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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 40 - Témoignages du 14 décembre 2017


OTTAWA, le jeudi 14 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 2, afin de poursuivre son étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Le sénateur Ghislain Maltais (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Bonjour à tous. Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts poursuit son étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Je m’appelle Ghislain Maltais et je suis vice-président du comité.

[Traduction]

Avant que nous poursuivions, je demande aux sénateurs de se présenter.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Gagné : Bienvenue. Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Bonjour. Je m’appelle Yuen Pau Woo, et je représente la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

Le vice-président : Merci beaucoup. Ce matin nous accueillons, d’Agricultural Manufacturers of Canada, Mme Leah Olson, présidente, ainsi que M. Randy Bauman, membre de la commission.

Nous vous accordons un maximum de 15 minutes pour faire votre présentation, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Madame Olson, la parole est à vous.

Leah Olson, présidente, Agricultural Manufacturers of Canada : Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je m’appelle Leah Olson et je suis présidente de l’organisme Agricultural Manufacturers of Canada. Je vous remercie de me donner l’occasion de comparaître devant votre comité, dans le cadre de l’étude sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

Il s’agit d’un problème majeur avec lequel nos membres doivent composer tous les jours.

[Traduction]

Je suis accompagné ce matin par Randy Bauman, membre de la commission d’AMC et président et propriétaire de la société Eldale Machine & Tool, qui a son siège social à Elmira, en Ontario.

Agricultural Manufacturers of Canada, ou AMC, est une organisation nationale dirigée par ses membres qui a été fondée en 1970 dans le but d’assurer la vigueur et le dynamisme du secteur de la fabrication d’équipement agricole au Canada.

AMC compte un peu moins de 300 membres qui fabriquent de l’équipement agricole spécialisé, notamment pour la manutention et l’entreposage du grain, l’ensemencement et les récoltes, le fauchage, le traitement du bétail et l’épandage.

Au Canada, la machinerie est au cœur des activités agricoles depuis de nombreuses années. Elle a influencé les pratiques agricoles et, à maints égards, elle a permis l’établissement rapide de colons européens à la fin des années 1800. L’industrie de la fabrication d’équipement agricole s’est progressivement développée comme entité distincte dans le secteur de la fabrication commerciale et industrielle.

L’évolution de cette industrie est principalement attribuable à la nécessité de créer de l’équipement agricole capable de relever les défis liés aux rudes conditions climatiques canadiennes, dont nous avons un exemple ce matin.

Il était essentiel de promouvoir l’innovation pour répondre aux besoins des agriculteurs canadiens insatisfaits de l’équipement de fabrication étrangère conçu pour de petites exploitations et des conditions climatiques moins rigoureuses. Ce sont les mêmes défis qui ont permis aux fabricants canadiens d’équipement agricole de se démarquer sur la scène mondiale pour ce qui est de la conception et de la fabrication de machinerie agricole durable, novatrice et de haute qualité.

L’équipement agricole fabriqué au Canada figure parmi le plus recherché au monde, notamment pour sa haute qualité. En 2016, les fabricants canadiens ont exporté pour plus de 1,8 milliard de dollars de machines agricoles dans 151 pays, en dépit du fait qu’à peine un peu plus de la moitié de ces fabricants se trouvent dans des collectivités rurales de moins de 10 000 habitants.

Certaines entreprises membres d’AMC sont établies sur une ferme familiale ou dans une collectivité où le nombre de personnes employées par le fabricant est supérieur à la population locale.

Dans notre industrie, l’innovation revêt un caractère crucial puisqu’on cherche à s’attaquer aux problèmes mondiaux que pose la pénurie de nourriture, d’eau et de terres. Cette pénurie a une incidence directe sur la sécurité et la production alimentaires.

L’industrie agricole devra produire davantage avec moins de ressources et les agriculteurs canadiens sont en première ligne pour relever le défi. Les membres d’AMC élaborent continuellement des technologies novatrices et font figure de chefs de file mondiaux grâce à leurs produits.

Cette situation place les fabricants canadiens en bonne position pour respecter le programme d’innovation du gouvernement et l’orienter. En fait, le ministre de l’Innovation, Navdeep Bains, a fait valoir cet argument lors du récent congrès visant à célébrer 150 ans d’innovation canadienne dans l’industrie agricole. Dans le cadre de cet événement, qui s’est déroulé sous le thème « Le Canada, superpuissance mondiale en agriculture et dans le transport sur courtes distances, confronté au défi de nourrir le monde aujourd’hui, demain et dans 150 ans », le ministre Bains a déclaré ceci :

L’agriculture favorise à maints égards la création de nouvelles technologies. Comment peut-on faire en sorte qu’une plus grande partie des récoltes canadiennes soit acheminée des exploitations agricoles jusque chez les consommateurs du monde entier? Plus on se posera cette question, plus on trouvera des solutions novatrices.

Des données et des dispositifs d’intelligence artificielle sont utilisés pour cartographier les champs et faire rapport des conditions du sol en temps réel. Cette précision permet aux agriculteurs canadiens de maximiser la production tout en minimisant du même coup l’empreinte écologique. Voilà l’engagement que tous ont promis de respecter. À titre de ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, je sais que le gouvernement peut compter sur AMC pour l’aider à répondre aux besoins alimentaires sur la scène mondiale.

Voilà un autre exemple qui montre que l’industrie de la fabrication agricole est à l’avant-garde et qu’elle s’attaque au changement climatique tout en réduisant son empreinte écologique. Au cœur même de l’industrie agricole se trouve le besoin intrinsèque de protéger et de gérer l’environnement de sorte qu’il soit encore possible dans l’avenir de produire des aliments.

L’accent mis sur les technologies vertes offre une occasion unique d’orienter le programme environnemental et de faire en sorte que les agriculteurs continuent à être reconnus comme des environnementalistes qui jouent un rôle clé, ce qui est la réalité. Bon nombre des membres d’AMC s’emploient à résoudre des problèmes liés aux engrais et à la réduction des gaz à effet de serre. Ces efforts ne devraient étonner personne.

Comme j’ai grandi sur une ferme céréalière et que je travaille aujourd’hui dans le secteur agricole en Saskatchewan, je sais que la première responsabilité de tout agriculteur consiste à protéger et à entretenir le sol qui constitue souvent son plus grand actif. Les agriculteurs ont tendance à minimiser l’incidence de leurs activités agricoles quotidiennes sur l’environnement.

