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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 31 - Témoignages du 15 juin 2017


OTTAWA, le jeudi 15 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 1, pour poursuivre son étude sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous. Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Ce matin, nous continuons notre étude, entamée il y a quelques mois, sur l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Ce matin, nous recevons Mme Cher Mereweather, directrice générale de Provision Coalition.

Je suis le sénateur Ghislain Maltais, président du comité. Je vais demander aux sénateurs de se présenter eux-mêmes.

La sénatrice Tardif : Bonjour, je suis Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

Madame Mereweather, nous vous écoutons, et après votre présentation, les sénateurs auront le plaisir de vous poser des questions. La parole est à vous.

[Traduction]

Cher Mereweather, directrice générale, Provision Coalition : Merci. Ce matin, j'aimerais vous donner une idée de ce que fait Provision Coalition et vous parler des répercussions et des risques des changements climatiques, des mesures favorisant l'adaptabilité et la résilience au sein de l'industrie de la fabrication d'aliments et de boissons et du rôle que devrait jouer le gouvernement.

Nous sommes une coalition de 15 associations de l'industrie. En fait, Food and Beverage Manitoba s'est jointe à nous hier à peine, et nous en sommes ravis. La coalition d'associations de l'industrie a été créée par l'industrie pour l'industrie, et son objectif consiste à trouver des façons de produire des aliments de manière viable. Nous avons mis en place des ressources et des programmes spécialisés pour assurer la production durable d'aliments, et nous nous appuyons sur trois piliers stratégiques.

Le premier est notre système de gestion de la production durable, soit une série d'outils et de ressources en ligne visant à aider les entreprises productrices d'aliments et de boissons à intégrer la durabilité dans leurs activités. Nous estimons que la durabilité englobe les aspects économiques, environnementaux et sociaux de l'entreprise. Nous offrons également du soutien sur place pour aider ces entreprises à utiliser nos outils et nos ressources.

Notre deuxième pilier stratégique est notre collaboration au sein de la chaîne de valeur. Je parle ici des questions liées à la durabilité qui ne peuvent être réglées en vase clos, mais qui doivent plutôt être prises en compte tout au long de la chaîne de valeur, c'est-à-dire de la ferme jusqu'aux détaillants. Nous considérons que les mesures d'atténuation des changements climatiques font partie de cette catégorie, tout comme la perte et le gaspillage d'aliments et l'approvisionnement responsable.

Notre troisième pilier stratégique est le transfert des connaissances et la liaison. Cela signifie que nous partageons aux autres ce que nous avons appris.

Tout d'abord, vous devez savoir que les fabricants de produits alimentaires subissent d'importantes pressions à l'heure actuelle. Nous sommes une industrie à faible marge et nous faisons face à une augmentation du coût des intrants, une concurrence étrangère et des pressions de la part des consommateurs pour des aliments sains, abordables et durables. Nous avons des demandes du secteur du détail pour un approvisionnement responsable : on veut savoir ce qui se trouve exactement dans le produit, d'où il vient, son impact environnemental et les renseignements au sujet des fournisseurs avec qui nous travaillons. En même temps, il y a toute la réglementation à laquelle nous devons nous conformer, le coût de l'eau et toute une panoplie de répercussions liées au climat et à l'énergie.

Sur la prochaine diapositive figure une citation d'Andrew Winston qui, selon moi, décrit très bien la situation. Cette citation dit que les enjeux sont de taille, entraînant des risques énormes, mais aussi des débouchés extraordinaires, et une bonne gestion est essentielle à la réussite des affaires.

Parmi les conséquences des changements climatiques, mentionnons les conditions météorologiques extrêmes, qui peuvent occasionner un problème d'accès aux matières premières, y compris les ingrédients dont nous avons besoin pour fabriquer les aliments ou les boissons. Elles peuvent aussi nuire à la logistique. Dans de telles conditions, il devient beaucoup plus difficile de déplacer les matières premières vers nos installations de fabrication ou d'expédier nos produits. Évidemment, il faut également tenir compte des dommages aux infrastructures.

Nous avons recensé des risques pour les entreprises associés à la tarification du carbone, qui est évidemment le processus par lequel nous envisageons de réduire notre empreinte carbonique au pays, notamment une hausse des coûts de production pour les fabricants d'aliments et de boissons. Il y aura une incidence directe du coût du carbone, mais aussi des coûts du carbone intégrés aux intrants, que ce soit les matières premières, l'emballage ou l'accès aux services publics et à l'énergie.

Notre industrie fait l'objet d'une forte concurrence. D'autres pays, où il n'y a aucune tarification du carbone, bénéficient de coûts de production inférieurs, ce qui nous place en situation de désavantage concurrentiel.

Étant donné ses faibles marges, notre industrie s'expose à des fuites de carbone. Comme je l'ai déjà dit, pour une industrie comme la nôtre, où le moindre coût a de l'importance, des coûts additionnels peuvent entraîner la fermeture ou le déménagement des usines. Nous observons de plus en plus d'usines qui se regroupent ou qui vont s'établir à l'extérieur du pays.

Pour ce qui est des mesures favorisant l'adaptabilité et la résilience, je vous ai dit plus tôt que nos outils et nos ressources avaient été créés par l'industrie pour l'industrie, alors nous croyons pouvoir contribuer grandement à l'atteinte des objectifs du gouvernement.

Nous pouvons mettre à profit nos outils et nos ressources pour réduire les émissions et la consommation d'énergie. Nous proposons aux entreprises alimentaires une autoévaluation comparative qui leur permet d'évaluer leur façon de gérer leur consommation d'énergie et leurs émissions.

Nous avons une liste de contrôle technique qui aide les entreprises à définir les différentes mesures qu'elles peuvent prendre pour réduire leur consommation d'énergie et leurs émissions.

Nous disposons d'un outil pour assurer la surveillance et le suivi de leur consommation d'énergie et de leurs émissions par unité de production.

Nous avons également une trousse de réduction des pertes et du gaspillage d'aliments. Je tiens à le mentionner, parce qu'il est important de comprendre qu'il y a du carbone associé à la nourriture qui est gaspillée. Même s'il ne s'agit pas d'un facteur aussi important dans la fabrication des aliments, sachez que les déchets organiques qui aboutissent dans un site d'enfouissement produisent des émissions de méthane qui ont un effet négatif considérable sur l'environnement.

Nous sommes maintenant capables de rendre compte des résultats agrégés en matière de réduction afin d'appuyer les objectifs et les buts du gouvernement.

Dans le cadre de notre travail sur place, nous collaborons avec ces entreprises pour les aider à transformer leur stratégie d'affaires afin d'y intégrer la durabilité. Cela doit se refléter dans leur prise de décisions, leurs activités et la mobilisation de leurs employés.

Nous insistons beaucoup sur le changement de mentalité. Pour nous, il s'agit de changer la façon dont nous pensons à nos entreprises et de sensibiliser les gens au fait qu'un changement est nécessaire.

En ce qui a trait au rôle du gouvernement, nous estimons qu'il est important d'établir des objectifs responsables et atteignables qui sont axés sur les résultats recherchés. Il faudra investir dans le soutien sur place pour aider ces entreprises alimentaires à faire la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. On songe notamment à la transformation de la stratégie d'affaires, comme je l'ai dit tout à l'heure, et à l'intégration des innovations durables. Je vais en parler un peu plus longuement. Il s'agit en fait de la mise en valeur du capital naturel et de la façon dont ces entreprises s'y prennent pour tirer parti des ressources naturelles dont elles dépendent largement, pour changer la mentalité et pour gérer le changement au fur et à mesure. Nous croyons que lorsque nous aurons des investissements dans ces domaines, les entreprises seront prêtes à investir dans la réduction des conséquences des changements climatiques.

Nous considérons qu'il est également important de continuer d'investir dans des plateformes d'échange de données, de sorte que nous puissions rendre compte des progrès accomplis et communiquer les résultats quant à nos engagements.

Il faut aussi offrir des incitatifs pour favoriser l'adaptation et la résilience, que ce soit des investissements dans les capitaux, la technologie et les pratiques bénéfiques pour les fabricants.

Nous misons également sur la collaboration et les partenariats préconcurrentiels. Il s'agit donc de transférer notre savoir, de faire connaître les technologies qui sont efficaces, de communiquer les pratiques exemplaires et de réunir tous les intervenants afin de mettre en commun les leçons apprises.

Selon moi, il est primordial de favoriser l'adoption d'approches novatrices mixtes pour atteindre les résultats souhaités. Lorsqu'on parle d'approches novatrices, cela concerne les systèmes opérationnels et organisationnels, les produits ou les services ainsi que les éléments axés sur les clients. Nous devons donc déterminer comment réduire notre consommation d'énergie et notre empreinte carbonique dans ces trois catégories.

Pour résumer, nous sommes d'avis qu'il est essentiel d'appuyer une industrie tributaire du commerce durant la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Nous savons que la réduction de la pollution et des déchets a pour effet d'accroître la productivité, de réduire les coûts, de créer de la valeur ajoutée, d'accroître la rentabilité et la compétitivité, de renforcer la résilience et de réduire les risques, mais durant cette période de transition, nous avons besoin de soutien pour favoriser la croissance durable de l'industrie. Merci.

Le président : Merci beaucoup. Pour le premier tour, je vais céder la parole au vice-président du comité, le sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Bonjour. Je vous remercie pour votre exposé. Les enjeux auxquels nous sommes confrontés sont beaucoup plus importants que ce que les gens peuvent penser. Cela commence à prendre des proportions sérieuses. Lorsqu'on parle de coûts, on sait qu'il y aura une augmentation des coûts pour le ménage moyen. Dans ma province ainsi que dans celle de la sénatrice Bernard et du sénateur Ogilvie, la Nouvelle-Écosse, le coût de l'électricité est tout simplement exorbitant. Les gens doivent faire un choix entre payer leur facture d'électricité ou acheter une nouvelle paire de souliers à leurs enfants, et je crains que les souliers de leurs enfants arrivent souvent au deuxième rang.

Aidez-moi un peu ici. Selon vous, qu'est-ce que le gouvernement, fédéral ou provincial, peut faire pour régler le problème ou, du moins, atténuer les pressions?

