Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 54 - Témoignages du 7 juin 2018
OTTAWA, le jeudi 7 juin 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, afin de poursuivre son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.
Le sénateur Ghislain Maltais (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le vice-président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Bonjour à tous.
Ce matin, nous avons le privilège de recevoir M. Gary Stordy, directeur des Affaires gouvernementales et corporatives au Conseil canadien du porc, ainsi que M. Martin Lavoie, président et chef de la direction chez Canada porc international. Bienvenue à vous deux.
Avant de débuter, permettez-moi de me présenter, Ghislain Maltais, vice-président du comité. Je présiderai la réunion aujourd’hui. Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur R. Black : Sénateur Rob Black, de l’Ontario.
Le sénateur Marwah : Sabi Marwah, de l’Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
Le vice-président : Voici quelques recommandations avant de commencer : nous avons prévu une durée d’une heure pour notre rencontre et, plus votre présentation sera courte, plus les sénateurs pourront vous poser des questions. Je demanderais aux sénateurs de se discipliner et de poser de courtes questions, et aux témoins, de donner de courtes réponses si possible, afin que nous puissions prévoir au moins deux rondes de questions.
Monsieur Stordy, la parole est à vous.
[Traduction]
Gary Stordy, directeur, Affaires gouvernementales et corporatives, Conseil canadien du porc : Bonjour. Je voudrais vous remercier de me donner la possibilité de comparaître devant le comité aujourd’hui afin de présenter le point de vue des éleveurs de porc canadiens de partout au pays. Rick Bergman, notre président de la production du Manitoba, vous transmet ses excuses. Il voulait se présenter, mais des affaires familiales l’ont retenu chez lui.
L’industrie de la viande est de loin le segment le plus important du secteur de la transformation du pays.
Nos producteurs élèvent des animaux dans l’ensemble du pays, et les plus grandes installations de production et de transformation de porc sont regroupées au Québec, en Ontario et au Manitoba. Les ventes de porc canadien directement de la ferme se sont élevées en 2016 à 4,1 milliards de dollars au total et ont créé plus de 31 000 emplois agricoles partout au Canada.
L’industrie porcine apporte une contribution majeure au PIB du Canada. La transformation alimentaire crée plus d’emplois que tout autre segment du secteur manufacturier canadien. Les usines d’empaquetage et de transformation des viandes, qui fournissent un emploi à 65 000 travailleurs, sont des employeurs principaux ou majeurs dans de petites et grandes villes situées partout au Canada.
Monsieur le président, les membres du comité savent sans doute que les marchés d’exportation sont absolument essentiels à la prospérité actuelle et à venir du secteur canadien du bétail et de la viande. Les transformateurs et les exportateurs de viande doivent trouver des marchés étrangers pour plus de 70 p. 100 des produits fabriqués ici, au Canada. Ces 70 p. 100 englobent la viande — à l’égard de laquelle Martin Lavoie a certainement une responsabilité —, le porc canadien envoyé à l’étranger, ainsi que les animaux vivants qui sont expédiés vers les États-Unis.
Par conséquent, il ne devrait pas être surprenant que les éleveurs de porc soient d’ardents et constants défenseurs de toutes les initiatives qui contribuent à ouvrir de nouveaux marchés et à élargir l’accès aux marchés existants.
Le Conseil canadien du porc et les producteurs ont accueilli favorablement la nouvelle selon laquelle le projet de loi ratifiant le PTPGP sera présenté à la Chambre des communes avant sa pause estivale. Grâce à un accès amélioré à des marchés clés, comme celui du Japon, les éleveurs de porc canadiens pourront continuer de faire ce qu’ils font le mieux, en sachant que leur gagne-pain et celui de milliers d’autres canadiens des collectivités rurales et urbaines qui travaillent dans l’industrie porcine seront soutenus par le dernier accord.
Les producteurs sont fiers de fournir aux consommateurs un approvisionnement en aliments sains, salubres et abordables. Ils témoignent de cet engagement en participant volontairement à la plateforme Excellence du porc canadien. Cette plateforme élaborée par des éleveurs à des fins d’utilisation à la ferme, produit une valeur ajoutée pour le porc canadien et permet à l’industrie d’être plus concurrentielle sur les marchés mondiaux.
Le volet salubrité alimentaire de l’EPC, appelé PorcSALUBRITÉ, est fondé sur le système de gestion HACCP et procure aux consommateurs mondiaux l’assurance que le porc canadien est de la plus haute qualité et qu’il s’agit d’un produit salubre. Il garantit que les problèmes liés à la salubrité alimentaire à la ferme sont réglés. Il constitue le fondement de la mise en œuvre du Programme canadien de certification des porcs exempts de ractopamine, ce qui permet au produit d’être exporté vers la Chine, un marché s’étant élevé à bien plus de 600 millions de dollars l’an dernier.
Le programme de salubrité alimentaire de l’industrie porcine a une longue histoire, et la première version du programme a été déployée il y a plus de 20 ans et a aidé l’industrie à obtenir ses consommateurs actuels et à en acquérir de nouveaux, comme le marché japonais, qui vaut 1 milliard de dollars et dont l’accès est assujetti à l’assurance de la salubrité alimentaire.
Le volet animal de l’EPC — PorcBIEN-ÊTRE — reflète l’adoption du code de pratique de 2014 concernant la façon dont les porcs devraient être traités et élevés à la ferme. Le code de pratique est crédible et largement reconnu par les intervenants du gouvernement et de l’industrie comme reflétant les normes courantes de l’industrie. Nous nous engageons, en tant qu’industrie, à appliquer les pratiques de soins des animaux décrites dans le code. Notre adhésion à ce code accroît la confiance du public et des consommateurs.
Le dernier volet de l’EPC — PorcTracé — permet la traçabilité des animaux vivants, ce qui produit une valeur ajoutée pour les consommateurs. PorcTracé permettra à notre industrie de mieux gérer une éclosion de maladie potentielle. Les délais d’intervention améliorés réduisent les conséquences économiques sur l’industrie et permettent d’éviter de coûteuses perturbations du marché. En limitant ainsi rapidement les problèmes, l’industrie porcine a de meilleures chances de reprendre ses activités en une plus courte période qu’elle en aurait normalement sans système de traçabilité.
PorcTracé, qui fonctionne conjointement avec un solide protocole de biosécurité à la ferme, procure à l’industrie porcine canadienne un avantage concurrentiel en offrant aux acheteurs et aux pays importateurs des mesures de sécurité de la production améliorées qui rendent le secteur résilient aux perturbations du marché découlant de maladies ou de problèmes liés à la salubrité des aliments. Cette sécurité améliorée procure aux acheteurs de porc une tranquillité d’esprit quant au fait que leur porc provient de l’une des chaînes d’approvisionnement les plus sécuritaires au monde. Le Canada compte parmi seulement quelques pays à avoir lancé un système national de traçabilité du porc. Comme il fait partie des premiers pays à avoir lancé un programme, le Canada se taille une place en tant que chef de file mondial.
Je voudrais prendre un instant pour aborder l’innovation. Nous sommes heureux que le gouvernement canadien se soit concentré sur ce domaine. Grâce au programme Agri-science, les éleveurs de porc pourront contribuer à leur partenariat à long terme avec Agriculture et Agroalimentaire Canada en utilisant la recherche pour aborder les changements fondamentaux dans notre industrie.
Nos efforts de recherche sont dirigés par Swine Innovation Porc, qui a son siège social à Québec et qui favorise les activités de recherche dans le secteur porcin canadien. Son principal objectif consiste à accroître la rentabilité et le développement durable au sein de l’industrie porcine canadienne en appuyant la mise au point des technologies les plus novatrices possible qui profiteront à l’ensemble de la chaîne de valeur du porc.
Même si le secteur du porc a grandement profité des grappes agroscientifiques, les ressources que nous pouvons mettre à contribution sont limitées. En 2016, le CCP a mené à bien le processus public de création d’un organisme de promotion et de recherche. Les éleveurs auraient ainsi accès à une nouvelle source de financement de l’industrie qui pourrait servir à élargir notre programme d’innovation. Cet organisme est absolument essentiel à nos améliorations à venir. Nous avons hâte que le gouvernement canadien termine l’examen de notre demande et prenne les mesures nécessaires pour établir cet organisme.
Avant de conclure, monsieur le président, les éleveurs de porc et les transformateurs profitent de leur capacité de soutenir la concurrence à l’échelle mondiale et d’un accès amélioré au marché. Toutefois, nous ne pouvons pas oublier les conséquences de cette situation sur les Canadiens. Des études montrent régulièrement que le coût croissant des aliments compte parmi les principales préoccupations des consommateurs canadiens et qu’ils veulent que les aliments sains restent abordables. Une industrie porcine canadienne concurrentielle à l’échelle mondiale garantira que les Canadiens ont accès à du porc et à des produits dérivés de grande qualité, produits à l’échelon local et à un prix concurrentiel. Toutefois, nous ne pourrons pas répondre à cette attente si nous sommes restreints au marché intérieur, et nous avons hâte que d’autres accords commerciaux soient conclus dans l’avenir.
Je voudrais remercier le comité de l’invitation à comparaître aujourd’hui et de son attention. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
[Français]
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Stordy.
La parole est à vous, monsieur Lavoie.
[Traduction]
Martin Lavoie, président et chef de la direction, Canada Porc international : Au nom de Canada Porc international et de ses membres, je veux vous remercier de la possibilité de me présenter aujourd’hui pour aborder l’expansion des produits transformés et des produits à valeur ajoutée dans le secteur de l’exportation du porc.
Canada Porc international a été établi en 1991. Nous sommes l’organisme de développement des exportations de l’industrie porcine canadienne, alors nous gérons maintenant la promotion du marché intérieur et du marché international. Nous sommes une filiale commune du Conseil canadien du porc, qui représente les éleveurs de porc — Gary provient de cette organisation —, et du Conseil des viandes du Canada, qui représente les emballeurs et les vendeurs de porc du Canada.
L’industrie porcine canadienne exporte plus de 4 milliards de dollars de porc chaque année vers plus de 100 pays différents. Pour vous donner une idée du volume de nos activités, nous exportons 50 000 conteneurs maritimes par année. Le porc est la première industrie de la viande en importance au Canada, et elle génère beaucoup d’activités économiques.
Pour mon exposé, j’ai décidé de simplement aborder les trois principaux sujets qui figuraient dans votre invitation.
D’abord, concernant l’avantage concurrentiel de la valeur ajoutée au sein de l’industrie porcine canadienne, je pense qu’il importe que l’on comprenne ce qu’est la valeur ajoutée au sein de cette industrie.
Nous avons des produits à valeur ajoutée; nous prenons du jambon pour faire du jambon cuit, du bacon, des saucisses, des viandes froides et des produits transformés. Il s’agit d’une façon de procéder. Du point de vue des exportations, actuellement, ces produits ne représentent que 320 millions de dollars sur 4 milliards de dollars. Une grande part de cet argent n’est même pas liée aux produits transformés; ce sont des moyens d’expédier la matière brute vers le Japon. Ces activités comptent pour de gros volumes. Le Canada est un peu sous-développé en ce qui a trait aux exportations de produits transformés.
L’article le plus important en ce qui concerne les exportations de porc canadien, du point de vue de la valeur ajoutée, c’est le porc réfrigéré. Il s’agit notamment de coupes, de longes, de filets et de flans. Grâce au processus que suivent nos exportateurs et à leur dévouement, nous pouvons nous débrouiller pour obtenir une durée de conservation de 60 jours. Voilà pourquoi nous exportons du porc réfrigéré vers le Japon et que nous connaissons beaucoup de succès. Le Canada possède la moitié de la part du marché de l’importation de porc frais au Japon, et il s’agit du gros de la valeur ajoutée dans l’industrie porcine canadienne.
Je voudrais aborder la valeur qui peut être ajoutée à la carcasse. À mes yeux, si nous avons accès aux marchés et que nous travaillons dans le but d’obtenir le meilleur accès et les meilleures occasions commerciales relativement à chacun des morceaux ou à chacune des coupes de porc, nous apportons réellement une valeur ajoutée à l’industrie. Par exemple, si nous pouvons expédier les têtes vers la Chine à 1,50 $ le kilo et que notre deuxième meilleure option est 75 cents sur l’autre marché, la valeur ainsi ajoutée est équivalente à celle des produits de luxe. Il s’agit d’un autre domaine qui est intéressant pour ce qui est de comprendre où nous apportons une valeur ajoutée en tant qu’organisation et en tant qu’industrie.
Nous avons aussi l’occasion de travailler à produire de la valeur ajoutée à la ferme. Si vous avez des races particulières, comme du porc Berkshire ou du porc qui présente certaines caractéristiques génétiques propres au Japon, vous apportez une valeur ajoutée. C’est la même chose pour les aliments du bétail. Si vous avez un programme sans antibiotiques ou un produit biologique, c’est une autre façon d’apporter une valeur ajoutée, et pas seulement à l’échelon de l’usine ou du marketing.
