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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 55 - Témoignages du 20 septembre 2018


OTTAWA, le jeudi 20 septembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, puis, à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Merci à tous d’être là. Nous avons passé une merveilleuse pause estivale, et c’est maintenant l’heure de reprendre notre étude. Je vais demander aux sénateurs de se présenter. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Je tiens à remercier nos témoins de leur comparution aujourd’hui. Nous réalisons une étude importante sur la valeur ajoutée dans le secteur alimentaire et la façon dont le Canada peut être plus compétitif sur les marchés mondiaux.

En ce qui concerne notre premier groupe de témoins, nous accueillons Gordon Bacon, président-directeur général de Pulse Canada. Bienvenue. Nous accueillons aussi Rebecca Lee, directrice générale du Conseil canadien de l’horticulture. Merci d’être là.

Gordon Bacon, président-directeur général, Pulse Canada : Bonjour, et merci beaucoup de l’invitation à comparaître devant le comité. Je tiens à ajouter mes commentaires à ceux des témoins que vous avez déjà entendus. Tous les intervenants dans le secteur de l’alimentation s’efforcent de trouver leur place dans un marché mondial où les produits de base canadiens et les produits alimentaires à valeur ajoutée du Canada peuvent être compétitifs. Cela dit, il faut s’efforcer de trouver un créneau où les produits canadiens bénéficieront d’un avantage unique et durable. Il est évident qu’il y a plusieurs définitions de valeur et de valeur ajoutée. Pour beaucoup de consommateurs au Canada et, en fait, dans le monde entier, la valeur est souvent associée à l’abordabilité. Dans le marché des produits de base, la compétitivité est accrue lorsqu’on vend à un prix bas, un prix plus bas que le prix que les autres peuvent offrir. Il va sans dire que, pour rester compétitif, le Canada doit continuer à investir dans les technologies d’amélioration et de production des plantes tout en veillant à ce que la réglementation gouvernementale et les impôts n’entraînent pas une augmentation des coûts de production alimentaire au Canada, ce qui réduirait notre compétitivité.

Même si le fait de miser sur des prix concurrentiels est une nécessité, on ne peut assurément pas mettre l’accent sur la seule valeur économique. Le Canada doit composer avec la concurrence de plusieurs autres pays dans le secteur des produits de base. Pour ce qui est du secteur des légumineuses, laissez-moi vous dire que les marchés qui, auparavant, nous appartenaient sont maintenant approvisionnés par des pays de la région de la mer Noire. Nous savons qu’on continuera à avoir des difficultés économiques dans le marché des produits de base en raison de la présence d’autres fournisseurs capables d’offrir des produits à des prix très compétitifs.

Pour être concurrentiel et assurer sa croissance, le Canada ne doit pas miser uniquement sur le modèle des produits de base. Les consommateurs et la société, comme le reflètent les politiques gouvernementales, voient aussi de la valeur dans des choses comme la nutrition, la santé et les composantes culturelles des aliments. La valeur d’un aliment est aussi associée à une expérience alimentaire complète. C’est pour cette raison que les entreprises alimentaires et les restaurants renforcent leur entreprise en préparant des aliments et en vendant des aliments qui sont goûteux, sains, intéressants, nouveaux, faciles à préparer et, bien sûr, salubres. D’autres témoins que vous avez rencontrés ont soulevé certains de ces enjeux.

Je veux me concentrer sur la nouvelle définition de qualité des aliments dans le domaine de la durabilité environnementale. En guise de référence, j’ai distribué des documents aux membres du comité. Certains des renseignements figurent sur le site web de la commission Lancet, et la Commission EAT-Lancet fait remarquer dans ses renseignements que le système alimentaire mondial est responsable du tiers des émissions de gaz à effet de serre et que le besoin de manger est la principale cause de la perte de la biodiversité et de l’épuisement de l’eau douce. On peut donc comprendre, alors, que les mesures visant à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur les changements climatiques portent sur les émissions de gaz à effet de serre et l’incidence sur le climat. Il est aussi évident que la définition de système alimentaire durable doit inclure l’utilisation de l’eau, la protection des sols et la conservation de la biodiversité.

J’ai été très intéressé de voir que, dans le rapport récemment publié sur les consultations relatives à la politique alimentaire d’Agriculture Canada, c’est exactement les mêmes sujets qui étaient abordés.

La commission prévoit produire un nouveau rapport cet automne. En mettant sur pied les groupes qui ont travaillé à la production du rapport, la commission a souligné que l’atteinte des objectifs en matière de développement durable et des cibles de l’Accord de Paris pour réduire les émissions de carbone exige une modification urgente et fondamentale de la façon dont nous mangeons et produisons les aliments. La Commission EAT-Lancet poursuit et souligne que nous n’avons pas en place un examen exhaustif de la façon dont la production alimentaire doit changer pour être durable et que nous n’avons pas de lignes directrices claires et fondées sur la science pour préciser aux intervenants du système alimentaire de quelle façon ils peuvent fournir aux humains des aliments sains et durables.

Jetez un coup d’œil sur le deuxième document que j’ai distribué, parce qu’il y a des façons de s’attaquer à ces deux enjeux clés, soit l’amélioration de la nutrition et de la durabilité de nos systèmes alimentaires. Si le sujet vous intéresse, nous pourrons en parler plus longuement.

Cependant, lorsqu’on examine les déclarations de la Commission EAT-Lancet, deux choses devraient être très claires pour les Canadiens : premièrement, le « nous » qui est utilisé, c’est le « nous » mondial, pas seulement le « nous » national. Les Canadiens doivent garder à l’esprit l’importance de participer aux approches mondiales visant à changer de façon fondamentale la façon dont nous mangeons et produisons les aliments, de façon à s’assurer que tous ont accès à une alimentation salubre, adéquate et abordable.

Les aliments se déplacent dans le monde et, de façon générale, ils circulent librement. Les mesures canadiennes comme la taxe sur le carbone non seulement minent la compétitivité mondiale de l’agriculture canadienne, mais elles peuvent avoir comme conséquences perverses de réduire la quantité d’ingrédients à plus faible empreinte de carbone utilisés dans les produits alimentaires, puisque les ingrédients canadiens sont alors remplacés par des ingrédients à plus faible coût et plus facilement accessibles, mais potentiellement à plus forte empreinte carbonique, produits dans d’autres pays. Le Canada doit bien sûr jouer un rôle de leadership fort afin de participer à l’approche sur laquelle doit miser l’industrie alimentaire pour atteindre les objectifs en matière de durabilité et de santé, mais nous devrions vraiment nous demander si c’est là la place pour une approche « faite au Canada » ou s’il ne serait pas préférable de promouvoir des changements à l’échelle mondiale.

Deuxièmement, les mesures de la durabilité ne peuvent pas se limiter uniquement à l’approche simpliste qui consiste à s’en tenir aux émissions de gaz à effet de serre, tout comme on ne peut pas aborder la question de la santé environnementale indépendamment des enjeux associés à la durabilité économique ou aux enjeux sociaux comme la santé humaine. Par exemple, en tentant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, on peut possiblement entraîner sans le vouloir une dégradation des sols. La commission Lancet et les critiques des mesures utilisées pour évaluer les progrès en vue de l’atteinte des objectifs de développement durable ont souligné qu’il faut adopter une approche plus holistique pour s’assurer que les mesures protègent et améliorent à la fois la santé des gens et la santé de la planète. Le Canada, en tant qu’important exportateur d’aliments, doit être à l’avant-garde de cette approche holistique à l’échelle internationale en fournissant aux gens une alimentation saine tirée de systèmes alimentaires durables.