Mme Mereweather : Du point de vue du fabricant, je pense qu'il faut investir durant cette période de transition afin d'avoir une industrie à faible production de carbone. J'ai donné quelques exemples où il fallait investir. Je crois qu'il est important d'appuyer ces entreprises dans le cadre de leur stratégie d'affaires; c'est pourquoi il faut investir dans le travail sur place qui nous permet de les guider et de les aider à redéfinir leur stratégie d'affaires. C'est ce que nous considérons comme un « objectif qui va au-delà de la réalisation de profits ». De nombreuses entreprises s'intéressent uniquement aux profits, mais il faut aussi penser à ce qu'elles pourraient faire au-delà de cette quête du profit. Comment peuvent-elles réduire les impacts?

Le sénateur Mercer : « Un objectif qui va au-delà de la réalisation de profits » est un slogan très accrocheur, mais je ne connais personne qui investirait là-dedans. Les gens qui investissent dans le secteur de la fabrication le font habituellement dans le but de réaliser des profits. Au bout du compte, ils doivent obtenir des résultats concrets. Ils n'agiront pas pour le bien commun. Je ne suis pas contre l'idée; j'essaie simplement de comprendre.

Mme Mereweather : Ce qu'on remarque, c'est que les entreprises qui ont des intérêts qui dépassent la simple recherche de profits sont en fait plus rentables. Nous avons un certain nombre d'exemples qui montrent que lorsqu'on a des objectifs qui vont au-delà de la recherche de profits, on peut être plus efficace, plus rentable et plus résilient. L'entreprise renforce ainsi son image et gagne la confiance du public. Les gens seront plus susceptibles d'acheter ses produits, car ils s'identifieront à ses valeurs.

Le sénateur Mercer : Par conséquent, est-ce que vous proposez un allègement fiscal pour les industries à faibles émissions de carbone?

Mme Mereweather : Pas nécessairement un allègement fiscal, mais une aide quelconque durant cette transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Mercer : Une « aide », c'est quand même vague. Comment définiriez-vous cette « aide » ici? Encore une fois, je ne suis pas contre l'idée. J'essaie simplement de comprendre. Lorsqu'on aide quelqu'un, on lui donne habituellement quelque chose.

Mme Mereweather : C'est exact. Autrement dit, il s'agit d'injecter de nouveaux capitaux dans la mise en place de mesures écoénergétiques qui permettent de réduire les émissions de carbone. Il faut aussi investir dans les pratiques exemplaires, la formation et la sensibilisation, de même que dans l'innovation et dans tout ce qui nous permet d'obtenir des résultats.

Le sénateur Mercer : En général, l'aide du gouvernement se résume à des subventions ou à des réductions d'impôt. Il n'y a pas beaucoup d'autres façons de donner de l'aide.

Mme Mereweather : Je pense notamment à l'élaboration de programmes. On peut investir dans un programme dans cette optique. C'est ce que je pense. Je parle ici d'un programme spécialement conçu pour l'industrie de la fabrication d'aliments et de boissons, car il s'agit d'une industrie tributaire du commerce et à faible marge. Notre industrie est essentielle pour le consommateur, car il a besoin d'aliments. Les consommateurs veulent des aliments locaux, alors nous devons nous assurer de ne pas perdre nos fabricants en raison des fuites de carbone. Nous devons les appuyer durant cette période de transition afin qu'ils puissent devenir une industrie de fabrication à faibles émissions de carbone. C'est donc ce que je voulais dire ici; il faut investir dans les programmes destinés à les aider.

Le sénateur Mercer : Merci.

Le sénateur Doyle : Vous avez dit que plusieurs usines quittaient le pays en raison des fuites de carbone auxquelles s'expose cette industrie à faible marge. J'imagine que ces usines s'établissent aux États-Unis, là où les lois en matière de lutte contre les changements climatiques ne sont pas aussi exigeantes qu'elles le sont au Canada? Pourriez-vous nous en parler un peu?

Mme Mereweather : C'est là le risque. Lorsqu'on a des coûts de production qui augmentent comparativement à d'autres, qu'on a déjà dépassé le seuil critique en ce qui a trait aux coûts de production en raison de différents facteurs, et qu'on se retrouve avec des coûts additionnels, à ce moment-là, la décision de s'établir ailleurs se prend plus facilement. C'est ce que je voulais dire.

Le sénateur Doyle : Pour ce qui est de notre chaîne d'approvisionnement alimentaire, y a-t-il des technologies émergentes dans le secteur du transport, par exemple, qui pourraient aider la chaîne d'approvisionnement à être plus concurrentielle? Est-ce que vous vous penchez sur ce genre de choses?

Mme Mereweather : Malheureusement, la logistique dépasse mon domaine d'expertise. Je suis désolée, mais je ne pourrai pas me prononcer là-dessus. Nous nous concentrons surtout sur ce qui se passe à l'intérieur des usines et au sein de la chaîne d'approvisionnement, c'est-à-dire sur l'accès au produit.

Le sénateur Doyle : Merci.

La sénatrice Gagné : J'aimerais revenir à la question du gaspillage alimentaire. Nous avons vu de nombreux documentaires ces dernières années qui montrent à quel point les Canadiens gaspillent beaucoup de nourriture. Je crois savoir que Provision Coalition a mis au point des méthodes pour mesurer l'ampleur du gaspillage alimentaire. Que faites- vous exactement? Je me demandais aussi si le Canada ou l'industrie pouvait mieux coordonner les mesures contre le gaspillage alimentaire et mieux comprendre la portée ainsi que l'incidence des activités qui pourraient réduire ce gaspillage.

Mme Mereweather : C'est une excellente question. Je vais tout d'abord répondre à la première question concernant ce sur quoi nous travaillons, et je parlerai ensuite de nos collaborations.

Nous sommes très heureux d'avoir pu fournir à l'industrie des aliments et des boissons un outil pour l'aider à évaluer la quantité d'aliments gaspillés au sein de la chaîne de fabrication. Cet outil permet d'établir la valeur des aliments gaspillés, de déterminer les raisons de ce gaspillage et de trouver des solutions pour y remédier. Évidemment, on cherche à réduire le gaspillage alimentaire évitable, c'est-à-dire les aliments qui devraient finir emballés ou expédiés.

Nous avons lancé cet outil en octobre dernier. Nous l'avons mis à l'essai au sein d'un certain nombre d'entreprises et nous obtenons des résultats fantastiques. Parmi les cas les plus récents, il y a la Compagnie Campbell du Canada, à son usine de Toronto. Lorsqu'elle s'est penchée là-dessus, elle a déterminé qu'elle avait seulement 1 p. 100 de gaspillage, étant donné que la plupart des éléments gaspillés étaient transformés en aliments pour animaux et autres choses. Lorsque nous avons utilisé l'outil et poussé nos recherches pour voir ce qui se passait réellement, nous avons découvert qu'il y avait 700 000 $ de gaspillage récupérable à cette usine. Il s'agit donc de sensibiliser les gens et de voir encore plus en profondeur ce qui se passe à l'intérieur des usines.

Je suis fière de dire que notre outil nous a valu beaucoup de reconnaissance. Je l'ai présenté à la Banque mondiale. Nous l'avons présenté également au bureau de recherche sur l'environnement des Nations Unies et à la Commission de coopération environnementale, et nous discutons actuellement avec Environnement et Changement climatique Canada. Pour répondre à votre deuxième question concernant l'effort de collaboration, l'une des choses que nous avons essayé de faire au sein de l'industrie alimentaire, c'est de réunir tous les joueurs. Nous avons regroupé divers intervenants, du secteur primaire à la vente au détail. Nous avons mobilisé le milieu universitaire, le gouvernement et les organismes à but non lucratif pour déterminer ce que nous pouvons faire ensemble et quels sont les intérêts communs.

L'éducation et la sensibilisation sont les principales priorités. Nous avons organisé un forum pour trouver des solutions pour notre industrie en avril à la suite de cette collaboration, et nous sommes actuellement en pourparlers avec Environnement Canada pour tirer parti de cette collaboration afin de voir si nous pouvons élaborer une orientation stratégique.

La sénatrice Gagné : Merci. C'est intéressant. J'ai une question complémentaire que j'aimerais poser, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Vous avez mentionné une présentation qui a été faite devant la Banque mondiale. Est-ce que nous nous sommes penchés sur les activités et les pratiques des initiatives internationales qui sont pertinentes pour le Canada? Cela s'insère-t-il dans le processus d'éducation, d'essayer de trouver les pratiques exemplaires qui sont utilisées en dehors du Canada?

Mme Mereweather : Absolument. C'était l'objectif de notre forum visant à trouver des solutions, à savoir de regrouper toutes les solutions mondiales qui existent et qui sont pertinentes pour le marché canadien et de les faire connaître. Pour ce faire, nous avons élaboré un document qui décrit ces solutions.

La sénatrice Gagné : Vous allez assurer un suivi et vérifier si ces solutions sont mises en œuvre ici au Canada? Est-ce le but visé?

Mme Mereweather : Nous travaillons à l'élaboration d'une deuxième version de notre trousse de réduction des pertes et du gaspillage d'aliments, qui assure un suivi de ces solutions. À l'heure actuelle, il ne fait que relever les solutions. La prochaine version de la trousse visera à surveiller la mise en œuvre des solutions et la réduction des pertes et du gaspillage d'aliments pour que nous puissions faire rapport sur les résultats et sur les moyens que nous utilisons pour atteindre nos objectifs.

La sénatrice Gagné : Merci.

La sénatrice Tardif : Merci beaucoup de votre présence ici ce matin et de votre déclaration. Je voulais revenir sur quelques points que vous avez abordés. Vous avez dit que le gouvernement pourrait continuer d'investir dans une plateforme d'échange de données. Est-ce qu'une plateforme d'échange de données existe à l'heure actuelle, et quel type de données entendez-vous échanger?

Mme Mereweather : En ce qui concerne la plateforme d'échange de données, je dirais que notre système de gestion de la production durable serait considéré comme étant une plateforme d'échange de données. Il faut continuer d'investir pour améliorer ces outils afin de pouvoir recueillir les données exactes dont nous avons besoin pour faire rapport sur ces résultats et sur ces engagements. Par exemple, dans quelle mesure avons-nous réduit notre consommation d'énergie en tant qu'industrie? Dans quelle mesure avons-nous réduit nos émissions de carbone? Grâce à ces données, nous pouvons fournir des données globales à toutes les entreprises plutôt qu'aux entreprises individuelles. Notre système a la capacité de prendre toutes ces données qui sont fournies, de les regrouper, puis de les transmettre au nom du gouvernement pour faire rapport sur les résultats en matière de transformation des aliments.

