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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 31 - Témoignages du 6 juin 2017


OTTAWA, le mardi 6 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 1, pour poursuivre son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je suis le sénateur Ghislain Maltais, du Québec. J'aimerais tout d'abord demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par le vice-président du comité.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, sénatrice du Manitoba.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je remercie mes collègues sénateurs.

Aujourd'hui, nous accueillons, de Fertilisants Canada, M. Garth Whyte, président et directeur général, et Clyde Graham, vice-président principal.

Monsieur Whyte, avez-vous quelques brèves observations à présenter? Quant à M. Graham, il pourra répondre aux questions.

Garth Whyte, président et directeur général, Fertilisants Canada : C'est ce que nous avions prévu.

Je remercie les membres du comité de nous avoir invités à venir témoigner aujourd'hui. Nous représentons un secteur dont les membres vendent des engrais aux agriculteurs et aux propriétaires fonciers. Ce secteur regroupe des fabricants d'azote, de phosphate, de potasse et de soufre. Les engrais maintiennent la productivité du sol, une des ressources naturelles les plus précieuses du monde qui assure la culture d'environ 50 p. 100 des aliments. Pour nourrir la population mondiale, qui, selon les projections, devrait atteindre 9 milliards de personnes d'ici 2050, il nous faut augmenter le rendement des cultures de 70 p. 100.

Les engrais sont un élément essentiel pour intensifier la production et en assurer la durabilité. Il est important que nous nous assurions que l'économie agricole du Canada puisse relever ce défi de taille.

Le secteur canadien des fertilisants est prêt à apporter son aide. La Saskatchewan est le plus grand producteur de potasse du monde, puisqu'elle produit 46 p. 100 de la potasse offerte sur le marché mondial. L'Alberta possède la plus importante concentration d'installations de production d'engrais azotés en Amérique du Nord et cette production ajoute de la valeur au gaz naturel de la province. De plus, le siège social de la plus importante entreprise de production d'engrais du monde se trouve au Canada, et notre pays est aussi le plus important vendeur de produits agricoles au monde. Tous ces éléments, de même que les contributions de nos membres, sont essentiels si l'on veut augmenter de façon durable la production agricole.

Avant d'aborder les impacts des changements climatiques, j'aimerais attirer l'attention des membres du comité sur les trois documents que nous vous avons remis. Le premier de ces documents est notre rapport annuel qui décrit qui nous sommes et présente les membres de notre conseil d'administration et de notre personnel, tout en précisant également que nous ne nous contentons pas de faire la promotion du développement durable. Notre rapport annuel indique également que nous jouons des rôles importants en matière de sécurité, ainsi que dans d'autres domaines.

Le deuxième rapport s'intitule Rapport de durabilité du programme de Gérance des nutriments 4B. La semaine dernière, je l'ai présenté lors du congrès international de l'industrie des engrais, devant 1 300 délégués, à Marrakech, au Maroc. Si je vous en parle, c'est pour vous indiquer que nos activités ne se limitent pas au domaine des changements climatiques. Si vous regardez à la page 4, vous noterez que ce rapport et nos activités prennent en compte les objectifs de développement durable des Nations Unies. Par exemple, nous avons fait nôtres une demi-douzaine d'objectifs parmi lesquels éliminer la pauvreté, adopter une stratégie de « faim zéro », préserver la vie aquatique, préserver la vie sur terre, établir des partenariats pour atteindre les objectifs, favoriser un travail décent et la croissance économique, et enfin encourager une consommation et une production responsables. Autrement dit, nous nous intéressons au secteur de l'agroentreprise, au développement économique, à l'alimentation et à l'environnement dans ses dimensions terrestre, atmosphérique et aquatique.

Le troisième rapport que je vous ai remis porte sur la recherche que nous avons faite en collaboration avec le gouvernement fédéral pour que nos cultures soient plus productives et durables sur le plan environnemental. Si vous regardez à la page 2, vous trouverez une liste des différents projets auxquels nous prenons part. Le réseau de recherche se penche sur les grands enjeux environnementaux suivants : les émissions de gaz à effet de serre et d'ammoniac; les écoulements de phosphore dans les eaux de surface; la contamination des eaux souterraines par les nitrates; et la coordination de la recherche et du développement de politiques.

Je vous montre ces documents qui constituent un résumé de 10 années de recherches que nous avons faites en vue d'augmenter la productivité, pour augmenter notre production alimentaire, mais aussi pour trouver une solution aux enjeux environnementaux. Je vais m'appuyer sur ces documents pour vous parler des émissions de gaz à effet de serre et du paysage de la réglementation qui a changé l'an dernier. Pendant que le gouvernement élabore une stratégie pour lutter contre les changements climatiques, nous insistons pour qu'il collabore avec les principales industries, par exemple la nôtre.

Nous demandons également aux membres du comité de réfléchir aux deux recommandations suivantes : premièrement, promouvoir des pratiques agricoles intelligentes face au climat afin d'assurer une production agricole durable; deuxièmement, établir des cibles réalistes pour la réduction des émissions.

Nourrir le monde en adoptant des pratiques agricoles intelligentes face au climat, selon la définition des Nations Unies, est une priorité pour Fertilisants Canada. En raison des changements climatiques, il devient toujours plus urgent de relever le défi, c'est-à-dire de nourrir plus de gens bien que les terres agricoles soient moins étendues. Cela menace la productivité et nous force à adapter plus rapidement les systèmes agricoles.

La réduction des émissions ne peut pas se faire au détriment de la production alimentaire. Au contraire, les agriculteurs doivent viser un rendement plus élevé avec les mêmes intrants et les mêmes ressources. À la COP22, nous avons expliqué comment notre secteur peut aider le gouvernement à atteindre ses cibles en matière de réduction des gaz à effet de serre à l'aide des ressources agricoles, à l'aide du programme de Gérance des nutriments 4B qui consiste à utiliser la bonne source de fertilisant, à la bonne dose, au bon moment et au bon endroit. Autrement dit, nous voulons que les engrais soient répandus dans les cultures plutôt que dans l'atmosphère ou dans l'eau. Les engrais appliqués de la bonne manière permettent d'augmenter la production et aussi d'accroître la rentabilité agricole.

Le programme de Gérance des nutriments 4B est une approche scientifique de la gestion des nutriments qui améliore la productivité agricole tout en réduisant les impacts sur l'environnement. Fertilisants Canada a consacré de grands efforts, sur plusieurs années, pour améliorer continuellement ce programme, travaillant de concert avec les gouvernements, les ONG, les universités et d'autres intervenants pour mettre en œuvre des programmes de recherche, élaborer des paramètres et en promouvoir l'adoption partout dans le monde. La recherche financée par le gouvernement du Canada, à laquelle notre secteur contribue à parts égales, confirme elle aussi les avantages des pratiques de gérance des nutriments 4B.