Obtenir de bonnes mesures à l’échelle internationale et le fait de convenir de la façon de fournir une alimentation saine tirée de systèmes alimentaires durables sont essentielles à ce qui deviendra une nouvelle occasion pour le système agroalimentaire canadien et, selon moi, ce sera un domaine où le Canada peut acquérir un avantage unique en matière de valeur ajoutée qui va au-delà de simplement être le fournisseur au plus faible coût d’ingrédients alimentaires.

La définition de la valeur d’un aliment, tant du point de vue de la santé humaine que du point de vue environnemental est une occasion qui s’offre au Canada pour l’avenir. Le Canada possède le climat, les technologies et les méthodes de pointe de production et de manutention pour être un fournisseur de choix d’aliments qui contribuent à la santé des gens et à la santé de la planète.

En conclusion, j’espère que le rapport du Sénat explorera la façon dont le Canada peut être un chef de file à l’échelle internationale en matière de systèmes alimentaires sains et durables. J’espère que le rapport du Sénat reconnaîtra le besoin d’habiliter les consommateurs à faire des choix éclairés qui sont bons pour eux en matière de durabilité et de nutrition. Cela signifie qu’une stratégie de durabilité doit tenir compte des consommateurs et des raisons pour lesquelles ces derniers choisissent de manger tel ou tel produit, et pas simplement tenir compte de la façon dont les produits sont cultivés. Nous en sommes encore à la première génération de réflexion sur l’alimentation durable. On utilise souvent l’expression « alimentation durable » sans vraiment avoir une compréhension commune de ce que cela signifie vraiment. Il faut passer à la prochaine génération de mesures fondées sur la science en matière de consommation alimentaire afin de tenir compte de l’air, de l’eau, des sols et de la biodiversité ainsi que de la santé environnementale et de la nutrition.

C’est en fonction de ces mesures holistiques que les consommateurs et le gouvernement peuvent évaluer l’incidence environnementale des intervenants de l’industrie alimentaire comme les agriculteurs et les producteurs ainsi que la réussite ou l’échec des politiques gouvernementales. Ce qui est encore plus important, c’est qu’il faut donner aux consommateurs des renseignements factuels afin qu’ils puissent faire des choix éclairés en matière d’alimentation.

Le défi, selon moi, qui est le nôtre, c’est de créer un environnement alimentaire au Canada qui permettra au pays d’assumer un leadership mondial dans le secteur alimentaire et qui mise sur la santé des gens et la santé de la planète. Merci.

La présidente : Merci, monsieur Bacon. Votre exposé était excellent.

Nous passons maintenant au prochain exposé qui sera lui aussi excellent, celui de Rebecca Lee.

Rebecca Lee, directrice générale, Conseil canadien de l’horticulture : Honorables sénateurs, bonjour. Merci d’avoir invité le Conseil canadien de l’horticulture à participer à votre étude sur la compétitivité du secteur alimentaire à valeur ajoutée.

Le Conseil canadien de l’horticulture est une association nationale sans but lucratif de bénévoles dont les bureaux sont situés à Ottawa. Il représente les producteurs de fruits et de légumes partout au Canada qui participent à la production de plus de 120 types de produits différents pour des recettes monétaires agricoles de 5,4 milliards de dollars en 2017; ces produits sont à la base d’une chaîne de valeur estimée à 13,9 milliards de dollars du PIB en dollars constants et offrant 181 600 emplois au Canada. Nous faisons la promotion d’aliments sains, salubres et durables tout en nous assurant de maintenir la croissance et la réussite de notre industrie. Une recherche sur Internet permet d’avoir rapidement accès à des chiffres intéressants sur la façon dont le marché pour les produits à valeur ajoutée a crû de façon importante entre 2011 et 2015. Et le secteur des fruits et légumes à valeur ajoutée affiche une augmentation du taux de croissance composé annuel de 12 et 15 p. 100 respectivement.

Les produits à valeur ajoutée, comme les légumes précoupés et les salades toutes prêtes, qui offrent à la fois fraîcheur et commodité, restent des éléments qui font partie d’une alimentation saine. Les consommateurs apprécient aussi ces produits comme collation prête à manger saine.

La transparence et la durabilité comptent parmi six tendances qui caractérisent le domaine alimentaire en 2018. La notion de valeur ajoutée inclut la transparence concernant les renseignements sur les aliments. Les consommateurs d’aujourd’hui peuvent balayer l’emballage pour en savoir plus au sujet de ce qu’ils choisissent de manger. Les producteurs alimentaires qui adoptent une transparence complète sont récompensés par une loyauté des consommateurs qui s’élève à 94 p. 100 selon Label Insight. Pour y arriver de façon efficace, les producteurs doivent avoir accès à une technologie abordable.

La durabilité exige aussi plus que simplement produire des aliments de façon consciencieuse d’un point de vue environnemental et de les vendre dans des emballages recyclables. La durabilité exige aussi des façons créatives d’utiliser tout le produit. Un des exemples au sujet desquels j’ai lu, c’est la stratégie visant à utiliser l’intégralité des fruits et légumes de Whole Foods. Il ne serait pas surprenant que ces tendances deviennent pratique courante. Pour rester compétitifs et pertinents, les agriculteurs d’aujourd’hui doivent prendre en considération ce qui est requis pour intégrer leur production dans le secteur alimentaire à valeur ajoutée.

Aujourd’hui, le Canada a une bonne réputation à l’échelle internationale en ce qui a trait à la production d’aliments salubres et de haute qualité. Les consommateurs ont démontré un intérêt durable à l’égard de l’achat de produits canadiens locaux. Le programme CanadaGAP, lancé par le CCH, en 1999, est un programme de salubrité alimentaire certifié pour les entreprises qui produisent, manipulent et vendent des fruits et légumes frais. Le programme a été évalué dans le cadre de l’Initiative mondiale de salubrité alimentaire, en 2012 et a obtenu une reconnaissance à la lumière de la version 7.1 des exigences d’évaluation de l’IMSA plus tôt cette année. En outre, les agriculteurs homologués par CanadaGAP seront en bonne voie de respecter le Règlement sur la salubrité des aliments au Canada.

Pour rester concurrentiel, le secteur doit premièrement être en mesure de maintenir les niveaux de produits offerts à l’heure actuelle. Si nous n’y arrivons pas, la production ne sera plus ici, mais ailleurs. Il faut aussi motiver nos agriculteurs à accroître leur volume, à accepter le produit à valeur ajoutée et à reconnaître les avantages qu’ils peuvent en tirer. Les agriculteurs devront assurer l’uniformité de la qualité et de la quantité des produits. Pour y arriver, il faut mettre en place des conditions d’affaires appropriées pour aider les agriculteurs à surmonter les défis auxquels ils sont confrontés.

Du côté des fruits et légumes frais, il y a un intérêt durable relativement à l’achat de produits locaux et canadiens. À l’inverse, il existe une préoccupation relativement à la sécurité alimentaire. De quelle façon pouvons-nous gérer notre dépendance aux importations? On constate l’émergence de nouveaux produits, comme des fruits et légumes ethnoculturels en raison des demandes de la population immigrante croissante. Nous constatons aussi une augmentation de la demande pour des fruits et légumes frais insensibles à la photopériode.

Si on poursuit sur la chaîne d’approvisionnement, le cidre artisanal, comme le marché de la bière artisanale, explose actuellement. En fait, le marché a augmenté, passant de 90 millions de dollars en 2006 à plus de 250 millions en 2017. Nous constatons aussi une demande croissante pour des bières, des vins, des confitures, des gelées et même des vodkas à base de fruits et légumes.