La sénatrice Tardif : Le gouvernement appuie-t-il cette plateforme à l'heure actuelle, votre système en ligne? Le gouvernement investit-il dans cette plateforme actuellement?

Mme Mereweather : Oui. Ces investissements expireront à la fin de mars. Nous aimerions qu'ils se poursuivent.

La sénatrice Tardif : À la fin de mars de cette année?

Mme Mereweather : Oui. En 2018.

La sénatrice Tardif : Comme vous l'avez mentionné dans votre exposé à plusieurs reprises, il faut qu'il y ait un changement de mentalité. Comment allez-vous vous y prendre pour que ce changement de mentalité se fasse?

Mme Mereweather : Notre travail sur le terrain se concentre énormément sur la façon de penser. Nous examinons les comportements et favorisons la gestion du changement. Nous avons une équipe chargée de la gestion du changement qui cible les réfractaires au changement et qui travaille avec eux pour modifier et transformer leur stratégie commerciale, et pour veiller à ce qu'ils aient les bons objectifs en place, qu'ils respectent le but et la vision et qu'ils disposent de paramètres solides pour qu'ils puissent rendre compte des résultats lorsqu'ils les atteignent. La façon de penser est influencée par les comportements et la gestion du changement.

La sénatrice Tardif : Quels sont les principaux obstacles au changement?

Mme Mereweather : Parfois, il faut sensibiliser l'entreprise à la nécessité d'apporter des changements, qui peut ne pas reconnaître tous les risques auxquels elle est confrontée. Parfois, il faut dire : « Nous avons toujours procédé ainsi, alors pourquoi faut-il apporter des changements? » Souvent, il faut trouver des arguments pour convaincre les entreprises qu'elles doivent apporter des changements, pour leur prouver l'importance de ces changements. Nous pouvons leur montrer les gains d'efficience, les gains de productivité et une amélioration des relations avec les employés. Ces avantages sont très importants pour les employés. C'est une question d'accès au marché. Il y a un certain nombre d'avantages pour les entreprises. Il faut leur faire connaître ces avantages.

La sénatrice Tardif : Si je comprends bien, vous voulez que les entreprises apportent des changements pour qu'elles adoptent des pratiques de gestion plus durables? C'est le but?

Mme Mereweather : Absolument. C'est le but.

Le sénateur Bernard : Ma question fait suite à celle de la sénatrice Tardif. Elle porte sur la façon de penser également. Y a-t-il des histoires de réussite dont vous pourriez nous faire part?

Mme Mereweather : Absolument. Nous avons un certain nombre d'études de cas que je me ferai un plaisir de vous faire part aujourd'hui. Pour vous donner un bel exemple, 90 p. 00 de nos entreprises alimentaires sont des petites et moyennes entreprises, et elles essaient simplement de commercialiser leurs produits. Earthfresh Foods est une petite entreprise de production de pommes de terre et de légumes racines, et notre collaboration avec cette entreprise est une expérience formidable. Elle a une stratégie commerciale solide. Nous avons mené un sondage sur l'engagement des employés avant et après avoir travaillé avec l'entreprise. Nous pouvons voir le niveau d'engagement auprès des employés. L'équipe de direction se concentre sur les bons indicateurs. Elle respecte le but et la vision, si bien que nous enregistrons de grandes réussites. Dans notre étude de cas, on mentionne le fait qu'elle a augmenté ses niveaux de production, réduit sa consommation d'eau et augmenté l'engagement des employés. Nous enregistrons déjà d'excellents résultats. Ce n'est qu'un exemple.

Le sénateur Bernard : Merci. Ce serait merveilleux si vous pouviez nous fournir quelques-uns de ces exemples.

Mme Mereweather : Nous serions ravis de vous les fournir plus tard.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup de votre présentation, madame. Je veux revenir sur la question de la concurrence étrangère. Pourriez-vous nous donner des exemples de problèmes ou de risques qui pourraient se produire avec les produits qui viennent de l'étranger? C'est bien beau d'imposer une taxe sur le carbone au Canada, cela paraît bien, mais à un moment donné, cela peut avoir pour effet d'augmenter les prix, ce qui se répercutera tôt ou tard sur la facture d'épicerie. Quel sera l'impact sur les prix et sur le contrôle de la qualité? Quelles recommandations pourriez- vous nous faire que nous pourrions inclure à notre rapport et qui pourraient vous aider?

[Traduction]

Mme Mereweather : En ce qui concerne la concurrence étrangère, je pense que le risque est l'écart entre les coûts de production. Dans un pays qui n'a pas à composer avec des mécanismes de tarification du carbone, les coûts de production sont moins élevés. Par exemple, nous pourrions avoir une installation qui exerce ses activités sur le marché intérieur et qui décide de déménager de l'autre côté de la frontière aux États-Unis et d'expédier son produit au Canada. Les coûts de production sont inférieurs aux États-Unis, mais l'entreprise continue d'avoir accès au marché et d'expédier son produit au Canada. C'est le plus gros risque. C'est une perte. Nous devons donc nous assurer que durant cette période de transition, nous appuyons les entreprises pour ne pas les perdre parce qu'elles décident de déménager aux États-Unis.

[Français]

Le sénateur Dagenais : À l'échelle du Canada, est-ce que vos membres se plaignent des difficultés liées au commerce interprovincial? Je ne comprends pas qu'au Canada, il y ait dix provinces et trois territoires, et qu'il y ait encore des difficultés liées au commerce interprovincial. J'aimerais que vous nous en parliez. À titre d'exemple, on sait que dans le cas de la bière et des spiritueux, il y a des limites entre chaque province, et qu'on ne peut pas vendre certains produits. Je trouve cela dommage, parce qu'il s'agit toujours du même pays. Est-ce que vos membres vous en parlent? J'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

Mme Mereweather : Malheureusement, le commerce n'est pas l'un de mes domaines de compétence. Je sais que ces barrières interprovinciales existent, mais je ne suis pas certaine de pouvoir apporter une contribution utile à cet aspect précis.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame.

Le président : Merci, sénateur Dagenais.

À titre de renseignement pour les membres du comité et notre témoin, à partir du 1er juillet, il n'y aura plus de barrières tarifaires au Canada. Une entente dont la négociation a été entamée sous l'ancien gouvernement a été finalisée et, hier, nous en avons reçu la confirmation au Comité des banques. À partir du 1er juillet, les barrières tarifaires seront abolies. Il reste de petites sections à négocier — comme la libre circulation de la main-d'œuvre et des produits, le camionnage, et cetera. Cela devrait être une excellente nouvelle. Il y a près de 20 ans que je siège au sein de parlements et que je dénonce les barrières tarifaires dans notre propre pays, alors qu'on signe des traités de libre- échange avec d'autres pays. C'est un travail de très longue haleine, qui a pris de cinq à six ans; les dix provinces et deux territoires ont signé l'entente, et l'application devrait commencer officiellement le 1er juillet. C'est le ministre Bains qui l'a annoncé hier. Je pense que c'est une excellente nouvelle pour les Canadiens et les Canadiennes et qui permettra de calmer les inquiétudes du sénateur Dagenais. Il pourra dormir en paix ce soir.

[Traduction]

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup de votre déclaration. J'ai consulté votre site web, et vous avez de nombreux outils très intéressants et interactifs. Celui que je veux que vous me parliez est le tableau de bord des indicateurs clés de performance. Je veux savoir comment il fonctionne, mais il me semble être un excellent outil d'évaluation. Je veux en savoir plus sur comment il est utilisé lorsque vous obtenez le score. Comment les entreprises utilisent-elles cet outil pour obtenir du financement, avoir une incidence ou être plus concurrentielles? J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.

Mme Mereweather : Je vais répondre à votre question en deux parties. Il y a le tableau de bord des indicateurs clés de performance qui existe à l'heure actuelle, et il y a l'amélioration sur laquelle nous travaillons en ce moment. Je vais ensuite expliquer comment les entreprises utilisent les renseignements.

À l'heure actuelle, la façon dont le tableau de bord des indicateurs clés de performance fonctionne est en consignant les données sur la production chaque mois. Vous saisissez les services publics que vous utilisez — à savoir l'énergie, le gaz naturel, l'électricité et l'eau — et les quantités de déchets que vous générez, en indiquant si vous recyclez, si vous détournez les déchets ou si vous avez des déchets dangereux.

C'est axé sur les indicateurs environnementaux. Il calcule pour vous l'incidence par unité de production. Il calcule votre consommation d'énergie, vos émissions de carbone et votre consommation d'eau par unité de production. Il vous fournit également vos données globales, soit la quantité d'énergie et d'eau que vous consommez, et cetera.

Le but de ce tableau de bord vise à fournir aux entreprises un point de référence pour connaître leur position de départ afin qu'elles puissent se fixer des buts. Si elles connaissent leur consommation totale d'eau ou leur consommation d'eau par unité, elles peuvent dire : « Je veux réduire ma consommation de 10 p. 100 », ou elles peuvent réduire leur consommation d'énergie ou leurs émissions. Elles peuvent ainsi surveiller chaque mois leurs progrès à mesure qu'elles mettent en œuvre ces projets visant à réduire leur consommation d'énergie, par exemple. Elles peuvent recenser leurs progrès avec le temps. C'est ainsi qu'elles utilisent le tableau de bord.

Nous travaillons actuellement à améliorer cet outil pour ajouter un certain nombre d'indicateurs. C'est ce qu'on appelle un indicateur tardif car vous devez consommer les quantités d'énergie avant de voir l'incidence. Nous essayons de mettre en place des indicateurs avancés pour nous permettre de voir ce qui se passe et de prendre des décisions d'affaires au pied levé, en essayant d'améliorer l'outil pour qu'il inclut des indicateurs sociaux tels que des formations destinées aux employés, en examinant des indicateurs économiques, puis en offrant un tableau de bord aux entreprises afin qu'elles disposent des graphiques de leurs progrès au fil du temps. Cela les aidera à prendre des décisions d'affaires beaucoup plus facilement.

La sénatrice Petitclerc : Une fois qu'elles ont ces indicateurs, et surtout en ce qui concerne l'environnement — et ce n'est peut-être pas votre rôle —, les entreprises obtiennent-elles plus d'outils, de programmes ou d'avis pour pouvoir s'améliorer? Ma question est la suivante : est-ce seulement utilisé comme indicateur de leur empreinte écologique, ou y a-t-il un autre aspect qui les aidera à s'améliorer?