Le Canada compte beaucoup d’avantages concurrentiels en ce qui concerne la valeur ajoutée des produits. Nous sommes certainement reconnus pour la qualité. Nos exportateurs sont dévoués. On ne peut pas obtenir une durée de conservation de 60 jours d’un produit si on n’a pas travaillé sur chacun des aspects de la chaîne de valeur. Si on en manque seulement un, le produit ne sera pas convenable, au bout du compte. Nous avons la souplesse nécessaire. Nos usines sont petites et peuvent s’adapter afin d’adopter l’approche relative à la valeur ajoutée. Nous avons une réputation de marque. La crédibilité de nos services d’inspection fournis par l’ACIA est excellente. Comme je l’ai dit, nous disposons de petites usines et d’une certaine souplesse.
Essentiellement, dans le cas du porc réfrigéré, nous jouissons d’avantages clés, lesquels sont — encore une fois — la qualité du produit et le savoir-faire. À l’exception des États-Unis, peu de pays peuvent se débrouiller pour exporter du porc réfrigéré. C’est le résultat de 30 années d’expérience et d’amélioration continue. Je suis dans l’industrie depuis 20 ans, et j’ai vu le nombre de jours de conservation augmenter parce que les responsables n’arrêtent pas de se dépasser. En tant qu’organisation, nous travaillons sur des analyses comparatives afin de nous assurer que la qualité augmente toujours.
Notre situation géographique nous est très utile. Actuellement, en ce qui concerne le marché japonais, nous sommes protégés des exportations européennes. Les produits européens ne peuvent pas se rendre jusque dans ce pays assez rapidement pour qu’il leur reste encore une durée de conservation suffisante. Pour ce qui est des marchés d’exportation clés de porc réfrigéré, comme le Japon, la Corée et la Chine, qui s’ouvrira bientôt — je pense que ce marché vient tout juste de s’ouvrir à la suite de la mission menée par le premier ministre l’automne dernier —, d’excellentes occasions nous attendent également.
En ce qui concerne les produits transformés — le jambon et les saucisses —, actuellement, le Canada accuse du retard. Nous sommes le chef de file dans le domaine de la viande fraîche réfrigérée. Nos principaux concurrents sont l’Europe et les États-Unis. L’offre des États-Unis est dynamique et comprend des marques — Johnsonville — que vous trouverez dans pas mal tous les pays du monde. L’Europe a la capacité, grâce à ses spécialités régionales, comme le jambon serrano — le produit italien —, d’effectuer à l’étranger des ventes de produits de grande valeur sur des marchés à créneau précis. Il s’agit également en partie de centaines d’années à avoir fait un produit d’une certaine manière, et il y a une reconnaissance internationale à cet égard.
L’autre élément est la capacité de générer un produit à valeur ajoutée dans le but de répondre à la demande des consommateurs mondiaux, tout en demeurant concurrentiels au Canada. Le pays a tout ce qu’il faut pour accroître ou améliorer davantage sa valeur ajoutée. Comme je l’ai mentionné, nous sommes déjà des chefs de file dans le domaine du porc réfrigéré, et nous pensons que, grâce au PTPGP et aux possibilités d’échanges commerciaux avec la Chine, nous aurons une occasion exceptionnelle de renforcer cette position. Notre industrie n’a pas pris tellement d’expansion au cours des dernières années, du point de vue du volume, mais notre valeur commerciale a augmenté. Nous sommes en mesure de transformer de la viande congelée en viande réfrigérée et d’apporter ainsi une valeur ajoutée. Nous devons encore faire croître l’industrie porcine canadienne. Bien franchement, elle exporte 70 p. 100 de sa production, alors, les exportations — la valeur ajoutée — sont en fait son seul moyen de rester concurrentielle. Si nous perdions ces exportations, nous deviendrions extrêmement peu concurrentiels. Dans notre cas, je pense qu’il est vraiment utile de pouvoir soutenir la concurrence, notamment celle des États-Unis, sur notre marché intérieur, ainsi que celle de l’Europe. C’est le moyen qui nous permettra de demeurer concurrentiels et de nous assurer que nos entreprises connaissent du succès et sont rentables.
En outre, dans le but de promouvoir ces exportations, en nous fondant sur les programmes qu’a mentionnés Gary — la plateforme Excellence du porc canadien, PorcTracé et PorcBIEN-ÊTRE —, nous avons établi la marque « porc canadien vérifié ». Nous faisons du Canada une marque internationale. Si vous regardez le succès que nous avons connu récemment au Japon, l’un des aspects est la reconnaissance par les consommateurs japonais de la qualité du porc canadien, et ils sont capables de le constater et de reconnaître les produits. Cette situation crée vraiment une mode et suscite des intentions d’achat — en fait, manifestement des achats —, puisque nous avons triplé nos exportations de porc réfrigéré vers le Japon au cours des cinq dernières années, de sorte que notre stratégie favorise vraiment les décisions d’achat. Nous sommes en train d’établir une marque qui ajoute de la valeur au produit, au profit de nos membres. Il s’agit d’un volet très important de nos activités.
Enfin, si le soutien devait être fourni dans les domaines de la technologie, du marketing, de la certification environnementale et de la propriété intellectuelle… Je vais aborder ce qui, selon moi, sont les quatre éléments cruciaux.
D’abord et avant tout, c’est l’accès au marché. Nous le constatons. Il y a actuellement la situation relative à l’ALENA, mais l’occasion qui a été créée grâce au PTPGP pour le porc réfrigéré et transformé… Pour la première fois en 20 ans, j’entends les Japonais dire qu’ils voudraient importer du bacon du Canada. Grâce à ce succès, certains de nos petits transformateurs vendent maintenant au Japon de la saucisse portant la marque « porc canadien vérifié ». Nous établissons tous des choses. Le fait qu’en ce qui concerne les produits transformés, le tarif passera directement à zéro, est extrêmement positif et prometteur pour notre industrie, et le Japon représente déjà un marché de 1 milliard de dollars.
Nous avons la possibilité d’améliorer encore plus la situation, en travaillant pour accroître notre part de marché en Chine. Il existe d’autres marchés qui sont très importants, et certains accords commerciaux particuliers sur lesquels, selon moi, il serait excellent que nous travaillions, comme la Caricom, par exemple, qui pourrait présenter beaucoup de possibilités pour les produits transformés dans les hôtels situés dans cette région du monde.
L’autre aspect qui est important, c’est la notion selon laquelle, si on veut produire une valeur ajoutée, il faut des effectifs et de la technologie. Nos usines sont vraiment en pénurie de main-d’œuvre. Qu’il s’agisse du domaine des produits transformés ou simplement de la production d’une valeur ajoutée, si on ne dispose pas des travailleurs nécessaires, on enverra les coupes avec l’os, alors on ne produira pas de valeur ajoutée au Canada en raison d’une pénurie de main-d’œuvre. C’est extrêmement important. Nos usines doivent garder la valeur ici, au Canada, et vendre les produits les plus transformés possible. Il ne s’agit pas nécessairement seulement de valeur ajoutée; plus on désosse et dépèce le produit, plus on crée de valeur ajoutée au pays, et plus il y aura d’emplois au Canada, et non dans d’autres pays. Évidemment, c’est en parallèle, mais nous aurons besoin de soutien afin de doter les usines de la technologie nécessaire et d’effectuer les recherches requises pour appuyer ce projet.
Surtout lorsqu’il est question d’un produit à valeur ajoutée comme le porc réfrigéré, la stabilité de notre infrastructure et du contrat de travail est extrêmement importante. Nous n’avons pas de produits congelés qui peuvent rester dans un entrepôt pendant des mois. Quand nous travaillons avec un produit frais à destination de l’Asie, il importe réellement que l’infrastructure soit stable, aux ports de l’ensemble du pays ainsi que dans nos installations ferroviaires. Plusieurs problèmes se posent sur ce plan.
J’ajouterais qu’il importe que nous obtenions le soutien du gouvernement à l’égard de la promotion du marché. Actuellement, notre objectif consiste à accroître nos exportations agricoles afin qu’elles s’établissent à 75 milliards de dollars. Ce que nous observons maintenant, c’est un engagement excessif envers CA3 dans le cadre du programme Agri-marketing, alors, jusqu’ici, notre budget promotionnel est réduit de 1 million de dollars. Nous travaillons sur certains secteurs, là-bas, mais je pense que ces éléments ne correspondent pas avec la voie que nous voulons suivre en tant que pays, soit produire une valeur ajoutée pour davantage d’exportations agroalimentaires. Je pense que le soutien de la promotion des exportations sera extrêmement important. Comme l’a souligné Gary, selon moi, la création de la contribution de l’agriculteur aux produits importés des États-Unis sera d’une importance cruciale pour appuyer notre industrie.
En conclusion, je pense qu’il y a une occasion exceptionnelle de concentrer nos efforts sur le porc à valeur ajoutée du Canada, mais le soutien par l’accès au marché, la promotion commerciale, la main-d’œuvre et la technologie sera essentiel pour que l’on puisse répondre à la demande du marché mondial. Malgré toute opinion ou tout ce que nous pouvons entendre au sujet de la consommation de viande, le marché mondial est assurément en croissance. Les possibilités sont de plus en plus importantes, et je pense que nous devons être bien placés pour tirer profit de ces occasions.
[Français]
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Lavoie, pour votre excellente présentation.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Merci de votre présence.
Monsieur Stordy, vous avez mentionné un code de pratique, lequel, je présume, est appliqué à la ferme. Comment cela se traduit-il sur le marché? Parlez-vous du code de pratique lorsque vous faites la promotion de votre porc? Comment procédez-vous? Si j’étais un client, quel message me transmettriez-vous au sujet du code de pratique avant que j’achète votre porc?
M. Stordy : Il est sûr que le code de pratique décrit la façon dont les animaux devraient être traités dans une exploitation. Il s’agit en fait d’un long document que notre industrie et nos organisations utilisent et dont elles retirent essentiellement les aspects les plus importants pour ensuite les mettre en œuvre dans le cadre de notre programme PorcBIEN-ÊTRE. Notre industrie utilise ce code, puis, dans le cadre du programme PorcBIEN-ÊTRE, essentiellement, nous nous assurons que les éleveurs respectent les attentes quant à leur façon de faire. Nous validons les pratiques, ou bien une personne se rend à l’exploitation afin de s’assurer que l’éleveur respecte essentiellement ces processus ou qu’il suit ces étapes quant à la façon de traiter les animaux et qu’il a établi les protocoles nécessaires. Il s’agit là d’une partie du code. C’est à la ferme.
L’autre chose, c’est que le code nous permet de dire : « Voici comment nous traitons nos animaux. » Il s’agit d’un effort visant à rassurer le client, que ce soit du côté de la transformation ou même seulement pour le client qui achète le porc tous les jours. Cette partie du code décrit l’attente quant à la façon dont les animaux devraient être traités par les éleveurs qui s’en occupent. C’est quelque chose qui est validé, puis vérifié. En cas de situation où il pourrait se passer quelque chose ou qu’un protocole n’est pas respecté, le code prévoit la mesure corrective visant à garantir que la situation en question est réglée, que l’éleveur est informé de ce qui devrait se passer et que le problème ne se reproduise plus.
M. Lavoie : Je pourrais ajouter quelque chose à la réponse de Gary afin d’affirmer que, du côté du marketing, il s’agit d’un élément important qui sous-tend notre plateforme de promotion des exportations. Un consommateur du Japon voit la marque « porc canadien vérifié ». Par exemple, les étalages de viande portent des pochettes contenant des renseignements ou une affiche, du matériel de publicité sur les lieux de vente. Nous affichons les sept promesses liées à notre marque, y compris l’environnement, l’absence d’hormones et le fait qu’il s’agit de porc canadien, et PorcBIEN-ÊTRE fait partie des éléments promis par la marque. Alors, un client japonais pourrait poser la question suivante : « Qu’est-ce que j’achète lorsque j’achète du porc canadien? » Il s’agit de l’une des sept promesses, alors nous intégrons vraiment cet élément.
On nous dit — surtout dans le cas des acheteurs japonais — que cela intéresse les consommateurs et que c’est une autre chose dont les Américains ne font pas la promotion et qui nous procure assurément un avantage. En ce qui concerne les perceptions, cela donne clairement l’impression que le porc canadien est de meilleure qualité et lui donne une meilleure image, et notre stratégie contribue réellement à cette situation.
Le sénateur Mercer : Vous avez mentionné que la recherche est l’une des fonctions majeures, bien entendu, de l’industrie tout entière afin d’accroître les profits. Quelles visions vos recherches ont-elles apportées à la porcherie ou au marché?
