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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 30 - Témoignages du 30 mai 2017


OTTAWA, le mardi 30 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 36, pour poursuivre son étude sur les effets potentiels du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les effets potentiels du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous recevons M. Andrew Casey, président et directeur général de BIOTECanada. Je souhaite aussi la bienvenue à votre fils.

Avant de commencer, je demanderais aux sénateurs de se présenter. Je suis le sénateur Ghislain Maltais et je préside le comité. Je viens de la ville de Québec.

La sénatrice Omidvar : Merci. Je suis la sénatrice Omidvar, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, Ontario.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, Nouvelle-Écosse.

Le président : Merci.

Monsieur Casey, avez-vous un exposé à présenter?

[Français]

Andrew Casey, président et directeur général, BIOTECanada : Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour vous parler de ce sujet si important.

[Traduction]

Étant donné mon expérience, acquise dans différentes associations, il y a une chose que j'apprécie vraiment, et c'est la capacité du Sénat de creuser certains enjeux d'importance, de leur accorder amplement de temps et de les approfondir, de les analyser, afin de pouvoir présenter quelques recommandations intéressantes. Pour BIOTECanada, pour nous, c'est une occasion importante, et nous vous en remercions.

Nous abordons cette question, évidemment, d'un angle légèrement différent de celui des producteurs et des manufacturiers qui ont déjà comparu devant vous; je vais donc tenter de vous présenter le monde vu par la lentille de BIOTECanada. Il serait peut-être utile que je vous présente d'abord notre entreprise. Nous sommes une association professionnelle nationale qui représente l'industrie de la biotechnologie du Canada, un secteur assez large et englobant. Vous trouverez dans notre association différents piliers. L'un des plus importants, c'est celui de la santé et des sciences de la vie, c'est-à-dire les entreprises de biotechnologie comme, notamment, les grandes sociétés pharmaceutiques multinationales, mais aussi de nombreuses petites PME de tout le pays qui, en travaillant sur les produits biologiques, essaient d'aller plus loin et de régler quelques-uns des plus importants problèmes de santé de notre monde.

Nous comptons à l'échelle du pays 250 membres, qui représentent aussi des entreprises de biotechnologie axées sur l'industrie, l'agriculture et l'environnement. C'est sur ces domaines que la plupart de mes remarques vont porter, aujourd'hui, car je crois que ce sont les domaines les plus pertinents pour votre étude.

Vous connaissez notre secteur, mais savez-vous ce qu'est la biotechnologie, dans le fond? Essentiellement, il s'agit d'utiliser des systèmes et des organismes vivants pour mettre au point des solutions à certains des problèmes auxquels fait face notre pays, mais aussi toute la planète. Et, quand nous pensons à la planète et à ses problèmes, le plus important, le problème qui émerge, c'est que la population va bientôt passer de sept à neuf milliards de personnes, et que cette évolution entraînera son lot de problèmes. Le problème le plus évident, c'est que d'ici 20 ou 30 ans, nous devrons nourrir deux milliards de personnes de plus, et nous allons devoir trouver de nouvelles façons plus efficaces et plus efficientes de le faire. Mais je crois qu'il s'agit probablement du défi le plus simple à comprendre et à régler.

Le principal défi, celui qui aura bientôt une incidence sur votre étude, c'est que la population passera à neuf milliards de personnes et que la population augmente dans les pays comme l'Inde et la Chine. L'une des conséquences de cette situation, c'est que nous allons passer d'un mode de vie axé sur la subsistance, de la vie sur la ferme à la vie en ville, et à un style de vie davantage associé à celui de la classe moyenne, ce qui veut dire que la demande de produits augmentera, les gens voudront vivre la vie que nous avons pris l'habitude d'appeler celle du « monde industrialisé », un mode de vie auquel les gens aspirent. Et cela veut dire en même temps une hausse de la demande de produits contenant des protéines; nous passerons, essentiellement, d'un régime à base de légumes et de riz à un régime qui comprend davantage de protéines, dans lequel les protéines seront en vedette.

Quand vous arrivez là et que vous commencez à exiger plus de biens et un style de vie qui ressemble davantage à celui auquel nous nous sommes habitués, évidemment, cela suppose une formidable croissance de l'économie. C'est très encourageant à observer. Bien sûr, notre économie a profité à bien des égards de certains aspects de cette croissance, mais celle-ci entraîne également d'énormes défis. Puisque nous entrons dans un monde qui exerce une plus grande pression sur la planète, il est évident qu'il faudra, entre autres, changer la façon dont nous vivons, sur cette planète. Nous ne pouvons pas continuer comme nous le faisons; nous allons devoir trouver des moyens plus efficients et plus efficaces de cultiver, de nourrir et de guérir. Et c'est à ce chapitre que la biotechnologie, à notre avis, proposera des solutions.

Nous avons défini deux éléments clés. Le premier, bien sûr, c'est l'aspect de l'atténuation, c'est-à-dire qu'il faut regarder vers l'avant, faire un tour d'horizon et décider que nous devons changer notre mode de vie. Il est évident que nous ne pouvons pas continuer ainsi. L'autre élément, c'est l'adaptation. Cela veut dire que nous devons nous adapter à un environnement qui a déjà changé. La question de savoir si vous croyez ou non au réchauffement climatique n'a presque aucune importance. Il est évident que notre climat et notre environnement ont changé.

Je vais vous donner un exemple. J'ai travaillé, comme vous l'avez avec raison souligné, monsieur le président, dans l'industrie des produits forestiers avant d'arriver à BIOTECanada. Vous avez déjà probablement entendu des témoins dire que l'une des raisons pour lesquelles le dendroctone du pin a pu nous infester comme il l'a fait, c'est parce que nous n'avons plus les hivers froids que nous avions, des hivers qui pouvaient tuer cet insecte et contrôler sa population. L'industrie des produits forestiers, si elle veut continuer à prospérer, doit trouver une façon de s'adapter à ce nouvel environnement. Ces hivers froids ne sont pas prêts de revenir, et le dendroctone du pin et d'autres insectes ravageurs vont continuer à proliférer à la même vitesse. L'industrie doit changer également la façon dont elle utilise ses processus. Ici aussi, la biotechnologie peut offrir des solutions.

Je vais essayer de vous donner une idée... je vais peut-être commencer par l'Est, car j'ai l'impression qu'il y a un équilibre, sur la côte Est, puis aller vers l'Ouest, pour vous donner une idée du potentiel que pourraient présenter pour le Canada les solutions auxquelles nous pensons.

Il y a à l'Île-du-Prince-Édouard une entreprise, qui s'appelle AquaBounty Technologies, qui élève un saumon appelé AquAdvantage, un saumon génétiquement modifié qui peut être élevé sur la terre ferme, dans des cuves. Ils ont greffé les gènes du saumon quinnat sur le gène du saumon de l'Atlantique de façon qu'il croisse beaucoup plus rapidement et arrive bien plus rapidement à l'âge adulte. Vous avez besoin de moins de nourriture, de moins d'eau et de moins d'énergie, et vous pouvez le mettre sur le marché beaucoup plus rapidement parce que vous pouvez, en fait, installer les cuves plus près de l'endroit où vous expédiez le poisson.

Passons à la ville de Québec, il y a une entreprise appelée CO2 Solutions. Elle utilise des enzymes qui avalent les émissions de gaz carbonique. Je parle de façon très générale, parce que je comprends encore mal le principe, mais cette enzyme va avaler les émissions de gaz carbonique, qu'on pourra alors capter et utiliser pour d'autres processus. Pensez à l'industrie des produits forestiers; elle peut alors utiliser le gaz carbonique capté pour les processus de traitement de la pâte et du papier, de façon à le rendre plus efficient et plus efficace, mais ce secteur utilise également l'enzyme produite par CO2 Solutions pour réduire son empreinte environnementale, dans le processus de production lui-même.

En Ontario, à Sarnia, il y a l'entreprise BioAmber, qui récupère le sucre du maïs et en fait un produit chimique servant à fabriquer des produits comme le nylon ou des produits qui remplacent ceux à base de pétrole.