Mme Mereweather : Le tableau de bord vise à suivre les progrès. Par exemple, nous envoyons un ingénieur à l'installation pour parcourir l'usine, et nous utilisons une liste de contrôle technique. Il cerne les possibilités à l'échelle opérationnelle et indique où l'entreprise gaspille de l'énergie ou de l'eau, ou si elle génère des déchets, et il suggère des améliorations et des programmes de financement éventuels dont l'entreprise pourrait se prévaloir pour l'aider à mettre en œuvre ces projets particuliers. L'indicateur clé de performance suivra ses progrès à mesure qu'elle met en œuvre les projets.

La sénatrice Tardif : Votre association a élaboré de nombreux outils pour réduire le gaspillage alimentaire. Vous avez mentionné les indicateurs clés de performance pour réduire le gaspillage et mesurer l'empreinte des différentes pratiques qui pourraient avoir une incidence sur l'environnement. À l'avenir, croyez-vous que l'étiquetage des aliments devrait mentionner les répercussions environnementales de certains produits? Estimez-vous que ce pourrait être un moyen de sensibiliser la population?

Mme Mereweather : L'étiquetage des aliments est un secteur problématique. Je pense qu'il faut mener beaucoup plus de recherches. Les caractères sur les étiquettes sont très petits. Il y a beaucoup de renseignements sur la nutrition et le marketing. Il serait difficile d'ajouter des renseignements. Cela pourrait créer plus de confusion pour le consommateur. Nous devons faire attention à l'information que nous plaçons sur l'emballage et aux renseignements que nous obligeons les entreprises à fournir sur l'emballage.

Il y a d'autres façons dont nous pouvons informer le consommateur des répercussions éventuelles, et nous devons faire preuve de créativité et d'innovation en ce qui concerne ces idées. Ce peut être au moyen d'Internet, d'applications ou des médias sociaux. On peut communiquer des renseignements au consommateur de bien des façons. Ces renseignements ne doivent pas forcément figurer sur l'étiquette avant de l'emballage d'un produit.

La sénatrice Tardif : Vous penchez-vous sur ces solutions de rechange?

Mme Mereweather : Pas particulièrement pour l'instant, mais notre Food Loss and Waste Stakeholders Collaborative a abordé la question de la sensibilisation. Je pense que nous devons effectuer des travaux de recherche et de développement dans ce secteur pour cerner les meilleures façons d'élaborer une campagne pour réduire les pertes et le gaspillage d'aliments, par exemple. Il existe bien des façons de sensibiliser les gens dans le cadre d'une campagne sans forcément placer les renseignements sur l'étiquette avant d'un produit.

La sénatrice Tardif : Comment financez-vous toutes ces activités que vous entreprenez?

Mme Mereweather : À l'heure actuelle, nous cherchons du financement de bien des façons. Nous essayons d'équilibrer les investissements de l'industrie et ceux du gouvernement.

La sénatrice Tardif : Donc, vos associations membres verseraient des fonds à ces fins?

Mme Mereweather : Les entreprises et d'autres partenaires dans la chaîne d'approvisionnement le feraient aussi.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'ai une dernière question. Pour élaborer vos programmes, quelles sont vos ressources, entre autres pour trouver à l'étranger des programmes déjà élaborés qui pourraient s'appliquer ici? On pourrait s'inspirer de mesures qui existent à l'étranger afin de les mettre en oeuvre au Canada. Quelles sont les ressources humaines dont vous disposez pour élaborer vos programmes?

[Traduction]

Mme Mereweather : Pour ce qui est des ressources humaines pour élaborer nos programmes, nous avons une solide expertise à l'interne, et nous avons une très grande équipe de consultants sur lesquels nous nous appuyons lorsque nous déployons nos programmes.

Pour ce qui est des ressources externes dans d'autres régions du monde, il n'y a pas beaucoup de coalitions. Nous sommes uniques dans ce secteur. L'initiative qui se rapproche le plus de la nôtre est la Beverage Industry Environmental Roundtable. Sa constitution est semblable à la nôtre. C'est une entité mondiale qui se concentre sur la réduction des répercussions environnementales dans la fabrication de boissons. Nous sommes très disposés à partager nos découvertes avec d'autres. Il faut comprendre les pratiques qui sont utilisées ailleurs et communiquer l'information que nous recueillons.

C'est un contexte préconcurrentiel, alors les gens sont très disposés à échanger des pratiques exemplaires et différentes technologies qui ont été mises à l'essai. C'est formidable qu'il y ait un échange d'information aussi ouvert. Mais je ne connais aucune entité qui soit exactement comme nous.

Le président : Madame Mereweather, merci de votre participation ce matin et bonne chance avec votre organisation.

Mme Mereweather : Merci.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous recevons maintenant, pour la deuxième partie de notre séance, de l'Association des chemins de fer du Canada, M. Gérald Gauthier, vice-président et, de Cando Rail Services, M. Lee Jebb, vice-président. Merci d'avoir accepté notre invitation.

Nous vous invitons à faire votre présentation et, ensuite, les sénateurs pourront vous poser des questions.

Gérald Gauthier, vice-président, Association des chemins de fer du Canada : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui. Je suis accompagné de M. Lee Jebb, vice-président de Cando Rail Services, une société diversifiée qui exploite trois chemins de fer locaux. M. Ratledge, président de Central Maine & Quebec Railway, devait être avec nous ce matin; malheureusement, il a éprouvé un problème de santé hier soir alors qu'il était en route pour Ottawa. Il ne peut donc pas être avec nous ce matin, et il me prie de vous présenter ses excuses.

Le président : Si je peux vous interrompre, Central Maine, est-ce la Quebec North Shore Railways?

M. Gauthier : Non. La compagnie que M. Ratledge représente est la Central Maine & Quebec Railway; c'est la compagnie qui a acheté les actifs de l'ancienne Montreal, Maine & Atlantic. Vous vous souviendrez qu'il s'est produit un événement tragique en 2013 au Québec; par la suite, cette compagnie-là a fait faillite et ses actifs ont été rachetés par la compagnie Central Maine & Quebec. M. Ratledge voulait vous parler de tout cela mais, malheureusement, ne peut le faire aujourd'hui.

J'ai toutefois pris connaissance de son projet d'allocution et je pourrai peut-être, durant la période des questions, emprunter des commentaires qu'il voulait formuler si j'en vois la pertinence.

Le président : C'est très gentil à vous.

M. Gauthier : Comme vous avez entendu mon président-directeur général Michael Bourque et des représentants du CN et du CP le 1er juin dernier, à propos de l'importance économique des chemins de fer et du rôle qu'ils peuvent jouer pour soutenir les efforts de réduction des émissions de GES au Canada, j'ai décidé de centrer mon propos ce matin sur le secteur des chemins de fer locaux et régionaux. On les appelle parfois « CFIL », pour chemin de fer d'intérêt local — particulièrement au Québec, c'est l'acronyme qui a été utilisé —, ou « shortlines » en anglais. Je laisserai donc à mon collègue le soin de vous parler directement de sa vision de ce que les gouvernements peuvent faire pour atteindre leurs objectifs environnementaux, et de ce qu'ils ne devraient peut-être pas faire.

Les chemins de fer locaux et régionaux sont une composante essentielle de la chaîne d'approvisionnement ferroviaire au Canada, reliant les expéditeurs à leurs marchés régionaux, nationaux ou internationaux. Ils fournissent le service de transport de marchandises de proximité en transférant le trafic de leurs clients aux chemins de fer de classe 1 à l'origine d'un mouvement, comme le CN et le CP, ou en recevant de ceux-ci ces marchandises à destination. À l'heure actuelle, ils représentent plus de 20 p. 100 du réseau national de chemins de fer et près d'un chargement sur six au point d'origine au Canada.

Leur rôle est complémentaire à celui des chemins de fer de classe 1 et est essentiel à l'offre d'une option de transport sûr, économique et respectueux de l'environnement pour leurs clients. Cependant, leur taille et leurs revenus limités créent des défis dans un environnement où les coûts liés à la conformité à la réglementation et aux politiques ne cessent de croître.

[Traduction]

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse. Au cours de la dernière décennie, les chemins de fer secondaires ont maintenu un ratio d'exploitation de 90 p. 100 — c'est la moyenne enregistrée au cours de la dernière décennie —, alors que les chemins de fer de classe 1 ont baissé leur ratio à 60 p. 100 au cours de la même période. Plus le ratio est bas, plus une entreprise est rentable. Puisque ce ratio est une mesure de l'efficacité opérationnelle, il met en évidence les défis auxquels sont confrontés les chemins de fer secondaires pour ce qui est de générer des revenus adéquats afin d'entretenir leur infrastructure et d'investir dans leur infrastructure.

Comme leurs partenaires de classe 1, les chemins de fer secondaires possèdent et entretiennent des infrastructures qui appartiennent à des intérêts privés, qui ont un accès limité aux subventions gouvernementales, au financement public ou, dans certains cas, aux institutions financières. Si le manque de financement public n'est pas un problème pour nos grands chemins de fer nationaux, qui investissent en moyenne 20 p. 100 de leurs revenus annuels dans leur infrastructure, les chemins de fer secondaires investissent en moyenne environ 12 p. 100 de leurs revenus dans leur infrastructure.

Il est difficile de demeurer concurrentiels lorsque votre principal concurrent, le secteur du camionnage, bénéficie d'infrastructures financées par l'État et a accès à des fonds dans le secteur des technologies propres.

L'ACFC préconise depuis longtemps un programme de financement fédéral dédié aux chemins de fer secondaires. Notre recommandation a été réitérée par l'honorable David Emerson dans son rapport récemment rendu public sur l'examen de la Loi sur les transports au Canada, dans lequel il a recommandé la création d'un programme de financement fédéral auprès duquel les chemins de fer secondaires pourraient faire des demandes sans être parrainés par le gouvernement. Ce parrainage est nécessaire à l'heure actuelle dans le cadre des programmes existants.

Le financement est encore plus important à l'heure actuelle puisque les mesures gouvernementales relatives à la taxe sur le carbone limiteront davantage leurs revenus disponibles. En fait, l'ACFC estime que les politiques provinciale et fédérale en matière de changements climatiques au Canada ont coûté au secteur des chemins de fer secondaires 3 millions de dollars en 2015, et on s'attend à ce que ce coût s'élève à 12 millions de dollars d'ici 2022, pour un coût total de 54 millions de dollars sur huit ans. Il n'y a actuellement aucune mesure en place pour compenser ces coûts. Nous pensons que favoriser un transfert modal des camions aux chemins de fer pourrait être l'une de ces mesures.