Un autre type de valeur ajoutée est l’agritourisme, même s’il est moins typique. Cela inclut un large éventail d’activités touristiques, de visites à la ferme, aux vergers où l’on peut faire de l’autocueillette en passant par les marchés agricoles et les tournées de distillerie. De telles activités sont une bonne source de revenus pour les fermes et les collectivités rurales et rapprochent les populations urbaines de la façon dont les aliments sont produits. C’est un domaine où un meilleur soutien du gouvernement serait bénéfique en ce qui concerne le démarrage d’entreprise, les ressources humaines, l’infrastructure, la gestion des parasites, entre autres.

On peut mentionner par exemple la province du Nouveau-Brunswick qui a fait la promotion d’une initiative à valeur ajoutée pour aider les producteurs à pénétrer dans ce marché.

Les avantages du cidre ou de l’autocueillette, c’est que les agriculteurs n’ont pas besoin d’avoir les produits parfaits qu’exigent les marchés frais. Les producteurs peuvent protéger leur culture de façon moins dynamique parce que les pommes moins belles servent à faire du cidre. Les consommateurs sont heureux de cueillir les fruits eux-mêmes.

Les agriculteurs d’aujourd’hui sont confrontés à des défis qui limitent la capacité du secteur de répondre à la demande des consommateurs en matière de produits à valeur ajoutée. Cela inclut notamment une boîte à outils réduite qui ne permet pas d’assurer une gestion efficace et adéquate des parasites et de prendre des mesures d’atténuation. Ces mesures doivent être mises au point en partenariat avec les agriculteurs, et ces derniers doivent y avoir accès afin de pouvoir offrir des produits canadiens salubres et de haute qualité aux consommateurs canadiens et aux marchés d’exportation tout en maintenant une industrie agricole florissante.

Les agriculteurs canadiens d’aujourd’hui ont moins d’options pour protéger leur culture contre les parasites et les maladies. Des produits de protection d’agriculture actuels ne sont plus accessibles en raison des processus de réévaluation de Santé Canada, tandis que peu ou pas de nouveaux outils sont mis au point. Par exemple, l’utilisation du fongicide mancozèbe n’a pas été interdite dans les marchés d’un quelconque autre pays. Au Canada, la poursuite de son utilisation est en grand péril. Le paradoxe, c’est que les agriculteurs américains pourront l’utiliser sur leurs produits qu’ils exportent ensuite au Canada tant que les niveaux résidus chimiques sont inférieurs aux limites maximales permises.

C’est un exemple d’une répercussion négative de la loi et de la réglementation actuelles sur la compétitivité des cultures canadiennes. Le gouvernement peut aider les agriculteurs canadiens en finançant plus de recherches sur les enjeux environnementaux, comme l’échantillonnage de l’eau, des essais d’exposition et d’efficacité, surtout pour des produits de rechange déjà accessibles ailleurs.

Nous encourageons aussi le gouvernement à revoir la mission de l’ARLA. Son mandat actuel consiste à réglementer les pesticides, et les décisions réglementaires devraient refléter — en plus des obligations liées à la santé humaine et environnementale — une prise en considération des répercussions potentielles des décisions sur l’agriculture et les agriculteurs canadiens. C’est quelque chose qu’on peut faire grâce à une analyse des risques et des avantages dans le cadre de toutes les décisions réglementaires.

Le gouvernement devrait soutenir activement l’élaboration d’une boîte d’outils servant à la protection des cultures qui inclut plus que les pesticides. Cette boîte à outils devrait inclure des pratiques novatrices, la lutte biologique, les mesures de contrôle culturales, les nouvelles technologies et la nouvelle machinerie, pour ne nommer que ceux-là, de façon à ce que les producteurs canadiens soient sur un pied d’égalité avec ceux d’autres pays. Nous avons des problèmes d’accès à la main-d’œuvre requise pour poursuivre toute l’année l’exploitation agricole et permettre l’élaboration de produits à valeur ajoutée. Les usines d’emballage ont aussi besoin d’avoir accès à une main-d’œuvre saisonnière pour répondre à la demande. On constate même une pénurie de camionneurs. Si on ne peut pas avoir accès à des camionneurs de l’étranger, le gouvernement devrait, par exemple, agir rapidement afin d’adopter une loi appropriée concernant l’utilisation de camions sans conducteur.

La gestion des risques opérationnels est un autre problème. Nous saluons le soutien des ministres FPT de l’Agriculture au cours de la dernière année dans le cadre de l’examen du programme de gestion des risques du secteur, mais nous encourageons le gouvernement à regarder de près les programmes qui tiendront compte du point de vue des producteurs au niveau de la ferme. Nous avons besoin de souplesse dans la gestion des risques. Il faut tenir compte des défis liés à la complexité, à l’opportunité et à la prévisibilité, tout comme il faut tenir compte de l’équité des programmes. Ces préoccupations sont cruciales aux transferts intergénérationnels et à la continuité des activités agricoles au Canada.

L’innovation est un autre domaine important. Nous croyons que l’investissement dans des recherches à long terme et l’éducation doit se poursuivre de façon permanente. J’ai certains exemples dans le texte que vous avez sous les yeux de certaines recherches qu’on pourrait faire en matière d’innovation et de machinerie, comme des cueilleuses mécaniques et des élagueurs ainsi que des tondeuses pour remplacer les pesticides utilisés de façon à limiter la mauvaise herbe. On acquiert souvent des installations d’entreposage des pommes à la fine pointe de la technologie de la France ou des Pays-Bas, ce qui limite la capacité de conserver des produits frais toute l’année. De plus, les vins, les confitures, les cidres et les autres produits de consommation doivent aussi être conservés au froid.

Le lourd fardeau réglementaire est le dernier élément qui est très préoccupant dans le cadre de la modernisation du secteur agroalimentaire et de la valeur ajoutée qu’on peut y intégrer. Puisque nous livrons concurrence sur un marché international, il est essentiel d’écouter les agriculteurs canadiens, de les comprendre et de donner suite à ce qu’ils disent dans le cadre du cycle réglementaire. L’ajout constant d’initiatives stratégiques gouvernementales, de règlements et de coûts connexes auxquels les agriculteurs sont confrontés fera en sorte qu’il est encore plus difficile pour eux de rester à flot dans un climat d’investissement d’affaires instable, imprévisible et défavorable. En outre, ajoutez à cela l’absence de politiques et de règlements gouvernementaux harmonisés à l’échelle des ministères fédéraux et d’une administration à l’autre comparativement aux compétiteurs internationaux.

Au bout du compte, ce sont les agriculteurs qui assument les conséquences imprévues des décisions législatives et réglementaires. Le CCH encourage le gouvernement à s’assurer que toutes les mesures et décisions prises concernant la production de fruits et de légumes sont analysées bien à l’avance afin que l’on puisse cerner d’éventuels effets secondaires, pour en assurer l’efficience optimale et en cerner le potentiel du point de vue des relations publiques. Nous encourageons le gouvernement à consulter les intervenants du secteur avant de communiquer ces décisions. Le gouvernement doit s’assurer qu’on encourage la production canadienne plutôt que la limiter. La réglementation liée à la salubrité des aliments, la gestion des parasites, la main-d’œuvre, le prix du carbone et les déductions pour les petites entreprises s’est accumulée, et on connaît des cas où des agriculteurs font l’objet de plus de 13 vérifications par année. Nous soutenons aussi les intervenants de notre industrie dans les domaines des technologies, de la commercialisation, de la certification environnementale et de la propriété intellectuelle.

Voilà certains domaines où il y a beaucoup de travail à faire non seulement pour maintenir notre secteur et l’agriculture dans son ensemble, mais aussi pour pouvoir bénéficier de l’avenir des produits à valeur ajoutée et élargir la gamme de ces produits.

Je vous remercie, encore une fois, beaucoup de l’occasion que vous nous avez offerte. Je serai heureuse de répondre à vos questions ou demandes complémentaires.