La réduction des émissions est d'autant plus facile lorsque les agriculteurs sont mobilisés. Le Protocole de réduction des émissions d'oxyde nitreux, le PREON, chef de file à l'échelle mondiale, qui s'appuie sur les principes 4B, permet d'obtenir des crédits compensatoires. Le PREON a été élaboré au Canada et, avec l'aide du gouvernement et en supposant une adoption plus large, il fera du Canada un chef de file de l'agriculture intelligente face au climat. À l'heure actuelle, l'Alberta l'utilise avec son régime de réduction des émissions, et, s'il était adopté dans d'autres régions, il entraînerait une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre, de l'ordre d'une ou deux mégatonnes annuellement, pour l'Ouest du Canada seulement. C'est l'équivalent de 126 millions d'émissions automobiles ou d'une consommation de 240 milliards de litres de gaz. Voilà qui change complètement la donne en matière de changements climatiques.

Fertilisants Canada demande au comité de recommander que les protocoles compensatoires comme le PREON, visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre d'origine agricole, soient mis en œuvre sans tarder pour aider le Canada à respecter ses cibles. Il s'agit là véritablement d'une agriculture intelligente face au climat qui est reconnue à l'échelle internationale.

Entre-temps, le comité devrait également savoir que des cibles de réduction inatteignables, pour des motifs économiques ou scientifiques, auront un effet négatif sur la compétitivité du secteur de la production d'engrais du Canada et qu'elles entraîneront une hausse des risques de fuites de carbone. Le secteur de la fabrication d'engrais azotés, en particulier, est un des plus grands consommateurs d'énergie du monde et un des plus exposés en matière de commerce.

Notre secteur a collaboré avec les gouvernements fédéral et provinciaux pendant plus d'une décennie à un programme de contrôle de notre rendement qui a permis de conclure que les installations canadiennes se retrouvent dans le quartile supérieur quant à l'écoefficience et aux émissions de gaz à effet de serre. Il n'existe pas actuellement de procédé commercial révolutionnaire qui pourrait remplacer les systèmes de production existants qui sont fondés sur le procédé Haber-Bosch. Des cibles de réduction trop élevées par rapport à ce qui est réalisable éroderont notre compétitivité mondiale en tant que secteur consommateur d'énergie et exposé en matière de commerce et ne donneront aucun résultat concret en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Fertilisants Canada recommande que les politiques du gouvernement soient fondées sur des données scientifiques, qu'elles soient réalistes et adaptées aux différents secteurs et qu'elles tiennent compte de manière équilibrée des objectifs environnementaux et de la réalité de notre industrie. Fertilisants Canada est prêt à travailler avec le gouvernement. Il est important de bien faire les choses.

Pour conclure, j'aimerais remercier les sénateurs de nous avoir donné l'occasion de présenter nos points de vue. En résumé, nous présentons deux recommandations : premièrement, promouvoir des pratiques agricoles intelligentes face au climat pour assurer une production alimentaire durable et, deuxièmement, fixer des cibles réalistes pour chacun des secteurs en matière de réduction des émissions.

Mon collègue et moi sommes heureux de poursuivre le dialogue et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Whyte. Nous allons entamer le premier tour de questions.

Le sénateur Mercer : Messieurs, merci d'être venus et merci pour votre exposé.

Tout d'abord, j'aimerais revenir à la première page où vous avancez quelque chose que personne n'a jamais dit devant notre comité — je l'ai noté et le greffier aussi. Vous avez dit que, pour nourrir la population mondiale qui, selon les projections, devrait atteindre 9 milliards de personnes et plus d'ici 2050, il nous faut augmenter le rendement des cultures de 70 p. 100. C'est la première fois que quelqu'un quantifie de la sorte le rendement que nous devrons obtenir. Ce sont des données utiles.

Mais par la suite, au cours de votre exposé, vous avez parlé d'objectifs environnementaux équilibrés, fondés sur des données scientifiques, réalistes et adaptés aux différents secteurs. Est-ce que la productivité de 70 p. 100 que vous avez mentionnée est un objectif environnemental équilibré, fondé sur des données scientifiques, réaliste et adapté aux différents secteurs?

Clyde Graham, vice-président principal, Fertilisants Canada : La réalité est que les projections demeurent des projections. Nous ignorons si la population mondiale atteindra 9 milliards, 9,6 milliards ou 9,7 milliards d'habitants en 2050; tout dépend des choix faits par les peuples.

Nos usines se fixent des échéances à très long terme. L'augmentation de la production de potasse en Saskatchewan où notre industrie a investi 15 milliards de dollars en un peu plus d'une décennie afin d'augmenter la production, doit être au rendez-vous pour que nous puissions contribuer à nourrir cette population. Dans d'autres secteurs, l'augmentation de la production d'azote viendra également s'ajouter. Il nous reste donc beaucoup de temps pour répondre à cette croissance démographique.

L'augmentation de la population n'est pas le seul facteur important car, à mesure que les pays se développent et deviennent plus prospères, leurs habitants qui disposent de plus d'argent veulent à ce moment-là mieux s'alimenter. Les gens vont donc délaisser des cultures de subsistance comme le riz, aliment riche en glucides, en faveur de cultures à plus haute teneur en protéines et de protéines animales, de manière à améliorer leur alimentation. Cela fait partie de l'augmentation de 70 p. 100.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.

Le sénateur Mercer : C'est plutôt bien.

M. Whyte : Je reviens tout juste du Maroc où la grande préoccupation là-bas est de savoir comment — c'est l'Afrique qui changera la donne, étant donné que ce continent regroupe 60 p. 100 des terres arables. Dans l'exposé qu'ils nous ont présenté, les représentants de la fondation Gates ont affirmé qu'ils s'intéressaient à des stratégies à long terme et qu'ils considéraient les principes 4B comme des éléments clés pour hausser la productivité de manière durable et intelligente face au climat.

Ils se penchent sur l'évolutivité afin de pouvoir appliquer à l'échelle de tout le continent des méthodes qui donnent aussi de bons résultats pour les petits exploitants. Voilà en particulier un objectif qui est très intéressant et qui est susceptible de déclencher une autre révolution verte.

D'une part, nous avons cela et, d'autre part, nous devons produire de l'engrais. La production d'azote se fait selon un procédé chimique. L'azote est extrait de l'air et ce procédé chimique occasionne des émissions de carbone. Le problème est là. Mais si l'on veut augmenter la production de cultures alimentaires, on doit produire plus d'azote, de phosphate et de potasse. On a aussi besoin d'eau, mais on doit veiller à ne pas entraîner en conséquence la pollution de l'eau et de l'atmosphère. Nous pensons qu'il est possible d'y parvenir.

Le sénateur Mercer : Il y a une question que j'aimerais poser, puisque je viens de l'Atlantique. Nous avons parlé de l'importance de la mise en valeur de la potasse en Saskatchewan. L'industrie de la potasse était autrefois très productive et rentable au Nouveau-Brunswick. Si nous voulons atteindre la cible de 70 p. 100 dont vous avez parlé à la première page de votre exposé, nos besoins en potasse ne vont-ils pas augmenter? Ne pensez-vous pas que nous aurons besoin de la potasse que peuvent produire les mines du Nouveau-Brunswick?

M. Whyte : Nous devons être prudents, pour des raisons concurrentielles, mais je peux vous donner quelques explications. La géographie du Nouveau-Brunswick est différente de celle de la Saskatchewan et leurs ressources minières sont, elles aussi, différentes. Deux mines importantes ont fait l'objet de près de 7 milliards de dollars d'investissements en Saskatchewan. Malheureusement, les mines du Nouveau-Brunswick n'étaient pas aussi productives. Je peux vous dire que la décision a été très difficile à prendre pour le chef de la direction.

