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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 1er mars 2018

Le comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à huit heures, afin d’étudier l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.

Je suis la sénatrice Diane Griffin de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis présidente du comité. Je vais demander au vice-président du comité de se présenter.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : La sénatrice Ataullahjan, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Victor Oh, sénateur de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, sénateur de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba. Bienvenue.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, sénatrice du Manitoba.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Nous accueillons aujourd’hui le ministre, l’honorable Jim Carr. Nous recevons également sa sous-ministre adjointe du Service canadien des forêts, Beth MacNeil.

Monsieur le ministre, aimeriez-vous faire votre exposé maintenant?

L’hon. Jim Carr, C.P., député, ministre des Ressources naturelles : Oui. Merci beaucoup.

J’ai un aveu à vous faire. J’ai une profonde admiration pour le Sénat canadien, et je veux vous en donner la raison. L’un de mes héros et de mes mentors dans la vie était Duff Roblin, qui a été premier ministre du Manitoba et qui a été reconnu par des centaines de milliers de Manitobains comme le plus merveilleux Manitobain de tous les temps. Il a également occupé le poste de leader du gouvernement au Sénat. Par ailleurs, j’ai eu l’immense plaisir de diriger la rédaction de ses mémoires politiques.

Au cours de la relation intime que j’ai entretenue avec Duff Roblin, j’ai pu constater par moi-même la reconnaissance qu’il éprouvait à l’égard du travail que vous faites, une reconnaissance que je partage. Vous jouez un rôle crucial dans la gouvernance du Canada. Le travail que vous accomplissez est important et marquant, et je suis ravi de passer une heure avec vous ce matin.

[Français]

Merci, sénateurs et sénatrices. Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui et de participer à votre étude sur l’incidence que peuvent avoir les changements climatiques sur le secteur canadien des forêts. Votre travail est à la fois important et opportun.

[Traduction]

Votre travail est important, parce que l’industrie forestière emploie plus de 200 000 Canadiens et Canadiennes et contribue pour plus de 23,1 milliards de dollars par année à notre PIB. En fait, elle fournit plus d’emplois par dollar que tout autre secteur des ressources.

Votre travail est opportun, parce que nous sommes à un moment charnière, un moment où les changements climatiques sont l'un des plus grands défis de notre génération, et où l’investissement dans la science, les technologies propres et l’innovation constitue le nouvel impératif pour favoriser une économie sobre en carbone.

Le secteur canadien des forêts est au cœur de tout cela. J’irais même plus loin en disant qu’il ne peut y avoir de solution au problème mondial des changements climatiques sans l’intervention du secteur forestier.

Comme nous l’avons appris dans nos cours de science de l'école secondaire — et dans mon cas, ce serait à Winnipeg dans les années 1960 —, les forêts sont les poumons de la planète. Elles absorbent de très grandes quantités du carbone présent dans l’atmosphère et les stockent pendant des décennies. C’est ce qui rend l’industrie forestière unique parmi nos secteurs des ressources. Cela ouvre d’énormes possibilités, tant pour le bois et les produits du bois canadiens que pour les collectivités essentiellement rurales et autochtones qui les produisent.

La bioéconomie en est un exemple concret. Tout ce qu’on peut fabriquer à partir d’un baril de pétrole, on peut le fabriquer à partir d’un arbre, par exemple les biocarburants. Pensez à ce que cela pourrait signifier pour la transformation du secteur des transports, pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, pour l’amélioration de la qualité de l’air et pour la création d’emplois, surtout dans les collectivités rurales et autochtones.

C’est la raison pour laquelle le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques mise tant sur la bioénergie et les bioproduits. C’est aussi la raison pour laquelle, en septembre dernier, nous avons approuvé, avec nos partenaires des provinces et territoires, le Cadre de la bioéconomie forestière, une nouvelle stratégie globale qui vise à faire du Canada un chef de file de l’utilisation de la biomasse durable.

Nous avons rapidement procédé à la mise en œuvre de ce cadre, notamment grâce à un financement qui, pour la toute première fois, tirera profit du potentiel de la foresterie pour décarboner l’économie dans son ensemble. Le moment est idéal, étant donné que nos producteurs de pâtes et papiers et de bois d’œuvre résineux se heurtent actuellement à des droits injustes et à un protectionnisme commercial de plus en plus intense de la part de notre voisin du Sud.

Nous défendons vigoureusement les travailleurs canadiens en contestant ces droits devant l’Organisation mondiale du commerce et en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain. Nous avons également lancé le Plan d’action pour le bois d’œuvre résineux de 867 millions de dollars, mais ce sont nos investissements dans la transformation continue du secteur forestier qui sont les plus prometteurs.

Nous appuyons la recherche et le développement en science. Nous aidons à réaliser des premières mondiales ici au Canada, en prenant des mesures pour accroître la collaboration et l’inclusion: tout cela pour faire de l’industrie forestière l'un des secteurs les plus novateurs de notre économie. Le budget de 2018 en témoigne et fait écho à ce que nous avons entendu lors de notre conversation nationale sur la science forestière.

Nous miserons sur ces éléments au cours des six prochains mois, en organisant une série de rencontres afin de définir nos priorités en matière de science et de recherche, de cerner les lacunes du secteur forestier et de multiplier les possibilités de collaboration, y compris pour les femmes, les jeunes, les peuples autochtones et les intervenants non traditionnels.

Si vous me le permettez, j’aimerais prendre quelques minutes pour parler de l’important rôle que jouent les femmes dans les sciences et de la manière dont nous pouvons le renforcer. Ressources naturelles Canada est récemment parvenu à un équilibre des sexes dans son équipe de chercheurs en science forestière. Nous avons accompli cela en trouvant des manières novatrices de faire connaître nos chercheuses et de les appuyer grâce à l’initiative pour les femmes en recherche. Nous poursuivrons ces efforts parce que toutes ces initiatives contribuent à faire du Canada un chef de file mondial de la transition vers une économie sobre en carbone.

Aujourd’hui, j’aimerais mettre en évidence trois points clés de votre étude qui font partie de cette vision. Premièrement, il y a le développement d'une adaptabilité et d'une résilience aux changements climatiques. Nous savons tous que des incendies, des infestations et des maladies sévissent naturellement dans les forêts canadiennes, mais les changements climatiques intensifient désormais leurs effets, créant de nouveaux risques pour l’industrie forestière et les collectivités qui en dépendent. Cela signifie que nous devons revoir notre approche de l’aménagement forestier durable.

L’évaluation intégrée nationale des changements forestiers est un élément crucial de cette démarche. Dirigée par Ressources naturelles Canada, elle a permis de définir les secteurs vulnérables du pays où les effets des changements climatiques risquent d’être les plus graves.

Les chercheurs de Ressources naturelles Canada étudient aussi la génétique des arbres, la relation entre le climat et la croissance des arbres et la capacité de migration des arbres afin de déterminer la résilience des forêts canadiennes au réchauffement continu.

La Plateforme canadienne d’adaptation aux changements climatiques rassemble les gouvernements, les peuples autochtones, l’industrie, les organisations sans but lucratif et le milieu universitaire afin de définir d’autres priorités et d'encourager la collaboration. Elle doit notamment permettre d’évaluer l’état de préparation de l’industrie et d’établir les prochaines mesures à prendre.

Deuxièmement, il y a l’incidence qu’aura la tarification du carbone sur le secteur forestier. La tarification du carbone est une composante clé du Cadre pancanadien et est largement reconnue comme un moyen efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle permet en outre de faire en sorte que l’avantage climatique du secteur forestier soit reconnu et crée de nouvelles possibilités pour l’industrie, comme les biocarburants.

Le Canada est bien placé pour montrer la voie. Nous possédons 9 p. 100 des forêts du monde et plus de 40 p. 100 des forêts certifiées du monde. Et dans ces forêts se trouvent les plus grandes réserves de biomasse du monde. En fait, quand on y ajoute les matières premières agricoles, le Canada a une biomasse par habitant supérieure à celle de tout autre pays du monde.

La tarification du carbone appuie la bioéconomie en créant des conditions de marché favorables aux carburants à faible teneur en carbone et aux matériaux à base de biomasse forestière, et c’est ce qui a convaincu notre gouvernement de faire ces investissements importants pour soutenir cette innovation, développer les marchés et créer de nouveaux produits.

Le résultat net de la tarification du carbone est que, même si les fabricants de produits du bois sont forcés d'assumer une légère hausse de leurs coûts de production, d’environ 1 à 3 p. 100 d’ici 2022, d’autres installations très performantes arriveront en fait à générer de nouveaux revenus provenant des crédits de carbone excédentaires.

Quel est le rôle des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre? Comme je l’ai dit, les forêts du Canada représentent l'un des plus grands réservoirs de carbone du monde. Par l’entremise du Cadre pancanadien, le Canada s’est engagé à augmenter la quantité de carbone stocké dans les forêts, à produire des bioénergies et des bioproduits, à accroître l’utilisation du bois dans la construction et à promouvoir l’innovation en vue de faire progresser les pratiques d’aménagement forestier favorisant une gestion efficace des GES.

J’ai trois brefs exemples à vous donner. Premièrement, l’automne dernier, nous avons mis en place le Programme de croissance propre, qui consacre 155 millions de dollars à des projets de recherche, de développement et de démonstration des technologies propres dans les secteurs canadiens de l’énergie, des mines et des forêts. Les matériaux de pointe et les bioproduits sont l’un des cinq axes prioritaires du programme, parce que nous pouvons accélérer leur adoption.

Deuxièmement, il y a l’utilisation du bois comme matériau de construction. J’ai eu le plaisir d’aider à inaugurer une nouvelle résidence pour étudiants, Brock Commons, à l’Université de la Colombie-Britannique, laquelle possède dorénavant le plus grand bâtiment en bois massif du monde. Ce magnifique bâtiment change la donne dans le domaine de l’environnement — il stocke près de 1 600 tonnes métriques de dioxyde de carbone.

Troisièmement, j’ai également eu la chance de visiter un nouvel écoquartier durable à Tianjin, en Chine, une vitrine de 2,5 milliards de dollars et de près de deux kilomètres carrés pour le bois d’œuvre, l’ingéniosité et le savoir-faire canadiens.

[Français]

Ce ne sont là que quelques-uns des moyens par lesquels le secteur des forêts nous aidera à nous attaquer aux enjeux importants de notre époque, à être un chef de file en matière de performance environnementale, à promouvoir la croissance propre et l’innovation et à faire progresser le partenariat avec les Autochtones.

Je crois que je vais m’arrêter ici, monsieur le président. Je tiens à remercier votre comité de m’avoir donné cette occasion de m’adresser à vous. Je répondrai à vos questions avec plaisir.

[Traduction]

Chers sénateurs, je vous remercie infiniment de votre attention. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions et à dialoguer avec vous.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur le ministre, à notre comité. C’est un plaisir de vous recevoir.

Dans votre présentation, vous avez parlé beaucoup de biomasse et de biocarburants. Est-ce que la technique actuelle permet de commercialiser dans un temps relativement court ce processus et est-ce qu’il sera rentable sur le marché?

[Traduction]

M. Carr : Oui, et je l’espère. En fait, il y a deux étés, j’ai eu le plaisir d’en faire l’annonce au Québec, en collaboration avec le gouvernement du Québec et le secteur privé. Je crois que la technologie est prête et qu’elle se perfectionne.

La commercialisation est l’une de nos plus grandes priorités. Le rôle du gouvernement consiste à travailler avec le secteur privé et à l’inciter à prendre des initiatives. Nous avons la conviction que le potentiel existe déjà et qu’il s’accroît.

Des intervenants du secteur privé investissent dans la recherche et le développement. Le secteur est tout à fait conscient qu’il doit être à la fine pointe de l’innovation et que la biomasse est probablement sa principale possibilité de diversification.

Nous sommes très optimistes, et le gouvernement du Canada est mobilisé.

[Français]

Le sénateur Maltais : Toujours dans ce domaine, on sait que l’an dernier la Colombie-Britannique a été frappée par un incendie tout à fait catastrophique et rarement vu. Est-ce que la récupération des essences qui sont demeurées debout -- parce que le bois n’a pas tout brûlé bien sûr -- pourrait faire partie d’un programme spécial de transformation en biomasse?

