Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 29 - Témoignages du 11 mai 2017
OTTAWA, le jeudi 11 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour étudier l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.
Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour à tous. Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts poursuit son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique pour les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.
Nous allons accueillir aujourd'hui M. Mark Davies, président, et M. Phil Boyd, directeur exécutif, des Éleveurs de dindons du Canada, et M. Mike Dungate, directeur exécutif, et Mme Jessica Heyerhoff, coordonnatrice des communications et des politiques, des Producteurs de poulet du Canada.
Avant de poursuivre, je vais demander aux sénateurs de se présenter. Je m'appelle Ghislain Maltais et je suis le président du comité.
La sénatrice Tardif : Claudette Tardif, de l'Alberta.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur Woo : Bonjour. Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Bernard : Bienvenue. Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Bonjour. Chantal Petitclerc, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve.
[Français]
Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci beaucoup.
Monsieur Davies, vous pouvez commencer votre exposé, s'il vous plaît.
Mark Davies, président, Les éleveurs de dindon du Canada : Bonjour à tous. Je suis le président des Éleveurs de dindon du Canada, ou ÉDC, et je suis accompagné de Phil Boyd. C'est toujours un plaisir d'avoir l'occasion de venir ici et de communiquer nos points de vue sur le sujet du jour. Aujourd'hui, je suis ici au nom de notre organisation nationale, les Éleveurs de dindon du Canada, mais je témoigne aussi en tant qu'agriculteur actif. Je suis un producteur de deuxième génération dans une exploitation agricole en Nouvelle-Écosse — qui, soit dit en passant, a vu le jour en 1974 —, où j'élève des dindons depuis 25 ans.
ÉDC est une organisation nationale qui représente les éleveurs de dindon du Canada depuis plus de 40 ans. Durant cette période, nous avons encouragé la coopération à l'échelle du secteur, fait la promotion de la consommation de dinde et supervisé notre système de gestion de l'offre. ÉDC représente 535 agriculteurs dans huit provinces, de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique. Ces agriculteurs génèrent tout juste en dessous de 400 millions de dollars par année de recettes monétaires agricoles. À l'échelle de la chaîne d'approvisionnement, notre secteur génère 14 000 emplois et des activités économiques se chiffrant à 3,3 milliards de dollars par année. Par l'intermédiaire de notre système de gestion de l'offre, nous répondons à 95 p. 100 des besoins des Canadiens en matière de viande de dinde et de produits connexes. Le secteur importe 37 millions de dollars de viande de dinde, et ses exportations sont évaluées à tout juste un peu plus de 32 millions de dollars par année.
Nous nous soucions de nos oiseaux, de l'environnement et de nos concitoyens canadiens. La salubrité des aliments, la sécurité, le bien-être des animaux et la protection de l'environnement sont au cœur de ce que nous faisons et de ce que nous représentons. Nous sommes premièrement des fermes familiales, et cela signifie que nous nourrissons nos concitoyens canadiens et que, avant tout, nous prenons soin de nos oiseaux et de l'environnement. Certains diraient que cela fait partie de notre ADN.
Au Canada, la plupart des dindons sont élevés dans des installations conçues spécialement afin d'offrir une protection contre les prédateurs, les maladies et les mauvaises conditions météorologiques. Conformément à notre programme Le soin des oiseaux, plusieurs éléments sont contrôlés dans les installations, soit la température et le climat, l'éclairage, l'espace et l'accès à la nourriture et à l'eau.
Les agriculteurs doivent respecter les normes nationales établies dans le nouveau code, qui est produit conformément au code de pratiques du Conseil national pour les soins des animaux d'élevage visant les soins et la manipulation des œufs d'incubation, des stocks de géniteurs, des poulets et des dindes, ce qui permet de promouvoir de saines pratiques de gestion et liées au bien-être pour assurer la santé et le bien-être des oiseaux.
Nos producteurs appliquent aussi le Programme de salubrité des aliments à la ferme, qui décrit un grand nombre de mesures, y compris en matière de biosécurité, et qui vise à garder les oiseaux en santé. Ce programme est obligatoire dans toutes les provinces et s'ajoute à notre programme Le soin des oiseaux. Par conséquent, nous croyons que c'est une mesure importante à la lumière de la situation actuelle.
Le respect de ces programmes garantit que les éleveurs de dindon du Canada continuent d'élever des dindons salubres et de haute qualité, tout en ayant le plus grand respect possible pour la santé et le bien-être des oiseaux.
Nous réalisons aussi un important programme d'engagement des consommateurs pour nous assurer que les Canadiens comprennent la proposition de valeur de la dinde canadienne du point de vue des avantages pour la santé, du goût, de la qualité et de la façon dont les oiseaux sont élevés. Les Canadiens veulent des produits alimentaires canadiens; ils soutiennent les agriculteurs et leur font confiance. Cette confiance est liée en partie à notre engagement continu à l'égard de l'environnement. Que ce soit la façon dont nous élevons nos oiseaux, dont nous assurons la croissance de nos fermes, dont nous protégeons l'environnement ou dont nous interagissons avec les Canadiens en tant qu'agriculteurs, nous ne prenons pas ces responsabilités à la légère.
Dans le cadre de votre examen des changements climatiques, je suis heureux de vous faire part du point de vue de notre secteur. C'est aussi quelque chose d'essentiel pour créer l'image de marque canadienne, ce dont vous avez parlé dans le rapport que vous venez de publier — à la recommandation no 5 — lorsque vous mentionnez l'importance de la « marque Canada » au pays et le fait qu'il ne faut pas la sous-estimer.
En 2014, nous avons communiqué avec nos producteurs pour mieux comprendre l'état actuel de leurs opérations et connaître les mesures prises par les agriculteurs. En 2017, nous allons à nouveau réaliser cette initiative.
Lorsqu'il est question d'environnement, nos producteurs ont indiqué que les conditions météorologiques, les coûts de chauffage, le contrôle de l'environnement des installations et les coûts des mises à niveau étaient parmi les plus grands défis auxquels sont confrontés ceux qui élèvent des oiseaux.
L'efficience énergétique était une priorité pour nos agriculteurs. Le carburant, le transport, le chauffage et l'électricité dans les installations sont d'importants coûts que doivent assumer les éleveurs. En effet, 84 p. 100 des répondants avaient soit apporté des changements, soit prévoyaient en apporter pour gérer des enjeux liés à l'environnement, y compris, entre autres, améliorer la consommation d'électricité, améliorer le rendement thermique ou évaluer la possibilité d'utiliser des sources énergétiques de rechange.
L'augmentation de l'efficience de la production est un autre domaine d'amélioration clé. Il faut 30 p. 100 moins de nourriture aujourd'hui pour produire la même quantité de viande de dinde comparativement à il y a 30 ans. C'est le résultat direct de l'amélioration de la génétique des oiseaux, des meilleurs programmes et des meilleures formules de moulée et des meilleures pratiques de gestion à la ferme. Ces améliorations sont avantageuses à l'échelle de la chaîne de valeur. Cette efficience permet la production de moulées dans le cadre de laquelle on utilise moins de diesel et moins d'engrais pour produire les cultures. Il y a aussi moins de camions sur la route pour le transport. La liste des avantages liés à ces initiatives est longue.
Nous créons actuellement des modèles pour comprendre de quelle façon la tarification du carbone et les modèles de taxation connexes influeront sur nos producteurs. Cette incidence variera en fonction des diverses pratiques dans les exploitations, de la source d'électricité et des politiques provinciales qui, selon nous, joueront un rôle important dans ce dossier.
Le principal coût des éleveurs de dindons, c'est la nourriture, et cette catégorie de dépenses représente actuellement environ 50 p. 100 des coûts de production. Comme on l'a entendu, la tarification du carbone devrait augmenter les coûts de transport, de carburant et d'engrais. On prévoit que l'application de la tarification du carbone entraînera peut-être une augmentation des coûts de l'alimentation animale, et cela pourrait avoir une incidence directe sur nos activités.
Nous reconnaissons que tous les ordres de gouvernement doivent participer aux efforts pour atteindre les cibles en matière de réduction des gaz à effet de serre. En travaillant en collaboration avec l'industrie, le gouvernement peut aider le secteur à apporter continuellement des améliorations d'un point de vue environnemental.
Comme la Déclaration de Calgary — vers le prochain cadre stratégique l'indique, la collaboration dans le cadre des mesures fédérales, provinciales et territoriales liées à la durabilité environnementale et à l'adaptation aux changements climatiques et à leur atténuation « améliorent la capacité du secteur à gérer les risques, augmentent la productivité et contribuent à la croissance économique ».
L'un des principaux domaines où nous pouvons travailler en collaboration, c'est dans le cadre de recherches liées précisément à la volaille. La recherche est un facteur crucial de la productivité, de l'efficience, de la compétitivité et de l'environnement dans notre secteur. Nous soutenons des initiatives de recherche réalisées en coopération avec les gouvernements pour comprendre de quelle façon améliorer les priorités environnementales globales, y compris l'efficience énergétique et, bien sûr, la réduction des émissions, ce dont il est question à la recommandation no 9 du Rapport sur l'accès aux marchés, lorsqu'il est indiqué qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada doit faire tout en son pouvoir pour offrir la capacité, l'infrastructure, le personnel et le financement. C'est quelque chose qu'il vaut la peine de signaler.
Nos producteurs ont indiqué que des recherches sur les émissions dans les installations, l'amélioration de l'efficience et la conversion de l'alimentation étaient nécessaires. Nous devons comprendre, du point de vue des éleveurs de volailles, les tactiques de réduction des émissions qui peuvent être utilisées, les technologies qui existent et qui permettent de continuer à améliorer les activités à la ferme et les mesures que les producteurs de volaille peuvent prendre pour réduire encore plus leur empreinte environnementale. Ce sont toutes des questions valides. Des recherches permettraient de répondre à ces questions et à beaucoup d'autres aussi.
Même si nous avons beaucoup de choses en commun, différents secteurs font face à différents défis, et les options d'amélioration potentielles sont aussi différentes. Il n'y a pas de modèle universel pour tout régler. Des recherches et un soutien supplémentaires sont requis pour aider les différents segments du domaine agricole à composer avec les répercussions potentielles des changements climatiques et pour aider à déterminer clairement de quelle façon on peut réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Nos producteurs et le milieu agricole sont et ont toujours été de fiers intendants de notre environnement. Grâce à des actions et des améliorations continues, nous avons réussi à devenir plus efficients, productifs et durables. Cela fait partie de notre identité, et cet engagement continuera de croître tandis que nous nous efforcerons de nourrir une population grandissante qui veut des aliments canadiens nutritifs, sécuritaires et abordables.
Je vous remercie encore une fois du temps que vous nous avez accordé et je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Davies.
Nous allons maintenant passer à M. Dungate, des Producteurs de poulet du Canada.
Mike Dungate, directeur exécutif, Producteurs de poulet du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Bienvenue aux nouveaux sénateurs membres du comité.
Je vais commencer en vous félicitant de votre rapport sur les priorités en matière d'accès au marché. Pour ma part, j'aime la recommandation no 4 sur le fait d'encourager les tests d'ADN. Nous avons travaillé dur auprès du gouvernement pour qu'il utilise ces tests d'ADN afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'importations illégales au pays, et je suis donc très heureux de cette recommandation.
Pour l'exposé d'aujourd'hui, j'aimerais que ma collègue, Jessica Heyerhoff — notre experte des enjeux liés à la durabilité et de l'environnement — vous fasse part de nos points de vue liés à la présente étude du comité.
Jessica Heyerhoff, coordonnatrice des communications et des politiques, Producteurs de poulet du Canada : Merci, Mike.
Producteurs de poulet du Canada est une organisation nationale qui représente les 2 800 éleveurs de poulet du Canada. L'industrie du poulet au Canada est une réussite du point de vue de la croissance et de la valeur ajoutée. De plus, comme tous les agriculteurs canadiens, les producteurs de poulet sont d'excellents intendants de nos terres, mettant en œuvre, chaque jour, les pratiques à la ferme qui non seulement sont sécuritaires pour les poulets et les consommateurs, mais aussi pour notre environnement et nos ressources naturelles.
J'aimerais vous parler aujourd'hui des améliorations que les producteurs de poulets du Canada apportent dans le cadre de leurs activités, dans leurs poulaillers et d'un point de vue génétique pour améliorer l'efficience de leurs opérations et protéger l'environnement. J'aimerais aussi vous faire part de certains de nos points de vue sur la tarification du carbone.
Premièrement, nos producteurs ont apporté d'importants changements à leurs activités pour améliorer leur intendance de l'environnement et la durabilité de leurs activités. Personne ne dépend plus de la terre, du sol et de l'eau que nos producteurs. Grâce à la mise en place de bonnes pratiques de production durable, les éleveurs de poulet prennent des mesures pour s'assurer que l'industrie est durable du point de vue environnemental. Par exemple, environ 60 p. 100 de nos producteurs ont mis en place des plans environnementaux à la ferme, et ces plans incluent des interventions pour réduire le phosphore dans le fumier et l'installation d'entrepôts de fumier couverts, par exemple, assortis de géomembranes imperméables qui permettent de prévenir la contamination des eaux souterraines. L'utilisation et le stockage appropriés du fumier de poulet améliorent nos terres et protègent nos eaux.
