Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 41 - Témoignages du 1er février 2018
OTTAWA, le jeudi 1er février 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 2, pour étudier l’acquisition des terres agricoles au Canada et ses retombées potentielles sur le secteur agricole; et pour examiner la réponse du gouvernement au neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts intitulé L’importance de la santé des abeilles pour une production alimentaire durable au Canada, déposé et adopté au Sénat le 28 mai 2015.
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.
Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, présidente du comité. Je demanderais aux sénateurs membres du comité de se présenter, en commençant par le vice-président.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.
Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Merci.
Aujourd’hui, pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons M. Richard Aucoin, directeur exécutif, et M. Scott Kirby, directeur de l’évaluation environnementale, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous accueillir. Merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation.
J’inviterais maintenant les témoins à nous présenter leur exposé. Je tiens à vous rappeler les directives du greffier : vous disposerez de 7 à 10 minutes pour nous présenter votre exposé, après quoi nous passerons aux questions des membres.
Richard Aucoin, directeur exécutif, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada : Madame la présidente, bonjour et merci beaucoup de nous offrir cette occasion de vous présenter un aperçu de certains des travaux que nous effectuons sur les pesticides que l’on appelle les néonicotinoïdes et la protection des pollinisateurs. Les néonicotinoïdes et la protection des pollinisateurs sont des éléments clés de ce qui pourraient influer sur la santé des pollinisateurs au Canada.
[Français]
Comme vous le savez, l’ARLA, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, est l’agence fédérale responsable de la réglementation des pesticides au Canada. Notre mandat est la protection de la santé et de l’environnement, et notre objectif est de continuer à veiller à ce que les pesticides homologués ne posent pas de risques inacceptables pour la santé humaine et l’environnement.
[Traduction]
Nous effectuons notre travail dans le cadre d’un processus d’examen scientifique intensif et très strict qui se poursuit tant et aussi longtemps que l’utilisation d’un pesticide est approuvée au Canada. Les pesticides sur le marché sont également réévalués selon un cycle et de nouvelles évaluations scientifiques peuvent également être amorcées à tout moment si des informations sont obtenues relativement à un nouveau risque environnemental ou pour la santé.
Comme vous le savez, notre organisation effectue des examens scientifiques sur trois pesticides importants de la catégorie des néonicotinoïdes dont l’utilisation est déjà approuvée au pays à des fins agricoles : la clothianidine, l’imidaclopride, et le thiométoxane. Ce sont les trois principaux pesticides que nous réévaluons. Une grande partie de ce travail porte sur les impacts potentiels des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs, comme les abeilles, mais l’ARLA a également entrepris une évaluation plus large de ces produits et de tout impact potentiel qu’ils pourraient avoir sur d’autres aspects de l’environnement.
C’est dans les années 1990 que l’utilisation des premiers pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes a été approuvée au Canada. Vers 2009, nous avons amorcé une réévaluation de ces pesticides. Environ à la même époque, l’ARLA a discuté avec ses partenaires internationaux de la nécessité de mettre à jour et de moderniser la façon dont les risques des pesticides pour les pollinisateurs étaient évalués. On ignorait si l’utilisation accrue des pesticides, comme les néonicotinoïdes, qui peuvent circuler dans les plans et être présents en quantité infime dans le pollen et le nectar, pouvait être liée à la baisse dans la population des pollinisateurs. L’ARLA a travaillé avec l’EPA des États-Unis afin de développer une nouvelle méthodologie pour évaluer les risques pour les pollinisateurs parallèlement à la réévaluation des néonicotinoïdes.
C’est également à cette époque que le taux élevé de mortalité chez les abeilles a été lié à l’utilisation de semences traitées aux néonicotinoïdes, en Ontario et au Québec en particulier. L’ARLA a travaillé avec des intervenants afin d’élaborer une nouvelle approche pour l’utilisation des semences qui permettrait de réduire l’exposition aux abeilles. Cette approche a été mise en œuvre lors de la saison de croissance 2014, au Canada. Grâce à la mise en œuvre de ces mesures d’atténuation, le nombre d’incidents rapporté a chuté de 70 à 90 p. 100 dans les saisons qui ont suivi.
En étroite collaboration avec l’EPA des États-Unis, l’ARLA poursuit son examen des effets potentiels des néonicotinoïdes sur les abeilles. Aux fins de consultation, nous avons publié plus récemment une proposition visant à restreindre certaines utilisations des néonicotinoïdes sur certaines récoltes qui présentent un risque inacceptable pour les pollinisateurs.
Nous examinons aussi attentivement les effets potentiels de ces néonicotinoïdes sur la vie aquatique, puisqu’au Canada, aux États-Unis et en Europe, les niveaux de néonicotinoïdes que l’on retrouve dans l’eau sont de plus en plus inquiétants. Donc, nous examinons aussi attentivement cet aspect et, au cours de la prochaine année, nous mènerons des consultations auprès des Canadiens sur les résultats de ces évaluations.