M. Stordy : Pour établir un lien entre une partie de cette question et celle que vous avez posée auparavant, il y a la façon dont les animaux ont été élevés. Il s’agit d’un domaine où la préférence des consommateurs indique qu’ils voudraient que les animaux ne soient pas élevés dans des stalles à truies… Il s’agit certainement d’un élément. Au cours des trois dernières années, nous avons constaté qu’un certain nombre de nos éleveurs utilisent ce système particulier depuis plusieurs années et croient en ce système. Nous devions découvrir quelles étaient les solutions de rechange, comment procéder pour élever des animaux d’autres façons, effectuer des recherches afin de recenser les autres systèmes et, honnêtement, réinventer la façon de faire afin que les éleveurs qui vont de l’avant, qu’il s’agisse de construire une nouvelle porcherie ou de vouloir investir dans ce système particulier pour élever les animaux, disposent des renseignements les plus exacts possible. Ils disposent de projets pilotes relativement à ce qui peut être fait, dans des installations existantes ou dans de nouvelles installations. L’avantage de ce système tient au fait qu’il s’agissait de recherches dirigées par les éleveurs, lesquels versaient une partie de leurs redevances pour chaque animal mis sur le marché et réinvestissaient dans leur propre élevage afin de s’adapter et d’étudier les demandes sur le marché, de tenir compte de la façon dont d’autres options peuvent être réalisées et de le faire vraiment d’une manière efficiente et concurrentielle. Tout cela n’aurait pas été possible sans — essentiellement — le soutien et l’intérêt des éleveurs à l’égard de la recherche, puis, ensuite, de l’avenir.
Le sénateur Doyle : Merci de vos exposés.
Vous avez donné l’impression que nos produits du porc ne font pas de grandes percées sur le marché européen. Est-ce parce que vous ou le gouvernement devriez mieux en faire la promotion? Le gouvernement devrait-il en faire un peu plus afin de tenter de vous faire entrer sur ces marchés aujourd’hui?
M. Lavoie : Vous posez la question au sujet de l’Europe précisément?
Le sénateur Doyle : Oui.
M. Lavoie : Je pense qu’il y a parfois des cycles de marché, en Europe. Évidemment, dans le monde… Heureusement, nous ne mangeons pas les mêmes parties du porc. Le marché asiatique aime des coupes particulières que nous n’aimons pas au Canada. Nous importons les flans et les côtes d’Europe. Notre principale cible aux fins des exportations est le jambon. Au cours des 15 dernières années, le jambon aurait constitué une excellente occasion commerciale, mais, compte tenu de la situation actuelle sur le marché, il n’est pas aussi attrayant d’exporter du jambon vers l’Europe que vers la Chine, le Mexique ou d’autres marchés.
Si nous regardons les perspectives pour l’Europe, ce ne sera probablement pas dans le domaine des produits transformés et à valeur ajoutée. L’Europe est bien développée, dans le sens que les Européens aiment bien disposer de produits locaux. Je pense que l’occasion qui se présente pour le Canada est d’exporter des coupes particulières ayant une plus grande valeur que sur tout autre marché et qui seront transformées en Europe. Il y aura des possibilités. Si on regarde le volume que nous possédons, il est encore assez petit comparativement à la taille du marché, mais nous n’en tirons pas pleinement profit. Il s’agit surtout d’une situation de marché. Actuellement, dans le cas de l’Europe, je ne pense pas que la promotion serait utile. Elle serait utile sur d’autres marchés, mais ce n’est pas la situation dans le cas de l’Europe actuellement.
Le sénateur Doyle : Nous entendons dire que l’AECG pourrait très bien améliorer la valeur du porc canadien. Est-ce un fait? Pourriez-vous obtenir plus en échange de vos produits du porc en conséquence de cet accord?
M. Lavoie : Je pense assurément que, à long terme, c’est quelque chose de positif. Depuis sa mise en œuvre, nous n’avons pas pu effectuer beaucoup d’échanges commerciaux. Toutefois, si on regarde l’accord d’un point de vue réaliste, la possibilité qu’offrent les tarifs réduits est de 60 000 tonnes. Nous exportons presque 1,3 million de tonnes. Il faut mettre cela en perspective. Le commerce a augmenté, mais cet accord ne change pas la donne autant que le pourrait un accord avec le Japon ou la Chine, par exemple.
M. Stordy : Notre industrie est encore un fervent partisan de l’AECG. Il y a eu quelques pépins en cours de route relativement à la compréhension des conditions du marché et de la façon d’y accéder. Ces problèmes se règlent lentement. Martin a raison d’affirmer qu’actuellement, les conditions du marché ne sont pas favorables pour que nous puissions expédier nos produits ou remplir le quota. Cette situation pourrait facilement changer. Si quelque chose arrive sur un autre marché clé, Martin et certains des autres commerçants rechercheront les meilleures occasions et les endroits où ils pourront obtenir les meilleurs rapports qualité-prix ou les meilleurs prix pour ce produit particulier. C’est là que le marché de l’UE pourrait entrer en jeu. Aujourd’hui, il s’agit d’un marché potentiel. Nous n’expédions pas beaucoup de produits, mais nous en expédions certains; toutefois, cette situation pourrait changer d’ici un an ou deux, puis nous serons heureux d’avoir conclu l’AECG.
Le sénateur Oh : Je vous remercie de vos exposés.
Je veux aborder un peu les marchés d’exportation vers l’Asie. Je crois savoir que votre secteur du porc achemine de la viande vers le marché asiatique. Selon votre site web, en ce qui concerne le porc canadien, en 2017, la Chine, le Japon, les Philippines, Taïwan et la Corée du Sud comptent parmi les 10 principales destinations d’exportation. Pouvez-vous nous faire une mise à jour? Je pense qu’un projet pilote est en cours en Chine. Si vous pouvez exporter pour 1 milliard de dollars de produits vers le Japon, la Chine compte une énorme classe moyenne qui dépend de produits de bonne qualité et salubres provenant du Canada.
M. Lavoie : En 2016, nous avons exporté pour 600 millions de dollars vers la Chine, ce qui est déjà une somme très importante.
Gary a affirmé qu’il y a parfois un déplacement des produits lorsque des marchés se ferment. Nous avons perdu le marché russe, qui représentait un marché important pour nous. Après certains rajustements, je pense que la Chine est maintenant le marché qui stimule le nôtre.
Si vous regardez la progression de nos exportations en Chine, nous avons commencé par les sous-produits, c’est-à-dire les pattes, les abats et les têtes. C’est toujours la base, en Chine. C’est comme cela depuis le début. La valeur ajoutée que nous avons produite pour en arriver à 600 millions de dollars est liée à certaines coupes destinées à la transformation. Beaucoup de jambons se font désosser et transformer en Chine. Il s’agit d’un article qui vaut plus cher, et nous possédons maintenant les volumes et la valeur ajoutée.
Je pense que la prochaine occasion que nous donnera le projet pilote sera de tendre la main aux supermarchés haut de gamme de la Chine. La capacité de payer sur ces marchés est tout aussi bonne qu’au Japon, si elle n’est pas plus grande. Il s’agit d’une occasion exceptionnelle de faire du porc canadien la référence et d’apporter l’expérience que nous avons acquise au Japon de manière à nous assurer que nous tirons davantage profit de cette possibilité.
Ce qui est formidable au sujet de la Chine, c’est que ce ne sont pas exactement les mêmes coupes qu’au Japon. Nous pouvons ainsi apporter une valeur ajoutée à la carcasse, tout en ayant des coupes qui n’étaient pas incluses dans les produits réfrigérés. L’apport de cette valeur ajoutée au porc frais nous permet d’ajouter plus d’un dollar le kilo au produit congelé par rapport aux produits réfrigérés destinés à ces marchés.
On n’a pas besoin de beaucoup de soutien à la mise en marché pour vendre des retailles ou du gras congelés dans une boîte que l’on envoie vers l’Afrique du Sud ou ailleurs. Nous avons besoin d’un autre type de soutien. Voilà pourquoi le volet du financement agricole est très important. Il faut sensibiliser les consommateurs de la Chine au fait que les acheteurs ont certains produits au moment où on arrive sur le marché à valeur ajoutée, comme on le fait en Chine.
L’Asie offre plusieurs possibilités. J’ai mentionné le grand succès connu au Japon, notamment, avec plus de 1 milliard de dollars canadiens d’exportation au cours des deux dernières années. La Chine est là. Je pense qu’il y a une excellente occasion de retourner en Corée. Le Canada était le principal exportateur de porc vers ce pays il y a sept ans, avant que tous les autres pays commencent à avoir un avantage par rapport à nous grâce aux ALE. Maintenant, nous rattrapons le retard. Il s’agit d’un marché où nous aurons besoin de plus de soutien. Singapour est un petit marché, mais un endroit riche, où nous pourrions vendre des produits à valeur ajoutée. Même sur des marchés comme celui des Philippines, il serait possible de vendre des produits congelés, mais de marque.
Nous venons tout juste d’établir notre plan stratégique. Évidemment, nous examinons l’Asie. Quand je parlais de croissance et de consommation de viande, la croissance en Asie est loin d’être terminée, et il s’agit de la principale cible. Il y a d’autres régions, mais, selon moi, c’est de là que proviendra la majeure partie de la demande de porc du Canada.
Le sénateur Oh : Le comité a effectué un voyage en Chine et s’est rendu à Shanghai, à la plus grande foire alimentaire de cette ville. Les éleveurs de bœuf faisaient l’objet d’une importante promotion.
M. Lavoie : Oui, mais leur volume est moins important. Plus de promotion pour un plus petit volume. Était-ce cette année?
Le sénateur Oh : Non, il y a deux ans et demi.
Avez-vous une usine de transformation du porc en Chine aux fins de la valeur ajoutée?
M. Lavoie : Nous avons également pris part aux deux dernières foires alimentaires de la Chine. Il y avait 20 entreprises du Canada qui s’y sont rendues et partageaient notre kiosque.
Nous disposons également d’un bureau à Shanghai pour appuyer les ventes. Nous sommes là afin non pas de vendre le produit pour nos membres, mais offrir un soutien de mise en marché et d’organiser des démonstrations en magasin afin de faire la promotion du porc canadien.
Les besoins liés à la promotion évoluent au fil du temps. La Chine est là en raison de la possibilité qu’offrent les produits réfrigérés. Nous lui en sommes très reconnaissants de cette occasion. Il reste encore des éléments à corriger. Ce n’est pas parfait, mais il s’agit assurément d’une occasion dont nous allons profiter. Je pense que ce marché présente beaucoup de potentiel.
Actuellement, la valeur des exportations de produits réfrigérés vers le Japon est d’environ 800 millions de dollars, et de 45 à 50 millions de dollars de ces produits sont envoyés en Corée. Ce marché devrait croître, mais la Chine se retrouvera assurément quelque part entre le Japon et la Corée à court terme. Dans ce cas, le potentiel de croissance est illimité.
Le sénateur Oh : Qu’en est-il du PTP? En quoi influera-t-il sur votre marché d’exportation vers la région dans son ensemble?
M. Stordy : Il changera les choses de façon importante. Il garantit principalement l’accès à un marché clé que nous avons déjà : le Japon. Il nous procure ainsi un plus grand avantage concurrentiel par rapport à certains pays qui ne sont pas inclus. Il nous permet également de livrer concurrence à d’autres pays qui ont accès au Japon. Ce pays est un marché de 1 milliard de dollars pour nous. Il s’agit d’un marché important, mais les Japonais importent des produits d’autres pays, des États-Unis et de l’UE. L’Union européenne vient tout juste de terminer et de signer un accord, et la mise en œuvre a eu lieu. L’accord de libre-échange UE-Japon est en place, alors l’industrie de l’UE profite de ces conditions de marketing favorables, à notre détriment.
En ce qui nous concerne, comme l’a indiqué Martin, nous aurons une réduction du tarif. Nous jouirons d’une réduction à certains autres égards qui améliorera l’accès potentiel au marché pour certains des produits transformés et ayant subi un conditionnement supplémentaire. C’est incroyablement important.
De plus, le choix envisagé est intéressant. Le Japon est un marché d’encrage pour nous. Nous nous débrouillons bien en Chine, mais, dans le cadre du PTPGP, le Vietnam sera un nouveau marché important pour notre industrie. Il est certain que c’est positif.
Le sénateur Marwah : Merci de vos exposés.
Je veux aborder de façon plus détaillée l’accès au marché. Je crois savoir que les accords de libre-échange sont positifs pour vous, et c’est merveilleux. Avez-vous fait face à des obstacles non tarifaires sur les marchés où vous vous trouvez? Certaines des autres industries qui ont témoigné ici ont mentionné qu’il s’agissait d’un problème auquel elles avaient été confrontées. Pendant qu’on réduit d’un côté, on augmente de l’autre afin d’interdire l’accès au marché. Vivez-vous cette situation en ce qui a trait à vos produits dans les pays où nous avons conclu un accord commercial?
M. Stordy : Absolument. Il s’agit d’une préoccupation de plus en plus importante pour l’industrie. De notre point de vue, un certain nombre de pays mettent en œuvre certains de ces obstacles non tarifaires. Qu’il s’agisse de s’attaquer aux maladies dans le cadre de la production à la ferme ou de retarder l’inspection de nos installations, de mettre plus de temps à certifier nos usines, nous croyons que ce sont tous des obstacles à l’accès à ce marché qui se sont parfois présentés après la conclusion d’un ALE ou dans le cadre d’un tel accord. Ces obstacles nuisent à l’expansion de l’accès au marché ou à l’amélioration et à la diversification des ventes dans certains de ces pays.