Deuxièmement, nous avons appris, par l'intermédiaire de notre plus récent sondage auprès des agriculteurs réalisé en 2014, que 74 p. 100 des producteurs de poulet canadiens ont apporté ou prévoient apporter des améliorations dans leurs poulaillers pour gérer des enjeux environnementaux. Par exemple, ces producteurs ont déjà prévu ou prévoient améliorer leur consommation d'électricité, leur rendement thermique ou leurs systèmes de ventilation. Les pratiques novatrices que les producteurs ont adoptées pour réduire les répercussions sur l'environnement de leurs installations incluent des systèmes de chauffage et de ventilation contrôlés par ordinateur, un système de chauffage misant sur la géothermie et la biomasse renouvelables, un éclairage à haute efficacité énergétique, des planchers isolés et chauffés et des murs solaires pour préchauffer l'air entrant. Tandis que l'industrie a crû de 12 p. 100 au cours des quatre dernières années, beaucoup de nouveaux poulaillers plus efficients ont été construits, et beaucoup d'anciens poulaillers ont été rénovés.
Troisièmement, en raison d'améliorations apportées à la nutrition et à la génétique, de nos jours, les oiseaux convertissent de façon très efficiente leur nourriture en viande. Au cours des 25 dernières années, la conversion de l'alimentation a été améliorée d'un peu plus de 15 p. 100. Vu que les producteurs de poulet achètent environ 2,7 millions de tonnes d'aliments chaque année, ce gain d'efficience représente plus de 400 000 tonnes d'aliments économisés, ce à quoi s'ajoute la réduction des émissions et des répercussions environnementales connexes.
Nous savons, à la lumière de recherches canadiennes, que l'industrie canadienne du poulet affiche la plus faible intensité d'émission des gaz à effet de serre par unité de protéine de tous les produits du bétail, soit 10,6 kilos d'équivalent CO2.
En plus de ces innovations apportées individuellement dans des élevages, les Producteurs de poulet du Canada réalisent actuellement une évaluation du cycle de vie environnemental pour l'ensemble de l'industrie canadienne du poulet. Il s'agit d'une approche reconnue à l'échelle internationale qui permet d'évaluer les répercussions associées à toutes les étapes de production. Ce processus aidera notre industrie à déterminer quels aspects de la production sont efficients et là où des améliorations peuvent être apportées afin de réduire nos répercussions sur l'environnement. L'utilisation des intrants et des ressources sera évaluée à toutes les étapes de la chaîne d'approvisionnement, des installations des producteurs d'œufs d'incubation de poulet aux écloseries, en passant par les aliments, les élevages de poulet, le transport et la transformation.
La tarification du carbone représente un coût important pour les producteurs de poulet du Canada. Par exemple, en Alberta seulement, l'impact estimé de la tarification du carbone sur le coût du gaz naturel pour les élevages de poulet s'élève à 1,4 million de dollars par année. Puisque notre industrie est un chef de file qui a mis en place un programme obligatoire en matière de soin des animaux pour tous les élevages de poulet, l'utilisation du gaz naturel, du propane ou d'autres carburants est essentielle et cruciale pour maintenir une température et des niveaux d'humidité appropriés dans les installations et assurer le confort optimal des oiseaux. Il faut s'assurer que la réglementation provinciale et fédérale ne soit pas un fardeau injuste imposé aux producteurs qui sont déterminés à faire la bonne chose lorsque vient le temps de prendre soin des animaux et de l'environnement.
L'industrie du poulet a aussi deux préoccupations majeures relativement à la tarification du carbone, soit les coûts et la compétitivité.
L'industrie du poulet ne peut pas transférer les coûts associés à la tarification du carbone. En raison de la nature des contrats d'achat nationaux, les coûts uniques dans une province ne peuvent pas être ajoutés au prix payé par nos consommateurs. Par conséquent, il est essentiel que, si on tarifie le carbone, on le fasse à l'échelon fédéral. Un ensemble de programmes provinciaux créera des inégalités entre nos producteurs, qui œuvrent dans toutes les provinces.
Les producteurs devront aussi assumer l'augmentation des coûts de l'alimentation découlant de l'impact de la tarification du carbone sur les prix des cultures. Par conséquent, l'impact de la tarification du carbone sera assumé par nos exploitations agricoles familiales.
Les producteurs de poulet doivent aussi rester compétitifs, et il faut assurer une uniformité de la tarification du carbone pour tous les produits agricoles de base.
En conclusion, les producteurs de poulet du Canada font ce qu'il faut lorsque vient le temps d'élever un poulet salubre et de haute qualité avec soin et de façon durable du point de vue environnemental. Au moment de déterminer de quelle façon les provinces procéderont à la tarification du carbone, nous recommandons l'adoption d'une politique nationale stricte pour régler les problèmes liés à la compétitivité qui ont surgi et qui continueront de le faire. Nous avons hâte de continuer de travailler en collaboration avec le gouvernement du Canada pour nous assurer que l'industrie du poulet du Canada est capable de nourrir les générations futures tout en respectant notre environnement et nos ressources naturelles.
Merci beaucoup. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
La sénatrice Tardif : Merci d'être là ce matin et de nous avoir présenté des exposés très instructifs.
Je crois comprendre de vos deux exposés que l'efficience énergétique est une priorité clé pour vous et qu'il s'agit aussi d'une façon de réduire les coûts et l'impact des changements environnementaux. Pour ce qui est des Producteurs de poulet du Canada, j'ai cru comprendre que vous réalisez actuellement des évaluations du cycle de vie. Quelle incidence croyez-vous que cette initiative aura sur la façon dont vous ferez les choses à l'avenir? Et les producteurs de dindon envisagent-ils eux aussi d'adopter une telle approche?
Mme Heyerhoff : Nous en sommes actuellement aux premières étapes d'une évaluation environnementale et d'une évaluation du cycle de vie social. Comme je l'ai mentionné, nous avons adopté une approche qui vise l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Cela nous permet de regarder où des gains d'efficience sont possibles dans notre chaîne d'approvisionnement, que ce soit à la ferme, durant le transport ou au moment de la transformation, et de déterminer d'où viennent les répercussions et de quelle façon on peut composer avec elles. Notre industrie obtiendra ainsi un très bon aperçu de la situation actuelle et une bonne compréhension de la façon dont nous pouvons apporter des améliorations à l'avenir grâce à la sensibilisation et à différentes ressources qui peuvent être mises au point à la lumière des résultats découlant de notre étude.
La sénatrice Tardif : Les producteurs de dindon envisagent-ils de faire la même chose?
Phil Boyd, directeur exécutif, Les éleveurs de dindon du Canada : Nous évaluons actuellement deux ou trois propositions différentes en vue de la réalisation d'une évaluation du cycle de vie. Selon nous, une telle initiative permettra de produire des renseignements importants pour nos producteurs, dans la mesure où on pourra aider tout le monde à comprendre les répercussions auxquelles il faut s'attendre et les mesures qu'on peut prendre pour composer avec ces répercussions.
Comme notre président l'a dit, nous travaillons avec un oiseau efficient du point de vue de la conversion alimentaire et de l'utilisation d'aliments, mais nous croyons que, pour aller de l'avant, une évaluation du cycle de vie sera utile. Ce sera aussi important du point de vue des producteurs de dindon.
Nous représentons beaucoup de producteurs mixtes, c'est-à-dire des producteurs qui élèvent aussi d'autres espèces de volaille, ce qui fait en sorte que c'est une mesure bonne et cohérente et une bonne étude à réaliser, parallèlement à nos collègues des autres secteurs.
La sénatrice Tardif : Merci. Vous avez mentionné que la production de volaille est associée à de plus faibles émissions de gaz à effet de serre que la production des autres produits agricoles, comme le bœuf ou le porc. Est-ce le cas, et dans l'affirmative, pourquoi?
M. Dungate : C'est entre autres en raison de la conversion de l'alimentation en viande. Nous avons réussi à accroître l'efficacité alimentaire, c'est-à-dire que nous sommes passés de 2,1 kilogrammes d'aliments pour obtenir un kilogramme de viande à environ 1,7 ou peut-être même un peu moins. On y arrive en intégrant des enzymes dans la nourriture. Il y a deux avantages, ici : premièrement, il y a une meilleure conversion aliment-viande, et, deuxièmement, on obtient moins de fumier, parce que les animaux mangent autant — ils ingèrent autant de nourriture —, mais ils l'utilisent et l'absorbent davantage, ce qui fait en sorte qu'ils en évacuent moins. C'est de cette façon que nous sommes le plus efficients, ici.
M. Davies : Je donnerais le même son de cloche. Même s'il n'y a pas de solution universelle, nous partageons beaucoup de similitudes lorsqu'il est question de la structure des installations et des systèmes de ventilation. Il en va aussi de même lorsqu'il est question de conversion alimentaire.
Dans ma ferme, j'ai constaté d'importants gains au cours des trois à cinq dernières années, et je suis passé de 2,2, 2,5 à 1,8, 1,85 et parfois un peu moins, comme Mike l'a indiqué. On a constaté des gains phénoménaux, et ce, pour toutes les raisons dont Mike a parlé.
La sénatrice Tardif : Donc, si je comprends bien : la capacité de mieux convertir l'alimentation en viande...
M. Davies : Oui.
La sénatrice Tardif : ...ou en protéines découle du fait que vous changez les types d'engrais?
M. Davies : Les aliments des animaux et tous les ingrédients qu'on y met.
M. Dungate : C'est aussi une question de génétique des oiseaux. C'est un processus de sélection classique. On sélectionne les animaux en fonction de certaines caractéristiques, comme on le ferait pour un chien « pure race » ou je ne sais quel autre animal, et on mise sur l'élevage de certaines espèces, celles qui convertissent mieux l'alimentation en viande. C'est les deux ensembles : la nourriture et la génétique.
La sénatrice Tardif : De quelle façon les changements climatiques influent-ils sur vos industries?
M. Davies : Pour ce qui est des coûts ou de façon générale?
La sénatrice Tardif : Disons, par exemple, pour ce qui est des soins prodigués aux animaux. Y a-t-il un impact?
M. Davies : En raison de l'environnement dans lequel vivent la plupart des oiseaux, l'idée, c'est en partie de contrôler les conditions : de fournir le meilleur environnement possible aux oiseaux au meilleur coût.
Je serai franc. Lorsque nous avons entrepris le processus pour notre exposé... c'est tout simplement inhérent. C'est quelque chose que nous avons toujours fait, il n'y a là rien de nouveau pour nous. C'est quelque chose qui suscite davantage l'intérêt public, maintenant, comme ce devrait être le cas. C'est devenu un enjeu plus important parce que les gens en ressentent l'incidence dans leur vie, mais, pour ce qui est des producteurs de volailles, cela fait partie du jeu depuis que je suis dans le secteur. Chaque année, nous faisons des gains dans les domaines de la génétique, de l'élevage, des aliments pour animaux, de l'efficience de l'équipement, de la structure des installations... toutes les choses que j'ai mentionnées. C'est tout simplement quelque chose que nous faisons.
Lorsque nous réalisons de telles études, c'est vraiment pour évaluer les améliorations que nous avons apportées et pour déterminer de quelle façon nous pouvons poursuivre le processus, mais ce n'est rien de nouveau, et il n'y a personne dans notre industrie qui se dit : « bon Dieu, il faut vraiment faire quelque chose maintenant ». Ce n'est rien de nouveau.
Par conséquent, on ne constatera pas un changement vraiment majeur à mesure que nous nous améliorons. C'est graduel. C'est quelque chose que nous faisons. Cela a toujours fait partie de notre ADN. C'est un peu comme une deuxième nature.
M. Dungate : Il y a deux possibilités. Dans un premier temps, au Canada, il faut contrôler le climat dans les installations, ce qui n'est peut-être pas le cas dans d'autres régions du monde. Il faut survivre à l'hiver et résister à des températures très élevées l'été. Tout dépend de ces variables météorologiques. Si les hivers sont moins froids, les coûts de chauffage seront moins élevés et nous utiliserons moins d'énergie pour chauffer les installations. Si la température monte, il faudra peut-être dépenser plus d'argent parce que les oiseaux sont sensibles à l'humidité.
L'autre incidence sera du côté des céréales. Notre coût d'intrant le plus élevé, c'est l'alimentation. Il peut y avoir un impact bénéfique sur la culture des grains au Canada en raison des changements climatiques vu notre climat nordique. Si les choses vont de l'autre côté et que nous n'avons pas un bon accès, ce peut être préjudiciable du point de vue économique.
M. Boyd : M. Dungate a mentionné la différence entre le fait d'élever de la volaille au Canada et le faire dans d'autres régions du globe. Il y a quelque chose d'important à souligner, et cela témoigne du point soulevé par Jessica au sujet d'une politique nationale : il y a trois ans, il y a eu 16 pieds de neige sur la terre agricole de M. Davies. Dans la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique, les producteurs n'ont pas reçu ces mêmes 16 pieds de neige. Il y a des conditions extrêmement différentes un peu partout au pays — quasiment d'une province à l'autre — en un certain sens. Nos producteurs doivent faire preuve de souplesse en ce qui a trait à l'équipement, aux installations d'élevage et aux types de systèmes de ventilation le mieux adaptés à leur région précise, et ce, à l'année. Cela fait ressortir le point soulevé par Jessica plus tôt relativement au fait qu'une politique nationale serait peut-être plus logique qu'un cadre fragmentaire d'une province à l'autre.
