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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 30 - Témoignages du 1er juin 2017


OTTAWA, le jeudi 1er juin 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour poursuivre son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je déclare la séance du Comité de l'agriculture et des forêts ouverte. Soyez tous les bienvenus. Aujourd'hui, le comité continuera son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier. Je suis Ghislain Maltais, un sénateur du Québec. Je vais demander aux membres du comité de bien vouloir se présenter, en commençant par ma gauche ce matin.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kenneth Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le président : Je vous remercie. Aujourd'hui, de l'Association des chemins de fer du Canada, nous sommes heureux d'accueillir M. Michael Bourque, président-directeur général, et M. Michael Gullo, directeur, Politiques, affaires économiques et environnementales. Du Canadien Pacifique, nous recevons M. Robert Taylor, vice-président adjoint, Défense des intérêts nord-américains, et du CN, Mme Janet Drysdale, vice-présidente, Développement corporatif, et M. David Miller, vice-président adjoint aux Affaires gouvernementales. Nous vous remercions tous d'avoir accepté de venir nous rencontrer ce matin.

Je vous présente la sénatrice Beyak, de l'Ontario, qui vient de se joindre à nous.

Monsieur Bourque, on vous écoute.

[Traduction]

Michael Bourque, président-directeur général, Association des chemins de fer du Canada : Bonjour à tous. C'est un plaisir d'être ici ce matin. Vous avez déjà présenté tout le monde, alors je ne vais pas répéter.

La question des changements climatiques est très vaste, mais pour ce matin, je vais m'en tenir à trois sujets : d'abord, je vais vous présenter un aperçu de notre réseau de chemins de fer et de notre performance environnementale. Ensuite, je vais aborder l'incidence des diverses politiques en matière d'émissions de carbone sur le secteur ferroviaire et ses clients. Pour terminer, je vais formuler des recommandations quant à la façon dont les gouvernements peuvent soutenir les efforts visant à réduire les émissions carboniques au Canada.

Le réseau ferroviaire canadien, qui comprend environ 44 000 kilomètres de voies ferrées, est exploité par le Canadien National, le Chemin de fer Canadien Pacifique et environ 60 compagnies de chemin de fer d'intérêt local qui déplacent collectivement chaque année des marchandises et des biens d'une valeur de 280 milliards de dollars. Le trafic ferroviaire compte pour environ 50 p. 100 des marchandises canadiennes destinées à l'exportation et 70 p. 100 du trafic interurbain des marchandises au pays.

Les changements climatiques sont une menace pour nos écosystèmes naturels, ce qui a en retour le potentiel de nuire à l'exploitation ferroviaire et, bien sûr, aux activités de nos clients. Nous sommes conscients de la nécessité d'innover et de collaborer à des solutions durables. C'est pourquoi les chemins de fer travaillent chaque année avec leurs clients et leurs partenaires de la chaîne d'approvisionnement afin de se préparer à l'évolution des conditions météorologiques et à s'y adapter. Cela comprend des plans pour l'arrivée hâtive de l'hiver, des plans en cas d'inondation et des systèmes de surveillance des talus et des avalanches qui sont en place dans l'ensemble de notre réseau. Le CN et le CP réinvestissent chaque année près de 20 p. 100 de leurs recettes dans leur infrastructure et leurs actifs.

Les compagnies de chemin de fer canadiennes ont une longue feuille de route en matière de collaboration avec le gouvernement du Canada en ce qui concerne la réduction des émissions qu'elles produisent. Cela remonte à 1995, par la signature d'un engagement sur 10 ans à réduire nos principaux contaminants atmosphériques. Plus tard, en 2006, l'attention s'est portée sur les GES, et nous avons signé avec le ministre fédéral des Transports un protocole d'entente sur cinq ans établissant des cibles volontaires de réduction des émissions pour le transport des voyageurs et le transport des marchandises de tous les chemins de fer au Canada.

Ce PE a été une réussite et a été renouvelé pour couvrir le rendement de 2011 à 2016. Le PE est conséquent et prévoit une participation directe de Transports Canada et d'Environnement et Changement climatique Canada, ainsi que de Pollution Probe. Nous produisons chaque année un rapport sur nos résultats, qui est examiné par des pairs et est assujetti à un audit mené par un vérificateur indépendant et agréé.

La technologie joue un rôle crucial dans la réduction des émissions des trains. Les technologies nouvelles et émergentes telles que les dispositifs de démarrage et d'arrêt, les dispositifs antiralenti et les manettes de poussée sont des outils clés pour réduire les émissions.

L'entretien de l'infrastructure et des voies joue aussi un rôle primordial. Comme le carburant représente une des dépenses les plus importantes des compagnies de chemin de fer, le déplacement efficace des trains dans les gares de triage et sur la voie principale est capital. Les interrupteurs de chaleur, la lubrification des rails et la soudure des rails ne sont que quelques exemples du soin apporté pour veiller à ce que les trains circulent en douceur et en amoindrissant la friction.

L'arrivée de la puissance de traction répartie a aussi été importante. La puissance de traction répartie est la distribution physique, à des points intermédiaires tout au long du train, de groupes de force motrice distincts. Ce concept a permis la constitution de trains plus longs et plus efficients.

Des pratiques d'exploitation évoluées, axées sur une utilisation améliorée des actifs, ont aussi permis de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre du secteur ferroviaire. Les chemins de fer ont pu optimiser l'utilisation des wagons et des locomotives, ce qui donne au client la possibilité de mieux planifier les arrivées et départs des expéditions. Le résultat net est une économie supplémentaire de carburant et une réduction des émissions.

Grâce à l'utilisation de la technologie moderne, les chemins de fer ont réussi à réduire leurs émissions malgré l'augmentation du flux. Depuis 1990, les tonnes-kilomètres payantes, qui sont la meilleure mesure d'une charge de train de fret, ont marqué une hausse de 80 p. 100 alors que le volume de GES a chuté de plus de 40 p. 100.

Le message principal que vous devez retenir aujourd'hui est que les approches que j'ai exposées sont rendues possibles par la capacité du secteur ferroviaire d'investir dans son infrastructure et ses actifs, ce qui bien sûr dépend d'un cadre réglementaire favorable à l'investissement ainsi qu'à l'innovation.

Je vais maintenant aborder les conséquences des politiques sur le carbone pour le secteur ferroviaire et ses clients.

Les chemins de fer sont assujettis à l'ensemble des politiques régionales et nationales sur la tarification du carbone. Cela comprend les dispositions fiscales en vigueur en Colombie-Britannique et en Alberta et les approches fondées sur le marché adoptées en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse. Au niveau fédéral, les chemins de fer seront assujettis à la Norme sur les carburants propres proposée et au filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone, une fois qu'il sera mis en œuvre l'an prochain.

L'ACFC est fermement convaincue que le déploiement des stratégies provinciales et fédérales sur la tarification du carbone n'a tenu compte qu'après coup des entreprises linéaires, comme les chemins de fer, dont les activités traversent différentes régions administratives. Par exemple, nos compagnies de chemin de fer de catégorie 1 sont tenues de satisfaire à de multiples exigences administratives et de production de rapports qui se dédoublent souvent. C'est excessif que de demander aux compagnies de chemin de fer de se conformer à des politiques sur les changements climatiques qui changent d'une province à l'autre.

Bien que la nuée de politiques sur les changements climatiques auxquelles l'exploitation ferroviaire est assujettie soit complexe et constitue un lourd fardeau administratif, le carburant est le dénominateur commun de réglementation de toutes ces politiques.

Donc, qu'est-ce que les gouvernements peuvent faire pour soutenir les efforts de réduction des émissions au Canada?

L'ACFC invite les décideurs gouvernementaux à reconnaître que l'industrie ferroviaire fait partie de la solution aux changements climatiques. Le transport ferroviaire est quatre fois plus écoénergétique que le transport par camion, et un litre de carburant peut déplacer une tonne de marchandises sur plus de 200 kilomètres; c'est la distance d'ici à Montréal. En outre, un seul train de marchandises peut éliminer environ 300 camions du réseau routier engorgé. Je dois en avoir vu autant la dernière fois que je suis venu de Toronto; ce serait bien d'en débarrasser nos routes.

Nous avons récemment mené un examen interne de la consommation de carburant et des volumes de marchandises déplacés par les secteurs du transport routier et du transport ferroviaire; ses conclusions étaient qu'un déplacement de seulement 10 p. 100 du transport par camion au transport ferroviaire permettrait au Canada de réduire ses émissions de 3,7 mégatonnes d'équivalent CO2. Les autres avantages comprendraient la réduction de la congestion et une usure moindre du réseau routier du pays. En comparaison, on estime que le système d'imposition de la Colombie- Britannique produira une réduction de 3 mégatonnes d'ici 2020.

L'ACFC croit que le gouvernement peut jouer un rôle crucial dans la réalisation de la transition modale en veillant à ce que les recettes de la tarification du carbone soient réinvesties dans l'infrastructure ferroviaire au bénéfice des clients prospectifs du transport ferroviaire.

Le Québec montre déjà l'exemple : les recettes de son programme de plafonnement et d'échanges sont réinvesties dans des programmes qui permettent aux expéditeurs de compenser les coûts associés à l'établissement d'un accès ferroviaire. Autre exemple, le gouvernement fournit des ressources aux chemins de fer pour les aider à moderniser leur parc et à réduire encore davantage les émissions. Ces programmes portent des fruits et ont été renouvelés parce qu'ils produisent des résultats valables. On compte parmi les récents projets parrainés par le gouvernement des investissements dans les voies ainsi que dans des installations et centres de transbordement.

Le gouvernement fédéral compte promulguer une Norme sur les carburants propres pour tous les secteurs de l'économie, y compris le secteur forestier, celui des produits du papier et le secteur agricole. Cette norme vise à réduire les émissions de GES de 30 mégatonnes d'ici 2030. Nous sommes pleinement conscients des défis possibles auxquels nos clients pourraient être confrontés pour satisfaire aux exigences de la norme, car bon nombre d'entreprises ont déjà investi dans les procédés de production les moins énergivores. Nous recommandons par conséquent que le gouvernement reconnaisse le transport ferroviaire des marchandises jusqu'aux marchés comme un moyen de conformité pour ces secteurs. L'ACFC croit pouvoir faire pencher la balance et ainsi aider les secteurs forestier et agricole à atteindre leurs objectifs.

Nous vous remercions de l'occasion qui nous a été donnée de faire un exposé aujourd'hui et nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.

[Français]

Le président : Je vous remercie. J'aimerais vous présenter deux autres sénateurs membres du comité : le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse, vice-président du comité, et le sénateur Woo, de la Colombie-Britannique. Nous allons maintenant passer à la période des questions.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci de nous avoir présenté votre exposé. Il y a deux ou trois éléments que vous avez soulevés dont j'aimerais qu'on discute.

Je serais étonné si l'un de nous ici remettait en question ce que vous avez dit à propos des énormes avantages qu'on pourrait tirer si on transférait 10 p. 100 du transport par camion au transport ferroviaire en ce qui concerne les émissions de CO2 ainsi que la réduction de la congestion et de l'usure du réseau routier, et cetera.

Cela dit, des efforts ont-ils été déployés afin d'encourager le déplacement du transport par camion au transport ferroviaire? Les témoins nous parlent souvent du grand nombre de problèmes — et ça ne se limite pas à cette étude — liés à la disponibilité, au bon moment, au bon endroit, des wagons pour acheminer les produits au marché. Il y a un exemple que je donne souvent : il y a un producteur de légumineuses en Saskatchewan qui est prêt à acheminer son produit au marché. Il demande à l'avance des wagons pour transporter son produit jusqu'au port en Colombie- Britannique afin de l'expédier à ses clients en Asie. L'ensemble des compagnies de chemin de fer — les deux plus grandes compagnies — sont incapables de respecter les délais. Puis, le matin, ce même producteur voit, en prenant son café, le train qui passe au loin. Il peut voir une suite ininterrompue de wagons porte-conteneurs vides se diriger vers l'ouest.

Je comprends que vous pouvez prévoir où se trouveront les wagons, mais vous ne savez pas où se trouvent les conteneurs. Vous devez être en mesure de fournir des services à vos clients. Ma première question est donc la suivante : quelqu'un est-il en train d'essayer de régler ce problème? C'était le premier problème.