J'ai entendu parler indirectement du cabinet de placement chargé de trouver un emploi au personnel. Les spécialistes de ce cabinet n'avaient jamais vu aucune entreprise traiter ses employés avec autant de compassion. Le chef de la direction s'était rendu sur place et avait rencontré personnellement chaque employé. Il était tellement contrarié de devoir fermer la mine que les employés l'ont serré dans leurs bras. La fermeture d'une mine n'est pas une décision qui se prend à la légère. Les entreprises investissent dans ces installations.

Actuellement, il y a une surcapacité de production de potasse. Nous aurons besoin de plus de potasse, mais en même temps, il y a une surcapacité. Il est regrettable qu'il ait fallu fermer la mine. Tout le monde a déploré cette situation.

Le sénateur Mercer : La potasse est toujours là. Revenez donc l'exploiter.

M. Whyte : La mine n'est pas totalement fermée, mais elle fonctionne avec un effectif réduit.

[Français]

Le président : Permettez-moi, chers invités, de vous présenter la sénatrice Tardif, de l'Alberta, qui vient de se joindre à nous.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : Pardonnez-moi de ne pas connaître les chiffres, mais je crois que l'oxyde nitreux est un facteur important qui contribue aux émissions de gaz à effet de serre dans le secteur agricole. Vous signalez que le programme PREON contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'environ une à deux mégatonnes annuellement, dans l'Ouest du Canada seulement. Pouvez-vous comparer cette réduction aux émissions actuelles?

M. Graham : Certainement. Je ne suis pas certain d'avoir en main les chiffres concernant les émissions totales dans l'Ouest du Canada. Nous pourrons obtenir ces chiffres pour vous, mais cela représenterait une partie importante des émissions. L'oxyde nitreux est une des émissions les plus importantes résultant de la culture.

Le sénateur Pratte : Ce serait donc une contribution importante?

M. Graham : Ce serait également une contribution importante à la réduction des gaz à effet de serre au Canada, car ce n'est pas un élément que le gouvernement a pris en compte pour le moment.

Le problème tient en partie au fait qu'il est difficile de mesurer les émissions d'origine agricole ou biologique produites par des champs, si l'on compare aux émissions produites par une usine que l'on peut mesurer à partir des effluents industriels. Cette méthode rigoureuse et fondée sur des données scientifiques présente plusieurs avantages, un des principaux étant qu'elle autorise une approche tout à fait vérifiable et reconnue à l'échelle internationale, en vertu de laquelle le gouvernement peut affirmer de quelle manière les agriculteurs ont été en mesure de réduire leurs émissions totales.

Cela est très utile pour le Canada au niveau de l'image qu'il souhaite offrir sur la scène internationale. C'est particulièrement le cas dans des provinces comme l'Alberta, dont la réputation a été quelque peu flétrie à l'échelle internationale. Il est très utile, en effet, pour de telles provinces d'affirmer qu'elles font des progrès dans le domaine agricole.

Le sénateur Pratte : Je suppose que vous pensez qu'il s'agit là d'un objectif réalisable. Selon vous, quel serait un objectif impossible à atteindre? Vous recommandez que le gouvernement se donne un objectif réalisable et non pas inaccessible. Pensez-vous que le gouvernement actuel se donne des objectifs impossibles à atteindre en matière de réduction des gaz à effet de serre?

M. Whyte : Dans le cas de notre industrie, il faut prendre en compte les émissions en aval et les émissions en amont. En aval, c'est l'approche des 4B qui intervient. Notre recherche a prouvé que la gérance des nutriments 4B peut réduire au minimum de 25 p. 100 les émissions d'oxyde nitreux. L'application du programme PREON permet de réduire de 25 p. 100, ce qui, par extrapolation selon le nombre d'acres et par culture, permet également d'augmenter la rentabilité de 86 $ par acre. Voilà pour l'aval.

En amont, il faut considérer la production d'azote, ce qui nous ramène à la durabilité. La réduction des gaz à effet de serre est limitée, en raison des procédés scientifiques mis en œuvre pour la production d'azote. Si nous voulons avoir un comportement modèle, comme les études l'ont montré, et que le gouvernement du Canada veut fixer des cibles plus ambitieuses, nous ne faisons que déplacer notre production vers des usines alimentées au charbon, probablement en Chine, ou vers des installations moins productives. Ce faisant, on peut abaisser la cible canadienne, mais on contribue à augmenter la cible mondiale, puisque nous avons des procédés de production de l'azote plus efficaces et plus rentables.

Rien que dans le secteur des gaz à effet de serre, c'est un véritable casse-tête politique. Nous recommandons de fixer des objectifs secteur par secteur, plutôt qu'un objectif global. C'est ce que nous faisons quand nous collaborons avec les gouvernements provinciaux. Nous travaillons actuellement avec les gouvernements de l'Alberta et du Manitoba. Ce sont des gouvernements différents qui n'ont pas des approches identiques, mais nous tâchons de leur faire comprendre que nous sommes un secteur à forte consommation d'énergie et exposé à la concurrence.

Le sénateur Pratte : Où se situent les politiques actuelles du gouvernement fédéral?

M. Whyte : C'est une sorte de point de référence. À partir d'un certain niveau, nous ne serions plus compétitifs. Nous allons voir ce qui sortira des discussions avec les gouvernements provinciaux.

M. Graham : Nous avons beaucoup travaillé avec le gouvernement fédéral et les provinces afin de montrer, à l'aide d'analyses comparatives, quelle était l'efficience de nos usines. Nous espérons que nous serons reconnus comme industrie à forte consommation d'énergie ou produisant beaucoup d'émissions et exposée à la concurrence. Je crois que la plupart des gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral ont reconnu que ce type d'industries qui sont hautement efficientes, qui ne peuvent pas changer leurs procédés de production pour réduire considérablement leurs émissions et qui doivent malgré tout faire face à la concurrence, car étant tournées vers l'exportation ou l'importation — nous sommes une industrie très orientée vers l'exportation — devraient bénéficier d'un certain répit face au fardeau qui leur est imposé.

[Français]

Le président : Permettez-moi de vous présenter le sénateur Oh, de l'Ontario.

Maintenant, à vous la parole, sénateur Dagenais.

Le sénateur Dagenais : Le gouvernement du Canada s'est engagé à mettre en place une taxe sur le carbone. Quelques provinces avaient déjà pris des engagements en ce sens. Du point de vue politique et économique, cette taxe est contestée par certains intervenants du milieu agricole. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. L'application d'une telle mesure est-elle le meilleur moyen d'atteindre les objectifs de réduction des GES, ou d'autres avenues ont- elles été examinées?

M. Graham : Je vous remercie de votre question.

[Traduction]

Au fil des années, nous avons collaboré avec de nombreux gouvernements fédéraux et ministres différents. Les gouvernements provinciaux ont étudié différentes possibilités et les diverses régions du Canada ont adopté toute une variété d'approches différentes pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La Colombie-Britannique applique une taxe sur le carbone, tandis que l'Alberta a opté pour un programme mixte de plafonnement et d'échange et de normes de rendement. L'Ontario et le Québec privilégient nettement le plafonnement et l'échange. Au niveau fédéral, il est question de taxation du carbone.

