étiquetage de produits biologiques entre deux pays. Un produit biologique américain, selon le National Organic Program, soit le nom de la norme américaine sur l'agriculture biologique, respecte les mêmes normes de production que les normes canadiennes en la matière.

Les normes sur l'agriculture biologique varient souvent d'un pays à l'autre, et un accord sur l'équivalence est donc négocié entre les gouvernements. Les autorités évaluent les normes sur l'agriculture biologique de l'autre pays et déterminent qu'elles correspondent à leurs critères pour en venir à un accord sur l'équivalence. Un produit qui est conforme aux normes du National Organic Program peut porter la mention « biologique » au Canada. Les producteurs n'ont pas besoin d'obtenir également une certification biologique canadienne.

Nous n'avons pas d'accord sur l'équivalence avec la Chine; donc, les autorités doivent vérifier que tous les produits chinois qui portent la mention « biologique » sont conformes aux normes canadiennes sur l'agriculture biologique. Est- ce que c'est plus clair?

La sénatrice Tardif : Oui. Merci. Cela a-t-il posé un quelconque problème pour ce qui est de l'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne?

Mme St Hilaire : Nous avons un accord sur l'équivalence avec l'Union européenne depuis un bon moment. Comme je ne connais pas très bien le dossier, je ne peux pas vraiment faire de commentaires.

La sénatrice Tardif : Qu'en est-il de la deuxième affirmation au sujet des transformateurs d'aliments biologiques qui sont tributaires des importations et qui ont de la difficulté à trouver des sources fiables et stables d'ingrédients?

Mme St Hilaire : L'un des outils dont jouissent nos partenaires aux États-Unis et que nous n'avons pas au Canada, c'est une base de données nationale assurant l'intégrité dans le secteur des produits biologiques. Aux États-Unis, c'est géré par le département de l'Agriculture des États-Unis, et la base de données est mise à jour chaque mois. Elle contient tous les producteurs biologiques certifiés aux États-Unis et ce qu'ils produisent et confirme leur certification et l'organisme qui les ont certifiés.

Si les transformateurs à valeur ajoutée cherchent du gingembre ou un autre ingrédient dont ils ont besoin pour fabriquer des aliments à valeur ajoutée, ils n'ont accès à aucune base de données au Canada pour trouver un producteur pour cet ingrédient. Ils doivent avoir recours à des intermédiaires. Ils doivent faire des recherches sur Google. Ils communiquent avec nous, et c'est particulièrement vrai pour des producteurs spécialisés dans des cultures créneaux qui sont difficiles à trouver. Par conséquent, ils doivent importer ces aliments de producteurs internationaux, parce qu'ils ne peuvent en fait pas trouver l'endroit où se trouvent ces producteurs au Canada. Nous rendons cela très difficile.

La sénatrice Tardif : Merci. C'était pour moi, du moins, une nouvelle information.

La sénatrice Bernard : J'aimerais revenir sur des points qu'ont soulevés certains de mes collègues concernant les écarts de prix. Je m'interroge au sujet de l'étude de consommation qui prétend que ce n'est pas vraiment un problème.

Je pense en particulier aux gens qui vivent dans la pauvreté. Je pense aussi au grand nombre de personnes au pays qui dépendent des banques alimentaires. Lorsque les banques alimentaires ont été créées, cela se voulait une mesure à court terme, et cela fait maintenant plus de 20 ans que des personnes en dépendent.

Je me demande si des travaux de recherche ont été effectués pour établir des liens entre les produits biologiques, les résultats en matière de santé et de vrais enjeux comme la pauvreté dont souffrent les gens. Je ne pense pas que les produits biologiques soient une option pour les personnes qui fréquentent les banques alimentaires. N'oublions pas non plus les gens qui vivent dans des « déserts alimentaires ». Là encore, ce n'est pas un choix. Je suppose que ces personnes ne sont pas prises en comptes dans les études du marché de consommation.

Qui participe à ces études? Où sont les autres voix, celles des personnes marginalisées? Comment sont-elles touchées par l'avènement des produits biologiques?