Tout d’abord, nous savons que nous disposons de fonctionnaires très travaillants, que ce soit à l’ACIA ou à Agriculture Canada. Il ne fait aucun doute que, dans bien des cas, ils sont fortement sollicités par les exigences de l’industrie. Pour notre part, nous constatons le besoin, qu’il s’agisse de se concentrer davantage sur certaines des priorités clés ou sur l’offre d’un soutien plus important, ou bien que ce soit à l’échelon du pays afin de faire affaire avec d’autres gouvernements fédéraux, car ce n’est que le gouvernement fédéral qui peut s’adresser à ses homologues, de notre point de vue, et régler certains de ces problèmes.
Une participation accrue au sein de certains des organismes nationaux mondiaux, que ce soit l’OIE ou l’OMC, serait certainement avantageuse.
De plus, pour faire tout cela, il faut de l’argent, des ressources et des gens, et on doit s’assurer que les personnes qui sont là possèdent les antécédents et le savoir-faire nécessaires pour participer à la discussion. Ces trois éléments comptent parmi les aspects sur lesquels nous croyons que nous pourrions nous concentrer afin de contribuer à éliminer certains des obstacles non tarifaires et de comprendre d’où ils proviennent.
L’AECG serait le meilleur exemple pour nous. Nous sommes de très fervents partisans de cet accord. Au moment où nous avons commencé à comprendre comment accéder à ce marché et à enquêter là-dessus nous avons appris que, sans égard au prix, il existe une exigence relative aux importations dans l’UE appelée Visez santé. On a tenu de nombreux échanges pour tenter de comprendre comment régler cette affaire et répondre aux attentes de l’UE pour l’avenir. L’ACIA était essentiellement l’organisme directeur responsable de comprendre ces éléments et s’est fait une idée de la façon dont cette exigence pouvait être mise en œuvre. Malheureusement, elle n’était pas réalisable. La situation a fini par être réglée, mais il a fallu qu’une personne travaillant dans un bureau régional trouve une façon de faire avancer les choses.
Je raconte cette longue histoire parce que c’était quelque chose qui nous a agacés et agités pendant deux ou trois ans, et la situation a été réglée simplement grâce à un certain dévouement et, honnêtement, par chance à un niveau plus bas que le palier national.
M. Lavoie : Il est clair que certains pays ont recours à cette pratique comme moyen de contrôler leur marché. Il y a la partie officielle, mais il existe divers moyens, comme le simple fait de retirer une usine ou quelques usines de la liste. Plus nous faisons affaire avec les pays de l’Europe de l’Est, plus j’observe de ces cas. Il y en a eu beaucoup par le passé, où il s’agissait en réalité de contrôler l’offre sur le marché.
Ce qui est important et qui s’ajoute à ce que disait Gary, c’est que l’on soit en mesure de bien communiquer avec l’industrie et simplement de comprendre de quoi il s’agit. Parfois, on est distrait, sur le plan technique, mais, si on comprend vraiment que c’est politique, que c’est un marché et qu’il y a des pressions exercées par les producteurs locaux pour que ce genre de mesures soient prises, on aide ainsi le gouvernement à avoir une meilleure réaction, et on peut parfois ménager les efforts sur le plan technique afin de régler un problème qui n’est pas technique. Selon moi, la compréhension réelle de la dynamique du marché est un élément très important.
Beaucoup d’intervenants s’améliorent visiblement, jusqu’à un certain point. D’autres refusent depuis toujours de faire quoi que ce soit de ce côté. En conséquence, certains autres pays vont contester pendant longtemps les ajouts, en particulier lorsque les politiques gouvernementales orientent les importations d’aliments.
Le sénateur Marwah : Parlons de la réglementation. Je comprends que la réglementation, d’un côté, vous donne une meilleure réputation en matière de qualité et de sûreté alimentaires et assoit votre marque. D’un autre côté, la réglementation vous empêche-t-elle de prendre des mesures rapides ou d’être compétitifs? La réglementation en vigueur au Canada est-elle un problème? Évolue-t-elle au même rythme que la technologie? Reflète-t-elle l’orientation mondiale?
M. Stordy : Il y a toujours des points à améliorer en ce qui concerne la technologie. Prenez la certification électronique, par exemple. Le gouvernement fédéral veut s’adapter à certaines technologies nouvelles, mais il n’est pas toujours assez rapide.
Le sénateur R. Black : Merci de vos exposés. À l’évidence, vous êtes tous les deux passionnés par le secteur et par votre métier optimistes quant à la situation actuelle et à l’avenir.
Gary, les producteurs sont-ils obligés de se conformer à la plateforme du Conseil canadien du porc?
M. Stordy : La participation est volontaire.
Le sénateur R. Black : Quel est le taux de participation?
M. Stordy : Tous les producteurs qui envoient leurs produits à des établissements inspectés par le gouvernement fédéral participent au programme. La participation est volontaire pour les petits et moyens producteurs locaux qui vendent leurs produits directement, mais tous les producteurs qui expédient leurs produits à des établissements inspectés par le gouvernement fédéral à des fins d’exportation participent à notre programme, étant donné le protocole qui certifie que leurs produits sont exempts de ractopamine.
Le sénateur R. Black : Doivent-ils participer au programme intégral? Vous avez mentionné trois volets.
M. Stordy : Oui.
M. Lavoie : C’est pratiquement tout le monde.
Le sénateur R. Black : Si nous avons accès à certains marchés et que nos exportations augmentent, avons-nous une capacité de production et de transformation suffisante pour ce qui va suivre? En passant, merci de nous avoir expliqué le concept de la valeur ajoutée et les nuances. Je vous en suis reconnaissant.
M. Lavoie : Je vous en prie. Il y a aussi d’énormes investissements relatifs aux installations et quelques agrandissements. Cela s’en vient.
La principale difficulté pour l’instant est de faire en sorte que la production porcine réponde à la demande. Selon les indicateurs, il y a incontestablement une forte demande venant d’Asie. Vu la réputation du porc canadien, nous sommes extrêmement bien placés pour saisir ce genre d’occasions. Nous devons toujours être à l’affût de ce genre de signaux du marché, pour plusieurs raisons, comme le désir d’investir et de prospérer. Nous devons réunir les conditions qui permettent aux producteurs d’investir. Pour les producteurs, l’accès au capital à des fins d’expansion est un facteur clé, mais l’accès est plus restreint au Canada qu’aux États-Unis. C’est pourquoi il y a une forte croissance de la production aux États-Unis, et pas au Canada.
Nous voulons augmenter la production porcine, mais il y a une foule de préoccupations environnementales à respecter et de permis municipaux à obtenir, mais nous essayons présentement de trouver une solution.
M. Stordy : À propos de votre industrie, elle est en train de vivre une période de transition. La prochaine génération de producteurs s’en vient, et nous voulons la soutenir autant que possible; nous voulons nous assurer que les producteurs de porc sont optimistes et qu’ils puissent, pour dire les choses franchement, tirer un rendement de leur investissement. Personne n’investira pour construire une porcherie s’il n’a pas confiance en l’avenir. Nous sommes contents de voir que les transformateurs ont investi dans leurs installations et dans les accords de libre-échange qui leur donnent accès aux marchés.
Il y a encore des problèmes de main-d’œuvre, qui vont persister dans l’avenir. Il y a aussi des problèmes d’accès aux investissements pour qui veut construire de nouvelles porcheries. Dans une certaine mesure, nous sommes dans une période de transition où de vieilles installations sont essentiellement en train d’être remplacées. Pour parler franchement, nous avons besoin de nouvelles porcheries.
Voici un exemple important : aux États-Unis, les producteurs de grandes cultures ou même de maïs veulent qu’il y ait une production porcine sur leurs terres à cause du fumier riche en nutriments. Au lieu d’acheter des engrais chimiques, ils utilisent le fumier de la porcherie. Les porcs sont un produit dérivé de leurs cultures de grande production. Nous voulons davantage de ce genre d’idées. À dire vrai, je m’intéresse à ce qui se fait dans un certain nombre de cultures de grande production dans l’Ouest où il y a de la production porcine.
Le sénateur R. Black : Merci, monsieur Stordy.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai deux questions. Ma première question porte sur l’ALENA. Ces discussions se déroulent plus ou moins bien, et je ne crois pas que les problèmes seront réglés en 2018. On parle de plus en plus de l’ALENA bilatéral, c’est-à-dire entre le Canada et les États-Unis ou le Canada et le Mexique. D’après vous, quel en serait l’impact sur l’industrie porcine?
M. Lavoie : L’impact pour le commerce avec les États-Unis est limité. Il n’y a pas de tarif. Nos tarifs sont à zéro, et il en est de même aux États-Unis. C’est une situation que nous vivons. En ce moment, notre plus gros point d’interrogation s’il n’y a pas d’ALENA, compte tenu de toutes les disputes commerciales, et en l’absence d’une structure organisée, c’est la dynamique entre les États-Unis et le Mexique. À l’heure actuelle, on a l’occasion d’avoir un aperçu du scénario sans l’ALENA, seulement avec les droits compensatoires imposés sur l’aluminium et l’acier. S’il y a une imposition, le tarif au Mexique augmenterait à 20 p. 100. Donc, il y a énormément de produits des États-Unis qui sont exportés au Mexique qui sont à zéro et qui augmenteraient à 20 p. 100, ce qui change vraiment la dynamique de marché.
Toutefois, les deux industries sont trop interreliées pour que ces produits aillent ailleurs. Les importateurs mexicains veulent des produits frais et non congelés. Cela créerait, par la bande, une occasion supplémentaire pour le Canada. Cependant, je crois que le commerce est trop ancré et continuerait, même avec un tarif de 20 p. 100 à absorber. Donc, en fonction des dynamiques de marché, si la demande est faible, c’est davantage le transformateur américain qui l’absorbe; sinon, c’est l’importateur mexicain, et le prix au Mexique va augmenter, en raison du droit supplémentaire. Pour ma part, le scénario de la fin du commerce de l’industrie porcine, je ne le vois pas.
[Traduction]
M. Stordy : Nous nous préoccupons de ce qui va arriver à l’ALENA. L’ALENA est un accord commercial important, grâce auquel notre industrie intégrée s’est développée. Quand je dis « intégrée », je veux dire que nous sommes pratiquement inséparables des États-Unis. Dans les deux sens, les ventes de porc à elles seules se chiffrent à 1 milliard de dollars. Nous vendons pour environ 1 milliard de dollars de porc aux États-Unis, et les États-Unis nous vendent pour environ 1 milliard de dollars de porc. C’est seulement pour les ventes de porc.
La possibilité que l’ALENA soit adopté tardivement ou même pas du tout crée de l’incertitude dans notre marché intégré. Le porc va tout de même continuer de circuler dans l’industrie nord-américaine, mais l’impact se fera sentir sur les producteurs et sur le prix qu’ils reçoivent pour leur produit. Le prix du marché devient instable lorsqu’il y a de l’incertitude ou lorsque la chaîne d’approvisionnement est perturbée, même si ce n’est qu’en apparence, et cela a une incidence sur le prix que les producteurs reçoivent pour leur produit, et malheureusement, la plupart du temps, les prix diminuent.
Nous suivons les négociations de l’ALENA et y participons dans la mesure du possible. Nous travaillons avec nos homologues des États-Unis et du Mexique afin de voir comment nous pouvons moderniser l’ALENA, parce que l’accord initial a été très favorable à notre industrie et a permis à l’Agence canadienne d’inspection des aliments et à l’organisation américaine correspondante de coopérer et de collaborer. Cet aspect a été négligé au fil des ans. C’est grâce à cette coopération que l’industrie nord-américaine s’est améliorée et a pu accéder aux marchés internationaux.
Nous nous préoccupons grandement de ce qui va arriver. Nous surveillons la situation. Je crois que nous serons tous perdants si la situation continue de dégénérer et que nous nous retrouvons la cible de représailles tarifaires.
[Français]
Le sénateur Dagenais : On parle de la fameuse taxe sur le carbone. On sait que certaines provinces l’appliquent, entre autres le Québec, et on sait aussi que la Saskatchewan ne veut pas l’appliquer. Mardi dernier, lors de sa comparution au Comité sénatorial permanent des finances nationales, le ministre Morneau a affirmé qu’il y aura un modèle fédéral pour toutes les provinces, y compris pour celles qui n’appliquent pas la taxe. Or, des élections se tiennent en ce moment en Ontario. Si, pour quelque raison que ce soit, un gouvernement conservateur était élu, on sait que ce dernier souhaite abolir cette taxe sur le carbone. Quel impact cela aura-t-il sur votre production? Certains producteurs ne seront-ils pas tentés de déménager leurs installations dans une province qui n’applique pas cette taxe? On a beau dire que cela a un effet sur les changements climatiques, mais il reste qu’une taxe est une taxe et que cela peut influencer les prix. Je ne sais pas si cette taxe risque d’influer sur le prix du porc. J’aimerais que vous nous donniez vos commentaires sur la taxe sur le carbone et sur les possibilités que certaines industries choisissent de se déplacer.