Par exemple, les programmes canadiens de séquestration du carbone et les districts américains de conservation des sols et de l’eau reconnaissent un de nos membres, le groupe Salford, qui fabrique des machines aratoires pour sa capacité d’incorporer l’engrais et le fumier et de gérer les résidus tout en offrant des machines aratoires peu perturbantes qui réduisant l’érosion et augmentent le niveau de matière organique dans le sol. Le groupe Salford fabrique également du matériel de semis pour les cultures couvre-sol.

Jim Boak, spécialiste du soutien aux ventes du groupe Salford, a donné les précisions suivantes :

Le recours à des cultures couvre-sol peut améliorer le niveau de matière organique dans le sol et la capacité d’absorption de l’eau et des éléments nutritifs, pour favoriser une récolte saine et abondante. Les cultures couvre-sol peuvent être combinées à l’application durable d’engrais parce qu’elles aident à fixer les éléments nutritifs. Par surcroît, certaines cultures couvre-sol peuvent même réduire la nécessité de recourir à des produits chimiques parce qu’elles aident à fixer l’azote dans le sol et à éliminer les mauvaises herbes.

En outre, le groupe Salford inclut son empreinte écologique dans ses coûts de fabrication et ses stratégies de réduction des déchets. Voici ce que M. Boak a déclaré dans notre magazine biannuel :

Nous recyclons les déchets de fabrication et d’administration, nous filtrons et réutilisons les produits de décapage et les déchets de peinture et nous accordons une attention toute particulière à la qualité de l’eau. Cependant, nous nous employons principalement à élaborer des technologies durables et à préconiser des pratiques de gestion exemplaires auprès des distributeurs, des agriculteurs et des associations de l’industrie, dans le but de réduire l’incidence de l’agriculture sur l’environnement. Le programme de gestion des éléments nutritifs 4R est particulièrement efficace pour harmoniser les efforts des agriculteurs et des partenaires de l’industrie. Nous soutenons les distributeurs d’équipement et les agriculteurs progressistes dans l’application de nouveaux engrais commerciaux, sous forme liquide, granulaire ou gazeuse, de même que d’engrais provenant du bétail, de déchets verts, sous forme de granulés, d’humus, de farine de sang et de matières biosolides.

Le programme de gestion 4R dont parle M. Boak est un cadre destiné à trouver le bon type d’engrais en fonction des besoins de culture au niveau approprié, au bon moment et au bon endroit.

J’ai récemment participé à une conférence sur l’agriculture de précision au cours de laquelle un des conférenciers a mentionné ceci : « Nous savons tous que les champs n’offrent pas tous le même rendement, alors pourquoi devrait-on appliquer le même engrais? » Je peux vous assurer que c’est là le genre de défis auxquels s’attaquent nos membres en collaboration avec les agriculteurs canadiens.

Quand on envisage l’avenir de l’agriculture, il ne fait aucun doute que les agriculteurs canadiens seront aux premières lignes de la gestion et de la protection du sol, de l’eau et de l’air. L’agriculture d’aujourd’hui n’est pas ce qu’elle sera dans 150, 50 voire 10 ans d’ici. En tant qu’exportateur de denrées alimentaires salubres et sécuritaires, le Canada jouit d’un avantage comparatif sur la scène mondiale grâce à son industrie agricole.

Tel qu’indiqué précédemment, l’industrie canadienne de la fabrication d’équipement agricole figure parmi les meilleures au monde grâce aux agriculteurs et aux éleveurs canadiens qui, en dépit des conditions climatiques rigoureuses au Canada, fournissent aux fabricants de la rétroaction sur les défis à relever dans les champs.

Au Canada, plus de la moitié des fabricants d’équipement agricole sont établis dans des collectivités rurales où ils entretiennent de solides rapports avec les agriculteurs locaux. Ces bonnes relations font en sorte que l’équipement agricole de fabrication canadienne jouit d’une solide réputation de qualité à laquelle aspirer. À preuve, bon nombre des membres d’AMC exportent dans plus de 40 pays chaque année, et un de nos membres, établi en région rurale, exporte pour sa part chaque année dans plus de 60 pays.

Les membres d’AMC sont à l’avant-garde sur la scène mondiale en ce qui concerne la propriété intellectuelle concernant l’équipement agricole. Des innovations se produisent tous les jours parce que nos membres sont en communication directe et constante avec les agriculteurs et s’emploient à répondre aux besoins de ces derniers en améliorant leurs produits.

Pour les fabricants d’équipement agricole, l’innovation n’est pas seulement une façon d’être ou un phénomène qui se produit dans des installations isolées. L’innovation résulte de la façon dont nos membres fabriquent leurs produits et gèrent leurs activités quotidiennes. C’est l’objectif qui les amène à créer le meilleur équipement agricole au monde. En exportant de l’équipement agricole de haute qualité, nos membres font figure de chefs de file dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les échanges commerciaux constituent un élément essentiel de notre industrie.

Dans la lettre de mandate du ministre du Commerce international, on peut lire ceci :

[...] vous avez comme objectif général d’accroître les activités commerciales et d’attirer des investissements créateurs d’emploi au Canada, en mettant en œuvre l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, en accroissant les échanges commerciaux avec les partenaires traditionnels.

Nous souhaitons collaborer avec le gouvernement pour lutter contre le changement climatique, mais nous appuyons également des cibles commerciales ambitieuses, notamment l’ouverture de nouveaux marchés pour le Canada et les agriculteurs canadiens.

Nous avons récemment rencontré le ministre Champagne et nous l’avons encouragé à chercher de nouveaux débouchés en Chine et en Asie, ce qui offrirait aux agriculteurs canadiens de vastes occasions d’affaires. L’Amérique latine constitue également un autre marché auquel s’intéressent activement de nombreux fabricants canadiens d’équipement agricole.

Afin que le secteur de la fabrication de matériel agricole continue à avoir un impact positif pour l’environnement et à accroître l’efficacité des agriculteurs du pays, il est essentiel d’ouvrir de nouveaux marchés. Les deux vont de pair.

Nous recommandons que le gouvernement en fasse davantage pour nous appuyer lors des salons internationaux de matériel agricole et qu’il travaille avec nous afin de supprimer les obstacles qui nuisent aux efforts des petites et moyennes entreprises de fabrication de matériel agricole en vue d’atteindre leur plein potentiel, notamment par l’émission de visas et par la simplification des procédures d’entrée dans des pays pour y mener des activités commerciales. Un autre exemple est de soutenir Exportation et développement Canada dans des régions du monde comme l’Amérique latine, où il est parfois impossible de conclure des modalités de financement.