Le sénateur Doyle : La santé des animaux est évidemment très importante lorsqu'on élève des poulets, des dindons ou d'autres animaux. Quel est le niveau d'investissement, actuellement, disons, pour le producteur moyen qui veut maintenir la santé animale dans votre industrie? Qu'est-ce qui entre en ligne de compte? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous voulez dire par santé animale et la façon dont vous l'assurez?
M. Davies : Encore une fois, à mesure que nous tentons de faire des gains d'efficience — en faisant certaines des choses que nous venons tout juste de mentionner —, on s'appuie de moins en moins sur des choses autres qu'une saine gestion, des ingrédients de qualité dans les aliments, l'élevage et la génétique. On met l'accent sur la prévention plus que jamais.
Nous avons l'assurance que les entreprises qui nous fournissent les poussins et les dindonneaux ont fait beaucoup de progrès pour atténuer certains des problèmes inhérents à l'élevage des oiseaux. Encore une fois, grâce au cycle génétique, on met très peu l'accent sur les produits chimiques, à part pour maintenir la propreté dans les installations entre les troupeaux. On n'utilise pas beaucoup de médicaments. Nous tentons tous d'éliminer les antibiotiques actuellement. Au bout du compte, c'est vraiment une question de bonnes pratiques de gestion.
Les coûts ont diminué de façon majeure, si c'est ce que vous voulez savoir. Ce n'est pas devenu un enjeu important dans le cadre du maintien des oiseaux. La gestion est devenue l'enjeu central.
Le sénateur Doyle : Je regarde les notes d'information où il est mentionné que l'agriculture est responsable d'environ 10 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre canadiennes, mais de 27 p. 100 des émissions de méthane. Est-ce que les pratiques d'agriculture biologique sont moins susceptibles de causer des émissions? Est-ce que ces fermes, par exemple, utilisent du fumier d'animaux, ou est-ce qu'elles utilisent davantage des types de déchets végétaux? Est-ce quelque chose qui préoccupe l'industrie, l'agriculture biologique par opposition à l'agriculture conventionnelle?
M. Dungate : Nous comptons parmi nos membres des producteurs biologiques, des éleveurs d'oiseaux « en liberté » et des producteurs dont les oiseaux se déplacent librement dans le poulailler.
Le sénateur Doyle : De quelle façon pouvez-vous comparer l'agriculture biologique et l'élevage traditionnel du dindon? Les producteurs ont-ils des façons différentes de faire les choses?
M. Dungate : Les producteurs biologiques doivent respecter les exigences liées à la certification. Un agriculteur biologique doit respecter une norme. Je ne sais pas exactement qui l'établit, mais, du point de vue de l'agriculture biologique, ce n'est pas notre norme qui est appliquée. C'est une norme nationale qui concerne cette façon de faire et les types d'aliments suggérés. Les oiseaux doivent être en liberté et avoir accès à l'extérieur. Il y a des exigences différentes de ce point de vue. C'est tout.
Pour ce qui est du méthane, je crois que, pour nous, le méthane vient uniquement du fumier, et c'est la raison pour laquelle Jessica a parlé d'un entreposage approprié du fumier. Dans le cadre de la production de la volaille, le fumier est plus sec que celui d'autres animaux. Il faut s'assurer qu'il n'y a pas d'écoulement, et il faut l'épandre à un moment approprié et le recouvrir pour s'assurer de ne pas libérer du méthane.
Le sénateur Doyle : Je m'intéresse à l'empreinte carbone associée à chaque façon d'élever les animaux. Y a-t-il des recherches qui permettent de déterminer quelle est la vraie différence en ce qui a trait à l'empreinte carbone entre l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique dans votre industrie?
Mme Heyerhoff : Actuellement, je crois que certaines études ont été réalisées. Je ne connais pas très bien les recherches qui portent précisément sur la différence entre les méthodes biologique et traditionnelle pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre ou de l'efficience.
C'est peut-être une question sur laquelle nous pourrons nous pencher — selon les tailles d'échantillon que nous obtiendrons — dans le cadre de notre évaluation de cycle de vie. Comme vous le savez, les exploitations biologiques représentent un très petit pourcentage de la production, mais si nous avons un échantillon suffisamment important pour faire des comparaisons, c'est une question sur laquelle nous nous pencherons durant notre évaluation du cycle de vie.
Cependant, comme Mike l'a indiqué, il y a un certain nombre de différences liées à la production et aux exigences entre une exploitation biologique et une exploitation traditionnelle. Il y aura probablement aussi des répercussions générales du point de vue de l'efficience.
Le sénateur Doyle : Si mes questions vous semblent un peu naïves, c'est parce qu'il s'agit de ma première réunion.
Dans votre domaine, quel est l'impact économique de la tarification du carbone sur les producteurs canadiens?
M. Dungate : Il faut que la tarification soit appliquée de façon uniforme à l'échelle du pays. La Colombie- Britannique a mis en place un cadre de tarification du carbone, et les représentants ont dit qu'ils allaient exempter les agriculteurs. Ils ont exempté l'utilisation du propane pour chauffer les installations d'élevages. En Alberta, le gouvernement a exempté la machinerie agricole, mais pas le propane ni le gaz utilisé pour chauffer les poulaillers. On se retrouve donc avec des différences entre les cultures qui bénéficient de l'exemption et l'élevage du poulet et, de façon générale, du bétail en Alberta. Cependant, cela fait en sorte que la situation est différente en Colombie-Britannique et en Alberta. Il y a déjà une différence en raison du climat. Le niveau de consommation sera supérieur en Alberta qu'en Colombie-Britannique. Ce dont nous avons besoin, c'est de l'uniformité. C'est l'aspect le plus important.
S'il y a un coût supplémentaire, selon nous, ce sera difficile pour nous de le transférer. Il faudra l'assumer d'une façon ou d'une autre dans nos façons de faire. Cependant, ces mesures doivent être neutres sur le plan compétitif.
M. Davies : Je vais vous donner un autre exemple lié à ma ferme. Il a été indiqué — et je n'ai rien entendu qui prouve le contraire — que, en Nouvelle-Écosse, il est très probable que les œufs et la foresterie ne soient pas visés par la tarification du carbone et la taxe sur le carbone. Cependant, j'achète mon propane à un producteur de l'Ouest, et on en revient au point soulevé par Mike. Je ne sais pas exactement quelles seront les répercussions concrètes. En ce qui a trait à la tarification du carbone, même si je suis en Nouvelle-Écosse, mes coûts de chauffage sont mon poste de dépenses principal. Même si je suis presque à l'autre bout du pays, ce qui se passe là-bas pourrait avoir une incidence sur mon entreprise.
M. Boyd : Comme Mark l'a mentionné dans sa déclaration, nous essayons actuellement de créer des modèles liés aux différentes politiques d'une province à l'autre avec, en filigrane, l'annonce du premier ministre. Nous tentons de déterminer quelles seront les différences d'une province à l'autre. Lorsque nous aurons terminé ce travail précis et que nous aurons foi en son exactitude, nous serons heureux de fournir certains résultats à M. Pittman, si cela peut aider le comité.
Le sénateur Doyle : Merci.
[Français]
Le président : Avant de céder la parole au sénateur Eggleton, j'aimerais signaler qu'il ne nous reste que 30 minutes. Neuf sénateurs ont demandé le droit de parole. Je demanderais donc aux sénateurs de poser des questions courtes et aux témoins de répondre précisément, mais succinctement.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Premièrement, en ce qui concerne vos commentaires liés à l'application de la taxe sur le carbone, j'ai de la sympathie pour quiconque tente de faire des affaires un peu partout au pays, et ce, peu importe le secteur. Des études révèlent qu'il est beaucoup plus difficile de commercer avec le Canada qu'avec tout autre pays du monde. Il est temps d'être matures : soit nous sommes un pays, soit nous sommes un regroupement de 10 pays différents. Il faut passer à autre chose.
Monsieur Davies, lorsque vous avez fourni les chiffres sur la valeur de l'industrie de l'élevage du dindon, vous avez indiqué des recettes d'environ 400 millions de dollars et avez ajouté que le secteur répond à environ 95 p. 100 des besoins des Canadiens. Dans le paragraphe suivant, vous avez indiqué des importations de 37 millions de dollars dans le secteur. Je comprends que les chiffres sont assez près. On parle d'environ 9 p. 100 de 400 millions de dollars. J'essaie de comprendre ce que ces chiffres signifient. Pouvez-vous nous préciser quelle est la valeur totale du marché canadien de la dinde et ce que représentent les 37 millions de dollars en importations?
M. Davies : Je vais laisser M. Boyd répondre. Il connaît les chiffres exacts mieux que moi.
M. Boyd : Les 400 millions de dollars sont les recettes monétaires agricoles. C'est ce qu'on verse aux agriculteurs canadiens pour leur production. Les 37 millions de dollars représentent la valeur approximative des produits importés au pays.
Le sénateur Ogilvie : Exactement. Ça, je comprends.
M. Boyd : Les agriculteurs canadiens répondent à 95 p. 100 des demandes du marché canadien. Les autres 5 p. 100, les 37 millions de dollars, sont visés par le mécanisme de contingent tarifaire d'accès aux importations conformément aux règles de l'ALENA.
La valeur totale générée par année s'élève à 3,3 milliards de dollars. Cela inclut toutes les recettes monétaires agricoles et toutes les activités économiques, la transformation ainsi que toute la main-d'œuvre et toutes les activités à valeur ajoutée qui mènent aux produits achetés par les consommateurs, que ce soit dans le secteur de la restauration ou de la vente au détail. C'est la contribution totale à l'économie canadienne du secteur de la dinde au Canada.
Le sénateur Ogilvie : Je veux comparer des pommes et des oranges. La situation est-elle reflétée dans le bilan en ce qui a trait aux importations?
Je crois que vous avez répondu à ma deuxième question. Les 37 millions de dollars sont le maximum permis en vertu des divers accords commerciaux aux fins d'importations au Canada.
M. Boyd : Oui. Les 37 millions de dollars incluent tout cela. Certaines importations ne sont pas visées par la liste de contrôle des importations. On parle de produits à valeur ajoutée dans certaines catégories du système harmonisé, mais, de façon générale, on parle des 5 p. 100 d'accès minimal prévu par le traité commercial.
Le sénateur Pratte : Je suis relativement nouveau, ici. S'il doit y avoir une taxe sur le carbone ou un système de tarification du carbone, vous avez expliqué vouloir un système national ou fédéral en raison de ce que vous avez appelé des « contrats d'achats nationaux ». Pouvez-vous m'expliquer ce dont il s'agit?
M. Dungate : Si vous mangez chez McDonald, le poulet que vous mangez a été produit dans une usine de London, en Ontario. Ce sera différent de ce qu'on trouve dans un marché du frais. Si vous magasinez au Costco d'Ottawa, le poulet vient de chez Exceldor, à Lévis, au Québec. Le poulet peut circuler librement dans tout le pays. Le poulet est vendu là où il y a une demande sur le marché. Par conséquent, selon les marchés, si on influe sur le prix à un endroit où du poulet est produit, on influe sur le prix du poulet à l'échelle du pays.
Le sénateur Pratte : Le prix du poulet est établi à l'échelle nationale, n'est-ce pas?
M. Dungate : Le prix du poulet est établi par les provinces, mais il est fondé sur le coût des intrants. Il est plus élevé dans le Canada atlantique parce que les aliments représentent la principale composante du prix, et les aliments sont beaucoup plus chers parce qu'on n'en produit pas beaucoup dans le Canada atlantique. Les provinces établissent les prix en fonction les unes des autres.
Le sénateur Pratte : Si j'ai bien compris, vous ne vous opposeriez pas à un système de tarification du carbone national. Cependant, votre industrie ne courrait-elle pas le risque d'être désavantagée comparativement à d'autres produits concurrents comme le bœuf, par exemple?
M. Dungate : Effectivement.
Le sénateur Pratte : Vos prix augmenteraient. Évidemment, les leurs pourraient aussi augmenter, mais n'y a-t-il pas là un risque?
M. Dungate : C'est la raison pour laquelle nous voulons mesurer le tout en fonction de l'impact sur les changements climatiques. Nous affichons l'un des niveaux d'incidence les plus faibles sur les changements climatiques, même si nous utilisons du propane et que nous chauffons nos installations. En raison du type de production, certains producteurs n'ont pas à acheter de carburant, mais ils créent tous quand même du CO2 dans le cadre de leur production.
C'est ce que nous avons voulu dire au sujet de la compétitivité entre les produits. La tarification doit être telle qu'on vise à obtenir un résultat final plutôt que de s'en tenir aux intrants utilisés. Ne taxez pas les intrants, taxez les répercussions. Selon nous, si quelqu'un a une faible incidence, la tarification du carbone devrait être plus clémente dans son cas parce que c'est l'impact qui est mesuré. Il faut tenter d'obtenir un bénéfice environnemental plutôt que de déterminer si le producteur achète ou non du carburant. C'est complexe, je comprends, mais c'est important.
Le sénateur Pratte : Ce que vous dites va à l'encontre de la politique actuelle du gouvernement, qui a déterminé qu'il y aurait non pas un système de tarification du carbone national, mais plutôt des systèmes provinciaux.
M. Dungate : Si on pouvait s'assurer que toutes les provinces s'entendent et font la même chose, il n'y aurait pas de problème.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à Mme Heyerhoff et concerne l'amélioration des installations physiques consacrées à l'électricité et au chauffage. Il y a une tarification spéciale pour les alumineries. Les producteurs qui apportent des changements en matière de consommation d'énergie sont-ils admissibles à l'aide des gouvernements provinciaux ou à une tarification particulière des producteurs d'électricité?