[Traduction]
M. Stordy : Je dirais que les producteurs ne vont probablement pas déménager dans une autre province à cause de la taxe sur le carbone. Je crois que le principal facteur sera la façon dont chaque province ou chaque gouvernement provincial, pour être précis, va imposer la taxe et comment cela va toucher les producteurs. Peut-être que la province A va décider de rembourser intégralement au producteur la taxe sur le carbone qui a été perçue, et peut-être que la province B va décider d’investir dans autre chose plutôt que de rembourser le producteur. Je n’irai pas jusqu’à dire que cela créerait une situation inéquitable, mais essentiellement, cela affaiblirait la position concurrentielle du producteur A par rapport au producteur B. Si le producteur A n’est plus compétitif, il risque de simplement mettre la clé sur la porte au lieu de déménager, étant donné que les porcheries sont très coûteuses à construire. En plus des considérations techniques et des exigences à respecter, il y a peut-être aussi une famille à prendre en considération, alors le producteur va peut-être songer à d’autres options. En ce qui concerne nos producteurs, je sais qu’ils essaient vraiment présentement de comprendre quels seront les impacts éventuels, — quel sera le coût, pour parler franchement — et comment cela se ferait. Dans bon nombre de cas, ils cherchent toujours des réponses.
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Merci. Je vais profiter de l’occasion pour remercier les témoins. À l’évidence, nous aurions pu continuer longtemps, mais vous nous avez tout de même fourni de bons témoignages, et nous vous en sommes très reconnaissants.
Nous allons accueillir notre deuxième groupe de témoins. Dan Paszkowski, président et chef de la direction de l’Association des vignerons du Canada, et Jan Westcott et CJ Hélie, respectivement président et chef de la direction et vice-président exécutif de Spirits Canada. Commençons par les vignerons.
Dan Paszkowski, président et chef de la direction, Association des vignerons du Canada : Merci et bonjour.
Notre association est le porte-parole national de l’industrie canadienne du vin. Nos membres représentent 90 p. 100 de la production vinicole canadienne. De la culture de vigne à la production de vin en passant par le conditionnement, la distribution, la publicité, la vente au détail ou l’élimination des contenants, le vin est un produit agroalimentaire ayant l’une des plus hautes valeurs ajoutées au monde.
Nos membres sont des agriculteurs, et leurs activités s’inscrivent dans un modèle de gestion à intégration verticale. Notre impact économique dépasse largement les ventes directes et les emplois; nous sommes aussi étroitement liés à l’industrie du tourisme, aux détaillants, aux bars et aux restaurants.
Aujourd’hui, nous comptons plus de 700 établissements vinicoles dans six provinces d’un bout à l’autre du Canada, soit 31 000 acres de vignobles pour 1 800 vignerons. Contrairement à de nombreux autres secteurs de l’économie, une fois que les vignes sont plantées, nos membres ne peuvent pas réinstaller leur exploitation agroalimentaire dans une autre région administrative.
L’industrie vinicole canadienne produit des vins de qualité qui ont remporté de nombreux prix. Elle injecte plus de 9 milliards de dollars dans l’économie nationale, permet à plus de 37 000 personnes de travailler et attire chaque année près de 4 millions de touristes au pays.
Présentement, le marché du vin canadien est au second rang quant à la croissance la plus rapide, et la consommation de vin au pays augmente trois fois plus rapidement que la moyenne mondiale. Vous comprenez pourquoi on se dispute énergiquement l’espace d’étalage. Au cours de la dernière décennie, les ventes de vin au Canada ont augmenté de 116 millions de litres, et les importations ont représenté 68 p. 100 de la croissance.
Le Canada est le sixième importateur de vin au monde, et les ventes de vin par habitant au Canada ont augmenté de 27 p. 100 au cours des 10 dernières années. C’est une tendance encourageante, et les experts prévoient que le marché du vin canadien devrait croître de près de 16 p. 100 d’ici 2021, ce qui veut dire de 90 millions de litres de plus à vendre sur le marché.
L’exploitation agricole a beaucoup d’importance sur les plans social et économique dans l’économie des régions rurales. Cela veut dire que les initiatives agricoles, comme la production vinicole, ont une forte valeur ajoutée, puisque les retombées ne se limitent pas à l’exploitation agricole proprement dite.
La production vinicole à valeur ajoutée permet de créer des emplois, de revitaliser et de diversifier les collectivités rurales, de renforcer la stabilité financière des agriculteurs, de promouvoir une culture propice à la recherche et à l’innovation, de mettre en relief la qualité et l’image de marque des produits régionaux tout en développant les marchés à créneau et de promouvoir les partenariats et les solutions collectives tout au long de la chaîne de valeur de l’industrie agroalimentaire.
De nos jours, l’industrie vinicole canadienne est reconnue pour ses produits de qualité et pour sa contribution à l’économie et à la vie culturelle du Canada.
Selon un sondage réalisé récemment par le groupe Gandalf, trois Canadiens sur quatre sont des consommateurs de vin, et la plupart achètent du vin canadien au moins de temps en temps. Faits plus importants encore, 81 p. 100 d’entre eux croient que l’industrie vinicole canadienne contribue à la vitalité économique de l’agriculture dans les régions rurales, 78 p. 100 croient que notre industrie soutient l’industrie du tourisme canadien et 74 p. 100 croient que les vins canadiens peuvent être compétitifs sur la scène internationale.
Nous n’éprouvons pas de difficultés en ce qui concerne la salubrité alimentaire ou les normes de qualité. Nos difficultés tiennent au simple fait que les vins importés représentent 67 p. 100 des vins vendus au Canada. Par comparaison, nos vins VQA de première qualité représentent 8 p. 100 du marché. Nous ne pouvons pas en faire davantage pour étendre notre rayonnement mondial alors que les plus grands exportateurs du monde cherchent de plus en plus à pénétrer notre marché national.
Pour réussir, nous devons avant tout promouvoir le libre-échange au Canada. Dans les grands pays producteurs de vin, il est normal qu’un établissement vinicole livre son vin, mais au Canada, ce serait illégal dans 7 des 10 provinces, même si 9 Canadiens sur 10 disent qu’il faudrait changer les lois provinciales de façon à pouvoir se faire livrer à domicile des vins d’une autre province.
Cela fait six ans que le projet de loi C-311 a été adopté à l’unanimité par la Chambre des communes et le Sénat, et l’Accord de libre-échange canadien a été ratifié en 2017. Il y a quelques mois, la Cour suprême a rendu une décision à ce sujet, et pourtant, la livraison interprovinciale de vin aux consommateurs est toujours illégale pour 80 p. 100 de la population canadienne.
Nous attendons maintenant, dans le cadre de l’Accord de libre-échange canadien, les recommandations du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les boissons alcooliques. L’Association du Barreau canadien a déposé une proposition législative qui remplit toutes les exigences nationales et internationales, et elle continue à espérer que le groupe de travail sur les boissons alcooliques soutiendra la mise en œuvre d’un système de livraison interprovincial, de l’établissement vinicole aux consommateurs, qui sera régi par les lois provinciales. Le groupe de travail présentera son rapport à leur ministre du Commerce intérieur respectif d’ici le 1er juillet 2018.
En réduisant les obstacles inutiles au commerce intérieur et en donnant aux producteurs un accès équitable à l’ensemble du marché intérieur pour répondre à la demande, c’est tout le pays qu’on avantage. On aide également ainsi les producteurs à élargir leurs activités pour être compétitifs sur la scène internationale.
L’industrie vinicole canadienne a toujours aussi soutenu le commerce libre et équitable. Cependant, le fait est que les vins VQA ne représentent que 17 p. 100 de l’augmentation des ventes de vin au cours des 10 dernières années, en comparaison de 68 p. 100 pour les importations.
Le Canada a conclu des accords de libre-échange avec de nombreux pays qui comptent parmi les plus grands producteurs de vin au monde. Aujourd’hui, dans le cadre de l’AECG, de l’ALENA et du PTPGP, 91 p. 100 des importations de vin qui entrent au Canada le feront en franchise de droits. Les accords de libre-échange et le commerce avec les autres pays ont favorisé nos concurrents; les importations annuelles représentent 2,2 milliards de dollars, par comparaison aux 12,4 millions de dollars de produits que le Canada exporte. Ce n’est pas un commerce équitable, et cela nuit à la capacité du Canada de profiter d’investissements à valeur ajoutée et d’élargir nos parts du marché intérieur.
Deuxièmement, nos compétiteurs qui importent des produits à valeur ajoutée soutiennent énormément leur industrie vinicole et viticole. Par exemple, en 2017, le soutien fourni à ces industries par l’Union européenne se chiffrait à 1,83 milliard de dollars canadiens, dont une tranche de 357 millions de dollars en subventions annuelles pour financer à hauteur de 40 p. 100 les investissements dans l’infrastructure de production et de transformation du vin. Le gouvernement australien, quant à lui, a injecté 50 millions de dollars dans son industrie vinicole afin de soutenir les exportations et le marché intérieur, dans le but d’augmenter les ventes de vins australiens. De façon similaire, le gouvernement chilien a investi 84 millions de dollars dans le développement et l’expansion de son industrie touristique liée au vin.
Troisièmement, la réglementation de l’indexation annuelle de la taxe d’accise du vin en fonction de l’indice des prix à la consommation, dans le budget de 2017, a nui à la compétitivité des établissements vinicoles canadiens. Cette imposition annuelle est arrivée au moment où les États-Unis ont fourni 22 millions de dollars pour réduire annuellement la taxe d’accise applicable à toutes les ventes de vin aux États-Unis, tandis que l’Australie mettait en œuvre une remise sur la taxe d’accise de 275 millions de dollars annuellement pour ses producteurs vinicoles. L’augmentation progressive de la taxe d’accise menace la croissance de notre part du marché au Canada et notre capacité d’exploiter de nouveaux débouchés extérieurs.
En conclusion, l’industrie vinicole à valeur ajoutée du Canada a le potentiel de doubler de volume au cours de la prochaine décennie et d’augmenter son impact économique de l’ordre de 18 milliards de dollars. Pour ce faire, cependant, le gouvernement fédéral devra prendre des mesures énergiques en vue d’éliminer les obstacles nationaux au commerce et de promouvoir les accords de libre-échange, les programmes et les politiques fiscales qui favorisent la croissance économique. Nous pouvons, en partenariat avec le gouvernement, créer des emplois bien rémunérés, stimuler la productivité, accroître la compétitivité et contribuer à la croissance à long terme de l’industrie vinicole du Canada, ce qui générera de bons rendements pour le gouvernement fédéral.
Merci.
La présidente : Merci beaucoup.
Jan Westcott, président et chef de la direction, Spirits Canada : Je m’appelle Jan Westcott et je suis président et chef de la direction de Spirits Canada. Je suis accompagné aujourd’hui par mon collègue, CJ Hélie, vice-président exécutif de l’association. Si vous avez des questions très difficiles à poser, je vous demanderais de vous adresser à CJ.
Merci. Nous sommes heureux d’être ici aujourd’hui pour vous faire part de nos points de vue, de nos expériences et de nos recommandations quant à la façon d’améliorer la compétitivité du secteur des aliments à valeur ajoutée du Canada sur les marchés mondiaux.
Spirits Canada est la seule organisation qui représente les intérêts des producteurs, des distributeurs, des consommateurs et des exportateurs de spiritueux canadiens. Nos membres produisent plus de 85 p. 100 des spiritueux et représentent plus de 90 p. 100 des exportations internationales de spiritueux canadiens.
Fondée sur nos produits phares, le whisky et le rye canadien, l’industrie canadienne des spiritueux est peut-être le secteur à plus forte valeur ajoutée de l’ensemble de l’industrie des produits agroalimentaires transformés.
Comme votre comité est la principale autorité du Sénat dans le secteur de l’agriculture, j’aimerais rappeler aux sénateurs que le whisky canadien est produit à partir de céréales cultivées presque à 100 p. 100 par des agriculteurs canadiens. À dire vrai, nous sommes très fiers de pouvoir affirmer que, dans toutes les provinces où nous produisons des spiritueux, les agriculteurs canadiens sont notre seule source de céréales, que ce soit en Ontario, au Manitoba, au Québec ou en Alberta. Je tiens à mettre cela en relief, parce que cela veut dire que nous sommes authentiquement canadiens.
Les ventes en gros de spiritueux représentent plus de 650 millions de dollars, soit annuellement plus des deux tiers de la valeur de toutes les exportations canadiennes de boissons alcooliques, dépassant de loin la valeur combinée des exportations de bière, de cidre et de vin. Toutefois, tout ne va pas pour le mieux et, dû en grande partie à leurs propres erreurs, les fabricants de spiritueux canadiens ont pris du retard par rapport à leurs principaux concurrents internationaux dans les secteurs du whisky écossais, américain et irlandais. Les livraisons à l’échelle internationale depuis le début de l’année 2018 affichent une baisse alarmante de 6,9 p. 100 par rapport à l’an dernier, malgré l’intérêt croissant des consommateurs pour le rye, le point fort de l’industrie. Cette baisse est le prolongement d’une tendance à long terme selon laquelle la valeur des exportations du whisky américain et du whisky irlandais a dépassé celle du whisky canadien en 2000 et en 2010 respectivement.