[Traduction]

M. Carr : Oui, le bois peut être brûlé et réutilisé, et il l’est. Comme vous le savez, sénateur, l’incidence des feux de forêt s’accroît malheureusement en raison du changement climatique. La technologie nécessaire pour utiliser le bois brûlé se développe grâce à ce potentiel.

La réponse à votre question est oui. Ce bois peut être utilisé. Il l’est à l’heure actuelle, et la technologie progresse à cet égard.

[Français]

Le sénateur Maltais : D’accord. J’ai vu dans le budget que nous avions prévu 80 millions de dollars pour lutter contre la tordeuse des pousses d’épinette au Nouveau-Brunswick. Au Québec, il y a un territoire forestier aussi grand que le territoire entier du Nouveau-Brunswick qui a été attaqué par la tordeuse de l’épinette et, pourtant, je n’ai pas vu un sou dans le cadre d'une entente avec le gouvernement du Québec pour aider à combattre ce fléau. Que pouvez-vous me dire à ce sujet?

[Traduction]

M. Carr : Le gouvernement reconnaît que le secteur forestier joue un rôle crucial dans le nombre d’emplois offerts dans les collectivités de l’ensemble du pays.

Vous avez raison, dans le cadre du budget de 2018, le gouvernement propose d’investir jusqu’à 74,75 millions de dollars sur cinq ans pour aider les provinces de l’Atlantique et les secteurs forestiers à prévenir la propagation de la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

Qui plus est, le gouvernement propose de protéger les écosystèmes, les paysages et la biodiversité du Canada, y compris les espèces en péril, grâce à un investissement sans précédent de plus de 1,3 milliard de dollars sur cinq ans. Cela représente le plus important investissement dans la conservation de la nature de l’histoire du Canada.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur le ministre, je reviens au Québec. Est-ce qu’il y a des ententes particulières qui peuvent être prévues dans le prochain budget pour combattre la tordeuse, qui s'est attaquée à la totalité de ma région, la Côte-Nord? Je suis de Baie-Comeau, de la Côte-Nord. Les forêts sont drôlement menacées, et elles sont de taille extraordinaire. Au cours de la prochaine année — si on attend deux ou trois ans, peut-être que tout sera rasé —, peut-on s’attendre finalement à ce qu’il y ait des ententes fédérales-provinciales, comme il y en a eu dans le passé? Ce ne serait pas la première fois, soyez-en certain, qu’il y ait des ententes fédérales-provinciales pour aider immédiatement à combattre ce fléau.

[Traduction]

M. Carr : Le Québec bénéficiera de la stratégie d’intervention précoce. Nous n’avons pas encore conclu d’ententes précises, mais j’entretiens une très bonne relation avec le ministre Blanchette, qui est membre du groupe de travail canadien sur le bois d’œuvre. Nous aurons certainement des conversations pour veiller à ce que le gouvernement et l’industrie du Québec puissent prendre part à cette stratégie précoce.

Dans notre Centre de foresterie des Laurentides, il y a des chercheurs qui travaillent en ce moment à résoudre le problème de la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre. Je vous suis reconnaissant du temps que vous nous accordez.

Au cours de l’exposé que vous nous avez donné plus tôt, vous avez déclaré que le gouvernement défendait vigoureusement les travailleurs canadiens en contestant les droits de douane devant l’OMC et en vertu de l’ALENA.

Pouvez-vous brièvement faire le point quant au statut de notre contestation devant l’OMC?

M. Carr : Nous avons déposé une demande d’intervention, comme nous l’avons fait auparavant. Lorsqu'on lit l’histoire du conflit du bois d’œuvre qui oppose le Canada et les États-Unis, on lit en réalité l’histoire du continent, en remontant jusqu’au premier contact avec les Autochtones.

La plupart des gens pensent que le conflit a véritablement commencé dans les années 1840 et 1850, lorsqu’une guerre commerciale a éclaté entre le Nouveau-Brunswick et l’État du Maine. Ils ont failli en venir aux mains, mais le conflit a finalement été résolu.

Cette dernière série de conflits a débuté en 1983. Ces conflits commencent invariablement par une allégation de la part des États-Unis selon laquelle le Canada subventionne injustement l’industrie forestière. Ils se terminent toujours lorsque les tribunaux internationaux disent aux Américains qu’ils ont tort. Nous sommes de nouveau au milieu de ce processus.

Ces interventions en vertu de l’OMC et du chapitre 19 de l’ALENA prendront un certain temps, mais nous sommes convaincus qu’elles se termineront de la même façon qu’elles le font toujours, c’est-à-dire qu’on fera la preuve que les droits compensateurs et les droits antidumping imposés par les États-Unis sont dénués de tout fondement, et nous récupérerons les droits perçus.

C’est malheureux, mais je peux vous dire que la ministre Freeland entretient une excellente relation avec le secrétaire d’État Ross et que, si cette question leur avait été confiée, il est presque certain qu’elle aurait pu être résolue. Cependant, le fait est que la coalition du bois d’œuvre des États-Unis a un droit de veto sur tout accord commercial binational entre le Canada et les États-Unis. Voilà la situation que nous devons affronter en ce moment.

Nous saisissons toutes les occasions d’utiliser tous les outils à notre disposition pour défendre les intérêts du secteur et, en particulier, de ses employés qui méritent de profiter des pleins pouvoirs et de la confiance du gouvernement canadien.

Pour répondre à votre question, je dirais que nous avons fait ce que nous pouvions. Les tribunaux internationaux avancent à leur propre rythme. En attendant, nous continuons d’espérer que le Canada et les États-Unis pourront négocier un règlement. La ministre Freeland continue de faire preuve de la diligence raisonnable nécessaire pour s'assurer que nous signions un accord profitable pour le Canada, et non n’importe quel accord.

Le sénateur Mercer : Je vous souhaite bonne chance, mais je vous mets en garde. J’ai été témoin de la dernière série de négociations, et la frustration qu’elles m’ont causée ne s’est pas effacée. Je pense que nous en observons aujourd’hui les conséquences.

La dernière fois, nous avons laissé de l’argent sur la table des négociations, une importante somme d’argent, en fait, et je présume qu’ils s’en servent aujourd’hui pour payer les avocats dont ils ont besoin aux États-Unis pour combattre cette nouvelle contestation. Nous avons laissé notre argent là-bas, et il a été utilisé pour engendrer le problème auquel nous faisons face maintenant.

Je sais que vous ne pouvez probablement pas répondre à cette question en ce moment, mais je déconseille au gouvernement de laisser un cent sur la table cette fois-ci.

M. Carr : Je crois que nous avons laissé un milliard de dollars sur la table, soit 20 p. 100 d’un règlement de 5 milliards de dollars.

Permettez-moi de vous assurer qu’il est très important de noter l’existence d’un groupe de travail composé de tous les ministres provinciaux et territoriaux concernés, avec lequel le gouvernement du Canada reste en étroite communication afin de s'assurer que nous continuons de faire front commun.

Comme vous le savez, ce n’est pas aussi facile que ça en a l’air parce que des différences régionales existent dans ce secteur. En dépit de ces différences, les Canadiens continuent de faire front commun à cet égard — ce qui est tout à l’honneur des gouvernements provinciaux —, et nous voulons que les choses demeurent ainsi.

Le sénateur Mercer : L’autre mesure que le gouvernement actuel a prise, c’est parler de l’imposition d’une tarification du carbone d’une forme ou d’une autre, selon la province.

Est-ce qu’une politique de tarification du carbone peut fonctionner sans la participation de l’Ontario? Je soulève la question de l’Ontario uniquement parce que ceux d’entre nous qui ne vivent pas dans cette province suivent avec intérêt le téléroman que constitue la course à la chefferie du Parti progressiste conservateur de l’Ontario, dans le cadre de laquelle tous les candidats ont déclaré que l’accord conclu par le présent gouvernement de l’Ontario relativement à la tarification du carbone sera annulé après les élections, si les conservateurs sont élus.

Ce programme peut-il fonctionner sans la participation de l’Ontario?

M. Carr : Vous savez qu’il est hasardeux pour des politiciens d’émettre des hypothèses, en particulier à propos du parti qui pourrait remporter les élections.

Je suis heureux de connaître vos points de vue.

Le sénateur Mercer : Je suis certain qu'ils vous étonnent.

M. Carr : Je peux vous dire que l’Ontario participe au régime de tarification du carbone.

Différentes provinces ont choisi différentes modalités. Le sénateur sait qu’en Colombie-Britannique, le gouvernement provincial impose une taxe sur le carbone qui n’a pas d’incidence sur ses recettes. La taxe perçue à la pompe est remise aux contribuables de la province.

L’Ontario a choisi un système de plafonnement et d’échange. Il y a des formes hybrides de ces systèmes partout au pays, mais je pense que plus de 90 p. 100 des Canadiens sont maintenant assujettis à une taxe sur la pollution générée par le carbone, quelle qu’elle soit. La seule province récalcitrante est la Saskatchewan. Ma propre province, le Manitoba, a signé récemment le Cadre pancanadien.

Je ne peux émettre des hypothèses quant aux changements de politique qui pourraient survenir après des élections dans n’importe quelle province, mais je peux vous dire que le gouvernement fédéral tient au Cadre pancanadien et à ce qu’il suppose pour les Canadiens. Je pense que la plupart des Canadiens comprennent que la tarification du carbone est une bonne politique publique.

Le sénateur Mercer : Le sénateur Maltais a soulevé la question de l’utilisation du bois partiellement brûlé par les feux de forêt de la Colombie-Britannique. Je rappelle à tous que les arbres détruits par le dendroctone du pin peuvent être utilisés aussi, en particulier en Colombie-Britannique. Des efforts créatifs ont été déployés à des endroits comme Quesnel, afin de trouver des façons uniques d’utiliser ce bois.

Je vous encourage, vous et votre ministère, à continuer de stimuler la recherche dans ce domaine, afin de vous assurer que nous tirons le maximum de nos ressources. Si les arbres sont appelés à mourir de toute façon, voyons si nous pouvons trouver une façon pratique d’utiliser leur bois, qui crée des emplois pour les Britanno-Colombiens et qui rapporte de l’argent au Canada.

La présidente : Je considère cela comme une déclaration plutôt qu’une question. Il y a huit autres membres du comité qui souhaitent poser des questions, et il leur reste seulement 30 minutes pour le faire. Si le ministre ne voit pas d’inconvénient à rester parmi nous deux minutes de plus, cela nous laisse quatre minutes chacun.

Le sénateur Oh : J’ai quelques petites questions à vous poser. Ressources naturelles Canada s’affaire à réduire les émissions de gaz à effet de serre en favorisant les technologies d’efficacité énergétique dans les secteurs de l’habitation, de la construction, de la production et des transports, comme les véhicules écoénergétiques.

J’ai visité pas mal de sites de construction et d’entreposage utilisant le bois comme seul matériau à l’échelle du pays. Selon Ressources naturelles Canada, les matériaux de construction à base de bois aident à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Savez-vous dans quelle mesure on utilise le bois comme matériau de construction au Canada? Prévoyez-vous une utilisation accrue du bois dans le secteur de la construction? Existe-t-il des subventions gouvernementales pour l’encourager? Quels sont les facteurs compliquant le plus l’expansion des technologies du bâtiment écologiques?

M. Carr : La réponse est oui. Que faisons-nous? Il y a une stratégie en quatre points pour le secteur de la foresterie, qui vise à maintenir et à accroître la capacité des forêts d’emmagasiner du carbone. Il s’agit d’assurer la reforestation en augmentant la densité des forêts; en réduisant les risques de feux de végétation — en suivant le programme de FireSmart —; en intervenant rapidement en cas de pestes; et en permettant l’utilisation accrue des produits forestiers dans l’industrie de la construction, et du bois dans la construction des bâtiments et des ponts.

Il y a également l’initiative de la Colombie-Britannique sur le carbone forestier. J’ai déjà mentionné la résidence Brock Commons, à l’Université de la Colombie-Britannique. Et je pourrais vous donner beaucoup d’autres exemples. Et en passant, c’est intéressant pour le Canada à l’échelle nationale, mais aussi internationale, puisque nous avons la capacité d’exporter des produits forestiers vers des marchés aussi lucratifs que celui de la Chine, comme nous le faisons actuellement à Tianjin.