[Traduction]
Mme Heyerhoff : Je ne suis pas sûre que ce soit le cas. Je ne sais pas de quelle façon les choses fonctionnent à l'échelon provincial pour ce qui est des avantages liés à l'électricité ou des rabais. C'est un peu plus complexe que la situation que je connais dans les fermes individuelles.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Les gouvernements mettent en place des taxes sur le carbone, mais les alumineries au Québec bénéficient de tarifs préférentiels. Je présume que les producteurs de volaille devraient bénéficier de ces tarifs également, mais vous affirmez que vous n'êtes pas sûre. Merci, madame.
[Traduction]
Le sénateur Woo : Merci. Je veux poursuivre la série de questions sur la tarification et les contrats d'achat nationaux. Vous dites que l'industrie ne peut pas transférer les coûts de la tarification du carbone, puis je crois que vous avez fait un lien avec la nature des contrats d'achat nationaux. Je ne comprends toujours pas le lien. L'industrie est-elle dans l'impossibilité de transférer le coût du prix du carbone en raison de problèmes de compétitivité ou est-ce en raison d'enjeux contractuels?
M. Dungate : Je crois que c'est parce que nous sommes dans un environnement compétitif. Tout dépend de ce qui arrivera aux autres produits de base. Pour nous, dans le milieu de la protéine tirée de la viande, si chaque protéine issue de la viande doit composer avec les mêmes conséquences, alors on pourra peut-être transférer certains de ces coûts.
Je tiens à souligner que, par exemple, la réalisation à la ferme de nos programmes de salubrité alimentaire et de soins des animaux nous coûte 3,5 millions de dollars par année, et ce, simplement pour vérifier les fermes et gérer le système. Nous ne transférons pas ces coûts. Nous devons les assumer. Nos producteurs diraient que nous offrons un meilleur avantage et que nous devrions pouvoir en obtenir plus. C'est en train de devenir le prix de l'accès. Si de tels programmes deviennent la norme, alors qu'est-ce que le consommateur est prêt à payer au bout du compte pour quelque chose qui n'est pas différencié? Par conséquent, la capacité de chaque intervenant de la chaîne de transférer le coût est limitée. Ce n'est pas une raison contractuelle à proprement parler.
Le sénateur Woo : On pourrait s'attendre à ce qu'une politique nationale de tarification du carbone s'applique à tous vos compétiteurs qui produisent des protéines tirées de la viande. N'est-il pas possible que tous aient à composer avec les mêmes pressions et que, par conséquent, vous puissiez transférer une partie des augmentations de coûts?
M. Dungate : Si on regarde la façon dont les choses se passent et le fait que tout le monde s'occupe de la salubrité des aliments à la ferme, on pourra transférer une partie des coûts, mais on ne pourra jamais les récupérer complètement. Le consommateur paiera un peu plus cher, mais chaque intervenant de la chaîne de valeurs pourra seulement transférer une partie des nouveaux coûts.
Le sénateur Woo : D'accord. Donc il est vraiment question, ici, de compétitivité comparativement aux autres protéines animales plutôt que des contrats d'achat nationaux en tant que tels.
M. Dungate : Exactement, mais dans ce cas-là, on parlait plutôt du fait que le système soit seulement appliqué à une province. En raison des contrats nationaux et de tout le reste, on ne peut pas transférer les coûts parce que les clients vont tout simplement transférer leur contrat national à une autre province et à un autre fournisseur.
Le sénateur Woo : N'est-ce pas la nature du domaine? N'êtes-vous pas déjà en compétition les uns avec les autres?
M. Dungate : Absolument, oui, mais ce que nous disons, c'est que si on impose une taxe sur le carbone seulement dans une province, alors cette province sera désavantagée. Et là, puisqu'on tarifie le carbone, même si on le fait pour tous les produits de base, la tarification aura un impact sur l'agriculture dans la province en question et, peut-être, forcera certains agriculteurs à déménager ailleurs.
Le sénateur Woo : Vous essayez de définir des règles de jeu équitables pour tous vos membres à l'échelle du pays?
M. Dungate : Exactement.
Le sénateur Woo : Je comprends.
Quelle est la part des intrants énergétiques dans vos coûts directs? Je ne parle pas des coûts indirects comme le transport et l'expédition, les aliments et ainsi de suite, mais bien les coûts directs des intrants énergétiques à la ferme et pour élever les poulets et les dindons?
M. Dungate : Je ne sais pas exactement. Nous pouvons trouver un montant approximatif et le fournir au comité.
Le sénateur Woo : Ce serait très utile.
M. Dungate : Les aliments et l'achat des poussins représentent environ de 65 à 70 p. 100 des coûts des intrants directs des producteurs. L'énergie est certainement moins importante : elle n'est pas l'un des deux principaux postes de dépenses.
M. Davies : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, comme M. Boyd l'a indiqué tantôt, la situation peut varier beaucoup à l'échelle du pays, de la Colombie-Britannique à l'Alberta ou à la Nouvelle-Écosse, par exemple, là où on a tendance à beaucoup aimer la neige. Ces coûts peuvent représenter de 10 à 20 p. 100 des coûts totaux, dans cette fourchette, selon la source de carburant et le niveau d'efficience. Encore une fois, nous vous fournirons cette même information lorsque nous l'obtiendrons.
Je tiens à préciser que, comme je l'ai dit, c'est une deuxième nature pour nous. C'est quelque chose que nous faisons déjà, mais cela ne signifie pas que nous avons toutes les données. C'est l'information que nous recueillons actuellement, mais c'est quelque chose que nous faisons déjà. C'est une deuxième nature, mais l'heure est maintenant venue de déterminer précisément quel sera l'impact et quels sont certains des coûts exacts.
Le sénateur Oh : Messieurs, dans le cadre du Programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture, le gouvernement a fourni 27 millions de dollars pour aider à créer des pratiques et des processus technologiques visant à aider le secteur agricole dans le domaine des changements climatiques. Est-ce que votre secteur de production a accès à ces fonds? Trouvez-vous que ces fonds sont utiles pour l'industrie dans la lutte contre les changements climatiques?
M. Davies : Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas y avoir accès, en raison de toutes les nouvelles technologies disponibles, comme les panneaux solaires, par exemple. On constate que les gens commencent à mettre en œuvre ce genre d'initiatives sur les toits de leurs installations. Ils ont l'espace nécessaire. Il y a des producteurs qui se tournent vers l'énergie éolienne pour abaisser les coûts. Ils achètent des systèmes de ventilation informatisés et efficients sur le plan énergétique pour assurer le chauffage et la climatisation. Ces programmes sont plus que bienvenus.
Encore une fois, dans mon cas, je gère une petite exploitation agricole. J'ai fait une bonne partie de tout cela de mon propre chef au cours des huit à dix dernières années. J'ai installé de nouveaux systèmes d'éclairage et de chauffage, alors je suis déjà rendu là. Les occasions sont là pour les nouveaux agriculteurs, ceux qui s'en viennent et ceux qui sont déjà prêts pour cette transition. Selon moi, c'est un programme dont ils peuvent tirer profit.
Le sénateur Oh : Mais est-ce que vous trouvez ce programme efficace?
M. Davies : Je ne suis pas sûr exactement de quel programme on parle, alors je ne veux pas trop en dire à ce sujet, mais les gens regardent toujours ce qui s'offre à eux. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre connaît ce programme précis...
M. Dungate : Le défi, pour nous, sénateur Oh, c'est que nous nous intéressons à l'adoption de politiques générales et globales, tandis que, dans ce cas-ci, on parle d'un programme qui concerne des agriculteurs précis qui doivent présenter une demande. Pour notre part, nous ne nous intéressons pas à ce genre de choses, et je ne peux donc rien vous dire de bien définitif. Encore une fois, je peux demander à certaines de vos organisations provinciales si elles savent si des gens ont eu accès à ces fonds ou non. J'imagine que le programme relève d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, et que les représentants du ministère doivent avoir une compréhension des types d'agriculteurs qui ont présenté une demande dans le cadre de ce programme.
Le sénateur Oh : Du point de vue de la commercialisation, vous devriez peut-être appeler votre poulet du « poulet issu des changements climatiques ». L'appellation pourrait vous aider. Il y a déjà du poulet biologique.
M. Dungate : C'est noté.
La sénatrice Gagné : L'industrie a apporté d'importants rajustements afin de répondre à la demande pour une viande relativement sécuritaire, mais il y a aussi eu des changements structurels dans le cadre de la production du poulet et du dindon. Le secteur est passé à une agriculture industrielle. Je dirais que les intervenants sont beaucoup plus indépendants du point de vue des terres. Les importantes installations se concentrent sur la production des animaux. On achète les aliments et on a un accès limité aux terres.
Ma question concerne la gestion des déchets. De quelle façon gérez-vous vos déchets afin de réduire les émissions?
M. Davies : Encore une fois, la meilleure façon de répondre à la question est de fournir des exemples concrets. Même si les producteurs ne dépendent pas des terres, ils se trouvent en zone agricole dans 99 p. 100 des cas et ils ont donc accès aux terres. Il n'est pas rare que des agriculteurs possèdent d'importantes parcelles de terre à cette seule fin et ils font pousser des cultures. Ce ne sont pas uniquement des éleveurs de volailles.
Dans mon cas, je m'en tiens à l'élevage de volailles. J'ai créé un partenariat avec une ferme laitière qui fait aussi pousser des cultures, et nous avons un cycle. C'est parfait pour nous : c'est ce qu'on fait depuis maintenant 20 ans. Encore une fois, c'est tout simplement ce que nous faisons.
Dans mon domaine, il y a beaucoup d'activités agricoles. Il y a divers genres de producteurs. Certains ont de grandes cultures et d'importantes productions de volaille, et c'est le modèle qu'ils utilisent. Dans cette structure, on doit composer avec les limites provinciales concernant ce qu'on peut épandre sur les terres, mais le système fonctionne assez bien. Ce n'est pas un problème à ma connaissance, alors on a un bon équilibre.
M. Dungate : Je ne crois pas que nous soyons des fermes industrielles. Nous faisons de l'agriculture. Ce que nous disons, c'est que nos installations ont changé, mais pas nos valeurs; et c'est encore les mêmes personnes qui s'en occupent. C'est une industrie qui est disséminée à l'échelle du pays. C'est une des différences comparativement aux États-Unis, où, dans l'industrie du poulet — c'est aussi le cas pour l'industrie du poulet dans de nombreux pays —, c'est le transformateur qui construit l'usine, puis les fermes. Il conclut ensuite des marchés avec les fermes à proximité pour créer un système de production d'aliments concentré. Dans une telle situation, on se retrouve aussi avec une importante concentration de fumier à gérer.
Nous sommes répartis un peu partout au pays. Nous possédons une très importante masse terrestre ici. Pour ce qui est de la concentration, nous sommes passés de 2 200 agriculteurs en 1985 à 2 800, maintenant. Nous ne sommes pas de moins en moins nombreux. Le nombre de fermes augmente, et la taille des fermes augmente aussi.
Seulement 37 p. 100 de nos producteurs ne produisent que du poulet. Le reste produit d'autres choses. Les agriculteurs comprennent la diversification et savent qu'on ne peut pas se limiter à un produit. Ils diversifient leurs opérations pour ce faire, et bon nombre d'entre eux produisent des cultures commerciales. Le maïs et le soja, le blé et l'orge sont les principaux coûts des intrants. Si une personne peut les cultiver, les fournir à une provenderie et que celle- ci peut lui redonner des aliments, cela peut devenir un système, et, maintenant, le producteur peut aussi utiliser le fumier en l'épandant dans les champs.
Un de nos principaux défis, c'est l'expansion des villes et l'empiètement sur les terres agricoles. Au Manitoba, la ville de Steinbeck veut élargir son territoire de 66 p. 100 et empiéter sur des terres agricoles de grande qualité en cours de route. Et là, on n'a pas de capacité, et donc, dès que quelqu'un s'installe près de terres agricoles, il n'aime pas qu'on épande du fumier en raison de l'odeur. Je dirais que l'empiètement est un problème pour nous.
La sénatrice Gagné : C'est une question de point de vue. Merci.
Les changements climatiques ont-ils eu un impact sur la génétique des animaux?
Mme Heyerhoff : C'est une question intéressante. Je ne crois pas que quiconque se soit penché sur cette question ou ait mesuré cet aspect. Vous avez piqué ma curiosité. Je vais définitivement me pencher davantage sur cette question. La structure génétique est complexe dans le domaine de la volaille. Il y a les poulaillers, et les installations de poulet reproducteur de type à griller, et, si on regarde en arrière, il y a les parents et une longue lignée génétique qui ont mené à l'oiseau final que nous élevons, mais je n'ai pas encore rencontré de répercussions découlant des changements climatiques.
M. Davies : C'est une très bonne question. Nous allons nous pencher sur cette question et vous revenir là-dessus. Nous travaillons avec un des chefs de file en matière de génétique du dindon au Canada. C'est une réponse qu'il pourrait nous fournir, et nous vous transmettrons cette information par la suite.