Les membres d’AMC contribuent à stimuler l’économie canadienne particulièrement dans les régions rurales. Ils sont également des leaders mondiaux en matière d’innovation et des entrepreneurs qui aident à nourrir la planète. Voilà pourquoi l’ouverture de marchés internationaux est un élément intégral de l’avenir du Canada en fait d’innovation et de développement durable.

Je répondrai volontiers à vos questions. Merci.

Le sénateur Doyle : Je vous remercie de votre présentation.

À la fin de votre présentation, vous avez indiqué que le gouvernement devrait déployer un peu plus d’efforts pour vous aider à atteindre votre plein potentiel relativement à l’obtention de visas, à l’entrée dans des pays d’Amérique latine et ainsi de suite.

Étant donné l’attitude protectionniste qui semble prendre racine aux États-Unis, prévoyez-vous avoir plus de difficultés à exporter votre matériel dans ce pays à l’avenir? Est-ce un aspect qui vous préoccupe le moindrement?

Mme Olson : Le protectionnisme est effectivement une source de préoccupation pour nous. En ce qui concerne les relations entre le Canada et les États-Unis, l’ALENA représente un énorme accord commercial. Nous sommes reconnaissants que la majorité du matériel agricole fasse l’objet d’échanges commerciaux, et non de droits de douane. La plupart des gouvernements reconnaissent qu’il s’agit d’un aspect essentiel de la capacité de production alimentaire.

Lorsque nous examinons le protectionnisme d’un point de vue canadien, nous sommes préoccupés. À titre d’exportateurs, nous voulons tenir à distance les principes du protectionnisme. Nous gardons le ministère des Affaires mondiales au courant de la quantité d’exportations effectuées par nos fabricants.

Ainsi, nous avons de très bonnes relations avec le réseau de distribution et de concessionnaires aux États-Unis. Un dialogue ouvert est nécessaire pour se pencher sur les États-Unis et certaines des préoccupations liées au protectionnisme. Nous sommes reconnaissants des efforts déployés par le Sénat dans le cadre de son rapport de mai, qui encourageait l’exportation d’un point de vue plus canadien. Il s’agit d’une conclusion que nous accueillons très favorablement.

Le sénateur Doyle : Qu’en est-il de la taxe sur le carbone au Canada? L’absence de normes internationales pour la taxe sur le carbone dans le marché international rend-elle votre produit moins concurrentiel aux États-Unis? Cela rendrait-il votre produit moins concurrentiel sur le plan de l’expédition aux États-Unis, qui ne semblent pas avoir la même concentration de taxes sur le carbone que le Canada? La taxe sur le carbone rend-elle votre produit moins concurrentiel?

Mme Olson : Si nous tenons seulement compte de la présence de taxes sur le carbone dans un pays, mais pas dans l’autre, c’est tout à fait le cas. Ces taxes augmentent, en quelque sorte, le prix du matériel agricole fabriqué au Canada. Il s’agit d’un pays dans lequel les gens les mieux rémunérés et les plus intelligents peuvent déterminer les taxes sur le carbone et les mesures nécessaires pour obliger les gens à réduire leur empreinte écologique.

Sur nos fermes, en particulier, nous sommes les intendants de nos terres. Que vous soyez un éleveur avec beaucoup de bétail au Québec ou un céréaliculteur comme nous en Saskatchewan, vos biens les plus précieux sont la terre, l’air et l’eau. Beaucoup de personnes dans cette pièce viennent de régions rurales. Vous connaissez la situation, mais le travail quotidien des agriculteurs est parfois sous-apprécié.

Quand j’étais jeune, on me disait que j’étais une environnementaliste, ce qui me laissait un peu perplexe. Je devais m’occuper des terres, et mon grand-père disait : « Je suppose que je suis un environnementaliste, en plus d’être un agriculteur. »

Il est très important pour nous d’établir un dialogue, que ce soit sur la taxe sur le carbone ou sur les comportements dans leur ensemble. Si vous êtes un agriculteur ou une agricultrice dans une région rurale, il est important que vous vous occupiez de cet actif. Le gouvernement doit faire très attention à la manière dont il veut procéder, car, s’il ne permet pas aux agriculteurs de continuer à faire des profits, ceux-ci ne pourront pas réinvestir dans du matériel qui leur permettra d’être de bons intendants de la terre.

[Français]

Le vice-président : Avant de passer au sénateur Mercer, permettez-moi de vous présenter la sénatrice Eaton, de Toronto, qui a été retardée en raison du mauvais temps. Bienvenue, sénatrice Eaton.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Madame Olson, votre présentation était très bonne et vous avez un bon bilan au chapitre de l’innovation canadienne dans le domaine du matériel agricole et de l’agriculture.

Il s’agit de politique locale. Le point qui est important et que les députés et les sénateurs prennent en considération est l’emplacement des emplois. Vous parlez de l’exportation de 1,8 milliard de dollars de matériel à 151 pays différents. De toute évidence, ce matériel est fabriqué par des travailleurs d’ici.

Je ne m’attends pas à ce que vous ayez les détails à la portée de la main, mais il serait utile pour les parlementaires de voir l’ampleur des répercussions liées à l’emplacement des emplois. Alors que nous vaquons à nos affaires à titre de sénateurs et de députés de la Chambre des communes, au Canada et à l’étranger, il serait extrêmement utile de comprendre la portée de ce point.

Nous parlons de changements climatiques et vous parlez d’innovation. Personne n’est plus innovateur qu’un agriculteur. Il n’a pas le choix s’il veut survivre. Y a-t-il moyen de combiner cette innovation aux possibilités que les changements climatiques présentent? Lorsque je parle de « possibilités » présentées par les changements climatiques, je veux dire que l’industrie agricole pourrait probablement être présente un peu plus au nord des régions agricoles traditionnelles, pas nécessairement pour cultiver les terres, mais probablement pour élever du bétail. Il pourrait aussi y avoir des possibilités de cultiver des produits agricoles.

L’association offre-t-elle de telles possibilités?