Deuxièmement, il y a ce problème récurrent que nous avons depuis deux ou trois ans relativement à la disponibilité des wagons pour acheminer le grain au marché. Je viens de parler des légumineuses, et vu la grande valeur de nos cultures, il faut qu'elles se rendent au marché. Lorsque la crise a éclaté, le gouvernement a tiré la sonnette d'alarme, pour ainsi dire, et les deux compagnies de chemin de fer ont réagi, mais sous une très grande contrainte. Nous n'avons pas commencé à cultiver le grain la semaine dernière. Nous sommes un chef de file mondial pour la production de ce produit, et ce, depuis longtemps. C'est une de nos cultures les plus importantes... Le canola, et tout le reste. Que faites- vous actuellement pour régler ce problème?

Par l'intermédiaire de mon iPad ou de mon téléphone cellulaire, les gens peuvent savoir où je suis. En cas de besoin, ils peuvent communiquer avec moi n'importe où, tandis que vous n'êtes même pas en mesure de savoir où se trouvent vos wagons pour qu'ils soient au bon endroit et au bon moment pour acheminer des produits au marché en bon état afin que nous puissions obtenir le prix le plus élevé.

Monsieur Bourque : Laissez-moi répondre de façon assez générale à la première question. Janet pourra vous en dire plus long en ce qui concerne les légumineuses alimentaires, et Robert, à propos du grain.

L'efficacité grandissante des chemins de fer — en particulier les chemins de fer canadiens — a entraîné un déplacement progressif du transport par camion vers le déplacement ferroviaire, puisqu'il peut compétitionner sur des distances de plus en plus courtes. Évidemment, les compagnies ont donc intérêt à encourager les clients à transporter leurs marchandises par chemin de fer plutôt que par camion. Malheureusement, il arrive souvent qu'un agriculteur, qu'un producteur ou qu'un client potentiel ne puisse pas utiliser le transport ferroviaire parce qu'il n'y a pas d'infrastructure ferroviaire près de son installation.

Dans ma déclaration, j'ai parlé du programme du Québec; dans ce programme, un financement est accordé aux producteurs et agriculteurs du Québec afin qu'ils construisent l'embranchement de voie ferrée nécessaire pour connecter le chemin de fer à leur exploitation. C'est le gouvernement qui paye, parce qu'il s'est engagé à favoriser le transport des marchandises par chemin de fer afin de réduire les émissions de carbone, lesquelles sont calculées chaque année. En d'autres mots, l'expéditeur doit expédier ses marchandises par rail chaque année, et on lui accorde un crédit — qui a une valeur en argent — correspondant à la quantité de marchandise expédiée par chemin de fer au lieu de par camion. Le Québec a réussi à réduire ses émissions en utilisant le programme de cette façon.

Je vais laisser les représentants des compagnies de chemin de fer répondre plus en détail aux questions concernant le grain et les clients connexes.

Janet Drysdale, vice-présidente, Développement corporatif, CN : C'est une bonne question; il faut s'intéresser à la façon dont le grain se rend au marché. Il y a deux choses à prendre en considération. Certaines des cultures spéciales — en particulier les légumineuses alimentaires de la Saskatchewan — vont être transportées par conteneurs parce qu'elles sont assujetties à un type de programme d'exportation où la valeur est élevée pour les petits lots. Pour acheminer vers l'Ouest du Canada le grain en vrac, on utilise habituellement des wagons-trémies.

Le CN a réalisé de grands progrès cette année, tout particulièrement en prévision des récoltes de cette année, le 1er août. Ce que nous avons fait, c'est négocier avec nos clients des contrats comportant des sanctions et des mesures incitatives réciproques pour la fourniture et l'utilisation des wagons. En résumé, nous allons donner de l'argent aux clients lorsque nous n'arrivons pas à fournir les wagons demandés. À l'inverse, nous allons évidemment demander aux clients de nous indemniser lorsqu'ils ne sont pas capables de charger les wagons fournis. Cette approche pour acheminer le grain au marché exige une collaboration très étroite.

Je dirais aussi que c'est important de garder à l'esprit qu'il s'agit d'une chaîne d'approvisionnement, d'abord et avant tout. Le chemin de fer n'est qu'un élément de cette chaîne. Ne croyez pas non plus que nous sommes en mesure de transporter une récolte entière en trois ou quatre mois. Nous n'avons pas les ressources ferroviaires nécessaires, et il n'y a pas de réseau de silos de collecte adéquat. Fait plus important encore, l'infrastructure portuaire ne nous permet pas d'acheminer l'ensemble de la récolte dans une période très courte.

Il y a eu des semaines — pas plus que quelques-unes je dirais — où nous n'avons pas été en mesure de répondre à la demande hebdomadaire en wagons. Les clients devaient attendre à la semaine suivante, en général. Toutefois, actuellement, je peux affirmer que nous répondons à toutes les demandes, et c'est le cas pour la majeure partie de la campagne agricole. Notre arriéré est inexistant. Présentement, nous avons même quelques milliers de wagons en attente. Nous savons où ils se trouvent. Nous avons voulu les garer dans des endroits facilement accessibles. La période d'ensemencement a entraîné un petit creux dans la demande chez les agriculteurs, mais nous voulons pouvoir mobiliser les wagons lorsque ce sera nécessaire afin de répondre à la demande.

Encore une fois, la réussite d'une chaîne d'approvisionnement suppose un effort collectif; chaque composante de la chaîne doit communiquer rigoureusement et travailler en étroite collaboration avec les autres si on veut en maximiser l'efficience.

David Miller, vice-président adjoint, Affaires gouvernementales, CN : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose à propos des légumineuses alimentaires. Un point important qu'il faut garder à l'esprit est le fait que le CN n'est pas le propriétaire des conteneurs, pas plus qu'il ne peut les administrer. De façon générale, les conteneurs sont la propriété des compagnies de navigation, et, dans certains cas, elles veulent qu'ils reviennent au port aussi rapidement que possible; elles ne veulent pas qu'ils s'arrêtent quelque part. Ce problème n'est pas disparu au fil des ans. La situation est peut-être moins problématique aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a cinq ou six ans — je crois que les producteurs de légumineuses d'aujourd'hui en Saskatchewan sont effectivement en mesure d'obtenir le nombre nécessaire de conteneurs dont ils ont besoin pour transporter leur récolte —, mais le problème est toujours présent, et nous n'avons aucune marge de manœuvre à cet égard.

Le sénateur Mercer : Je comprends votre point de vue, même si, selon moi, n'importe quel expéditeur au port de Vancouver préférerait avoir un conteneur rempli pour lequel il a été payé qu'un conteneur vide à expédier en Extrême- Orient. Il faut que l'expéditeur puisse tirer un avantage financier.

M. Miller : C'est le cas, et un bon pourcentage des conteneurs que nous transportons sont remplis pour le voyage de retour. Malgré tout, c'est vrai qu'il arrive parfois — et ce n'était pas rare avant la récession — que les expéditeurs veulent ravoir les conteneurs le plus rapidement possible afin de les renvoyer en Asie avant de leur faire faire demi-tour. Comme je l'ai dit, je ne crois pas que c'est un problème très important pour l'instant, même si ça l'a déjà été.

Michael Gullo, directeur, Politiques, affaires économiques et environnementales, Association des chemins de fer du Canada : À dire vrai, un grand nombre de ces légumineuses alimentaires sont transportées en vrac jusqu'à Vancouver, où elles sont emballées. Un grand nombre de ces conteneurs demeurent au port, et c'est là que leurs propriétaires, les entreprises d'expédition, veulent les garder, parce que c'est facile de les expédier rapidement à un endroit ou à un autre. C'est une façon efficiente d'acheminer le produit, parce qu'il coûte de 35 $ à 40 $ la tonne pour transporter les légumineuses de la Saskatchewan à Vancouver.

Il y a deux ou trois points que j'aimerais aborder : en 2013-2014, nous avons déplacé une quantité record de grains, la plus grande quantité jusque-là; en 2014-2015, nous avons battu notre record; puis à nouveau en 2015-2016. Cette année, la quantité a un peu baissé, et nous avons fait d'importants investissements. Les compagnies de chemin de fer vont devoir penser à former le personnel maintenant au cas où il y aurait une récolte exceptionnelle pour la prochaine campagne agricole, 2017-2018. Si on se rend compte que nous avons besoin de nouvelles voies de chemin de fer, c'était l'année dernière qu'il fallait commencer à construire. On ne peut pas réagir rapidement et continuer de transporter le grain pour 35 $ à 40 $ la tonne. C'est de cette façon qu'on va compétitionner avec le grain australien aux côtes. Le système est très efficient.

La dernière chose que j'aimerais dire est qu'il y avait 24 millions de tonnes supplémentaires de grains à exporter en 2013-2014. C'était vraiment une récolte inégalée. C'est plus du double de la quantité des exportations canadiennes de potasse. Pour reprendre ce qu'a dit Janet, c'est impossible de déplacer cela du jour au lendemain. Nous y sommes arrivés, mais ça nous a pris du temps. Certains de nos systèmes n'étaient pas optimaux, c'est pourquoi nous avons — et le CP a ouvert la voie ici — conclu des accords réciproques avec nos clients dans l'industrie du grain afin qu'ils soient assurés d'obtenir la capacité qu'ils demandent. En retour, ils s'assurent d'utiliser la capacité fournie.

En 2013-2014, nous avons utilisé ce qu'on appelait un système de demande ouvert, pour que les gens puissent nous présenter des demandes sans retenue. Nous avons constaté que les gens nous demandaient 200 wagons alors qu'en réalité, ils n'en avaient besoin que de 100. L'arriéré n'a pas atteint les 150 000 wagons, mais il y a eu 150 000 demandes en suspens pour des wagons. Dès que les médias en ont eu vent, il est devenu difficile de calmer le jeu. Il n'y a que quelques semaines, pendant les jours sombres de l'hiver, où on ne transportait pas de grandes quantités de grain, même en 2013-2014.

Le sénateur Mercer : J'ai un dernier commentaire à faire. Je suis impatient de lire votre rapport sur les sanctions réciproques après une campagne agricole complète. Je veux voir combien de fois les compagnies de chemin de fer — et les expéditeurs — ont été sanctionnés, pour vérifier si cela fonctionne en pratique.

[Français]

Le président : Vous pouvez faire parvenir ces documents au greffier.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Bourque, vous dites que la taxe sur le carbone pourrait vous procurer des recettes supplémentaires. Depuis un certain temps, on semble croire que la taxe sur le carbone est la recette miracle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Tôt au tard, cette taxe sera refilée aux consommateurs et elle pourrait avoir une influence sur l'économie et le transport des marchandises. Le train est moins polluant que le camion, et peut-être plus économique aussi. Les actions visant à réduire l'usage du camion se traduiront peut-être par des coûts supplémentaires pour les consommateurs. À part les changements de comportement liés à la bonne volonté des intervenants, y a-t-il d'autres mesures que votre compagnie pourrait prendre pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre sans refiler les coûts supplémentaires aux consommateurs?

M. Bourque : C'est une très bonne question. Je vais répondre en anglais.

[Traduction]

Nous avons estimé le coût des taxes sur le carbone pour le transport ferroviaire des marchandises. En 2015, les compagnies de chemin de fer ont dû débourser 55 millions de dollars pour payer la taxe sur le carbone sur le transport ferroviaire des marchandises. Cela exclut la taxe fédérale sur l'essence. On s'attend à ce que ce montant atteigne 394 millions de dollars d'ici 2022 à cause d'une très grande augmentation des taxes sur le carbone.

En théorie, c'est vrai que le transport ferroviaire est plus efficient que le transport par camion, et les taxes sur le carbone devraient inciter les clients à passer au transport ferroviaire. Cependant, le gouvernement — et les gouvernements qui imposent une taxe sur le carbone — a la possibilité d'adopter une politique pour une taxe sur le carbone différenciée qui favoriserait le transport ferroviaire par rapport au transport par camion. Ainsi, les clients passeront plus rapidement au transport ferroviaire. C'est une option que nous encourageons.

[Français]

Le sénateur Dagenais : C'est une décision qui appartient au gouvernement. Le gouvernement qui a mis en place la taxe sur le carbone est le même que celui qui a introduit la TPS, qui devait disparaître.

Il faut tout de même aborder la question de l'utilisation du transport ferroviaire. Je viens du Québec, et j'ai l'impression que certaines voies ferrées sont devenues des pistes cyclables, parce qu'elles n'ont pas été utilisées. On parle de transport dans des régions plus éloignées. Envisagez-vous de prendre des décisions quant à la réutilisation de certaines voies ferroviaires pour le transport des marchandises? Certaines voies sont plus ou moins utilisées, entre autres dans la région de la Gaspésie.