Dans l'Ouest, en Saskatchewan, il y a une entreprise appelée Agrisoma et, en Alberta, une autre entreprise appelée Linnaeus; ces deux entreprises prennent des semences — l'une utilise des graines de moutarde, et l'autre, une sorte de graines d'oléagineux —, des semences génétiquement modifiées. Ces entreprises arrivent à faire pousser ces semences à des endroits où d'autres plantes ne peuvent pas pousser parce que le sol est pauvre en nutriments, qu'il manque de soleil et d'humidité. Elles peuvent faire pousser ces plantes et, dans le fond, remplacer les combustibles fossiles. Agrisoma, de son côté, fabrique du carburant aviation, que l'on peut utiliser dans un avion sans rien changer au moteur et sans avoir à ajouter de combustible fossile. Cet avion a déjà volé. C'est l'avion de Ressources naturelles Canada qui se trouve à l'aéroport et, comme vous pouvez vous y attendre, on a fait voler l'avion et on l'a fait suivre d'un avion renifleur qui avale les émissions du premier pour savoir en quoi elles consistent. Comme il n'y a pas de combustible fossile dans les réservoirs, les émissions diminuent. Vous voyez, c'est un bel avantage.

Linnaeus fabrique également un produit de remplacement de l'huile de ricin, qui compte, je crois, pour une portion assez importante de la pollution automobile. L'entreprise utilise encore une fois une huile végétale pour remplacer les combustibles fossiles traditionnels.

En Colombie-Britannique, une entreprise, Okanagan Specialty Fruits, a trouvé le moyen de désactiver l'enzyme d'une pomme pour empêcher la pomme de brunir. Je pense à mon fils de 11 ans; il n'aime pas mettre des pommes dans son lunch, parce que les pommes brunissent. C'est une bien belle caractéristique, mais ce n'est pas seulement superficiel. L'entreprise cherche également à appliquer sa découverte à d'autres types de fruits, par exemple les poires.

Pendant que l'entreprise cherche une enzyme qu'elle peut désactiver, elle cherche aussi le moyen de freiner ce qu'on appelle le feu bactérien. C'est un champignon qui peut ravager tout un verger, tout détruire. C'est le processus de recherche, la petite modification qu'on a apportée aux pommes, pour les empêcher de devenir brunes, qui a amené l'entreprise à faire ses autres découvertes. Nous observons le même phénomène partout, dans la plupart des biotechnologies.

Et ce ne sont là que quelques-uns des exemples de ce qui se produit d'un océan à l'autre, comme vous pouvez le voir, qui concernent des écosystèmes sains, comme il y en a partout dans le pays, grâce à cette magnifique science qui, habituellement, se fait dans nos universités. Il se fait aussi des découvertes dans d'autres secteurs, les choses avancent, et il se peut même que cela change des secteurs déjà existants, comme les produits forestiers et l'agriculture. Quand vous arrivez à produire du blé qui résiste à la sécheresse ou que vous trouvez d'autres produits, que vous ajoutez des nutriments à des produits ordinaires, ce qui, pour le secteur des produits forestiers, signifie ajouter de la valeur aux arbres qui, lorsqu'ils sont coupés, donnent des deux par quatre ou peut-être des pâtes et papiers, mais il y a souvent des choses qu'on laisse derrière, qu'on avait l'habitude de jeter. Quand on trouve une façon d'utiliser les lignines, on peut penser qu'il est possible de créer, par exemple, de la fibre de carbone ou même la transformer — vous en avez déjà peut- être déjà entendu parler — en vêtements.

Il y a un potentiel énorme, pour le secteur, et pour les solutions que cette industrie représente. C'est très positif, vu sous cet angle. Il y a un certain nombre de défis. Certaines de ces technologies coûtent cher à mettre au point. Comme le sénateur Ogilvie le sait, puisqu'il a travaillé dans l'industrie pharmaceutique, on parle de 10 à 15 ans et de milliards de dollars, et ce ne sont que des estimations. Ce n'est pas vraiment moins cher dans le secteur de la biotechnologie appliquée à l'agriculture, à l'industrie et à l'environnement. C'est un peu moins cher, les délais sont un peu moins longs, mais ça coûte quand même très cher. Il faut des investissements, du capital. Nous devons attirer ce capital au pays, parce qu'il n'y a pas suffisamment d'investisseurs ici.

L'autre élément clé, c'est le talent. Nous avons besoin de plus de scientifiques, de plus de dirigeants, de plus d'entrepreneurs. Voilà certains des aspects clés auxquels nous nous intéressons, chez BIOTECanada, et nous collaborons avec le gouvernement, car c'est le gouvernement qui met en place les conditions accueillantes qui permettront à tout cela de se poursuivre.

L'autre fil de discussion que vous avez probablement entendu dans le cadre de vos travaux, c'est le concept de modification génétique, selon lequel on modifie génétiquement les semences ou les plantes. Un élément de la société est clairement encore nerveux à cet égard. La science est là pour dire que nous devrions être en mesure de surmonter cet obstacle, mais il demeure un défi important.

Il existe d'énormes possibilités. Notre pays possède un excellent écosystème. Nous pouvons y arriver. Je crois que le défi auquel nous faisons face ici est que nous serons différents de l'industrie des produits forestiers, laquelle doit également attirer des investisseurs afin d'être plus concurrentielle, et si elle est incapable de le faire, elle devra pratiquement tout abandonner sur-le-champ. Vous ne pouvez pas déplacer la forêt à d'autres endroits dans le monde où se trouvent peut-être les investissements.

En biotechnologie, on parle de bonnes idées qui demeurent dans les ordinateurs et les portables. On peut faire des essais cliniques et des tests de laboratoire partout dans le monde. Nous voulons essayer de conserver ces bonnes idées ici, les commercialiser ici et récolter les fruits de cette commercialisation au Canada. Autrement, si nous n'attirons pas les investisseurs et le talent, ces bonnes idées courent le risque de se retrouver ailleurs dans le monde, et d'autres profiteront de leur commercialisation.

Ces innovations finiront par revenir au pays, mais nous aurons perdu tous les avantages de leur commercialisation, au pays.

Je vais m'arrêter ici et répondre aux questions que vous avez peut-être pour moi, mesdames et messieurs.

[Français]

Une fois de plus, je vous remercie de cette occasion. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup, monsieur Casey, de votre excellente explication.

[Français]

Je tiens à souligner qu'il s'agit d'une préoccupation très importante pour notre comité. Comment nourrir la planète dans 10, 15 et 20 ans? C'est pourquoi le comité explore toutes les possibilités. Nous saluons donc vos idées que nous partageons déjà. Cela nous réconforte de savoir que ces idées sont partagées par des gens comme vous.

Avant de passer à la période des questions, j'aimerais vous présenter trois membres du comité qui viennent tout juste d'arriver du Sénat : le sénateur Ngo, de l'Ontario, la sénatrice Bernard, de la Nouvelle-Écosse et le sénateur Oh, de Toronto. Nous allons d'ailleurs commencer la période des questions avec le sénateur Oh.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci, monsieur le président.

Est-ce que notre technologie dans ce domaine est la plus avancée du monde occidental?

M. Casey : Si vous parlez de nos membres, je me plais à le croire. Je crois que c'est une excellente question.

En réalité, nous sommes très intelligents et excellents dans ce que nous faisons en tant que pays. Nous avons d'excellents scientifiques et introduisons des innovations fantastiques. Mais lorsqu'on regarde la planète, comme le dit le président, nous allons connaître une importante croissance de la population, et cela pose un énorme défi. D'autres pays reconnaissent cette situation et les possibilités économiques qui y sont associées.

Ils agissent rapidement pour mettre en place des plans et des stratégies afin de soutenir leur industrie biotechnologique. Le défi que cela présente pour nous, c'est que nous devons attirer des investisseurs. Alors on les accueille à bras ouverts.

Regardez les investisseurs et voyez-les comme des touristes mondiaux : ils vont partout dans le monde et cherchent un endroit où investir. Si vous pensez à ce concept, vous devez envisager votre pays comme un hôtel. Si un hôtel essaie d'attirer un touriste, il lui offrira de jolis draps et le Wi-Fi et le déjeuner gratuit. Si le Canada cherche à concurrencer les autres pays qui désirent attirer cet investisseur mondial afin de soutenir son innovation biotechnologique, il doit suivre leur rythme. C'est comme le chocolat que, en tant que pays, nous devons placer sur l'oreiller des investisseurs.