M. Boyd : Le processus de sélection de la volaille exige du temps. Il faut du temps pour sélectionner les caractéristiques désirées des volatiles. Ma réponse initiale serait de vous dire qu'à mesure que les programmes de sélection progressent, ils tiennent compte d'un certain nombre de facteurs. La question des changements climatiques est probablement inhérente d'une certaine façon aux programmes de sélection des principaux éleveurs à l'échelle internationale, pas seulement au Canada.
Le sénateur Bernard : J'ai entendu deux ou trois d'entre vous dire que les aliments sont plus onéreux dans le Canada atlantique. J'ai l'impression que là où on habite n'a aucune importance, puisqu'on peut obtenir le poulet de partout au pays. Si le coût de la volaille, du poulet ou de la dinde au Canada atlantique est plus élevé que dans d'autres régions du pays, pourquoi est-ce le cas?
M. Davies : La réponse simple, c'est que les coûts sont tout simplement plus élevés, comme c'est le cas dans la vie quotidienne. C'est beaucoup une question de transport, parce que nous n'avons pas suffisamment de pouvoir d'achat, vu la population. Les conditions climatiques ont aussi une incidence. Fait assez intéressant, les aliments que nous utilisons dans l'élevage du dindon, les coûts des céréales et des intrants, sont quasiment identiques à ceux de la Colombie-Britannique, et ce, pour la même raison : le transport et l'accès aux grains. C'est une dynamique intéressante.
Oui, les coûts sont un peu plus élevés, mais l'industrie en assume une bonne partie. On le constate parce que les producteurs sont encore en compétition avec les autres intervenants des marchés nationaux. Nous reconnaissons que notre marché, c'est le centre du Canada. Il faut adapter nos coûts et nos pratiques en conséquence.
L'une des choses que nous avons faites au Canada atlantique concerne à la fois les producteurs de poulet et les producteurs de dindon, dont une bonne partie du processus de production est similaire. Nous gérons une bonne partie des coûts des intrants grâce à des entreprises que nous avons établies tous ensemble. Nous avons créé une usine. Nous faisons ce que nous pouvons, et cela est lié à certains des commentaires précédents de la sénatrice Gagné. C'est un modèle différent des modèles qu'on a vus dans le passé. Nous essayons de nous adapter à ce que l'avenir nous réserve, à la nature compétitive du marché et aux coûts supplémentaires dans notre région. Personnellement, je crois que c'est le modèle de l'avenir et que beaucoup de personnes devraient y réfléchir. Le transformateur et le producteur sont en train de devenir une seule et même entité.
Je veux revenir sur ce que M. Dungate a dit. Le moteur, c'est le producteur. Ce n'est pas une structure descendante dans le cadre de laquelle une entité a recours à la sous-traitance. D'après moi, nous contrôlons le processus de transformation de la production. Nous maintenons ce contrôle de la qualité et cette structure de coûts.
M. Dungate : Il y a une incidence sur les aliments pour animaux qu'achètent les agriculteurs du Canada atlantique. C'est pour cette raison que c'est là qu'on trouve les plus grandes exploitations agricoles. En effet, puisque les marges sont très minces, les fermes doivent être, en moyenne, un peu plus grandes afin de continuer à brasser des affaires. Il y a un impact.
Pour ce qui est du coût d'un poulet dans une épicerie, le gros du coût que vous payez s'est ajouté bien après la ferme. Ce sont les coûts de distribution. Je suis de Vancouver, et chaque fois que je vais dans une épicerie là-bas, je constate que les coûts sont beaucoup plus élevés qu'à Ottawa. Pourquoi? Le bassin de population est plus grand, et les coûts de distribution sont inférieurs. Ce sont là les principaux éléments.
Nous disons que l'endroit et le moment où l'on magasine déterminent le prix. Nous avons fait l'épicerie à Ottawa. Voici ce que j'ai préparé en vue d'une rencontre avec le Club Rotary la semaine prochaine : des poitrines de poulet désossées et sans peau Maple Leaf Prime provenant de huit épiceries différentes dont le prix varie de 11,50 $ le kilogramme à 26,43 $ le kilogramme — et ce, le même jour et pour exactement le même produit — dans huit magasins différents d'Ottawa. C'est l'endroit où l'on magasine et le moment où on le fait qui, en premier lieu, déterminent le prix.
Peu importe ce que vous payez, l'agriculteur se fait payer 1,56 $ le kilogramme. Ce prix vif a diminué de 7,3 p. 100 au cours des quatre dernières années. Nous devenons plus efficients et nous faisons profiter les autres de cette efficience, mais la majeure partie du coût des aliments s'ajoute une fois que le produit a quitté la ferme.
La sénatrice Bernard : Merci de nous l'avoir dit.
J'ai une question pour vous, monsieur Davies. Dans votre rapport, vous avez parlé du fait que les agriculteurs ont indiqué qu'il faut faire plus de recherches. Pouvez-vous nous en dire un peu plus? Faites-vous ces recherches? Les faites-vous à l'interne? Êtes-vous liés à des universités, peut-être, qui les effectuent pour vous? Assumez-vous cette fonction de recherche, qui est clairement nécessaire?
M. Davies : Je vais laisser M. Boyd répondre. Il s'occupe de ce dossier de plus près, alors il aura plus de renseignements à vous fournir.
M. Boyd : ÉDC possède une solide stratégie de recherche dirigée par un comité de recherche. Nous sommes un membre fondateur du Conseil de recherches avicoles du Canada, en compagnie des collègues qui sont dans la salle aujourd'hui. L'organisation a réussi à présenter des demandes et à obtenir du financement de grappe au titre des deux derniers cadres stratégiques pour l'agriculture. En outre, nous prévoyons encore réussir à le faire lorsque le nouveau cadre entrera en vigueur. Vu l'accent sur le climat et tous ces enjeux connexes dans le prochain cadre stratégique pour l'agriculture, par l'intermédiaire du CRAC, nous allons nous pencher sur ces questions.
Ensuite, nous interagissons avec des universités avec plus ou moins de maîtrise. Mauvais jeu de mots, désolé. Tout dépend de ce qu'il y a au menu. Pour ce qui est de l'évaluation du cycle de vie que nous envisageons, nous communiquons avec le titulaire de la chaire de recherche sur la durabilité de l'Université de la Colombie-Britannique, et nous prévoyons pouvoir travailler avec cette équipe dans le cadre de notre évaluation.
Ce qui est important du point de vue de la volaille, c'est que l'infrastructure et le personnel de recherche sur la volaille au niveau fédéral et le financement connexe ont été éliminés dans notre secteur il y a plusieurs années. C'est la raison pour laquelle nous avons été vraiment heureux de voir la recommandation du comité qui insistait pour qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada s'assure que l'infrastructure, le personnel et les ressources sont accessibles à l'ensemble du système agricole et alimentaire. Nous voulions souligner cette recommandation, parce que c'est très important pour nos secteurs de ne pas être oubliés en cours de route, parce que nous n'avons plus accès à ces choses de base, comme c'est le cas dans d'autres secteurs.
La sénatrice Beyak : Merci. Vous êtes d'excellents exemples de la raison pour laquelle l'agriculture et le secteur de la volaille du Canada sont autant aimés et respectés à l'échelle mondiale. Merci de tout le travail que vous faites depuis des décennies.
Je m'intéresse toujours aux questions fiscales et aux réductions de taxes quelles qu'elles soient. Tant que nous n'éliminerons pas le gaspillage et les dédoublements entre les différents services des gouvernements, je ne crois pas à l'opportunité de nouvelles taxes, qu'elles concernent le CO2 ou autre chose.
Le débat sur les changements climatiques est bien réel, mais les avis sont encore partagés au sujet du CO2 et quant à savoir si ce sont les humains qui sont responsables d'une façon ou d'une autre. Lorsqu'un volcan a le hoquet, comme M. Ian Plimber, en Australie, nous l'a appris, il envoie plus de CO2 dans l'atmosphère que nous ne le ferons en cinq générations.
Avez-vous une équipe responsable de la recherche et développement qui remet en question les répercussions du CO2, surtout dans le domaine agricole, où vous avez déjà fait beaucoup : le stockage du CO2, les soins pour les animaux et les émissions?
M. Dungate : Je ne peux pas dire que nous en faisons suffisamment à cet égard, mais je vais me permettre une comparaison avec l'utilisation des antibiotiques. Comme M. Davies l'a dit, nous avons déjà éliminé l'utilisation d'antibiotiques de catégorie 1 à des fins préventives dans l'industrie de la volaille. Nous avons maintenant pris une autre décision et nous sommes en voie d'éliminer l'utilisation préventive des antibiotiques de la catégorie 2 d'ici 2018. Nous avons décidé d'aller dans cette direction.
Avons-nous toutes les connaissances issues de recherches nécessaires sur le lien direct entre ce que nous faisons à la ferme et la résistance aux antibiotiques? La réponse, selon moi, c'est « non ». Cependant, nous voulons nous sortir de cette équation de façon à ce que, sans aucun doute, nous soyons là et nous ferons notre part à l'avenir. C'est préventif, pour le poulet et les œufs. Faut-il faire les choses d'avance ou attendre d'avoir des preuves concluantes? Nous allons nous couvrir des deux côtés.
La sénatrice Beyak : Merci.
[Français]
Le président : J'aimerais poser deux questions. La première s'adresse à M. Dungate, et l'autre, à M. Davies. Depuis quelques années, on voit de plus en plus la mention « poulet canadien », par exemple, dans les restaurants. Je vous félicite de l'offensive que vous avez menée. En ce qui concerne les restaurants qui ne l'indiquent pas, d'où vient leur poulet?
M. Dungate : Ce n'est pas clair. On veut que tout le monde utiliser la mention « poulet canadien ». On fait la promotion de notre marque. Le marché frais, quant à lui, vend probablement du poulet canadien presque à 100 p. 100. C'est une question de transport. Le poulet frais ne traverse pas le pays. On a un bloc pour les Grands Lacs et pour Terre-Neuve-et-Labrador en ce qui concerne la distribution. Dans le cas des produits surgelés, le Canada se classe 13e au monde parmi les importateurs d'ailes de poulet, qui proviennent surtout du Brésil et des États-Unis, et de poitrines de poulet des États-Unis. Il s'agit d'un produit transformé emballé qu'on peut trouver dans les congélateurs à l'épicerie.
Le président : Au Canada, la consommation du dindon est plus grande durant deux périodes de l'année : l'Action de grâces et les fêtes de fin d'année. Je suis persuadé que vous en vendez beaucoup durant ces deux périodes. C'est une excellente viande qui contient de bonnes protéines. Qu'en est-il du reste de l'année? Il serait avantageux pour vous de faire un effort publicitaire sur sa valeur nutritive et sur les façons de la préparer. Tout ce qu'on reçoit à l'épicerie, c'est de la dinde roulée qui n'est bonne que pour les sandwiches. Vous devriez faire un effort de sensibilisation sur la façon de la préparer et en vanter les qualités nutritives afin d'en vendre davantage.
[Traduction]
M. Davies : Merci de votre commentaire. C'est le principal défi que nous avons dû relever au cours des dernières décennies, mais nous faisons des progrès. Les programmes sont en place. Nous mettons l'accent sur les médias sociaux. Nos nouveaux sites web et la nouvelle marque du dindon canadien sont récemment entrés en fonction, et nous serons plus présents aux yeux du public.
C'est notre principal effort. Nous venons de réaliser une étude sur les usages et les attitudes et nous venons d'obtenir les résultats préliminaires, ce qui nous aidera à mieux comprendre les attitudes et les usages des Canadiens, ce qu'ils pensent de la dinde et de quelle façon nous pouvons obtenir l'information dont nous avons besoin pour aller de l'avant à ce sujet.
Vous avez tout à fait raison, la dinde a bon goût et contient de bonnes protéines; c'est quelque chose sur quoi nous avons travaillé dur.
M. Boyd : Je tiens à dire une chose sur le marché : environ la moitié de notre marché consiste en des produits à valeur ajoutée et faisant l'objet d'une transformation supplémentaire; l'autre moitié, c'est les volatiles entiers. L'asymétrie dans le marché en fonction des saisons concerne en grande partie les volatiles entiers. La consommation de dinde à l'année sous forme de charcuterie à valeur ajoutée et de pièces fraîches est beaucoup plus uniforme.
Le programme dont Mark vient de parler, s'ils sont honnêtes, rend les membres des Producteurs de poulet du Canada nerveux à l'idée de perdre des parts de marché.
Le sénateur Woo : Vous avez trois jours par année.
[Français]
Le président : Je vous remercie, madame et messieurs, de vos témoignages très instructifs. Nous allons sans doute vous revoir au cours des prochains mois.
Nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins, qui représentent Les Producteurs d'œufs du Canada : M. Tim Lambert, chef de la direction, et M. Roger Pelissero, président. Messieurs, vous avez la parole.
[Traduction]
Roger Pelissero, président, Les Producteurs d'œufs du Canada : Bonjour. Merci de nous inviter à participer à votre étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier. Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui et de discuter avec vous.
Je m'appelle Roger Pelissero. Je suis un producteur d'œufs de troisième génération de St. Ann's, en Ontario. Mon fils est quant à lui producteur d'œufs de quatrième génération, et il travaille à la ferme, aujourd'hui. Je suis aussi président du conseil d'administration des Producteurs d'œufs du Canada. Je suis accompagné aujourd'hui de Tim Lambert, chef de la direction des Producteurs d'œufs du Canada.