L’ARLA a assuré et continuera d’assurer une présence soutenue auprès des Canadiens tout au long de cette série complexe d’examens, de ces consultations, de ces activités de sensibilisation et des activités des groupes de travail, comme la Table ronde sur la santé des abeilles dirigée par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Cette table ronde propose également un forum multi-intervenants. Par l’entremise de ces activités, des organismes des gouvernements fédéral et provinciaux, groupes de producteurs, chercheurs indépendants, organisations non gouvernementales et fabricants ont lancé plusieurs initiatives, y compris l’examen de stratégies alternatives de gestion du risque, la collecte de données supplémentaires de surveillance de l’eau au Canada et l’identification de produits antiparasitaires de remplacement potentiel pour remplacer les néonicotinoïdes, comme l’imidaclopride, si cela devait s’avérer nécessaire.
[Français]
Tout juste la semaine dernière, l’ARLA a tenu des séminaires publics sur le Web à propos des évaluations des effets de deux de ces néonicotinoïdes sur les abeilles. Environ 150 participants inscrits représentaient le grand public canadien, les producteurs agricoles, les groupes d’intérêt des secteurs de la santé et de l’environnement, les fabricants de pesticides, nos partenaires fédéraux et provinciaux, et les chercheurs scientifiques. Le contenu de ce séminaire a ensuite été présenté à la Table ronde sur la santé des abeilles d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. L’ARLA poursuivra ce type d’efforts au fur et à mesure que l’examen des néonicotinoïdes progressera.
[Traduction]
Jusqu’à maintenant, nous avons complété plusieurs étapes des examens de plusieurs néonicotinoïdes, et avons publié des propositions visant à restreindre certaines utilisations des néonicotinoïdes, mais il nous reste encore beaucoup de travail à faire cette année. Nous mènerons une consultation publique auprès des Canadiens sur les résultats de ces examens avant de prendre des décisions définitives.
Scott Kirby, notre directeur général de la Direction de l’évaluation environnementale, et moi sommes ici pour répondre à toutes vos questions sur les néonicotinoïdes et nos efforts pour protéger l’environnement. Merci.
La présidente : Merci pour cet exposé. Nous allons passer aux questions des membres. J’inviterais les sénateurs et témoins à être brefs. Si vous avez beaucoup de questions à poser, gardez-en quelques-unes pour la deuxième série de questions.
Notre premier intervenant sera le vice-président du comité.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bienvenue, messieurs. Monsieur Aucoin, j’ai écouté attentivement votre exposé. Vous savez, il y a deux ans, nous avons produit un rapport sur les abeilles, qui a nécessité de très grands efforts de la part du monde scientifique du secteur agricole. On a rencontré des spécialistes américains, australiens, européens et, bien sûr, canadiens dans chaque province. Il y a un dénominateur commun : la destruction des abeilles est un problème réel causé par les pesticides. Il ne faut pas chercher d’autres raisons, semble-t-il. Il y a la destruction des abeilles et de la petite flore marine le long des petits ruisseaux dans les champs, que ce soit par le canola, le maïs ou toute autre culture.
Le public se pose la question suivante : le Canada est-il en mesure, à court et à moyen terme, d’arrêter la vente des pesticides destructifs au Canada ou d’autoriser leur homologation?
[Traduction]
M. Aucoin : Merci pour cette question, sénateur. Le Canada procède à un examen scientifique de tous ces néonicotinoïdes et nos résultats et décisions définitifs seront fondés sur des données scientifiques.
Conformément à notre mandat législatif, nous sommes tenus de protéger l’environnement et de nous assurer qu’il n’existe aucun risque inacceptable pour celui-ci. Nous sommes également tenus de nous assurer que tout se fait selon un processus scientifique que nous respectons rigoureusement. Nous analysons beaucoup d’informations, tant des informations canadiennes que des informations provenant de partout ailleurs. Nous consultons nos homologues internationaux, comme l’EPA des États-Unis. Nous tirons beaucoup d’informations de réseaux de scientifiques en Europe, en Amérique du Nord et en Australie, notamment, pour nous assurer de savoir tout ce que nous devons savoir sur les néonicotinoïdes et connaître les risques potentiels pour l’environnement — non seulement pour les abeilles, mais pour l’environnement en général.
Comme je l’ai souligné dans mon exposé, nous avons amorcé un processus d’examen de ces aspects pour trois pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes, tous légèrement différents. Ils ont des points en commun, mais ce sont trois produits chimiques différents. Au printemps et cet été, nous devrions avoir terminé les principales étapes de nos examens scientifiques et, comme le veut la loi, nous mènerons une consultation publique sur les résultats de ces évaluations. Nous espérons avoir terminé toutes ces consultations d’ici la fin de l’année et être en mesure de prendre des décisions.
La loi est très claire : s’il existe des risques inacceptables pour l’environnement, nous sommes tenus d’agir et agirons en nous appuyant sur les données scientifiques disponibles à ce moment.