C'est à ce moment qu'on doit s'attacher rapidement aux politiques publiques et fiscales. Avez-vous une stratégie pour l'innovation biotechnologique? Jusqu'à il y a environ deux ans, j'aurais dit que nous n'en avions pas vraiment une. Nous possédons maintenant un programme d'innovation qui va de l'avant et prévoir la création éventuelle de supergrappes qui créeront plus d'énergie à cet égard. C'est très encourageant.

Nous avons un certain nombre de mesures qui fonctionnent très bien. Le crédit d'impôt pour RS&DE est une mesure extrêmement importante aux yeux de l'industrie, et il existe un certain nombre d'autres mesures.

Je crois que nous avons un système réglementaire de tout premier ordre. Certains défis se posent ici, mais je pense que cela représente un avantage concurrentiel.

Au final, nous devons soutenir le rythme d'autres administrations parce qu'elles agissent de manière plus dynamique dans le but d'attirer l'innovation biotechnologique parce qu'elles voient les avantages économiques qu'elle représente.

Le sénateur Oh : Est-ce que notre technologie est prête à être exportée maintenant?

M. Casey : L'ensemble de notre technologie est élaborée pour le marché de l'exportation. Notre marché n'est pas assez grand à lui seul, alors tout ce qui est élaboré l'est pour le marché mondial. Oui, c'est très concurrentiel.

Nombre des produits que j'ai mentionnés auparavant, par exemple, ceux d'Okanagan Specialty Fruits, l'entreprise qui produit des pommes, vont aux États-Unis. Agrisoma, qui produit du carburéacteur, signe également des contrats avec l'armée américaine. Ces entreprises vont dans les marchés où il y a manifestement des débouchés.

Oui, c'est très concurrentiel, mais pouvons-nous faire un meilleur travail afin de lancer plus d'entreprises au pays? Oui, c'est ce que nous devons vouloir faire. Nous devons aider ces entreprises à croître jusqu'au point où elles sont concurrentielles à l'échelle mondiale, mais elles doivent être établies ici, au Canada.

C'est vrai lorsque vous pensez à la santé. Nous essayons d'élaborer des biotechnologies dans ce domaine et voulons lancer ces entreprises ici, au pays.

[Français]

Le président : J'aimerais informer les sénateurs et nos témoins que nous sommes limités dans le temps. Tous les sénateurs aimeraient poser une question, donc je vous demanderais tous d'être brefs dans vos questions et vos réponses.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Merci.

Pendant que vous parliez, monsieur Casey, je pensais à la saison de croissance, qui est courte dans le Canada atlantique et même encore plus courte à Terre-Neuve. Y a-t-il des souches de maïs ou de blé génétiquement modifiées dont le Canada atlantique pourrait bénéficier en raison de sa courte période de croissance?

M. Casey : Je ne connais pas la réponse à cette question spécifique au blé ou au maïs. J'imagine que vous pourriez facilement le faire.

Je vais utiliser le produit d'Agrisoma à titre d'exemple; il s'agit d'une version d'une semence de moutarde qui a été génétiquement modifiée afin de pousser dans des endroits où on ne pourrait pas faire pousser normalement une culture. Des parties de Terre-Neuve sont donc un bon exemple. Évidemment, dans d'autres parties il est possible de faire pousser des cultures. Vous pourriez le faire, et cela a été fait. C'est un des avantages parce que vous ne déplacez pas d'autres cultures avec ce produit. Vous le faites pousser dans des endroits où des cultures ne pourraient pas pousser habituellement.

Le sénateur Doyle : Le blé est d'habitude planté comme une culture annuelle. Existe-t-il des souches pérennes de blé où vous n'avez pas à labourer le sol à nouveau et où vous pouvez élaborer en réalité une souche pérenne de blé?

M. Casey : Pour qu'elle soit davantage comme de l'herbe normale?

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Casey : Cela va bien au-delà de mon expertise. Je ne connais pas la réponse à cette question. Je crois que la science pourrait y arriver, mais je ne sais pas si ce type de semence existe actuellement. Nos membres ne m'ont certainement pas dit que cela existait.

Le sénateur Ogilvie : Andrew, un des problèmes auxquels nous faisons face dans un certain nombre d'autres domaines — c'était particulièrement le cas dans le secteur de la biotechnologie par le passé — a trait à la masse critique dans certains endroits. En guise de contexte, précisons qu'il y a plus d'entreprises biotechnologiques à San Diego que partout dans notre grand pays.

De votre point de vue, comment progressons-nous avec l'élaboration de grappes qui se trouvent à une distance raisonnable les unes des autres? Nous effectuons de merveilleuses recherches, comme vous l'avez souligné, et Génome Canada représente un atout colossal dans ce domaine en aidant les progrès biotechnologiques avec lesquels votre industrie va de l'avant. Que pensez-vous de là où nous en sommes et de l'efficacité avec laquelle nous favorisons l'établissement de liens entre divers scientifiques et entrepreneurs dans ce domaine pour permettre la pollinisation croisée d'idées, qui est le fondement des progrès économiques?

M. Casey : C'est une excellente question. Si nous avions la possibilité de concevoir ces liens actuellement, nous prendrions exemple sur San Diego, San Francisco, Cambridge et Boston et dirions que c'est ce que nous devons faire; alors faisons-le. Regroupons tout à un seul endroit.

Ce n'est pas ce qui s'est produit. Nous avons laissé les gens se regrouper de manière organique, et ils se sont étendus partout au pays. Ils sont habituellement centrés autour des universités, des instituts de recherche, des hôpitaux et des domaines d'expertise de chaque province. Nous avons donc cet écosystème qui s'étend partout au pays avec des forces dans chaque province. Je crois que nous devons nous appuyer sur cette industrie.

La deuxième partie de votre question est tout à fait exacte. Si c'est le cas, comment pouvons-nous conserver ces liens et nous assurer que la synergie de l'écosystème favorise sa propre croissance. Comme je l'ai dit en répondant à la question du sénateur Oh plus tôt, je pense qu'il est très encourageant qu'il y ait maintenant un programme d'innovation en place, qu'on favorise les supergrappes et qu'on reconnaisse l'agroalimentaire comme l'un des domaines à privilégier. Cela nous encourage, et nous allons l'appuyer. Les sciences de la santé et de la vie sont d'autres domaines que nous aimerions qu'on soutienne. Chacun de ces domaines devra puiser dans cet écosystème partout au pays. Chaque province possède ses forces.

Si nous devions défendre la santé, la grappe de Vancouver est probablement la plus forte, si vous regardez le nombre d'entreprises qui viennent de cette ville.

Dans le domaine agricole, vous jetteriez naturellement un coup d'œil vers la région du centre et de l'ouest du pays. Vous pouvez encore vous appuyer là-dessus et tirer profit de l'expertise en matière d'aquaculture que l'on trouve sur la côte Est. Il nous revient, si nous voulons concurrencer de manière efficace ces grandes sociétés mondiales, de le faire en regroupant toutes nos forces.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, monsieur Casey, de votre présentation fort intéressante. J'aimerais que vous nous parliez davantage des biocarburants.On dit que c'est une avenue intéressante pour réduire les gaz à effet de serre. Je crois comprendre que le biodiesel n'est pas aussi efficace que le diesel produit par le pétrole et qu'on utilise dans les moteurs. Est-ce qu'on peut espérer une amélioration du biodiesel afin qu'on puisse en utiliser davantage?

M. Casey : J'ai perdu des éléments de votre introduction. Je ne suis pas certain d'avoir bien compris votre question.

Le sénateur Dagenais : Dans les biocarburants, on sait que le diesel produit à base de pétrole est utilisé souvent dans les moteurs. Cependant, pour réduire les gaz à effet de serre, est-ce qu'il y aurait lieu d'améliorer le biodiesel afin qu'on puisse en utiliser davantage? Est-ce que le biodiesel est meilleur que le diesel?