Parlons un peu des causes profondes. L’an dernier, la Chambre des communes a rejeté l’avis du Sénat de retirer de la Loi d’exécution du budget une proposition de modification annuelle de la Loi de 2001 sur l’accise qui entraînait une augmentation annuelle automatique des droits d’accise sur les boissons alcooliques le 1er avril de chaque année. La recommandation tout à fait raisonnable du Sénat selon laquelle le Parlement devrait avoir la possibilité d’examiner et d’évaluer les augmentations futures potentielles des taxes sur les spiritueux et autres boissons, compte tenu des circonstances du moment, a été ignorée.
Quelles sont ces circonstances aujourd’hui? Le 1er janvier 2018, l’administration américaine a réduit les droits d’accise sur les boissons alcooliques américaines, y compris les spiritueux. En adoptant une approche par palier pour les droits d’accise sur les spiritueux, une recommandation rejetée par notre propre ministère des Finances, les États-Unis ont réduit le droit d’accise d’une bouteille typique de spiritueux de 10 cents la bouteille. Je sais que cela semble peu, mais je vais y revenir plus tard.
Au Canada, le ministère des Finances a imposé une augmentation de 12 cents au cours des deux dernières années, et on prévoit une augmentation supplémentaire de 8 cents le 1er avril 2019, ce qui donne un total de 20 cents de plus par bouteille. Ainsi, l’écart entre les taux des droits d’accise américains et canadiens a augmenté très rapidement sur une courte période et est maintenant de 30 cents la bouteille.
Toutefois, ce n’est qu’une partie de l’histoire, étant donné que les taxes subséquentes imposées au Canada sont plus élevées qu’aux États-Unis et sont plus susceptibles d’être de type ad valorem, c’est-à-dire de suivre le prix du produit. L’effet réel est donc exponentiellement plus élevé quand il s’agit de l’impact sur le prix final que doit payer le consommateur.
D’ici avril 2019, l’incidence de la différence entre le taux des droits d’accise entre le Canada et les États-Unis, auxquelles s’ajoutent les taxes fédérales et sous-nationales, c’est-à-dire les taxes provinciales et municipales, équivaudra à 5 $ la bouteille. Les mesures prises par le gouvernement Canada feront qu’il y aura une différence supplémentaire de 5 $ entre nos prix et ceux en vigueur aux États-Unis. Tout le monde sait qu’aux États-Unis, le prix d’une bouteille de whisky Crown Royal est beaucoup plus bas qu’au Canada; l’écart sera maintenant de 5 $.
Autrement dit, en 2015, l’impact des droits d’accise plus élevés au Canada sur le commerce de détail était d’un niveau insoutenable, de 70 p. 100 par rapport aux États-Unis, et, en avril 2019, ce fardeau supplémentaire aura atteint un taux stupéfiant de 90 p. 100.
Pour résumer, sans allégements fiscaux importants pour les fabricants canadiens de spiritueux — j’irais même jusqu’à dire que cela vaut aussi pour nos collègues de l’industrie de la bière et du vin, puisque nous éprouvons tous des difficultés —, notre génération pourrait être la dernière à bénéficier des avantages importants de l’industrie de la fabrication locale.
Ce que nous observons aujourd’hui aux États-Unis est très semblable à ce que nous avons vécu en Corée, lorsque les États-Unis ont conclu leur accord de libre-échange avec ce pays avant que nous ayons conclu notre propre accord de libre-échange avec la Corée. L’intérêt des importateurs et des distributeurs s’est déplacé, dans les portefeuilles de marques, vers les produits assujettis à de plus faibles taux d’imposition et profitant de marges bénéficiaires potentiellement plus élevées. Au cours des 12 mois suivant la signature de l’accord entre la Corée et les États-Unis, la valeur de nos exportations vers la Corée a diminué de plus de 50 p. 100. Aujourd’hui, on observe la même dynamique sur le marché de tous les États américains, où les distributeurs n’ont d’yeux que pour les produits les plus rentables.
À première vue, on croirait que la réduction de la taxe d’accise en vigueur depuis le 1er janvier s’appliquerait également aux produits importés par les États-Unis. Cependant, les règles relatives au partage de la réduction au sein d’un groupe contrôlé — si vous êtes une entreprise, vous avez toutes sortes de marques de produits — signifient que de nombreux exportateurs canadiens ne bénéficieront pas d’autant d’avantages que les fabricants américains. En conséquence, il y a un changement dans les investissements de l’industrie qui touche l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement — le propriétaire de la marque, le distributeur et le détaillant — au détriment du whisky canadien et à l’avantage du whisky américain.
La plus grande difficulté pour notre industrie au cours des 10 dernières années a été d’attirer sa juste part de l’investissement mondial dans la franchise du whisky canadien. Nous parlons d’investissements dans des installations de production compétitives à l’échelle mondiale, dans la production du distillat qui, en vieillissant, se transforme au fil des ans en whisky, dans de nouvelles marques et dans l’accès à de nouveaux marchés. Les faibles marges au Canada et l’environnement politique hostile envers les spiritueux locaux ont désavantagé notre industrie par rapport aux industries étrangères en ce qui concerne l’accès aux commerces de détail. En conséquence, le Canada est un marché d’investissement de très faible priorité.
Les circonstances sont devenues beaucoup plus hostiles avec l’indexation annuelle des droits fédéraux sur les spiritueux, déjà excessivement élevés, l’incertitude connexe entourant la négociation de l’ALENA et la menace imminente de représailles tarifaires entre les États-Unis et le Canada.
Aucun pays au monde ne désavantage ainsi son principal produit d’exportation dans son marché intérieur. Le Canada devrait prendre exemple sur le gouvernement mexicain, qui offre un soutien indéfectible à sa boisson nationale, la tequila.
Nous ne demandons pas le même niveau de soutien actif que celui accordé à la tequila mexicaine ou au bourbon américain. Nous demandons seulement au gouvernement de cesser de nuire activement aux producteurs de whisky canadien.
La dynamique du marché américain est si importante que mes commentaires ont surtout porté sur la situation de crise émergente. Je parlerai des autres coûts, entre autres en ce qui concerne les obstacles interprovinciaux, un autre jour ou en répondant à vos questions.
Merci beaucoup de votre attention.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bienvenue, messieurs. Qui ne trouverait pas intéressante votre présence ici aujourd’hui. Vous représentez un marché fort important pour les Canadiens.
Depuis quelques années, les producteurs de vin canadiens ont repris du poil de la bête. Par exemple, au Québec, pendant de nombreuses années, les producteurs ont mené une lutte afin de pouvoir vendre leurs vins dans les magasins de la Société des alcools du Québec (SAQ). Selon des statistiques publiées par la SAQ la semaine dernière, les vins les plus vendus au Québec sont des vins québécois et canadiens, ce qui entraîne une forte diminution de l’importation de vins français et chiliens. De plus, les spiritueux fabriqués au Québec — on ne produit ni rye ni bourbon —, en particulier le gin et la vodka, ont supplanté les importations d’autres pays, en particulier de la Finlande et des pays nordiques.
Cependant, il reste un facteur très important au Québec : la livraison interprovinciale. On aimerait bien pouvoir choisir des vins de la Colombie-Britannique et de la région du Niagara, mais c’est encore un problème. La distance est grande entre Québec et Vancouver, mais elle est très courte entre la péninsule du Niagara et le Québec. À court ou à moyen terme, est-ce qu’on pourrait envisager la libre circulation du vin?
[Traduction]
M. Paszkowski : J’aimerais bien pouvoir dire oui. Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, un rapport fédéral-provincial-territorial devrait être présenté aux ministres du Commerce intérieur d’ici le 1er juillet 2018. Nous avons très bon espoir que le rapport recommandera entre autres choses, aux ministres d’établir au Canada un système réglementé de livraison de l’établissement vinicole aux consommateurs. C’est autorisé dans trois provinces actuellement : la Colombie-Britannique, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse. C’est interdit dans les sept autres provinces, mais nous croyons que c’est une possibilité très intéressante.
Vous avez absolument raison lorsque vous dites que, même si de nombreux touristes québécois se rendent dans la région du Niagara, par exemple, ils ne peuvent pas obtenir ce vin chez eux. Disons que vous dégustez une bouteille de gamay noir dans la région du Niagara et que vous la vantez à vos amis du Québec, vous ne pourrez pas en commander parce que c’est illégal. Vous ne pouvez pas communiquer avec l’établissement vinicole pour vous en faire livrer. C’est un grave problème.
C’est en augmentant notre clientèle au Canada que nous parviendrons à instaurer un marché d’exportation lucratif. Prenez l’Argentine, par exemple. L’industrie locale représente 99 p. 100 de son marché. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des Argentins boivent du vin de l’Argentine. Au Canada, notre industrie représente 30 p. 100 du marché, mais nos vins de première qualité, seulement 8 p. 100.
Vous avez mentionné le Québec. Les produits VQA, nos vins de première qualité canadiens, représentent 0,25 p. 100 du marché de la Société des alcools du Québec. C’est dommage, surtout qu’il s’agit de la province qui consomme le plus de vin. Cependant, si le commerce interprovincial était possible, les consommateurs amateurs de vin pourraient essayer différents vins de l’Ontario, de la Nouvelle-Écosse, du Québec et de la Colombie-Britannique. Comme vous l’avez mentionné, plus les gens sont intéressés par le vin, plus la SAQ va tenir ce genre de produit. C’est décevant de voir que la province qui consomme le plus de vin au pays est aussi celle où le pourcentage de vin canadien consommé est le plus faible.
CJ Hélie, vice-président exécutif, Spirits Canada : Nos produits ne sont vendus que dans les SAQ au Québec. C’est notre seul circuit de vente. Nous entretenons une excellente relation avec la SAQ, mais nous remettons en question sa définition. Vous avez mentionné des statistiques au sujet des produits du Québec dans votre question. Les produits du Québec sont définis selon le type de licence du producteur au Québec. On exclut de ces produits tous les produits faits à partir de grains cultivés au Québec dans de grandes distilleries. Toute la vodka Smirnoff vendue au Canada est fabriquée à Valleyfield, au Québec, mais la SAQ ne considère pas cela comme un produit du Québec, alors que les produits d’un petit distillateur qui importe de l’alcool neutre de l’Ontario et l’embouteille au Québec sont considérés comme des produits du Québec.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous avez tout à fait raison. Il est inconcevable, à l’heure des traités de libre-échange, qu’il y ait dans notre propre pays des barrières tarifaires qui empêchent la libre circulation des biens.
On observe également un phénomène : les jeunes d’aujourd’hui commencent à boire du vin beaucoup plus tôt que ceux de notre génération. Il n’est pas rare de voir, le vendredi soir, de jeunes adultes avec une ou deux bouteilles de vin, alors qu’il y a 10 ans, ils achetaient plutôt une caisse de bière. Aujourd’hui, ils consomment beaucoup plus de vin, et cette consommation continue de progresser.
Le vin canadien a une qualité supérieure à celle de certaines piquettes qu’on importe de pays que je ne nommerai pas par respect pour eux. On importe du vin dans des conteneurs qui est mis en bouteille par la SAQ. Ils ne sont même pas assez bons pour faire la cuisine, alors que les vins canadiens ont une qualité supérieure, peu importe d’où ils viennent.
Vous avez fait référence aux petits producteurs. Je demeure en face de l’île d’Orléans, où il y a beaucoup de producteurs d’excellents vins. Cependant, ces producteurs ne sont pas autorisés à les vendre à la SAQ. On doit acheter ces vins chez le producteur. Pourtant, ce sont des vins de qualité supérieure. Ils gagnent même des prix. C’est un monopole qui est dirigé par des fonctionnaires. Ceux-ci prétendent connaître les goûts des Québécois, de là l’erreur; ils connaissent leurs goûts à eux.
En ce qui concerne les spiritueux, avez-vous constaté que les Canadiens en consomment moins?
[Traduction]
La présidente : Une réponse courte seulement, je vous prie. La question était longue, donc la réponse doit être courte.
M. Hélie : Nous avons constaté une baisse spectaculaire de la proportion de spiritueux dans la consommation de boissons alcoolisées au Québec de la fin des années 1970 jusqu’aux années 1980, lorsque les vins et les bières embouteillés au Québec ont commencé à être vendus dans les chaînes d’épiceries. De façon plus générale, à l’échelle du Canada, au cours des 10 dernières années, notre part sur le marché des boissons alcoolisées est demeurée à peu près constante. Le vin a augmenté, la bière a diminué et les spiritueux sont demeurés relativement stables au cours de la dernière décennie.
Le sénateur Oh : Merci de vos exposés. C’était très bien.