La présidente : Merci. Encore une fois, vous nous avez présenté un excellent exposé. Je vois qu’il y a un certain nombre de sénateurs qui font la queue pour poser des questions aux témoins.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Bacon, madame Lee, merci pour vos témoignages qui étaient fort intéressants. Ce que j’ai lu, dans vos mémoires, on l’a déjà entendu dire de façon différente par d’autres intervenants qui se préoccupent énormément de la valeur ajoutée aux produits. Ce que je retiens le plus de votre témoignage, c’est que ce qui semble être un handicap profond pour les agriculteurs, ceux qu’on a visités et ceux qui sont venus nous voir, c’est la taxe sur le carbone. Il semblerait que ça déséquilibre la marge des prix. Est-ce bien ce que j’ai compris de votre témoignage, lorsque vous avez dit que c’était l’un des facteurs qui pouvaient faire augmenter les prix et vous rendre moins compétitif?

[Traduction]

M. Bacon : Oui. Lorsqu’on ajoute une taxe à la production agricole canadienne et aux producteurs d’aliments que nos compétiteurs n’ont pas à assumer, alors nous sommes désavantagés d’un point de vue économique. Le simple fait de regarder les gaz à effet de serre sans fournir des directives aux consommateurs pour les informer de la façon de faire ces choix importants est une stratégie incomplète. Même si nous sommes d’accord avec le fait que la durabilité est une condition préalable à l’industrie alimentaire, c’est aussi une occasion pour l’agriculture canadienne d’être un exemple dans les marchés du monde entier. En abordant la question du point de vue d’une taxe sur le carbone, premièrement, on ne peut pas vraiment savoir dans quelle mesure on réduira l’empreinte carbonique des aliments que les Canadiens mangent et, deuxièmement, on réduit notre compétitivité. Selon moi, ce n’est pas une approche qui nous place dans une bonne position du point de vue de la concurrence ni qui donne un résultat mesurable en matière de réduction de l’empreinte carbonique de nos aliments.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez parfaitement raison, d’autant plus que l’agriculture est responsable uniquement de 5 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada. Ce n’est tout de même pas l’industrie la plus polluante, loin de là.

On a des traités de libre-échange avec l’Europe, et on se prépare à en signer avec l’Asie. On ne parlera pas de l’ALENA avec les États-Unis, mais, selon votre expérience, jusqu’à quel point devenez-vous moins compétitifs et moins en mesure d’exporter vers l’Europe?

[Traduction]

M. Bacon : Pour pouvoir exporter la production, nous devrons égaler le prix de nos compétiteurs, mais si on réduit le rendement net de nos agriculteurs et de l’industrie agroalimentaire, on élimine essentiellement notre capacité de continuer à faire les investissements nécessaires. Les agriculteurs réagiront en réduisant leurs intrants, qui sont taxés. Cela aura une incidence négative sur leur production. Sinon, ils afficheront un moins bon rendement. Pour exporter nos produits, il faut être concurrentiel, mais le coût à payer minera soit notre productivité, soit le rendement net.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Lee, dans votre mémoire, vous soulignez à juste titre le réinvestissement dans les nouvelles technologies. La taxe sur le carbone devrait servir à la recherche de nouvelles technologies. Il y a deux facteurs que je retiens, et ce sont des facteurs que la population soulève souvent. Les produits biologiques, en particulier, qui sont produits selon une méthode qui vise à émettre le moins possible de GES, ne sont pas accessibles à l’ensemble des Canadiens, car ils sont dispendieux. Est-ce qu’on pourrait arriver un jour avec une nouvelle technologie afin que ces produits soient plus accessibles aux familles canadiennes moyennes?

[Traduction]

Mme Lee : C’est une question intéressante. Je crois qu’on en revient ici à la question de l’accessibilité d’outils de rechange. Actuellement, l’agriculture conventionnelle s’appuie, dans une certaine mesure, sur les pesticides conventionnels. Ces pesticides nous sont retirés, et nous n’avons pas de solutions de rechange, biologiques, culturales ou autres, pour les remplacer et fournir suffisamment — c’est une question de quantités aussi — d’options d’outils pour gérer les parasites et les maladies de façon biologique. Il faut beaucoup plus que ces outils de rechange pour pouvoir gérer une production biologique à plus grande échelle. Si vous voulez atteindre cette plus grande échelle, qui permettrait de réduire les prix, puis réduire les prix des intrants afin qu’une assez grande population puisse les consommer, il faudra réaliser beaucoup plus de travail du côté de la recherche.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, madame Lee.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Merci de votre exposé. Vous nous avez présenté de très bons exposés qui font réfléchir.

Monsieur Bacon, vous avez mentionné dans votre exposé le sol qui change. Je ne crois pas que vous en ayez assez dit à ce sujet. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

M. Bacon : Merci. Je vais utiliser un exemple dans l’Ouest canadien puisque je viens d’une famille agricole, et ce sont mes arrière-grands-parents qui, les premiers, sont arrivés dans l’Ouest lorsqu’on commençait à s’y établir; nous pouvons donc utiliser notre ferme familiale en guise d’exemple. Pendant de nombreuses années, des décennies, nous avons cultivé la terre en mettant très peu de substances nutritives supplémentaires dans le sol et nous avons appauvri le contenu organique du sol. La matière organique constitue un puits à carbone du point de vue agricole. Non seulement avons-nous réduit la capacité du sol de conserver l’humidité et de fournir des nutriments aux cultures, nous avons aussi libéré du carbone dans l’environnement. D’un point de vue technologique, des choses qui peuvent limiter le travail du sol sont de bonnes façons d’augmenter les niveaux de matières organiques dans le sol. C’est l’un des domaines de grande fierté pour l’agriculture canadienne. Nous faisons la bonne chose du point de vue environnemental et nous avons produit de nombreux rapports qui montrent que nous avons renversé cette tendance d’appauvrissement de la matière organique dans les sols.

Il faut examiner les choses afin de s’assurer que les politiques, les politiques fiscales et ainsi de suite qui sont en place favorisent de bonnes pratiques agricoles, pas seulement du point de vue de la qualité du sol, mais du point de vue des gaz à effet de serre, de l’eau et de la biodiversité. Je vais vous donner un exemple rapide : nous ne voulons pas faire des choses qui ont des répercussions négatives sur certains de ces facteurs environnementaux, et le sol est souvent l’une des choses qu’on oublie. Je travaille dans l’industrie des légumineuses, avec des protéines végétales, mais, assurément, du point de vue de la production de bétail et de l’agriculture animale, le rôle des animaux dans les systèmes agricoles est important parce qu’il y a de nombreux sols qui ne devraient pas être cultivés. Les pâturages sont une source de sites de nidification d’oiseaux et accueillent d’autres animaux. Je crois que nous devons réaliser une évaluation plus perfectionnée de ce que signifie la durabilité afin que nous puissions mieux comprendre ce qui est bon d’un point de vue environnemental et du point de vue de la santé et de quelle façon nous pouvons nous améliorer.

Le sénateur Mercer : Nous sommes un certain nombre à avoir parlé dans le passé de déplacer la production d’animaux vers le nord, où les terres ne sont pas aussi bonnes pour la culture agricole.

Vous avez tous deux parlé de saine alimentation et du volume de la production. D’ici 2050, nous serons 9,5 milliards de personnes sur la planète, et absolument personne n’a de plan quant à la façon dont nous allons nourrir ces gens. Les gens qui ont faim sont des gens en colère. Les gens en colère causent des conflits, et cela nous touche tous; peu importe si c’est ici ou à l’autre bout du monde.