[Français]
Le sénateur Maltais : Le Canada, tout comme l'Union européenne, a des obligations importantes dans ce domaine. J’aimerais savoir si le gouvernement canadien tient compte des recherches qu’il a menées avec les universités canadiennes, qu’il s’agisse de Vancouver, Calgary, Guelph, en Ontario, Laval, à Québec, Dalhousie ou Moncton. On nous a tous répondu que c’était la raison principale. Si on veut faire du commerce avec les Européens, il faudra prendre des décisions rapidement. Eux aussi doivent composer avec ce problème. Monsanto est déjà mis sur la « side track » et il faudra agir rapidement. Le gouvernement est-il en mesure d’agir rapidement?
[Traduction]
M. Aucoin : Nous travaillons aussi rapidement que possible pour terminer nos examens scientifiques. Je peux vous assurer que nous tenons compte de toute la littérature scientifique disponible, tant la littérature publiée par les universités canadiennes que celle publiée par nos homologues de partout dans le monde. Les fabricants nous fournissent également des données et des informations. Nous tenons compte de toutes ces données pour prendre nos décisions. Comme je l’ai souligné, nous espérons vraiment avoir terminé une grande partie de cette évaluation d’ici l’été. Nous travaillons aussi rapidement que possible afin de déterminer si nous devons prendre des mesures réglementaires, où et comment.
Le sénateur Oh : Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
L’ARLA a appuyé la recommandation relative à la disponibilité des produits pour contrôler les mites, des produits qui ont un impact sur les abeilles domestiques. L’agence a l’intention d’accélérer le processus d’examen de nouveaux produits antiparasitaires contre les mites, mais ces produits ont un impact sur les abeilles domestiques. Le comité a appris qu’un nouveau produit chimique a été approuvé pour aider dans cette lutte contre les mites. Quelle mesure l’ARLA a-t-elle adoptée pour accélérer de façon efficace le processus d’homologation de produits chimiques utilisés par l’industrie apicole?
M. Aucoin : Concernant précisément les produits antiparasitaires utilisés pour contrôler les mites, le comité le sait peut-être, le rapport et l’information qui vous ont été fournis soulignent que les mites constituent une autre menace possible à la santé des abeilles et des colonies d’abeilles.
L’utilisation d’un ou deux produits a déjà été approuvée au Canada. Si je ne m’abuse, un autre produit a été approuvé récemment. Je n’ai pas le nom de ces produits avec moi, mais je pourrais vous les faire parvenir.
Malheureusement, il y a peu de nouveaux produits à l’étude pour le contrôle des mites. Il n’y en a tout simplement pas beaucoup, et l’ARLA n’intervient que lorsque des demandes d’homologation sont déposées. Lorsque nous recevons une demande d’un fabricant, nous sommes très heureux d’accélérer le processus d’examen si le produit en question peut aider à régler le problème de santé des abeilles. Mais, il y a très peu d’intérêt ou de demandes d’homologation déposées auprès de l’agence pour de nouveaux produits pour le contrôle des mites.
Le sénateur Oh : Y a-t-il un calendrier ou quelque chose de prévu? Parle-t-on d’un ou deux ans?
M. Aucoin : Il est clair que nous accélérerions l’examen de tout type de produit de contrôle des mites de façon à avoir terminé en moins d’un an. Nous savons également que, s’il devenait nécessaire de remplacer certains des pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes par des produits antiparasitaires de remplacement, il faudrait examiner la nécessité d’accélérer le processus d’examen de certains de ces produits de remplacement. Tout dépend de ce qui sera proposé et s’il est possible d’accélérer le processus d’examen.
Le sénateur Mercer : Je fais mon mea culpa. C’est moi, il y a quelques années, qui ai proposé cette étude au comité pensant qu’il s’agirait d’une brève étude de six semaines et que nous pourrions passer à autre chose. Cette brève étude est devenue une étude majeure.
Je suis reconnaissant envers l’ARLA pour son soutien tout au long de cette étude. Merci.
Quelles restrictions a-t-on mises en place depuis le début de cette étude? Quels sont les résultats de l’interdiction européenne quant à l’utilisation des néonicotinoïdes?
Cette interdiction a été imposée il y a un certain temps. Il devrait y avoir des résultats scientifiques pour nous dire si elle a été efficace. A-t-elle eu un impact? Devrions-nous suivre cette voie?
M. Aucoin : Je vais demander à mon collègue, Scott Kirby, de répondre à votre question au sujet des restrictions précises que nous proposons et vous dire ce que nous savons sur l’impact qu’a eu l’interdiction européenne.
Scott Kirby, directeur général, Direction de l’évaluation environnementale, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Santé Canada : Merci pour cette question, sénateur. Concernant les mesures adoptées depuis le début de cette étude, je dirais que des propositions importantes ont été faites au cours des dernières années.
D’abord, concernant l’imidaclopride, un des néonicotinoïdes faisant l’objet d’un examen pour en évaluer le risque pour les pollinisateurs, mais aussi les risques environnementaux plus larges, il a été proposé que l’utilisation de ce produit pour la plupart des activités extérieures soit interdite en raison des risques qu’il pose aux insectes aquatiques.
Si je ne m’abuse, cette proposition a été faite en 2016 et a suscité une grande réaction du public. Plus de 46 000 commentaires ont été formulés au sujet de cette décision.