J’ai eu le plaisir de diriger en juin dernier une délégation commerciale, à laquelle prenaient part des PDG et d’autres représentants du secteur forestier, afin de promouvoir la capacité du Canada de développer ce marché. Imaginez tout le potentiel qu’offre la Chine pour les produits forestiers canadiens.

Nous voyons déjà des résultats, et nous allons continuer à travailler en ce sens. Pour répondre à votre question, il y a effectivement des incitatifs offerts et des investissements faits pour promouvoir l’utilisation du bois dans le secteur de la construction. Nous continuons de travailler avec le secteur privé afin de tirer le maximum de ce marché pour le Canada.

Le sénateur Woo : Je poursuis dans la même veine que le sénateur Oh, mais j’aimerais en savoir plus sur les mécanismes d’établissement des coûts qui pourraient encourager l’industrie à exploiter davantage la capacité des forêts à emmagasiner le carbone, ou à accroître l’utilisation du bois dans les constructions et d’autres projets. Et je ne parle pas ici de subventions gouvernementales, mais de l’établissement des coûts en soi.

Dans votre exposé, vous avez dit que les installations les plus performantes pourraient vendre leurs crédits en surplus. Je présume que ce serait possible uniquement, là où on offre un système de plafonnement et d’échange, comme en Ontario. J’ai vu que la vente aux enchères d’hier avait été fructueuse.

Pouvez-vous nous expliquer un peu mieux comment un système de tarification du carbone, ou de plafonnement et d’échange, peut mettre à contribution les forces du marché et véritablement encourager le maintien et peut-être l’expansion des forêts, ainsi que l’utilisation accrue des produits forestiers? Tout cela contribuerait à l’atteinte de nos objectifs en matière de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre.

M. Carr : Puisque vous parlez des forces du marché, cela suppose que le gouvernement n’aurait qu’un rôle modeste à jouer dans un tel scénario.

Le sénateur Woo : Grâce au cadre de tarification du carbone que vous mettez en place.

M. Carr : Nous sommes ouverts à toutes les idées créatives qui permettraient au gouvernement d’utiliser les politiques publiques, de façon positive et constructive, afin d’influer sur les forces du marché. Je crois qu’il existe des exemples à cet égard.

La certification forestière aide, et si vous ou d’autres, avez des suggestions à nous faire, nous sommes preneurs.

Vous avez, tout à fait, raison de dire que les mécanismes commerciaux peuvent avoir une grande incidence sur les comportements qui permettraient de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle de l’économie canadienne. Et je répète que nous accepterions volontiers toute suggestion à cet égard.

Il faut par ailleurs garder à l’esprit que ce sont les provinces qui gèrent nos forêts. Une très petite proportion est de compétence fédérale. Je crois que c’est moins de 10 p. 100. N’est-ce pas?

Beth MacNeil, sous-ministre adjointe, Service canadien des forêts, Ressources naturelles Canada : Oui.

M. Carr : Gardons cela en tête. Nous collaborons également avec les ministres canadiens responsables des forêts. Nous nous réunissons chaque année, la dernière fois à Ottawa, dans le but d’harmoniser du mieux possible les politiques fédérales et provinciales en matière de gestion forestière.

Les provinces détiennent la majorité des leviers, mais je comprends votre point de vue, et je serais, tout à fait, disposé à entendre vos suggestions à ce sujet.

Le sénateur Woo : C’est tout le temps que j’avais.

Le président : Vous pourrez intervenir au deuxième tour si vous avez besoin de plus de temps. Nous allons maintenant laisser les deux Manitobains discuter.

La sénatrice Bovey : Je nous transporte au Manitoba. Vous avez parlé des recherches en cours et du nombre de femmes dans le secteur de la recherche. Vous avez aussi parlé de la participation des peuples autochtones. Au Manitoba, nous savons bien que la communauté autochtone occupe une portion sans cesse grandissante de notre société. Et vous avez fait référence aux cycles naturels de la maladie.

Je vais remonter le temps un instant. Auparavant, il y avait un important marché pour le sirop de bouleau à l’extérieur du Manitoba. Il y a des années, les bouleaux du nord du Manitoba ont été frappés par la rouille, alors on ne trouvait plus de sirop nulle part. J’ai cru comprendre que le sirop de bouleau était revenu sur le marché, ou à tout le moins que les bouleaux étaient de retour.

Ma question porte sur la science derrière les changements climatiques. J’ai beaucoup travaillé sur le sujet avec des chercheurs de l’Université du Manitoba. Dans le secteur agricole, je sais que de nouveaux produits ont fait leur apparition, par exemple des grains plus résistants.

Selon les projections, est-ce que le secteur forestier prendra de l’expansion dans le nord de la province, ouvrant ainsi des possibilités d’emploi pour les citoyens du Manitoba? Est-ce que les changements climatiques feront en sorte que les forêts occuperont une plus grande place dans l’économie du Manitoba et du Canada?

M. Carr : J’aimerais être assez brillant pour répondre à la deuxième partie de votre question. À quel rythme les choses devraient-elles changer pour justifier une modification des pratiques forestières dans une province donnée? Je ne sais pas ce que les chercheurs en diraient, et je ne suis pas en mesure de répondre à votre question.

Il est évident que les changements seront considérables au fil du temps. Je ne sais pas exactement quand cela arrivera, mais on peut présumer que la zone arborée se déplacera vers le nord avec le temps. À quel rythme et dans quelle mesure, je ne le sais pas.

Vous avez absolument raison à propos de l’importance des peuples autochtones, et de la grande contribution de l’effectif autochtone au secteur forestier. En tant que Manitobain, j’étais très fier de certains des programmes annoncés dans le budget, notamment ceux portant sur l’emploi et la formation, ainsi que la somme de 500 millions de dollars versée sur quelques années aux fins de l’initiative de logement métis. Ce sont des investissements importants.

Il est primordial de nous associer aux collectivités autochtones pour surveiller nos ressources naturelles. C’est ce que nous faisons actuellement dans l’ensemble du pays. Nous sommes très fiers des comités de surveillance environnementale que nous avons mis sur pied de concert avec les collectivités autochtones, tant pour le projet d’agrandissement du réseau pipelinier de Trans Mountain que pour le remplacement de la canalisation 3 d’Enbridge. J’insiste sur le fait que ces comités ont été créés conjointement, une première dans certains cas. Nous savons aussi que d’autres collectivités autochtones veulent participer activement à la protection des forêts.

Nous maintenons ce dialogue crucial avec l’industrie et les collectivités autochtones. Et ce partenariat offre certainement un grand potentiel quant au développement économique.

Pour ce qui est de la vitesse avec laquelle les changements climatiques pourraient faire reculer les forêts vers le nord, je ne saurais vous dire. L’adaptation des pratiques forestières est moins avancée que celle des pratiques agricoles. Nous ne sommes pas certains du taux de migration, mais nos chercheurs tentent constamment de le déterminer.

La sénatrice Bovey : J’imagine qu’avec le dégel du pergélisol, le Manitoba pourrait voir très rapidement d’importants bouleversements.

M. Carr : Nous voyons d’autres bouleversements au Manitoba. La ville de Churchill illustre bien ce qui se produit là-bas. La fonte des glaces polaires signifie que la saison s’allonge, mais aussi que l’assiette des rails dégèle. Ce que la donne la nature, la nature le reprend. Il est de notre responsabilité de nous adapter le plus intelligemment possible.

Les données et l’expérience indiquent, de plus en plus, que le Nord est le plus touché par ces changements. En fait, l’Institut international du développement durable, qui a son siège à Winnipeg, a vu des signes précurseurs très tôt. L’institut a produit des documentaires sur l’Arctique, qui démontraient grâce au savoir autochtone, il est important de le noter, que les effets étaient profonds et beaucoup plus fulgurants que toutes les prédictions.

[Français]

La sénatrice Gagné : C’est l’inconvénient de passer après ma collègue du Manitoba. Ma question portait sur les communautés autochtones. Je suis heureuse d’apprendre que vous avez élaboré des initiatives pour les inclure dans les plans de développement.

Je tiens à féliciter votre gouvernement pour les initiatives visant à multiplier les possibilités pour les femmes, les jeunes et les Autochtones. Comme vous l’avez mentionné dans votre mémoire, je pense que cette intention est très bien accueillie par tous les Canadiens et les Canadiennes.

Étant donné les défis que nous avons avec les États-Unis dans le secteur du bois d’œuvre et les initiatives que nous avons lancées avec la Chine pour tenter d’explorer ce marché, explorez-vous d’autres marchés internationaux en ce moment pour élargir le marché d’exportation du bois d’œuvre?

[Traduction]

M. Carr : L’expansion de nos marchés d’exportation — pas seulement pour le secteur forestier, mais aussi pour l’ensemble de l’économie canadienne — est un objectif très important et une grande priorité du gouvernement canadien. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Quel pourcentage de nos exportations de pétrole et de gaz va aux États-Unis, vous pensez? C’est 99 p. 100. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons approuvé l’expansion du pipeline de Trans Mountain. Nous pensons qu’il est essentiel pour le Canada de diversifier ses marchés d’exportation pour le pétrole et le gaz.

Quel pourcentage des exportations du bois d’œuvre du Québec va aux États-Unis? Encore une fois, c’est 99 p. 100. La Colombie-Britannique a pu diversifier ses exportations vers l’Asie, pour des raisons évidentes, géographiquement parlant. Mais ce n’est pas suffisant. Je crois que 65 p. 100 des exportations de la Colombie-Britannique vont encore aux États-Unis; ce n’est quand même pas 99 p. 100. Cette diversification a été possible grâce à la promotion vigoureuse de ses produits, et bien sûr, grâce à ses atouts géographiques.

Nous prenons des mesures très offensives afin d’accroître nos exportations de produits forestiers. J’ai visité des installations de transformation du bois canadien en Asie, au Japon et en Inde. Nous sommes de plus en plus offensifs, parce que cela correspond à un objectif du gouvernement en matière de politique publique à long terme. L’Europe offre aussi des possibilités.

Nous avons des concurrents. Nous ne jouons pas seuls. Dans nos discussions sur la biomasse ce matin, nous avons parlé de notre capacité d’innover et de faciliter, le plus possible, l’accès à ces marchés pour les entreprises canadiennes. Les gouvernements peuvent aider en menant des missions commerciales à l’étranger et en s’accompagnant de leaders de l’industrie. C’est assez remarquable ce qu’on arrive à faire ensemble.

Les politiciens facilitent les présentations. Les chefs d’entreprise forgent des liens. Ils sont patients, et il faut l’être. On ne va pas là le lundi pour signer un contrat le mardi. Il faut y retourner, encore et encore. Nous le faisons, et eux aussi.

Nous avons fait des progrès. C’est une responsabilité générationnelle et une ambition pour le gouvernement, mais je vous assure, sénateurs, que nous sommes conscients de l’importance que revêt l’expansion de ces marchés. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour travailler avec le secteur privé afin que cela se concrétise rapidement.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur le ministre, de vos belles paroles au sujet du Sénat. La majorité des questions ont déjà été posées, mais j’aimerais revenir sur ce que vous avez dit durant votre exposé. Vous avez mentionné que le gouvernement a rapidement procédé à la mise en œuvre du Cadre de la bioéconomie forestière, notamment grâce à du financement.

Pouvez-vous nous dire où cet argent est investi et nous expliquer le type d’analyses ou d’études qui sont réalisées?

M. Carr : C’est dans l’ensemble du secteur et des régions. J’ai fait allusion à l’une des annonces que j’ai eu le plaisir de faire au Québec à l’été 2016.

Par ailleurs, cela fait vraiment partie intégrante du Plan d’action sur le bois d’œuvre que nous avons annoncé dans la foulée des droits compensatoires et des droits antidumping américains. La transformation du marché fait partie de ces investissements de 867 millions de dollars. C’est un mélange de garanties de prêt qui seraient accessibles par l’entremise d’Exportation et développement Canada, de la Banque de développement du Canada, de l’initiative liée aux Autochtones et de Ressources naturelles Canada dans le cadre de l’expansion des marchés et de la transformation du marché.

Des investissements sont disponibles. Nous avons adopté une approche très agressive à l’égard de l’industrie pour annoncer la politique, mais nous écrivons aussi en fait des lettres aux entreprises pour les mettre au courant des programmes offerts, y compris les programmes auxquels vous faites référence.