M. Bourque : Je vous invite à venir à mon bureau. J'ai une ancienne carte des chemins de fer. Auparavant, il y avait plus de chemins de fer, bien sûr.

[Traduction]

Pour abandonner une ligne de chemin de fer, la compagnie de chemin de fer doit suivre un processus très rigoureux. Au cours des dernières années, c'est plutôt l'inverse qui s'est produit : de plus en plus de voies ferrées sont utilisées.

Je me rappelle qu'il y a cinq ans, un citoyen préoccupé de la situation nous a téléphoné pour nous dire que certaines voies ferrées allaient devenir des pistes cyclables. Il était préoccupé des problèmes que l'absence de ces voies ferrées allait causer au cas où des usines de fabrication ou autres choses du genre ouvriraient. Honnêtement, je peux comprendre son point de vue. Je crois que nous devons faire tout ce qui est possible pour entretenir le tronçon en vue d'une utilisation future, et ce, même si la voie ferrée n'est pas en service actuellement, parce que, bien sûr, une fois que les travaux d'aménagement sont autorisés, c'est très difficile de récupérer le terrain. Prenez le cas des pipelines, on a vu à quel point c'est difficile quand vous avez des gens qui vivent à ces endroits.

Mme Drysdale : La tâche d'améliorer le service de façon à ce que le transport des marchandises par camion se déplace vers notre réseau incombe indubitablement aux compagnies de chemin de fer. Le transport ferroviaire est plus efficace pour les longs trajets, cependant, nous ne pouvons pas offrir le même niveau de précision que les services de transport par camion. C'est quelque chose que nous avons vraiment essayé d'améliorer au cours des dernières années : nous voulons savoir comment nous pouvons imiter le transport par camion dans la prestation de nos services afin de pouvoir offrir une proposition de valeur qui va vraiment attirer les clients; c'est ainsi que le transport ferroviaire va contribuer à protéger l'environnement, comme nous en avons déjà parlé.

En ce qui concerne certaines voies ferroviaires moins achalandées dans certaines régions plus éloignées, c'est peut- être difficile, vu l'achalandage, de justifier les dépenses en immobilisations nécessaires pour continuer l'exploitation de ces voies. C'est que nous tirons des voies ferrées tout le financement pour l'ensemble de notre infrastructure. Le financement ne vient pas des contribuables; tout est financé de manière privée. Dans les régions éloignées, l'achalandage pose problème.

Si nous voulons continuer de progresser dans l'avenir, je crois qu'il sera essentiel que les compagnies de chemin de fer trouvent des moyens d'être plus efficientes et de promouvoir les économies d'essence afin que ce que nous offrons ait une valeur compétitive pour les clients, même en ce qui concerne le transport sur de courtes distances, où le transport par camion a tendance à l'emporter. Les technologies et les immobilisations utilisées doivent continuer d'évoluer, ce qui va soutenir nos progrès. Concrètement, notre objectif est que le transport par camion se déplace de plus en plus vers le transport ferroviaire. À mesure que nous progressons, nous allons peut-être être en mesure d'augmenter l'achalandage sur certaines de ces voies ferrées éloignées et moins achalandées, disons.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Nous entendons beaucoup parler de commerce avec les États-Unis par les temps qui courent; avez-vous une idée de la différence entre les coûts liés au transport des marchandises par wagon au Canada et les coûts aux États-Unis?

[Traduction]

M. Taylor : Les taux de fret au Canada sont les plus bas au monde, même en deçà de ceux en vigueur aux États- Unis. Le CN et le CP, au cours des 15 ou 20 dernières années, sont devenus des chefs de file mondiaux en ce qui concerne ce genre d'efficience. Ce sont les deux compagnies de chemin de fer de catégorie 1 les plus efficientes en Amérique du Nord actuellement.

Les quatre grands chemins de fer aux États-Unis — les deux à l'ouest du Mississippi et les deux à l'est du Mississippi — ont réussi à être viables sur le plan financier, mais ils y sont arrivés grâce aux tarifs de transport ferroviaire. Au Canada, les tarifs de transport ferroviaire sont stables depuis 1990, concrètement. Nous avons vraiment suivi l'inflation en ce qui concerne les taux, et nous y sommes arrivés en misant sur l'efficience opérationnelle.

Une conséquence favorable parmi d'autres — et ce n'était pas complètement fortuit, bien sûr — c'est une réduction des émissions. Nous avons réduit l'intensité de nos émissions de gaz à effet de serre de 40 p. 100, une réussite remarquable. Les deux sont liés.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur Bourque, le commentaire que vous avez fait à propos de la tarification du carbone qui diffère d'une province à une autre a retenu mon attention. J'ai une question technique à vous poser d'abord.

Comment est-ce calculé? Y a-t-il un compte rendu électronique des trains et du nombre de wagons qui franchissent chaque frontière, ou est-ce vous qui produisez chaque mois ou chaque trimestre un document à cet égard pour les diverses provinces?

M. Bourque : C'est une question assez technique. Michael, voulez-vous essayer d'y répondre, ou bien peut-être que Janet connaît mieux la façon dont cela fonctionne.

M. Gullo : C'est une question technique, et il est compliqué d'y donner une réponse très concise, mais, si vous regardez l'ensemble des diverses stratégies de tarification du carbone, qu'elles soient mises en œuvre à l'échelon provincial ou fédéral, vous commencez dans l'Ouest. En Colombie-Britannique, il y a une taxe. En Alberta, il y a une redevance. Si vous allez vers l'est, il y a des systèmes de plafonnement et d'échange en Ontario et au Québec, puis il y a aussi la Nouvelle-Écosse, qui a déclaré son intention d'aller de l'avant et de mettre en place un système de plafonnement et d'échange semblable. À l'échelon structurel, les systèmes sont tous conçus pour faire la même chose, c'est-à-dire tarifier le carburant. En réalité, l'endroit où a lieu la transaction dépend de la façon dont une compagnie ferroviaire achète son carburant auprès de son fournisseur. C'est différent dans l'Ouest, et c'est différent dans l'Est.

Si vous achetez votre carburant auprès d'un fournisseur ferroviaire dans l'Ouest, comme il s'agit d'un système fiscal, comme un instrument financier, vous pouvez voir que des taxes figurent sur votre facture. C'est donc fondé sur les transactions.

Dans l'Est, où on applique un système de plafonnement et d'échange, c'est un peu plus complexe et, honnêtement, ce n'est pas aussi transparent que les systèmes qui existent dans l'Ouest, car la transaction de carburant qui déclenche les exigences réglementaires a lieu au moment où le carburant arrive sur le marché. Souvent, ce peut être entre un producteur de carburant et un détaillant, alors la compagnie ferroviaire ne voit pas quelles sont ces taxes ou quels sont les coûts du carbone. Elle achète simplement le carburant, et il n'y a pas de poste budgétaire distinct comme c'est le cas dans l'Ouest, dans le cadre du système de taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique.

Pour répondre à votre question, la façon dont vous pouvez le voir dépend de la région, mais le facteur ultime, c'est le prix du carburant.

Le sénateur Ogilvie : Alors, vous ne payez la taxe qu'à l'endroit où le carburant est acheté, quelle que soit la distance que parcourt le train grâce à ce chargement de carburant?

Mme Drysdale : Non, en fait, c'est fondé sur la consommation de carburant dans la province ou le territoire où existe le cadre réglementaire principal. Dans le cas de la Colombie-Britannique, où une taxe sur le carbone est imposée, nous devons savoir exactement combien de carburant nous consommons dans la province. Cela tient en quelque sorte nos responsables des taxes occupés à effectuer ces calculs et à travailler sur les détails techniques. Quant à la simplicité administrative, je pense que Michael a tout à fait raison; il est plus facile d'administrer une taxe.

Cela dit, nous sommes favorables à la façon de faire du Québec, qui a pris les devants, et des programmes que cette province a mis en œuvre parce que les sommes qui sont recueillies dans le cadre du programme de plafonnement et d'échange sont par la suite réinvesties pour aider à subventionner des clients, par exemple, qui n'ont pas accès au chemin de fer dans leur installation et pour encourager la conversion du mode routier au mode ferroviaire. Nous estimons que ce programme fonctionne très bien.

Le sénateur Ogilvie : Là où j'essaie d'en venir, c'est à la difficulté de faire des affaires dans ce pays qui est divisé en provinces. Il me semble que, si vous traversez 10 frontières à bord d'un train donné qui part de Vancouver et va vers l'est, que vous traversez 8 ou 9 provinces en cours de route et que vous payez des frais dans chacune de ces provinces, la première question est la suivante : Payez-vous des frais dans chacune de ces provinces? Peu m'importe sur quoi c'est fondé. Payez-vous un tarif sur le carbone dans chaque province?

Mme Drysdale : Aujourd'hui, la Colombie-Britannique, l'Alberta et le Québec sont les trois provinces qui ont établi un cadre. Mais vous avez raison : à mesure que d'autres provinces mettront en œuvre leur propre système, chacune aura établi une version différente.

Le sénateur Ogilvie : Voilà où je veux en venir. Nombre d'entre nous ont étudié bien des aspects des tentatives faites par des entreprises qui sont vastes dans le but de faire des affaires au Canada et d'être concurrentielles par rapport à d'autres pays. Il me semble que, dans une situation où des gouvernements imposent une redevance, je pense — en grande partie pour des raisons politiques, pas pour la compréhension totale de quoi que ce soit en ce qui a trait aux problèmes à long terme, surtout en ce qui concerne la situation canadienne par rapport aux pollueurs mondiaux, où nous sommes très faibles par rapport au monde en général —, les difficultés qui tiennent aux régimes différents d'une province à une autre qui constituent à elles seules un énorme fardeau. C'est le cas dans l'industrie des transports en général.

Mme Drysdale : Oui, vous avez raison.

Le sénateur Ogilvie : Je sais que vous êtes parfois en synergie avec le camionnage, mais parfois en concurrence avec ce mode de transport... mais tous les éléments d'un système étendu de transport font face à des coûts.

M. Taylor : Oui, ce n'est pas idéal. Je ne me lancerai pas dans un débat politique ou stratégique relatif au carbone, mais, d'un point de vue administratif, c'est très complexe. Nous tentons de régler certains de ces problèmes, actuellement, pendant le déploiement, car, d'ici 2018, ce sera déployé dans l'ensemble du pays. Le Canada va intervenir si les autres ne le font pas. D'un point de vue administratif, ce n'est pas idéal.

Le sénateur Ogilvie : Alors, j'ai obtenu la réponse qui va être le fondement de ma question, c'est-à-dire : comment vous organisez-vous pour essayer? Nous voilà à nous faire imposer un nouveau coût pour faire des affaires au Canada. Toutes les provinces ont fait l'objet de lobbying de la part d'intervenants qui voulaient se débarrasser de coûts frontaliers différentiels imposés à ceux qui font des affaires. Voici quelque chose de nouveau qui est instauré. Je sais qu'il s'agit d'un enjeu politique, alors les provinces n'ont aucune motivation à faire quelque chose qui aide le pays dans son ensemble, mais vous êtes une industrie qui traverse toutes ces frontières. D'autres industries font de même, certes, dans le domaine des transports.

Un effort collectif est-il déployé dans le but de tenter de convaincre ces gens une bonne fois pour toutes du fait que, s'ils doivent imposer un coût à ceux qui font des affaires, ce devrait être fait de la manière la plus efficiente possible pour les compagnies de transport qui font face à ces frais? Votre industrie déploie-t-elle un grand effort dans le but de les convaincre d'harmoniser ce genre de question?

Compte tenu de tous les appareils électroniques dont nous disposons, de nos jours, je peux parcourir les États-Unis, muni d'un gadget qui répartit le coût de mes péages entre les divers États sans même que je m'en aperçoive... Je verrai seulement le coût total. Il me semble que, dans le cas de quelque chose d'aussi crucial que les transports, nos provinces devraient travailler collectivement et avec le gouvernement fédéral à l'établissement d'une réglementation qui, au moins, réduit au minimum vos coûts de traitement. Vous ne pourrez pas régler le problème politique lié à l'imposition de ces frais, mais vous avez sûrement un moyen de tenter de formuler le besoin de disposer du moyen le plus efficient possible de traiter ces frais.