Pour nous, pour notre industrie en particulier, puisque c'est elle qui nous concerne, ce qui est important n'est pas nécessairement le concept du système lui-même, mais le fardeau qu'il impose à l'industrie et sa capacité à changer les comportements. Quel que soit le système, si le système de plafonnement et d'échange est trop strict ou si la taxe carbone est trop élevée pour une industrie particulière, l'industrie ne modifie pas son comportement. Le procédé de fabrication de l'ammoniac qui est à la base de la production de l'azote sera toujours le même. C'est ainsi que sont faites nos usines qui doivent appliquer des procédés chimiques et scientifiques. Voilà sur quoi nous nous penchons.

Nous reconnaissons qu'il est important de réfléchir à la question et nous comprenons que les divers gouvernements peuvent avoir des approches différentes, mais en fin de compte, l'important dans l'application d'un régime de limitation des émissions de carbone consiste à se poser les questions suivantes : Est-ce que le régime va vraiment contribuer au changement des comportements? Est-ce que les entreprises peuvent modifier leurs procédés? Est-ce que les gens adoptent des habitudes plus efficientes pour se rendre au travail, lorsqu'ils conduisent leur voiture et lorsqu'ils se livrent à toutes sortes d'autres activités? Je pense qu'il revient aux membres du Sénat et de la Chambre des communes de déterminer quels sont les meilleurs régimes pour la population canadienne.

M. Whyte : En revanche, du côté aval, il y a d'importantes réductions en termes d'impacts climatiques qui sont reconnues à l'échelle mondiale. C'est une situation gagnante sur tous les plans, aussi bien au niveau de la production alimentaire que de la rentabilité et de l'environnement, pas seulement l'environnement atmosphérique, mais également l'environnement aquatique. Pourquoi? Tout simplement parce que le producteur utilise le bon engrais, au bon endroit et au bon moment, et je pense que c'est très important. Nous avons fait beaucoup de recherches dans ce domaine et si nous pouvons faire adopter un tel comportement, ce changement sera, à lui seul, une importante contribution. Nous nous soucions aussi bien de l'utilisation de notre produit que de sa production.

[Français]

Le sénateur Dagenais : On a entendu parlé d'engrais intelligents qui aideraient le milieu agricole à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il y a un coût lié à ces semences. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. En outre, combien d'années faudrait-il prévoir avant de constater les effets de ces nouvelles semences?

[Traduction]

M. Graham : Il y a toute une gamme de produits fertilisants qui ralentissent la diffusion des engrais azotés lorsqu'ils sont appliqués et qui empêchent ou ralentissent leur dilution dans l'air. Ces engrais sont essentiellement plus efficients. Ils ne sont pas intelligents, mais très efficaces et certains de nos programmes de recherche visent à documenter l'efficacité de ces engrais. Les agriculteurs se tournent de plus en plus vers ces engrais afin d'augmenter leur productivité.

Les recherches se poursuivent, mais je pense que nous pouvons déjà constater l'utilité des recherches antérieures.

Certains chercheurs étudient des engrais qui réagissent de manière plus efficace en fonction des besoins de la plante. La commercialisation de tels produits n'est pas pour demain et je pense que leur coût sera peut-être prohibitif, mais dans tous ces domaines, je crois que nous devons privilégier des réponses multiples et que l'innovation est très importante.

M. Whyte : Il y a un processus intelligent qui fait appel à l'imagerie satellitaire, à l'échantillonnage des sols, à des conseillers certifiés en récolte, à l'étude des changements météorologiques et des précipitations, à l'agriculture de précision et à différents types de libération progressive des nutriments. Tout cela fait partie de la gérance des nutriments 4B qui va prendre de plus en plus d'importance. Ce qui est magnifique, c'est que le processus est à la fois simple et complexe. Il est simple parce qu'il peut se limiter à quatre produits, mais ces produits varient selon le terrain, les conditions météorologiques et le type de récolte. Le choix revient essentiellement à l'agriculteur. L'avantage, c'est qu'il peut être également utilisé par les petits exploitants. Nous nous intéressons aussi aux petits exploitants d'Afrique et nous pensons que le Canada dispose d'une propriété intellectuelle qui peut lui servir à atteindre ses propres objectifs, mais également des objectifs mondiaux.

Le sénateur Woo : Messieurs Whyte et Graham, je vous remercie pour votre témoignage. Je veux poursuivre dans le même sens que le sénateur Dagenais et à la suite de ce que vous avez dit lorsque vous avez affirmé que ce qui était important dans un régime visant la réduction des GES, c'était les incitatifs destinés aux producteurs en amont et en aval pour réduire leurs émissions.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos de la conception du système qui propose des incitatifs pour favoriser le bon fonctionnement du programme PREON? Vous avez mentionné les crédits compensatoires qui sont générés. Quels sont les éléments du système qui permettent de produire ces crédits? À la fin de cette partie de votre exposé, je pense que vous avez parlé d'étendre ce régime à d'autres régions, ou de l'élargir. Dites-nous ce que vous entendez par là.

M. Graham : Le système albertain et d'autres régimes comme le régime de plafonnement et d'échange permettent à de grandes entreprises, telles que des centrales électriques, des mines ou d'autres producteurs d'émissions qui ne peuvent respecter les cibles ou les objectifs fixés par les gouvernements, d'acheter des crédits compensatoires sur le marché, plutôt que d'être contraints de cesser leurs activités ou de payer une amende. Souvent, ces crédits compensatoires sont offerts par des entreprises qui ne sont pas assujetties à la réglementation. Il peut s'agir d'une usine ayant inventé un nouveau procédé qui lui permet de réduire ses émissions.

Les exploitations agricoles sont de plus petites entités qui peuvent se joindre à d'autres exploitations agricoles réunies par ce qu'on appelle un agrégateur. Toutes les exploitations réunies au sein de cet agrégateur s'engagent à être plus efficientes dans leur utilisation des engrais. Dès lors, il est possible d'estimer, à partir de données scientifiques sûres qui sont bien établies en Alberta, quelle est la réduction des émissions obtenue. À partir de là, il est possible de calculer le montant de crédits compensatoires que l'industrie devrait payer aux agriculteurs en guise d'incitatif.

Nous souhaiterions que ce système soit étendu, soit par le régime fédéral, soit, préférablement, grâce à la collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, afin que tous les agriculteurs du Canada aient la possibilité d'obtenir un certain incitatif. Le montant ne serait pas énorme et se limiterait à quelques dollars par acre, mais ce serait également un moyen pour les agriculteurs d'améliorer leur façon de faire et leur utilisation de l'engrais tout en augmentant leur rentabilité et en contribuant à la protection de l'environnement. C'est une situation très avantageuse pour les agriculteurs. Un tel régime aide également l'industrie à respecter ses engagements relativement aux cibles de lutte contre les changements climatiques, tout en aidant les agriculteurs et la production alimentaire.

M. Whyte : Si vous le permettez, j'aimerais préciser que c'est agréable de se trouver dans une pièce où tout le monde comprend ce dont je parle.

Souvenez-vous qu'au moment de l'instauration de la TPS, nous avions un objectif, mais il y avait un fardeau de conformité. Nous avons consacré beaucoup de temps à l'observation fiscale des entreprises en matière de TPS. Ce sera la même chose pour le PREON. C'est une chose d'annoncer le programme, mais si son application est trop compliquée pour les agriculteurs, ils ne s'en occuperont pas.