Je vais sans plus tarder laisser M. Lee Jebb présenter son exposé, et je serai ravi de répondre de mon mieux ce matin à toutes vos questions. Je vous remercie.

Lee Jebb, vice-président, Cando Rail Services : Bonjour. C'est un honneur de vous rencontrer aujourd'hui, en particulier sur le thème de l'environnement et du secteur des transports.

Je suis le vice-président de Cando Rail Services, une société canadienne dont le siège social est situé à Brandon, au Manitoba, et qui a des activités en Ontario, dans les quatre provinces de l'Ouest canadien et dans plusieurs États américains. Nous avons vu le jour en 1978, et nous comptons quelque 500 employés. C'est une excellente histoire, car la majorité de la société appartient aux employés dans le cadre d'un programme réussi d'actionnariat des employés.

Dans le secteur ferroviaire, notre société a pour rôle de favoriser les liens ferroviaires de l'industrie avec le réseau ferroviaire nord-américain. En tant que fournisseur de service du premier au dernier kilomètre, nous optimisons les déplacements locaux tout en complétant les opérations visant à connecter le réseau ferroviaire. En effet, nous bénéficions nous aussi de l'efficacité globale du système.

Parmi les secteurs d'activité de Cando, on compte des chemins de fer d'intérêt local. Nous en possédons un au Manitoba, et en Ontario, nous exploitons deux petits chemins de fer locaux qui appartiennent à la collectivité. Nous exploitons aussi des chemins de fer industriels qui relient l'industrie aux transporteurs de classe 1. Très souvent, il faut alors payer le taux courant pour l'utilisation du chemin de fer de classe 1, qui appartient au Canadien National, ou CN, et au Canadien Pacifique, ou CP. Nous nous occupons de la manutention du matériel et de la logistique sur le site, de même que du transbordement au terminal. Nous sommes responsables de l'ingénierie, de la construction et de l'entretien des chemins de fer, de même que du rassemblement, de l'entreposage, du nettoyage et de la réparation des wagons. Nous procédons aussi à la localisation, à la conception, à la construction et au financement des installations et des terminaux ferroviaires, ce qui représente un volet très vaste du secteur ferroviaire.

Voici certains des secteurs d'activités que nous servons : l'agriculture, l'industrie forestière, les engrais, la potasse, les produits pétroliers raffinés, la fabrication automobile et le secteur des transports.

Nos clients sont des entreprises comme JRI, Toyota, Magna, Mosaic, PotashCorp of Saskatchewan, Agrium, Produits forestiers Résolu, Domtar, West Fraser, la Compagnie pétrolière Impériale, Shell, Federy Co-op, le CN et le CP, ainsi que de nombreux autres noms que vous reconnaîtriez.

Nous avons réussi à maintenir des relations à long terme dans l'industrie étant donné que nous nous approprions les intérêts de nos clients.

Attardons-nous plus particulièrement au volet de notre entreprise qui porte sur le service ferroviaire. Nous gérons quotidiennement une moyenne de 1 300 wagons chargés dans quelque 28 sites d'exploitation ferroviaire. Même si nous ne représentons qu'une très faible part de l'ensemble du système, nous manipulons annuellement environ 20 milliards de dollars de produits. Même si ces chiffres sont importants, nos opérations sont généralement modestes. Il n'est pas rare qu'une exploitation de Cando compte une douzaine d'employés et deux ou trois locomotives.

Pour terminer la mise en contexte de mes remarques d'aujourd'hui, notre société exploite 45 à 50 locomotives afin de faire son travail, de même qu'une vingtaine de voitures sur rail ou locotracteurs. Nos locomotives comptent entre 1 200 et 3 000 chevaux-vapeur, à l'exception de deux locomotives que nous appelons GP15. Notre énergie provient de sources tout à fait traditionnelles qui existent depuis longtemps, et que vous retrouveriez dans la plupart des grandes gares de triage. Nous prenons particulièrement soin de notre énergie. Nous pensons même avoir la meilleure énergie du secteur. Nous faisons en grande partie l'entretien des unités nous-mêmes, au moyen d'équipes mécaniques mobiles. Les réparations importantes et la remise en état sont faites à notre atelier de mécanique situé à Winnipeg, des travaux qui sont parfois exécutés par des ateliers commerciaux.

Après les coûts liés à la main-d'œuvre et à l'entretien des biens d'équipement, de même qu'aux taxes, bien sûr, le carburant est l'une de nos plus importantes dépenses. Le carburant dépend principalement de facteurs économiques, de la gestion de la proximité et de l'exploitation, surtout dans les températures extrêmes de l'hiver canadien. Nous avons toutefois déployé des efforts considérables pendant de nombreuses années afin de réduire la quantité de carburant que nous consommons dans le cadre de nos activités. Cette réduction a aussi l'avantage de limiter notre empreinte carbone relative.

Sans compter les gains en efficacité que nos services confèrent à nos clients et à nos partenaires ferroviaires de classe 1, qui peuvent être importants, nous avons réalisé des gains relatifs aux manœuvres locales, principalement grâce aux programmes visant à limiter l'utilisation du moteur au ralenti. Environ 20 de nos locomotives sont dotées de systèmes de démarrage automatique, même si nous avons constaté que le protocole d'arrêt autogéré, qui est employé sur de nombreux sites, est encore plus efficace.

Une vingtaine de nos unités sont équipées de réchauffeurs électriques de mazout et d'eau de 575 volts, qu'on appelle le « système de démarrage à chaud ». Aussi, nous surveillons plusieurs de nos unités à distance au moyen de systèmes de localisation GPS et de technologie intégrée de communication cellulaire.

Mais le plus efficace, c'est d'entreposer les unités qui ne sont pas utilisées dans des entrepôts chauffés. Nous abritons 15 de nos locomotives dans de telles installations. Les coûts d'immobilisations liées à la technologie d'économie de carburant peuvent varier entre 30 000 et 100 000 $ par unité, en fonction de toutes sortes de caractéristiques et de facteurs techniques. Un immeuble coûte généralement 300 000 $ ou plus par unité. Les coûts d'exploitation sont importants et varient selon l'utilisation.

Mon message d'aujourd'hui ne concerne toutefois pas les technologies d'économies de carburant ou les applications techniques de la réduction des gaz à effet de serre du côté des locomotives. Nous avons déjà largement adopté les pratiques les plus concrètes et rentables qui soient à notre disposition, mais nous ne voyons pas quelles technologies révolutionnaires nous pourrions raisonnablement appliquer dans un proche avenir.

Mon message, c'est qu'il est possible de réaliser immédiatement des gains importants, relatifs et absolus, en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre dans le transport des biens et des matériaux au Canada, y compris dans les secteurs de l'agriculture et de la foresterie, si une partie du transport de marchandises passe à des modes plus efficaces à ce chapitre. Pour mettre les choses en perspective en ce qui a trait à la consommation de carburant, le transport ferroviaire est environ cinq fois plus efficace que le camionnage, et le transport maritime l'est encore plus.

Il n'est pas déraisonnable de croire que les gains éventuels à cet égard pourraient être supérieurs aux améliorations techniques progressives qui pourraient être réalisées à un moment donné, au moyen d'une coûteuse optimisation technologique des locomotives. La réponse réside du côté de la science physique fondamentale. En fait, la friction de l'acier sur l'acier est nettement inférieure à celle du caoutchouc sur l'asphalte. En moyenne, les pentes du réseau ferroviaire sont aussi moins variables et raides que celles des autoroutes et des routes. Enfin, puisqu'ils empruntent un droit de passage dédié, les trains n'ont pas à s'arrêter et à redémarrer aussi souvent que les véhicules à moteur.

Je crois avoir été invité à comparaître aujourd'hui en raison de la perspective de notre entreprise à titre d'opérateur de chemin de fer d'intérêt local. À cet égard, je vous remercie de me donner une tribune pour vous faire part d'une menace, ainsi que d'une occasion à saisir par rapport à ce que les Canadiens, et plus particulièrement le gouvernement du Canada tentent de réaliser en matière de réduction des gaz à effet de serre.

Je vais commencer par ce que j'appelle un événement de la taille d'un iceberg qui se dresse devant le secteur des transports et, par voie de conséquence, devant les efforts de réduction des gaz à effet de serre du gouvernement. En fait, il faut comprendre qu'environ 15 à 20 p. 100 du trafic ferroviaire d'origine canadienne provient de chemins de fer d'intérêt local.

Même si je n'en ai pas la preuve statistique, ma connaissance du secteur me permet d'affirmer que l'agriculture et la foresterie sont des clients particulièrement intensifs des chemins de fer d'intérêt local. De nombreux chemins de fer à courte distance rencontrent toutefois un problème. Ils font concurrence aux routes et aux autoroutes financées par le gouvernement, mais ils ne génèrent pas suffisamment de revenus pour justifier les projets d'infrastructure, d'investissement et de renouvellement. Il va sans dire que certains chemins de fer d'intérêt local traverseront une crise lorsque l'infrastructure se détériorera, et qu'ils devront possiblement cesser leurs activités. Leur fermeture risque de menacer la viabilité des industries situées sur ces lignes ferroviaires et fera en sorte qu'une quantité importante de transport de marchandises sera réacheminée vers le camionnage, ce qui accélérera la détérioration et la congestion des infrastructures de la voie publique tout en haussant les émissions de gaz à effet de serre.

Même si certains diront que j'ai un parti-pris, je recommande au gouvernement canadien de faire en sorte que la pérennité des chemins de fer d'intérêt local devienne un impératif économique et environnemental. Le Sénat pourra peut-être utiliser ses ressources pour étudier la question.