L'accessibilité des produits biologiques constitue certes un enjeu important, et nous en parlons avec les intervenants du milieu. Nous cherchons constamment des moyens de réduire le coût des produits biologiques afin de les rendre plus accessibles.

Ce n'est pas notre association qui a réalisé les études de marché. Je me ferai un plaisir de faire un suivi et de vous transmettre le rapport en question afin que vous puissiez prendre connaissance de la méthodologie utilisée et des conclusions qui en découlent. Je ne voudrais pas me livrer à des conjectures sur les hypothèses formulées dans cette recherche.

Il y a de nouvelles façons d'accéder aux produits biologiques, ce qui les rend plus abordables. Mentionnons notamment la commercialisation directe, c'est-à-dire la possibilité d'acheter des produits biologiques directement auprès des agriculteurs; c'est là un des modèles agricoles qui permettent d'atteindre cet objectif.

Par exemple, sur une note personnelle, je participe à ce genre de service. Pour 35 $ par semaine, je reçois tous les légumes biologiques dont j'ai besoin et même plus. C'est un prix assez abordable pour des produits biologiques cultivés localement. Chaque fois qu'il y a lieu de réduire les coûts, les agriculteurs biologiques veulent être rentables et vendre plus. Ils doivent accroître leur accessibilité, c'est-à-dire ouvrir leur marché à un plus grand nombre de consommateurs, et ce sont là des moyens d'y arriver.

La sénatrice Bernard : Selon moi, il serait intéressant de voir plus de recherches axées sur les consommateurs, car je pense que c'est très important. Par ailleurs, je crois que le comité aimerait en savoir plus sur la commercialisation directe pour mieux comprendre comment fonctionne ce modèle et s'il permet réellement d'atteindre les déserts alimentaires, là où les gens n'auraient normalement pas accès aux produits biologiques.

Le sénateur Pratte : Comme c'est souvent le cas, je suis un peu dérouté. Étant donné que votre empreinte carbone est habituellement plus faible, j'aurais cru que vous seriez en faveur d'un système de tarification du carbone, car, comme vous l'avez mentionné dans votre mémoire, cela devrait convaincre certains agriculteurs de changer leurs pratiques et de se lancer dans l'agriculture biologique.

Ne devriez-vous pas applaudir un tel système et vous en réjouir puisque vos pratiques seraient ainsi encouragées?

Mme St Hilaire : Là où nous voulions en venir, c'est que ce système incite certainement les agriculteurs à adopter de nouvelles pratiques qui réduisent l'utilisation d'engrais, mais nous sommes préoccupés de voir qu'il n'y a aucun système de soutien en place pour faciliter la transition des agriculteurs et les aider à s'adapter sans trop de mal, essentiellement, aux effets de la réglementation sur le coût de leurs intrants. Nous nous inquiétons du sort des agriculteurs qui se trouveront dans cette situation.

Heureusement, ce ne sera pas le cas pour les producteurs biologiques, mais des pratiques d'agriculture biologique seront mises à la disposition de ces agriculteurs. Nous voulons pouvoir les rejoindre, d'où l'importance cruciale, selon nous, des services de vulgarisation et de transfert des connaissances. Les deux doivent aller de pair.

C'est la même chose pour les pesticides. Quand on en retire un du marché, toute l'industrie se met à paniquer, car elle n'a pas d'autres outils à sa disposition. Je suppose qu'elle se sent abandonnée par le gouvernement et qu'elle lui en veut d'instaurer des politiques qui semblent trop autoritaires, qui ne tiennent pas toujours compte de la réalité du système d'exploitation agricole et qui, au fond, n'accordent pas le temps nécessaire pour s'adapter.

M. Lynch : J'ajouterais que le groupe de travail des tables rondes est parvenu à un consensus remarquable dans le cadre de ses discussions sur les changements climatiques; en effet, on s'accorde à dire que l'approche d'imposition d'une taxe sur le carbone est, en quelque sorte, un outil trop rudimentaire. Il faut assurément mener d'autres études à ce sujet afin de pouvoir déterminer l'efficacité vraisemblable d'un tel outil dans le domaine de l'agriculture.