C’est intéressant. Nous avons fait une annonce distincte pour Ressources naturelles Canada, en plus des annonces faites par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada; c’était un investissement de 225 millions de dollars pour aider les collectivités éloignées et autochtones à délaisser le diesel. Nous avons fait cette annonce à Winnipeg il y a deux ou trois semaines.

C’est très important, et cela fait partie d’un engagement pangouvernemental à collaborer avec les habitants du Nord, les collectivités éloignées et les populations autochtones pour les aider à délaisser le diesel. Ce sera majoritairement remplacé par des sources d’énergie renouvelables, l’énergie éolienne et l’énergie solaire. C’est un grand engagement de la part du gouvernement du Canada, et nous nous en réjouissons énormément.

La présidente : C’est merveilleux.

La sénatrice Petitclerc : J’aimerais aussi parler de la recherche. Dans le cadre de notre étude, nous avons entendu bon nombre de scientifiques et d’universitaires qui nous ont parlé des divers défis en ce qui a trait notamment au financement.

L’un des défis était lié à la nature et à la structure du financement. Cela provient en partie du secteur public et en partie du secteur privé. Or, certaines de ces études n’ont pas lieu, parce que cela n’intéresse peut-être pas le secteur privé ou le secteur public.

En fait, nous avons entendu Anja Geitmann, doyenne de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement à l’Université McGill. Je lui ai posé une question toute simple: arrive-t-il que des études et des recherches ne soient tout simplement pas réalisées en raison de la nature et de la structure du financement en ce qui a trait aux changements climatiques et à l’environnement? Sa réponse était très simple et très claire: « Oui. Certaines choses que nous devrions faire ne le sont pas. »

Êtes-vous au courant de ce défi et quelles mesures prenez-vous à cet égard?

M. Carr : Un bon nombre de ministres étaient très enthousiastes lorsque le ministre des Finances, M. Morneau, a pris la parole cette semaine à la Chambre pour présenter son budget. Je ne crois pas qu’un ministre était plus enthousiaste que la ministre des Sciences en raison des investissements sans précédent dans la recherche.

Dans notre programme électoral de 2015, nous avons vraiment insisté sur l’importance de prendre des décisions fondées sur des données probantes dans l’ensemble du gouvernement et d’investir dans la recherche scientifique.

Nous avons maintenant l’occasion de concrétiser nos promesses électorales. Nous commençons à peine à avoir des données, mais je peux vous dire que nous nous sommes engagés à investir 150 millions de dollars dans les programmes fédéraux de science et d’innovation seulement dans le secteur des forêts à Ressources naturelles Canada. L’engagement pangouvernemental se chiffre à des milliards de dollars. Ressources naturelles Canada mobilise les universitaires et l’industrie grâce à nos laboratoires. Nous nous sommes engagés à investir massivement pour renforcer la capacité de nos laboratoires au pays.

Je peux vous dire, sans hésiter ou craindre d’être contredit, que les engagements actuels du gouvernement fédéral en ce qui concerne les investissements et les sciences sont les plus élevés de l’histoire du pays.

La sénatrice Petitclerc : Le problème concernait l’indépendance de cette recherche. Tout le monde a très clairement dit que personne n’influe sur les résultats des recherches, mais le sujet des études dépend de la provenance du financement.

Je présume que ce que vous dites c’est que l’augmentation du financement permettra aux gens d’étudier ce qui est important à leurs yeux.

M. Carr : Oui. Il n’est pas seulement question de l’indépendance des recherches financées. Cela vise aussi à permettre aux scientifiques de discuter librement des résultats de leurs recherches.

Cela n’a pas toujours été le cas. Je crois donc que votre question est à propos et importante, parce que cela nous donne l’occasion de le mentionner.

Les données scientifiques sont toutes évaluées par les pairs. Nous aurons des discussions très ouvertes sur la place publique concernant ce que nous indiquent les données scientifiques, et les scientifiques pourront en débattre entre eux et avec la population canadienne. Nos données scientifiques évaluées par les pairs sont reconnues à l’échelle internationale, et nous en sommes fiers.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre, de votre présentation.

Ma première question touche la technologie liée à la biomasse. Est-ce que le développement de la technologie liée à la biomasse peut s’appliquer de façon aussi efficace dans toutes les provinces canadiennes ou est-ce que certains efforts doivent plutôt être concentrés à des endroits particuliers?

[Traduction]

M. Carr : Les ressources forestières ne sont pas les mêmes d’une province à l’autre. En fait, la grande diversité de nos forêts est la raison pour laquelle il est aussi difficile de maintenir une voix unique ou un seul point de vue au Canada dans le cas des différends commerciaux, en particulier les différends commerciaux avec les États-Unis.

Nous avons été en mesure de gérer la situation en partie parce que les prix sont élevés à l’heure actuelle. De nombreuses sociétés dans le secteur forestier se portent actuellement très bien. Cette situation a tendance à influer légèrement sur le ton actuel des principaux joueurs de l’industrie. Bref, nous avons l’avantage d’avoir des prix élevés.

Nous retrouvons de la technologie liée à la biomasse dans toutes les provinces, soit d’un océan à l’autre et dans le Nord. Nous avons une telle capacité. Le produit n’est pas le même d’une province à l’autre, mais chacun comprend également les possibilités qu’offrent ces technologies. Des technologies sont développées dans chaque province. Je crois que nous réalisons actuellement des progrès constants au pays.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Vous avez mentionné dans votre présentation que l’usage du bois avait un avenir extraordinaire. Je vous dirais que je l’ai constaté sur place à Montréal, parce que j’ai vu un immeuble en copropriété de huit étages dans Griffintown entièrement construit en bois. D’ailleurs, c’est le premier de ce type à Montréal. En outre, on nous a dit que c’était très sécuritaire.

Pouvez-vous nous parler des autres avantages du bois et de l’avancement quant à sa sécurité? Je pense que les constructeurs s'intéressent aux édifices en hauteur. Il semblerait que c’est plus sécuritaire en cas de feu, contrairement aux constructions en béton. J’aimerais vous entendre à ce sujet, parce que vous l’avez mentionné.

[Traduction]

M. Carr : Ce sont des puits de carbone. C’est la beauté des produits de bois. Ce sont en fait les soldats au front qui luttent contre les changements climatiques. C’est donc un avantage considérable. Ces produits sont également très solides.

Nous collaborons avec le Conseil national de recherches pour mener des recherches en vue de déterminer à quel point ces produits sont sécuritaires. Les résultats semblent très prometteurs.

Les relations avec les municipalités, les codes du bâtiment et la collaboration avec les pompiers seront importantes en vue de nous assurer de la sécurité et de la solidité des matériaux utilisés. Tout indique que cette technologie et ces produits deviendront de plus en plus importants. C’est déjà le cas au Canada, mais ce l’est aussi en ce qui concerne l’expansion des marchés d’exportation. Nous sommes d’avis que c’est très prometteur.

Nous collaborons avec des architectes, des ingénieurs et des constructeurs pour garantir aux Canadiens que le processus et le produit sont sécuritaires. Nous espérons que cela représentera une partie très importante de l’avenir de l’industrie.

La présidente : J’ai une question. Si nous avons le temps de faire une deuxième série de questions, nous le ferons.

Voici l’élément central de ma question. Pourquoi sommes-nous obsédés par le prix au lieu de regarder du côté de la réduction des émissions?

Par exemple, dans le cadre de sa stratégie de lutte contre les changements climatiques, le Manitoba a augmenté considérablement la quantité de biocarburant et de biodiesel qui sera utilisée, ce qui réduira les émissions au-delà des objectifs nationaux. La province a l’intention d’établir à 25 $ la tonne la taxe sur le carbone au lieu de la fixer à 50 $ la tonne comme le prévoit la proposition nationale.

Ne devrions-nous pas plutôt mettre l’accent sur la réduction des émissions que cette obsession sur le prix?

M. Carr : Je ne sais pas si je parlerais de « obsession ». Je crois que je souhaite avoir les deux et je souligne aussi qu’il y a un lieu entre les deux. Je crois que c’est important de le souligner.

Chaque province a la capacité d’établir ses propres initiatives en matière de politiques. Comme nous en avons parlé plus tôt, ce n’est pas la même chose. Nous avons recours à une variété de mécanismes.

L’annonce initiale de la politique du Manitoba est conforme à celle du gouvernement du Canada. Le montant de 25 $ pour les deux premières années n’est pas un problème. Nous verrons ce que la province a l’intention de faire la troisième année. Je suis persuadé que la conversation gagnera en intensité par rapport à ce qu’il en est actuellement. Nous sommes heureux de l’annonce du Manitoba. Nous croyons que les provinces doivent pouvoir élaborer leurs plans de lutte contre les changements climatiques et les adapter en fonction de leurs propres réalités. L’objectif est de réduire les émissions de gaz à effet de serre en utilisant les mécanismes du marché dans le cadre de la politique.

Toutes les provinces canadiennes, sauf une, sont d’accord. Nous continuons de collaborer avec toutes les provinces et de respecter leur capacité d’élaborer la politique qui correspond le plus à leur province et à leurs propres moyens.

La beauté du fédéralisme canadien, c’est que les provinces sont absolument libres, mais il faut également comprendre que l’argent recueilli par Ottawa est retourné à ces provinces qui sont parfaitement libres d’utiliser cet argent aux fins qu’elles souhaitent.

Si une province souhaite accorder un allégement fiscal, réduire le prix des terres agricoles ou modifier autrement son propre régime fiscal en fonction de ses priorités, la province a parfaitement le droit de le faire.

Nous savons que l’agriculture et la foresterie représentent les plus grands puits de carbone. Nous cherchons des moyens d’accroître ce potentiel.

La présidente : Excellent. Il nous reste encore quelques minutes avant 9 heures. Je crois comprendre que vous avez une importante réunion et que vous figurez à l’ordre du jour. Vous avez accepté de passer une heure en notre compagnie, et je vous en remercie. Je vous en suis grandement reconnaissante. Nous sommes ravis de votre contribution à nos travaux aujourd’hui.

Pour le prochain groupe de témoins, nous avons des représentants d’Environnement et Changement climatique Canada: Matt Jones, sous-ministre adjoint du Bureau de mise en œuvre du Cadre pancanadien, et Judy Meltzer, directrice générale du Bureau de la tarification du carbone. Nous avons aussi des représentants du ministère des Finances: Sean Keenan, directeur général de la Division de la taxe de vente de la Direction de la politique de l’impôt, et Gervais Coulombe, directeur, Accise - taxes et législation de la Division de la taxe de vente de la Direction de la politique de l’impôt.

Monsieur Jones, vous avez la parole.

Matt Jones, sous-ministre adjoint, Bureau de mise en œuvre du Cadre pancanadien, Environnement et Changement climatique Canada : Je crois comprendre qu’il y a trois points en particulier dont vous souhaitez discuter. Nous essayerons donc de traiter brièvement de chaque sujet avant de passer évidemment aux séries de questions.

J’ai cru comprendre que le comité souhaitait en particulier discuter des tendances en matière d’émissions dans ces secteurs en ce qui a trait aux mesures d’atténuation, d’adaptation et de résilience pour les secteurs agricole et forestier et de l’incidence économique et concurrentielle de la tarification du carbone.

Le sujet a déjà été abordé un peu ce matin, mais nous sommes prêts à continuer de creuser cette question. Judy Meltzer et tous mes autres collègues ici présents travaillent activement à ce dossier.

Pour ce qui est des tendances en matière d’émissions, les émissions de gaz à effet de serre provenant du secteur agricole sont demeurées relativement stables de 2005 à 2015, soit la plus récente année pour laquelle nous avons des données, et nous prévoyons que ces émissions ne diminuent que légèrement d’ici 2030.

Les émissions de gaz à effet liées à l’agriculture représentaient 10 p. 100 des émissions totales du Canada en 2015 et elles se composaient principalement de méthane et d’oxyde nitreux provenant des systèmes de production d’élevage et des cultures agricoles, ainsi que des émissions liées à l’utilisation de combustibles dans les exploitations agricoles.

Les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’extraction et de la transformation des ressources forestières ne représentaient que 1,3 p 100 des émissions du Canada en 2015 et elles diminuent légèrement en raison d’une baisse de la demande de produits forestiers.