Dans un même ordre d'idée, je vais conclure mes remarques en vous présentant une occasion de réaliser des gains d'efficacité dans le secteur ferroviaire, dans l'intérêt des expéditeurs, des chemins de fer d'intérêt local et des chemins de fer de classe 1, ce qui contribue encore une fois aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre du gouvernement fédéral. De nombreux chemins de fer locaux et certains chemins de classe 1 à faible densité ont une infrastructure composée de voies et de ponts âgés et légers, ce qui limite la circulation sécuritaire à un chargement de 263 000 à 286 000 livres, soit beaucoup moins que le chargement habituel de 286 000 livres. Cela signifie que les marchandises qui transitent sur un chemin de fer soumis à cette restriction doivent traverser l'ensemble du réseau avec une limite de chargement inférieure. Ainsi, les trains sont plus longs, les gares sont plus congestionnées, et il est généralement moins efficace de transporter une tonne de produits à destination. Voilà qui nuit aux clients des chemins de fer d'intérêt local puisque leurs coûts de transport montent en flèche, en plus d'entraver l'efficacité de l'ensemble du réseau, étant donné que la limite des 10, 20 ou 30 premiers milles oblige de transporter un chargement en déca de la capacité optimale sur 1 500 à 2 000 kilomètres. C'est un système complexe dans lequel de nombreux facteurs entrent en jeu. Par exemple, puisque votre groupe s'intéresse à l'agriculture, un chargement de 263 000 livres pour des wagons céréaliers pourrait constituer un problème aussi. Il est toutefois possible de relever les défis de durabilité des chemins de fer d'intérêt local tout en améliorant la capacité et l'efficacité globale du système. Je pense que tout le monde en sort gagnant.

Vous vous demandez peut-être pourquoi l'industrie n'investit pas elle-même dans les améliorations, si elles sont aussi formidables. Malheureusement, même si nous contribuons à bonifier le système, notre partie du réseau est limitée par l'économie locale. De nombreux exploitants de chemins de fer locaux investiraient davantage s'ils recevaient une forme d'aide permettant d'améliorer les considérations économiques de l'analyse de rentabilisation. Pour ma part, j'ai un projet qui pourrait être prêt à démarrer en peu de temps, et qui vise à améliorer le chemin de fer que nous exploitons à Winnipeg. Je pourrais investir 5 millions de dollars de notre entreprise et de nos clients si nous pouvions obtenir une somme correspondante de 50 p. 100.

Pour terminer, nous avons constaté une chose après avoir passé de nombreuses années à diffuser notre message à Ottawa et dans les capitales provinciales. Dans la politique sur les transports et l'infrastructure, malgré des arguments très convaincants, la pérennité des infrastructures de chemins de fer d'intérêt local est souvent une considération secondaire qui fait suite aux récentes initiatives normatives liées à la sécurité. Nous pourrons peut-être commencer à aborder cet enjeu important grâce à votre intérêt et votre aide.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je suis à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Jebb. Merci, messieurs, de votre présentation. C'est très intéressant. Monsieur Jebb, votre compagnie, vous l'avez déjà mentionné, a déjà pris des mesures pour réduire les gaz à effet de serre. Vous effectuez du transport dans différentes provinces canadiennes, et j'imagine que vous en faites aussi aux États-Unis. J'aimerais que vous nous parliez de l'incidence de ces mesures sur la tarification de vos services. En fait, vous devez ajuster vos prix selon les territoires où vous offrez vos services, que vous soyez au Canada ou aux États-Unis. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

M. Jebb : La réponse varie en fonction de la provenance des produits et de ce que nous faisons. Du côté des chemins de fer d'intérêt local, nous avons très peu de marge de manœuvre pour refiler les augmentations de coûts. Auprès du CN et du CP, nous avons souvent des contrats fixes à long terme à titre de fournisseur de transport, de sorte que nous ne pouvons pas modifier nos prix. Nous devons absorber la hausse, et l'argent doit provenir d'ailleurs. Il se peut que nous réinvestissions d'éventuels profits. Dans certains cas, la hausse exacerbe toutefois nos pertes, puisque nous ne pouvons refiler la facture à personne.

Dans d'autres cas, par exemple du côté des contrats de locomotive industrielle de manœuvre, nous pouvons parfois refiler l'augmentation au client sous forme de hausse des coûts. Cela devient alors un autre aspect concurrentiel, tout simplement. Dans la mesure où l'augmentation touche l'ensemble de nos éventuels compétiteurs, nous devrions être en mesure de refiler la facture. En revanche, nous sommes bien souvent limités par des contrats pluriannuels de cinq ou dix ans, qui ne nous donnent ni d'option tarifaire ni de flexibilité. Nous devons alors absorber les coûts jusqu'au prochain renouvellement de contrat.

[Français]

Le sénateur Dagenais : On parle beaucoup de taxes sur le carbone; est-ce que cela va affecter tôt ou tard le consommateur, parce que le coût du transport ne sera pas le même? J'aimerais vous entendre à ce sujet. Allez-vous devoir ajuster les prix à cause des nouvelles politiques de réduction des gaz à effet de serre?

M. Gauthier : Comme je l'ai mentionné en parlant des CFIL, la taxe sur le carbone ou le système de plafonnement et d'échange des droits va faire augmenter substantiellement les coûts. Je crois que les représentants des grands chemins de fer, le CN et le CP, ont aussi affirmé que leurs coûts allaient augmenter de façon importante. Il y a une différence entre les deux mécanismes. Pour la taxe sur le carbone, comme en Colombie-Britannique, il est très facile de cerner le coût de cette taxe, parce qu'on achète un produit et que la taxe provinciale apparaît, c'est indiqué : taxe sur le carbone. Donc, on sait exactement quel est le coût additionnel. La politique, normalement, devrait être de faire payer ces coûts non pas par le consommateur, parce qu'il ne faut pas oublier que les grands chemins de fer comme les petits ne font pas affaire avec des consommateurs, mais avec des expéditeurs qui sont des entrepreneurs. Alors, il est fort probable, dans une politique de marché, que le coût passera au client qui va éventuellement le refiler au consommateur.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Tardif : Vous avez dit que le carburant est votre principale dépense. Où se situe votre efficacité énergétique par rapport à celle de l'industrie du camionnage, qui semble être votre plus grand concurrent?

M. Jebb : En général, le transport ferroviaire est cinq fois plus efficace que le camionnage.

La sénatrice Tardif : Cinq fois?

M. Jebb : Oui.

M. Gauthier : Permettez-moi d'ajouter que c'est principalement attribuable au fait que nous utilisons une ancienne technologie très efficace; il n'y a aucune friction puisqu'il s'agit d'acier sur de l'acier. Grâce à cette technologie qui évite toute friction, nous sommes en mesure de transporter une quantité énorme de produits à un coût très faible. Nous pouvons déplacer une tonne de produits sur 200 milles avec un litre de carburant. Nous sommes donc très efficaces, et beaucoup plus que les camions.

La sénatrice Tardif : Vous avez affirmé que s'il y avait des fonds disponibles, votre industrie pourrait trouver un montant équivalent à hauteur de 50 p. 100. Avez-vous par exemple soumis une demande au Fonds Chantiers Canada pour obtenir un financement des infrastructures qui permettrait d'améliorer vos actifs et vos voies ferrées?

M. Gauthier : Le Fonds Chantiers Canada est un bon processus de financement, mais malheureusement — et c'est ce que M. Emerson a remarqué lorsqu'il a examiné la Loi sur les transports au Canada —, de la façon dont le remplacement du programme est actuellement structuré, les municipalités ou les gouvernements doivent sélectionner les projets qui seront admissibles à ce financement. Les gouvernements, puisqu'ils appartiennent au secteur public, ont tendance à favoriser les projets du secteur public lorsqu'ils voient un projet privé. Ainsi, une municipalité préférera utiliser l'argent qu'elle obtient grâce à ce fonds pour construire une route locale, une bibliothèque ou un réseau d'aqueduc avant de décider de l'investir dans les chemins de fer privés d'intérêt local.

Par conséquent, 0,07 p. 100 du Fonds Chantiers Canada a toujours été utilisé pour les chemins de fer d'intérêt local. C'est pourquoi M. Emerson recommande au gouvernement de créer un programme de financement ou de modifier celui qui existe de sorte qu'un projet de chemin de fer local n'ait pas besoin du parrainage ou de l'approbation d'une instance municipale ou provinciale.

La sénatrice Tardif : C'est très intéressant, car je sais par exemple que des fonds d'infrastructure sont disponibles pour la réparation des routes.

M. Gauthier : C'est vrai.

La sénatrice Tardif : Cet argent aide bien sûr l'industrie du camionnage, alors qu'il n'y a rien de comparable pour l'industrie ferroviaire. Est-ce exact?

M. Gauthier : Vous avez tout à fait raison. En fait, c'est parce que l'argent est versé aux provinces ou aux municipalités, qui priorisent alors les routes puisqu'elles en sont responsables. Il est tout à fait normal qu'elles favorisent les projets du secteur public plutôt que du secteur privé. Si la structure de financement d'un programme permettait aux chemins de fer d'intérêt local de soumettre une demande et d'être évalués strictement sur le bien-fondé de leur demande, sans nécessiter le parrainage d'un organisme public, ils devraient alors pouvoir obtenir des fonds; c'est du moins ce que nous espérons.

[Français]

La sénatrice Tardif : Je ne sais pas si c'est vous qui l'avez mentionné, mais vous avez dit que vous exploitiez à 0,90, et que le CP et le CN exploitaient à 0,60.

M. Gauthier : Oui.

La sénatrice Tardif : Quel est le facteur qui fait la différence entre les deux?

M. Gauthier : Le ratio d'exploitation? La grande différence, c'est la structure des coûts. Les grands chemins de fer exploitent sur de très grandes distances, ce qui fait leur force. Ils peuvent exploiter sur une distance de 1 000 kilomètres et plus, et les petits chemins de fer exploitent sur de courtes distances. Donc, tous leurs coûts sont répartis sur très peu de clients à qui ils peuvent charger un montant limité, parce que c'est un court trajet, alors que les grands chemins de fer peuvent répartir leurs coûts sur l'ensemble de leur réseau. C'est la raison principale.

[Traduction]

M. Jebb pourra compléter en expliquant la raison pour laquelle le ratio d'exploitation de chemins de fer locaux est beaucoup plus élevé que celui des chemins de fer de classe 1.

M. Jebb : J'aimerais faire valoir deux points. D'une part, chaque chemin de fer local donnerait une réponse tout à fait différente à la question. Ils sont tous uniques. C'est d'ailleurs la nature profonde d'une exploitation locale.

Mais j'ajouterais que le dernier mille, pour ainsi dire, compte beaucoup plus d'interconnexions. Lors du transport sur une longue distance, un train est relié et transporté d'un bout à l'autre du pays, où il n'a que quelques arrêts à faire. Tandis que dans les 30 derniers milles, le train peut passer du temps dans une gare, après quoi il doit être organisé et livré au client, puis repéré au site du client. Or, toutes ces étapes nécessitent beaucoup plus de travail et font augmenter les coûts.