Mme Olson : Oui. Pour répondre à votre question précédente sur les emplois, comme beaucoup de nos membres l’ont indiqué, un des aspects uniques de notre industrie est l’exploitation agricole familiale. Un de mes souvenirs préférés, dans le cadre de mon rôle de présidente d’AMC, remonte à une occasion où je me suis perdue dans le sud-ouest de l’Ontario, où il y a un important secteur manufacturier. Je n’arrêtais pas de tourner en rond. Mon GPS m’a finalement informée que j’étais rendue chez le fabricant. Je suis sortie dans mon véhicule de location et j’ai été accueillie par le chien de la famille. Heureusement, j’aime les chiens; je me sentais donc un peu comme si j’étais chez moi. Je me trouvais dans une installation où des herses sont fabriquées et exportées aux États-Unis.

Je vous raconte cette anecdote pour vous montrer que beaucoup de bon travail se fait dans les régions rurales. Rosenort, au Manitoba, est situé à environ une demi-heure de Winnipeg. Westfield transporte des gens de la ville par autobus pour venir travailler à Rosenort parce qu’il a besoin de travailleurs dans cette installation. Il s’agit d’un bon exemple de possibilités d’emploi dans les régions rurales du Canada. Si nous recherchons de l’innovation, ces fabricants exportent des produits partout dans le monde. Deux de nos membres, dont un est situé dans le Nord de l’Alberta, exportent constamment leurs produits à plus de 40 pays.

En ce qui concerne les changements climatiques et l’innovation, ils font partie intégrante de la façon dont nos membres voient leurs produits, car ils font concurrence à d’autres fabricants de matériel agricole. Les fabricants de matériel agricole au Canada sont tous des entreprises d’intérêt local. Elles sont très spécialisées. Qu’elles soient axées sur la manutention et l’entreposage du grain comme c’est le cas d’Ag Growth International et de Meridian, ou sur le matériel de récolte comme MacDon, elles soutiennent la concurrence à l’échelle mondiale.

Il y a beaucoup d’autres récolteurs en Argentine. J’essaie de lire votre langage corporel. N’hésitez pas à me le dire si mes propos sur le matériel agricole deviennent trop techniques. MacDon, dont le siège social est situé à Winnipeg, au Manitoba, et Honey Bee, dont le siège social se trouve à Frontier, en Saskatchewan, soutiennent la concurrence des autres. Lorsque vous visitez des pays comme l’Argentine, l’Europe et l’Australie, vous pouvez voir des marques de matériel agricole canadien. Elles connaissent un très bon succès.

Les agriculteurs connaissent les circonstances dans lesquelles l’application générale d’engrais n’est pas nécessaire. Nous travaillons avec eux afin de mieux comprendre comment répandre l’engrais ou les semences avec tellement de précision que vous pouvez regarder une carte de votre champ et savoir l’endroit et le moment exacts où répandre l’engrais.

Dans certaines des supergrappes, il y a des discussions sur l’intelligence artificielle. Nous nous dirigeons définitivement dans cette direction. Il faudra un peu de recherche pour atteindre notre objectif en cinq ans. Un ardent défenseur de l’intelligence artificielle, surtout dans la région de Winnipeg, était frustré par notre incapacité de mettre toutes les données dans le nuage. J’ai mentionné que Versatile est actuellement le seul fabricant de tracteurs au Canada qui fait du très bon travail à cet égard. Vous ne pouvez pas avoir de tracteur et d’instrument. L’instrument ne peut pas dire au tracteur quoi faire. Le tracteur dit toujours à l’instrument quoi faire.

Il y a une norme ISOBUS en Europe qui n’est pas encore vraiment présente au Canada, et je mets l’accent sur le mot « encore ». En ce qui concerne la situation que nous voulons voir, ce serait idéal d’avoir davantage d’appareils téléguidés et d’installations autonomes dans les champs pour aider les agriculteurs, qui ne seraient alors pas tenus de dépendre des pénuries de main-d’œuvre et d’essayer de les combler. Il existe beaucoup de possibilités.

Le sénateur Mercer : À mon avis, les députés de Winnipeg ne savent pas que certains des habitants de leur circonscription habitent en ville et travaillent dans des régions rurales du Manitoba plutôt que l’inverse. Il s’agit d’une bonne anecdote. Cela signifie que les députés du centre-ville de Winnipeg s’intéressent soudainement un peu plus au secteur.

Monsieur Bauman, je voulais vous poser une question au sujet de l’effet de la culture sans labour sur la culture du maïs dans le Sud-Ouest de l’Ontario.

Randy Bauman, membre de la commission, Agricultural Manufacturers of Canada : En fait, je suis surtout ici pour fournir du soutien moral. Non, c’est une blague.

Le sénateur Mercer : Vous êtes ici, et nous profitons de votre présence.

M. Bauman : Merci de nous accueillir. La culture sans labour prend de l’ampleur. Tout le monde n’est pas encore passé à cette méthode, mais elle a beaucoup gagné en popularité ces dernières années.

En minimisant le nombre de fois où la terre est manipulée, on peut accroître considérablement le rendement des récoltes. Plus les agriculteurs adopteront la culture sans labour, plus l’effet sur les terres sera considérable. Les rendements que procure la culture sans labour ne sont pas exactement les mêmes que ceux d’une culture conventionnelle. Comme le matériel évolue et que de nombreux fabricants offrent maintenant des appareils pour la culture sans labour, les améliorations se sont multipliées au fil des ans. Les rendements augmentent. Ils n’ont pas encore atteint le niveau de rendement des cultures conventionnelles, mais on note des gains considérables.

[Français]

Le vice-président : Avant de passer au sénateur Dagenais, j’aimerais rappeler à tous qu’on a une très longue liste pour la période des questions. Je vous demande donc d’être brefs et précis dans vos questions et réponses afin de permettre à tous les sénateurs et sénatrices de poser leurs questions.

Le sénateur Dagenais : J’aimerais vous poser deux questions courtes en ce qui concerne les moyens financiers des producteurs. Tout d’abord, ont-ils les moyens de faire l’acquisition de nouveaux équipements plus écologiques?Ensuite, ont-ils accès à une aide financière, qui correspond aux besoins d’aujourd’hui et aux exigences des gouvernements?

Mme Olson : Merci de cette question. Je pense que les finances sont toujours importantes pour l’agriculture. Nous voulons que les agriculteurs aient l’argent pour investir dans leurs démarches agricoles.