M. Casey : Oui. Je vais vous répondre en anglais, si vous me le permettez.

[Traduction]

Un bon exemple, encore une fois, est Agrisoma. Elle utilise de l'huile de graine de moutarde et produit du carburéacteur sans combustible fossile dans le mélange. Le diesel ne comporte pas de combustible fossile; le biodiesel en possède encore. Je crois que vous pouvez passer à un produit où vous n'avez plus besoin de combustible fossile dans le mélange, et c'est clairement un meilleur résultat du point de vue environnemental, particulièrement si vous êtes capables de faire pousser cette culture dans des endroits où vous ne pouvez rien faire pousser d'autre; vous augmentez ainsi également les revenus de l'agriculteur. Nous vivons dans un monde où soit le champ est en jachère, soit on ne peut pas l'utiliser en raison de l'absence de nutriments ou d'eau. On a donc un double avantage : sur le plan environnemental, de même que sur le plan économique pour l'agriculteur.

Le sénateur Woo : Pour revenir à la question du sénateur Dagenais, pouvez-vous en dire un peu plus sur le rôle de la biotechnologie agricole, non seulement pour ce qui est de remplacer les combustibles fossiles, mais pour enlever le carbone de l'atmosphère? Vous nous avez donné l'exemple d'une enzyme qui retire le CO2 de l'atmosphère, pas seulement en le retirant, mais en le réutilisant. À quel point ces technologies sont-elles prometteuses? Existe-t-il d'autres formes de technologies agricoles qui ont le potentiel d'enlever le CO2 de l'atmosphère et dans combien de temps pourrons-nous les commercialiser?

M. Casey : C'est la seule enzyme que je connais qui enlève directement le CO2. Vous pourriez prendre l'exemple d'autres entreprises qui réduisent le besoin de combustibles fossiles, dans leur propre mélange, comme BioAmber, de Sarnia, qui utilise du glycose pour fabriquer ce qui était traditionnellement de l'acide succinique tiré des combustibles fossiles. On ne l'utilise plus pour le nylon et d'autres applications. Avec la biotechnologie du côté des produits forestiers, on peut prendre la lignine et fabriquer des pièces d'automobile et d'avion avec de la fibre de carbone. C'est cette application qui est la plus importante.

CO2 Solutions de Québec travaille assurément à extraire le dioxyde de carbone et à réduire l'empreinte environnementale directement sur place, dans le processus, puis à réutiliser ce dioxyde de carbone aux fins d'autres processus, mais c'est la seule entreprise du genre que je connais en ce moment.

La sénatrice Beyak : Merci d'avoir présenté un excellent exposé. Vous avez mentionné que notre système réglementaire est généralement bon, mais que nous faisons face à certains défis. Voudriez-vous nous les décrire, afin que nous puissions peut-être les inclure dans notre rapport?

Monsieur Casey : C'est un domaine difficile qui évolue rapidement; c'est complexe, difficile à comprendre, par moments, et, parfois, notre système réglementaire accuse un pas de retard simplement en raison de la vitesse à laquelle les choses évoluent.

Je vais donner un exemple. Les deux entreprises que j'ai mentionnées, Linnaeus et Agrisoma, qui modifient une semence et la transforment en huile — pour garder les choses simples... Tout le monde comprend qu'on modifie de la semence et qu'on l'utilise à des endroits où on ne peut pas cultiver d'autres produits. Tout cela est excellent. Ensuite, on la transforme en huile. C'est fantastique, car elle va dans les avions ou les voitures, et on réduit les émissions; c'est fantastique. Après qu'on a extrait cette huile, il reste du tourteau, et il retourne dans la chaîne alimentaire. On l'utilise pour nourrir le bétail. Tout comme dans le monde du bois d'œuvre, où on abat l'arbre et on utilise les restants pour les transformer en pâte et papier, c'est le même genre de concept. Cela fait partie du modèle économique de ces entreprises, et c'est là que le problème se pose. On passe d'un avantage environnemental, industriel et agricole, on le renvoie dans la chaîne alimentaire, et Santé Canada intervient et devient nerveux parce qu'il s'agit de semences génétiquement modifiées, et cela peut ralentir le processus d'approbation réglementaire.

En ce qui concerne les pommes, en guise d'exemple, ce produit a reçu l'approbation de la FDA bien avant d'être approuvé au Canada, et cela a permis aux apiculteurs de vendre leurs pommes sur le marché américain, mais la raison pour laquelle on n'a pas pu suivre la cadence était très peu logique pour nous. Il n'est pas nécessaire que nous y allions dans la semaine qui suit, mais la période d'écart se rapprochait davantage d'une année avant que la vente du produit au Canada ait été approuvée.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup de votre excellent exposé.

Je voulais vous poser des questions au sujet des effets des changements climatiques sur les taux de mortalité du bétail et vous demander quels exemples de technologies vous pouvez nous donner, puisque vous venez du secteur de la biotechnologie, qui ont une incidence sur les risques liés aux changements climatiques et atténuent ces risques pour le grand nombre de vaches, de porcs et de poulets que nos agriculteurs possèdent et utilisent et dont nos consommateurs ont besoin.

Monsieur Casey : C'est là que se rencontrent la biotechnologie de la santé et la biotechnologie relative aux animaux d'élevage. Beaucoup des technologies qu'on voit apparaître du côté de la santé des humains sont applicables aux animaux. L'entreprise appelée Prevtec Microbia, de Montréal, est un exemple. Elle a élaboré un vaccin pour empêcher les porcs de contracter l'E. coli. Ils tombaient malades à la naissance s'ils contractaient cette bactérie. Si on peut vacciner les porcs à l'avance, on empêche ainsi sa propagation et la destruction de l'ensemble du groupe de porcs de son exploitation. Alors, il s'agit des types de technologies qui sont assurément créées.

On pourrait également faire valoir que le saumon AquAdvantage d'AquaBounty permet d'éviter certaines des difficultés auxquelles on fait face en ce qui a trait à l'industrie de la pisciculture. Nous observons des progrès au chapitre de l'innovation technologique dans d'autres domaines.

La sénatrice Omidvar : Vous avez un peu parlé du risque. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet d'une crainte, selon moi, que pourraient avoir de nombreux Canadiens relativement à la surutilisation de la biotechnologie, des aliments génétiquement modifiés, et cetera? Pouvez-vous nous parler un peu plus du risque et de ce que fera votre industrie pour l'atténuer et, en même temps, peut-être, ou en guise de suivi, aborder l'environnement des politiques de conformité réglementaire qu'on devrait prendre en compte au moment de formuler les recommandations à la suite de cette étude?

Monsieur Casey : Le risque est simplement lié à la peur de l'inconnu plus qu'à quoi que ce soit d'autre. Il n'est pas fondé sur des données scientifiques, pour autant que nous le sachions. Nous modifions génétiquement des végétaux depuis des milliers d'années, à de nombreux égards, grâce à la phytogénétique, mais, maintenant, la science est de plus en plus exacte. Les données scientifiques nous ont montré que cela n'avait absolument aucune incidence négative sur la santé. Si vous avez l'occasion d'ajouter de la vitamine A au riz et de cultiver ce riz, ne devriez-vous pas profiter de cette technologie? Vous en avez peut-être peur, mais fondons nos craintes sur de réelles données scientifiques.

À BIOTECanada, nous ne pouvons pas faire grand-chose, à part mener une importante campagne publicitaire, mais nous n'en avons pas les moyens. Le plus important moyen de régler ce problème consiste à nous assurer que notre système réglementaire est strict, efficient et le plus possible fondé sur des données scientifiques et à nous occuper de ce système. La réalité, c'est que nous n'avons plus le luxe de passer un été et de subir une sécheresse en nous disant : « Oh, eh bien, nous y arriverons l'an prochain. » Ce n'est tout simplement pas une possibilité. On peut se lancer dans une discussion concernant le fait que nous avons besoin ou non de plus de terres pour cultiver davantage d'aliments, et un certain débat a lieu relativement à cette question, mais, compte tenu des terres dont nous disposons, nous devons être plus efficients et efficaces quant à la façon dont nous les cultivons. C'est en partie grâce au domaine de la biotechnologie que nous pourrons le faire.

[Français]

Le président : Vous savez, l'agriculture, qu'elle se fasse au Canada ou dans d'autres pays, c'est un triangle. Depuis le début des temps, il y a le producteur, le transformateur et l'incontournable consommateur. Aujourd'hui, nous faisons face à la mondialisation, et les consommateurs s'interrogent au sujet de la sécurité alimentaire, autant pour la section végétale que pour la section animale.