Nous avons des coûts élevés, mais sur le plan des revenus, nous sommes limités du fait que nous devons soutenir la concurrence du camionnage local, ce qui restreint le montant que nous pouvons facturer et rend l'exploitation moins rentable que dans le cas de longs parcours.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie de ces explications.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Monsieur Gauthier, je m'intéresse aux différences avec le secteur des camions, pas seulement aux différences, mais également à certains défis que vous avez qui n'existent pas dans le secteur du camionnage. Selon ce que nous avons entendu aujourd'hui et aussi précédemment, au niveau des coûts pour l'environnement, il est clair que le chemin de fer me semble avantageux à ce chapitre et sur d'autres plans également. J'aimerais vous entendre sur les avantages du chemin de fer et, dans ce cas-ci, des lignes courtes, mais aussi sur les défis supplémentaires que vous avez, outre ceux que l'on vient de mentionner.

M. Gauthier : Je vous répondrais en disant que ce qu'il faut choisir comme expéditeur, c'est le mode de transport le plus efficace durant le trajet. Donc, si on prend le point de vue des grands chemins de fer, et non des petits chemins de fer, les camionneurs sont des partenaires aussi, parce qu'on parle beaucoup d'intermodalité. Les produits que les consommateurs vont se procurer arrivent souvent de Chine, au port de Vancouver, sont acheminés par train jusqu'en bordure d'une grande ville dans un centre de transbordement où ils sont chargés à bord d'un camion et livrés chez un détaillant où vous vous procurez ces biens en tant que consommateurs. Donc, l'intermodalité est très importante et on doit prendre des mesures pour la favoriser.

Les défis auxquels nous faisons face en ce moment sont liés au fait que les petits chemins de fer, eux, sont en concurrence plus directe avec l'autre mode de transport routier, parce qu'ils exploitent sur de plus courtes distances où le camionnage est plus concurrentiel. Donc, pour eux, les défis sont plus grands sur leur réseau.

Maintenant, un des principaux avantages du chemin de fer, c'est sa capacité de transporter de grandes quantités de marchandises et de transporter certaines marchandises qui ne se transportent pas bien par camion ou de façon moins sécuritaire. Le transport par rails présente un grand avantage pour la société parce qu'il pollue moins. Les expéditeurs, eux, regardent moins l'avantage pour la société que le coût. C'est là la difficulté des chemins de fer et des petits chemins de fer. Si les mesures pour réduire l'empreinte environnementale du mode de transport font augmenter leurs coûts, il devient difficile pour les petits chemins de fer de concurrencer avec le mode du camionnage.

En effet, à partir d'un certain prix, les gens vont préférer utiliser un mode de transport qui leur apparaît moins cher, parce que, souvent, les coûts sont occultés. Les gens ne connaissent pas les coûts liés au transport routier ni tout l'argent que les gouvernements investissent dans la construction, l'entretien et le maintien des routes. Cela ne fait pas partie nécessairement de l'information lorsque l'expéditeur choisit son mode de transport.

Cela fait partie des défis auxquels nous faisons face, bien que nous puissions contribuer à réduire l'impact environnemental du mode de transport. En ce moment, même si les transports représentent environ 30 p. 100 de l'empreinte environnementale, le chemin de fer représente seulement 1 p. 100 de cette empreinte. On pollue très peu, mais on a besoin, pour continuer à être efficace, de certaines mesures incitatives, particulièrement pour les petits chemins de fer.

[Traduction]

M. Jebb : Pour comprendre la différence entre un chemin de fer d'intérêt local et le camionnage, il est très important de saisir que le droit de passage — c'est-à-dire l'infrastructure de voie ferrée — est vraiment au cœur de l'industrie. Quand on songe à un train, on pense à une locomotive et à des wagons, alors que le droit de passage représente la majeure partie de notre interaction avec la population. La voie ferrée représente la majorité de nos coûts et de nos responsabilités. Elle exige énormément de capital. Nous consacrons beaucoup de temps et d'efforts à gérer les problèmes de proximité entourant le droit de passage. C'est au cœur de l'industrie, tant pour ce qui est des problèmes que des occasions à saisir.

Ce droit de passage dédié sert dans la plupart des cas au transport des marchandises seulement. Les possibilités de croissance future sont énormes, alors que la capacité des autoroutes est bien souvent limitée et qu'il faut dépenser beaucoup plus d'argent pour augmenter celle-ci. Le secteur des chemins de fer locaux et de l'ensemble du réseau ferroviaire permet de transporter beaucoup plus de marchandises sans dépenser énormément d'argent supplémentaire. Tout est fait sur un droit de passage distinct, qui nécessite vraiment une gestion de proximité moins intensive de l'infrastructure publique que ce serait le cas si on augmentait le trafic sur les autoroutes. C'est notre bête noire, mais c'est aussi notre promesse et notre salut.

La sénatrice Petitclerc : J'ai une autre question. D'après ce que j'entends, vous semblez avoir un double défi à relever puisque vous devez faire concurrence à l'industrie du camionnage, mais aussi aux grands chemins de fer de votre propre industrie.

J'aimerais savoir si les chemins de fer d'intérêt local sont tous des compagnies individuelles. Se regroupent-ils? Avez- vous un groupe ou une association? Travaillez-vous ensemble pour faire avancer des choses, faire du lobbying ou favoriser l'adoption de politiques?

M. Gauthier : Je vais répondre à la question, si vous le voulez bien. Comme l'a mentionné Jebb, les chemins de fer d'intérêt local sont tous des compagnies individuelles, mais ils ne rivalisent pas avec des compagnies de chemin de fer de classe 1; ils sont des partenaires du CN et du CP. Ils collaborent bien. Bien sûr, nous parlons de relations d'affaires, et il faut que les partenaires d'affaires négocient. Parfois, c'est difficile, mais ce sont des partenaires. Ils ne rivalisent pas avec les compagnies de chemin de fer de classe 1.

Comme je l'ai mentionné, ils acceptent le trafic de leurs clients, qui sont souvent aussi des clients des chemins de fer de classe 1, et ils amènent ce trafic jusqu'au chemin de fer de classe 1, qui ne l'amène pas nécessairement à la destination finale, mais à un endroit situé près du marché final, et il peut être ensuite transféré à un autre chemin de fer d'intérêt local.

Les chemins de fer d'intérêt local sont donc tous des compagnies individuelles, et ils font partie de notre association. L'Association des chemins de fer du Canada représente les chemins de fer de classe 1 et les chemins de fer d'intérêt local, mais il représente également des chemins de fer offrant des services voyageurs. Par exemple, nous avons surtout parlé du transport de marchandises ce matin, mais nous représentons VIA Rail Canada et tous les trains de banlieue au pays, comme le Réseau de transport métropolitain à Montréal, Capital Railway à Ottawa et GOTransit à Toronto.

Les chemins de fer d'intérêt local et les autres membres font du lobbying par l'intermédiaire de notre association. Voilà pourquoi j'ai mentionné que l'association a présenté une proposition visant à demander au gouvernement d'établir un programme de financement pour les chemins de fer d'intérêt local. Nous avons dit qu'il ne s'agissait pas seulement de demander des subventions, mais de lui donner l'occasion d'aller chercher de l'argent dans le secteur privé. Nous avons suggéré l'instauration d'un crédit d'impôt, comme aux États-Unis. Il existe un bon programme aux États- Unis qui est fondé sur des crédits d'impôt. Avec un crédit d'impôt, on dit au gouvernement : « J'investis 50 p. 100, vous investissez 50 p. 100 », et ainsi, les choses progressent.

Le sénateur Doyle : Comment les choses fonctionnent-elles aux États-Unis en ce qui a trait au secteur du camionnage? Est-ce que comme au Canada, le secteur du camionnage aux États-Unis fait face à la même concurrence avec les chemins de fer d'intérêt local? Nous sommes interreliés. Existe-t-il une forte concurrence au sud de la frontière provenant du secteur du camionnage? Comment leurs politiques se distinguent-elles en ce qui concerne la rivalité avec les chemins de fer par rapport à notre situation ici au Canada?

M. Gauthier : Je dirais — je ne suis pas complètement certain, car je connais mieux la situation canadienne — qu'il n'y a pas une grande différence quant à la concurrence que se livrent le secteur du camionnage et le secteur ferroviaire — surtout les chemins de fer d'intérêt local — aux États-Unis, mais il y a des différences.

Comme je l'ai mentionné, de nombreux programmes existent aux États-Unis. Il pourrait s'agir de subventions ou de prêts. Il y a de nombreux programmes qui permettent aux exploitants de chemins de fer d'intérêt local de faire des demandes de financement de sorte qu'ils puissent améliorer leur infrastructure. De cette façon, ils profitent indirectement de financement comme c'est le cas des camionneurs, car les infrastructures routières sont payées par le secteur public.

Aux États-Unis, le fait qu'il y ait un plus grand nombre de programmes de financement rend le secteur des chemins de fer d'intérêt local plus concurrentiel parce qu'il peut rivaliser davantage à armes égales avec le secteur du camionnage. De plus, il y a des restrictions quant au poids de certains camions, et c'est également une bonne chose, car cela réduit les répercussions sur le réseau routier et fait en sorte que les camionneurs n'ont pas un avantage indu par rapport aux chemins de fer. Comme l'a mentionné M. Jebb, les chemins de fer sont propriétaires de leur propre infrastructure. Ils la construisent, la modernisent et la réparent à leurs propres frais.

M. Jebb : Puis-je ajouter quelque chose?

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Jebb : Il faut que tout le monde comprenne que notre système rivalise avec celui des États-Unis. Si l'on prend l'exemple d'une usine de papier ou d'une scierie, la scierie du Nord de l'Ontario rivalise avec la scierie du Wisconsin. Les coûts de transport peuvent représenter 20, 30 ou 40 p. 100 de la valeur totale. Donc, le système de transport canadien fait concurrence au système de transport américain, ce qui pourrait inclure le transport local par camion, un volet ferroviaire ou le coût de production à l'usine, par exemple. Je dirais que les systèmes se font vraiment concurrence.

Le sénateur Doyle : Avez-vous déjà fait des démarches auprès du gouvernement fédéral pour qu'il offre un programme de subvention, à long terme ou à court terme, qui vous aiderait à soutenir la concurrence? J'imagine que l'industrie ferroviaire est beaucoup plus efficace que l'industrie du camionnage sur le plan de l'empreinte carbone. Avez-vous déjà fait des démarches auprès du gouvernement fédéral pour qu'il vous offre de bons programmes?