La deuxième chose, c'est que si le processus de perception coûte de l'argent aux propriétaires de petites entreprises, comme c'était le cas avec la TPS, ils ne lèveront pas le petit doigt. Nous avons dû imaginer des moyens de les aider, parce que cela risquait de poser problème.

La troisième stratégie pour encourager l'application du PREON et d'autres programmes consiste à montrer aux agriculteurs qu'ils augmenteront leur rentabilité et leur productivité s'ils appliquent le programme. Nous devons trouver un système qui produise cet effet-là.

En tant qu'organisation, nous devons nous fixer une cible de 20 millions d'acres appliquant les 4B d'ici 2020. Cela représente 25 p. 100 de toutes les terres arables du pays. Seuls, nous ne pouvons y parvenir. Nous devons faire appel à des conseillers, des leaders, des détaillants, à l'industrie agroalimentaire et aux universitaires pour nous aider à atteindre cette cible.

Souvenez-vous du zéro-tillage, un concept qui est apparu soudainement il y a 30 ans. Les gens étaient médusés, mais il a fallu du temps avant que le concept soit adopté. Nous devons accélérer ce processus.

Ce que nous n'avons pas dit, c'est que l'oxyde nitreux est 300 fois plus nocif que les émissions de carbone. Comme je l'ai dit, cela pourrait être l'élément qui permettra de changer la donne.

Le sénateur Woo : La difficulté à réunir 20 millions d'acres tient-elle aussi en partie au fait qu'il faut disposer d'un marché suffisamment grand pour que les entreprises et les autres pollueurs achètent des crédits compensatoires? La taille actuelle du marché en Alberta est-elle suffisante pour l'utilisation des crédits compensatoires qui sont produits en Alberta seulement?

M. Graham : À mon avis, le plus grand problème auquel nous faisons face en Alberta découle plutôt de la complexité du système de crédits compensatoires qui est conçu pour des réductions dans le secteur industriel plutôt que dans les exploitations agricoles.

Le défi est de taille. Comme je l'ai dit auparavant, nous devons nous appuyer sur des estimations ou des coefficients fondés sur des données scientifiques pour obtenir des réductions. Ensuite, il y a des problèmes de vérification, puisqu'en Alberta, nous créons des instruments financiers.

Je pense que le succès viendra d'un effort concerté en vue d'amener les agriculteurs à prendre conscience des possibilités. Dans certains marchés n'offrant pas suffisamment de possibilités pour l'industrie d'acheter des crédits compensatoires, nous espérons qu'il y aura l'option de les vendre dans d'autres régions. Dans certains cas, il sera peut- être préférable pour le gouvernement de mettre en place un programme d'incitatifs, plutôt qu'un système de crédits compensatoires, mais nous estimons que les crédits compensatoires constituent un bon point de départ.

M. Whyte : Il est possible que la motivation provienne des deux côtés, les agriculteurs sollicitant les détaillants et ceux-ci montrant leur intérêt. Il serait peut-être possible de motiver les agriculteurs par l'intermédiaire de l'assurance- récolte ou d'un autre programme afin de les encourager à faire un essai pendant quelque temps, dans le but de constater les résultats. Cependant, les avantages ne seront pas visibles au bout d'un an; il faut attendre plus de trois ans pour constater une différence.

Le sénateur Woo : D'un autre côté, pouvez-vous nous dire de quelle manière le système plus explicite de la tarification du carbone appliqué en Colombie-Britannique a touché la production d'engrais dans cette province?

M. Graham : Nous ne produisons pas beaucoup d'engrais en Colombie-Britannique.

Le sénateur Woo : Évidemment.

M. Graham : La Colombie-Britannique possède des terres agricoles qui comptent parmi les meilleures du pays. Le problème avec la Colombie-Britannique, c'est qu'elle ne parvient pas à produire suffisamment. Nous aimerions tous acheter plus de vin et de produits de la Colombie-Britannique. Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup d'expérience en Colombie-Britannique.

La sénatrice Gagné : Je crois que tout effort de développement durable doit refléter le point de vue des différents intervenants. Est-ce que Fertilisants Canada recueille les points de vue des experts en sécurité alimentaire, des spécialistes de l'environnement, des agriculteurs, et cetera? Pouvez-vous nous parler de votre réseau de recherche et de la façon dont vous recueillez les points de vue de ces intervenants?

M. Graham : De manière générale, les changements climatiques représentent seulement un des aspects que nous tentons de gérer. Nous cherchons à réduire les pertes de phosphore dans l'eau et la disparition de l'engrais azoté dans les eaux souterraines et dans l'atmosphère. Nous devons tenir compte de différents facteurs. Les changements climatiques sont très importants.

Nous nous efforçons de faire la promotion du système de gérance des nutriments 4B dans tout le pays. Nous procédons essentiellement en concluant des protocoles d'entente avec les provinces, là où nous considérons que le besoin est important. Nous cherchons à collaborer avec les ministères provinciaux de l'Agriculture et de l'Environnement, avec d'importants groupes agricoles et, dans beaucoup d'endroits, avec des associations de bassin hydrographique, comme la Kensington North Watersheds Association à l'Île-du-Prince-Édouard, la Grand River Conservation Authority en Ontario — en fait, avec l'ensemble des offices de protection de la nature de l'Ontario — et la Lake Friendly Manitoba, au Manitoba. Nous collaborons avec Canards Illimités et avec tous les regroupements agricoles. Nous agissons de manière prudente et dans le respect des changements importants entraînés dans les exploitations agricoles par les techniques que nous proposons. C'est pourquoi nous privilégions toujours la collaboration.

C'est un processus à plus long terme. Je pense au grand sénateur Herbert Sparrow qui avait contribué au rapport Nos sols dégradés, document qui introduisit la notion de zéro-tillage, dans les années 1980. L'adoption du zéro-tillage a pris plusieurs années pour devenir la technique agricole dominante dans l'Ouest du Canada.

Voilà environ 10 ans que nous avons lancé le système de gérance des nutriments 4B et nous avons atteint entre 20 et 25 p. 100 de la cible que nous nous sommes fixée pour les terres arables canadiennes d'ici 2020. Voilà le type de changement que nous voulons entraîner.

La plupart des agriculteurs utilisent les engrais de la bonne manière. Les agriculteurs canadiens figurent parmi les plus efficients du monde en termes d'utilisation d'engrais, de pesticides et d'autres intrants tels que le carburant diesel pour leurs tracteurs et leurs moissonneuses-batteuses. Ce que nous voulons, c'est apporter quelques changements supplémentaires, une sorte de glaçage sur le gâteau, en ajoutant quelques derniers éléments importants. C'est la partie la plus difficile.

M. Whyte : Dans le secteur alimentaire, beaucoup d'importants acheteurs et distributeurs de produits alimentaires s'inquiètent à propos de la durabilité alimentaire.

Prenons l'exemple de Walmart. Initialement, Walmart s'était donné pour objectif de réduire de 10 p. 100 l'utilisation des engrais. Après avoir collaboré avec nous, l'entreprise a changé de point de vue et demande maintenant à ses producteurs d'utiliser le système de gérance des nutriments 4B.