M. Bourque : Je vais tenter de répondre à cette question, en m'exposant à un grand risque.

Pour revenir à la raison pour laquelle nous avons des programmes provinciaux, je pense qu'un certain nombre de provinces — pour être juste envers elles — ont pris des mesures parce que rien n'était fait à l'échelon fédéral. Voilà ce qui a créé la mosaïque. Si le gouvernement fédéral avait agi plus rapidement en ce qui a trait au volet de la taxe sur le carbone, alors, il aurait pu établir un point d'ancrage dans des industries comme la nôtre, qui traversent toutes les frontières.

Je pense que la façon dont nous devons procéder, maintenant, c'est à l'envers. Nous devons attendre que toutes les provinces acceptent d'établir une taxe sur le carbone, puis envisager le programme fédéral pour tenter d'obtenir une harmonisation après coup. C'est tout simplement la réalité. L'autre réalité, c'est que, entretemps, nous employons des vérificateurs supplémentaires, des experts fiscaux, des aides-comptables et d'autres personnes qui doivent faire le suivi de tout, afin que nous soyons conformes aux règles de tous les gouvernements.

Le sénateur Ogilvie : Monsieur le président, j'abandonne. Merci.

M. Taylor : Nous nous concentrons là-dessus à l'échelon provincial et tentons maintenant de travailler sur les détails. Cela devient compliqué parce qu'il doit y avoir une piste de vérification dans tous les cas et qu'il s'agit d'une taxe, alors ce n'est pas simple.

Les bons dirigeants de l'ACFC ont réalisé une étude sur le prix de la conformité, que nous pouvons communiquer au comité. Il s'agit du chiffre que Michael vient tout juste de mentionner, c'est-à-dire plus de 300 millions de dollars. Nous pourrions examiner le fardeau administratif, car tous ces régimes sont différents, et ils comportent tous leur propre genre de complexités. C'est un dossier très chaud pour moi, actuellement, ainsi que pour notre équipe fiscale et notre équipe d'approvisionnement.

M. Bourque : La somme va d'environ 50 à 400 millions de dollars, de 2015 à 2022. C'est une courte période et une courbe à forte pente.

M. Taylor : Nous devons établir où nous consommons du carburant et où nous nous le procurons. C'est compliqué.

Le sénateur Ogilvie : Merci.

Le sénateur Pratte : J'ai une question de suivi rapide à poser, afin que je comprenne exactement quelle est votre position à cet égard. Idéalement, si je comprends bien, vous établiriez un système national de plafonnement et d'échange, où les sommes seraient réinvesties dans des programmes qui aideraient votre industrie ainsi que d'autres industries.

M. Bourque : Chaque approche comporte des avantages et des inconvénients. La taxe directe sur le carbone est plus facile à administrer et est plus transparente, mais, ce que nous aimons du programme de plafonnement et d'échange, c'est que l'argent qui est recueilli est réinvesti dans des efforts visant à tenter d'accroître le nombre de clients qui peuvent utiliser la voie ferrée. Nous parlons d'un changement de mode. C'est ce qui nous intéresse. Comme le souligne Janet, on ne peut pas se rendre jusqu'à un magasin Walmart en train. On utilisera encore le camionnage pour les courtes distances, mais, si nous pouvons optimiser la chaîne d'approvisionnement de manière à ce qu'une plus grande partie des longues distances se fassent par train et fournir les bonnes politiques qui encourageront le changement de mode, alors, ce pourrait être une combinaison.

Plus tôt, j'ai mentionné que je crois vraiment que l'une des choses que peuvent faire les gouvernements, c'est établir une taxe sur le carbone différenciée pour les modes ferroviaire et routier. Oui, il est vrai que, dans le cas d'une simple taxe sur le carbone, comme nous sommes plus efficients, les clients graviteraient naturellement vers le mode ferroviaire, mais nous avons pris des engagements qui nous obligent à réduire les émissions. Nous avons raté ces cibles de façon répétée. Si le gouvernement est sérieux quand il dit vouloir atteindre des cibles, il dispose de ces outils potentiels pour accélérer le changement de mode et, par conséquent, accélérer la réduction des émissions grâce aux chemins de fer. En même temps, cela ne nuit pas à l'économie. De fait, c'est favorable à l'économie. Peu d'industries peuvent arriver en disant : « Nous pouvons réduire les émissions et accroître la production. » Mais nous pouvons l'affirmer.

Le sénateur Pratte : Ainsi, vous n'avez pas vraiment de préférence pour un système de plafonnement et d'échange; cela dépend de la façon dont l'argent est utilisé. Vous pouvez établir un programme de taxes où l'argent est réinvesti. Vous n'avez pas de préférence pour un système de plafonnement et d'échanges; en réalité, cela dépend de la façon dont l'argent est réinvesti.

M. Taylor : En fait, nous préférons une taxe, peut-être en raison de sa simplicité. En Colombie-Britannique, on a établi une taxe sur le carbone qui, de façon générale, était sans incidence sur les recettes; celle de l'Alberta était un peu différente. D'un point de vue administratif, l'établissement d'une taxe nationale sur le carbone serait probablement la solution la plus simple. Je pense qu'il est juste de le dire.

Le sénateur Pratte : Merci.

La sénatrice Beyak : Merci de votre exposé. Je suis une grande adepte du chemin de fer. Mon père et ma mère n'avaient pas de voiture. Nous allions partout en train.

Je milite également en faveur des taxes. Je ne pense pas que nous ayons besoin de taxes... de taxes sur le carbone ou de système de plafonnement et d'échange. Tout le monde sait que le ministre nous avertit constamment du fait que la pollution n'est pas gratuite. Nous le savons tous, mais nous payons déjà des impôts jusqu'au milieu du mois de juin... les entreprises et les citoyens. J'aimerais constater une utilisation plus sage de ces sommes.

Je me pose la même question que le sénateur Ogilvie. Quel genre de stratégie avez-vous établie en collaboration afin de dire au gouvernement que les chemins de fer sont importants? Je pense que, depuis des décennies, les gouvernements n'ont pas investi assez dans nos chemins de fer de calibre mondial de partout au pays. Nous les avons construits à travers les montagnes et avons accompli une tâche impossible, et je ne crois pas qu'on leur accorde la priorité qu'ils méritent. Faites-vous du lobbying auprès du gouvernement en faveur du transport ferroviaire de passagers et de marchandises afin de le rendre plus prioritaire?

M. Bourque : L'Association des chemins de fer du Canada représente le transport ferroviaire de passagers et de marchandises, et, dans le volet passagers, nous avons des chemins de fer touristiques, comme le Rocky Mountaineer, nous avons VIA, et nous avons des chemins de fer de banlieue, comme ceux de GO et de l'AMT. Nous avons extrêmement intérêt à promouvoir les chemins de fer de toutes sortes.

Je souscris à votre opinion selon laquelle il s'agit d'un domaine sur lequel nous devrions nous concentrer parce que l'argument que nous faisons valoir en faveur d'un changement de mode du côté des marchandises est aussi vrai du côté des passagers. Par exemple, dans le cas de la proposition qu'a présentée VIA concernant l'augmentation de la fréquence des voyages en train prévus entre Montréal, Toronto et Ottawa, l'une des statistiques qu'ont présentées les proposants, que je trouve convaincante, c'est que, actuellement, des voyages effectués entre ces trois villes, 82 p. 100 sont faits en voiture. Cela représente beaucoup d'occasions faciles à saisir. Pourquoi les gens se déplacent-ils en voiture? Eh bien, nombre d'entre eux n'aiment pas prendre l'avion ou trouvent que cela coûte trop cher, ou bien ils se rendent à des endroits qui ne sont pas bien desservis par le mode aérien. Ces genres d'initiatives peuvent aider à obtenir un changement de mode pour les humains, si on veut.

Le sénateur Oh : J'ai une question qui donne suite à celle du sénateur Mercer. Les deux premières villes en importance, Montréal et Toronto... Si on y va en camion, sur la route, c'est probablement de sept à huit heures, porte à porte. Le mode ferroviaire peut-il être concurrent par rapport à ce temps de déplacement, pour un service porte-à- porte? Les frais d'expédition sont la clé pour toute entreprise, et, dans le cas d'un service porte-à-porte entre Montréal et Toronto, êtes-vous en mesure d'être concurrentiels du point de vue du temps et du coût par rapport au transport de marchandises par camion?

Mme Drysdale : Le marché de Montréal à Toronto est probablement l'un de ceux où il est le plus difficile pour le mode ferroviaire d'être concurrentiel par rapport au mode routier parce que ce trajet est encore considéré comme un déplacement sur une courte distance. Nous connaissons beaucoup de succès du point de vue de la concurrence pour les trajets de Montréal-Toronto vers Calgary, Edmonton ou Vancouver, mais, pour ce qui est du segment de courte distance s'étendant de Toronto à Montréal, et surtout en ce qui concerne le service porte-à-porte, le mode ferroviaire a encore de la difficulté aujourd'hui à être concurrentiel dans ce genre de corridor. C'est l'un des éléments sur lesquels nous nous concentrons : comment pouvons-nous régler ce problème dans l'avenir, et comment la technologie et l'innovation peuvent-elles nous aider à apporter certaines de ces solutions de façon à ce que nous puissions être plus concurrentiels sur cette courte distance? Certes, la mise à profit du rendement du carburant fera partie de cette solution, mais, aujourd'hui, il est encore très difficile d'être concurrentiel dans ce court corridor.

M. Taylor : Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Il y a quelques années, au CP, nous avons instauré un service express appelé Expressway afin de livrer une concurrence directe au camionnage. C'est un service intermodal qui est unique. Il ne s'agit pas d'un wagon porte-conteneur, comme on en voit la plupart du temps; on place le camion sur une plateforme. Ce service visait à faire concurrence au camionnage entre Montréal et Toronto, mais il n'a pas connu beaucoup de succès.

Nous — les deux entreprises — tentons vraiment de faire croître nos activités intermodales intérieures. Nous offrons maintenant le transport en quatre jours de Vancouver à Toronto et de Vancouver à Chicago.

Dans le cadre de nos activités... Prenez l'exemple du conteneur international, disons une cargaison de souffleuses. Vous êtes situé au même endroit qu'un magasin Canadian Tire; on remplit un conteneur pour la succursale située ici, sur le chemin Coventry, et ce conteneur part d'un centre de distribution de Vancouver et va jusqu'à Toronto, puis, à bord d'un camion, jusqu'à Ottawa. Il s'agit vraiment de la base de l'activité ferroviaire, maintenant. Ces corridors très courts sont difficiles pour nous, mais nous continuons à nous concentrer sur les services que nous offrons ainsi que sur la fiabilité et la technologie pour pouvoir atteindre cette cible.

Certaines des politiques sont un peu frustrantes également. En Ontario, on a adopté le double 53. Il s'agit de deux camions de 53 pieds — ce qui rend la concurrence encore plus difficile — qui se déplacent sur une route subventionnée, alors que nous payons pour toutes nos infrastructures. Nous voulons payer pour nos infrastructures. Nous investissons 1,5 milliard de dollars par année. Nous devons investir, mais certaines des politiques nous laissent parfois un peu perplexes.

Le sénateur Oh : Vous ai-je entendu dire que vous aviez payé environ 400 millions de dollars en taxes sur le carbone, à ce jour?

M. Bourque : Non, c'est une estimation, encore une fois, fondée sur l'étude du Delphi Group que nous allons présenter au comité. Nous avons payé 55 millions de dollars en 2015, et, selon nos estimations, cette somme passera à 394 millions de dollars d'ici 2022.

Le sénateur Oh : Pour les taxes sur le carbone?

M. Bourque : Oui.

Le sénateur Oh : C'est très compliqué, et le pays est très vaste, d'une province à une autre. Pensez-vous que ce régime de taxe sur le carbone a été mis en œuvre adéquatement par le gouvernement fédéral avant d'avoir été lancé sur le marché? Il ressemble maintenant à une vache à lait, et tout le monde tente d'intervenir, toutes les provinces, et il finira par y en avoir davantage. Pensez-vous que ce régime a été planifié et conçu adéquatement avant que nous ayons mis en œuvre cette taxe sur le carbone?

M. Bourque : Nous avons tenu cette discussion il y a un instant. Je pense qu'il s'agissait d'un processus itératif dans le cadre duquel certaines des provinces ont ressenti le besoin d'adopter des taxes sur le carbone tôt.