Au cours des prochaines années, est-ce que les entreprises comme la vôtre qui travaillent dans le domaine de la biotechnologie pourront transmettre leur savoir afin que les agriculteurs puissent produire davantage et aider à nourrir la planète, et ce, d'une façon très sécuritaire? Croyez-vous cela possible dans un avenir rapproché?

[Traduction]

Monsieur Casey : Je pense que cela se passe maintenant. Selon moi, il est impératif que nous le fassions. Je pense que vous faites état de deux craintes. L'une concerne ce qui arrivera à notre approvisionnement alimentaire en raison des changements climatiques et environnementaux et l'incidence que cela aura sur notre société.

La deuxième crainte tient à la question suivante : dans l'avenir, au moment où nous commencerons à changer les choses, à adopter des solutions et à les appliquer au secteur, quel sera l'effet de ces changements sur notre santé? Tout d'abord, je pense que tout le monde comprend que nous pouvons avoir une incidence positive en tant que secteur. La biotechnologie peut avoir une incidence positive sur la façon dont nous faisons face à ce nouvel environnement, que ce soit dans le secteur agricole ou même dans les domaines des produits forestiers ou dans d'autres domaines.

Pour l'avenir, il faudra déterminer comment nous pouvons assurer les gens que ces produits sont sécuritaires. Toutes les données scientifiques nous indiquent que c'est le cas, mais nous devons continuer d'être vigilants en ce qui concerne les données scientifiques et les processus réglementaires. Il s'agit de grands changements — cela ne fait aucun doute —, et je peux comprendre pourquoi les gens sont craintifs à l'égard de l'inconnu, mais, la réalité, c'est que la science a prouvé que ces produits sont efficaces et sûrs, et nous devons nous fier à ces données scientifiques pour l'avenir.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Casey, de votre explication et d'avoir accepté de nous présenter un exposé. C'est très intéressant.

[Français]

J'espère qu'à l'avenir vous reviendrez nous voir, car nous aurons besoin de gens comme vous si nous voulons atteindre les objectifs du comité. Merci infiniment et bon retour.

M. Casey : Avec plaisir, merci beaucoup.

Le président : Dans le cadre de la deuxième partie de notre séance, nous recevons M. Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, CropLife Canada, et M. Ian Affleck, directeur exécutif, Biotechnologie végétale.

Bienvenue, messieurs. Merci beaucoup d'avoir accepté de témoigner au comité sénatorial, c'est très agréable de vous recevoir. Je suis convaincu que les sénateurs apprendront beaucoup de vous ce soir. J'invite celui qui fera la présentation à prendre la parole.

Dennis Prouse, vice-président, Affaires gouvernementales, CropLife Canada : Merci, monsieur le président. Sénateurs et sénatrices, mon nom est Dennis Prouse et je suis vice-président aux Affaires gouvernementales de CropLife Canada.

[Traduction]

Je suis accompagné de mon collègue, Ian Affleck, directeur exécutif, Biotechnologie végétale. Je viens de la Colombie-Britannique, et mon collègue a grandi sur une ferme de l'Île-du-Prince-Édouard. Je ferai la déclaration préliminaire, et Ian répondra aux questions difficiles par la suite.

De nombreux aspects de l'industrie des sciences végétales ont évolué depuis l'établissement de notre organisation, en 1952, mais notre principal but demeure le même : promouvoir l'intérêt collectif de l'industrie de l'agriculture au Canada.

Grâce aux pesticides et à la sélection végétale moderne, l'industrie des sciences végétales apporte une importante contribution socioéconomique et environnementale. Notre organisation se concentre principalement sur la prestation d'outils pour aider les agriculteurs à être plus productifs et à adopter des pratiques plus durables, mais nos membres élaborent également des produits à des fins d'utilisation dans un vaste éventail de contextes non agricoles, y compris les espaces verts urbains, le milieu de la santé publique et les couloirs de transport.

CropLife Canada fait partie de CropLife International, une fédération mondiale comptant des membres dans 91 pays qui soutient les innovations agricoles, la protection des cultures et la biotechnologie végétale.

Monsieur le président, personne n'a besoin de parler aux agriculteurs canadiens des conséquences des changements climatiques. Les agriculteurs sont les environnementalistes de la première heure et font face aux conséquences des changements climatiques depuis un certain temps. Le défi que nous devons maintenant relever, en tant qu'industrie, consiste à trouver un moyen d'aider les agriculteurs canadiens à être plus productifs en utilisant moins de terres d'une manière plus durable que jamais. Heureusement, les agriculteurs canadiens font partie de ceux qui s'adaptent le plus rapidement au monde à la nouvelle technologie et sont plus qu'à la hauteur.

Aujourd'hui, nous voulons parler de ce que font les agriculteurs canadiens maintenant pour améliorer la durabilité et s'attaquer aux changements climatiques et de la façon dont nous pourrons en faire encore davantage dans l'avenir.

Vous nous entendrez souvent parler des technologies de notre industrie. La plupart des gens n'envisagent pas les outils de l'agriculture moderne de la même manière que le magasinage en ligne ou la dernière application sur leur téléphone intelligent. Toutefois, les pesticides qui protègent les cultures et la biotechnologie végétale qui crée des cultures de plus en plus robustes et saines représentent une science de pointe qui améliore notre vie. Ces innovations scientifiques végétales offrent un mélange complet d'avantages économiques, environnementaux et sociaux pour nous tous, au Canada.

La plupart du temps, quand nous parlons de technologies scientifiques végétales, nous nous concentrons sur la façon dont elles protègent les cultures, ce qu'elles font. Les pesticides et les cultures biotechnologiques ont également des antécédents impressionnants de protection et d'amélioration de l'environnement, car elles aident les agriculteurs à utiliser moins de terres tout en cultivant plus d'aliments, à préserver la biodiversité, à s'attaquer aux changements climatiques et à conserver les ressources naturelles.

Grâce aux technologies scientifiques végétales, les agriculteurs canadiens produisent davantage de cultures sur les meilleures terres agricoles du pays. Cela signifie que les agriculteurs peuvent laisser tranquille une plus grande quantité de ce qui serait des terres agricoles marginales. On sauve ainsi 35 millions d'acres de forêts, d'herbes indigènes et de milieux humides d'une utilisation agricole; le Canada reste vert et pur, et on protège la biodiversité en protégeant l'habitat d'espèces sauvages. Disons-le clairement : l'agriculture moderne est loin de nuire à la biodiversité; elle apporte une contribution cruciale à sa protection, maintenant et dans l'avenir.

De fait, selon Canards Illimités Canada, à eux seuls, les milieux humides offrent un habitat essentiel à plus de 600 espèces sauvages au Canada. L'agriculture moderne permet à une plus grande quantité de ces milieux humides d'exister grâce à la culture d'une plus grande quantité d'aliments sur moins de terres.

Les cultures et les pesticides biotechnologiques aident les agriculteurs à lutter contre les parasites dans leurs champs. Avant l'existence de ces technologies, ils devaient sarcler leurs champs afin de se débarrasser des mauvaises herbes qui, autrement, auraient endommagé ou détruit leurs cultures.

Pour ceux qui ne savent peut-être pas ce qu'est le sarclage, il s'agit de la pratique consistant à labourer un champ dans le but d'en retirer les mauvaises herbes. C'est dur pour le sol. Cette pratique rompt la matière organique et réduit la capacité du sol de conserver l'humidité. De fait, c'est en grande partie en raison du sarclage que les sales années 1930 ont été aussi dévastatrices pour un très grand nombre de gens. Le sol était très fragile parce que les agriculteurs l'avaient sarclé, et les conditions sèches et venteuses de l'époque ont donné lieu à une situation où la couche arable partait au vent. Tout cela a changé grâce à l'utilisation par les agriculteurs d'une combinaison de pesticides et de biotechnologies. Comme les agriculteurs peuvent appliquer l'herbicide à une culture qui y est résistante, ils n'ont pas besoin de sarcler les champs et, grâce aux progrès de la technologie agricole, ils peuvent également laisser le chaume se décomposer directement dans les champs, ce qui ajoute de la matière organique et améliore la consistance du sol. Par conséquent, le sol est moins susceptible d'être érodé par le vent et l'eau.