Madame Lee, vous avez mentionné une stratégie d’utilisation intégrale qui, si je comprends bien, est au cœur de l’approche visant à contrer le gaspillage de la production végétale. Pourriez-vous nous l’expliquer davantage?

Mme Lee : C’est un nom assez joli que j’ai trouvé tandis que je cherchais à connaître les idées existantes. Par exemple, lorsque vous avez une betterave, vous pouvez en manger les feuilles, mais ce n’est pas tout le monde qui sait comment le faire. On sait comment manger la racine de la betterave. Comment pouvez-vous vous assurer que toute la racine, y compris les feuilles, sont utilisées? On peut aussi citer en exemple certaines des herbes où le bulbe pourrait être utilisé, mais on ne sait pas comment apprêter les feuilles. Il s’agit vraiment d’essayer de tirer profit d’absolument tout. Évidemment, vous pouvez mettre tous les restes au compostage, puis remettre le tout dans le sol. Si vous essayez d’augmenter votre consommation de fruits et de légumes pour améliorer votre santé, alors vous voudrez tirer le meilleur parti des plantes que vous produisez.

Le sénateur Mercer : De nombreux Canadiens, ou de nombreuses personnes dans le monde, ne savent pas comment utiliser toute la plante.

Vous utilisez les feuilles et la racine de la betterave. Mon père savait comment cuisiner la feuille de betterave.

En cherchant à composer avec le défi lié à la présence de 9,5 milliards de gens sur Terre, il importe de trouver des moyens créatifs de produire les aliments. Je pense que, au Canada, nous devenons plus créatifs pour ce qui est de produire des aliments qui n’ont peut-être pas été consommés par le passé, mais que des gens du monde entier consomment ou consommeront si nous les produisons.

Vous avez aussi mentionné le mandat de l’ARLA. Nous avons entendu parler de l’incapacité des organismes canadiens de réagir assez rapidement pour ce qui est d’homologuer des produits qui vont contribuer à la gestion des produits agricoles. Avez-vous constaté des améliorations au cours des dernières années? On nous a dit que des efforts étaient faits. Je continue de poser la question : se sont-ils améliorés?

Mme Lee : C’est une réponse complexe, parce qu’ils se sont certainement améliorés et ont examiné un plus grand nombre de produits qui venaient se faire évaluer et rééevaluer. Le problème tient au fait que beaucoup de produits qui doivent être analysés arrivent en même temps, et comme on a exercé sur eux des pressions pour qu’ils accélèrent tout le processus, on se préoccupe du fait qu’ils ne suivent peut-être pas aussi bien qu’on le voudrait des processus décisionnels axés sur la science.

L’exemple du mancozèbe que j’ai donné, en est un où ils ont dû revenir en arrière. C’était une décision concernant une certaine difficulté ou un problème de processus, et ils ont dû revenir en arrière et l’analyser de nouveau. À long terme, cela ralentit beaucoup les choses. Le 1er décembre 2016, ils étaient censés changer leur processus pour tous les nouveaux produits qui seraient réévalués. Tous les produits évalués ou réévalués avant cette date étaient toujours visés par l’ancien processus. S’ils avaient pu, d’une certaine façon, déplacer les vieux produits et les traiter à l’aide de la nouvelle méthode, les choses auraient roulé beaucoup mieux. Essentiellement, dans le cadre du nouveau processus, on consulte l’industrie avant d’analyser le produit pour en découvrir l’usage réel, plutôt que de fouiller dans des renseignements vieux de 15 ans et de dire : « Selon les renseignements qui ont été enregistrés pour le produit il y a 15 ans, c’est ce à quoi nous nous attendons maintenant. Est-ce vrai? » Il leur faudrait alors revenir en arrière, en se fondant sur l’utilisation actuelle, et refaire toutes les analyses.

Je crois qu’on peut encore améliorer certaines façons de faire. Ce qui nous intéresse surtout, c’est que la décision qui est prise respecte vraiment les renseignements scientifiques exacts qui sont disponibles, si on consulte d’abord les secteurs.

Le sénateur Mercer : Vous avez tous deux parlé de la pénurie de travailleurs. Madame Lee, vous avez parlé de la pénurie de camionneurs, et monsieur Bacon, vous et d’autres avez mentionné les travailleurs étrangers temporaires.

J’essaie de changer la terminologie que nous utilisons pour continuer de parler des travailleurs étrangers temporaires ou de la pénurie de camionneurs. Permettez-moi de montrer sous un jour favorable notre politique en matière d’immigration. Si nous avons besoin de camionneurs, particulièrement de conducteurs de poids lourds, ce ne sont que dans certaines régions du monde que nous pouvons recruter des gens pour qu’ils viennent ici faire ce travail. Fait assez intéressant, c’est surtout en Europe de l’Est, parce que les conditions météorologiques sont semblables aux nôtres et que cela facilite les choses.

Assiste-t-on dans l’industrie à un mouvement pour que les gens cessent de parler des travailleurs étrangers temporaires ou de la pénurie de travailleurs pour parler plutôt de la nécessité de l’immigration en vue de répondre à ces besoins?

Mme Lee : L’horticulture est un secteur très saisonnier. Particulièrement en ce qui touche la valeur ajoutée, qui est le sujet aujourd’hui, nous cherchons à savoir comment produire et offrir toute l’année des fruits et légumes. L’essentiel de la production est saisonnier. Quelqu’un qui vit au Canada ne sera pas aussi intéressé par un emploi saisonnier. Cette personne veut un emploi annuel à temps plein. Cela aiderait les gens qui occupent des emplois toute l’année, par exemple les conducteurs des usines d’emballage à valeur ajoutée, mais pour les emplois assurément saisonniers, je ne crois pas que cela va aider notre secteur, à moins, bien sûr, qu’ils ne recherchent du travail à temps partiel.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup, mesdames et messieurs, de me laisser passer devant les autres. Je dois bientôt aller à une autre réunion.

J’ai une question rapide pour M. Bacon. Votre exposé était assez abstrait et s’intéressait principalement au volet consommateur. Toutefois, dans l’industrie des légumineuses, je crois comprendre que la prochaine innovation tient à tout ce qui entoure la protéine végétale. Tout le monde parle du passage radical aux protéines végétales et de la façon dont le Canada peut être un chef de file mondial pour fabriquer des produits à valeur ajoutée à base de protéines végétales. Nous aurions même au pays une soi-disant supergrappe qui investit des centaines de millions de dollars dans la recherche sur les protéines végétales.

Pourriez-vous nous exposer un peu les perspectives de produits très tangibles à valeur ajoutée, faits au Canada, conçus au Canada et exportés dans le monde auxquelles le comité peut réfléchir et sur lesquelles nous pouvons mettre l’accent dans nos recommandations? Au final, l’étude porte sur le volet transformation de l’industrie et sur la façon dont nous pouvons créer plus de valeur à partir des produits que nous cultivons actuellement au pays.

M. Bacon : Merci. Je vais devoir entrer dans des notions abstraites, parce que je crois que c’est là que se trouvent les débouchés. Ça sera toujours un défi pour nous d’être un producteur de matières premières. La question que nous devons nous poser, même si nous sommes le plus grand pays producteur et exportateur de légumineuses au monde, c’est comment nous resterons compétitifs. Il y a cinq ans, le Kazakhstan ne produisait pas de lentilles. Récemment, 500 000 tonnes de lentilles en provenance d’un port de la mer Noire nous ont déplacés sur le marché turc. Nous devons regarder au-delà de ce qui nous a amenés vers ce succès et examiner les tendances sociales et les tendances des consommateurs, comme l’intérêt pour la protéine végétale et les exigences du point de vue environnemental, et définir comment nous serons compétitifs dans l’avenir.