[Traduction]

Nous souhaitons que le gouvernement augmente la déduction pour amortissement, car, particulièrement dans le contexte d’une taxe sur le carbone, une faible déduction empêche les agriculteurs canadiens d’assurer leur rentabilité à l’échelle internationale. En augmentant la déduction pour amortissement pour le nouveau matériel agricole, le gouvernement signalerait aux agriculteurs qu’il reconnaît qu’ils ont besoin de moyens financiers pour passer d’un ancien modèle de tracteur ou de moissonneuse-batteuse à un modèle récent.

Le gouvernement des États-Unis prend des mesures intéressantes afin de motiver les agriculteurs et de leur donner les moyens d’investir dans du nouveau matériel. Nous en avons discuté avec les membres de notre association. Nous tenons à ce que les entreprises agricoles demeurent rentables, et nous considérons qu’une hausse de la déduction pour amortissement pourrait aider les agriculteurs.

En tant que gouvernement, vous devez examiner cet élément en tenant compte de l’ensemble du contexte financier. Nous ne faisons pas de recommandation officielle pour l’instant, mais c’est l’un des domaines que nous explorons.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sans nous dévoiler des secrets d’entreprise, pourriez-vous nous donner un aperçu des innovations à venir et comment cela va changer la façon de faire des agriculteurs?

En tant que gouvernement, vous devez examiner cet élément en tenant compte de l’ensemble du contexte financier. Nous ne faisons pas de recommandation officielle pour l’instant, mais c’est l’un des domaines que nous explorons.

[Traduction]

Mme Olson : Si j’ai bien compris, vous aimeriez savoir quelles innovations se préparent.

La technologie de culture sans labour m’inspire beaucoup d’enthousiasme. Il existe un excellent appareil canadien qui vient de la Saskatchewan. J’ai un souvenir qui remonte à ma jeunesse, dans les années 1980. J’étais à la ferme et l’air était rempli de poussière. On ne voyait rien. Vous qui venez du Manitoba, madame la sénatrice, vous comprenez de quoi je parle. Il y avait de véritables tempêtes de poussière.

Quand je suis devenue présidente d’AMC en 2015, je passais 80 p. 100 de mon temps sur la route, à parcourir le Sud de la Saskatchewan, de l’Alberta et de l’Ontario. À la fin de 2015, un agriculteur m’a dit : « C’est la première fois en 50 ans que nous avons un printemps aussi sec. » Et pourtant, il n’y avait pas de tempêtes de poussière, ce qui m’étonnait. La production était excellente; la production de céréales de l’Ouest canadien battait des records. C’était incroyable.

Si un agriculteur a les bonnes semences, que les conditions de croissance sont favorables — ce qui n’était pas vraiment le cas dans la situation que j’ai décrite — et qu’il a le bon matériel, il peut obtenir d’excellents résultats. C’est notamment à cet égard que notre industrie aide les agriculteurs.

Une autre excellente technologie de pointe, DOT, a fait ses débuts à la foire agricole Ag in Motion, en Saskatchewan. Du côté du matériel agricole, une grande partie de l’énergie produite par un tracteur sert simplement à le faire avancer, puisqu’il s’agit d’un appareil très lourd. L’un de nos membres a breveté une plateforme. Il s’agit d’une plateforme autonome, et on contrôle ses déplacements au moyen d’une télécommande. Elle a la capacité de repérer les poteaux et d’autres éléments.

Bref, les agriculteurs n’ont plus à conduire le tracteur. Voilà une innovation, et une innovation 100 p. 100 canadienne. Elle a d’ailleurs retenu l’attention à l’une des plus grandes foires de matériel agricole du monde, Agritechnica. C’est le genre de possibilités que nos membres explorent, en collaboration avec les agriculteurs, dans le but de découvrir des innovations qui permettront de réduire leur empreinte environnementale.

Le sénateur Mercer : Je suis aussi membre d’un autre comité, le comité des transports et des communications, où nous achevons une étude sur les véhicules sans conducteur et les véhicules autonomes. Vous venez de mentionner un tracteur sans conducteur. C’est la première fois que j’en entends parler, car cela n’a pas été mentionné pendant l’étude de l’autre comité.

Serait-il possible de voir un de ces tracteurs à l’œuvre quelque part au Canada?

Mme Olson : Oui, bien sûr. Je souligne, toutefois, que la plateforme DOT n’est pas un tracteur; elle a la forme d’un « U ». Je pourrais peut-être vous montrer une vidéo après la séance. Si vous cherchez des vidéos de DOT sur YouTube, vous verrez qu’il s’agit d’une plateforme. Elle utilise des outils, et la totalité de son énergie sert au fonctionnement de ces outils.

J’ai mentionné un fabricant de tracteurs canadien, Buhler Industries, qui offre la marque Versatile. J’y étais justement hier. Cette entreprise a des projets de recherche et de développement vraiment fantastiques. Les gens de Buhler seraient sûrement ravis de vous accueillir dans leur établissement et de vous parler de certains des dossiers sur lesquels ils travaillent.

[Français]

Le vice-président : Je vais demander au greffier de faire l’acquisition d’un tel tracteur pour que vous puissiez voir comment cela fonctionne.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : J’aurais une question rapide au sujet de la culture sans labour. Y a-t-il plus de mauvaises herbes quand on emploie cette méthode? Est-ce ce qui fait parfois baisser la production?

M. Bauman : Il n’y a pas nécessairement plus de mauvaises herbes. Dans le cas du labour conventionnel, toutefois, on retourne complètement la terre et, pendant l’hiver, elle se restaure et se repose.

La sénatrice Eaton : J’en suis consciente, mais je me posais la question. Bref, il n’y a pas nécessairement plus de mauvaises herbes?

M. Bauman : Non.

La sénatrice Eaton : J’aimerais que vous nous parliez, tous les deux, des effets de l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne, l’AECG, et de l’ALENA. Il y a encore beaucoup d’incertitude au sujet de l’ALENA, et l’AECG en est à ses débuts. Pourriez-vous nous parler brièvement des répercussions de ces deux ententes sur les ventes canadiennes?