Je viens de la région de Niagara, en Ontario. Comment se porte notre vin de glace? Je sais que, partout où je voyage, on parle du vin de glace canadien. Cela semble être notre principale marque dans le monde.
M. Paszkowski : Le vin de glace va très bien. Nous ne sommes pas un grand exportateur de vin en général, mais nos activités d’exportation ont commencé avec le vin de glace, et il s’agit toujours d’un marché très attrayant, particulièrement en Asie. Nos ventes de vin de glace continuent de croître.
Le problème avec tout produit de luxe, comme le vin de glace, c’est la contrefaçon. C’est une difficulté à laquelle nous faisons face dans de nombreux différents pays. De l’eau mélangée avec du sucre, par exemple, est vendue en bouteille comme un vin de glace. C’est une menace pour notre industrie, car nous ne savons pas ce que contient cette bouteille que l’on sert comme un vin de glace. C’est un risque pour la sécurité des consommateurs également.
Le sénateur Oh : En ce qui a trait aux subventions à l’exportation canadienne, votre rapport dit que, chaque année, l’Union européenne obtient 357 millions de dollars du gouvernement; l’Australie, 50 millions de dollars; et le Chili, 84 millions de dollars. Quelle aide recevez-vous de notre gouvernement pour le secteur de l’exportation?
M. Paszkowski : La somme de 1,8 milliard de dollars canadiens dont j’ai parlé correspond à la somme totale que le gouvernement européen offre à son industrie vinicole et viticole chaque année, l’autre exemple est une partie de cela.
Quant au soutien du gouvernement fédéral pour promouvoir les marchés intérieurs et d’exportation, il est question de 550 000 $ par année, et nous avançons la même somme pour un total d’environ 1,1 million de dollars. Il y a donc un désavantage considérable par rapport à ces grands pays qui vendent du vin au Canada et qui dépensent des millions de dollars pour s’approprier d’autres parts du marché. Comme l’ont montré mes statistiques, ils se sont emparés de 68 p. 100 de l’accroissement total des ventes de vin au cours des 10 dernières années.
Le sénateur Oh : Donc, le gouvernement n’aide pas vraiment beaucoup l’exportation.
M. Paszkowski : Pas en comparaison avec la concurrence.
Le sénateur Marwah : Je vous remercie tous les deux de vos exposés.
Je vais m’adresser à M. Paszkowski. J’aimerais vous dire d’emblée que je suis un grand amateur de votre industrie vinicole. Je crois qu’elle a fait un travail fantastique en améliorant la qualité et le profil, et je crois que tout cela est vraiment sous-estimé.
Le commentaire qui est ressorti de votre exposé concernait le fait que, depuis que nous avons signé les accords de libre-échange, nous avons observé une augmentation de 2,2 milliards de dollars en importations annuelles et de seulement 12 millions de dollars en exportations. Pourquoi donc? C’est un énorme déséquilibre.
M. Paszkowski : Nous ne sommes pas un grand producteur dans le contexte mondial, c’est donc manifestement un facteur.
Prenons l’exemple des États-Unis, et je vais vous donner certaines statistiques. Nous avons un accord de libre-échange avec les États-Unis depuis maintenant 30 ans : il y a d’abord eu l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, puis l’ALENA. Les ventes de vins américains au Canada sont passées de 19 millions de dollars à 500 millions de dollars, c’est donc une croissance moyenne annuelle de 13 p. 100 depuis les 30 dernières années. Nos ventes aux États-Unis sont passées de 8,2 millions de dollars en 1987 à 8,8 millions de dollars en 2017.
Il est extrêmement difficile de pénétrer certains de ces marchés. Avec les États-Unis, nous devons passer par un système à trois paliers. D’abord, nous devons trouver un importateur, lequel prend une part du marché de 30 p. 100; puis, nous devons recourir à un distributeur, qui prend plus; et enfin, il faut les vendre dans des magasins de détail, et ils prennent encore plus. Au bout du compte, il ne nous reste pas d’argent pour pouvoir vendre dans ce marché, alors qu’au Canada, nous avons un réseau des sociétés des alcools. Donc, un producteur américain ou européen se rend à la LCBO ou à la SAQ, et il peut essentiellement réaliser ses ventes pour toute l’année. C’est un système différent, et il est difficile pour nous d’entrer sur le marché américain.
Le sénateur Marwah : Monsieur le président, permettez-moi simplement de poser une autre question qui s’applique aux deux industries. J’entends sans cesse dire que la distribution est un problème, puisqu’elle est contrôlée par de très gros acteurs. Donc, la distribution pourrait supposer que le produit passe du producteur à la vente en magasin — c’est bien cela? Est-ce un problème?
M. Westcott : Parlez-vous du Canada?
Le sénateur Marwah : Oui.
M. Westcott : Non, ce n’est pas le cas.
Par exemple — et je vais parler de l’Ontario, puisque nous sommes en Ontario —, la LCBO regroupe toutes les livraisons. En réalité, nous n’expédions pas à partir de nos usines. Nous avons à Windsor la plus grande distillerie en Amérique du Nord.
Le sénateur Marwah : Excusez-moi, je ne voulais pas dire au Canada. Je veux dire à l’extérieur du Canada. Disons que vous voulez expédier un produit d’ici jusqu’en Californie. Outre le système à trois paliers, je comprends que c’est de la distribution, réussir à le mettre en vente en Californie est un problème.
M. Paszkowski : Pour nous, il s’agit définitivement d’un problème. Si on regarde il y a 10 ans, il y avait 7 000 distributeurs de vin aux États-Unis. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de marques, de nombreux autres types de vin qui sont vendus. Il y a 700 distributeurs aux États-Unis. C’est passé de 7 000 à 700. Donc, trouver un distributeur qui est en mesure de vendre notre vin est un problème pour nous dès le départ, car ils ne sont pas très nombreux, mais ils doivent vendre plus de marques. Ils mettent l’accent sur les grandes marques, pas les plus petites, comme celles que produiraient les Canadiens.
M. Westcott : Une consolidation du marché s’est produite dans le secteur de la distribution aux États-Unis. Ce n’est pas différent des épiceries. Il s’est produit la même chose dans l’industrie de l’épicerie. On le voit dans les magasins à grande surface. Les industries s’attachent à réaliser des gains d’efficacité, et la consolidation s’opère. Oui, il peut être difficile d’entrer sur le marché, mais il existe beaucoup d’exemples de réussite, de petits pays qui ont réussi à le pénétrer.
Au cours des 20 dernières années, au Canada, nous avons créé un nouveau whisky appelé Forty Creek. Ce produit qui vient de la péninsule connaît un véritable succès. John Hall est le fondateur. Ce petit producteur, à force d’efforts, a fait des percées extraordinaires aux États-Unis. Je ne dirai pas que c’est facile ni que ce n’est pas cher, mais si vous avez le bon produit, que vous êtes dévoué et passionné, il est certainement possible de réussir. Autrefois, on le regardait et on se disait : « Mon Dieu, c’est étonnant ce qu’il a accompli aux États-Unis. »
Vous avez raison, ce n’est pas facile, mais ce n’est pas impossible non plus. C’est un marché différent, mais c’est un marché ouvert. Il est fondé sur la qualité des produits, la demande que vous créez chez les consommateurs et votre capacité d’investir en fonction du consommateur final. C’est un marché qui diffère de celui au Canada et dont la structure de marché est différente de celle que l’on trouve en Europe et dans de nombreux autres pays, mais c’est un marché ouvert.
Le sénateur R. Black : Monsieur Paszkowski, nous avons entendu aux nouvelles hier soir qu’un certain nombre de vignes en Nouvelle-Écosse avaient été gelées. Vous avez dit que le marché du vin canadien est bien placé pour croître d’environ 16 p. 100 d’ici 2021. Le marché est là, absolument, il semble l’être. Avons-nous la capacité de production au Canada, à la lumière des nouvelles d’hier soir et des choses semblables que nous entendons chaque année?
M. Paszkowski : J’étais en Nouvelle-Écosse il y a deux jours, juste après le gel. Nous sommes des agriculteurs, donc nous sommes soumis aux caprices de Mère Nature. Qui aurait pu prévoir un gel en juin? Toutefois, les vignes en Nouvelle-Écosse ont été touchées. Nous croyons tout de même qu’il est possible, après examen, qu’une deuxième croissance des bourgeons donne lieu à une récolte, même si elle sera probablement plus petite que ce qu’elle aurait été autrement.
C’est un défi pour nous au Canada — pas seulement la météo, mais les régions du Canada où nous pouvons cultiver le raisin sont limitées. Avec le réchauffement climatique, nous pourrions étendre un peu ce territoire. Nous ne pourrons jamais approvisionner tout le marché canadien, mais nous croyons que nous pouvons faire passer la culture de 30 à environ 50 p. 100 de parts du marché, soit ce que nous avions lorsque nous avons signé l’Accord de libre-échange canadien en 1987. Notre industrie a un potentiel de croissance, mais nous ne serons jamais capables de posséder la totalité de notre marché.
M. Westcott : J’aimerais faire des commentaires à ce sujet également. Cela montre à quel point nous sommes étroitement liés à la communauté agricole. Nous considérons les agriculteurs comme nos partenaires; nous sommes inséparables. Nous produisons l’un des principaux whiskys canadiens au Manitoba. Nous sommes fiers du fait que tous les produits Crown Royal du monde sont produits à Gimli, au Manitoba, et qu’ils sont faits exclusivement de maïs, de blé et de seigle cultivés au Manitoba. Pendant un certain nombre d’années, des régions du Manitoba étaient submergées. Ce n’était pas très profond, mais cela rendait l’approvisionnement en grain dans cette province extrêmement difficile. Je pense que, en 2014, nous avons réussi à récupérer la totalité de nos grains au Manitoba. Cela illustre les contraintes des entreprises qui dépendent grandement de la communauté agricole. Nous vivons tous ce genre de choses. Cela ajoute des coûts aux entreprises et remet en question leur viabilité. Nous avons du mal à expliquer aux gens à quel point nous sommes tous étroitement liés : les négociants en vin, les brasseurs et nous-mêmes, la communauté agricole, et que nous avons ce genre de difficultés.
Le sénateur R. Black : Merci. Monsieur Westcott, votre exposé était concis et détaillé, donc j’ai du mal à poser une question. Vous avez dit que les membres comptaient pour 85 p. 100 de la production de spiritueux à l’échelle nationale et pour 90 des spiritueux canadiens. Et les 15 et les 10 p. 100 restants? Qui sont-ils? S’agit-il de très petites entreprises?
M. Westcott : Je dirais qu’une ou deux sont de taille moyenne. Par exemple, il y a une entreprise en Alberta qui s’appelle Highwood. C’est une entreprise exceptionnelle qui existe depuis un certain nombre d’années et qui produit d’excellents whiskys. Elle n’est pas membre. Elle l’a déjà été, mais elle a eu des difficultés avec la taxe d’accise au fil des ans. L’entreprise a changé de propriétaire et a cessé d’être membre. Elle n’est pas revenue. Nous la considérons comme un membre. Les gens qui y travaillent sont de bonnes personnes. C’est une bonne entreprise, qui a des produits de qualité. Je n’ai pas besoin de leurs 25 000 $ de frais d’adhésion. Ils contribuent à l’industrie.
Nous voyons la croissance de petits producteurs, tout comme je l’ai constaté lorsque je travaillais dans l’industrie du vin et de la bière. Nous voyons de bonnes personnes arriver. Le marché déterminera qui survivra et qui ne survivra pas. Lorsque j’étais dans l’industrie de la bière, nous avons vu toutes sortes de petits brasseurs se lancer, puis échouer. Si vous avez un bon produit, un bon plan d’affaires, que vous savez ce que vous faites, que vous êtes dévoués, vous allez survivre. C’est la même chose dans l’industrie du vin. Certains petits distillateurs au Canada s’associent — par exemple, Still Waters, à Vaughan, au nord de Toronto, et quelques-uns dans l’Ouest. Ils apportent des nouveautés à l’industrie.
N’oubliez pas que 75 p. 100 de ce que nous produisons au Canada quitte le Canada. Nous devons nous assurer que nos produits ont un accès équitable à tous les marchés dans lesquels nous vendons. Si vous êtes un petit producteur qui produit 15 000 ou 25 000 caisses, vous êtes à des années-lumière d’entrer sur ces marchés. Je ne peux penser qu’à deux nouveaux distillateurs qui vendent à l’extérieur du Canada. Still Waters en est un, et il y en a un petit en Alberta. De minuscules quantités de produits vont à l’extérieur. Ils vont entrer sur le marché, mais il est trop tôt. C’est de là que viennent les 15 p. 100.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous avez abordé le sujet du libre-échange entre les provinces et la difficulté liée au vin. Peut-être que, dans un futur projet, le gouvernement devrait mettre l’accent sur cette question, qui serait sans doute plus intéressante que la légalisation du cannabis.