Par exemple, le Québec exécute son programme depuis que le pays a ratifié le protocole de Kyoto, et il s'est engagé à l'égard de ces cibles. Cela fait pas mal longtemps. Pour leur accorder le mérite qui leur est dû, je souhaite souligner que les Québécois ont créé un programme qui fonctionnait très bien du point de vue des transports, et certainement pour le mode ferroviaire, car il encourage le passage du camionnage au mode ferroviaire. De fait, quand j'ai vu les représentants du Québec présenter l'exposé sur tous leurs programmes de réduction des émissions, j'ai appris que, de tous les ministères, c'est celui des Transports qui a le plus contribué à la réduction des émissions et que c'est la section ferroviaire — le programme de transition des camions aux wagons — qui a affiché la plus importante diminution pour ce qui est des émissions liées au transport. Ainsi, les Québécois ont été en mesure de faire des choses efficacement et avec succès.

Si la question consiste à déterminer comment nous procéderions si nous repartions à zéro, certes, nous sommes réglementés à l'échelon fédéral pour une raison : nous sommes une infrastructure nationale, et il serait plus logique qu'un seul programme soit établi, mais je m'attends à ce que nous finissions par y arriver.

M. Taylor : Je n'ai vraiment pas grand-chose à ajouter.

La sénatrice Petitclerc : La réponse à la plupart des questions a déjà été donnée.

Le sénateur Doyle : C'est aussi mon problème.

La sénatrice Petitclerc : Au départ, ma question concernait la concurrence entre le camionnage et le mode ferroviaire, mais ce sujet a été traité.

Je suis curieuse : comme un grand nombre d'entre nous — et vous probablement plus que quiconque —, j'ai grandi en croyant que le Canada n'est pas le meilleur pays pour le transport ferroviaire en raison de sa densité et de son étendue. Il s'agit d'une croyance répandue, je suppose, mais peut-être que ce n'est plus autant le cas. Quels autres pays sont concurrentiels et font face aux mêmes défis? Qui sont les chefs de file en matière d'efficience et d'économies ferroviaires plutôt qu'au chapitre de l'environnement? De qui nous inspirons-nous?

Mme Drysdale : Je dirais que le Canada est le chef de file mondial. Je parle du transport de marchandises dans ce contexte. C'est dû en partie à la vaste étendue géographique qui nous permet d'être très concurrentiels et de déplacer des produits. Il s'agit en réalité de la seule façon efficiente pour le Canada de déplacer des produits, en particulier une partie de nos produits exportés en vrac. L'économie en dépend, tout comme notre efficience.

Comme l'a mentionné Robert plus tôt, le CN et le CP sont les deux chemins de fer les plus efficients en Amérique du Nord, et l'Amérique du Nord possède les chemins de fer les plus efficients au monde.

La sénatrice Petitclerc : C'est bon à savoir. Merci.

Le sénateur Doyle : Vous avez parlé des nouvelles technologies qui sont utilisées pour réduire les GES produits par les locomotives et ce genre de choses. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Quelles sont exactement les nouvelles technologies mécaniques que vous utiliseriez? Vous avez dit « répartition de la puissance de traction ». Pourriez-vous nous expliquer un peu plus ce que cela signifie? Le terme désigne la répartition physique de locomotives à des points intermédiaires le long du train.

M. Taylor : L'un des facteurs clés, monsieur le sénateur, en ce qui concerne notre efficience opérationnelle qui stimule notre rendement au chapitre du carburant, ce sont les trains plus longs et plus lourds. Certains de ces trains transportent maintenant 20 000 tonnes. La seule façon de gérer les forces en présence, c'est de répartir des locomotives tout au long du train. Nous en mettons une à la tête du train, peut-être une au milieu, et peut-être une à la queue.

Au CP — je ne suis pas certain de ce qu'utilise le CN —, nous utilisons un élément technologique appelé système TrAM qui oriente la formation du train. Cela devient très complexe, car on ne peut pas placer de wagons lourds à côté de wagons vides, puisqu'on essaie toujours de gérer les forces qui s'exercent. Si on ne gère pas ces forces adéquatement, on va dérailler et propulser un wagon hors de la voie. Le fait que les trains soient plus lourds et plus longs nous permet de réduire notre temps d'arrêt, de garder les trains hors des cours et d'améliorer notre vitesse.

L'autre élément technologique qui se trouve dans la locomotive en tant que telle, c'est l'optimisateur de trajet. Le mécanicien reçoit des données en fonction du terrain pour déterminer la vitesse optimale. L'ordinateur de la locomotive se fonde sur la dénivellation pour dire au mécanicien quelle est la vitesse optimale dans ce genre de train.

Les nouvelles locomotives sont plus efficientes. Nous continuons d'investir dans les nouvelles locomotives au fil du temps. Nous avons fait une petite pause, mais nous continuons à moderniser les locomotives. Ce sont tous des avantages supplémentaires.

Je suppose que, à long terme, nous étudions le GNL, ce qui constitue un pas de géant, mais il s'agit de quelque chose que nous étudions assurément.

Si le comité avait le temps, ce serait intéressant à voir, car nous avons les plus récentes locomotives en Amérique du Nord. Nous avons un peu dépassé les autres. Auparavant, le CN avait les plus récentes. Notre centre de contrôle de la circulation ferroviaire est très fascinant à voir... la façon dont nous optimisons en quelque sorte notre réseau et la visibilité dont il jouit. À tout moment, environ 300 de nos trains se déplacent sur le chemin de fer du CP. Nous en avons dont le statut est vert, rouge, jaune, bleu, à l'avance, à temps, et puis on peut en quelque sorte cliquer et vraiment obtenir plus de détails. Un train qui reste arrêté pendant quelques heures dans une cour, c'est une mauvaise journée au CP. Nous voulons que tous nos trains soient en déplacement. C'est ainsi que nous gardons les taux bas. Voilà comment nous maintenons des coûts de carburant peu élevés. C'est une combinaison de technologies et de principes d'exploitation très solides.

L'une des raisons pour lesquelles le CN et le CP sont maintenant des chefs de file, c'est qu'en réalité, nous avons inventé le modèle d'entreprise ferroviaire de précision. Il a commencé sur le petit chemin de fer américain, mais le CN et le CP ont réellement inventé les pratiques d'exploitation permettant de stimuler cette efficience, qui améliore notre rendement au chapitre du carburant.

Mme Drysdale : J'ajouterais simplement, en ce qui concerne la technologie à bord de la locomotive, qu'il s'agit en réalité de mesurer la quantité de chevaux-vapeur qu'on utilise par rapport au nombre de tonnes que l'on tire. On ne veut pas utiliser plus de puissance que nécessaire. Il s'agit de tenter d'obtenir le bon ratio. Grâce à la nouvelle technologie à bord de la locomotive, nous sommes capables de mesurer ce paramètre, et nous sommes également capables de mesurer comment le mécanicien de locomotive manœuvre le train. Nous sommes en mesure de faire cela en temps réel.

Comme le dit Robert, nous pourrions être dans une situation de surveillance où une personne regarde ses écrans d'ordinateur et voit que le mécanicien de locomotive va un peu trop vite. Il se dépêche, mais nous savons que, d'après le terrain et la géographie, il va devoir ralentir de toute manière. Nous pouvons appeler directement le mécanicien de locomotive pour lui dire : « Vous devez modifier la façon dont vous conduisez. »

Lorsque nous parlons de technologie, c'est un aspect. Il s'agit de mettre les données à contribution, de les utiliser en temps réel et de nous améliorer encore plus en ce qui concerne l'utilisation de choses comme l'analyse prédictive et le fait de comprendre lesquelles de nos initiatives d'efficacité énergétique ont vraiment produit le plus de résultats et comment nous réinvestissons dans ces initiatives. Il s'agit de tirer parti des technologies de données, puis d'utiliser les données et de prendre de meilleures décisions grâce à elles.

M. Taylor : Si je puis formuler un argument très rapidement, l'une des choses que je trouve parfois les plus frustrantes, ce sont les gens qui regardent notre équipement. C'est la même technologie de base qui existe depuis très longtemps. L'acier contre l'acier présente un coefficient de frottement, statique et cinétique, très faible. C'est ainsi que nous nous déplaçons. Une Honda Civic peut déplacer un camion, acier contre acier. La technologie de base existe depuis très longtemps. Les gens regardent l'équipement et disent : « D'accord, c'est vieux », mais ils ne voient pas toutes les choses qui ne sont pas apparentes, tout ce qui se trouve dans les locomotives, toutes les technologies d'inspection. Je pense que nous devons nous améliorer pour ce qui est de raconter cette histoire, car nous sommes d'importants consommateurs de technologies. Nous ne sommes pas parfaits, mais la technologie a stimulé une partie de notre succès.

[Français]

Le président : Avant de conclure, j'ai deux courtes questions à poser pour faire suite aux préoccupations des passagers des trains en ce qui concerne la sécurité à l'embarquement. On sait que dans le cadre du transport aérien, c'est rendu presque à l'extrême, tandis que dans le cadre du transport par autobus, c'est ignoré. Comment cela se passe- t-il chez vous?

[Traduction]

M. Bourque : Je ne suis probablement pas la meilleure personne à qui poser la question, mais, ce que je peux vous dire, c'est qu'un réseau très complet d'experts en matière de sécurité collabore avec les services ferroviaires voyageurs, au Canada et aux États-Unis, et dans l'ensemble du Canada. Un certain nombre de mesures sont en place, que les passagers ne voient pas. Récemment, des discussions ont été tenues au sujet de l'obligation d'examiner par radioscopie les sacs des passagers, ainsi de suite, comme dans les aéroports. Étant moi-même passager, je peux affirmer que personne n'a hâte d'être tenu de faire cela. Ce que je proposerais, c'est que, s'il s'agit d'un aspect qui intéresse le comité, des responsables de la sûreté, à Transports Canada, ainsi qu'à VIA Rail, seraient ravis de venir présenter au comité un compte rendu des détails de ces plans. Je peux vous dire qu'il y a des exercices réguliers et ainsi de suite.

[Français]

Le président : Qu'en est-il du TGV entre l'Ontario et le Québec? Est-ce un projet qui est toujours dans l'air ou est-ce un sujet clos?

[Traduction]

M. Bourque : Merci de poser cette question, car je suis toujours reconnaissant d'avoir l'occasion d'expliquer aux gens la distinction entre le train à grande vitesse et le train à grande fréquence, c'est-à-dire ce que propose actuellement VIA Rail. On considère généralement qu'un train à grande vitesse se déplace à environ 300 km/h. Si on conduit un train à 300 km/h, on ne peut pas traverser un seul passage à niveau. Par conséquent, notre train devrait circuler dans un champ complètement vert, sans aucune route, ce qui est pratiquement impossible, ou bien il faudrait qu'il soit surélevé. Très peu d'endroits au Canada pourraient justifier le coût énorme — par rapport à l'avantage — d'un tel train parce que la seule façon dont on peut tirer profit d'un train qui va à 300 km/h, c'est si on ne s'arrête pas. Par définition, on va du point A au point B, et on ne s'arrête nulle part ailleurs.

Je suis un usager fréquent de VIA Rail, et j'ai sur mon téléphone une application qui me dit à quelle vitesse on avance. Je vous invite à télécharger une application comme celle-là. C'est très amusant. Vous la consultez. Les trains circulent couramment à 160 km/h. C'est sur des voies existantes destinées aux trains de marchandises. S'ils peuvent, dans certaines régions, se déplacer sur leur propre voie et faire passer la norme de cette voie au prochain niveau, ils pourraient facilement aller à 200 km/h, et VIA Rail serait en mesure d'exploiter des trains selon des horaires différents, qui ne dépendent pas du transport de marchandises.

Toutefois, je dois dire que cela entraînerait un coût considérable. Actuellement, c'est quelque chose qu'envisage le gouvernement fédéral. Encore une fois, à ce sujet, je vous encouragerais à inviter le président de VIA Rail à comparaître devant vous et à inviter des représentants de Transports Canada, qui ont examiné les plans de VIA Rail et qui auraient une certaine idée quant à l'évolution du dossier.

[Français]

Le président : En conclusion, je donne la parole au vice-président du comité, le sénateur Mercer.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Tout d'abord, je veux remercier tout le monde de son exposé. C'est un thème récurrent auquel nous revenons sans cesse. Nous parlons maintenant de la taxe sur le carbone. Nous discutons de l'effet des changements climatiques dans le secteur de l'agriculture, mais nous continuons de revenir sur l'importance du chemin de fer. Je veux simplement remercier tout le monde ici présent de sa participation continuelle. Je vous encourage, à mesure que nous poursuivrons cette étude, si vous constatez qu'il nous manque certains renseignements ou que vous avez oublié d'aborder certains éléments ce matin, à ne pas hésiter à nous redonner des nouvelles par l'entremise du greffier et à nous faire parvenir cette information — il nous en fera part —, car c'est important. Nous sommes très fiers de nos chemins de fer, au Canada. Ils font partie de notre histoire, mais ils font également partie du... J'allais dire qu'ils font partie du problème. Ils ne font pas partie du problème; ils font partie de la solution. Nous vous encourageons à poursuivre votre bon travail.