Mme Olson : Bien sûr. Nous appuyons les accords commerciaux, mais les raisons de cet appui ne sont peut-être pas toujours claires. Comme la plus grande partie de notre matériel n’est pas sujette à des droits de douane, pourquoi serions-nous favorables aux accords commerciaux? Le facteur clé, c’est que si les agriculteurs canadiens ont accès à plus de marchés et diversifient leurs affaires grâce à des ventes en Europe et aux États-Unis, par exemple, ils auront davantage de possibilités d’accroître leurs revenus. Et ils pourront ensuite, grâce à ces revenus, investir dans leur matériel agricole. C’est la principale raison qui nous porte à considérer l’ALENA et l’AECG comme d’excellentes possibilités de réussite. Nous espérons que le gouvernement continuera son travail en ce sens.

Par ailleurs, l’AECG a entraîné un certain protectionnisme, comme le sénateur Doyle l’a souligné plus tôt. Une grande partie de notre matériel est déjà vendu en Europe, mais, à la suite de l’AECG, la certification CE est davantage exigée.

La sénatrice Eaton : Qu’est-ce que la certification CE?

Mme Olson : La certification CE confirme qu’un fabricant de l’extérieur de l’Europe a suivi un processus particulier. Il s’agit, en quelque sorte, de la validation juridique de certaines normes. Si les fabricants canadiens souhaitent faire affaire avec l’Europe et y vendre leurs produits, il arrive de plus en plus souvent qu’on leur demande une certification CE. C’est ce que j’entends dire depuis un an, depuis que l’AECG progresse.

Nous collaborons avec des experts locaux afin que les fabricants puissent profiter d’un processus simplifié pour obtenir la certification CE.

La sénatrice Eaton : C’est peut-être une question de viabilité?

Mme Olson : Non, pas du tout. C’est plutôt une question de sécurité, une façon de s’assurer que l’exportateur qui vend ses produits en Europe satisfait à certaines normes.

La sénatrice Eaton : Fabriquez-vous du matériel spécialisé pour l’agriculture biologique?

Mme Olson : Notre matériel convient à l’agriculture biologique comme à l’agriculture conventionnelle. J’ai publié un gazouillis au sujet d’une moissonneuse-épieuse MacDon et de l’agriculture biologique.

En fait, nous collaborons avec les agriculteurs, peu importe le type d’agriculture qu’ils choisissent de pratiquer, qu’ils optent pour l’agriculture biologique ou conventionnelle, avec ou sans OGM. Il faut savoir que le matériel agricole canadien est soumis à des conditions difficiles. Les gens ne sont peut-être pas conscients de tout ce que cela exige. Si vous optez pour une culture sans labour et que vous cherchez à planter dans l’argile, il est très difficile de planter dans ce genre de sol. Malgré cela, nous y parvenons au Canada. Par ailleurs, certaines terres du Québec présentent des défis différents.

Dans ce contexte, les distinctions entre agriculture biologique et agriculture conventionnelle ont assez peu d’importance.

La sénatrice Eaton : Je suis heureuse de l’entendre.

[Français]

La sénatrice Gagné : Je vous remercie pour votre présentation de ce matin. C’est très intéressant. Madame Olson, vous avez parlé de compatibilité technologique entre différents types d’équipements. Certains témoins nous ont fait part de ce défi et vous avez confirmé qu’il existe encore des problèmes en matière de transfert des technologies.

D’autres témoins ont identifié un nouveau défi qui concerne la capacité d’analyse des données. Évidemment, nous avons la capacité de collecter énormément de données. Toutefois, la difficulté se situe dans l’analyse des données pour prendre des décisions qui permettraient de rendre plus efficaces les pratiques en agriculture.

Ma question est la suivante : est-ce que les manufacturiers offrent une formation aux utilisateurs afin qu’ils soient en mesure d’analyser les données et de mettre en oeuvre les résultats de l’analyse des données?

Mme Olson : C’est une bonne question. À mon avis, l’information représente une occasion pour tout le monde et en ce moment, the platforms...

Je m’excuse, mais je m’exprime mieux en anglais.

[Traduction]

Les plateformes qui recueillent les données se trouvent souvent sur un tracteur John Deere. Il s’agit pour le moment de plateformes en circuit fermé; il est donc difficile d’avoir accès aux données.

Presque tous les fabricants canadiens sont des fabricants locaux, qui offrent une petite gamme de produits. Seule l’usine CNH de Saskatoon fait exception à cette règle. Nos membres n’ont pas toujours la possibilité de tirer parti des données conservées à l’intérieur du tracteur. Pour contourner ce problème, certains agriculteurs maintiennent un système d’exploitation distinct dédié à leur technologie et à leurs appareils. Pour revenir à la compatibilité, puisque vous avez abordé ce sujet, les semoirs ne sont pas toujours compatibles.

Cette situation est riche en possibilités pour nous, au Canada. Des discussions sont en cours avec certains fabricants importants. Nous avons vu qu’en Europe, grâce à la norme ISOBUS, tout le monde peut utiliser la même plateforme. Nous n’avons rien de semblable au Canada.

Du point de vue d’un agriculteur, c’est difficile. Si la plateforme utilisée pour votre semoir, par exemple, ne communique pas adéquatement ou bien avec le tracteur et tombe en panne, il vous faut quelqu’un pour la réparer ou vous devez faire appel à votre jeune de 12 ans pour qu’il la répare.

C’est une chose qui nous préoccupe beaucoup et sur laquelle nous nous penchons.

La sénatrice Gagné : Qu’en est-il de la capacité à analyser les données? Pensez-vous que les agriculteurs trouvent cela difficile en raison de la quantité de données recueillies?

Mme Olson : C’est intéressant. Je vais vous parler un peu de notre exploitation agricole. Nous avons maintenant tellement de données que c’est compliqué, et nous sommes en période de transition.

Un de vos témoins a parlé de l’agriculture 4.0. C’est tout à fait vrai : l’agriculture est en train de franchir une nouvelle étape. Nous disposons d’une grande quantité de données, et celles qui sont bonnes nous permettront de gagner du temps et de l’argent.

Face à toute une série de données qui lui permettent de déterminer la quantité d’engrais épandue, la profondeur du semis et le type de semence, un agriculteur saura, sans l’ombre d’un doute, trouver un moyen de les analyser. Le problème, c’est que nous ne savons pas toujours, pas encore du moins, comment analyser les données de manière à gagner du temps et de l’argent.

Dans le domaine de l’agriculture, biologique ou non, il y a tellement de données disponibles que nous verrons des changements à mesure que nous progressons. Des programmeurs essaient vraiment de faciliter la vie des agriculteurs.