Ces tendances en matière d’émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs de l’agriculture et de la foresterie ne tiennent évidemment pas compte des possibilités de séquestration accrue du carbone, comme le ministre Carr l’a mentionné. Les sols agricoles et les terres forestières sont bien entendu des outils précieux dans la lutte contre les changements climatiques.

Je suis heureux d’annoncer que les émissions totales de gaz à effet de serre du Canada sont à la baisse. De 2005 à 2015, elles ont diminué de 16 millions de tonnes de CO2, ce qui représente une diminution d’environ 2 p 100. Nous prévoyons que cette baisse s’accélèrera au cours des prochaines années au fur et à mesure que les mesures du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques seront mises en œuvre. Nous nous attendons aussi à ce que cette tendance se poursuive alors que nous remplissons notre engagement à l’égard de l’Accord de Paris, notamment de réduire de 30 p 100 les émissions de 2005 d’ici 2030.

Avant de laisser la parole dans quelques instants à ma collègue Judy Meltzer, j’aimerais mentionner certaines mesures liées à l’agriculture et à la foresterie dans le Cadre pancanadien.

Comme vous le savez, la mise en œuvre du Cadre pancanadien est un effort concerté à l’échelle du gouvernement fédéral. Environnement et Changement climatique Canada travaille en étroite collaboration avec Ressources naturelles Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada et d’autres ministères pour aider les secteurs de l’agriculture et de la foresterie à atténuer leurs émissions et à s’adapter aux conséquences des changements climatiques.

Vous êtes certainement déjà au courant de bon nombre de ces activités, mais j’aimerais profiter de l’occasion pour vous en nommer quelques-unes. Le Cadre pancanadien prévoit quatre mesures clés pour réduire les déchets et les émissions de gaz à effet de serre provenant de la foresterie et de l’agriculture, et des progrès importants ont déjà été réalisés dans chacun de ces domaines.

La première mesure vise à augmenter le carbone stocké en protégeant et en améliorant les puits de carbone dans les forêts, les terres humides et les terres agricoles. Le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone annoncé par le gouvernement fédéral en juin 2017 appuie les mesures nouvelles ou élargies des gouvernements provinciaux et territoriaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, entre autres par un stockage amélioré du carbone dans les forêts et les sols agricoles.

Ce financement est offert aux provinces et aux territoires ayant adopté le Cadre pancanadien. La semaine dernière, le Manitoba a annoncé qu’il se joignait aux autres provinces et territoires.

La deuxième mesure vise à accroître l’utilisation du bois dans la construction en investissant près de 40 millions de dollars sur quatre ans dans le programme de construction verte en bois, dont vous avez entendu un peu parler plus tôt ce matin. Ces trois mesures sont axées sur la production de bioénergie et de bioproduits. C’est appuyé par des investissements fédéraux de 55 millions de dollars dans le biochauffage dans le cadre du programme fédéral faisant la promotion de l’énergie propre pour les collectivités éloignées, soit un programme de Ressources naturelles Canada.

Troisièmement, en 2017, le Conseil canadien des ministres des Forêts a publié son Cadre de bioéconomie forestière pour le Canada afin de promouvoir l’utilisation de la biomasse forestière pour créer des bioproduits de pointe et favoriser l’innovation dans le secteur forestier.

Quatrièmement, des mesures d’atténuation visent à favoriser l’innovation dans les pratiques de gestion efficaces des gaz à effet de serre dans les secteurs des forêts et de l’agriculture. À l’appui de cette activité, 70 millions de dollars seront investis dans la science et l’innovation ciblant les changements climatiques et la conservation des sols et des eaux.

De plus, 25 millions de dollars ont été annoncés dans le budget de 2017 pour aider les producteurs agricoles canadiens à adopter des technologies propres. Cela s’ajoute aux 27 millions de dollars annoncés pour des projets novateurs pouvant aider les agriculteurs à atténuer les émissions de gaz à effet de serre, et aux 2,35 millions de dollars prévus pour attirer les jeunes vers les emplois écologiques des secteurs agricole et agroalimentaire.

Nous avons cru comprendre que le comité s’intéresse au deuxième thème que nous souhaitions aborder: l’adaptation et la résilience. Tout d’abord, il importe de souligner que les effets des changements climatiques sur les forêts et le secteur agricole du Canada seront diversifiés et complexes. Certains seront soudains et radicaux, alors que d’autres seront graduels et subtils.

Par exemple, au cours des cinq dernières décennies, on constate que l’accroissement du nombre d’incendies de grande ampleur, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes de sécheresse ainsi que l’évolution des caractéristiques des épidémies et des invasions d’insectes nuisibles se répercutent sur les forêts canadiennes. Dans certaines collectivités, ces transformations ont même donné lieu à des pertes d’emplois et à la destruction de logements.

Un climat en changement peut aussi avoir des effets positifs et négatifs sur l’agriculture. Par exemple, des températures plus élevées peuvent présenter des possibilités agricoles intéressantes dans certaines régions en raison du prolongement de la saison de croissance et des hivers plus doux et plus courts auxquels elles donnent lieu.

En revanche, l’une des préoccupations est que les changements climatiques changent la fréquence des catastrophes naturelles et des phénomènes météorologiques extrêmes. En effet, les sécheresses peuvent entrainer une baisse du rendement des cultures, les températures plus élevées et les vagues de chaleur peuvent nuire à la santé et à la survie du bétail, et la variation des précipitations et des températures peut accroître la prévalence et la distribution des ravageurs et des maladies, comme nous l’avons déjà constaté.

La perte d’occasions d’affaires, la baisse de productivité et les répercussions environnementales associées aux incendies, à la sécheresse, aux infestations de ravageurs et aux inondations, qui sont ressenties par les secteurs forestier et agricole, auront des répercussions durables sur la vie et le bien-être des Canadiens. Les récents événements extrêmes comme les inondations en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, en 2017, ainsi que les incendies dévastateurs qui ont eu lieu en Colombie-Britannique et à Fort McMurray soulignent l’urgent besoin d’agir pour aider les Canadiens à se préparer et à s’adapter aux changements climatiques.

En réponse, le gouvernement du Canada fait d’importants investissements pour accroître la résilience face aux changements climatiques. Dans le budget de 2017, le gouvernement a annoncé 260 millions de dollars pour des programmes d’adaptation liés à l’information et à la capacité, à la résilience de l’infrastructure face aux changements climatiques, à la santé humaine et au mieux-être, aux régions vulnérables, aux dangers climatiques et aux risques de catastrophe. Ces investissements s’ajoutent à d’autres, annoncés précédemment.

Le budget a aussi fourni des précisions en matière d’infrastructure verte. Les très importantes ressources annoncées à cette fin sont d’une importance névralgique pour l’édification de la résilience au Canada. En outre, une somme de 2 milliards de dollars sera consacrée à la création d’un fonds d’adaptation et d’atténuation des catastrophes, qui sera établi par Sécurité publique Canada en collaboration avec Infrastructure Canada.

Nous croyons fortement que les décisions concernant le renforcement de la résilience doivent reposer sur les meilleures connaissances scientifiques possible. Ces connaissances doivent être accessibles et utilisables par les personnes qui prennent les décisions. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de donner le feu vert à l’établissement du Centre canadien des services climatiques, qui permettra de renforcer la capacité et l’expertise régionales et de produire de l’information que les décideurs pourront utiliser, au même titre que les agriculteurs, les urbanistes et les simples citoyens.

La tarification du carbone est un élément fondamental du Cadre pancanadien. Je vais donc laisser la parole à ma collègue Judy Metzer pour qu’elle fasse le point à ce sujet.

Judy Meltzer, directrice générale, Bureau de la tarification du carbone, Environnement et changement climatique Canada : Comme le disait Matt Jones, la tarification du carbone est un élément fondamental du Cadre pancanadien parce qu’elle incite à réduire les émissions tout en encourageant l’innovation. À plus long terme, elle envoie aux investisseurs et aux autres intervenants des signaux pour leur rappeler que l’économie canadienne se dirige vers une économie à faibles émissions de carbone.

En octobre 2016, le gouvernement du Canada a publié l’Approche pancanadienne pour une tarification de la pollution par le carbone, qui décrivait le plan du gouvernement de mettre en place une tarification du carbone dans l’ensemble du Canada en 2018.

L’approche reconnait que les quatre plus grandes provinces canadiennes — l’Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique et l’Alberta, qui représentent plus de 80 p. 100 de notre population — ont déjà des systèmes de tarification en place, et elle laisse à toutes les provinces et à tous les territoires qui n’en ont pas la marge de manœuvre nécessaire pour mettre en œuvre le système de leur choix, qu’il s’agisse d’un système de tarification directe, comme la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique ou le système hybride de l’Alberta — qui combine un prix sur le carbone pour les carburants et un système d’échange des droits d’émissions pour les grandes industries —, ou un système de plafonnement et d’échange, comme au Québec et en Ontario.

L’Approche pancanadienne pour une tarification de la pollution par le carbone établit aussi des critères communs que tous les systèmes doivent satisfaire. Ces critères se dressent en modèle et leur fonction est de faire en sorte que les systèmes soient justes et efficaces.

Le gouvernement s’est également engagé à mettre en œuvre un système fédéral de tarification qui s’appliquera dans toute province ou tout territoire qui en fera la demande, ou dans toute province ou tout territoire qui ne se dotera pas d’un système de tarification du carbone conforme au modèle fédéral.

Ce système de tarification fédéral est considéré comme étant un filet de sécurité puisqu’il ne s’appliquera que dans les provinces et les territoires qui ne mettront pas leur propre système en place.

Le système modèle fédéral — le filet de sécurité — a deux composantes: une redevance sur les combustibles fossiles qui, de manière générale, devra être payée par le producteur ou le distributeur desdits combustibles, et une composante distincte pour les installations industrielles qui produisent beaucoup d’émissions et qui sont au centre d’un important commerce.

L’approche exempte ces installations d’avoir à payer la redevance sur le carburant et tarifie une partie de leurs émissions. Si vous croyez que cela pourrait vous être utile, nous pouvons vous donner des précisions à ce sujet.

Il a été demandé aux provinces et aux territoires de confirmer d’ici le 30 mars 2018 s’ils souhaitent que l’approche fédérale s’applique chez eux. Les provinces et les territoires qui choisissent de développer leur propre système doivent confirmer leurs intentions d’ici le 1er septembre 2018.

Les systèmes projetés seront évalués en fonction du modèle fédéral. À défaut d’un système conforme au modèle de référence, c’est le système fédéral de tarification du carbone qui s’appliquera en tout ou en partie à partir du 1er janvier 2019.

Les répercussions de la tarification du carbone sur l’agriculture seront modestes. Les émissions animales — les émissions dites « biologiques » — ne seront pas tarifiées. Les systèmes de tarification de la Colombie-Britannique et de l’Alberta ainsi que le filet de sécurité fédéral proposé ne visent pas l’essence et le diesel utilisés dans les exploitations agricoles.

La tarification du carbone procure des possibilités économiques au secteur agricole, notamment en ce qui concerne la possibilité de générer des crédits compensatoires de carbone.

Le filet de sécurité fédéral est conçu pour limiter les répercussions sur la compétitivité des industries ayant des niveaux élevés d’émissions et d’ouverture au commerce, tel que les industries qui produisent des produits chimiques, des fertilisants ou des pâtes et papiers.

Ces industries seraient exonérées de la redevance et un prix serait plutôt imposé sur une partie des émissions dépassant le seuil établi. Cette disposition vise à encourager la réduction des émissions et l’innovation grâce à l’imposition d’un prix sur le carbone. En même temps, elle cherche à limiter les potentiels impacts négatifs sur la compétitivité et le risque de fuite du carbone. Ces industries auront également accès à l’échange de droits d’émission, ce qui procurera des options de conformité à moindre coût.

Cette composante du système fédéral est toujours en cours d’élaboration, et les intervenants seront mobilisés tout au long de ce processus.

Le gouvernement du Canada s’est engagé à remettre tous les revenus directs générés par l’application de l’approche fédérale à l’administration provinciale ou territoriale d’origine.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue pour qu’il vous fasse part de certaines autres choses. Ensuite, nous serons heureux de répondre à vos questions concernant l’approche fédérale sur la tarification du carbone.