[Français]

Le président : Madame, messieurs, je vous remercie infiniment de vos témoignages. C'est un domaine qui intéresse beaucoup les sénateurs. Les gens des chemins de fer sont les bâtisseurs de notre pays. Vous allez sans doute continuer de nous accompagner au XXIe siècle. Sachez que vous êtes toujours les bienvenus. Comme le vice-président l'a dit, si vous avez d'autres informations qui pourraient nous être utiles, vous pouvez toujours les transmettre à notre greffier.

[Traduction]

Le sénateur Terry M. Mercer (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Notre prochain groupe de témoins nous vient des Producteurs laitiers du Canada; il s'agit d'Yves Leduc, directeur, Politique et commerce international, et de Ron Maynard, membre du conseil d'administration.

Messieurs, veuillez présenter votre exposé. Il sera suivi de questions posées par les sénateurs. Monsieur Maynard, veuillez prendre la parole.

Ron Maynard, membre du conseil d'administration, Les Producteurs laitiers du Canada : Merci beaucoup. Au nom des Producteurs laitiers du Canada, je veux vous remercier de l'invitation à témoigner devant le comité aujourd'hui.

Les producteurs laitiers canadiens sont des intendants judicieux de la terre, de l'eau et de l'air. Nous nous employons continuellement à accroître la durabilité de notre industrie de même qu'à réduire les impacts de nos exploitations sur le changement climatique et l'environnement.

En avril 2017, le Canada a publié un Rapport d'inventaire national sur les gaz à effet de serre. Selon ce rapport, en 2015, les émissions de gaz à effet de serre de l'industrie laitière canadienne n'ont représenté que 0,76 p. 100 des émissions totales du Canada. De plus, entre 1990 et 2015, l'industrie laitière canadienne a réduit son empreinte carbone de 20 p. 100. Au cours de cette même période, nous avons également observé une réduction de 28 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre par hectolitre de lait produit. La vache moyenne d'aujourd'hui peut produire environ 1,6 fois la quantité de lait que produisait une vache moyenne en 1990. En résumé, les efforts des producteurs laitiers canadiens pour continuellement accroître la productivité à la ferme ont contribué à une réduction significative de l'empreinte carbone du secteur.

Une analyse du cycle de vie du lait canadien menée en 2012 a estimé l'empreinte carbone moyenne d'un litre de lait canadien à 1,01 kg d'équivalent CO2. Il s'agissait de l'une des plus faibles au monde à cette date. Les Producteurs laitiers du Canada cherchent actuellement à mettre cette analyse à jour et espèrent pouvoir produire un nouveau rapport au cours de la prochaine année.

De plus, l'industrie a récemment créé un calculateur d'empreinte à la ferme, connu sous le nom de Fermes laitières +, qui permet à chaque producteur de calculer l'empreinte carbone de sa ferme. À l'aide de cet outil, les producteurs laitiers canadiens peuvent créer différents scénarios pour évaluer l'impact d'une activité par rapport à une autre, ce qui signifie qu'ils peuvent continuellement améliorer leurs pratiques à la ferme en vue de réduire leur impact environnemental. Collectivement en tant qu'industrie, les producteurs laitiers ont la ferme intention de maintenir leurs efforts et investissements pour réduire encore davantage leur impact environnemental.

À la ferme, les effets du changement climatique prennent la forme de conditions météorologiques exceptionnelles. Il est vrai que du temps plus chaud et des saisons de culture plus longues peuvent entraîner certains avantages; cependant, les cultures peuvent également être soumises à une série imprévisible de périodes de sécheresse, d'inondations, de canicules et d'autres événements météorologiques. La présence des ravageurs des cultures, qui est depuis longtemps contrôlée par les conditions météorologiques hivernales, pourrait également s'accroître si les hivers s'adoucissent. De plus, de nouveaux types de maladies telles que celles véhiculées par les tiques pourraient survenir plus fréquemment dans les troupeaux laitiers canadiens.

Il importe également de souligner que l'industrie laitière canadienne n'a que très peu recours à des pratiques d'irrigation des cultures, sauf dans certains petits secteurs du pays. Or, la disponibilité de l'eau pourrait devenir un enjeu plus important. Par conséquent, des puits plus profonds ou davantage d'irrigation pourraient être requis dans l'avenir.

Un autre impact du changement du climat, c'est l'effet de la chaleur et des fluctuations de température sur les vaches elles-mêmes. Un stress thermique peut en retour diminuer la consommation d'aliments, accroître les préoccupations liées à la santé et réduire la production de lait. Ainsi, une meilleure ventilation, une conception adaptée des bâtiments et le rafraîchissement des vaches constitueront des investissements de plus en plus importants. Bien que la technologie soit disponible, le refroidissement nécessite beaucoup d'énergie et est une pratique coûteuse. Il pourrait donc devenir nécessaire d'effectuer de la recherche sur une meilleure gestion des fluctuations de température, l'amélioration des pratiques liées au rafraîchissement des vaches et le recours à des technologies qui n'augmentent pas l'utilisation d'énergie.

Les PLC appuient l'objectif visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et l'impact environnemental et peuvent démontrer que les producteurs laitiers canadiens ont déjà fait des progrès à ces égards. Cependant, nous avons quelques préoccupations par rapport à la tarification du carbone. Le gouvernement fédéral a mandaté les provinces pour qu'elles élaborent leurs propres programmes de tarification du carbone, ce qui entraîne une mosaïque de programmes provinciaux de tarification du carbone. Les producteurs de certaines provinces, comme la Colombie- Britannique et l'Alberta, ainsi que la mienne, l'Île-du-Prince-Édouard, bénéficient d'exemptions ou de rabais à l'égard de la taxe sur le carbone s'appliquant à certains carburants de la ferme. Les producteurs d'autres provinces, comme l'Ontario, doivent défrayer tous les coûts liés à la tarification du carbone. Cette différence peut entraîner des inégalités de coûts sur le marché. Cette disparité peut être exacerbée lorsque l'on considère l'impact de la concurrence d'importations permises de pays qui ne sont pas soumis à des modèles de tarification du carbone, par exemple les États-Unis.

Les producteurs laitiers ont réduit considérablement leur empreinte écologique par le passé, sans la tarification du carbone, et ils continueront de le faire, qu'il y ait un tarif sur le carbone ou pas. Les PLC reconnaissent que le gouvernement fédéral s'est engagé à établir une tarification pour le carbone; cependant, il pourrait y avoir des moyens plus efficaces de favoriser la réduction des gaz à effet de serre, dans le cas du secteur laitier canadien en particulier. Dans notre mémoire, vous trouverez plus de détails sur les cinq moyens suivants, par lesquels le gouvernement pourrait, selon les PLC, appuyer nos efforts.

Le premier consiste à continuer de soutenir la recherche visant à améliorer la durabilité de la production laitière, par exemple grâce à d'autres améliorations génétiques ou génomiques, qui augmentent l'efficacité de la production et entraînent des émissions réduites par litre de lait; le deuxième, à accroître le soutien aux initiatives de transfert de connaissances, comme les projets de démonstration ou les journées sur le terrain, qui aideront les agriculteurs, par exemple, à réduire la perte d'azote découlant de la production agricole et à réduire les pertes de méthane provenant de la gestion du fumier et de la fermentation entérique; le troisième, à continuer de soutenir l'initiative proAction; le quatrième, à continuer de soutenir les initiatives de collaboration entre les secteurs de production de produits de base en matière de durabilité et de changements climatiques, comme la Table ronde canadienne sur le bœuf durable, car elles profitent au secteur agricole dans son ensemble; et le cinquième, à augmenter le soutien aux initiatives bénéfiques et aux programmes de partage des coûts, afin de favoriser l'adoption accrue de pratiques qui réduiront les gaz à effet de serre.

L'appui du gouvernement pour chacun de ces cinq points facilitera les efforts continus déployés par l'industrie laitière canadienne pour réduire son empreinte carbone.

Les producteurs laitiers canadiens sont d'avis que la durabilité de l'environnement est d'une importance capitale. Nous sommes fiers de notre responsabilité d'intendants de la terre et veillons à continuellement réduire les impacts environnementaux au fil du temps. Tous les Canadiens et Canadiennes ont à cœur la protection de l'environnement. Avec l'appui du gouvernement du Canada, les producteurs laitiers pourront continuer à miser sur leur historique de succès.

Merci.

[Français]

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Maynard. La première question sera posée par le sénateur Dagenais.

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Maynard, pour votre présentation. Vous dites qu'entre 1990 et 2015, la vache a produit moins de gaz à effet de serre et est devenue plus productrice. Je vous avoue que j'ai un peu de difficulté à comprendre cela. Une vache, ce n'est pas une machine, mais un animal. Pouvez-vous m'éclairer là-dessus? J'ai travaillé dans une région où il y a beaucoup de producteurs laitiers, et j'ai déjà visité des installations laitières. De là à dire qu'une vache produit moins de gaz à effet de serre et qu'elle produit plus de lait, j'ai un peu de difficulté à le comprendre.

[Traduction]

M. Maynard : Ce dont nous parlons, c'est l'efficacité. Il faut une certaine quantité d'aliments pour animaux pour nourrir une vache, qu'elle produise 20 ou 50 litres de lait. C'est ce dont nous parlons : au cours des 25 dernières années, nous avons amélioré, grâce à une alimentation, une gestion et un élevage meilleurs, la productivité de cette vache. Notre objectif consiste à augmenter l'efficacité et, en augmentant l'efficacité — comme je le dis aux gens de mon exploitation agricole —, si on pense aux gaz à effet de serre, on pense à l'azote, au carbone, à l'oxygène et à l'hydrogène... La seule chose qui ne me coûte rien dans mon exploitation, c'est l'oxygène. Si je peux utiliser de manière efficace ces autres gaz, ce sera la façon de réduire mon empreinte carbone. C'est aussi une façon de réduire mes coûts. C'est la façon dont nous y sommes arrivés au fil des ans, et nous avons continuellement amélioré la productivité de cette vache, parce que, comme je le dis, la vache produira une certaine quantité de méthane juste en étant en vie. Alors, plus elle produit de lait, plus les coûts par litre seront faibles pour ce qui est des équivalents carbone. J'espère que cela répond à votre question.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Au Québec, une ancienne ministre, Nathalie Normandeau, avait mentionné que les pets de vache causaient des gaz à effet de serre, et personne ne l'avait prise au sérieux. Elle serait heureuse de vous entendre aujourd'hui. Je vous remercie de votre explication.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Maynard.

La parole est au sénateur Mercer.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Dagenais. Je me souviens d'une visite que notre comité a effectuée en Nouvelle-Zélande, il y a de nombreuses années. La principale cause des problèmes de gaz à effet de serre de la Nouvelle-Zélande était le derrière des vaches laitières. C'était la principale cause de gaz à effet de serre en Nouvelle-Zélande à l'époque. Ils éprouvaient un problème avec leurs petits animaux.

Messieurs, vous avez parlé de l'effet d'une taxe sur le carbone. Vous avez également mentionné le fait de mesurer les pratiques de gestion et le programme Fermes laitières +. Comment fonctionne le programme? Je possède une petite exploitation agricole dans un milieu rural de la Nouvelle-Écosse et je désire mesurer l'impact qu'ont les problèmes de gaz à effet de serre que j'éprouve. Comment cela m'aide-t-il, quels efforts dois-je déployer et combien cela augmentera- t-il les coûts de mes activités?

M. Maynard : Nous venons à peine de lancer le programme Fermes laitières +. Il s'agit d'un outil très exact qui calcule les émissions de gaz à effet de serre de l'exploitation agricole. Le problème est qu'une grande quantité d'information dont vous avez besoin sur l'efficacité des aliments pour animaux et du carburant n'est peut-être pas à la portée des agriculteurs. C'est la prochaine phase de notre projet. Actuellement, l'information n'est probablement pas accessible à la majorité des agriculteurs. C'est comme beaucoup d'autres choses : l'information est probablement accessible aux 10 ou 15 p. 100 des exploitations agricoles les plus importantes, mais la grande majorité n'y a pas accès facilement.