Il ne fait aucun doute que les changements climatiques sont devenus l'un des plus grands défis de notre époque. Pour cette raison, le développement durable est la principale priorité pour les producteurs d'œufs partout au pays. C'est aussi l'un des principaux principes d'affaires des Producteurs d'œufs du Canada. Nous comprenons que pour réduire notre empreinte environnementale tout en créant des emplois pour la génération actuelle et la prochaine, nous devons en faire plus avec moins.
Une partie de notre vision consiste à approfondir notre compréhension des répercussions environnementales de notre industrie. C'est la raison pour laquelle nous finançons des recherches. En 2016, les Producteurs d'œufs du Canada ont publié une étude réalisée par les Global Ecologic Environmental Consulting and Management Services, démontrant que l'empreinte environnementale de la chaîne canadienne de production et d'approvisionnement d'œufs a diminué de près de 50 p. 100 de 1962 à 2012 tandis que la production s'est accrue de 50 p. 100.
Cette étude exhaustive, réalisée par Nathan Pelletier, a porté sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Elle permet de découvrir que, en 2012, l'impact de la production d'œufs entre le poulailler et leur sortie de la ferme, lorsque des systèmes de logements conventionnels sont utilisés, était de beaucoup inférieur à ce qu'ils étaient en 1962. Ce résultat met en perspective une diminution réelle de l'impact environnemental global de l'industrie des œufs en ce qui a trait à la diminution des émissions et de l'utilisation des ressources, assortie d'une importante réduction de l'énergie, des terres et de l'eau utilisée de 41 p. 100, 81 p. 100 et 69 p. 100 respectivement.
L'étude démontre en outre que l'augmentation de la durabilité environnementale est attribuable à plusieurs facteurs, notamment aux changements apportés à la composition de la nourriture des animaux, à d'importants changements dans les engrais, à l'amélioration de la santé animale et à l'augmentation de la productivité liée aux œufs et aux poulettes. Ces excellents résultats reflètent de quelle façon notre industrie mène la charge pour un avenir durable.
Nous croyons que la recherche est une composante essentielle pour mieux comprendre les changements climatiques et le développement durable. C'est la raison pour laquelle nous travaillons avec des chaires de recherche un peu partout au pays, comme M. Pelletier, qui a récemment été nommé titulaire de la chaire de recherche en durabilité. À ce titre, M. Pelletier dirige et gère des programmes de recherche pour soutenir la mesure et la gestion de la durabilité dans l'industrie canadienne des œufs et dans l'ensemble du secteur de l'alimentation en général. Ces investissements dans la recherche ont une grande portée, car nous appuyons également d'autres chaires de recherche en politique publique, en bien-être des animaux et en économie dans certaines universités du pays.
Tim Lambert, chef de la direction, Les Producteurs d'œufs du Canada : Merci beaucoup. Comme Roger l'a souligné à juste titre, nous sommes fiers des investissements proactifs que nous faisons pour effectuer des recherches dans une diversité de disciplines, y compris la durabilité environnementale.
Nous avons un point de vue vraiment holistique. Nous croyons que, en raison de la gestion de l'offre, nous avons un contrat social avec les consommateurs canadiens et bénéficions d'une approbation sociale; nous constatons que les choses changent et que les gens veulent de plus en plus savoir de choses sur l'endroit d'où vient leur nourriture. Ils veulent en savoir plus sur les pratiques agricoles utilisées pour produire la nourriture et au sujet de l'impact sur l'environnement. Selon nous, tout cela fait partie du besoin d'être proactif afin de renforcer la confiance du public à l'égard du système alimentaire.
Notre engagement à l'égard de la durabilité environnementale ne concerne pas uniquement des initiatives nationales; nous participons aussi à un certain nombre d'initiatives internationales. Par exemple, la Table ronde de la chaîne de valeur du secteur avicole est l'un des programmes nationaux que nous avons entrepris. Cette table ronde inclut une diversité de groupes de produits. Les présidents de chaque groupe forment, ensemble, un comité et j'ai été choisi par le gouvernement fédéral pour participer au groupe de travail sur la durabilité et les changements climatiques et je conseille ce groupe de présidents.
Par ailleurs, Roger représente le Canada — par l'intermédiaire des Producteurs d'œufs du Canada — au sein de la Commission internationale des œufs, et dans le cadre d'un organisme que nous avons créé, la Table ronde mondiale pour la production d'œufs durables. Roger a déjà parlé du travail que nous faisons dans le cadre de l'analyse sur le cycle de vie et dans le cadre d'une étude de recherche qui dure depuis 50 ans. Nous participons à ces travaux par l'intermédiaire de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, encore une fois, par l'entremise de la Commission internationale des œufs, et nous contribuons à une évaluation du cycle de vie de la production des œufs à l'échelle internationale.
Il existe un lien entre la certitude économique des producteurs du Canada et la durabilité environnementale, et, par conséquent, nous cherchons continuellement de nouvelles façons de rendre la production des œufs plus efficiente et plus saine d'un point de vue environnemental.
Voici simplement deux ou trois exemples : l'une de nos fermes familiales en Nouvelle-Écosse, la ferme de la famille Jennings, est située près de la baie de Fundy. Par conséquent, ils ont un accès fantastique à l'énergie éolienne. Les responsables de la ferme ont construit un certain nombre d'éoliennes. En fait, ils réussissent même à fournir de l'énergie excédentaire une fois qu'ils ont répondu à leurs besoins à la ferme et il y a aussi un certain nombre d'agriculteurs qui utilisent des panneaux solaires et, encore une fois, ils participent au Programme de tarifs de rachat garantis.
Nous constatons que les gens prennent de telles mesures pour obtenir la confiance du public et l'acceptabilité sociale, non seulement au niveau organisationnel — à l'échelle nationale et internationale —, mais même directement à la ferme. Vraiment, dans notre cas, c'est quelque chose de totalement intégré dans nos plans d'affaires.
Des innovations comme celles-ci et comme plusieurs autres — c'est un point que nous voulons soulever — sont possibles grâce à la stabilité que procure la gestion de l'offre, parce que lorsque les producteurs sont rémunérés de façon appropriée pour leur travail et leurs efforts, ils peuvent réinvestir. Par conséquent, nous n'hésitons pas à réinvestir, que ce soit au niveau des fermes ou pour réaliser des recherches. C'est ce que nous faisons partout dans le monde, et nous participons à un certain nombre d'initiatives, comme le soutien aux banques alimentaires et les programmes de petits déjeuners. Nous avons même essayé de soutenir la valeur de notre production à l'échelle internationale en construisant une exploitation ovocole qui fournit, chaque jour, plus de 4 000 œufs durs aux orphelins du Swaziland, en Afrique du Sud.
J'aimerais revenir sur une des choses qui ont été soulevées tantôt au sujet de la notion de gestion de l'offre. Nous avons, grâce à la gestion de l'offre, des fermes dans chaque province et dans les Territoires du Nord-Ouest. Ces fermes fournissent des emplois et assurent une stabilité en zone rurale partout au pays. Si l'on compare la situation à celle des États-Unis, la taille des troupeaux moyens au Canada est d'environ 20 000 têtes, et, dans tous les cas — dans 100 p. 100 des cas —, il s'agit de fermes familiales. La taille moyenne des troupeaux aux États-Unis est de 1,5 million d'oiseaux. Il y a une société cotée en bourse aux États-Unis, Cal-Maine Foods, qui compte environ 30 millions d'oiseaux en production alors que nous en avons environ 25 millions en tout, au Canada. On voit bien le lien entre nos efforts pour renforcer la confiance du public et assurer la durabilité environnementale, parce que les producteurs bénéficient de revenus stables, et cela nous a permis de nous tenir loin de ces genres d'exploitations agricoles massives.
En conclusion, les Producteurs d'œufs du Canada sont un chef de file mondial dans le domaine de l'agriculture en raison de leur engagement à l'égard des initiatives favorisant la durabilité et de leur dévouement à l'égard de l'acceptabilité sociale et de la confiance du public. Notre étude couvrant une période de 50 ans fournit une assise solide pour élaborer des initiatives qui permettront de lutter contre les changements climatiques, tout en établissant des jalons qui nous permettront de mesurer nos progrès. Cette compréhension de l'empreinte environnementale de notre industrie garantit que nous pouvons travailler en collaboration avec nos producteurs et les intervenants pour prendre des décisions saines et durables, maintenant, et à l'avenir.
Merci beaucoup du temps que vous nous avez accordé et de votre attention. Roger et moi serons heureux de répondre à vos questions.
[Français]
Le président : Je vous remercie, monsieur Lambert. Avant de passer à la période des questions, j'aimerais faire le commentaire suivant.
Les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts ont visité la ferme Jennings, en Nouvelle- Écosse. Nous y avons rencontré les trois générations qui ont œuvré sur cette ferme, même le petit dernier, âgé de 18 ou 19 ans, qui prenait la relève. Nous avons été épatés par leur système de production d'électricité par éoliennes. Ils s'étaient entendus avec la Nova Scotia Power pour lui vendre leur surplus d'électricité et, lorsqu'ils en manquaient, ils en achetaient de la Nova Scotia Power. Au final, ils se retrouvaient à coût zéro.
En outre, nous avons été très impressionnés par la qualité du poulailler, si je peux m'exprimer ainsi. Je tenais à le souligner car, dans la chaîne alimentaire canadienne, vous êtes les seuls qui ne reçoivent pas de commentaires négatifs. Les commentaires sur la qualité des œufs sont toujours très positifs. Il faut le dire. Quand ce n'est pas correct, il faut le souligner, mais, dans votre cas, on ne reçoit que des commentaires positifs.
[Traduction]
La sénatrice Tardif : Merci d'être là ce matin. J'ai été très impressionnée par le rôle proactif que vous jouez au chapitre des investissements dans la recherche. C'est très impressionnant. Vous avez mentionné soutenir des chaires de recherche en politique publique, en bien-être des animaux et en économie dans des universités de partout au pays. Pouvez-vous nous en dire plus? Investissez-vous dans de nombreuses universités ou financez-vous seulement une chaire de recherche? De quelle façon procédez-vous?
M. Lambert : Nous avons créé un réseau de quatre chaires de recherche. La première était une chaire en économie agricole à l'Université Laval. Elle avait été confiée à M. Maurice Doyon. Nous en avons ensuite créé une autre, en bien-être des animaux, à l'Université de Guelph. Celle-là est occupée par Mme Tina Widowski, une scientifique réputée à l'échelle internationale. La troisième chaire, en politique publique, est à l'Université de Waterloo. Le titulaire de la chaire est M. Bruce Muirhead. La quatrième chaire, et aussi la plus récente, est celle dont Roger a parlé. Elle est occupée par Nathan Pelletier, au campus de Kelowna de l'Université de la Colombie-Britannique.
Tout ça a eu deux ou trois retombées importantes. Non seulement nous bénéficions des résultats des recherches, mais nous avons littéralement créé une infrastructure pour les jeunes qui réalisent des recherches liées à notre produit. Puisque les capitaux de démarrage que nous fournissons peuvent être utilisés par des chercheurs qui veulent s'adresser au CRSNG et à d'autres organismes subventionnaires, nous avons réussi à doubler et même tripler les fonds investis, et cela permet d'assurer la participation d'étudiants des cycles supérieurs et d'étudiants postdoctoraux. Nous avons donc créé cette petite infrastructure.
En raison de tout ce que nous avons fait jusqu'à présent, nous pouvons réunir tous les chercheurs et tous les étudiants des cycles supérieurs, deux ou trois fois par année pour parler des défis auxquels nous sommes confrontés, ce qui favorise une collaboration croisée.
Je vais vous donner un exemple. Tina Widowski, qui s'intéresse au bien-être des animaux, travaille en collaboration avec Maurice Doyon, qui tente d'évaluer, du point de vue économique, si les consommateurs paieront plus pour les œufs qui viennent, par exemple, d'une structure à coût plus élevé ou s'ils payeront plus selon les différents systèmes d'hébergement. Ils ont entrepris des projets de recherche ensemble, ce qui crée une synergie phénoménale au sujet de laquelle nous sommes emballés.
La sénatrice Tardif : Je crois que c'est vraiment bien. En tant qu'ancienne professeure et ancienne doyenne d'université, je suis sûre que les universités apprécient beaucoup des fonds de démarrage que vous fournissez aux chaires de recherche.
Vous avez indiqué que, par l'intermédiaire de la recherche de M. Pelletier, vous avez réussi à beaucoup réduire vos émissions et améliorer votre empreinte environnementale au fil des ans. De quelle façon gérez-vous la consommation d'eau dans votre domaine?
M. Pelissero : Je peux vous parler de la consommation d'eau au fil du temps. Je me souviens que, lorsque j'étais enfant, nous utilisions des systèmes d'abreuvoir qui n'étaient pas efficients, et les poulets gaspillaient beaucoup d'eau. Ils pouvaient en éclabousser partout. Aujourd'hui, nous avons des systèmes d'abreuvoirs très efficients. C'est un tuyau muni d'abreuvoirs à tétines. Il y a toujours une goutte d'eau au bout des tétines. Lorsque l'animal veut boire, il peut activer le système et obtenir de l'eau fraîche. Il n'y a donc pas de gaspillage. C'est une importante différence par rapport à ce que j'ai vu en grandissant sur une ferme. Nous réfléchissons aussi à la façon dont nous utilisons l'eau pour laver et nettoyer. Il y a des façons de récupérer une partie de l'eau et de s'assurer de la réutiliser, si possible.