Cette décision a également entraîné la création d’un forum multi-intervenants sur les néonicotinoïdes auquel nous participons. Dans le cadre de ce forum, nous travaillons avec des intervenants afin de recueillir d’autres données pouvant être utilisées dans le cadre de l’évaluation du risque.
Des restrictions majeures ont été proposées concernant l’imidaclopride afin de protéger les insectes aquatiques. Concernant les examens relatifs aux pollinisateurs, deux décisions ont été proposées en décembre 2017 relativement à l’utilisation de la clothianidine et du thiométoxane. Nous proposons également deux restrictions majeures concernant ces produits chimiques afin de protéger les pollinisateurs, y compris l’interdiction de plusieurs utilisations, comme dans les vergers, sur les plantes à fleurs et même dans les serres lorsque les plants qui y sont cultivés sont replantés à l’extérieur.
Nous avons proposé des restrictions dans d’autres secteurs quant à la période à laquelle l’utilisation du produit est permise. Bien entendu, c’est par l’entremise du pollen et du nectar que les abeilles sont les plus exposées lorsqu’elles butinent les fleurs. Des restrictions ont été adoptées quant à de nombreuses utilisations du produit de façon à ce que celui-ci ne soit utilisé que lorsque les fleurs sont sorties afin d’éviter toute exposition.
Le secteur du traitement des semences est le seul à ne pas faire l’objet de restrictions majeures. Ce sont des semences qui ont été traitées aux néonicotinoïdes afin de les protéger contre les insectes ravageurs. Nous avons examiné une grande quantité de données scientifiques sur les niveaux de néonicotinoïdes que l’on retrouve dans le pollen et le nectar une fois que les semences ont été traitées, que les plants ont poussé et que les fleurs ont éclos. Selon nous, les niveaux relevés ne devraient avoir aucun impact sur les abeilles domestiques et les pollinisateurs sauvages. Donc, nous ne proposons aucune restriction majeure relative au traitement des semences, mais rendons obligatoire l’adoption de mesures pour certaines semences de type armoise — semblable à ce que nous avons vu en 2012 avec le maïs et le soja — afin de réduire la quantité de poussière créée lorsque ces semences sont semées.
Jusqu’à maintenant, nous avons proposé un nombre important de mesures.
Nous envisageons de publier au mois de mars une décision proposée concernant les néonicotinoïdes et l’imidaclopride. Nous solliciterons alors la rétroaction du public avant de prendre une décision définitive à la fin de 2018 concernant ces trois néonicotinoïdes.
Le sénateur Mercer : Et sur l’interdiction européenne?
M. Kirby : Nous avons examiné toutes les informations que les Européens ont à leur disposition. L’EFSA, qui procède à l’évaluation du risque, n’a pas terminé ses travaux. Si je ne m’abuse, la publication de cette évaluation du risque a été repoussée à deux reprises. J’ignore exactement quelle est la prochaine date prévue pour cette publication. Toutefois, certaines régions de l’UE ont déjà amorcé la publication de données scientifiques et ont pris des décisions quant à l’utilisation continue de certains produits sur leur territoire.
De notre côté, nous attendons que les examens scientifiques soient terminés et si l’Autorité européenne de sécurité des aliments publie les résultats de son évaluation avant que nous ayons pris notre décision définitive, nous prendrons ces informations en considération.
Le sénateur Mercer : Ce report me paraît inhabituel en ce sens que les données sont recueillies depuis plusieurs années. A-t-on une idée des raisons pour ce report? Est-ce parce que les données ne sont pas concluantes?
M. Kirby : Je ne pourrais pas vous dire avec certitude pourquoi il y a eu des retards; je suis désolé.
Le sénateur Doyle : Je n’étais pas membre du comité lorsque l’étude était en cours, alors je risque de poser des questions qui ont probablement déjà été posées.
Au cours des cinq dernières années plus particulièrement, on a beaucoup entendu parler de la population d’abeilles, notamment. Avez-vous des renseignements que vous pourriez nous fournir sur la population d’abeilles et nous confirmer si elle a diminué au cours des cinq dernières années, puisque nous en avons beaucoup entendu parler au cours de cette période?
M. Kirby : Merci de la question. À l’ARLA, nous n’avons pas de mandat de recherche. Cependant, nos collègues dans d’autres ministères fédéraux et à l’échelle provinciale, de même que dans le milieu universitaire, mènent des recherches sur les populations d’abeilles domestiques.
Je ne peux pas vraiment entrer dans les détails. Tout ce que je peux vous dire avec certitude, c’est qu’on a recensé des diminutions chez les populations d’abeilles, et plus particulièrement chez certaines populations de bourdons. Pour d’autres populations d’abeilles, aucune diminution n’a été signalée. C’est tout ce que je peux vous dire.
Le sénateur Doyle : Avec les différentes populations d’abeilles, que ce soit des bourdons, des abeilles domestiques ou autres, avez-vous le problème de devoir trier les différents pesticides par rapport aux différentes espèces d’abeilles, ou un pesticide présente-t-il le même problème pour toutes les abeilles?
M. Kirby : Merci de votre question. Lorsque l’ARLA réalise un examen scientifique d’un pesticide, nous évaluons le risque pour l’environnement dans son ensemble. Nous examinons les abeilles et d’autres organismes également.