Soit dit en passant, un de mes collègues a récemment effectué une étude en Colombie-Britannique, qui n'a pas encore été publiée. Cet économiste agricole de l'Université Dalhousie et ses collègues ont examiné la taxe sur le carbone et ses effets sur la rentabilité des exploitations agricoles, et ils ont constaté que cette mesure influait directement sur la rentabilité des fermes. Rien n'indique toutefois si des avantages ont découlé de l'adoption de pratiques visant à atténuer les changements climatiques et à s'y adapter.

Les intervenants du secteur de l'agriculture biologique, parmi d'autres, affirment que nous avons besoin d'une stratégie plus globale qui va au-delà d'une simple taxe. Dans le secteur de l'agriculture biologique, la taxe s'appliquerait principalement au carburant utilisé, ce qui représente une infime partie de l'empreinte écologique ou de l'empreinte carbone totale des produits alimentaires. On rate donc la cible à cet égard.

Le sénateur Pratte : J'ai été surpris de ce que vous avez écrit dans votre mémoire. Il pourrait y avoir un lien entre ma première question et votre réponse à celle-ci. Vous avez dit que, contrairement au Royaume-Uni et aux États-Unis, le Canada n'a jamais mené d'analyse du cycle de vie de la consommation énergétique du secteur agroalimentaire.

M. Lynch : Pour autant que je sache, et corrigez-moi si je me trompe, lorsque nous avons effectué cet examen en 2011, nous n'avons pas pu trouver une analyse exhaustive comparable au Canada. Compte tenu de la priorité accordée aux changements climatiques, il serait, me semble-t-il, très utile d'avoir une telle étude.

Le sénateur Pratte : Y aurait-il de grandes différences entre ce que nous avons au Canada et ce qui existe aux États- Unis et au Royaume-Uni?

M. Lynch : C'est une question intéressante. Dans certains secteurs, dont celui de l'agriculture biologique, nous dépendons beaucoup des importations. Les moyens de transport représentent peut-être plus de 10 p. 100 de l'empreinte carbone totale. Nous devons évaluer ce genre de contribution.

Le sénateur Pratte : Voilà un sujet de recherche qui pourrait être intéressant.

M. Lynch : Oui, je crois que c'est important.

Le sénateur Mercer : J'ai ajouté une question à ma liste après ce que vous venez de dire. Vous avez dit qu'il y a un professeur à l'Université Dalhousie, qui mène une étude sur la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique et ses effets sur la rentabilité des exploitations agricoles.

Il se peut que vous ne vouliez pas nous le dire, mais nous aimerions beaucoup connaître son nom et, qui sait, nous entretenir avec lui, si vous pouviez nous fournir cette information.

M. Lynch : Il s'agit de M. Yiridoe, du Département des sciences commerciales et sociales au sein de notre faculté.

Le sénateur Mercer : Je voudrais revenir sur ce qui a été dit au sujet des prix des produits biologiques. Dans ma famille, c'est moi qui m'occupe principalement des achats à l'épicerie. Je surveille les prix. J'ai remarqué une légère baisse des prix des produits biologiques, mais la disponibilité demeure un problème. Toutefois, vous avez dit qu'une personne qui achète des produits biologiques paierait 25 $ de plus par semaine. Cela fait 100 $ par mois. Vous avez ajouté que les femmes et les jeunes du millénaire sont les principaux vecteurs de ce marché.

Ces personnes ont intérêt à bien gagner leur vie. La sénatrice Bernard et moi représentons une province où cela pose problème. Pour bien des gens — pas seulement en Nouvelle-Écosse, mais partout au pays —, un montant de 25 $ par semaine ou, en tout cas, 100 $ par mois pour l'épicerie simplifierait beaucoup leur décision d'acheter ou non des produits biologiques. Ils achètent ce qui coûte le moins cher parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Nous avons déjà assez de mal à nourrir notre famille. Je ne parle pas des gens assis autour de cette table. Nous nous débrouillons fort bien, merci beaucoup, mais il y a beaucoup de gens qui souffrent.