Le sénateur Pratte : Bienvenue devant le comité. J'ai lu le résumé de l'étude que vous avez mentionnée et j'ai été intrigué par tous les résultats qui sont évidemment positifs. Il est mentionné que l'aspect le moins positif de tous ces résultats positifs, c'est la consommation énergétique, où les résultats sont positifs, mais dans une moindre mesure. J'aimerais vraiment comprendre pourquoi c'est le cas. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet s'il vous plaît?
M. Pelissero : C'est peut-être en partie en raison des coûts de l'électricité et de l'énergie. Sur ma ferme, nous avons construit de nouvelles installations d'hébergement il y a quatre ans. En 2013, les installations sont entrées en fonction. Nous utilisons les tout derniers systèmes d'éclairage par DEL ainsi que des moteurs très efficients. Nos nouvelles installations ont entraîné une importante réduction des coûts d'énergie comparativement au système d'hébergement conventionnel, au point où nous avons probablement réduit les coûts d'un tiers. Au fil du temps, il y a toujours des produits nouveaux et novateurs qui sont proposés et qui nous aident à réduire ces coûts. De 2012 à 2017, il y a eu d'importants changements technologiques.
Si nous réalisions l'étude à nouveau au cours des 10 ou 15 prochaines années, il y aurait probablement des réductions, et on noterait une augmentation des gains d'efficience liés à l'énergie.
M. Lambert : Ce que nous envisageons de faire pour la prochaine partie, maintenant que nous avons déjà terminé l'analyse du cycle de vie — notre étude sur 50 ans —, et l'énergie en est un bon exemple, c'est d'évaluer le rendement de nos producteurs relativement à certaines de ces mesures. L'utilisation de l'énergie est un exemple parfait. En effet, les producteurs peuvent dire : « D'accord, je vois que je suis sous la moyenne, dans la moyenne ou au-dessus de la moyenne en matière d'utilisation d'énergie. Si je suis en dessous de la moyenne, qu'est-ce que les autres producteurs font différemment de moi? Qu'est-ce que je peux apprendre? » Nous voulons utiliser les travaux que nous avons faits pas seulement comme un instantané, mais comme le point de départ d'une évolution continue en matière d'efficience et de durabilité au sein de notre industrie.
Le sénateur Pratte : L'un des principaux sujets de notre étude, c'est le plan sur la tarification du carbone, thème que vous n'avez pas mentionné dans votre mémoire. Avez-vous une position sur la tarification du carbone?
M. Lambert : Nous n'en avons pas parlé directement, parce que nous voulons pouvoir comprendre de quelle façon la tarification fonctionnera et quelles en seront les répercussions.
L'une des choses que nous pouvons faire — et, encore une fois, c'est en raison de la gestion de l'offre —, c'est d'établir le prix de gros des œufs. Nous n'établissons pas les prix de détail. Comprenez-moi bien, le prix de consommation est soumis au libre marché. Cependant, nous établissons le prix de gros. S'il y a un impact économique, les producteurs pourront l'assumer.
Reste à voir quelle sera l'incidence sur nous. Nous partageons certaines des préoccupations exprimées. Nous comprenons qu'il ne s'agira pas d'un programme national. Il y a beaucoup de variables, alors je ne peux pas répéter ce que les autres témoins des secteurs du poulet et de la dinde ont dit. C'est quelque chose qui nous préoccuperait un peu. Assurément, nous voulons regarder ce qui se passera afin de comprendre.
De plus, un autre sujet de l'heure ces jours-ci, c'est l'Accord de libre-échange nord-américain. Si les États-Unis n'adoptent pas eux aussi des méthodes proactives ou différentes pour composer avec les coûts et l'utilisation de l'énergie, nous nous retrouverons avec un différentiel de plus en plus important entre nos coûts de production et les leurs. Tant que nous pouvons gérer tout ça grâce à des accords commerciaux, je crois que nous pouvons nous en tirer au sein du pays. C'est lorsqu'on est désavantagé sur le plan des coûts, d'un côté, et qu'on subit les pressions des importations, de l'autre, que les règles du jeu peuvent ne pas être égales pour tous.
Le sénateur Oh : Je tiens à remercier les témoins. J'ai vu que vous produisez plus d'œufs, mais que votre empreinte est plus petite. Vous avez fait de l'excellent travail en 50 ans, de 1962 à 2012. Ce qui est plus intéressant, c'est le fait que vous utilisez moins de ressources, 81 p. 100 de moins — ça m'a sauté aux yeux — et que vous utilisez moins de temps pour produire les poulets. Comment êtes-vous arrivé à 81 p. 100?
M. Pelissero : En 1962, il y avait beaucoup de poules à l'extérieur, de nos jours, elles sont élevées à l'intérieur.
Nous produisons aussi des œufs de poule en liberté, bien sûr, parce que nous produisons ce que les consommateurs demandent. Lorsque vous allez dans une épicerie, vous verrez qu'il y a une diversité de genres d'œufs. Il y a du choix pour les consommateurs, et c'est fantastique. Au fil du temps, nous nous sommes rendu compte qu'en élevant les poules à l'intérieur, on réduisait les risques de maladie. En outre, les poules étaient aussi moins exposées à d'autres facteurs. De plus, on peut mieux prendre soin d'elles. L'environnement que nous créons à l'intérieur nous aide à réduire l'utilisation des terres. Les systèmes d'hébergement ont entraîné beaucoup de réductions liées à la façon dont on prend soin des poules de nos jours.
Le sénateur Oh : J'achète beaucoup de vos œufs qui contiennent de l'oméga 3. À quoi faut-il s'attendre après?
M. Pelissero : Il y a les œufs avec de la vitamine D, non? Tous les œufs sont une excellente source de protéines.
Le sénatrice Petitclerc : Avant de poser ma prochaine question, je tiens à vous poser une question complémentaire en raison de la réponse que vous venez de fournir. Vous avez dit utiliser moins de terres et élever plus de poules à l'intérieur. Pouvez-vous me garantir que leur niveau de bien-être est encore adéquat?
M. Pelissero : Le bien-être de nos poules a toujours été notre principale priorité. Puisque j'ai passé toute ma vie dans le domaine, j'ai vu ce qu'il en était avant, et je sais où nous en sommes rendus aujourd'hui. J'ai vu l'évolution de l'élevage des poules à l'extérieur et l'adoption des systèmes d'hébergement conventionnel. Cette année, les Producteurs d'œuf du Canada ont adopté une motion concernant l'abandon des systèmes d'hébergement conventionnel au profit de systèmes d'hébergement améliorés et d'autres systèmes de rechange. Le nouveau système d'hébergement que j'ai construit il y a trois ans est un système d'hébergement amélioré muni de perchoirs, d'une zone où les poules peuvent se gratter et de nichoirs. Notre principale priorité, c'est le bien-être de nos poules.
La sénatrice Petitclerc : Ma question concerne le climat et l'environnement. J'ai entendu votre exemple. Je sais que c'est complètement différent, mais les organisations de producteurs de dindons et de poulets ont parlé d'initiatives individuelles lorsqu'il est question d'adopter l'énergie solaire ou éolienne. Je suis curieuse. Est-ce que ces initiatives sont toujours mises en œuvre par le producteur, les producteurs individuels, ou est-ce que votre organisation les encourage? Le faites-vous pour des raisons environnementales ou en raison des réductions de coûts? Lorsque les producteurs choisissent cette voie, comment les choses fonctionnent-elles? Quel genre d'aide obtiennent-ils? Y a-t-il du financement? Y a-t-il une structure? Leur donne-t-on des outils et des guides pour savoir comment faire? J'essaie de savoir comment tout ça fonctionne.
M. Lambert : Je peux commencer. Quelqu'un a mentionné que, en tant qu'organisation de l'industrie, nous tentons d'être très proactifs dans ces dossiers, et nous le sommes. Lorsqu'on réalise une analyse du cycle de vie et une étude sur 50 ans, c'est de la sensibilisation. Grâce à cette sensibilisation, nos producteurs ont toujours accepté que nous allions être une industrie proactive dans ces dossiers. Individuellement, ils tentent de trouver des façons de s'améliorer.
Nous n'offrons pas de programmes nationaux précis en matière d'énergie solaire et éolienne. Bien sûr, il y a beaucoup de programmes provinciaux différents liés à ce domaine. Pour revenir à l'exemple de la famille Jennings, qui vit sur les berges de la baie de Fundy, c'est l'endroit idéal pour utiliser l'énergie éolienne. Il y a une ferme pas très loin d'Ottawa, un important élevage de poulettes; les propriétaires ont décidé d'utiliser l'énergie solaire. Ils ont donc participé au programme provincial. Il faut un peu de sensibilisation à l'échelle nationale, puis il faut compter sur la participation des provinces et celles des agriculteurs, qui cherchent des façons d'être plus efficients.
M. Pelissero : J'aimerais ajouter quelque chose. En tant que producteurs d'œufs, nous nous considérons tous comme des membres d'une grande famille. Lorsque nous nous rencontrons durant des réunions annuelles, nous discutons les uns avec les autres des dernières technologies que nous pourrions utiliser dans nos fermes. C'est une façon de s'appuyer sur cette structure, puisque, ensuite, en tant que familles d'agriculteurs, nous retournons dans nos fermes et tentons d'évaluer rapidement ce qui se serait le plus approprié dans nos installations. Dans certaines régions, ce peut être l'énergie éolienne, dans d'autres, c'est l'énergie solaire. Il y a de plus en plus d'initiatives réalisées, et il est aussi parfois possible de trouver du financement provincial pour aider les agriculteurs, mais, au bout du compte, ce sont des familles individuelles qui choisissent ce qui est le mieux pour elles.
M. Lambert : C'est un peu hors sujet, mais je ne peux m'empêcher de revenir sur votre commentaire concernant les trois générations. Blake Jennings est le jeune dont vous parlez. Un cinquième de nos producteurs — 20 p. 100 — sont de jeunes gens. Le fils de Roger travaille à la ferme. Dans notre secteur, nous voyons un très grand nombre de jeunes qui travaillent dans les fermes et reprennent l'entreprise familiale. Chaque province a un programme sur les nouveaux venus pour attirer des gens dans le secteur de la production d'œufs. La moyenne d'âge est assez jeune. C'est bien durant nos réunions de voir toutes ces jeunes familles présentes.
La sénatrice Bernard : Merci de vos exposés. J'ai une question à vous poser sur vos chaires de recherche. Mon collègue vous a demandé « où sont-elles situées? » J'ai remarqué qu'il n'y en a aucune dans le Canada atlantique. Pourrait-il y avoir de l'expansion et pourriez-vous ajouter une chaire de recherche en Nouvelle-Écosse, éventuellement à l'Université Dalhousie?
M. Lambert : C'est intéressant que vous souleviez cette question. Nous avons discuté à plusieurs reprises avec Dalhousie à ce sujet, et nous y réfléchissons activement.
Comme vous pouvez l'imaginer, chaque chaire coûte environ de 125 000 à 140 000 $ par année et, habituellement, nous nous engageons pour sept années par chaire. Au bout du compte, c'est donc un énorme investissement. Nous devons déterminer de quelle façon financer plus de chaires avant d'aller de l'avant, mais c'est certainement une possibilité. Ce n'est pas pour rien que les chaires se trouvent un peu partout au pays. C'est ce que nous tentons de faire.
La sénatrice Bernard : Oui, c'est bien. C'est encourageant.
Mon autre question concerne votre rapport sur les responsabilités sociales. Je vous remercie d'avoir inclus cet enjeu dans votre témoignage ce matin. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet du projet que vous réalisez au Swaziland? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Lambert : Je serai heureux de vous en parler. Roger et moi faisons tous les deux partie de l'équipe de projet qui a mené à bien cette initiative.
Un couple canadien a créé un orphelinat. C'est très unique. Il accueille des enfants abandonnés. Ce ne sont pas des orphelins au sens littéral du thème, mais ils ont tout de même des parents éloignés. Il s'agit d'enfants qui ont été purement et simplement abandonnés dans des latrines à fosses ou laissés sur le bord de la route. Ces Canadiens ont créé un orphelinat sur une terre agricole de 2 500 acres où il y a environ 280 travailleurs et 156 enfants. Ces enfants ne peuvent pas être adoptés. Ils les élèvent littéralement de leur naissance jusqu'à l'âge adulte. Ils leur fournissent une éducation et leur donnent de l'amour, mais ils les élèvent conformément à la culture swazie. De plus, ils soutiennent aussi un réseau d'environ 30 églises et écoles au Swaziland en leur fournissant de la nourriture. La malnutrition est un grave problème dans une bonne partie de l'Afrique subsaharienne, et les déficiences protéiques de même que les maladies comme le kwashiorkor sont prévalentes. Un manque de protéines chez les enfants en développement et dans les cerveaux qui se développent réduit le potentiel d'apprentissage.
Nous avons rencontré ce couple et réfléchi à tout ce dont nous avons bénéficié, ici, au Canada, et nous avons décidé que nous pouvions participer. Nous avons participé à la création de la Fondation internationale des œufs. Nous sommes allés là-bas. Vous savez, Roger a fait partie de l'équipe qui a construit à partir de rien deux installations pouvant accueillir chacune 2 500 volatiles. Nous avons formé les gens. Roger est allé là-bas. Lui et son fils sont partis dans ce pays bénévolement. Ils ont travaillé pour assurer la formation des gens. Il faut enseigner à ces personnes comment élever les oiseaux. Nous nous sommes arrangés pour qu'une entreprise donne l'équipement pour cuire les œufs durs et, chaque jour, nous distribuons 4 300 œufs grâce à ce réseau d'églises et d'écoles en plus de répondre au besoin des enfants et de fournir des œufs à l'hôpital pédiatrique local.