M. Jones : Il y a deux autres choses importantes que je tiens à signaler au comité. Premièrement, il convient de souligner le travail soutenu qu’effectue la direction générale de la réglementation d’Environnement Canada pour mettre au point une norme sur les carburants propres qui permettra de réduire l’intensité carbonique des carburants. Il s’agit d’une norme réglementaire fondée sur le cycle de vie, mais qui laissera une marge de manœuvre importante pour permettre la conformité. En fin de compte, on s’attend à ce que la norme fasse augmenter la demande pour des carburants et des technologies à émissions réduites, y compris pour les carburants renouvelables et le gaz naturel renouvelable.

La norme sur les carburants propres procure des possibilités économiques au secteur agricole, par exemple, grâce à la production de matières biologiques pour les biocombustibles ainsi qu’au captage et à l’utilisation du méthane comme biogaz. Le secteur forestier pourrait aussi devenir un fournisseur potentiel de matières premières pour la production de carburants.

En terminant, je tiens à souligner que nous rendons compte très régulièrement de l’état d’avancement des nombreuses politiques que nous sommes en train d’élaborer. Récemment, nous avons soumis un rapport passablement détaillé aux Nations Unies concernant la situation des efforts consentis par le Canada au chapitre des changements climatiques. De plus, nous faisons parvenir un rapport d’étape annuel à tous les premiers ministres, conformément au souhait formulé par ces derniers lors de leur dernière réunion. Le rapport dresse une liste très à jour de nos politiques — pas seulement les politiques fédérales, mais bien toutes les politiques de toutes les administrations au pays — et décrit l’état d’avancement de leur mise en œuvre. C’est un document très complet qui pourrait s’avérer fort utile, si cela vous intéresse.

Je vais m’arrêter là. Je m’excuse d’avoir pris autant de temps. Je vous remercie de votre patience.

La présidente : Tout cela était très intéressant. Nous n’aurions pas voulu que vous nous en disiez moins.

Nous allons maintenant passer à la période de questions, en commençant par le vice-président.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, et bienvenue, mesdames et messieurs. J’ai lu attentivement votre document de présentation. Est-ce qu'on y retrouve l’avenir du Canada? Je pense que vous êtes à la remorque de certaines provinces, comme le Québec, l’Ontario et une partie de la Colombie-Britannique. Le gouvernement du Canada est très en retard à ce chapitre. J’espère que vous ne venez pas ici dans le but de nous impressionner avec votre document.

Dans ce document, vous ne vous parlez pas des conséquences de la taxe sur le carbone, de la façon de rendre des comptes. À quoi servira l’argent qui sera redistribué dans les nouvelles technologies, comme le font le Québec et l’Ontario? Vous ne le dites pas. Il y a des provinces qui n’y ont pas adhéré, et vous ne dites pas si vous avez le moyen de les obliger à le faire. Peut-on s'attendre à une taxe sur le carbone comme celle qu'on retrouve dans certains États américains qui, eux, ont prévu un mécanisme de reddition de comptes? Est-ce que vous prévoyez un mécanisme comme celui du Conseil de l’Europe, qui a une taxe sur le carbone, mais dont la redistribution de l’argent dans les pays concernés sert à construire des ponts, des routes et des écoles? Comment la taxe sur le carbone va-t-elle servir les nouvelles technologies comme le font le Québec, l’Ontario et une partie de la Colombie-Britannique? Vous ne le dites pas.

Est-ce qu’il y a eu des ententes préalables avec les provinces? Est-ce qu’il y a eu des discussions sérieuses avec Terre-Neuve, qui exploite du pétrole, le Nouveau-Brunswick, qui a des raffineries, et la Nouvelle-Écosse, qui a des forêts? Est-ce que vous avez conclu des ententes sérieuses ou s'agit-il d'une politique globale que vous lancez comme ça, dont on verra le résultat dans cinq ans?

Je vous laisse répondre, parce que ce que contient votre document se retrouve aussi dans le budget de mardi dernier. Le document est daté du 1er mars, mais vous l’avez fait hier soir. Je ne vois pas ce que vous pouvez nous apporter dans le travail que nous faisons sur l’évaluation de la taxe sur le carbone dans le domaine de l’agriculture. J’aimerais avoir une nouveauté. J’aimerais ce matin que vous m’appreniez quelque chose de nouveau.

[Traduction]

M. Jones : Je vais commencer, puis je laisserai le soin à ma collègue de vous parler de la tarification du carbone.

Pour ce qui est du retard du Canada, sachez que le gouvernement fédéral travaille très fort depuis quelques années pour se mettre au diapason des efforts déployés par les provinces pour lutter contre les changements climatiques. Je parle ici de la tarification du carbone, certes, mais aussi des divers moyens mis en œuvre pour réduire les émissions.

Nous avions beaucoup de pain sur la planche. Le Cadre pancanadien est le plan de lutte aux changements climatiques le plus complet que le Canada a produit à ce jour. C’est la première fois que la majorité des administrations s’entendent pour collaborer entre elles. Nous sommes d’avis qu’il s’agit là d’un grand pas en avant.

Nous travaillons actuellement — et avec un sentiment d’urgence certain — à la mise en œuvre des nombreuses nouvelles mesures contenues dans ce cadre: mesures de réglementation, mesures de tarification, politiques en matière de codes et de normes, et programmes de financement. Nous travaillons aussi vite que nous le pouvons.

Pour ce qui est du document, vous avez raison. Il est daté du 1er mars. Nous l’avons mis à jour afin de tenter de rendre compte des plus récents développements. Nous avons essayé de fournir l’information la plus récente possible au comité, mais il y a énormément de nouveaux développements, en partie à cause du budget, mais aussi de manière continue. Il y a de nouvelles mesures et de nouvelles politiques. De nouveaux jalons sont franchis quant à la mise en œuvre de ces nombreuses politiques. Je crois que la mise en œuvre du Cadre pancanadien touche d’une façon ou d’une autre 19 ministères et organismes fédéraux.

Il y a beaucoup de travail à faire dans toutes sortes de directions. Nous cherchons à combler notre retard et nous avançons aussi vite que nous le pouvons.

Je vais céder la parole à ma collègue pour qu’elle réponde à vos questions sur la tarification du carbone.

Mme Meltzer : En ce qui concerne l’Approche pancanadienne pour une tarification de la pollution par le carbone, l’un des engagements de base est de faire en sorte que les revenus restent dans l’administration d’origine. Nous pouvons voir que les provinces qui ont déjà des systèmes utilisent leurs revenus de différentes façons.

Comme vous l’avez souligné, c’est un mélange de choses. Une partie des recettes est investie dans d’autres initiatives de réduction des émissions ou pour encourager la mise au point de technologies propres. Une partie des recettes est recyclée pour, par exemple, alléger les coûts des populations à faible revenu. Il y a différentes façons d’investir les recettes générées par la tarification du carbone.

Il y a deux autres choses que je tiens à préciser. Premièrement, le gouvernement fédéral s’est engagé à restituer les recettes à l’administration d’origine. Il n’y a pas de mécanisme précis pour le faire, mais les revenus resteront dans l’administration d’origine.

L’autre chose que je veux souligner, c’est que la tarification du carbone n’est pas le seul mécanisme prévu pour réduire des émissions. Cependant, c’est un mécanisme très important, tant comme mesure d’atténuation des émissions à court terme que pour marquer la transition vers une économie sobre en carbone à long terme. C’est l’un des nombreux outils stratégiques que nous nous sommes donnés. Je sais que Matt Jones a abordé toute une gamme de sujets dans sa présentation, mais je me permets de souligner celui-là en particulier.

[Français]

Le sénateur Maltais : Permettez-moi de vous arrêter. Ce discours ne me convient pas. Les agriculteurs canadiens ont été très en avance quant à l’azote en ne faisant plus de labours, et cela depuis plusieurs années. Où en êtes-vous rendus dans le captage du carbone dans l’agriculture? Quels sont les montants investis dans la recherche pour capter le carbone dans chacune des provinces agricoles?

[Traduction]

Mme Meltzer : À ce sujet, je dirais deux choses. Nous savons qu’il y a des possibilités de réduire les émissions dans le secteur agricole. En regardant ce qui se fait dans les provinces — dont l’Alberta, qui a diverses mesures incitatives en ce sens —, nous constatons qu’il y a déjà beaucoup de moyens mis en œuvre pour réduire les émissions, que ce soit la préparation limitée du sol ou la gestion particulière de l’épandage des engrais, et cetera.

Dans l’optique de la tarification du carbone, l’une des choses que je ferais valoir, c’est qu’il y a certaines mesures incitatives pour favoriser la reconnaissance des types de pratiques qui ont une valeur économique en elles-mêmes. Ces mesures incitatives sont celles que procurent les programmes de crédits compensatoires.

On s’attend à ce que le système fédéral proposé — le filet de sécurité — reconnaisse les crédits compensatoires, dont ceux qui pourraient être associés au secteur agricole. Je me permettrai toutefois de préciser que le type de crédits qui sera effectivement reconnu par le système fédéral n’a pas encore été précisé. Cette détermination tablera sur les travaux qu’effectue actuellement le Conseil canadien des ministres de l’Environnement au sujet des compensations dans le contexte d’une approche pancanadienne.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie, mais je veux plus que cela. La culture du cannabis est à nos portes. Où en êtes-vous en ce qui a trait à la capture du carbone dans la culture du cannabis?

[Traduction]

Mme Meltzer : Je ne peux pas répondre à cette question. Peut-être que d’autres personnes ici présentes ont quelque chose à dire là-dessus.

[Français]

Le sénateur Maltais : Est-ce qu’il y a eu des recherches scientifiques qui peuvent nous indiquer combien la culture du cannabis émettra de carbone et de gaz à effet de serre? Est-ce que vous en avez dans les différents ministères que vous représentez? Avez-vous mené des études à ce sujet?

Gervais Coulombe, directeur, Accise - taxes et législation, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : : Ma compréhension d’une opération réalisée en serre est que les plantes n’émettent pas de carbone, mais qu'elles le captent. Ce sont des questions que l’on pourrait poser.

Le sénateur Maltais : Tout propriétaire de logement ou d’une maison peut cultiver quatre plants de cannabis, ce qui pourrait augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Quand pouvez-vous me donner une réponse quant à la quantité de GES liée à la culture du cannabis?

M. Coulombe : Ce sont des questions que l’on peut poser à nos collègues d'Agriculture Canada.

Le sénateur Maltais : Je m’attendais à une réponse de votre part, parce qu’il y a deux semaines, le ministre de l’Agriculture, l’honorable Lawrence MacAulay, est venu témoigner devant notre comité. Je lui ai posé la question et il m’a répondu qu’il n’y avait aucune étude à ce sujet. Si vous avez une étude, veuillez la lui transmettre pour ensuite nous la faire parvenir.

M. Coulombe : Je prends bonne note de cette question, sénateur Maltais.

Le sénateur Maltais : Je vous remercie.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Ma question s’adresse au ministère des Finances. Le ministre a mentionné que le résultat net de la tarification du carbone augmenterait les coûts de production pour certains producteurs de produits du bois.

Comment votre ministère travaille-t-il avec les provinces pour atténuer l’augmentation des coûts de production? Avons-nous un plan ou nous attendons-nous à ce que les provinces s’en chargent?

Sean Keenan, directeur général, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Comme le disait ma collègue Judy Meltzer, le système de tarification fédéral a deux composantes. Il y a un prix sur le carbone pour le carburant consommé en général par le secteur des transports, par exemple, ou pour le mazout domestique. Ensuite, la taxe est appliquée aux grands émetteurs — ces usines qui émettent plus de 50 000 tonnes par année — ou aux usines plus petites qui choisiraient d’adhérer volontairement, comme on le verrait dans le secteur forestier. Dans ce cas, c’est un autre régime qui s’appliquerait, c’est-à-dire le système de tarification du carbone basé sur les extrants.

Ils sont exemptés des frais de carburant, car différentes conditions de tarification s’appliquent. En gros, ils reflètent le fait qu’ils sont dans des industries concurrentielles à l’échelle internationale et qu’ils appliquent un prix marginal. Il y a toujours un incitatif financier, mais qui ne s’applique pas nécessairement à toutes les émissions de GES.

D’une certaine façon, une caractéristique de conception pour répondre à certaines préoccupations sur le plan de la concurrence est la conception du système qui compte deux composantes et un système de tarification basé sur les extrants.