Comme l'a dit Clyde, beaucoup de producteurs utilisent le système de manière non officielle, mais nous voulons qu'ils le fassent de manière reconnue. Nous voulons que les agriculteurs appliquent le système de manière plus courante, collaborent avec un conseiller certifié en récoltes, faisant savoir à tous les intervenants de la chaîne alimentaire qu'ils appliquent ces techniques.

C'est très excitant. Les recherches dont nous ne cessons de parler se poursuivent en permanence. Nous négocions déjà en vue d'obtenir d'autres financements de contrepartie afin de poursuivre notre mission et de permettre aux experts de continuer leur travail. C'est un réseau nord-américain. Nous travaillons aussi avec des scientifiques et des universitaires aux États-Unis.

La sénatrice Tardif : J'ai lu le rapport 2016 de l'International Panel of Experts on Sustainable Food Systems dans lequel le groupe d'experts appelle à :

[...] un modèle agricole fondamentalement différent, basé sur la diversification des exploitations et des paysages agricoles, le remplacement des intrants chimiques, l'optimisation de la biodiversité et des interactions entre différentes espèces. Sur cette nouvelle base, des stratégies intégrées seraient créées, axées sur une fertilité des sols à long terme, des agroécosystèmes durables, et des moyens de subsistance sécurisés, à savoir, des « systèmes agroécologiques diversifiés ».

D'après eux :

De nombreuses données démontrent que ces systèmes sont aussi performants que l'agriculture industrielle en termes de production totale et supérieurs en termes de résistance aux stress environnementaux, et qu'ils permettent une augmentation des rendements agricoles dans les régions où la sécurité alimentaire n'est pas assurée.

Êtes-vous d'accord ou non avec ces conclusions et pourquoi?

M. Whyte : Tout d'abord, je pense que c'est possible. Il suffit de s'intéresser à l'histoire des sols — comme nous le faisons — pour constater que les civilisations qui ne remettaient pas de nutriments dans le sol devaient s'installer à d'autres endroits une fois que le sol était appauvri. La conclusion est simple. Pour obtenir des sols en bonne santé, on a besoin d'engrais. En effet, quand on enlève des nutriments du sol, il faut ensuite les remettre.

Avec le Fonds mondial pour la nature et Canards Illimités, nous avons réfléchi aux différentes façons de préserver l'habitat naturel et l'écosystème. Dans les terres arables, nous voulons que l'engrais parvienne aux plantes cultivées qui vont produire les récoltes. On dit qu'il est possible d'avoir le beurre et l'argent du beurre. J'ignore si c'est vrai, mais je sais que pour relever le défi et provoquer une autre révolution verte afin de nourrir plus de neuf milliards de personnes, nous devrons faire en sorte que les superficies limitées de terre dont nous disposons ne soient pas épuisées. Il faudra les renouveler et cela fait partie de la stratégie.

Lorsque nous étions en Afrique, encore dans le cadre d'un projet avec la fondation Gates, nous avons pu constater que les agriculteurs n'utilisent pas d'engrais, ou ne s'en servent pas de manière appropriée, ce qui entraîne un épuisement soudain des ressources aquatiques.

Je reviens tout juste du Sahara, un désert où chaque goutte d'eau compte. Cependant, un sol et des plantes en santé aident à conserver l'eau. L'eau est vraiment liée à l'écosystème et il est très important d'avoir un bon écosystème. Nous pensons faire partie de la solution.

La sénatrice Tardif : Je sais qu'il y a beaucoup d'inquiétudes et le rapport publié cette année par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies s'est montré très critique à l'égard de l'utilisation des pesticides.

M. Whyte : Nous ne produisons pas de pesticides.

La sénatrice Tardif : Je sais, mais l'utilisation des produits chimiques est une source d'inquiétude.

M. Graham : Bien sûr. J'ai grandi en Saskatchewan. Avant ma naissance, on n'utilisait aucun engrais dans cette province, dans les années 1930. Les mauvaises récoltes qui se sont succédé au cours des « sales années trente » étaient attribuables à l'appauvrissement des sols. Les agriculteurs cultivaient leurs terres et exportaient les récoltes, si bien que les nutriments quittaient le pays, sans être remplacés. Ils utilisaient un peu de fumier animal, mais ce n'était pas suffisant.

C'est ce qui s'est passé dans des endroits comme l'Afrique où, année après année, les agriculteurs cultivent les terres sans remplacer l'azote, le phosphore, le potassium et le soufre absorbés par les récoltes qui sont ensuite transportées de la ferme à la ville.

Un système comme l'agroécologie peut fonctionner pour des familles d'agriculteurs qui vivent à la ferme avec leurs animaux et qui consomment les récoltes qu'ils cultivent. Cependant, ce type d'agriculture mène à long terme à la pauvreté.

En Afrique, les agriculteurs qui ont les meilleurs débouchés économiques sont ceux qui cultivent leurs terres, exportent leurs récoltes vers les zones urbaines ou vers d'autres pays et obtiennent en échange suffisamment d'argent pour pouvoir s'offrir un régime alimentaire équilibré, envoyer leurs enfants à l'école et obtenir des soins de santé adéquats. C'est ce que nous devons faire.

L'Afrique et les autres pays où l'agriculture n'a pas progressé font face à un défi extrême, mais en revanche, les possibilités sont énormes.

Actuellement, nous sommes dans la province de l'Ontario. Le secteur le plus florissant de cette province est l'agroalimentaire et ce sont les engrais qui sont à la base de son succès. Les engrais sont à l'origine de 50 p. 100 de la production en Ontario et cela représente une proportion énorme de l'économie ontarienne et canadienne. C'est la même chose en Saskatchewan et en Alberta où une bonne partie des économies provinciales sont tributaires de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie pour vos explications.

La sénatrice Petitclerc : Dans le cas des engrais et de l'empreinte écologique, quelle est la part que l'on peut imputer à la production par opposition à l'utilisation des engrais?

M. Graham : C'est un peu partagé. Lorsque nous fabriquons de l'engrais azoté — et d'autres types d'engrais, mais la production d'azote consomme beaucoup d'énergie — nous utilisons du gaz naturel. Tous les engrais azotés ont une empreinte carbone quand ils sont répandus dans un champ.

Lorsque l'agriculteur répand de l'azote dans le sol, il y a toujours des pertes, étant donné que c'est un système biologique, que l'azote peut se transformer en oxyde nitreux, N2O, et c'est là que cela devient coûteux. C'est un mélange des deux.

Au Canada, notre industrie est extrêmement efficace, si bien que notre marge de manœuvre pour réduire les émissions de gaz au niveau industriel est limitée. C'est pourquoi nous avons décidé de déployer beaucoup d'efforts afin d'aider les agriculteurs à réduire les pertes au niveau des terres de culture.

La sénatrice Petitclerc : J'attendais un chiffre. Est-ce que c'est 50/50?

M. Graham : Non, l'empreinte carbone est plus grande au stade de la production que dans les champs.

La sénatrice Petitclerc : Je vous pose la question, parce qu'on peut lire sur votre site web que 95 p. 100 de la production de potasse est exportée. Je n'ai pas ces informations sous la main, mais je peux les retrouver.