En ce qui concerne les abeilles plus précisément, comme M. Aucoin l’a mentionné, nous travaillons en collaboration avec l’EPA des États-Unis depuis 2012 à l’élaboration d’un nouveau cadre d’évaluation des risques pour les pollinisateurs. Auparavant, les quantités de données qui étaient générées et les méthodes d’évaluation des risques n’étaient pas conformes aux normes modernes. Compte tenu du fait qu’il y avait des préoccupations concernant les abeilles à l’échelle mondiale, nous avons travaillé fort avec nos partenaires pour établir un processus d’évaluation beaucoup plus rigoureux.
Ce processus d’évaluation s’applique à tout pesticide que l’on propose de faire homologuer, si bien qu’il s’agirait de nouveaux produits chimiques. Mais à mesure que nous réévaluons les vieux produits chimiques, cette nouvelle science s’applique et vise à protéger tous les pollinisateurs.
Le sénateur Doyle : Nous entendons beaucoup parler des changements climatiques et de la façon dont ils ont une incidence sur les différentes abeilles et sur les animaux. Les changements climatiques constituent-ils un facteur, à votre connaissance? Avez-vous examiné dans le cadre de votre étude les changements climatiques et la façon dont ils pourraient avoir une incidence sur les populations d’abeilles?
M. Kirby : Pas expressément. Nous nous sommes concentrés sur l’incidence des pesticides sur les pollinisateurs. Les changements climatiques ont été associés aux problèmes de santé des abeilles, du point de vue des modifications des habitats — puisque les changements climatiques font que différentes fleurs poussent dans différentes régions —, et une étude a été réalisée il y a de cela plusieurs années qui a révélé que certaines espèces de bourdons subissent les effets des changements climatiques. En fait, leurs espèces préférées de fleurs poussaient désormais plus au Nord et ils ne pouvaient pas les atteindre.
Les changements climatiques pourraient certainement être un facteur, mais ce n’est pas ce sur quoi nous nous concentrons dans le cadre de nos travaux.
[Français]
La sénatrice Gagné : Le sénateur Doyle a déjà posé ma question. J’aimerais revenir sur la question du sénateur Mercer concernant l’interdiction de la distribution ou de l’utilisation de graines qui seraient traitées dans des produits contenant des pesticides avec néonicotinoïdes. L’Union européenne a signalé qu’elle voulait interdire la distribution et l’utilisation de ces graines. Y aurait-il des conséquences sur la distribution des produits agroalimentaires entre le Canada et l’Union européenne? Est-ce que l’Union européenne interdira ce genre de distribution? Quels effets cela pourrait-il avoir sur le commerce des produits?
[Traduction]
M. Aucoin : En ce qui concerne le commerce? Premièrement, l’incidence la plus importante de l’utilisation des pesticides sur les aliments et le commerce est normalement un risque possible pour la santé humaine que nous avons évalué ou qu’un autre pays a évalué.
L’un des pays s’inquiète au sujet des résidus que ces pesticides laissent sur les aliments qui sont ensuite vendus sur les marchés internationaux.
Dans le cas des néonicotinoïdes, nos évaluations jusqu’à présent n’ont démontré aucun risque important pour la santé humaine. Les risques de ces pesticides pour l’environnement constituent le principal enjeu.
Nous ne nous inquiétons pas trop des néonicotinoïdes du point du vue du commerce. Cependant, on nous a informés d’une autre dimension possible. Par exemple, si le secteur agricole canadien ne peut pas utiliser des néonicotinoïdes pour traiter leurs semences ou leurs cultures, il pourrait devoir utiliser un pesticide différent sur ces cultures. Des groupes de producteurs spécialisés s’inquiètent toujours qu’un pesticide de remplacement pourrait représenter un problème pour les échanges commerciaux entre pays.
Il n’est donc pas impossible que le commerce d’une marchandise puisse être touché par des décisions que peut prendre le Canada concernant les néonicotinoïdes. Ce serait une conséquence non intentionnelle.
Le sénateur Oh : Les néonicotinoïdes que la sénatrice Gagné a mentionnés sont-ils encore couramment utilisés dans d’autres régions du monde ou seulement au Canada? Qui exporte tous ces néonicotinoïdes chimiques?
M. Aucoin : Dans le monde, les néonicotinoïdes sont couramment utilisés, sauf en Europe, où un moratoire est en place sur la majorité, mais pas la totalité des utilisations depuis un certain nombre d’années. Comme Scott l’a signalé, le cadre de réglementation européen fait l’objet d’examens finaux pour déterminer l’avenir de ces néonicotinoïdes en Europe. Des États comme la France ont pris des mesures indépendantes pour restreindre l’utilisation des néonicotinoïdes.
Le sénateur Oh : Qu’en est-il de l’Asie? Je sais qu’il est difficile de surveiller l’utilisation des produits chimiques et autres substances en Asie, car il y a tellement de pays.