Je suis choqué par ce prix. Cela pourrait s'avérer rentable pour l'agriculteur du point de vue des coûts-avantages, mais je doute qu'il en soit de même pour le consommateur. À moins que vous puissiez faire baisser le prix des produits biologiques de sorte qu'ils coûtent autant ou même moins que les produits non biologiques, je sais quelle décision les simples citoyens finiraient par prendre, même s'ils tiennent à manger mieux et même s'ils pensent que la consommation de produits biologiques permet d'y arriver. Pour ma part, je sais quelle décision je prendrais si j'avais à choisir entre acheter une paire d'espadrilles pour ma petite-fille et manger des aliments biologiques. Je privilégierais ma petite-fille.

M. Lynch : Je viens de me rendre compte que beaucoup de secteurs ont recours à une stratégie de marque qui est plus ou moins analogue à celle de l'agriculture biologique, que ce soit l'empreinte carbone de leur produit ou la garantie d'une pêche durable. Peu importe si c'est le secteur de la vente au détail qui encourage cela ou les consommateurs en général qui s'intéressent à l'incidence globale de l'agriculture, à certains égards, c'est une bonne chose, mais cela fait augmenter le prix des produits agricoles. Le secteur de l'agriculture biologique est peut-être un pionnier de l'idée voulant qu'on achète, en quelque sorte, le système agricole. On ne fait pas qu'acheter les aliments les moins chers; on achète aussi les avantages perçus. Nous effectuons enfin la recherche nécessaire pour déterminer si cette affirmation est vraie ou fausse. On achète le système agricole, et pas seulement un produit alimentaire.

Nous avons vu d'autres secteurs qui reproduisent une telle approche et, parfois, comme je l'ai dit, c'est également encouragé par les détaillants. À mon avis, cela s'inscrit dans le cadre d'un changement de paradigme plus général, dirait-on, en ce qui concerne nos relations avec les aliments et les systèmes agricoles. Qui doit payer pour ce changement, ces avantages sur le plan climatique, ou peu importe? Voilà une décision très complexe. Dans certaines administrations, comme en Europe, ce n'est pas le consommateur qui paie, mais le pays dans son ensemble.

Le sénateur Mercer : Le problème, c'est que la population mondiale passera à 9,7 ou 9,8 milliards de personnes d'ici 2050. Si nous ne parvenons pas à trouver une façon de cultiver assez de produits pour les nourrir, il y aura beaucoup de gens en colère, ce qui provoquera des perturbations à l'échelle mondiale. Il y aura des famines, des guerres, et cetera. Je n'ai pas besoin de vous expliquer cela.

Nous devons trouver un moyen de nourrir la population mondiale. Ce n'est pas en haussant les prix que nous y arrivons. Il faut trouver une façon de baisser les prix et d'accroître la production.

Le facteur qui vient compliquer la donne, c'est que bon nombre de ces pays, y compris nos voisins, subventionnent l'agriculture, contrairement au Canada. C'est un vrai problème. Je ne dis pas que nous devrions commencer à accorder des subventions aux agriculteurs, mais nous ne luttons pas à armes égales dans ce domaine.

La sénatrice Beyak : Votre réponse à la sénatrice Tardif m'a fait penser à une question. Vous avez dit que d'autres pays ont une base de données nationale sur l'intégrité des produits biologiques, et je me demande si un tel outil pourrait s'avérer utile au Canada. Serait-il coûteux pour nous de reproduire une base de données qui fonctionne déjà ailleurs, et en avez-vous discuté avec d'autres intervenants?

Mme St Hilaire : C'est une initiative que notre secteur recommande depuis de nombreuses années. À notre avis, il s'agit d'un outil qui peut servir à vérifier une allégation concernant les produits biologiques. Il permet de renforcer la confiance de la population et d'améliorer la transparence dans notre système, ce qui nous tient vraiment à cœur.