J’aimerais revenir à la fameuse taxe d’accise. Monsieur Westcott, pourriez-vous nous donner des comparaisons quant au consommateur qui se rend dans un point de vente? Quand on parle de whisky, où va l’argent d’une bouteille vendue lorsqu’elle provient des États-Unis par rapport à une bouteille qui est distillée au Canada? Je vais régulièrement aux États-Unis, et je trouve bizarre qu’on puisse y acheter une bonne bouteille de whisky à 18 $ alors que, curieusement, la même bouteille se vend à 37 $ au Canada. Où va cet argent?
[Traduction]
M. Westcott : L’argent va à trois endroits. Il va au gouvernement sous forme de taxe d’accise. La taxe d’accise est une taxe sur la production. Dès qu’un liquide sort de la distillerie, il est assujetti au droit d’accise. Le gouvernement fédéral perçoit aussi des revenus de l’industrie à l’aide de la TPS, donc la taxe finale sur nos produits est la TPS, une taxe de vente. Le gouvernement fédéral perçoit de l’argent au début et à la fin. La TPS est calculée en fonction du coût des produits, de tous les services et de toutes les taxes qui ont précédé.
Les provinces prennent un gros montant avec la marge sur coût de revient qu’elles appliquent par la régie des alcools. Les seules entités à qui nous pouvons vendre nos produits à l’échelle du Canada sont les régies des alcools provinciales et territoriales. Nous ne pouvons les vendre à personne d’autre. Elles appliquent une marge sur coût de revient allant de 140 p. 100 dans une province à 205 p. 100 dans une autre. Elle peut être très élevée.
Il est important de souligner le fait que, même si les provinces semblent prendre beaucoup d’argent, dans la plupart des cas, les provinces offrent aussi un service à l’entreprise en servant de distributeur, de grossiste et de détaillant pour le produit. Les marges sur coût de revient que la SAQ, la LCBO et l’Alberta Liquor and Gaming Commission imposent servent à payer leurs activités de distribution et de vente du produit.
Si vous regardez le prix de vente de nos produits — le prix de détail que paye le consommateur —, environ 80 p. 100 vont au gouvernement et 20 p. 100 vont à l’industrie. C’est le point que nous essayons de faire valoir. La marge brute qui va à l’industrie est nettement inférieure à celle des gens qui produisent le bourbon aux États-Unis, le whisky écossais en Écosse, le whisky irlandais en Irlande et même maintenant le whisky japonais. En ce qui a trait aux investissements, les pays du monde entier regardent le Canada et se demandent pour quelle raison ils investiraient dans les spiritueux ou les whiskys canadiens alors qu’ils pourraient prendre cet argent et l’investir n’importe où et faire plus d’argent. Vous dites à quelqu’un que la taxe au Canada va monter de plus en plus, et que vous avez besoin de son investissement dans l’industrie du whisky canadien. Elle vous regarde et dit : « Je ne crois pas. » C’est comme ça que les choses fonctionnent.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous admettrez qu’il y a toute une différence. On parle pratiquement du double du prix.
[Traduction]
M. Hélie : Pour la même bouteille, vous payez moins cher aux États-Unis, mais le fournisseur obtient deux fois plus d’argent qu’au Canada.
M. Westcott : Je vais vous donner un exemple. Nous avons réalisé une analyse auprès de tous les États qui partagent une frontière avec l’Ontario. Le Crown Royal se vend environ 6 $. Lorsque Diageo vend une bouteille de Crown Royal à la LCBO ou à la SAQ, il obtient environ 6 $. Je crois que c’est 6,05 $. Dans tous les autres États frontaliers — la Pennsylvanie, New York, le Michigan, le Vermont —, il touche au moins le double du montant lorsqu’il vend cette bouteille de Crown Royal, il est donc difficile d’inciter les gens à vendre au Canada. Et cette bouteille, comme vous l’avez souligné, se vend moins cher qu’au Canada. Le taux d’imposition au Canada a un grand effet dissuasif sur l’investissement ici.
M. Paszkowski : Les répercussions sur notre industrie au Canada sont considérables. Le taux de la taxe d’accise aux États-Unis est la moitié de celui au Canada. L’indexation de la taxe d’accise fera augmenter notre taxe chaque année. En janvier de cette année, le gouvernement américain a mis en place un système de remboursement sur une taxe qui est déjà deux fois moins élevée de la nôtre. Les petits producteurs aux États-Unis bénéficient d’une réduction de 90 p. 100 sur le taux de taxe d’accise. En plus de cela, ils offrent la livraison directe au consommateur et obtiennent la marge de profit complète sur ces ventes. Depuis 2005, ces petits vignobles aux États-Unis ont connu une croissance, généré plus d’argent et réinvesti dans leur entreprise. Maintenant, ils bénéficient d’une diminution considérable du droit d’accise et cherchent des endroits pour faire l’exportation, car ils ont connu une telle croissance qu’ils peuvent exporter. L’un des marchés les plus attrayants au monde est le Canada. Ils exportent maintenant au Canada, ce qui nous enlève encore plus de parts du marché, car nous réalisons moins de profits et nous ne pouvons pas réinvestir dans notre industrie, puisque le taux de la taxe d’accise continue d’augmenter. Comme Jan l’a dit, le taux de la taxe d’accise s’applique au début de la chaîne d’établissement du prix. La marge sur coût de revient s’impose en plus de la taxe d’accise, tout comme la TPS et la TVQ. Cela augmente considérablement le prix d’une bouteille de vin et rend notre produit moins concurrentiel par rapport à l’importation avant même qu’il se retrouve entre les mains du consommateur.
La sénatrice Ataullahjan : Merci de votre exposé ce matin. Vous avez répondu à certaines de mes questions.
Monsieur Westcott, vous avez parlé de leurs propres erreurs et d’un environnement politique hostile. Est-ce que quelqu’un écoute? Qu’aimeriez-vous voir changer?
M. Westcott : Je crois que la hausse d’impôt annuelle automatique qui n’est pas liée à ce qui se passe au pays, dans le monde et dans l’industrie, doit être éliminée. N’oubliez pas que nous avons eu cette politique en vigueur pendant six ans dans les années 1980. Soit de 1981 à 1986. Au cours de cette période, nous avons fermé 12 distilleries. Essentiellement, cela a affaibli toutes les distilleries de taille moyenne à l’échelle du pays. Nous avons fermé des distilleries en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick — 12 distilleries.
Je me suis entretenu avec un petit distillateur pendant l’été peu de temps après que M. Morneau a annoncé l’indexation prévue au budget, et il mettait en place son approche pro forma quinquennale quant à la façon dont il allait assurer la croissance de son entreprise. Il avait un investisseur lorsque je l’ai rencontré, et il a dit qu’une inflation d’environ 1,5 p. 100 seulement avait pris tous les profits qu’il prévoyait pour sa petite entreprise pour les cinq prochaines années. L’investisseur est assis et se demande : « Eh bien, pour quelle raison j’investirais mon argent là-dedans? »
Le caractère automatique de la chose est pernicieux. Cela va littéralement tuer l’industrie. Ils ont établi le taux qui serait en vigueur dès le 1er avril, peu importe quel était le taux d’inflation, le 30 septembre, 12 mois… Nous allons probablement faire face à une inflation d’environ 2 p. 100. D’ici avril 2019, la taxe d’accise au Canada sera plus élevée de 90 p. 100 par rapport à celle des États-Unis, et rien ne permettra d’espérer une amélioration de la situation. Sérieusement, comment est-il possible d’exploiter une entreprise de cette façon?
Nous sommes une industrie mondiale. Les mêmes entreprises qui possèdent et produisent Crown Royal au Canada possèdent le scotch Johnnie Walker, le Bulleit Bourbon, des whiskys irlandais et des whiskys japonais. Nos producteurs assistent à ces rencontres sur les dépenses en capital, lèvent leur main et disent : « Nous aimerions obtenir des fonds pour réellement promouvoir le whisky canadien », puis les gens les regardent et disent : « J’adorerais pouvoir le faire, mais si j’investis mon argent… » Puis, ils ont la responsabilité fiduciaire d’investir cet argent où ils réaliseront le meilleur rendement.
Est-ce parce que nous ne pouvons produire de bons whiskys? Permettez-moi d’en douter. Il y a un an, l’un des experts les plus réputés au monde, Jim Murray, a décerné le titre de meilleur whisky au monde au Crown Royal Northern Harvest Rye. Les gens ont un grand engagement pour le rye whisky à l’heure actuelle, notre force. Nous gagnons des prix partout.
Nous pouvons le produire, et nous savons que les consommateurs le veulent, nous n’arrivons simplement pas à obtenir l’investissement nécessaire pour faire prospérer l’industrie. Le Canada exporte près de 800 millions de dollars en spiritueux, majoritairement du whisky. Il y a un grand engouement pour nos produits, mais si nous n’arrivons pas attirer l’investissement, nous ne pouvons pas y arriver. Par le passé, le Canada a signé de bons accords commerciaux qui nous donnent un accès, mais il faut pénétrer ces marchés, faire connaître nos produits aux gens, les sensibiliser et les convaincre de les essayer. Il nous faut de l’argent pour le faire, et nous n’avons pas cet argent.
La sénatrice Ataullahjan : Il y a une leçon dans votre exposé : il faut écouter ce qui se dit au Sénat. Un second examen objectif est réellement une bonne idée; je vous en remercie.
La présidente : Particulièrement lorsqu’il est question d’impôt sur la valeur. Je me rappelle avoir voté sur la question l’année dernière.
[Français]
La sénatrice Gagné : J’aimerais faire un suivi aux commentaires de M. Westcott, mais en ce qui concerne le marché du vin, qui est tout de même un marché attrayant et en croissance. Est-ce que vous avez de la difficulté à attirer des investisseurs?
[Traduction]
M. Paszkowski : Il y a une histoire d’amour avec le vin, comme vous l’avez dit, donc l’investissement que nous obtenons pour les petits vignobles vient principalement d’une personne qui a bien réussi en affaires et pour qui cela représente un projet de retraite. Pour les grands vignobles, je suis du même avis que Jan : oui, c’est de plus en plus difficile, parce que les marges diminuent.
Si vous êtes aux prises avec une augmentation de taxes chaque année qui n’a pas besoin d’être approuvée par le Parlement, c’est un problème pour les investisseurs. Si vous produisez certains des meilleurs vins au monde, mais en petites quantités, votre capacité de les vendre à un consommateur dans une autre province est extrêmement importante.
Les jeunes, comme vous l’avez dit plus tôt, sont extrêmement importants en tant que futurs consommateurs de vin, pourtant, une exploitation vinicole ne peut exploiter pleinement les médias sociaux pour vendre ses produits, sauf dans les limites de sa province. Comment pouvez-vous optimiser l’économie numérique?
Le gouvernement veut que nous exportions, mais l’Europe possède 50 p. 100 de notre marché. Tous les vins représentent 70 p. 100 de notre marché. Si nous ne pouvons pas trouver d’investisseurs pour financer notre domaine, ce sera difficile pour nous de prendre de l’expansion sur le marché de l’exportation et de maintenir nos activités au Canada, car de plus en plus d’importateurs qui viennent ici reçoivent des contributions considérables de la part de leur gouvernement et bénéficient d’un taux d’imposition très bas dans leur pays.
Comme je l’ai dit, en Europe, chaque fois que vous voulez investir dans votre exploitation vinicole, le gouvernement vous remettra 40 cents pour chaque dollar investi. Vous pouvez mettre en place la meilleure technologie au monde pour vendre votre vin au Canada. Nous ne pouvons pas faire cela.
[Français]
La sénatrice Gagné : J’aurais une autre question en ce qui a trait à la compétitivité, qui est un peu dans la même veine. Pour être compétitif, il faut avoir des entreprises à valeur ajoutée et une production à valeur ajoutée. Est-ce un défi pour vos entreprises et y a-t-il des ajustements à faire au sein de votre production pour que vous puissiez être encore plus compétitifs sur le marché?
[Traduction]
M. Hélie : Je pourrais peut-être dire quelque chose à ce sujet au nom des distillateurs canadiens. En plus de fabriquer les meilleurs produits au monde, nous sommes reconnus mondialement pour l’estimation des coûts. En raison du lourd fardeau fiscal qui accable les Canadiens depuis des décennies, nous sommes des chefs de file en matière de réduction des coûts d’exploitation; donc les usines en Europe et aux Amériques ont pris nos meilleures idées pour rendre les usines les plus efficientes possible. Nous avons fait l’objet de réductions draconiennes il y a quelques années, donc ces dernières vagues d’impôt qui s’ajoutent sont extrêmement préjudiciables. Voilà où nous en sommes quant à la nature concurrentielle de nos installations.
La présidente : J’ai une question : le sondage a montré que les trois quarts des Canadiens étaient des consommateurs de vin. Je présume que ce sont des Canadiens adultes.
M. Paszkowski : Absolument.
La présidente : Je voulais que ce soit tout à fait clair.
J’aimerais remercier notre groupe de témoins, c’était très intéressant. Nous avons beaucoup apprécié la discussion.
Je vais mettre fin à la séance publique, et nous aurons cinq minutes à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)