M. Aucoin : Je ne sais pas ce qu’il en est des utilisations. Je sais qu’il y a un très grand marché mondial pour les néonicotinoïdes et leurs utilisations.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je remercie nos invités de leur présence. C’est tout de même préoccupant de constater la lenteur des changements qui s’imposent, malgré toutes les données dont nous disposons ici et dans d’autres pays, qui sont tous sensibles à cette question. Quand vous dites vouloir travailler de façon accélérée, qu’est-ce que cela signifie en termes d’échéancier? Combien de temps avez-vous encore besoin pour étudier cette question et en arriver à une solution satisfaisante par rapport à la situation actuelle?
[Traduction]
M. Aucoin : Comme je l’ai mentionné, nous avons présenté un certain nombre de propositions, comme nous sommes tenus de le faire en vertu de la loi. Nous devons consulter les Canadiens dans le cadre de toutes nos études. À la suite de ces consultations, nous recevons périodiquement plus de renseignements et d’observations, et parfois même plus de données, sur les néonicotinoïdes.
Je pense que vous pouvez comprendre la sensibilité entourant les néonicotinoïdes et l’intérêt mondial pour déterminer si des répercussions environnementales des néonicotinoïdes ont mené à un plus grand nombre d’études scientifiques.
Pour nous, c’est presque une question d’essayer de limiter les quantités de données que nous avons. Nous croyons que la majorité des renseignements pertinents ont été générés et que nous serons en mesure de présenter des propositions finales sur les néonicotinoïdes d’ici le printemps et l’été. Nous avons bon espoir que d’ici la fin de l’année civile, nous pourrons prendre des décisions finales sur les néonicotinoïdes.
Nous devons toujours tenir compte du fait que les nouvelles études peuvent nous amener dans un sens comme dans l’autre. Nous devons adopter une approche axée sur la pertinence à l’égard de l’ensemble des données et des renseignements que nous recevons, mais des quantités considérables de données et de renseignements sont parfois disponibles sur le sujet.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : On a répondu en partie à ma question, mais j’aimerais confirmer certains faits. J’ai l’impression, en vous écoutant, qu’on adopte une approche moins audacieuse ou dynamique que celle des Européens. Au fond, vous semblez dire que notre stratégie est d’attendre d’avoir les données et les résultats de recherche. Le mois prochain, l’Europe envisage de procéder à un vote sur une interdiction encore plus étendue des néonicotinoïdes. Pourquoi cette position du côté canadien? Pourquoi ne choisit-on pas de prendre des mesures plus dynamiques étant donné qu’il y a cette crise des abeilles?
[Traduction]
M. Aucoin : Dans le cadre de notre travail, nous nous appuyons principalement sur notre cadre législatif fédéral, qui prévoit essentiellement que nous devons suivre les données scientifiques et les preuves, à partir desquelles nous devons prendre nos décisions. Avant d’avoir évalué toutes les données scientifiques et les preuves, et avant d’avoir consulté la population, nous ne pouvons pas vraiment prendre de décision.
On a l’impression que, en Europe, par exemple, certains des États membres ont pris des mesures individuelles. Ils interviendront en se fondant sur leurs propres politiques et approches nationales. C’est ce que l’on appelle parfois une approche axée sur les dangers par opposition à une approche fondée sur les risques, mais ces États adopteront des approches de précaution qu’ils peuvent prendre dans les limites de leurs cadres législatifs.
Conformément à notre cadre fédéral, nous nous efforçons de prendre des décisions fondées sur des données scientifiques, et nous devons prouver que nous avons examiné toutes ces données et adopté une approche axée sur des données probantes, de manière à ce que lorsque nous prenons une décision finale, elle résistera à un examen minutieux, respectera les attentes de la population et ne fera pas l’objet d’une contestation; ce sera une décision sensée.
Le sénateur Pratte : Pour faire suite aux questions de la sénatrice Gagné, à mesure que vous allez de l’avant et que des décisions sont prises, ce qui donnera évidemment lieu à certaines restrictions — à des restrictions importantes, dans certains cas — sur l’utilisation de ces produits, quelles solutions de rechange seront offertes aux producteurs? Je suis pas mal certain que vous avez une idée des produits de rechange qui seront utilisés. Quels sont les risques potentiels de ces produits, ou de nouveaux produits seront-ils disponibles pour remplacer les néonicotinoïdes?
M. Aucoin : Merci de la question, sénateur. Dans le cadre des consultations et des efforts de mobilisation liés aux néonicotinoïdes, nous travaillons en étroite collaboration avec un forum d’intervenants dirigé par Agriculture et Agroalimentaire, qui est composé de représentants du secteur agricole dans les provinces et de chercheurs. Les intervenants se sont notamment penchés sur les pesticides de rechange aux néonicotinoïdes, dans l’éventualité où il faudrait les remplacer ou respecter d’autres restrictions.
Il y a une raison pour laquelle le secteur agricole canadien utilise les néonicotinoïdes à l’heure actuelle. Ils sont évidemment très efficaces. Le secteur agricole canadien voit des avantages associés à ce type de produit, mais il y a d’autres solutions de rechange à la majorité des utilisations de néonicotinoïdes.