La sénatrice Bernard : C'est très intéressant. Croyez-vous qu'on pourrait adopter un modèle similaire dans certaines des collectivités défavorisées du Canada? Je pense aux communautés africaines de la Nouvelle-Écosse, par exemple. Il y a des communautés qui sont de très bons alliés. Un tel modèle pourrait-il fonctionner?
M. Lambert : Possiblement. Nous participons à l'échelle nationale aux programmes de petits déjeuners dans les écoles. Même dans un pays aussi riche que le nôtre, il y a environ 20 p. 100 des enfants qui vont à l'école sans avoir pris un bon déjeuner. Comme nous le savons tous, c'est très important de consommer assez de protéines au déjeuner. Élargir ce programme serait une bonne idée.
L'une des choses auxquelles nous avons essayé de réfléchir concerne une ferme que nous avons dans les Territoires du Nord-Ouest. Nous essayons de voir s'il ne serait pas possible de travailler davantage en collaboration avec les collectivités éloignées des Premières Nations. Serait-il possible pour l'industrie ovocole de faire sa part? Je n'ai pas pensé précisément à la question que vous avez posée. J'espère que nous avons répondu en partie à ce problème grâce à nos programmes de petits déjeuners dans les écoles.
La sénatrice Bernard : Dans le modèle que vous utilisez au Swaziland, vous avez construit une ferme et formé des gens qui travaillent pour cette ferme. L'exploitation devient donc autonome. Elle est autosuffisante et elle soutient aussi les autres. C'est un modèle qui va au-delà de ces travaux et qui le fait de façon magistrale. Ce programme pourrait faire en sorte qu'on n'ait plus besoin de se fier aux programmes de petits déjeuners dans les écoles puisque les gens seraient plus autonomes.
M. Lambert : Vous soulevez un bon point.
La sénatrice Bernard : Il serait peut-être utile de réaliser des recherches afin de voir de quelle façon on pourrait utiliser ce modèle.
M. Lambert : Votre commentaire est utile. Merci.
Le sénateur Woo : Bonjour. J'ai posé la même question à vos homologues des secteurs du poulet et du dindon. Quel est l'apport de l'énergie dans le coût direct de vos intrants?
M. Pelissero : Je peux répondre à cette question parce que notre réunion avec notre comptable a eu lieu il y a environ un mois. Mes coûts énergétiques représentent environ 10 p. 100 des coûts pour produire une douzaine d'œufs.
Le sénateur Woo : Quelle source d'énergie utilisez-vous?
M. Pelissero : Dans nos installations d'élevage, qui abritent les poussins du lendemain de leur naissance jusqu'à 19 semaines, lorsqu'ils sont prêts à pondre des œufs, nous utilisons du propane. Puis, nos autres coûts, par la suite, sont liés à l'électricité pour l'éclairage, le fonctionnement des mangeoires et les systèmes de ventilation.
Dans nos installations de ponte, il n'y a pas de système de chauffage. Les installations sont conçues pour rester à 74 degrés durant tout l'hiver. Ce n'est pas un problème, peu importe les basses températures à l'extérieur. Pour ce qui est de l'efficience, lorsque nous avons construit cette nouvelle installation, nous avons utilisé des murs en béton isolés grâce aux meilleurs matériaux permettant de combattre le froid. Nous avons aussi misé sur la toute dernière technologie en matière de ventilation pour que les oiseaux soient au frais et soient bien durant l'été.
Le sénateur Woo : Diriez-vous que vous êtes parmi ceux qui consomment le moins d'énergie, comparativement à vos collègues de l'industrie?
M. Pelissero : Oui. À ce sujet, je peux regarder la différence entre les installations d'hébergement conventionnel que mon père a construites en 1976 et les nouvelles installations que nous avons construites en 2012 — lorsque nous avons commencé les travaux de construction — et les gains d'efficience... C'est fou de constater à quel point il ne faut pas longtemps pour amortir le coût. On voit bien la réduction du coût des intrants.
Le sénateur Woo : Dans la mesure où la tarification du carbone aurait surtout une incidence sur les coûts énergétiques, j'en conclus de votre réponse que c'est une part relativement petite du coût de vos intrants. Je ne veux pas les banaliser. Et pour les autres producteurs dans l'industrie qui sont moins efficients que vous, ils ont, dans une certaine mesure, la capacité d'accroître leur efficience en faisant eux aussi ce que vous avez fait.
M. Pelissero : Oui. En tant qu'agriculteurs, nous cherchons toujours des façons d'être efficient, mais, afin de vous aider à comprendre, lorsqu'on décide de construire des installations et un type d'hébergement, ce n'est pas quelque chose qu'on changera rapidement. Il faut conserver ces installations pendant 20 ou 25 ans parce que les coûts d'immobilisations sont très importants. Durant cette période, on peut tenter de mettre à niveau l'éclairage ou la ventilation, mais c'est la structure physique qui est le coût principal, on ne s'en sort pas.
Le sénateur Woo : Vous êtes lié?
M. Pelissero : Nous sommes liés.
Le sénateur Woo : J'ai une question complémentaire liée au coût de transport des œufs une fois qu'ils quittent la ferme, donc en aval de l'exploitation agricole. J'ai été surpris lorsque vous avez dit qu'il y a des producteurs d'œufs partout au pays. Il semble s'agir d'une industrie assez décentralisée. Habituellement, quelle distance doit parcourir un œuf, de la ferme à l'assiette? Le trajet est-il long? Je veux dire au Canada, bien sûr,
M. Lambert : Il y a des exceptions, parce que si une entreprise de classement ou de transformation manque d'œufs, elle se tournera vers nous — en raison de notre rôle — pour voir si nous avons des œufs à lui expédier. Je ne veux pas banaliser le fait que les œufs sont transportés, mais, habituellement, puisque nous avons des installations de production dans chaque province et dans les Territoires du Nord-Ouest, on obtient habituellement un produit local. À Ottawa, lorsque vous allez à l'épicerie, vous verrez des œufs des Burnbrae Farms, qui se trouve à Brockville. Il s'agit de la plus grande famille productrice d'œufs du pays.
Le sénateur Woo : Encore une fois, je ne veux pas banaliser quoi que ce soit, mais les défis liés aux coûts de transport supplémentaire associé à la taxation du carbone et découlant de l'expédition des œufs sur de longues distances ne sont pas majeurs dans votre industrie contrairement, par exemple, aux producteurs céréaliers, qui doivent expédier leur production à des milliers de milles.
M. Pelissero : Oui. Je suis d'accord avec vous; ce n'est probablement pas aussi important. Il est encore trop tôt pour comprendre quel pourra être l'impact sur notre industrie.
Pour revenir sur les commentaires de Tim concernant le fait que nous sommes des producteurs locaux, j'ai failli utiliser l'exemple du régime des 100 milles. Vous avez déjà entendu parler de ce concept? L'idée est de seulement manger des choses produites dans un rayon de 100 milles. Je dirais qu'il n'y a pas beaucoup d'œufs qui sont transportés sur plus de 100 milles pour passer de la ferme à l'assiette.
[Français]
La sénatrice Gagné : J'aimerais vous féliciter pour votre travail, et surtout vous remercier de votre soutien à la recherche. Je viens du Manitoba, et j'ai remarqué qu'il n'y a pas encore de chaire de recherche dans ma province. Je tiens aussi à vous remercier de votre engagement en faveur du développement social de nos communautés, et aussi de votre engagement à l'échelle internationale. C'est très louable, et je vous en remercie.
[Traduction]
Notre comité doit présenter un rapport au Sénat. Avez-vous des suggestions de recommandation que nous pourrions formuler?
M. Lambert : C'est une excellente question.
La façon dont nous abordons la production alimentaire est vraiment une extension de la façon dont les Canadiens se voient eux-mêmes. L'idée, c'est de tenir compte du facteur social, de garder à l'œil les résultats, mais aussi l'impact sur l'environnement et les gens. La mesure dans laquelle les gouvernements de façon générale favorisent et soutiennent l'utilisation de ces technologies... Nos collègues ont souligné tantôt le fait que nous avons perdu une importante capacité de recherche au pays.
Parfois, différentes pressions politiques peuvent, soit accroître soit miner notre capacité, en tant que groupe de représentants d'agriculteurs ou d'agriculteurs, de participer à la mise en place de cette solution. C'est un commentaire très générique, mais le fait d'évaluer les choix politiques de ce point de vue est quelque chose d'important qui peut aider la production alimentaire.
Égoïstement, j'ai travaillé pendant une décennie dans l'industrie du porc, et j'ai travaillé près d'une décennie dans l'industrie du bœuf, aussi, et ni l'une ni l'autre n'est assujettie à la gestion de l'offre. Et ce qu'on constate dans ces domaines, par défaut, ce sont les mêmes genres de fermes familiales et d'infrastructures locales. Le défi, c'est qu'il s'agit exclusivement de preneurs de prix. Lorsqu'on est preneur de prix, on cherche toutes les façons de ne pas nécessairement réinvestir dans de nouvelles améliorations, des technologies ou la qualité. On tente constamment d'éliminer des coûts. La gestion de l'offre au Canada a permis aux agriculteurs d'obtenir un juste prix et, par conséquent, ils réinvestissent constamment. Pour le dire sans détour, nous sommes proactifs parce que nous pouvons nous le permettre. Dans la mesure où le gouvernement continue de soutenir des politiques publiques comme la gestion de l'offre, cela renforce les économies rurales, c'est tout.
Voilà les deux ou trois choses qui nous sont venues à l'esprit.
M. Pelissero : Je vais poursuivre sur la lancée des commentaires de Tim concernant le privilège que nous avons en raison du système de gestion de l'offre, soit le juste prix pour notre production.
J'ai élevé des porcs pendant un certain temps. Lorsqu'on expédie 1 000 porcs, il faut compter de 40 à 50 $ pour chaque porc qui part, parce que c'est qu'on perd — on le sait, chaque fois qu'une bête quitte l'exploitation. Mille fois 50 $, on parle d'une perte de 50 000 $. Un homme d'affaires en vient rapidement à la conclusion que, même s'il aime l'élevage du porc, ce n'est pas durable. J'ai un ami qui élevait des porcs. Son fils lui a dit : « Papa, il n'y a pas d'avenir pour moi là-dedans. »
C'est ce que permet la gestion de l'offre : elle assure l'avenir des prochaines générations dans les petites collectivités rurales du Canada. Ces gens iront ensuite dépenser leur argent dans des quincailleries locales, des entreprises locales d'aliments pour animaux et des concessionnaires de machinerie locaux.
Il y a énormément plus de jeunes qui cherchent du travail. Ils commencent à la ferme, puis ils vont à l'université, mais leur passion, c'est l'agriculture. En tant que père, peu importe notre domaine de travail, si le domaine n'est pas durable, on encourage nos enfants à chercher autre chose. Nous sommes privilégiés, vu notre système, ici, au Canada, qui permet à nos fils et nos filles de revenir et de continuer dans le domaine agricole. C'est en partie le message que je veux transmettre.
[Français]
Le président : J'aurais deux petites questions à poser. Lorsque nous sommes allés à Moncton, dans les Maritimes, nous avons entendu des producteurs d'œufs et des éleveurs de volaille. Les producteurs d'œufs nous ont fait part du problème lié au manque d'abattoirs dans la région et des coûts élevés liés au transport des poules de réforme vers les abattoirs du Québec. Ce problème est-il réglé ou est-ce que la situation est la même qu'il y a deux ans?
[Traduction]
M. Pelissero : Vous parlez du moment où un producteur d'œufs ne peut plus utiliser la poule et qu'il doit la vendre sur le marché. Il y a une nouvelle installation pas très loin de Saint-Hyacinthe qui accepte certaines poules, mais dans l'Est du Canada, c'est encore un problème. Notre industrie doit se pencher sur la situation et voir de quelle façon nous pouvons aider à cet égard.
[Français]
Le président : Le principal problème souligné à l'époque, c'était que le transport des poules de réforme vers les abattoirs du Québec coûtait trop cher. Le profit est nul pour le vendeur de poules de réforme. Vous pourriez peut-être vous pencher sur cette question au cours des prochains mois, étant donné que cela représente des pertes importantes pour les éleveurs. En conclusion, quelle est la meilleure poule?
[Traduction]
M. Pelissero : Pour la production d'œufs?
Le président : Oui.
M. Pelissero : Pour la production d'œufs, nous utilisons des poules leghorn, des poules qui consomment la nourriture et produisent environ 330 œufs en 365 jours dans le cadre d'un cycle annuel. C'est un animal merveilleux, et j'aime beaucoup me promener dans mon poulailler lorsque je suis à la maison. Mon épouse adore ça aussi, tout comme mon petit-fils. C'est fabuleux d'être producteur d'œufs et de regarder ces merveilleuses poules nous donner une protéine parfaite, chaque jour, protéine que nous pouvons fournir aux consommateurs canadiens.
[Français]
Le président : Merci beaucoup de votre témoignage, messieurs Pelissero et Lambert. Au plaisir de vous revoir!
(La séance est levée.)