M. Jebb : J'ai récemment terminé un mandat de quatre ans à la présidence du comité des chemins de fer d'intérêt local de l'Association des chemins de fer du Canada. Durant toute cette période, cela a été le volet majeur. Nous y avons travaillé très fort. Nous avons compilé beaucoup de données de recherche, participé à un grand nombre de réunions et présenté beaucoup d'exposés. Nous avons tenu de nombreuses réunions à l'échelle locale avec nos députés et à l'échelle provinciale et aussi avec des fonctionnaires. Nous avons eu de nombreuses rencontres à Ottawa avec les cabinets des ministres des Transports, des Finances, et cetera.

Ce n'est pas facile. Nous sommes un petit joueur. Nous ne représentons pas beaucoup de votes, même si nous avons une incidence importante. Nous sommes l'un des nombreux joueurs qui essayent d'obtenir des fonds. Nous savons que vous avons des arguments de poids et que nous offrons beaucoup d'avantages, mais il semble que certains de ces avantages n'ont peut-être pas nécessairement de poids sur le plan des calculs politiques.

[Français]

La sénatrice Gagné : Ma question s'adresse à M. Gauthier. Vous avez traité de la question de l'efficacité énergétique des locomotives. Je note là une efficacité qu'on ne retrouve pas nécessairement avec les gros camions.

Au-delà de la question de la tarification du carbone, je voulais examiner l'aspect de la gestion des risques entourant les changements climatiques, surtout pour vos expéditeurs et pour les compagnies qui font partie de votre association. J'aimerais savoir si cela a beaucoup changé, depuis plusieurs années, en ce qui a trait à la gestion du risque, en raison du fait qu'il y a beaucoup plus d'inondations ou de glissements de terrain. Ce sont tous des événements qui pourraient avoir un impact sur vos opérations.

[Traduction]

M. Gauthier : Je vais commencer, mais Lee est peut-être mieux en mesure de répondre que moi. Les compagnies de chemins de fer doivent planifier leurs activités de façon à ce qu'elles ne soient pas paralysées si une catastrophe naturelle survient. Beaucoup d'études et de projets sont donc menés pour réduire les possibilités que cela se produise, lorsque c'est possible, et faire en sorte que le service soit rétabli le plus rapidement possible.

Par exemple, en Colombie-Britannique, il y a des mécanismes qui servent à protéger les voies ferrées lorsque des roches tombent d'une montagne. De nombreuses études ont été effectuées pour que les voies qui longent une rivière soient sécuritaires et que des mesures soient prises, mais Lee est mieux placé que moi pour l'expliquer. On effectue un grand nombre d'études et une bonne planification pour réduire les risques. Bien entendu, il y a des choses que nous ne pouvons pas éviter, mais dans la mesure où nous pouvons réduire les risques et reprendre le service le plus rapidement possible, ces mesures sont prises.

M. Jebb : J'ajouterais quelque chose. Tout d'abord, je dirais que le CN et le CP sont mieux placés pour répondre à la question parce que la taille de leur réseau fait en sorte qu'ils sont beaucoup plus exposés à ces risques que n'importe quel exploitant local. La gestion des risques et les mesures d'atténuation des risques font partie intégrante de nos processus et de nos pratiques, y compris, comme je l'ai déjà mentionné, la gestion d'une emprise de chemin de fer, et des facteurs environnementaux entrent en jeu dans la gestion d'une emprise de chemin de fer.

Cela étant dit, je n'ai pas désigné moi-même le changement climatique comme un risque précis. Nous savons que le niveau des rivières augmente dans un secteur précis de notre voie depuis deux ou trois ans, et nous nous assurons d'être bien protégés et d'être prêts à gérer cette situation comme il se doit. On parle davantage d'une approche pratique, à l'échelle locale.

La sénatrice Gagné : Merci.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Vous avez répondu à toutes mes questions en répondant à celles du sénateur Doyle sur le bois d'œuvre et les usines de notre secteur.

J'ai noté la suggestion que vous avez faite au comité, soit d'étudier les systèmes des chemins de fer d'intérêt local et les complications. Je pense que ce serait une excellente étude à entreprendre, et je vous remercie de la suggestion.

La sénatrice Petitclerc : Il se peut que vous ayez déjà répondu à la question et que je n'aie pas entendu la réponse, mais j'aimerais savoir quelque chose. Lorsqu'il s'agit d'accroître l'efficacité environnementale, et je pense aux aspects pratiques et à la technologie — veuillez m'excuser, car je ne le dis probablement pas de la bonne façon —, y a-t-il des mesures incitatives? Dans certains pays ou certaines provinces, si une personne achète une voiture efficace sur le plan environnemental, elle reçoit une subvention ou il y a des mesures qui l'incitent à le faire. Y a-t-il des mesures incitatives, ou de l'aide, ou même un besoin — et peut-être qu'il n'y a pas de besoin — pour ce qui est de moderniser les trains ou la technologie ou les choses informatisées? Est-il nécessaire d'accroître l'efficacité? Est-ce que vous le faites? Avez-vous de l'aide à cet égard?

M. Gauthier : Je dirais que le transport ferroviaire pourrait être plus efficace, mais il l'est déjà plus que d'autres moyens de transport.

Ce que nous recommandons au gouvernement, c'est de s'inspirer un peu de ce qu'a fait le Québec. Le Québec a mis en place des programmes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à éviter d'en émettre. Il a dit aux expéditeurs que s'ils lui disent qu'ils réduiront leur empreinte environnementale en optant pour un moyen de transport plus efficace, il leur accorde une subvention. Ce programme existe au Québec. L'expéditeur doit dire : « J'ai déterminé qu'en utilisant le train plutôt que le camion, je réduirais mes émissions par tant de tonnes de carbone, et j'ai besoin d'une subvention pour ce faire. » Le Québec examine le dossier et accorde une subvention qui représente jusqu'à 50 p. 100 des coûts liés à ce changement. Bien entendu, l'expéditeur doit dire, au départ, de combien il prévoit réduire ses émissions et montrer, à la fin, qu'il a réussi à le faire.

Nous recommandons au gouvernement fédéral de faire quelque chose de semblable. Dans tous les efforts qui sont menés pour inciter les gens à réduire leurs émissions, de l'argent est généré au moyen de la taxe sur le carbone ou du marché du carbone, de sorte que nous proposons que cet argent soit utilisé pour permettre aux expéditeurs de passer du transport par camion au transport ferroviaire et qu'un incitatif financier leur soit offert pour qu'ils le fassent.

M. Jebb : Je crois que Gérald a très bien répondu à la question.

La sénatrice Petitclerc : Si, par exemple, en tant que petite entreprise, vous dites que de la technologie extraordinaire existe, que vous en avez besoin et que la technologie ou l'équipement en question vous permettra d'accroître énormément votre efficacité environnementale, je crois comprendre que vous devez vous débrouiller seuls.

M. Gauthier : J'ai terminé en parlant du Québec parce que je voulais parler de report modal, mais le Québec a également un autre programme à cet égard selon lequel — c'est pour le transport maritime et le transport ferroviaire — si l'on adopte de la technologie qui accroît l'efficacité, le Québec fournira un appui financier. La province offre donc deux programmes différents. L'un vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et l'autre, à améliorer le rendement énergétique d'un mode de transport. Si un chemin de fer, par exemple, dit que s'il achetait telle technologie, il aurait besoin de financement pour le faire et qu'il demandait au Québec de l'appuyer, le Québec a mis en place un programme pour payer une bonne partie des achats de nouvelles technologies.

La sénatrice Petitclerc : Et il serait bon que ce programme existe partout.

M. Gauthier : Il serait bon que le gouvernement fédéral fasse quelque chose. Si l'on a des objectifs de réduction d'émissions, on devrait utiliser l'argent obtenu au moyen d'une taxe sur le carbone et du marché du carbone pour aider les entreprises qui peuvent contribuer en adoptant de nouvelles technologies ou en remplaçant un mode de transport par un autre.

M. Jebb : Je vous encourage à concevoir les chemins de fer comme un système plutôt que comme un véhicule, et c'est pourquoi j'ai proposé qu'on essaie de faire passer la capacité de chargement de 263 000 à 286 000 livres. Il s'agirait d'une utilisation plus efficace des investissements pour réduire l'impact environnemental que d'essayer de trouver la solution magique pour les locomotives. Si on les conçoit comme un système plutôt que comme un véhicule, le changement de perspective se traduira par des investissements plus efficaces.

M. Gauthier : Miser sur de nouvelles technologies, c'est bien, mais souvent, des pratiques exemplaires et la façon dont nous travaillons peuvent mener aux mêmes résultats. Ce qu'expliquait M. Jebb permettait aux chemins de fer d'intérêt local d'avoir une capacité supérieure.

[Français]

En ayant une capacité portante supérieure, leurs wagons peuvent donc contenir plus de marchandises. Cela réduit ainsi les coûts d'exploitation et l'impact environnemental, parce qu'on déplace un train au lieu d'en déplacer un peu plus, parce qu'on ne peut pas le charger à la capacité des wagons des grands chemins de fer. On doit leur ajouter des wagons, ce qui pourrait être fait avec moins de wagons si l'on avait une capacité portante plus grande.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

M. Gauthier : J'espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Petitclerc : Oui, cela m'aide beaucoup.

Le président : M. Gauthier, vous êtes certainement Québécois. Concernant les entreprises minières du Nord du Québec — car je viens du Nord du Québec —, pourriez-vous me dire si Cartier Mining et Cartier Railway font partie de votre association?

M. Gauthier : Oui. Quebec North Shore et ArcelorMittal font aussi partie de l'association.

Le président : Quebec North Shore & Labrador Railway aussi?

M. Gauthier : Oui, tout à fait.

Le président : Vous avez souligné que le Québec investissait à partir de la bourse du carbone dans le transport par train. Je crois qu'il y a deux endroits en Amérique, la Californie et le Québec, où cela se fait à l'heure actuelle. Avec la bourse du carbone qui deviendra « nationale » — c'était une annonce du gouvernement —, je pense qu'il revient à chaque province de savoir où elle va investir. Si elles investissent dans les tours de transmission de réseaux de télévision, ce n'est pas très rentable pour le chemin de fer. Cependant, les deux grandes compagnies de chemin de fer sont venues témoigner ici pour nous dire combien c'était important.

Je vous remercie infiniment de votre témoignage, c'est très apprécié. Sans doute que, d'ici la fin de l'année, vous aurez des nouvelles à nous donner à nouveau. Merci infiniment, bon retour et bonne journée.

(La séance est levée.)

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