Nous devons comprendre les types de variétés nécessaires pour les types de transformation que nous verrons dans l’avenir. Ce que nous savons au sujet des variétés convient le mieux à la production d’isolats de protéines, c’est loin d’être suffisant pour être un chef de file mondial. Ce que nous connaissons au sujet des pratiques de gestion agricole a une incidence sur les taux d’extraction concernant la production d’isolats de protéines, et c’est loin d’être suffisant pour être un chef de file. La commission Lancet a abordé une préoccupation qui est mienne également, c’est-à-dire que nous n’avons pas encore les paramètres qui orientent les agriculteurs et l’industrie par rapport à ce qui est considéré comme un aliment nutritif qu’on peut produire de façon durable. Sans les bonnes mesures, il est difficile de renforcer l’industrie qui nous permettra de rester compétitifs dans l’avenir.

De toute évidence, la durabilité environnementale, la santé humaine et la nutrition sont des éléments essentiels. Ce qui nous manque, ce sont des mesures intégrées de la réussite, ce qui nous permet de savoir si nous allons dans la bonne direction.

Je crois que les consommateurs doivent réduire leur consommation de carbone, mais comment savent-ils si le choix qu’ils font est le bon? Lorsque, à l’épicerie, nous voyons 12 types de pains différents sur une étagère, comment pouvons-nous savoir, en tant que consommateurs, lesquels nous fournissent le type d’éléments nutritifs qui nous conviennent le mieux? Certains auront une teneur plus élevée en fibres, d’autres, en matières grasses; certains auront plus de sel, d’autres, plus de sucre. C’est beaucoup trop complexe.

Pour revenir à cette étude que nous avons commandée à ETH Zurich, une des principales institutions mondiales sur la durabilité environnementale, nous avons essayé de répondre à la question soulevée par la commission Lancet. C’est que nous n’avons pas encore les bonnes mesures. Nous avons utilisé le résultat d’un bilan de la nutrition, un algorithme complexe qui examine un certain nombre de facteurs. Nous avons combiné ce résultat aux émissions de gaz à effet de serre, mais l’avons exprimé sur une base alimentaire, par portion, pour pouvoir examiner une combinaison d’éléments nutritifs et de l’empreinte carbonique d’une façon qui serait présentée simplement aux consommateurs. Nous avons juste lancé cette idée de ce que nous devons faire et du type de leadership dont vous pourriez faire preuve à l’échelle mondiale.

Tout cela me ramène à votre question : comment bâtissons-nous une industrie qui sera compétitive à l’échelle mondiale? Nous devons imaginer des façons de conserver notre avantage au Canada.

Nous avons besoin d’approches scientifiques. Sans des mesures scientifiques de la réussite, il est difficile de répondre à votre question, car, en ce moment, nous dirions que nous avons besoin de cultiver davantage de produits à un prix plus bas que quiconque.

Pour moi, ce n’est pas un modèle d’affaires réussi, et celui-ci peut sous-optimiser d’autres résultats environnementaux, comme la protection de l’environnement.

Le sénateur Woo : Permettez-moi de poursuivre. On présume qu’on pourrait être plus compétitif que d’autres pays qui cultivent le même produit au moyen de la transformation à valeur ajoutée de ce produit, en y ajoutant de la valeur à l’aide de différentes options de goûts, bien sûr, d’une meilleure concentration de protéines et de meilleures saveurs, et ainsi de suite. Ne s’agit-il pas pour l’industrie d’une manière de se distinguer des producteurs de la mer Noire et d’autres qui essaient de s’interposer à l’extrémité inférieure, au bout de la production de marchandises?

M. Bacon : Ça l’est, mais la compétition mondiale change très rapidement. La vitesse de l’innovation dans d’autres pays s’accélère de plus en plus. Nous avons peut-être un avantage cette année, mais dans 18 mois, lorsqu’une nouvelle usine utilisant exactement la même technologie sera construite, nous devrons alors faire concurrence sur le plan des coûts de la main-d’œuvre, des lois en matière de protection de l’environnement, et cetera dans d’autres pays, et nous avons vu cela.

Un des plus grands centres de fractionnement de protéines au monde se trouve en Chine. J’ai vu comment se faisait la construction de la nouvelle usine en Chine, avec l’ingénierie allemande à la fine pointe de la technologie. Aurons-nous un avantage? La réponse, c’est que nous pouvons en avoir un, mais nous devons aller au-delà du seul fait d’être le producteur à plus faible coût, et plutôt accorder de la valeur à des choses comme les mesures concernant la durabilité, en plus de maintenir notre feuille de route exemplaire à l’égard d’enjeux comme la sécurité alimentaire. Cependant, nous devons aller plus loin, et cela fera en sorte que nous aurons des avantages que les agriculteurs canadiens peuvent exprimer et offrir de façon unique. Je pense que c’est l’essentiel. Ce n’est pas un modèle qui repose uniquement sur les marchandises; il doit plutôt tenir compte des nouveaux intérêts sociaux et des demandes des consommateurs. Ce sont les mesures qui font défaut. Je pense que c’est là où nous devons intégrer notre politique alimentaire à l’échelle mondiale. C’est avec cela que nous bâtirons l’industrie de l’avenir.

Le sénateur Doyle : Merci de votre exposé.

Nous exportons environ 56 milliards de dollars de produits agricoles et agroalimentaires, mais n’en importons que pour environ 44 milliards de dollars. Ces 44 milliards de dollars renvoient-ils à des aliments ou à des denrées qui ne peuvent être produits ici ou y a-t-il de l’espace et des capacités de plus, disons, pour remplacer une partie de ces 44 milliards de dollars par des moyens de production locale? Cela peut-il se faire de façon plus compétitive tout en vous procurant plus de valeur?

Mme Lee : Je pense qu’on peut faire beaucoup plus dans ce domaine. Je cite en exemple la pomiculture. Comme vous le savez, les pommes canadiennes existent depuis longtemps. Nous avons nos propres variétés ici, et cela représente un aliment de base du régime alimentaire canadien. Toutefois, en ce moment, les cultivateurs utilisent des technologies et des entrepôts qui, à leur époque, si on revient à la technologie, étaient à la fine pointe. Toutefois, les nouveaux pays qui ont commencé à cultiver des pommes — par exemple la Chine, des pays de l’Amérique du Sud — ont été en mesure d’investir dans de nouvelles technologies, parce qu’ils sont arrivés plus récemment sur ce marché.

Les Canadiens sont maintenant coincés, pour ainsi dire, avec la vieille technologie et, afin de pouvoir livrer concurrence, ils auraient besoin d’un peu d’aide pour arriver à mettre à niveau cette technologie.

Oui, la capacité existe assurément. Nous avons effectué une étude sur le sujet. Dans ce cas particulier, nous avons une proposition concernant les pommes. Il serait fantastique de voir plus de cerises canadiennes de la Colombie-Britannique, plutôt que celles de Washington, par exemple. C’est la même chose avec les pommes. Je sais qu’on a la capacité de le faire. Nous avons juste besoin des conditions opérationnelles et du soutien de l’infrastructure pour être en mesure de le faire.

Le sénateur Doyle : L’ALENA fait actuellement l’objet d’une renégociation, comme si j’avais besoin de vous le dire. Toutefois, les secteurs que vous représentez voient-ils cela comme une occasion d’élargir le secteur des exportations ou sommes-nous en ce moment dans une position défensive en raison de l’industrie agricole américaine hautement subventionnée?