Au bout du compte, l’agriculteur continuera de tout mettre par écrit. Nous prenons des notes au marqueur dans notre cabine. Nous le faisons pour nous rappeler exactement ce que nous avons semé, le nombre d’acres semés et ainsi de suite. Nous pouvons obtenir les données exactes en analysant celles que contient le système d’exploitation, mais c’est toujours très facile de les inscrire sur la fenêtre avec un marqueur.

La sénatrice Gagné : Je comprends.

J’ai une autre question brève à vous poser. Le sénateur Mercer a parlé des véhicules et des tracteurs autonomes. Qu’en est-il du matériel à émissions nulles? En est-on encore très loin? Qu’en pensez-vous?

Mme Olson : Je suis une éternelle optimiste. Je dirais qu’absolument tout est possible.

En ce qui a trait à la séquestration du carbone, je ne sais pas où exactement nous pourrions trouver de l’équipement à émissions nulles. Dans le cadre du travail de nos membres avec les agriculteurs, au bout du compte, on cherche avant toute chose à avoir des terres fertiles et productives. Lorsqu’un éleveur veut être certain que ses sources d’eau demeurent potables, une pression est toujours exercée sur nos membres. Ils vivent dans la collectivité où se situe leur usine, et certains d’entre eux pratiquent l’agriculture. Je dirais que la pression est constante et que c’est la raison pour laquelle nous restons humbles.

Au moment où vous pensez avoir réussi, une forte tempête de grêle peut détruire toute votre récolte. Ensuite, vous vous dites que vous pouvez gérer les conditions météorologiques et les prévisions jusqu’à un certain point, mais mère Nature est toujours aussi puissante et a d’autres tours dans son sac.

La sénatrice Petitclerc : Merci beaucoup de votre exposé. En fait, ma question va dans le même sens que la dernière question de la sénatrice Gagné.

J’essaie de me montrer réfléchie et délibérée au sujet de la machinerie, de la technologie et de l’équipement agricole écologiques. J’ai le sentiment, et c’est peut-être logique, qu’on vise la productivité et les profits, mais dans quelle mesure l’industrie est-elle décidée à prendre le virage vert dans le domaine de la fabrication de machines?

Si elle ne l’est pas, que devons-nous faire pour qu’elle s’engage dans cette voie?

Mme Olson : Un de nos membres a parlé de la volonté de toujours laisser une empreinte écologique positive.

Encore une fois, c’est instinctif pour la plupart de nos membres. Je ne dis pas qu’ils sont tous convaincus. Certains sont motivés par différentes choses, mais la grande majorité de nos membres est très consciente de son incidence sur l’environnement.

Quand nos membres réfléchissent à des technologies de culture sans labour et à des moyens d’essayer de garder la terre fertile et productrice, ils sollicitent l’aide d’agronomes, d’agriculteurs et de scientifiques afin d’avoir une vision globale du fonctionnement de l’équipement dans les champs.

Pouvons-nous en faire plus? Je ne veux pas être trop sur la défensive, mais il est instinctif pour nous de prendre soin des terres agricoles.

[Français]

Donc, je ne suis pas certaine qu’il y ait quelque chose d’autre qu’on puisse faire, mais pour nous, l’environnement est tellement important qu’il est toujours pris en compte dans notre démarche en ce qui concerne les nouveaux produits.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins des précieux renseignements qu’ils nous ont fournis. La plupart des questions ont déjà été posées, mais je voudrais parler un peu de commerce.

Votre association fabrique aux fins d’exportation de l’équipement qui peut résister à des températures et à des conditions extrêmes. Quel est votre principal concurrent dans le domaine de l’équipement agricole? Quelle est la proportion d’équipement importé des États-Unis et d’équipement exporté là-bas?

Mme Olson : Environ 80 p. 100 du matériel agricole fabriqué au Canada est exporté aux États-Unis. C’est de loin notre principal marché d’exportation. Vient ensuite l’Australie, où l’élevage et l’agriculture sont très semblables. Nombre de concurrents du secteur canadien des fabricants de matériel agricole spécialisé se trouvent aux États-Unis.

Les Allemands sont bien connus pour fabriquer des produits d’excellente qualité. Leur savoir dans l’industrie automobile s’applique admirablement bien à leur puissante industrie de l’équipement agricole. C’est encore une fois la même chose au Japon.

Les fabricants de matériel agricole canadiens sont souvent considérés comme un modèle d’excellence auquel d’autres aspirent. C’est attribuable aux conditions de croissance difficiles au Canada, qui font en sorte que les agriculteurs forcent les fabricants canadiens à s’améliorer, à innover, à les aider sur le plan environnemental et à fabriquer des produits adaptés aux conditions du Canada. À l’avenir, je dirais que le Canada peut et devrait assumer le rôle de leader qui lui est naturellement attribué dans le domaine de l’agriculture.

La quantité d’argent que la Chine investit dans son agriculture nous a conduits à encourager le gouvernement du Canada à poursuivre le dialogue avec la Chine et à intervenir parce que nous savons produire des denrées alimentaires d’une manière sûre et efficace. Nous voulons nous assurer que le gouvernement agit en ce sens, car nous croyons qu’il y a beaucoup de débouchés en Chine et ailleurs en Asie.

Le sénateur Oh : J’ai rendu visite à quelques fabricants d’équipement agricole en Chine. Je pense qu’ils sont toujours très en arrière sur nous.

Mme Olson : Oui.

Le sénateur Oh : Au cours de votre entretien avec Scott Garvey, le mois dernier, vous avez dit que le gouvernement du Canada n’en fait pas assez pour aider cette industrie de 1,8 à 2 milliards de dollars.

Voici votre chance. De quelle manière le gouvernement du Canada peut-il vraiment vous aider?

Mme Olson : Le gouvernement fait un excellent travail à l’échelle internationale. Les délégués commerciaux internationaux sont formidables. Pour les fabricants d’équipement agricole, le plus grand obstacle à l’exportation ou à l’expansion est leur réseau de concessionnaires.

Ainsi, lorsqu’un accord commercial est signé, comme l’AECG, il se peut qu’un journaliste m’appelle pour que je lui parle des nouveaux débouchés. Et je réponds qu’ils sont limités parce que notre équipement est déjà exempt de droits de douane.