Je sais que c'est une activité commerciale et je comprends cela. Mais, d'un point de vue strictement environnemental, pourquoi chercher à exporter une telle quantité dont on n'a pas besoin ici, si l'impact environnemental est si grand? Je n'interprète peut-être pas bien ces informations, mais si l'empreinte est si grande, pourquoi vouloir procéder ainsi?

M. Graham : Il n'existe que deux grandes régions dans le monde où l'on trouve de la potasse. La potasse est un minéral. Le gisement se situe à environ un kilomètre de profondeur dans toute la partie sud de la province de la Saskatchewan. Les autres dépôts importants se trouvent en Russie et au Belarus. Le monde est très tributaire de la potasse canadienne pour les cultures.

L'engrais, c'est la nourriture des plantes et ses composantes sont l'azote, le phosphate et le potassium ou potasse. Comme les humains, les plantes doivent avoir un régime alimentaire équilibré. Elles ont besoin d'azote, de phosphate et de potassium ou potasse. Sans la potasse, le rendement des cultures finit par diminuer et il n'est plus possible d'obtenir la nourriture nécessaire pour alimenter la population.

Nous exportons vers environ 70 pays dont l'agriculture dépend, dans une certaine mesure, de cette potasse. Nous estimons que ce serait une erreur de limiter ces exportations.

M. Whyte : L'empreinte écologique de la potasse n'est pas énorme. C'est la fabrication de l'azote, qui est un procédé chimique. L'azote est extrait de l'air et le procédé consiste à séparer différents éléments. Ce n'est pas une émission; voilà la différence.

Mais je veux parler de la potasse. Les opérations sont tellement efficaces aux terminaux Neptune que le chargement sur les navires peut se faire en trois jours, par comparaison à sept jours pour les autres produits. La potasse est extrêmement dommageable pour l'environnement. Les exportateurs ont construit des wagons extrêmement grands pour transporter leurs produits. Notre industrie a fait beaucoup d'efforts avant l'imposition de cibles.

En outre, il peut arriver qu'une cible soit déjà dépassée avant même d'avoir été fixée, mais cette cible peut être modifiée. C'est là que les choses se compliquent. Nous avons constaté que notre industrie est la meilleure de sa catégorie dans le monde, mais nous devons fixer une nouvelle cible qu'il nous sera pratiquement impossible d'atteindre.

Nous espérons que cela sera pris en compte pour notre secteur.

La sénatrice Petitclerc : Je tenais à être rassurée. Je ne voulais pas que nos exportations entraînent une énorme empreinte écologique.

M. Whyte : Non.

Le sénateur Ogilvie : À titre de curiosité, j'aimerais savoir quel est le pourcentage d'engrais azoté utilisé au Canada qui est aussi produit chez nous?

M. Graham : Le Canada est un exportateur net d'engrais azoté. Dans l'Ouest du Canada, nous sommes autosuffisants et nous exportons actuellement environ 40 p. 100 de notre production, surtout aux États-Unis. Au Canada, notre production est supérieure à nos besoins et nous aidons les agriculteurs américains à améliorer leurs récoltes. Nous convertissons le gaz naturel en un produit à valeur ajoutée. C'est un facteur important dans les provinces de l'Ouest canadien. Il y a aussi une grosse usine de fabrication d'azote en Ontario.

M. Whyte : Au Manitoba.

M. Graham : Il y a des usines d'engrais azoté en Ontario, au Manitoba, en Alberta et en Saskatchewan.

Dans l'Est du Canada, l'engrais azoté est transporté en grande partie par voie maritime. Pour des raisons pratiques et économiques, il est plus facile de transporter ces produits par voie maritime que par voie terrestre.

Dans le cas de la potasse, nous n'utilisons que 5 p. 100 de la production.

Le sénateur Ogilvie : C'est seulement l'azote qui m'intéresse.

M. Graham : Très bien.

Le sénateur Ogilvie : Au cours de votre exposé et dans les réponses que vous avez données à d'autres questions, vous avez dit que l'azote que nous utilisons aujourd'hui continue à être produit par fixation de l'azote. Le procédé en usage au Canada est-il une modification du procédé Haber ou est-ce un nouveau et merveilleux procédé miraculeux? Est-ce qu'on utilise encore le procédé Haber?

M. Graham : On continue à utiliser certains éléments du procédé Haber-Bosch dont la mise au point est antérieure à la Première Guerre mondiale. Haber et Bosch ont tous deux reçu un prix Nobel pour leurs recherches scientifiques à ce sujet. Cela montre à quel point ces découvertes étaient importantes à l'époque. Jusqu'à présent, personne n'a proposé une méthode rentable susceptible de remplacer le procédé Haber-Bosch.

Le sénateur Ogilvie : Ma véritable question se rapporte à un commentaire que vous avez fait sur l'importance de comprendre le rôle de certains produits que nous fabriquons. Nous avons déjà entendu cet argument au cours d'autres témoignages. En effet, il est important de comprendre l'impact sur la vie humaine de certains produits que nous devons fabriquer. L'engrais azoté devrait, selon moi tout au moins, être considéré comme un des composés commerciaux les plus essentiels que nous produisons.

Revenons aux chiffres que le sénateur Mercer a évoqués un peu plus tôt. La population terrestre atteindra bientôt 9 milliards. Nous savons que les plantes ne vont pas pousser en l'air — tout au moins, ce n'est pas pour demain. On s'intéresse à beaucoup de processus microbiologiques, mais les chercheurs n'ont pas encore trouvé le moyen de produire les plantes dont nous avons besoin à une échelle suffisante pour pouvoir répondre aux besoins alimentaires de la population terrestre.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus à propos du succès que vous avez obtenu dans vos efforts pour convaincre le monde politique qu'il fallait tenir compte de ce facteur dans le traitement de l'industrie quand il s'agit d'appliquer soit la taxation sur le carbone, soit un système de plafonnement et d'échange?

M. Whyte : Votre question vient tout juste de déclencher une avalanche d'informations dans mon esprit.

Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement albertain. Les divers intervenants de l'industrie collaborent à l'application de formules qui permettront peut-être de trouver une réponse. Nous travaillons en collaboration très étroite avec les gouvernements de toutes les allégeances politiques. Chacun a sa propre formule, son approche particulière. Nous nous efforçons de faire abstraction de la politique et de nous concentrer sur les données scientifiques, sur les cibles et sur les options raisonnables.

Vous serez peut-être intéressé par un livre extraordinaire qui s'intitule The Alchemy of Air, qui relate les origines du procédé Haber-Bosch. Le procédé a été inventé parce que la communauté scientifique a pris conscience qu'il y avait une crise et que l'on serait incapable de nourrir la population terrestre si l'on n'inventait pas un nouveau procédé pour fabriquer de l'azote. Auparavant, on se servait du guano en provenance du Chili, mais les réserves étaient pratiquement épuisées. Le monde était désespéré. C'est intéressant de voir comment les politiques peuvent changer au fil du temps.

Actuellement, nous devons trouver le juste équilibre entre une politique agroalimentaire qui vise à consolider la position du Canada sur le marché mondial, une politique environnementale et une politique concernant l'approvisionnement mondial en denrées alimentaires. Comment combiner ces trois éléments? Il faut trouver le juste équilibre. En offrant le même traitement à tous les secteurs industriels, on risque de déséquilibrer certains secteurs. C'est un aspect important.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les gouvernements de l'Alberta, du Manitoba et de l'Ontario. Nous avons collaboré avec le gouvernement fédéral, utilisant les mêmes données scientifiques et les mêmes recherches et nous avons réuni l'industrie.