Mme Lee : Certainement, du moins l’industrie des fruits et des légumes, le secteur de l’horticulture — et j’en connais de nombreux, tout comme le secteur de l’automobile —, est très fortement intégrée au sein des trois pays. Comme résultat de cette intégration, il se fait beaucoup de développement et beaucoup d’échanges — une partie des importations et exportations qui ont été mentionnées plus tôt. À certains moments de l’année, il est très difficile de produire des pommes et de la laitue; on ne peut pas y échapper. En fait, des entreprises canadiennes ont établi leurs propres installations, aux États-Unis et au Mexique, pour être en mesure de fournir des produits toute l’année au Canada.

Ce que nous préférerions, c’est qu’on n’y touche pas. Les choses fonctionnaient assez rondement. Certaines choses pourraient être améliorées, mais nous ne voudrions pas que la situation actuelle accuse un recul ou soit moins bonne. L’intégration est extrêmement importante pour nous et, comme je le disais, des gens de part et d’autre de la frontière travaillent en étroite collaboration.

M. Bacon : Je pense que la prévisibilité est essentielle dans ces relations commerciales, et une partie des produits alimentaires importés contiennent des ingrédients cultivés au Canada, par exemple, et exportés dans des usines américaines, puis réexpédiés au Canada. Idéalement, nous aimerions que le travail de transformation se fasse au Canada, mais c’est aussi un marché important pour la production primaire et l’agriculture, tout comme la prévisibilité, de sorte que des investissements puissent être consentis, et des chaînes d’approvisionnement conçues, avec une certaine certitude que l’accès se maintiendra dans l’avenir.

Le sénateur Doyle : Pourquoi l’industrie des aliments et des boissons est-elle presque entièrement composée de sociétés de moins de 100 personnes? Ces petites exploitations sont-elles plus efficaces, ou s’agit-il de votre façon d’être plus concurrentiel? Pour quelle raison avez-vous un si grand nombre de petites sociétés, et non pas de grandes usines? Est-ce parce que vous essayez de répondre aux besoins des petites exploitations agricoles dans des régions éparses du pays? Qu’est-ce qui explique cela?

M. Bacon : Il n’y a pas une raison unique qui me vient à l’esprit. Dans le secteur alimentaire, nous traitons avec les grandes entreprises, dont une détient 60 p. 100 de la part mondiale des grignotines. Nous traitons aussi avec des entreprises qui sont petites et flexibles et qui croissent de façon dynamique. Un exemple qui me vient à l’esprit est Beyond Meat, qui a proposé un hamburger sans viande et dont le succès a explosé si rapidement que l’entreprise n’est même pas en mesure de satisfaire à la demande. Ce n’est pas une grande entreprise de viande ou entreprise alimentaire qui a conçu ce produit; c’en était une petite.

Parfois, les petites entreprises peuvent prendre plus de risques. Elles n’ont pas de marques pleinement développées, donc elles peuvent déménager dans de nouveaux locaux. À mes yeux, c’est une combinaison de choses, où les grandes entreprises jouent un rôle important et ont besoin des petites entreprises novatrices pour amener notre secteur alimentaire ailleurs.

Le sénateur Doyle : C’est 94 p. 100, en fait. C’est assez élevé. Merci.

La présidente : Il nous reste environ dix minutes, et cinq personnes veulent poser des questions, donc vous avez chacun un maximum de deux minutes.

Le sénateur Oh : Merci, mesdames et messieurs. Ma question concerne le Canada comme chef de file mondial dans la production de légumineuses. Le Canada prend l’initiative de célébrer les légumineuses et de s’assurer qu’elles ont un avenir brillant tant au Canada que dans le monde. Comment le pays contribue-t-il à l’industrie des légumineuses en ce moment, à l’échelle mondiale, dans la foulée du protectionnisme? Quelle est votre suggestion pour le gouvernement canadien?

M. Bacon : Nous vivons dans une industrie des légumineuses qui évolue rapidement. L’Inde est un très bon exemple, car le pays a décidé de devenir plus autosuffisant en matière de légumineuses, ce qui a eu un impact mondial.

À l’échelle de l’industrie des légumineuses du Canada, nous travaillons dans le monde entier pour nous assurer que, à mesure que les politiques changent, d’abord et avant tout, nous sommes compétitifs sur le marché des produits de base. Je pense que la grande occasion que nous percevons dans le secteur des légumineuses, c’est de miser sur les facteurs sociaux du changement dans l’industrie alimentaire, où les gens s’intéressent à la nutrition. Ils recherchent des résultats en matière de santé et la durabilité.

Pour bien construire ce modèle, je dirais au gouvernement du Canada que nous devons être des chefs de file mondiaux afin de travailler à élaborer les définitions de ce à quoi correspondent le succès dans la nutrition, la santé et la durabilité dans le secteur alimentaire. D’ici à ce que nous ayons une définition claire d’un résultat, il est difficile de savoir si nous sommes sur la bonne voie.

Le sénateur Oh : Avez-vous des commentaires, Rebecca?

Mme Lee : Je pense que c’est bon. Merci.

La sénatrice Gagné : Je vais revenir à l’exemple que je vous ai donné au sujet de la façon de préparer des betteraves. Vous pourriez faire beaucoup de choses avec les feuilles et aussi avec la racine. Je pense que les connaissances des consommateurs, comme vous l’avez dit, monsieur Bacon, sont probablement essentielles aux changements nécessaires dans l’industrie alimentaire.

La préparation alimentaire, en fait, est une catégorie qui connaît actuellement une croissance sur les marchés mondiaux. Comment le Canada se débrouille-t-il? Comment pouvons-nous nous améliorer?

M. Bacon : Les changements dans le Guide alimentaire canadien ont certainement été — et cela se poursuit — un domaine d’intérêt et matière à débat. Je pense que le rôle du gouvernement est de fournir de l’orientation et des directives, de travailler en partenariat avec l’industrie alimentaire et en étroite collaboration avec des groupes comme le Conseil canadien de l’horticulture. Nous jouons tous un rôle pour ce qui est d’éduquer les consommateurs. Il serait utile pour l’industrie de recevoir des politiques claires et des encouragements sur les façons d’améliorer la santé des Canadiens, parce que cela nous touche tous. C’est un autre rôle du gouvernement.

Je vais rester bref, car je suis sûr que Rebecca aimerait dire autre chose.

Mme Lee : Du point de vue de toutes les organisations qui composent l’industrie de l’horticulture, il y en a beaucoup qui donnent sur leur site web des liens vers des sites utiles. S’ils ne savent pas comment utiliser les feuilles de betterave, ils peuvent apprendre à le faire. Cela fait partie du portrait d’ensemble qui doit être dessiné.

Les médias sociaux se sont certainement intéressés à l’orientation et aux tendances pour ce qui est de savoir où rechercher de l’information. Dans une certaine mesure, on doit agir un peu plus pour savoir comment orienter cette curiosité du consommateur vers les types de renseignements qui l’aideraient à prendre les bonnes décisions, et pas seulement parce qu’un produit est exempt de pesticides, par exemple. Quelques exportations pourraient renfermer des défauts, comme une certaine quantité de résidus inférieure aux seuils acceptables pour la consommation canadienne des produits.

Il s’agit d’orienter la façon dont le consommateur réfléchit et de définir les types de critères dont il doit tenir compte au moment de choisir ses aliments, et pas seulement par rapport à l’aspect commercial où l’on veut savoir qui les a produits — c’est important —, mais ce qui entre dans la production est tout aussi important.

Je ne sais pas si je me suis exprimée clairement.

La sénatrice Gagné : J’ai beaucoup d’autres questions.

La présidente : Vous pourrez les poser au deuxième tour, si nous y arrivons.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. J’aurais deux questions rapides qui sont d’actualité. On sait que les États-Unis ont signé un accord avec le Mexique, et qu’il est possible que le Canada ne puisse reconduire l’ALENA, ou que cet accord soit modifié en profondeur. Est-ce que cela vous amène à faire une réflexion quant à l’avenir de votre industrie?