On a mentionné plus tôt le fait que le financement sera rendu à l’administration. Toutes recettes générées retourneront à l’administration. Comme le sénateur Maltais l’a fait valoir, certaines provinces ont déjà adopté des politiques pour dire « Nous allons utiliser les revenus d’une certaine façon pour compenser certaines de ces incidences sur l’industrie, les particuliers ou les familles, ou pour investir dans d’autres réductions au niveau du secteur industriel ».

Ces outils sont disponibles. En gros, c’est le cadre que nous avons élaboré.

Mme Metlzer : Pour réitérer, nous consultons actuellement ces types d’intervenants.

Le 15 janvier, nous avons publié un document-cadre qui propose l’approche à l’égard de ce système de tarification basé sur les extrants. Encore une fois, ce système vise à faire en sorte qu’il existe un signal de prix sur les industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, mais qu’il ne se fasse pas aux dépens de la compétitivité relative aux fuites de carbone.

J’ai fait allusion à quelques reprises aux fuites de carbone. Comme vous le savez probablement, je fais allusion au risque de délocalisation de l’activité économique ainsi qu’aux émissions.

Nous tenons actuellement ces discussions. L’approche exempterait des frais de carburant les installations des industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, notamment dans le secteur des pâtes et papiers où les émissions sont élevées. Au lieu de cela, il imposerait une tarification à une partie de leurs émissions au-dessus d’une certaine limite. Nous sommes actuellement en pourparlers pour élaborer cette mesure par l’intermédiaire du processus réglementaire. Nous serions ravis de vous fournir de plus amples détails sur l’approche proposée.

En plus de ces incidences directes, nous savons que les coûts d’électricité, par exemple, peuvent aussi influer sur ces secteurs. Bien que l’électricité ne soit pas nécessairement tributaire du commerce en tant que tel, nous savons qu’elle représente un intrant important pour les secteurs qui le sont. Nous tenons aussi compte du traitement de l’électricité et, encore une fois, nous discutons avec les intervenants, les provinces et les territoires de l’approche proposée.

L’électricité serait aussi exemptée des frais de carburant directs, et sa tarification ne s’appliquerait plutôt qu’à une partie de ses émissions. C’est un sujet qui fait l’objet de discussions à l’heure actuelle, si bien que nous clarifierons la question au fil des mois au fur et à mesure que les détails de ce système seront peaufinés.

Le sénateur Woo : Je veux soulever la question du système de tarification. Je suis très intéressé de savoir si le système de tarification du carbone est suffisamment robuste et exhaustif dans son ensemble. Comme vous le savez, plus les exemptions sont nombreuses, moins le système sera efficace. Il en va de même pour tout système fiscal. Je me préoccupe un peu qu’on se précipite pour accorder un trop grand nombre d’exemptions et qu’on crée des fuites, en quelque sorte.

J’aime le système de tarification basé sur les extrants, mais il peut fonctionner sans qu’il y ait d’exemptions sur le carburant. Je crains que vous n’en donniez trop. Je crois savoir que les lobbies voudront poursuivre dans cette voie, mais il est très possible d’avoir un système de tarification basé sur les extrants qui englobe le carburant. On a intérêt à opter pour des carburants plus propres, des carburants renouvelables, et cetera, tout en protégeant les extrants de ces industries pour qu’elles ne soient pas exposées injustement à la concurrence internationale et à d’autres types de pressions auxquelles elles font face. Vous savez que vous pouvez concevoir un système dans lequel il y a moins de fuites que dans celui que nous avons actuellement.

J’aimerais que vous parliez peut-être un peu de certains des meilleurs modèles de tarification du carbone, même pour les secteurs concurrentiels tributaires du commerce, qui peuvent être élaborés pour que nous options vraiment pour la réduction des émissions de carbone et que nous limitions le plus possible les fuites, tout en reconnaissant certaines des circonstances spéciales de nos industries.

Ensuite, j’aurai une autre question concernant les crédits compensatoires, qui sont l’envers de la médaille.

Mme Meltzer : Vous avez tout à fait raison. La conception de ces systèmes est vraiment importante. Les discussions que nous tenons actuellement avec les intervenants et les provinces iront au cœur de cette question.

Je ferais remarquer deux ou trois points. Nous avons publié un document-cadre en janvier. Je serais vraiment ravie de vous envoyer le lien. Il n’est pas très long, il fait environ huit pages. Nous avons élaboré une proposition relativement stricte.

Nous avons proposé un point de départ pour tous les secteurs tributaires du commerce à forte intensité d’émissions définis dans ce cas comme ayant des émissions de 50 000 tonnes ou plus par année. Nous avons proposé une approche relativement stricte visant à fixer un prix de 70 p. 100 en deçà de la moyenne nationale. Si une installation produit des émissions qui correspondent à la moyenne nationale pour ce secteur, sa tarification correspondrait à 30 p. 100 de ces émissions. C’est considéré comme étant un point de départ relativement strict.

Nous essayons de déterminer si cette approche est sensée d’un secteur à l’autre. Nous en discutons à l’heure actuelle. Nous voyons cela comme un signal de prix important, tant à court qu’à long terme.

J’aimerais soulever un point peut-être plus important encore, le fait que le cadre pancanadien soit engagé à examiner non seulement le système fédéral, mais aussi le système dans son ensemble à la grandeur du Canada, un rapport provisoire en 2020 et un autre en 2022. Ces examens seront importants pour nous aider à comprendre et à répondre à ces questions mêmes. L’approche pour laquelle nous optons est-elle la bonne? Je parle à la grandeur du Canada dans ce contexte.

Nous avons récemment travaillé de façon intensive à un autre sujet que j’aimerais soulever. Une question importante est celle de savoir si vous voulez vous assurer que l’on accorde la reconnaissance qu’il convient aux secteurs dans lesquels les fuites de carbone présentent un risque pour la compétitivité. Vous voulez aussi vous assurer que le système soit bien conçu pour rejoindre les bons secteurs de la façon appropriée.

Un des premiers résultats de ces examens est un engagement par les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral à examiner de plus près la compétitivité relative aux risques de fuites découlant de la tarification du carbone dans ces secteurs tributaires du commerce à forte intensité d’émissions.

Nous avons récemment lancé cette initiative. Toute information que nous obtenons pour mieux comprendre la composante de l’économie canadienne potentiellement à risque de fuites de carbone sera utile pour nous informer au fur et à mesure que nous avançons.

Nous essayons de mettre ces considérations en balance, de nous assurer qu’il y a un signal de prix tout en minimisant la compétitivité et les fuites de carbone qui en découlent. Comme vous le savez, c’est vraiment important pour votre façon de concevoir le système. Je suis ravie de participer actuellement à ces discussions. C’est une période intéressante pour l’élaboration du filet de sécurité par le fédéral.

Le sénateur Woo : Je veux surtout revenir sur un commentaire, auquel vous voudrez peut-être ajouter des détails.

Je crois savoir que le secteur agricole ne fait pas partie des secteurs à fortes émissions. Nombre de producteurs nous ont dit que les coûts du carburant sur la ferme représentent un très faible pourcentage de leurs coûts totaux. Je ne suis pas certain de la logique de la décision d’exempter une bonne partie des coûts de carburant sur la ferme si, en fait, on a un système basé sur les extrants qui peut les compenser d’autres façons.

Ce qui compte vraiment, c’est le système de crédits compensatoires que vous mettez au point. J’ai entendu dire que vous ne l’avez pas encore terminé.

Comment allons-nous offrir des crédits compensatoires visant à favoriser la séquestration du carbone provenant des produits du bois et des forêts, et de toutes les activités agricoles? J’ai posé la même question au ministre des Ressources naturelles. Le sénateur Maltais en a fait autant.

Pour notre étude, je pense qu’il est très important qu’on nous dise en quoi consisteront les crédits compensatoires du cadre, car nous ne pouvons pas produire de rapport pour bien comprendre l’incidence des changements climatiques sur l’agriculture sans savoir quel sera le mécanisme.

Vous pouvez peut-être nous dire quelle sera l’échéance pour la mise en place de ce filet de sécurité compensatoire.

Mme Meltzer : Comme vous l’avez indiqué, les crédits compensatoires ou l’occasion d’encourager la réduction des émissions dans des secteurs non réglementés sont un aspect très important de ces programmes. C’est soit en place, soit envisagé dans les systèmes actuels. Nous savons que les crédits compensatoires ont joué un rôle important dans les systèmes en vigueur en Alberta, au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique.

Je peux confirmer que nous nous attendons à dévoiler des directives et des détails supplémentaires sur l’approche proposée relativement au système fédéral de filet de sécurité de la tarification du carbone en ce qui a trait à la reconnaissance de crédits compensatoires.

Tout d’abord, il n’y aurait actuellement pas de système fédéral autonome, mais plutôt des directives concernant le type de crédits qui seraient reconnus dans le cadre de ce système. Le Conseil canadien des ministres de l’Environnement a fait beaucoup de travail, notamment en élaborant un cadre pancanadien pour les crédits compensatoires de gaz à effet de serre. Il est important que les crédits tiennent compte de la réduction des émissions dans les secteurs non réglementés, mais il est aussi important que cette réduction s’ajoute à ce qui se serait fait dans un scénario habituel pour être en mesure de vérifier cette réduction. Une grande partie du travail collectif vise à essayer d’établir les paramètres de ce qui constitue des moyens efficaces de reconnaître les crédits.

Je ne peux pas me prononcer sur le moment où le rapport sera publié, mais c’est certainement une source d’information pour guider notre approche. Nous nous attendons à communiquer des directives supplémentaires. Nous avons publié en janvier notre document sur le cadre réglementaire du système de tarification fondé sur le rendement. Au cours des prochains mois, très bientôt, nous nous attendons à communiquer d’autres directives qui portent précisément sur les crédits.

Je signale également qu’elles porteront sur les autres paramètres de souplesse en matière de conformité, comme les crédits excédentaires. Je pense que cela aidera à clarifier certaines des questions que vous soulevez aujourd’hui.

La présidente : Il nous reste 15 minutes et trois intervenants sur la liste. Je vous rappelle que cela signifie à peu près cinq minutes chacun pour poser votre question et entendre la réponse. Il serait formidable que les questions et les réponses soient brèves.

Le sénateur Oh : Je veux donner suite à la question du sénateur Maltais concernant la marijuana. L’été dernier, j’ai visité des serres en Ontario. Les propriétaires craignaient d’être écartés du marché, du secteur économique, à cause du système de tarification du carbone.

Nous essayons de réduire l’incidence des gaz à effet de serre, mais nous créons maintenant des serres urbaines, une énorme serre pour cultiver la marijuana, à raison de quatre plants par foyer. Imaginez un peu. Dans une région fortement peuplée, ce sera comme une gigantesque serre dans la ville.

Avez-vous des recommandations pour le gouvernement concernant la tarification? Peut-être que chaque foyer devrait payer une taxe sur le carbone. Comment peut-on circonscrire cette autorisation soudaine d’avoir des serres dans les villes?

M. Jones : À propos de la marijuana et des émissions de carbone attribuables à sa culture, que ce soit dans des serres, à l’intérieur ou à l’extérieur, il y a deux choses à retenir.

Tout d’abord, comme toutes les plantes, les plants de marijuana absorbent le carbone grâce à la photosynthèse. Ce carbone est ensuite libéré lors de la consommation ou si les plants sont incinérés. C’est la même chose pour les produits du tabac et les produits du bois. Ils sont généralement considérés comme carboneutres parce qu’il y a une absorption, une combustion et une libération du carbone, et le cycle recommence.

S’il n’y a pas d’études sur les répercussions de la combustion de ces produits, c’est probablement parce qu’on présume ou qu’on comprend qu’il n’y a pas d’émissions ou qu’il y en a très peu.

En ce qui concerne l’effet des îlots de chaleur attribuable aux serres dans lesquelles la température est élevée, je crois comprendre que le volume de l’espace occupé est si limité que l’incidence sur le réchauffement de la planète est négligeable. Des émissions sont associées à la façon dont ces serres ou ces installations intérieures sont chauffées, ce qui consiste généralement, dans le contexte de l’Ontario et du Québec, à faire brûler du gaz naturel. Ces émissions seront vraisemblablement assujetties au même système de tarification du carbone que les émissions provenant du chauffage d’un entrepôt, d’une usine, d’une maison ou d’un immeuble de bureaux.