Nous possédons au Canada un système d'enregistrement du lait, et notre prochain objectif est de lier ces deux éléments ensemble pour que l'information soit facilement accessible et que la population générale d'agriculteurs puisse utiliser sans difficulté cet outil.

Le sénateur Mercer : Combien coûtera à l'agriculteur issu d'une région rurale de la Nouvelle-Écosse la mise en place de ce système? Combien cela lui coûtera-t-il pour l'administrer et combien de temps devra-t-il — lui ou une autre personne de la famille — y consacrer?

M. Maynard : C'est un outil en ligne. Il s'agit d'un programme informatique. Vous l'ouvrez et entrez vos données : le nombre de vaches, les acres, les cultures que vous produisez, celles qui servent aux aliments pour animaux et le type de production. Vous devez posséder un certain degré de détail, bien sûr; les résultats que vous obtiendrez du programme dépendent de la qualité des données que vous y entrez.

Le sénateur Mercer : À données inexactes, résultats erronés.

M. Maynard : Nous cherchons à améliorer l'exactitude du programme parce qu'il me dira ce qui se produira si je change mon programme d'aliments pour animaux comportant du maïs séché pour une alimentation d'épis de maïs ou de maïs à grain humide; il me montrera l'effet de ce changement. Quel sera l'effet de gaz à effet de serre de cette alimentation? À quel point cela réduira-t-il mon empreinte carbone? Vous devez utiliser de bonnes données. Si vous vous dites : « Je ne suis pas certain de cela », ou « J'ai estimé cette donnée initiale », quelle sera la précision de la projection? L'outil est là, et nous savons qu'il fonctionne. Nous devons maintenant le peaufiner et faire en sorte que l'information soit plus accessible et précise pour un plus grand nombre d'agriculteurs.

Je vais peut-être parler un peu de la Nouvelle-Zélande. Elle est plutôt intéressante. La plus grande restriction de ce pays actuellement ne vise pas les vaches elles-mêmes; il s'agit de l'urine et de la production d'oxyde nitreux, lesquels, comme nous le savons tous, sont beaucoup plus dommageables pour l'environnement que le méthane. L'autre jour, le Parti vert de la Nouvelle-Zélande — il y a 6,6 millions de vaches en Nouvelle-Zélande — disait que le pays devra réduire ce nombre à 4,3 millions de vaches afin d'atteindre sa cible en matière de réduction de gaz à effet de serre, et c'est principalement en raison de l'oxyde nitreux et de l'urine dans les pâturages.

L'industrie laitière d'autres pays éprouve également des problèmes. Je siège aux comités sur l'environnement et à certains comités de gestion agricole de la Fédération internationale de laiterie. C'est un défi auquel fait face le monde entier. Ce n'est pas seulement l'industrie laitière canadienne qui doit composer avec des initiatives en matière de changements climatiques; c'est aussi le cas de celles partout dans le monde.

Le sénateur Mercer : J'apprécie votre mise à jour relativement au système néo-zélandais parce que j'ai utilisé la Nouvelle-Zélande à titre d'exemple lorsque j'ai parlé de gaz à effet de serre et de l'effet de l'agriculture, particulièrement dans un petit pays comme la Nouvelle-Zélande.

Le sénateur Pratte : Dans votre mémoire, vous avez parlé des effets possibles des changements climatiques sur les animaux et les conditions climatiques en général, mais vous avez mentionné ces effets comme quelque chose qui allait se produire dans l'avenir, en théorie. Je me demandais si les producteurs ont déjà ressenti ces effets ou s'il s'agit simplement de choses qui se produiraient dans l'avenir.

M. Maynard : Non, les producteurs les ressentent déjà. Nous comptons le nombre de jours où il fait plus de 30 degrés. Ici, en Ontario, combien y a-t-il eu de jours de plus de 30 degrés? Lorsqu'il y a des températures de plus de 26 degrés, selon l'humidité, cela touche énormément les vaches. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard, et on peut probablement compter sur les doigts d'une seule main les journées où il fait plus de 26 degrés. Nous avons dépensé environ 15 000 $ l'an dernier sur nos granges pour y installer des ventilateurs à haute intensité parce que nous avions davantage de journées de plus de 26 degrés à l'Île-du-Prince-Édouard. Les changements climatiques nous touchent déjà. Cette augmentation des températures nous concerne très certainement. Les vaches ne produisent pas très bien quand il fait chaud. Elles subissent en fait un stress.

Le sénateur Pratte : Il s'agit donc d'un véritable sujet de préoccupation?

M. Maynard : Oui. L'autre aspect des changements climatiques tient à la variation de la température, laquelle est probablement plus inquiétante. Certains jours, il fera 22 degrés et, le lendemain, il en fera 6. Nous, les humains, pouvons mettre un manteau ou refermer la porte et dire : « je crois que je ne sortirai pas aujourd'hui », mais les vaches ne peuvent pas mettre de manteau. Les variations et les changements importants ont un effet considérabl, comme des pneumonies et des choses du genre. Nous constatons qu'il est plus probable que cela se produise. Vous devez être très alerte et vous assurer que vos rideaux et votre système de ventilation sont à la hauteur. C'est un autre défi que l'exploitation agricole doit relever.

Le sénateur Pratte : Pour passer à une autre question, si j'ai bien lu votre mémoire, vous semblez être opposé à tout type de système de tarification du carbone parce qu'il vous place dans une position non concurrentielle dans des cas où les importations ne font pas l'objet de tarification du carbone. Vous devez donc refiler ces augmentations de prix aux consommateurs, ce que vous ne voulez pas faire. Est-ce exact?

M. Maynard : Nous avons affirmé que nous faisons déjà des gains d'efficience sur les exportations agricoles et continuerons de le faire. Une des raisons, c'est la stabilité que nous avons dans le système de gestion de l'offre. Nous pouvons faire ces investissements à long terme, et c'est ce qu'ils sont, des investissements à long terme.

Une de nos préoccupations est que, comme nous avons un système canadien, le lait est mis en commun d'un bout à l'autre du pays, et nous constatons que le coût de production peut être différent sur l'Île-du-Prince-Édouard en raison de la tarification du carbone de celui d'un agriculteur d'ici, en Ontario, ou au Manitoba, par exemple. Cela nous inquiète parce que nous avons un produit mis en commun. C'est une de nos préoccupations.

Nous comprenons que les coûts augmenteront avec ce mécanisme de tarification du carbone. Un certain effet se fera sentir sur l'exploitation agricole. Dans ma propre exploitation, au cours des deux derniers mois, nous avons remplacé un système au propane par un système électrique pour l'eau chaude. L'ancien système avait 22 ans, et on ne trouvait plus de pièces. Nous nous sommes dit : « D'accord, il doit être remplacé. Choisissons-nous le propane ou l'électricité? On adoptera une taxe sur le carbone, alors nous allons probablement opter pour l'électricité. »

L'autre aspect, avec les progrès technologiques d'aujourd'hui, c'est les panneaux solaires. Le toit de notre exploitation agricole couvre une grande superficie. Dans l'avenir, la technologie qui nous permettra de produire notre propre électricité existera sûrement, mais ce ne sera pas le cas pour le propane et/ou les combustibles fossiles. C'est ce que nous pensons chez nous. Il y a un certain effet sur le carbone, mais je crois que ce que nous disons ici, c'est que les autres programmes dont nous avons parlé auront un plus grand impact sur les fermes laitières que la tarification du carbone.

Le sénateur Pratte : Merci.

Le sénateur Doyle : Selon nos notes ici, les PLC ont entamé l'élaboration d'un plan d'action. Quelles sont les composantes clés du plan d'action pour réduire l'empreinte économique, et est-ce que le gouvernement fédéral y participe de près ou de loin?

Yves Leduc, directeur, Politique et commerce international, Les Producteurs laitiers du Canada : Notre plan d'action est un plan général qui met en jeu la poursuite des activités sur lesquelles nous travaillons actuellement, du point de vue de la recherche en particulier. Nous croyons qu'un financement accru en recherche est une façon d'aborder ces problèmes très importants tels que la façon de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Comme M. Maynard l'a mentionné plus tôt, nos recherches nous ont permis de réduire notre empreinte carbone en tant qu'industrie laitière au fil des ans grâce à une efficacité accrue sur les plans des aliments pour animaux et de l'élevage. Ces gains en efficacité ont tous découlé de l'accroissement de la recherche.

Nous avons mis en place la Grappe de recherche laitière, dans le cadre de laquelle, de 2013 à 2018, nous avons dépensé plus de 20 millions de dollars. Une partie de cet argent vient du gouvernement fédéral, sous forme de financement de contrepartie, et aide l'industrie à investir dans des recherches plus performantes afin d'aborder certains de ces problèmes en particulier. Cela fait partie du plan général.

Le sénateur Doyle : Il s'agit donc d'un plan national complet, et le gouvernement fédéral y participe?

M. Leduc : Oui. Nous avons également une initiative appelée proAction, qui vise à assurer aux consommateurs que l'industrie laitière aborde les problèmes et fait bien les choses en ce qui concerne non seulement la qualité de notre lait, mais également certaines des préoccupations sociales comme celles liées à l'environnement. C'est un des modules de notre initiative proAction.

Le sénateur Doyle : J'ai pensé qu'il était intéressant ici de constater que l'empreinte carbone du lait cru est inférieure dans l'Ouest du Canada que dans l'Est. Pourquoi est-ce le cas?

M. Maynard : J'imagine que c'est fondé sur le volume de la production. Nous avons une personne ici qui... Je suis surpris de ce commentaire, en réalité.

Le sénateur Doyle : Oui. On dit que l'empreinte carbone du lait cru est inférieure dans les provinces de l'Ouest que dans celles de l'Est, selon des résultats scientifiques publiés dans « Carbon Footprint of Canadian Dairy Products », un article sur l'empreinte carbone des produits laitiers canadiens.

M. Leduc : Je désire souligner le fait que notre experte en environnement est ici avec nous. Elle affirme qu'elle est surprise d'apprendre cela. Nous allons examiner les choses de plus près. C'est tout ce à quoi je peux m'engager actuellement.

Le sénateur Doyle : Oui, d'accord.

[Français]

Le président : Si vous disposez de données sur les résultats dans ce dossier, je vous demanderais de bien vouloir les transmettre à notre greffier.

M. Leduc : Nous le ferons.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Je veux vous poser une question sur la compétitivité de la tarification du carbone pour les producteurs laitiers. D'abord, peut-on dire que les carburants de la ferme sont la plus grande source d'émissions de GES d'une ferme laitière? Est-ce exact?

M. Maynard : Non.

Le sénateur Woo : Quelle serait-elle alors?

M. Maynard : Non, la plus grande source est la fermentation entérique des vaches elles-mêmes. La deuxième serait le fumier, l'entreposage et la façon dont on le manipule et l'applique.

En réalité, les combustibles fossiles comptent pour la partie la plus faible. Si je regarde mes coûts de production, je dépense 40 000 $ par année en carburant, mais 250 000 $ par année en aliments pour animaux. L'enlèvement du fumier et des choses du genre est presque plus coûteux que le carburant lui-même.

La véritable utilisation de carburants fossiles sur les exploitations agricoles est probablement inférieure. Mes coûts liés à l'électricité sont près de la moitié de ceux liés aux carburants fossiles.

Le sénateur Woo : Non, je veux dire tous les types de coûts énergétiques plutôt que les seuls coûts liés au combustible fossile. Que représentent les coûts énergétiques en proportion des coûts des intrants totaux d'une exploitation agricole type? Pourriez-vous me donner une estimation?

M. Maynard : Une exploitation agricole type... Si je regarde ma propre exploitation, c'est probablement de l'ordre de 15 p. 100.

Le sénateur Woo : C'est assez faible.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Woo : Alors, une taxe sur le carbone appliquée aux coûts énergétiques, si on suppose qu'il s'agit de combustibles fossiles, toucherait une assez petite portion de vos coûts des intrants totaux?

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Woo : C'est ce que j'essaie de comprendre : l'impact concurrentiel sur l'exploitation agricole de la tarification du carbone, particulièrement sur les intrants énergétiques et la plupart des intrants de combustibles.

M. Maynard : Je devrais préciser les choses. La taxe sur le carbone augmentera le coût de notre transport, par exemple. Nous payons les coûts de transport de notre lait, de la ferme jusqu'au transformateur. Une taxe sur le carbone augmentera ce coût. Pour ce qui est de l'achat de carburants et d'électricité, il peut avoir un effet inférieur, mais lorsque je parle également d'engrais, il aura aussi un effet.