Il y aura des questions pour déterminer si ces pesticides de rechange sont aussi efficaces que les néonicotinoïdes, s’ils coûtent autant ou plus que les néonicotinoïdes, s’ils ont des répercussions sur le rendement des cultures ou, comme je l’ai signalé plus tôt, s’ils peuvent avoir une incidence sur le commerce, dans l’éventualité où un pays où nous exportons des produits a des préoccupations concernant le pesticide de rechange.
Ce sont là tous des facteurs que nous examinons attentivement dans nos groupes de travail multilatéraux.
En fin de compte, à l’ARLA, notre loi met principalement l’accent sur la santé et l’environnement. Nous sommes au courant des produits de rechange disponibles, ce qui peut contribuer à influencer la façon dont nous gérons les risques et les restrictions que nous devons mettre en place sur les néonicotinoïdes, mais les restrictions seront primordiales.
Nous travaillons avec les groupes d’intervenants pour nous assurer que nous comprenons les répercussions et savons à quoi ressemblerait la période de transition, le cas échéant.
Les fabricants de pesticides ont parfois des pesticides de rechange en réserve, en cours d’élaboration. Ils sont donc bien conscients de la perte éventuelle des néonicotinoïdes.
L’Europe a déjà suspendu la majorité des utilisations de néonicotinoïdes et on s’inquiète au sujet des répercussions à long terme, mais il y a des produits de rechange. Le secteur agricole est très novateur également. Nous espérons que si ces restrictions doivent être mises en place, le secteur agricole s’adaptera.
Le sénateur Pratte : Ce n’est donc pas une situation où, si nous limitions ou interdisions l’utilisation des néonicotinoïdes, il pourrait y avoir d’autres produits qui seraient encore plus dangereux, et pas nécessairement pour les abeilles, mais pour l’eau, et cetera?
M. Aucoin : Nous avons réalisé des évaluations des risques sur tous ces pesticides et nous sommes tenus en vertu de notre loi de réévaluer périodiquement ces pesticides. Dans l’utilisation qu’on en fait à l’heure actuelle, ces pesticides de rechange ne présentent pas de risques inacceptables à tout le moins. Nous savons que si nous perdons un pesticide ou si l’utilisation d’un pesticide est restreinte, nous pourrions devoir utiliser un autre pesticide en plus grande quantité ou plus fréquemment. Mais nous réévaluons périodiquement ces pesticides et nous devrons prendre en considération les résultats de ces évaluations à l’avenir.
Dans le cadre de ce processus, la grande majorité des pesticides au Canada font l’objet d’analyses visant à vérifier le respect des normes modernes. La majorité des nouveaux pesticides qui sont adoptés au Canada ont des attributs plus positifs au chapitre des risques pour la santé humaine et l’environnement que leurs prédécesseurs. C’est une amélioration constante.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’aimerais revenir sur l’entente de libre-échange. Depuis le début de votre témoignage, vous parlez beaucoup de ce qui se passe en France. La France est l’une des 29 composantes de l’entente. Avez-vous des relations avec l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et les anciens pays de l’Est, comme la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie? Adoptez-vous les normes de l'Union européenne ou attendez-vous que chacun des pays de cette communauté adopte une législation semblable à celle du Canada? L'Union européenne, par l’entremise du Parlement européen, doit mettre en place des normes égales dans tous les pays. La sécurité alimentaire et la traçabilité demeurent des enjeux importants. En matière de sécurité alimentaire, il y a bien sûr la production. La France est une composante, mais je ne pense pas qu’on ait de leçons à tirer d’elle à cet égard en ce moment. Quelles sont vos relations avec les 28 autres pays de l'Union européenne?
[Traduction]
M. Aucoin : Le Canada et l’ARLA travaillent beaucoup sur la scène internationale. Nous avons des relations bien établies par l’entremise de l’ALENA avec le Canada, les États-Unis et le Mexique, où nous cherchons à harmoniser nos cadres de réglementation des pesticides et la façon dont nous menons nos recherches scientifiques. C’est une relation de longue date qui remonte à 20 ans ou plus.
En ce qui concerne les pays européens, le Canada est très actif à l’OCDE. Nous participons également au groupe de travail sur les pesticides de l’OCDE, que nous présidons et où tous les États membres y sont représentés. Nous pouvons donc tenir des discussions et collaborer pour essayer d’harmoniser et de comprendre les différentes politiques et procédures de chacun et la façon dont nous effectuons l’évaluation des produits chimiques. C’est aussi une relation solide de longue date.
En fait, le Canada, à l’instar de nombreux pays membres de l’OCDE, effectue régulièrement des examens scientifiques conjoints avec de nombreux partenaires pour évaluer les nouveaux produits chimiques agricoles qui arrivent sur les marchés de nombreux pays en même temps. Par l’entremise de nos efforts à l’OCDE, nous avons élaboré un programme où nous pouvons effectuer ces examens conjointement avec de nombreux autres pays. Nous travaillons étroitement avec l’Europe et comprenons son cadre de réglementation, ses normes et ses processus.
Au Canada, nous respectons notre propre cadre législatif. Nous élaborons nos propres politiques et processus nationaux pour appuyer le cadre. Tout cela pour dire que nous avons fait énormément de travail au cours des quelques dernières décennies pour comprendre et harmoniser ces processus scientifiques, s’il y a lieu de le faire.