Pour revenir à la conférence internationale sur les engrais, j'ai été surpris de constater que nous avançons tous dans la même direction, puisque nous travaillons avec les Nations Unies et la Commission mixte internationale. Nous appliquons la même formule et nous œuvrons de concert pour faire partie de la solution plutôt que de contribuer au problème.

Le sénateur Ogilvie : Je crois qu'en tentant de répondre aux besoins alimentaires de la population mondiale, vous faites certainement partie de la solution. La question est de savoir quel est le problème que nous tentons de résoudre ici. Merci beaucoup.

La sénatrice Bernard : Je serai brève, car je sais que nous approchons de la fin de la séance.

J'aimerais vous demander une précision. Vous avez dit à plusieurs reprises que c'est en Afrique que réside le potentiel d'avenir en termes de projections pour l'augmentation des rendements des récoltes. Vous avez mentionné l'Afrique à plusieurs reprises, mais nous savons tous qu'il y a 54 pays dans ce continent. Nous savons aussi qu'il existe de nombreuses zones de pauvreté en Afrique, des régions où l'agriculture ne permet pas aux populations d'assurer leur subsistance.

Pouvez-vous nous donner quelques précisions quant aux pays auxquels vous faites allusion? Est-ce qu'il s'agit de tout le continent africain? Quelle est la situation?

M. Graham : Nous participons, avec l'Association des coopératives du Canada, à l'élaboration d'un programme d'intervention en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est, en vue de l'implantation dans ces régions de nos systèmes d'agriculture intelligente face au climat. Les pays que nous avons retenus comme les plus prometteurs sont le Ghana, le Sénégal et l'Éthiopie en Afrique, ainsi que la Colombie, et nous sommes encore en train d'étudier quels seraient les pays de l'Asie du Sud-Est qui bénéficieraient le plus de nos interventions. Il ne s'agit pas véritablement de faire des affaires dans ces pays, mais d'offrir des services de vulgarisation agricole par l'intermédiaire de coopératives, pour implanter de meilleurs systèmes agricoles et s'assurer de transmettre les connaissances afin que les agriculteurs puissent faire le meilleur usage possible des engrais.

Les opportunités sont certainement excellentes dans ces pays et nous avons collaboré avec le gouvernement fédéral afin de déterminer les endroits où nos actions seraient les plus utiles. Nous espérons obtenir une incidence positive dans certaines parties de l'Afrique ou d'autres continents et, sachant que le succès entraîne le succès, nous comptons que ces systèmes pourront par la suite être implantés dans d'autres régions d'Afrique.

M. Whyte : J'aimerais ajouter que nous ne choisissons pas les pays au hasard, mais en fonction de l'infrastructure dont nous disposons déjà pour intervenir. L'Association des coopératives du Canada a du personnel dans ces pays et l'International Plant Nutrition Institute qui dispose de scientifiques vulgarisateurs, est également présent. Nous voulons pratiquer ce que nous prêchons. Nous ne voulons pas simplement injecter des fonds; nous voulons implanter une infrastructure. Selon l'approche coopérative, nous espérons toucher 120 000 petits exploitants, en majorité des femmes.

La sénatrice Bernard : Il serait vraiment utile de savoir exactement de quels pays d'Afrique vous parlez et d'avoir un peu plus d'informations à ce sujet. Par ailleurs, pouvez-vous nous dire quel type d'infrastructure est déjà en place et comment vous l'utilisez? Quand vous parlez de l'Afrique, cela renvoie un message différent.

M. Whyte : Je mentionne l'Afrique, mais je parle seulement au nom de Fertilisants Canada. J'ai participé à une conférence qui réunissait 1 300 entreprises qui interviennent toutes partout en Afrique. Il y en a une à Madagascar et à d'autres endroits. Chacune a sa propre stratégie. Ce sont des fabricants d'engrais européens, l'International Fertilizer Association et la fondation Gates qui consacrent 300 millions de dollars à la nutrition des sols. Nous faisons un effort concerté à long terme. L'enjeu est beaucoup plus vaste que les questions que nous abordons autour de cette table.

La sénatrice Bernard : C'est pourquoi je vous demandais plus d'informations. Il serait utile d'avoir plus de détails.

M. Graham : Nous pouvons fournir au comité des documents se rapportant aux solutions que nous proposons.

La sénatrice Bernard : Monsieur le président, m'autorisez-vous à poser une autre question?

Voici...

M. Whyte : Si vous le voulez, nous pourrons nous entretenir avec vous après la séance.

La sénatrice Bernard : Je viens d'une petite communauté rurale de Nouvelle-Écosse — une communauté victime de ségrégation — une des 52 communautés noires de la province qui avaient toutes été installées sur des terrains très rocailleux. Les habitants de ces collectivités ne sont jamais devenus des agriculteurs, parce qu'il était impossible de cultiver ces terres.

Votre organisme envisage-t-il de prendre des initiatives de ce type dans notre pays? Pouvez-vous aider les gens à cultiver leurs terrains rocailleux?

M. Graham : Il est très difficile de cultiver sur des roches. Imaginez les possibilités qu'aurait le Canada si l'on pouvait transformer le Bouclier canadien en terres agricoles productives. Les bonnes terres arables représentent une très faible proportion de la superficie du Canada. Je viens de la province de la Saskatchewan qui est aussi une province d'immigration. Les premiers colons ont obtenu les meilleures terres agricoles, mais les vagues suivantes d'immigrants ont dû se contenter de terres de plus en plus marginales.

La Nouvelle-Écosse possède quelques-unes des meilleures terres agricoles du pays, dans la vallée de l'Annapolis, mais je sais que la nature est moins généreuse dans d'autres régions. Les agriculteurs se tournent vers la culture du bleuet, de la canneberge et vers d'autres cultures de ce type qui correspondent mieux aux terres marginales.

Nous pouvons certainement réfléchir à ce qu'il serait possible de faire dans ce domaine, mais nous estimons qu'en fin de compte nous devons faire le meilleur usage possible des terres agricoles les plus productives dont nous disposons, car ce sont elles qui vont nous offrir la meilleure production et qui nous seront le plus utiles.

Dans certaines régions, l'élevage convient mieux que la culture. Nous devons tenir compte de la nature des ressources dont nous disposons et en faire le meilleur usage possible.

M. Whyte : J'ajouterai que nous pouvons aider de la manière suivante : nous disposons d'un réseau de scientifiques qui s'intéressent à certaines plantes précises et aux fertilisants dont elles ont besoin. Ils ont fait leurs recherches. Ils sont extraordinaires et ils sont répartis dans le monde entier. Ils s'intéressent à toutes sortes de cultures — pas seulement le riz, mais également le plantain et d'autres types de cultures. Il serait peut-être possible de trouver une culture adaptée.

Le président : Monsieur Whyte, monsieur Graham, merci beaucoup d'être venus témoigner cet après-midi. Merci pour vos observations. Je remercie les sénateurs pour le grand intérêt qu'ils ont manifesté à l'égard du sujet étudié.

(La séance est levée.)

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