La technologie scientifique végétale fait partie de la solution. Il ne s'agit là que de quelques-unes des façons dont nous contribuons à lutter contre les changements climatiques : on réduit l'utilisation des terres et le sarclage des jachères d'été, on limite les passages d'équipement et on réduit les gaz à effet de serre de 21 millions de tonnes par année au Canada. La réduction du nombre de passages d'équipement sur les champs réduit la consommation de carburant au diesel dans une proportion allant jusqu'à 194 millions de litres par année au Canada seulement.

Puisqu'il y a une population grandissante à nourrir, le fait de produire plus d'aliments sur les terres actuelles signifie que nous pouvons laisser plus de précieux habitats actuels intacts tout en assurant un approvisionnement alimentaire sain et durable aux Canadiens et au monde entier.

Oui, la réussite dans le domaine de la biotechnologie depuis que ce domaine existe est importante, et c'est un très bon outil pour lutter contre les changements climatiques. Cependant, les biotechnologies réalisent-elles leur plein potentiel? Est-ce que nous tous, ensemble, permettons aux agriculteurs d'avoir accès aux technologies afin de créer un monde meilleur? L'un des défis auxquels notre industrie est confrontée, au Canada et à l'échelle internationale, concerne le système réglementaire qui s'adapte très lentement aux nouveautés. M. Casey l'a mentionné un peu plus tôt, durant la première heure. Malgré la croissance annuelle de l'adaptation des cultures issues de la biotechnologie, nous n'avons pas constaté l'introduction prévue de nouvelles cultures. En fait, 80 p. 100 des cultures principales sont encore liées aux quatre plus grandes cultures. De plus, la croissance qu'on attendait relativement aux produits mis au point par le secteur public ne s'est pas matérialisée; 75 p. 100 des produits commercialisés viennent encore des principaux créateurs de technologies du secteur privé. Mais qu'est-ce qui nous retient? Pourquoi n'y a-t-il pas plus de produits nouveaux et novateurs, tant du côté des semences que du côté des produits de protection des cultures qui permettraient d'améliorer encore plus la durabilité et le rendement?

Ce n'est pas que les créateurs de technologies ne peuvent pas produire des innovations; c'est plutôt que le système de réglementation n'arrive pas à livrer l'innovation aux agriculteurs. Dans cette ligne du temps de la commercialisation, nous avons constaté que l'aspect le plus chronophage et exigeant en ressources du processus de commercialisation d'une caractéristique biotechnologique échappe au contrôle des créateurs de la technologie. Ces personnes ont amélioré la science sous-jacente aux biotechnologies végétales afin de pouvoir créer efficacement de nouvelles caractéristiques. Ce sont les composantes liées à la réglementation scientifique et l'enregistrement de l'évolution du produit qui empêchent les agriculteurs d'adopter les dernières innovations. Les coûts et le temps consacré à la réglementation scientifique et à l'enregistrement ont augmenté de 50 p. 100 au cours de la dernière décennie.

On a vu de nouvelles caractéristiques du côté des consommateurs qui ont été approuvées au Canada. La pomme Arctic, comme vous l'avez entendu durant la dernière heure, qui est produite par Okanagan Specialty Fruits, est une pomme qui ne brunit pas. Elle devrait commencer à être disponible dans le commerce l'année prochaine, et la possibilité de réduire les déchets de cuisine est très intéressante. Il en va de même pour les pommes de terre Innate produites par J. R. Simplot, qui offrent une protection contre la meurtrissure et le brunissement des pommes de terre.

Tout ça, monsieur le président, ce n'est qu'un début. Il y a de nouvelles caractéristiques qui s'en viennent et qui permettront d'améliorer le contrôle des maladies, des insectes et des mauvaises herbes. D'autres visent à améliorer la tolérance à la sécheresse, la tolérance à la salinité et l'efficience de l'utilisation de l'azote. Il y a la prochaine génération en matière de productivité, d'efficience des terres et des caractéristiques liées à l'éthanol, et il y aura aussi des avantages pour les consommateurs, comme des huiles alimentaires qui sont saines et une meilleure nutrition. Une meilleure nutrition sera avantageuse partout, mais surtout dans les pays en développement où les répercussions des changements climatiques seront beaucoup plus importantes.

Monsieur le président, le monde ne peut pas se permettre de passer à côté de ce que ces technologies peuvent offrir aux agriculteurs du monde entier au cours des cinq prochaines années. Le système réglementaire limite la capacité des créateurs du secteur privé et du secteur public de fournir aux agriculteurs de nouvelles caractéristiques et de nouvelles cultures. Même si les créateurs du secteur privé peuvent assumer ces délais et ces coûts, c'est très difficile pour les créateurs du secteur public de passer à travers tout le processus de commercialisation. En fait, très peu de produits créés par le secteur public ont réussi, et c'est habituellement le cas seulement dans des pays qui soutiennent totalement les activités scientifiques, comme le Brésil, grâce à des partenariats public-privé.

Il convient de souligner que nous parlons de technologies qui ont 20 ans et un bilan de sécurité immaculé. Il y a un important consensus scientifique mondial quant à la sécurité des cultures issues des biotechnologies, et ni le Canada, ni un autre organisme de réglementation n'a constaté ne serait-ce qu'un seul cas documenté de préjudice. Les cultures issues des biotechnologies ne constituent pas une préoccupation liée à la santé et la sécurité pour les Canadiens et elles ne sont pas non plus une préoccupation du point de vue réglementaire.

En conclusion, monsieur le président, nous sommes fiers du rôle que notre industrie a joué pour accroître à des niveaux jamais vus la productivité et la durabilité de l'agriculture au Canada. L'agriculture moderne fait vraiment partie de la solution dans le cadre de la lutte aux changements climatiques, tant au Canada qu'à l'échelle internationale. Ces contributions pourraient être encore plus importantes si le Canada déploie des efforts soutenus pour modifier son système réglementaire.

Les agriculteurs canadiens ont montré qu'ils avaient hâte d'adopter les nouvelles technologies et qu'ils étaient prêts à le faire. Il est absolument logique de trouver une façon plus rapide et plus efficiente de leur fournir des technologies tout en faisant du Canada un centre mondial d'innovation et d'investissement dans l'agriculture moderne. Nous prions le gouvernement du Canada de faire preuve d'initiative et de faire de cette vision une réalité.

Merci, monsieur le président. Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé et nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Nous avons beaucoup aimé votre exposé.

Le sénateur Oh : Merci, messieurs, de toute l'information que vous nous avez fournie. Ma question vous est adressée. Selon Derek Lynch, professeur agrégé de l'Université Dalhousie, le travail du sol n'est peut-être pas toujours efficient, surtout lorsque les racines sont plus profondes, car les matières organiques se retrouvent plus en profondeur dans le profil pédologique. Pouvez-vous nous dire si les pratiques aratoires sont appropriées partout au Canada?

Ian Affleck, directeur exécutif, Biotechnologie végétale, CropLife Canada : Il y aura diverses pratiques aratoires à l'échelle du pays, et je crois que l'on constate qu'il y a moins de travail du sol dans le centre et l'Ouest du pays, voire pas du tout. Il y en a aussi moins dans l'Est. Je crois qu'il y aura toujours des possibilités d'améliorer nos pratiques aratoires et de trouver des technologies pouvant aider les agriculteurs à adopter l'approche optimale en la matière.

Le sénateur Oh : De quelle façon la science des plantes peut-elle aider les agriculteurs à adapter leurs pratiques agricoles aux types de culture?

M. Affleck : Pour ce qui est à proprement parler du travail du sol, les produits qui tolèrent les herbicides permettent aux agriculteurs de gérer de façon plus efficace les mauvaises herbes sur leurs terres, ce qui était une des principales raisons du labourage. Si on peut fournir des techniques nouvelles et créatrices pour gérer les mauvaises herbes, que ce soient des pesticides ou des produits issus de la biotechnologie, alors l'agriculteur n'aura pas besoin de labourer sa terre.

M. Prouse : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter que c'est un domaine extrêmement compétitif. Nous avons des entreprises membres qui se livrent concurrence pour que les agriculteurs achètent leurs semences. Par conséquent, il y a donc vraiment une course entre ces entreprises afin de fournir les meilleures technologies possible aux agriculteurs.

Le sénateur Oh : Ce qui aide les agriculteurs.