L’Europe, comme vous le savez, est un regroupement d’États membres qui ont leurs propres pouvoirs d’intervenir dans leurs pays, comme la France ou l’Allemagne, mais qui participent aussi à la fédération européenne et qui doivent respecter un certain niveau de normes établies par la Commission européenne, le Parlement européen. Ils fixent des normes élevées sur ce qui est techniquement disponible en Europe, mais les États membres ont souvent les pouvoirs de mettre en place des restrictions supplémentaires relativement à l’utilisation de pesticides sur leur territoire.
La situation n’est pas tellement différente au Canada. En tant qu’organisme de réglementation fédéral, nous fixons la norme. Nous établissons ce qui est permis d’être utilisé au Canada, mais les provinces peuvent mettre en place, et elles le font, des restrictions additionnelles relativement à l’utilisation des pesticides.
À titre d’exemple, il n’y a pas si longtemps, la province de l’Ontario a mis en place un ensemble de règlements provinciaux qui visaient à restreindre davantage l’utilisation de néonicotinoïdes sur les semences traitées afin de réduire graduellement l’utilisation de semences traitées dans la province de l’Ontario sur une période donnée. C’est une décision que peuvent prendre les provinces.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bien sûr, le Canada n’est pas le dernier, parce que le Canada est l’un des pays les plus progressifs, malgré nos petits problèmes. Je ne parle pas des ententes avec les États-Unis ou le Mexique. Je m’en tiens à l’Europe. Dimanche dernier, je parlais avec un ancien ministre français de l’Agriculture. J’ai été scandalisé par ses propos selon lesquels la France utilise des produits chimiques dans ses engrais, ses cultures de maïs et même sur ses vignes, qui sont l’un de ses principaux produits.
En ce qui concerne l’Accord économique et commercial global (AECG), on a encore beaucoup de travail à faire avec l'Union européenne. J’ai constaté que les pays les plus avant-gardistes sont l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. Lorsque vous dites que le Parlement européen adopte une législation, savez-vous combien de temps cela prend avant que qu’elle arrive au sein des parlements des pays concernés? À mon avis, le Parlement européen est une grosse chambre de commerce. Il n’a pas de pouvoir punitif. Il n’a que des pouvoirs de bonne volonté. Je m’inquiète surtout des questions liées à la traçabilité. Pour preuve, la France a eu des problèmes en achetant du bœuf de la Hongrie, qui était en fait de la viande de cheval. C’est une faille dans le système. S’il y a eu une faille en matière de sécurité alimentaire, il doit aussi y avoir une faille en ce qui a trait aux pesticides.
C’est inquiétant pour les citoyens du Canada, car nous allons recevoir des produits de l'Union européenne. Bien sûr, il n’y a aucun problème avec les produits que nous exportons, mais il faut avoir la certitude que les produits de la communauté européenne ne posent aucun danger pour la population canadienne. Peu importe le produit alimentaire de provenance européenne, nous devons pouvoir, en tant que gouvernement et pays, assurer à notre population que nous maîtrisons la situation. Je vous laisse terminer là-dessus, monsieur Aucoin.
[Traduction]
M. Aucoin : Merci de l’observation, ou de la question, sénateur.
Je comprends votre argument sur l’importance que le Canada travaille très étroitement avec nos homologues internationaux pour veiller à ce que nous continuions de bien connaître la nature des risques ou des dangers qui peuvent exister dans d’autres pays.
Nous avons des réseaux qui sont établis depuis longtemps par l’entremise de l’OCDE et de relations bilatérales avec différents pays européens pour vraiment comprendre la nature des contextes de réglementation des pesticides dans ces régions. Nous maintiendrons certainement ces relations.
En ce qui concerne la circulation des produits alimentaires entre des régions comme le Canada et l’Europe — tous ces pays de l’OCDE qui ont une réglementation assez rigoureuse et moderne sur les pesticides et les produits alimentaires —, le niveau de supervision et de surveillance est très élevé pour les produits alimentaires, et plus particulièrement pour les résidus de pesticides dans les produits alimentaires.
Au Canada, comme vous le savez sans doute, l’Agence canadienne d’inspection des aliments a le mandat d’analyser les aliments pour déceler la présence de résidus. Chaque année, elle produit des rapports annuels et révèle un niveau de conformité très élevé aux normes pour les résidus de pesticides dans les aliments.
L’ARLA fixe la norme quant à la quantité acceptable de résidus de pesticides dans les produits alimentaires, et l’Agence canadienne d’inspection des aliments, dans le cadre de son mandat, effectue des inspections de routine sur les aliments qui arrivent au Canada en provenance d’autres pays. Le niveau de conformité à ces normes est très élevé, alors je pense que les Canadiens devraient avoir confiance que leur approvisionnement alimentaire est très sécuritaire pour ce qui est des résidus de pesticides.
La présidente : J’aimerais remercier nos témoins. Nous avons eu une excellente réunion et avons reçu une bonne rétroaction sur le rapport que le comité a rédigé et qui a été adopté par le Sénat.