Je ne pourrais pas vous dire de mémoire, mais pour ce qui est des combustibles fossiles, c'est 15 p. 100. Quant à l'augmentation des coûts en raison du transport de notre produit et des aliments pour animaux nécessaires à sa production, comme je l'ai dit, c'est 250 000 $ en aliments pour animaux. Ces aliments sont livrés par camion. Cela augmentera ce coût.

Le sénateur Woo : Il y a d'autres intrants avec les coûts du carbone intégrés qui seront taxés, lesquels seront refilés à l'agriculteur. Je comprends cela.

M. Maynard : Oui.

Le sénateur Woo : Vous mentionnez, dans votre mémoire, les impacts de référence fondés sur les importations. Vous êtes certainement déjà très bien protégé contre les importations. Ne s'agirait-il pas d'une préoccupation relativement faible en comparaison d'autres industries qui sont beaucoup plus ouvertes à la concurrence?

M. Maynard : Oui, mais c'est encore une préoccupation. M. Leduc est notre expert en commerce.

M. Leduc : Nous estimons qu'environ 10 p. 100 de notre consommation intérieure de lait et de produits laitiers proviennent d'importations de lait et de produits laitiers à l'heure actuelle. Cela ne comprend pas l'accès supplémentaire qui a été concédé à l'Union européenne et qui entrera en jeu dans les prochains mois.

Avec le retrait des États-Unis du Partenariat transpacifique et la renégociation de l'ALENA, on ouvre une boîte de Pandore relativement à ce qui peut se produire à ces égards. Un certain accès a été concédé dans le cadre du Partenariat transpacifique. Cet accès ne jouera pas un rôle, mais en même temps, il est difficile de prévoir le résultat de la renégociation de l'ALENA.

Nous devons également tenir compte, au moment où le Canada se prépare à entamer ces négociations, du fait que lorsque vous tentez d'évaluer si le secteur laitier canadien est concurrentiel par rapport à celui des États-Unis, vous devez examiner l'ensemble de la situation. Il ne s'agit pas seulement du prix du lait à la ferme; il y a aussi le niveau important de soutien dont bénéficie l'industrie agricole américaine. C'est plus de 100 milliards de dollars par année prévus par la loi agricole américaine. Il faut ajouter à cela les programmes d'irrigation qui fournissent des milliards de dollars en réduction de coûts de production. C'est un avantage pour les industries agricole et laitière des États-Unis.

Si vous ajoutiez à cela une taxe sur le carbone dans le cas du lait ou des produits agricoles canadiens, sans avoir la même taxe qu'aux États-Unis, cela toucherait évidemment la compétitivité de l'industrie canadienne par rapport à l'industrie américaine.

Le sénateur Woo : Merci de votre réponse.

[Français]

Le président : J'ai deux petites questions à poser. Les émissions de carbone dans l'industrie laitière sont-elles comparables au lisier de porc, au fumier de poulet ou de dinde? Y a-t-il une différence ou est-ce à peu près équivalent du point de vue des émissions?

[Traduction]

M. Maynard : Je ne sais pas si j'ai comparé les émissions. Si vous parlez d'une tonne de fumier, qu'il s'agisse de fumier de poulet, de lisier ou de fumier de vaches laitières, je penserais que le fumier de vaches laitières causerait probablement moins d'émissions parce qu'il tend à être mélangé avec un certain type de litière alors que ce n'est pas le cas pour le lisier. Le lisier tend à être plus concentré.

L'autre aspect de la situation est celui de l'entreposage du fumier; si vous prenez la lagune d'une ferme laitière, elle aura toujours une couche durcie à sa surface. Il y a une certaine quantité de gaz qui demeure prisonnier en raison de ce phénomène, alors qu'une lagune de lisier, par exemple, est toujours liquide. Avec le lisier, les parties solides se retrouvent au fond; avec le fumier de vache laitière, ces parties se retrouvent à la surface. Il y a moins de gaz à effet de serre en raison de la gestion du fumier à cet égard.

[Français]

Le président : Au cours des 50 dernières années, la nourriture des vaches laitières a été continuellement modifiée à l'aide des nouvelles technologies. Cela pourrait-il être un facteur qui influe sur l'augmentation des gaz à effet de serre?

[Traduction]

M. Maynard : Il s'agit d'un facteur qui a mené à la diminution des gaz à effet de serre, non pas à leur augmentation. Nous avons une productivité accrue par acre de terre maintenant par rapport au passé, et c'est la même chose pour la vache. Elle produira une certaine quantité — c'est la même réponse qu'à la première question — de méthane juste parce qu'elle vit et respire. Plus une vache est productive, plus on augmente l'efficacité, et moins cette vache émet de gaz à effet de serre.

Nous avons parlé, dans notre mémoire, de la génomique et d'un meilleur élevage des bovins. Nous sommes sur le point d'être en mesure de choisir la race des bovins... allant même jusqu'aux bêtes qui sont plus productives que leurs frères et sœurs. Pour l'avenir, il importe de connaître cette information et d'utiliser la quantité d'information que nous possédons. Quant aux données, elles sont époustouflantes à l'heure actuelle. La façon dont nous les utilisons nous pose un défi, mais nous travaillons là-dessus, comme l'a dit M. Leduc, au moyen de recherches continues. C'est notre avenir, et nous voulons continuer à avoir un impact moindre sur l'environnement.

[Français]

Le président : J'aimerais ajouter que j'ai été élevé sur une ferme. Il y a 50 ou 60 ans, la vache mangeait du foin et quelques céréales. Aujourd'hui, on ne sait pas trop ce que mange la vache. Je visite régulièrement de grandes fermes et, près des silos, je peux vous affirmer que l'odeur n'est pas la même que celle de mon enfance.

En conclusion, je donne la parole au sénateur Mercer.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je vais poursuivre la discussion sur le fumier pendant un moment. J'ai eu le privilège de visiter un certain nombre de parcs d'engraissement depuis que je siège au présent comité. Un des parcs d'engraissement les plus intéressants que j'ai visités dans l'Ouest du Canada était un parc où on récoltait le fumier de tous les animaux. On le transformait ensuite en une source d'énergie qu'un centre utilisait pour alimenter l'exploitation agricole, ou encore, l'énergie retournait dans le réseau et était vendue à la compagnie d'électricité.

Avez-vous examiné cela en tant que complément potentiel de votre programme Fermes laitières +? Je reconnais que nombre de fermes laitières sont beaucoup plus petites que les parcs d'engraissement que j'ai visités en raison de leur structure, mais il existe des fermes laitières plus grandes qui peuvent tirer avantage de cela.

M. Maynard : Oui, il y a certainement des digesteurs. Notre ancien président, Jacques Laforge, maintenant chef de la direction de la Commission canadienne du lait, possède un biodigesteur sur sa ferme. Notre lauréat du Prix de développement durable en production laitière d'il y a deux ans, M. Korb Whale, d'Alma, en Ontario, possède également un digesteur sur sa ferme. Il y en a ici. George Menzies, qui se trouve près de la frontière du Québec et de l'Ontario, en a un.

C'est une question d'économie. Il y en a peu au Québec parce que le coût de l'électricité est de quatre ou cinq cents, alors les économies ne sont pas au rendez-vous.

L'autre chose, en ce qui concerne les digesteurs, c'est que le fumier est une base merveilleuse à cet égard, mais pour qu'il produise de l'énergie, vous avez besoin d'une source qui ne vient pas de la ferme. Vous avez besoin de graisse provenant de restaurants, et Jacques Laforge utilise des produits de l'usine de production de pommes de terre frites McCain à Grand Falls, où il demeure. On verse la graisse dans le digesteur au lieu d'utiliser des déchets provenant des lignes de transformation de pommes de terre et de pâte, d'autres choses que fait McCain et des abats de poulet. C'est une question d'économie.

Le sénateur Mercer : Voilà les histoires créatives dont nous avons besoin d'entendre parler : il y a de bonnes nouvelles. Les gens font de bonnes choses.

J'aimerais changer légèrement de sujet. Le Canada et l'Union européenne ont signé récemment l'Accord économique et commercial global, et la mise en œuvre de cet accord augmentera l'accès au marché canadien pour les fromages européens de près de 2 p. 100. Croyez-vous que la tarification du carbone pourrait miner la compétitivité des fromages canadiens par rapport aux fromages européens?

M. Leduc : C'est une bonne question. Ma première réaction à la question—- et je ne vais pas nécessairement lier ma réponse à la tarification du carbone—-, c'est que ces fromages viendront de l'Union européenne... d'un autre groupe de pays qui, comme les États-Unis, bénéficie d'un soutien considérable de l'État. Il est question d'une politique agricole commune assortie d'un budget d'environ 55 à 58 milliards d'euros par année en soutien à l'agriculture. Il s'agit d'un facteur important qui influe sur la compétitivité du secteur laitier canadien en comparaison de celui de l'Union européenne.

Le sénateur Mercer : C'est un problème auquel les Canadiens sont aux prises dans l'ensemble du secteur laitier, à savoir, que nos concurrents sont tous subventionnés d'une manière ou d'une autre. Vous avez parlé des Européens, et c'est vrai. La bouteille de vin français que j'ai achetée au magasin d'alcool est subventionnée de près ou de loin par le gouvernement de la France.

Nous étions récemment aux États-Unis. Lorsque j'ai parlé du mot tabou, « subventions », on m'a dit qu'il n'y en avait pas; il y avait des « paiements en matière de gestion des risques ». Comme je l'ai dit plusieurs fois à cette table, la plus importante pièce d'équipement des fermes américaines est la boîte aux lettres parce que c'est de là que provient l'argent du gouvernement dans le cadre de leur programme de gestion des risques. Une subvention, peu importe comment on l'appelle, est toujours une subvention.

Je vais revenir à l'accord avec l'Union européenne. Les programmes de compensation proposés par le gouvernement fédéral sont-ils suffisants pour compenser les coûts de production accrus potentiels découlant de la tarification du carbone?

M. Leduc : Laissez-moi d'abord répondre à votre commentaire concernant les subventions en général. Je crois que nous devons reconnaître que l'agriculture, la plupart du temps, partout dans le monde, est largement favorisée par le gouvernement en matière d'exportations, en partie parce que ce secteur joue un rôle stratégique dans nos économies respectives. Je pense qu'il y a une place pour des mesures de soutien. Ces mesures, à mon avis, sont nécessaires au Canada. Nous bénéficions, dans le secteur laitier, de mesures de soutien réglementaires qui permettent à l'industrie de s'organiser selon le système de gestion de l'offre.

Pour répondre à votre question sur la tarification du carbone du point de vue de l'Europe, je suis probablement moins inquiet à l'égard de l'Europe que des États-Unis, particulièrement avec le retrait du gouvernement américain de l'Accord de Paris, par exemple. Je ne sais pas ce que les États-Unis feront concernant le respect de leurs promesses de réduction de gaz à effet de serre, mais c'est inquiétant.

Pour ce qui est de l'accord d'indemnisation, soyons clairs. Ce n'est pas un accord d'indemnisation. On a annoncé vers la fin de 2016 que le gouvernement fédéral offrirait un programme de transition. Alors nous ne le verrions pas comme une indemnisation pour les impacts négatifs qui surviendront à la suite de la mise en œuvre de l'AECG.

Comme nous l'avons dit, nous croyons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, mais nous estimons que si nous voulons que les fermes laitières canadiennes et le secteur laitier canadien dans l'ensemble... Comme une partie de cette enveloppe de 350 millions de dollars est destinée au secteur de la transformation, nous croyons qu'on aura besoin de plus d'argent dans l'avenir.

Le sénateur Mercer : Je suis heureux que cela soit consigné au compte rendu.

Le président : Merci beaucoup, messieurs Maynard et Leduc d'avoir été ici aujourd'hui. C'est très intéressant pour les membres de notre comité. Si vous avez autre chose à communiquer au comité, veuillez en faire part au greffier. Merci beaucoup. Vous pouvez maintenant retourner à vos exploitations agricoles.

M. Maynard : Nous avons notre souper au centre-ville ce soir sur la rue Sparks. Nous avons tenu notre déjeuner ce matin, de même que notre dîner. Vous êtes plus que bienvenus de vous joindre à nous. Vous pouvez venir goûter et apprécier certains produits canadiens afin de continuer d'appuyer nos produits. Nous espérons pouvoir continuer à les offrir aux Canadiens.

Le président : Merci beaucoup de l'invitation.

(La séance est levée.)

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