M. Prouse : Et pour aider les agriculteurs à accroître leur production. Nous travaillons dans le cadre de notre partenariat GrowCanada en collaboration avec d'autres associations qui représentent ces cultivateurs, ces agriculteurs, et des associations comme la Canadian Canola Growers Association, le Conseil canadien du canola, la Western Canadian Wheat Growers Association, les Producteurs de grains du Canada et les agriculteurs qui sont membres de ces associations sont tous très enthousiastes au sujet d'une chose : l'agriculture moderne. Nous disons souvent à des parlementaires comme vous : « S'il vous plaît, ne nous croyez pas sur parole. Faites venir des groupes de cultivateurs, et ils vous le diront. » Ils vous diront à quel point ils veulent utiliser les technologies et de quelle façon ils aiment acheter leurs semences. Nous serions favorables à une telle discussion.

Le sénateur Woo : J'aimerais vous demander un peu de précision sur votre distinction entre les créateurs du secteur public et les créateurs du secteur privé qui produisent de nouveaux types de culture. J'aimerais aussi savoir pourquoi ce sont les créateurs du secteur public qui ne réussissent pas à commercialiser leurs produits. Vous pointez du doigt le processus réglementaire, mais, vraisemblablement, le même système s'applique aux créateurs du secteur public et aux créateurs du secteur privé. Ils doivent surmonter les mêmes obstacles. Est-ce simplement que les créateurs du secteur privé sont plus persévérants et, par conséquent, peuvent se rendre au bout du processus, ce qui ne serait pas le cas des créateurs du secteur public?

Ensuite, de toute façon, pourquoi des créateurs du secteur public mettraient-ils au point un type de culture jusqu'à l'étape de la commercialisation? Lorsque je pense au secteur pharmaceutique, même si les recherches fondamentales ont peut-être été financées par le secteur public, dans des universités, par exemple, ou même dans un laboratoire du gouvernement, habituellement, si je ne m'abuse, c'est ensuite une exploitation agricole ou une entreprise qui prend cette molécule découverte et la commercialise en passant par les diverses étapes du financement et ainsi de suite. Quelle est la différence dans le secteur des biotechnologies qui crée ce problème entre les produits mis au point par le secteur public et les produits mis au point par le secteur privé?

M. Affleck : Je pense que ce que vous avez dit au début, lorsque vous avez mentionné la persévérance, met vraiment en évidence le nœud du problème. La raison pour laquelle les biotechnologies agricoles viennent principalement de six grandes entreprises depuis 20 ans, c'est que les systèmes de réglementation, même s'ils fonctionnent, n'offrent pas beaucoup de prévisibilité. Lorsqu'on a moins de ressources à investir, la prévisibilité devient une notion centrale au moment de déterminer les sujets de recherche. C'est la raison pour laquelle les sélectionneurs publics s'en éloignent et laissent le champ libre aux grandes entreprises du secteur privé.

Pour ce qui est de l'avantage lié au fait d'accroître la participation du secteur public, les récoltes dominantes qui bénéficient actuellement d'avantages liés aux biotechnologies sont le maïs, le soya et le canola. Ce sont nos principales cultures.

Comme Dennis l'a mentionné, lorsqu'on parle aux cultivateurs d'orge et aux tenants de l'industrie de l'horticulture, ils aimeraient bénéficier de ces technologies dans leur domaine, mais puisque le marché est beaucoup plus petit, les superficies plantées, moins grandes, et les rendements du capital investi lié à ces innovations, pas aussi élevé, les principales entreprises se concentrent sur les grandes cultures et pas sur les marchés à créneaux. Habituellement, c'est là où le secteur public peut être très bénéfique pour les agriculteurs en leur fournissant les outils dans ces autres secteurs. Je crois que notre industrie favorise la diversité dans des petites et moyennes entreprises, des entreprises publiques et des grandes entreprises, et lorsqu'on mise sur l'ensemble de ce continuum, alors, parfois, une grande entreprise achètera un produit d'une plus petite entreprise et accélérera le processus de développement, mais là, il y aura plus d'innovation dans ces petits marchés à créneaux qui ont eux aussi besoin du soutien d'une agriculture moderne.

M. Prouse : C'est une industrie qui a démarré grâce à la recherche du secteur public. Il y a un rôle très important à jouer dans le domaine. Il y a en un sens un mythe selon lequel nous, qui représentons les créateurs privés, avons maille à partir d'une façon ou d'une autre avec la recherche faite par le secteur public. Ce n'est pas vrai du tout. Dans notre secteur, la marée montante soulève tous les bateaux.

Ce que nous voulions dire, c'est simplement qu'il y a un peu un ralentissement dans les caractéristiques créées par le secteur privé, et il en va de même dans le secteur public. Les gens disent : « Eh bien, si vous n'avez pas commercialisé beaucoup de nouvelles caractéristiques, contrairement au secteur public — même si le secteur public n'a pas non plus réussi à le faire — qu'est-ce qui bloque? » Nous aimerions un système réglementaire plus réceptif.

Le sénateur Woo : Pouvez-vous me donner un exemple d'un créateur du secteur public?

M. Affleck : L'exemple que je vais donner n'est pas nécessairement canadien; il concerne plutôt les États-Unis. Ils ont mis au point un champignon qui possède une caractéristique similaire de non-brunissement. C'est un enjeu lié aux déchets alimentaires. Ils en sont à l'étape de l'approbation, mais ils ne vont pas commercialiser le produit parce que l'environnement réglementaire international est trop complexe, et le champignon dormira dans un placard.

Le sénateur Woo : S'agissait-il de l'USDA?

M. Affleck : Le produit a été mis au point par un sélectionneur public aux États-Unis. C'est une nouvelle technologie, le produit est plus frais, à la fine pointe de la technologie — c'est quelque chose de très intéressant —, mais il n'y a pas d'investisseur international qui juge le marché de la culture des champignons assez important pour investir l'argent nécessaire afin d'assumer les coûts liés au régime de réglementation, jusqu'aux dernières étapes et à la commercialisation. Il y a beaucoup d'excellentes idées comme celles-là qui ne décollent jamais.

Je vais vous donner un autre exemple. En 2008, la Commission européenne a fait réaliser une étude sur là où en serait le domaine de biotechnologies dans 10 ans. Les responsables croyaient qu'on passerait de 30 caractéristiques à 130. On pensait que l'innovation n'allait pas être le fait des seules grandes entreprises aux États-Unis et en Europe. On imaginait des partenariats publics et privés liés à des petites entreprises dans le monde entier. L'étude s'appuyait sur les produits qu'on savait en cours de développement. Depuis, seulement 20 p. 100 de ces produits ont percé le marché, et aucun ne venait de créateurs publics. La principale raison qui explique la situation, c'est le caractère non prévisible du système réglementaire mondial.

Ce n'est pas seulement un problème au Canada; c'en est un à l'échelle internationale. Le Canada est bien placé et est extrêmement respecté. Nous avons d'excellents organismes de réglementation dont les représentants sont très bien formés et très respectés, au point qu'on pourrait être un chef de file mondial en matière de création d'un environnement réglementaire qui favorise l'innovation à tous les niveaux.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aimerais vous poser deux questions. Vous dites que la phytologie a réussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'environ 30 millions de tonnes par année. Pouvez-vous nous expliquer comment ces réductions ont été atteintes?

[Traduction]

M. Affleck : Le principal facteur, c'est la possibilité de réduire la quantité d'intrants agricoles nécessaires, puisqu'on peut produire plus avec moins. Cela fait en sorte que l'agriculteur a moins à faire l'aller-retour sur son terrain, qu'il consomme moins de diesel et qu'il change moins souvent les pneus sur ses tracteurs. Le simple fait de moins aller sur les terres entraîne une réduction générale des émissions de gaz à effet de serre. Cela permet à l'agriculteur non seulement de réduire de façon importante les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi de perdre moins de temps, ce qui lui permet d'optimiser d'autres aspects de ses activités. Les agriculteurs n'ont jamais assez de temps pour s'acquitter de tout ce qu'ils ont à faire. Par conséquent, si plutôt que d'avoir à passer six fois par saison sur leurs terres ils n'ont à le faire qu'une fois et qu'ils n'ont pas à utiliser un appareil très lourd pour retourner le sol, ils peuvent faire d'immenses économies. C'est le principal facteur expliquant les 29 millions de tonnes mentionnées.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Lorsqu'on parle de nouvelles technologies, cela fait toujours peur aux consommateurs. On essaie d'avoir les plus beaux fruits et légumes, mais l'autre jour, par exemple, je mangeais une fraise grosse comme une pomme; elle n'avait pas de goût, mais elle avait une très belle couleur. On se dit que quelque chose s'est passé, que c'est peut-être une affaire de stéroïdes. Avez-vous des suggestions à nous transmettre pour que la population comprenne mieux ce qui est fait qui est bien et qui n'est pas dangereux?