D'ailleurs, cette recommandation fait partie de notre mémoire sur le prochain cadre stratégique. Un des avantages de la base de données, c'est qu'elle aide à rassembler l'industrie pour créer des transformateurs à valeur ajoutée, mais, par-dessus tout, pour favoriser la transparence et la vérification des allégations concernant les produits biologiques. Ce ne serait pas coûteux. C'est simplement une base de données Excel un peu plus sophistiquée.

La sénatrice Petitclerc : Ma question risque d'exiger une longue réponse, mais peut-être qu'une courte réponse suffira.

Je veux revenir sur les changements climatiques. Vous avez très bien expliqué comment l'agriculture biologique a des effets moins graves sur les changements climatiques. C'est peut-être mentionné dans votre mémoire, mais je n'ai pas saisi l'effet des changements climatiques sur votre secteur, qui est l'objet de notre étude.

Estimez-vous que les effets des changements climatiques sur l'agriculture biologique sont les mêmes que ceux sur l'agriculture conventionnelle? Êtes-vous outillés de la même manière pour relever ces défis, ou diriez-vous que vous êtes mieux équipés à cet égard? Est-ce plus difficile pour vous que pour les agriculteurs conventionnels?

M. Lynch : La réponse courte, c'est que la gestion des risques est difficile pour n'importe quel secteur agricole, tout comme le sont l'imprévisibilité et, en particulier, le climat.

Étant un agronome et un spécialiste des sols, j'ai tendance à examiner la question sous cet angle. L'agriculture biologique permet, à tout le moins, de renforcer la résistance des sols et d'en améliorer la santé. Ce n'est toutefois pas l'apanage de l'agriculture biologique. En effet, l'agriculture diversifiée et beaucoup d'autres pratiques peuvent améliorer la santé des sols. Ce n'est qu'un des outils qui permettent d'accroître la résistance et l'adaptabilité aux changements climatiques.

Nous pourrions prendre d'autres mesures, comme la sélection des végétaux, et nous essayons de prévoir les grands défis que posent les changements climatiques à l'échelle mondiale.

La sénatrice Petitclerc : Mais, en général, vous n'iriez pas jusqu'à dire que vous êtes dans une situation pire que celle où se trouvent les agriculteurs conventionnels.

M. Lynch : Il y a une certaine résilience inhérente parce qu'on utilise un système qui est fondamentalement plus diversifié.

Mme St Hilaire : Nous avons indiqué dans notre mémoire que la présence accrue de matières biologiques dans les sols biologiques s'avère avantageuse durant les périodes de sécheresse, car les sols peuvent ainsi mieux retenir l'eau, ainsi que durant les périodes de précipitations intenses, car ils ne perdent pas autant de nutriments. Les sols biologiques ont une structure plus dense, ce qui diminue l'érosion.

Ce sont les deux phénomènes que nous observons dans le contexte des changements climatiques. Les fermes agricoles s'en sortent mieux. C'est pourquoi on dit souvent qu'elles sont plus résilientes, et il s'agit de pratiques respectueuses du climat.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

[Français]

Le président : Monsieur Lynch, madame St Hilaire, je vous remercie sincèrement de votre témoignage. Comme vous pouvez le constater, nous aurions eu besoin de deux heures en votre présence. Plusieurs questions sont demeurées en suspens. J'espère que vous aurez l'occasion de revenir nous voir. Votre témoignage a été très intéressant et constructif. Les questions que posent les sénateurs sont judicieuses, parce que nous recevons plusieurs autres groupes dans le domaine agricole et que les questions concernant les produits biologiques reviennent souvent. Je vous dirais que la balance n'est pas encore fixée; tantôt elle penche d'un côté et, le lendemain, elle remonte. Il faudra un certain temps avant que le système biologique occupe la place que vous désirez qu'il ait au sein de la population canadienne.

(La séance est levée.)

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