Je vais céder la parole à mes collègues qui s’y connaissent davantage à ce sujet.

Mme Meltzer : Je vais juste répéter que d’une certaine façon, cela renvoie à l’importance de l’approche pancanadienne de tarification qui indique un prix, y compris pour toutes les sources d’énergie dont vous venez de parler. Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à ajouter.

M. Keenan : Je ne crois pas. Pour ce qui est de la légalisation du cannabis, nous voyons que beaucoup d’argent est investi dans l’industrie pour accroître la production à mesure que de nouveaux producteurs autorisés se joignent aux autres. Selon l’endroit où ils se trouvent, ils seront assujettis au système de tarification qui s’applique, comme l’a dit Matt Jones, lorsqu’on fait pousser des plants chez soi.

Le sénateur Oh : Oui, mais vous ne pouvez pas taxer le concombre et ne pas en faire autant pour la marijuana. Je faisais partie du corps policier au début de la production illégale de marijuana. Je voyais des maisons entières utilisées à cette fin. On est prêt à transformer des maisons entières en serres. Imaginez un peu une gigantesque serre dans un centre urbain.

La sénatrice Gagné : Je vais aborder un autre sujet. Nous savons que les effets des changements climatiques sont amplifiés dans l’Arctique. Je crois d’ailleurs que la température a augmenté là-bas presque trois fois plus que la moyenne mondiale. De toute évidence, cette hausse présente un énorme risque ou un risque considérable pour les peuples autochtones.

À propos de l’annonce de 73,5 millions de dollars sur cinq ans pour créer le centre canadien des services climatiques, pouvez-vous décrire son mandat? Quelle sera son incidence sur l’ensemble de la recherche, des données scientifiques et des connaissances traditionnelles des peuples autochtones, et comment ce mandat se traduira-t-il par des mesures concrètes?

M. Jones : À propos du Centre canadien de la modélisation et de l’analyse climatique, les membres du comité savent peut-être qu’à la suite de la réunion des premiers ministres à Vancouver, des efforts ont été déployés pour étudier l’atténuation, l’adaptation, les technologies propres et les options tarifaires pour contribuer à ce qui est finalement devenu le cadre pancanadien.

Dans le groupe de travail sur l’adaptation, les participants estimaient que nous pouvons toujours en apprendre davantage sur les conséquences des changements climatiques, ce qui ne fait aucun doute, mais une partie du problème était que les données et l’information à notre disposition sont disparates et qu’elles ne sont pas nécessairement faciles à consulter. Elles sont parfois stockées dans des endroits difficiles d’accès ou on ne sait pas à quel endroit. Lorsqu’on connaît leur emplacement, il est possible que des compétences techniques extrêmes soient nécessaires pour les télécharger, car le format est parfois inutilisable.

On estime qu’il faut un organisme central pour regrouper les données et l’information pertinentes et en faire des produits utiles qui peuvent aider les gens à comprendre les risques auxquels ils sont exposés.

Il faut d’abord comprendre les risques associés aux changements climatiques ainsi que leur pertinence. C’est un peu à l’échelle locale. Les effets varient grandement dans un pays comme le Canada. Par la suite, que pouvons-nous faire après avoir compris les risques?

Le Centre canadien des services climatiques a pour but de regrouper cette information, de la rendre accessible et de la diffuser dans un format utilisable. Nous mettons actuellement au point un portail en ligne dont la carte interactive permettra de cliquer sur un endroit et de comprendre les divers ensembles de données sur la température, les précipitations et ainsi de suite.

Ce qui est encore plus important, c’est que nous travaillons avec des centres d’expertise, qui sont plutôt régionaux. Le Québec à un organisme, Oronos, qui met l’accent sur les répercussions dans la province. La Colombie-Britannique a elle aussi un organisme, et l’Ontario lance le sien. Nous travaillons avec ces organismes pour recueillir des renseignements à l’échelle fédérale et pour les diffuser. Au bout du compte, c’est une question locale dans une certaine mesure, mais c’est sans aucun doute régional.

Le Nord est une des régions. Il n’a pas d’organisme comme le Québec et d’autres provinces. Nous nous efforçons de renforcer sa capacité. À vrai dire, ma collègue, la directrice générale qui dirige et qui tente d’établir le Centre canadien des services climatiques se trouve actuellement dans les territoires pour renforcer la capacité dans la région. Nous songeons à intégrer du personnel dans le Nord pour commencer à y renforcer la capacité en matière de partenariats et pour que les territoires unissent leurs efforts.

En ce qui a trait à la participation autochtone et aux connaissances traditionnelles, nous avons trois groupes distincts associés au cadre pancanadien: les Métis, les Inuits et les Premières Nations. L’incidence des changements climatiques et de l’adaptation est un sujet qui tient à cœur aux participants dans ces discussions. Nous nous sommes échangé beaucoup d’information et nous avons de nombreuses discussions. C’est sans aucun doute un sujet brûlant.

La question des connaissances traditionnelles est délicate. D’une part, il y a des renseignements pertinents dont tout le monde peut tirer parti, mais, d’autre part, ils sont visés par des droits de propriété intellectuelle, et il est dans une certaine mesure difficile de les rendre accessibles.

De bonnes discussions sont menées en ce moment même, notamment avec les dirigeants inuits, sur la façon de gérer ces renseignements et d’en faire la meilleure utilisation possible d’une manière qui leur convient.

Le sénateur Bovey : Votre dernière réponse me laisse perplexe. Je suis d’accord avec le vice-président de notre comité quand il dit que le gouvernement semble accuser un retard important.

Vous avez dit plus tôt que 19 ministères participent. Quelle est la coordination entre ces ministères? Parle-t-on de 19 groupes qui courent dans des directions opposées? J’espérais que non, mais vous venez tout juste de dire que le Nord n’a pas son propre organisme.

Je suis bien conscient de ce qui se fait actuellement au centre de recherche de Cambridge Bay. J’ai parlé l’autre jour avec M. David Barber de l’Université du Manitoba qui étudie les changements climatiques dans le Nord.

Je dois remettre en question votre conclusion. Je sais très bien que ces personnes travaillent avec des universités d’un bout à l’autre du pays. Elles travaillent avec le gouvernement fédéral et des gouvernements étrangers. Je suis perplexe et je ne comprends pas vraiment ce que vous avez dit au sujet des dirigeants inuits. Dans un autre comité, nous avons entendu l’autre jour le premier ministre du Nunavut, et il a parlé avec beaucoup d’éloquence de ce qui se fait.

Aidez-moi à y voir clair. Le problème est-il un manque de coordination? Il me semble qu’on fait pas mal de travail. Je sais depuis des années que le public peut consulter les travaux de recherche de M. Barber.

M. Jones : Je serai heureux de répondre à cette question.

Pour ce qui est de la coordination, nous avons mis en place des processus de grande envergure pour coordonner les nombreux efforts déployés. Les sous-ministres et les sous-ministres adjoints siègent à des comités de surveillance, et des mécanismes de coordination sont en place. Nous travaillons très étroitement pour assurer une coordination. En fait, des sous-ministres venant de partout dans la famille fédérale se rencontrent vendredi, comme ils le font habituellement tous les mois. Dans toutes les initiatives de grande portée, des mécanismes de coordination sont nécessaires pour éviter les incoordinations ou le travail inutile en vase clos.

Nous avons grandement mis l’accent là-dessus. Nous avons mis en place ces mécanismes. Nous les avons préparés et organisés avant que le cadre pancanadien soit même terminé parce que nous étions bien conscients de la nécessité d’assurer la coordination efficace de ces nombreuses mesures connexes.

En fait, l’organisme dont je suis responsable s’appelle le Bureau de mise en œuvre du Cadre pancanadien, qui a été créé expressément à cette fin.

En ce qui concerne le centre canadien des services climatiques dans le Nord, j’ai peut-être omis des renseignements pertinents en tentant d’être bref. Je m’en excuse. Il se fait sans aucun doute beaucoup de recherches dans le Nord. Le gouvernement fédéral, des universitaires et des organisations internationales y sont sans aucun doute bien représentés. Environnement Canada y a également une présence importante.

Je voulais tout simplement dire que ce n’est pas comme au Québec où il y a un organisme voué à la recherche sur les changements climatiques. C’est un peu plus désordonné, et la capacité totale est moins grande au sein des gouvernements territoriaux que dans certaines des provinces. C’est pourquoi nous mettons tout particulièrement l’accent sur la coordination dans le Nord. C’est d’ailleurs ce qui explique la présence en ce moment de mes collègues dans les Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Bovey : À quel endroit travaillent-ils dans le Nord?

M. Jones : Environnement et Changement climatique Canada a des installations de recherche.

La sénatrice Bovey : Non, je veux savoir avec qui et à quel endroit vos collègues établissent des liens dans le Nord pour tenter de réaliser ce projet? J’étais encouragée au début de la séance, mais je vais être totalement découragée à la fin.

M. Jones : Je ne voudrais pas vous donner une fausse impression en laissant entendre que vous avez raison d’être découragée.

Au pays, on n’a jamais fait autant d’études à tous les niveaux sur les répercussions des changements climatiques.

La sénatrice Bovey : En effet.

M. Jones : Le travail se fait au sein des ministères fédéraux. Il est coordonné au sein de ces ministères. Il se fait au sein d’établissements universitaires et dans différentes organisations internationales. Il n’y a jamais eu autant de coordination.

Les collègues dont j’ai parlé assistent actuellement à Yellowknife à une réunion avec des fonctionnaires du ministère de l’Environnement du territoire ainsi qu’avec des dirigeants autochtones de la région. Beaucoup de travail se fait avec l’organisme Savoir polaire Canada, les deux autres territoires, des dirigeants autochtones et les climatologues d’Environnement Canada. Nous travaillons aussi très étroitement avec le ministère des Ressources naturelles qui a affecté une équipe aux répercussions des changements climatiques et aux efforts d’adaptation.

Je ne veux pas vous donner la fausse impression qu’on ne fait pas assez de travail dans le domaine ou qu’il manque de coordination.

La sénatrice Bovey : Je n’ai jamais dit qu’on ne faisait pas assez de travail. Je suis préoccupée par le manque de coordination. Comme je l’ai mentionné, les discussions que j’ai eues cette semaine sur d’autres sujets m’ont laissée croire à une plus grande coordination que ce que vous m’amenez à penser aujourd’hui.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. J’aimerais revenir sur la fameuse tarification sur le carbone. S’il devait y avoir un jour une taxation sur la marijuana, il faudrait retourner les profits de cette taxe aux corps policiers, car cela leur permettrait de combattre le crime organisé.

Cela dit, la situation économique de chaque province étant différente, l’application de la tarification sur le carbone à l'échelle provinciale sera donc, par le fait même, différente. Croyez-vous que les provinces sont en droit d’adopter une application différente, ce qui pourrait s’avérer plus difficile dans certaines régions que dans d’autres? On entend beaucoup de choses, mais il est certain qu’il n’est pas facile d’appliquer les taxes de façon uniforme à travers le Canada.

Mme Meltzer : Merci beaucoup de votre question. Je vais répondre en anglais, si vous me le permettez.

[Traduction]

Comme vous le dites, dans un grand pays diversifié comme le nôtre, nous savons que les champs de compétence et les régions diffèrent sur le plan économique.

L’une des façons dont l’approche pancanadienne en tient compte consiste à donner explicitement une certaine souplesse aux provinces et aux territoires pour qu’ils adoptent des systèmes sensés ainsi qu’à trouver un équilibre pour que ces systèmes soient efficaces dans l’atteinte des cibles de tarification du carbone, sur lesquelles la plupart des premiers ministres se sont entendus en décembre 2016.

On obtient ainsi un équilibre entre la souplesse dans le choix de système et une solution commune. J’attire encore une fois l’attention sur l’engagement. C’est un engagement fédéral-provincial-territorial ayant pour but l’examen des systèmes mis en place et l’évaluation de leur fonctionnement. L’équilibre consiste à reconnaître la différence, mais aussi à assurer une tarification dans tous les secteurs de l’économie partout au Canada. Je pense que l’approche choisie permet d’atteindre cet équilibre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, madame.

[Traduction]

La présidente : Je remercie les sénateurs et les témoins. Les échanges se sont révélés intéressants et animés.

(La séance est levée.)

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