[Traduction]

M. Prouse : Eh bien, c'est une question difficile à aborder pour nous. Nous travaillons pour accroître la confiance des consommateurs depuis un certain temps, maintenant. Je dirais que l'industrie a connu un mauvais départ à cet égard. Nous avons passé une bonne partie des premières années à parler aux agriculteurs, aux organismes de réglementation et aux scientifiques, et nous n'avons pas parlé au public. Par conséquent, certains mythes sont apparus au sujet de l'agriculture moderne. Et maintenant, nous devons rattraper le temps perdu dans une certaine mesure.

J'ai mentionné précédemment dans mes remarques que, pour ce qui est des OGM et de la biotechnologie, il y a un consensus international quant à la sûreté des biotechnologies. C'est un consensus qui existe au Canada et au sein de l'Organisation mondiale de la Santé. Il faut seulement expliquer de façon positive aux Canadiens les raisons pour lesquelles ils bénéficient d'un des approvisionnements alimentaires les plus abondants, abordables et nutritifs du monde. Il faut raconter cette histoire très positive. Si on parle constamment de science, les choses n'iront probablement pas très bien. C'est une discussion difficile à avoir. Je crois que les Canadiens font confiance aux agriculteurs, alors nous faisons participer les agriculteurs à la discussion. Les choses vont mieux. Ce que nous allons maintenant faire, c'est d'essayer de mobiliser aussi les organismes de réglementation afin que ces organismes canadiens qui ont la confiance des Canadiens puissent mieux expliquer le régime réglementaire aux gens.

Ça s'en vient. Nous constatons que les attitudes du public s'améliorent, pas aussi rapidement que nous l'aimerions, mais les choses s'améliorent.

[Français]

Le président : Monsieur Prouse, si j'ai bien compris, vous avez dit que la biotechnologie pouvait réduire l'étendue des sols à cultiver afin de garder les meilleurs sols arables. Est-ce que cela signifie que, pour les forêts, on pourrait également reboiser une partie des terrains non destinés à l'agriculture rentable afin de rebâtir une forêt?

[Traduction]

M. Prouse : Je vais devoir laisser mes homologues de l'Association des produits forestiers parler de leurs technologies. Je peux dire que nous n'avons plus à cultiver les terres marginales qui l'étaient précédemment. On tente maintenant d'accroître la production sur les terres agricoles actuelles. On ne constate pas d'expansion des terres agricoles au Canada. En fait, on pourrait même dire qu'il y a eu une légère réduction de la superficie.

Alors oui, il y a plus de terres disponibles. Pour ce qui est de la question de savoir ce qui arrivera à ces terres, c'est une question que je laisse aux environnementalistes. Nous travaillons en collaboration avec Canards Illimités au sujet de la conservation des terres humides. Plus précisément dans les provinces des Prairies, c'est important : il faut pouvoir laisser des terres agricoles marginales afin qu'elles jouent le rôle de terres humides.

Si nous ne pouvions pas compter sur les technologies agricoles modernes, il faudrait commencer à exploiter ces terres tout simplement pour produire la même quantité d'aliments. C'est ce que nous essayons d'expliquer aux gens. Le fait d'abandonner l'agriculture moderne aurait un coût environnemental et une partie de ce coût serait le besoin de cultiver plus de terres marginales.

[Français]

Le président : Est-ce un mythe ou une réalité qu'il est plus facile d'implanter de nouvelles technologies chez les petits et moyens agriculteurs que chez les grands agriculteurs, qui possèdent de grandes étendues de terrain?

[Traduction]

M. Prouse : Je ne suis pas sûr. Pour ce qui est des nouvelles technologies, je ne suis pas sûr que le facteur en jeu soit la taille de l'exploitation agricole. Avant, c'était la taille de l'entreprise. On croyait qu'il fallait que ce soient de grandes entreprises qui produisent les nouvelles technologies. Okanagan Specialty Fruits n'est pas une entreprise particulièrement grande. Elle compte combien d'employés? Ils étaient six au début. Il y avait huit employés.

On voit plus de petits joueurs qui arrivent dans le secteur.

[Français]

Le président : Je vous pose cette question, parce qu'au Québec, au cours des 25 dernières années, on a fabriqué du fromage industriel. Cependant, beaucoup de petits producteurs font des fromages fins maintenant, à tel point qu'on les exporte partout au Canada et dans d'autres pays également. Il s'agit de petites fermes. Je me suis permis d'aller en visiter plusieurs, et mes collègues du Québec en conviendront, nous avons des fromages fins d'une qualité exceptionnelle au Québec, grâce à ces petits producteurs.

Comment cet engouement a-t-il pris naissance? Par de nouvelles technologies qui ont été implantées dans de petites exploitations. Je crois qu'il est plus facile pour un agriculteur moyen de s'adapter aux nouvelles technologies. Peut-être est-ce parce que cela coûte moins cher que dans une grande entreprise qui doit investir des millions de dollars pour s'assurer d'être à la fine pointe des nouvelles technologies. Êtes-vous d'accord avec mes propos?

[Traduction]

M. Prouse : Il y a probablement une distinction à faire ici entre, d'un côté, les grandes cultures — on parle ici du blé, du canola, du soya et du maïs — et, de l'autre, les fruits et les légumes qui sont parfois cultivés à des fins de consommation au pays même. Lorsqu'il y a de l'innovation, on constate que c'est parfois du côté des produits de consommation. Les choses commencent à plus petite échelle comme, par exemple, dans le cas de la pomme de terre Innate.

M. Affleck : Pour ce qui est du lien entre la taille des exploitations et l'adoption des nouvelles technologies, je ne crois pas que l'agriculture moderne devrait nécessairement être associée à l'agriculture massive. L'agriculture moderne est une agriculture efficiente et durable. Il y a assurément de la place pour des entreprises de toutes les tailles. Il y a des possibilités de créneaux locaux pour les agriculteurs ainsi que des occasions pour les grands marchés d'exportation.

Pour ce qui est des cultures, nous avons constaté que tous ces agriculteurs ont la capacité d'adopter rapidement les technologies. Ils s'adaptent très bien. C'est l'un des avantages au Canada. Notre saison de croissance ne dure pas toute l'année, mais nous comptons sur des agriculteurs qui savent comment adopter rapidement les technologies. Voici un exemple donné par Soy Canada durant une réunion à laquelle j'ai participé récemment : l'approbation d'une technologie a été retardée pendant quelques années en raison du système d'approbation européen. Elle l'a été approuvée en mars et, ce printemps-là, 40 p. 100 des cultures de soya ont adopté cette nouvelle technologie. Par conséquent, une proportion de 40 p. 100 du soya au Canada était passée à cette nouvelle technologie en deux mois alors que, habituellement, les producteurs achètent leurs semences des mois d'avance.

Les gens sont à l'affût de ces technologies. Ils savent qu'elles s'en viennent et ils sont prêts à les adopter dès qu'elles sont proposées. Je crois que cela s'applique à tous les agriculteurs dans le domaine des cultures.

[Français]

Le président : Avant de terminer, si vous aviez une recommandation à faire au comité, quelle serait-elle?

[Traduction]

M. Prouse : Elles concerneraient le régime de réglementation du Canada. Ce régime doit être plus rapide et plus souple afin qu'on puisse fournir ces technologies aux agriculteurs du Canada. Nous avons la capacité de faire du Canada un centre mondial d'innovation agricole, et cette innovation fera par la suite de nous un chef de file dans la lutte aux changements climatiques. Nous avons la capacité, mais il faut agir, et agir de façon audacieuse. Ce serait notre principale recommandation. Il y a une possibilité extraordinaire que nous pouvons saisir au Canada.

Le président : Merci beaucoup de vos exposés, messieurs.

(La séance est levée.)

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