L’accord commercial offre des débouchés aux agriculteurs, mais, en réalité, la raison pour laquelle nous sommes présents dans certaines collectivités et sur certains marchés, c’est le fait que nous ayons un réseau de concessionnaires. Il faut des années pour développer ce genre de réseau.

De nos jours, la plus importante difficulté à laquelle nous sommes confrontés pour accéder au marché latino-américain et y rester est l’absence d’un réseau bien développé sur lequel nos membres peuvent compter. Quelques-uns de nos membres ont investi. Ils ont lancé des coentreprises en Amérique latine. Le financement demeure un peu compliqué, et c’est pourquoi la présence d’Exportation et développement Canada en Amérique latine est particulièrement essentielle.

Depuis que la situation politique s’est détériorée en Russie, sur le seul plan financier, nous avons perdu des parts de marchés de plus de 120 millions de dollars étant donné que l’organisme de crédit canadien, Exportation et développement Canada, ne peut pas être sur place, contrairement à ses pendants allemand et américain. Les fabricants allemands et américains continuent donc à écouler leurs produits sur le marché russe et à s’emparer de parts de marché qui appartenaient auparavant aux Canadiens.

Il est essentiel que le gouvernement du Canada maintienne un faible taux d’imposition. Je suis reconnaissante envers le ministre Morneau des modifications fiscales apportées dernièrement. Il est très important de maintenir au Canada un faible taux d’imposition des entreprises pour qu’elles puissent investir dans la recherche et le développement ainsi que dans l’innovation, et aussi pour que les supergrappes et la course à l’intelligence artificielle restent en phase, d’un point de vue pratique, avec ce qui se passe réellement dans les exploitations agricoles.

Le sénateur Pratte : Je n’ai qu’une question très brève. Nous avons parlé un peu plus tôt de la tarification du carbone. Je suis juste curieux : quelle proportion du coût de production de vos membres est attribuable au carburant? Le carburant ne doit pas représenter une part très importante du coût de production.

J’essaie juste d’évaluer les répercussions que le futur système de tarification du carbone aura sur vos membres.

Mme Olson : Pour ce qui est de la fabrication, je dirais que l’incidence est assez limitée. Il en est tout autrement pour les agriculteurs. Est-ce bien l’objet de votre question?

Le sénateur Pratte : Les deux perspectives m’intéressent, c’est-à-dire celle des fabricants d’équipement et celle des agriculteurs qui l’utilisent.

Mme Olson : Je m’attendais à cette question. J’ai apporté des informations fournies par un de nos membres. Il adore entendre que j’utilise ses données.

Il aura fallu 15 ans de travaux d’ingénierie, mais, à l’heure actuelle, les tracteurs fabriqués au Canada et répondant aux normes de niveau 4 sont 25 fois meilleurs sur le plan des émissions que ceux répondant aux normes de niveau 1. Les progrès accomplis à cet égard sont énormes.

Le sénateur Pratte : Qu’entendez-vous par « niveau 4 »?

Mme Olson : À l’heure actuelle, les moteurs doivent répondre aux normes de niveau 4. Ma réponse est liée à la question du sénateur Dagenais concernant différentes façons d’assurer la viabilité financière des exploitations agricoles. Un vieux tracteur est un peu comme un vieux réfrigérateur, celui qu’on garde au sous-sol pour les desserts de Noël ou les boissons froides. Un vieux réfrigérateur consomme beaucoup d’électricité. Si on vous offre un incitatif pour le remplacer, vous allez probablement le faire, ce qui contribuera à réduire votre empreinte écologique à long terme.

Dans le même ordre d’idées, nous cherchons des solutions qui encourageront les agriculteurs à investir dans de l’équipement moderne, ce qui assurerait une diminution de leur empreinte écologique. Pour certains agriculteurs ayant une vision à long terme, ce genre d’investissement est déjà une réalité. Pour d’autres, il serait difficile de faire de même, notamment pour des raisons de nature financière. En ce qui concerne la promotion des technologies vertes et le programme écologique du gouvernement, la déduction pour amortissement n’est qu’une option parmi d’autres.

J’ai demandé qu’on fasse des analyses de notre côté afin de mieux comprendre la question. Au risque d’offenser les fonctionnaires des Finances, je soutiens que les réductions fiscales ultraciblées ne peuvent pas être permanentes. Elles font partie des incitatifs à investir dans les technologies vertes.

Pour ce qui est du secteur manufacturier, c’est assez limité. Après l’annonce du premier ministre concernant la taxe sur le carbone, j’ai demandé aux membres de m’indiquer, chiffres à l’appui, quelle incidence financière la taxe aurait sur eux. La taxe entraînera logiquement une hausse des prix. Mais entraînera-t-elle un changement de comportement? Notre industrie comprend les motivations qui sous-tendent la taxe, mais elle préférerait se voir offrir d’autres moyens qu’une taxe généralisée sur le carbone pour réduire son empreinte écologique. Cela englobe beaucoup de choses.

Le sénateur Doyle : J’ai une brève question. Est-ce que le carburant diesel est une option viable financièrement? Avez-vous envisagé le gaz naturel? S’agit-il d’une option possible pour les grosses machines utilisées dans votre industrie, ou est-ce que le diesel est là pour de bon et ne sera jamais remplacé? J’aimerais entendre votre opinion à ce sujet.

Mme Olson : Je serai très brève. Je recommuniquerai avec vous sur ce sujet parce que je veux éviter de vous induire en erreur sur ce qui se fait en ce moment.

Je sais qu’on utilise différents types de carburants pour les tracteurs, y compris des biocarburants. Je serai heureuse de vous transmettre une réponse plus tard.

[Français]

Le vice-président : Je voudrais remercier très sincèrement nos témoins de ce matin. Vous avez pu constater l’intérêt que les sénateurs portent aux changements climatiques, en particulier dans le domaine de la fabrication et de l’utilisation des machines agricoles. Merci infiniment d’être venus nous voir. Votre mémoire nous sera certainement très utile. Merci et bon retour.

Je vous demande de vous joindre à moi pour souhaiter un joyeux Noël et une très bonne année à tout notre personnel : à nos traducteurs, à la régie, à nos interprètes, à nos sténographes, à notre analyste, Aïcha, et à notre souriant greffier, M. Pittman. Merci pour tout le travail que vous avez accompli dans l’ombre pendant toute l’année.

Au nom de la présidente, qui n’est malheureusement pas ici, je vous souhaite à tous de joyeuses Fêtes.

(La séance est levée.)

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