[Traduction]

M. Bacon : Nous y sommes certainement arrivés. À ce jour, les discussions n’ont pas porté précisément sur les légumineuses, mais les producteurs et les transformateurs de légumineuses sont aussi des producteurs de blé et de canola. Bon nombre d’entre eux sont aussi des éleveurs de bétail. De toute évidence, pas seulement aux États-Unis, mais à l’échelle mondiale, le mouvement apparent vers le protectionnisme est difficile pour l’industrie des légumineuses, car de 75 à 80 p. 100 de notre production est exportée.

Bien que les États-Unis représentent un grand marché pour certains types de fèves, comme nous le voyons, la politique protectionniste dans un pays entraîne souvent des réactions dans d’autres. À titre d’exemple, la mesure américaine en matière d’acier a entraîné la prise de mesures par l’UE sur des fèves en provenance des États-Unis, ce qui a ensuite eu des répercussions sur ce qui peut être demandé au Canada. Même si les problèmes surgissent entre deux pays, comme les États-Unis et la Chine, ils finissent souvent par avoir des répercussions mondiales sur le commerce. C’est la difficulté qui nous concerne tous.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma deuxième question porte sur la fameuse taxe sur le carbone. D’ailleurs, je lisais ce matin dans un journal que cela s’avérerait un échec lamentable au Québec. On a de la difficulté à administrer la taxe sur le carbone.

En examinant la production du Canada et la taxe sur le carbone, selon vous, quelles seront les conséquences sur les producteurs et les consommateurs, compte tenu du fait que cette taxe sera refilée aux consommateurs? Cela aura un effet sur le marché. Prenons l’exemple du gouvernement du Québec qui a de la difficulté à l’administrer. Tout ce qu’il a mis en place, pas seulement ce qui touche aux produits agricoles, semble être un échec lamentable. Alors, comment voyez-vous l’impact que cela pourrait avoir sur les producteurs et les consommateurs?

[Traduction]

Mme Lee : Une partie du problème que nous voyons au sein du Canada tient au fait que, en raison de la façon dont le système de taxe sur le carbone a été appliqué différemment partout au pays, il existe des enjeux concurrentiels entre les provinces. C’est particulièrement visible dans l’industrie des gaz à effet de serre. L’Ontario est un peu en mutation. Nous ne savons pas comment tout cela va finir. Lorsque vous pensez au fait que, en Ontario, par exemple, il n’y avait pas autant de crédit ou de remboursement des coûts pour les agriculteurs et les cultivateurs, tandis que, en Colombie-Britannique, on remboursait certaines dépenses, parce que cela fait partie de son modèle opérationnel... Cela crée des incertitudes au pays. Puis, sur la scène internationale, il pourrait être plus concurrentiel pour la Colombie-Britannique d’exporter ses produits que pour les Ontariens, par exemple. C’est une certaine difficulté de ce point de vue.

Je serais très heureuse que l’ensemble de la législation, des règlements et des exigences supplémentaires imposées aux agriculteurs se répercutent sur le prix assumé par les consommateurs. En ce moment, je ne crois pas que cela se produise à très grande échelle. L’agriculteur est celui qui subit les contrecoups. Il doit absorber les coûts. Il est preneur de prix, pas faiseur de prix. C’est un autre domaine où j’aimerais voir un certain type d’influence de la part du gouvernement : si on impose ces exigences, il doit y avoir un certain type de rajustement des prix, de sorte que la même pomme ne coûte pas les mêmes 50 cents ou que sais-je de l’unité, que ce qu’elle coûtait il y a 10 ans, avec toutes les taxes supplémentaires qui y sont ajoutées.

M. Bacon : Je vais dire une chose rapidement.

Il ne faut pas oublier ce que nous tentions de faire lorsque nous avons lancé ce processus : nous voulions réduire l’empreinte carbonique des aliments. Malheureusement, nous ne nous sommes concentrés que sur les taxes comme méthode pour y arriver, tandis qu’il y en a d’autres, y compris le changement des comportements des consommateurs, la reformulation des produits alimentaires et le fait de donner aux consommateurs les outils nécessaires pour faire les bons choix. Dans le cadre du travail fait par la commission Lancet et ETH, nous pouvons montrer qu’il est possible de réduire l’empreinte carbonique des aliments de façon radicale, simplement en reformulant et en encourageant les consommateurs à faire des choix alimentaires soucieux de l’environnement. Cela doit faire partie de notre discussion au sujet de la marche à suivre.

La sénatrice Petitclerc : J’accepterai une réponse brève, parce que le temps alloué tire à sa fin. Je sais que la réponse pourrait être longue.

D’après tout ce que j’ai entendu concernant vos domaines alimentaires respectifs, quand il s’agit de produits alimentaires à valeur ajoutée, j’essaie de comprendre — vous avez parlé des aliments sains, préemballés ou précoupés, des protéines —; je constate qu’il existe une tendance qui ne faiblit pas. Ma perception, et celle de bon nombre de personnes, c’est que, auparavant, les aliments à valeur ajoutée correspondaient davantage à des produits transformés et à des produits de restauration rapide. Nous nous éloignons de ce type de produits.

La question que je me pose, c’est de savoir s’il s’agit d’un marché important ou d’un créneau. S’agit-il d’un produit un peu différent du vôtre, mais que vous devez quand même offrir? D’après vous, prenons-nous part à ce marché et créons-nous des occasions d’affaires?

Mme Lee : Je suis d’avis qu’il s’agit bel et bien d’une tendance qui deviendra probablement dominante. Les gens chercheront certainement une plus grande commodité. La façon dont nous réagirons à ce genre de tendance à l’avenir favorisera assurément la consommation de fruits et de légumes sains, entre autres.

En tirons-nous tous les avantages possibles? Quand on voit ce qui se fait aux Pays-Bas, je crois que nous sommes en retard. Il est possible d’en faire beaucoup plus.

M. Bacon : La tendance mondiale, c’est de consacrer moins de temps à la préparation des aliments. D’après les résultats d’une étude menée en Amérique du Nord, les gens consacrent moins de 20 minutes par jour à la préparation des repas. C’est pourquoi ils achètent de la laitue déjà lavée et coupée; c’est simplement pour une question de temps. Nous observons aussi cette tendance dans les pays en développement. À mesure que les femmes intègrent le marché du travail, ce sont les deux parents qui travaillent et qui doivent préparer les repas pour les enfants, à leur retour à la maison. Je crois que la recherche de commodité et de facilité soutient cette tendance. Couper des aliments fait partie de la préparation. Ce que nous devons faire, c’est dissocier des aliments préparés de l’idée qu’ils sont mauvais. Je crois qu’il existe des aliments préparés très sains et tout à la fois nourrissants. Nous ne nous opposons pas aux aliments préparés, mais nous voulons nous assurer que les gens font de bons choix quand ils se procurent des aliments prêts à manger.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de votre présence. J’étais heureux de vous entendre dire dans votre conclusion, monsieur Bacon, que vous souhaitez vous assurer de poursuivre la discussion et la réflexion approfondie quant à la durabilité. C’est-à-dire d’en cerner la définition, d’expliquer ce que c’est et ce que cela devrait être, selon nous, d’établir la terminologie, comme la sénatrice Petitclerc vient de le mentionner, de la notion de valeur ajoutée. Je crois que c’est très important.

Pendant les échanges, ce matin, vous avez dit que le Canada doit assurer un solide rôle de chef de file dans l’industrie alimentaire. Vous parliez presque d’un continuum. Allons-nous mettre l’accent sur le « fait au Canada », ou serait-il plus avantageux de préconiser des changements à l’échelle globale. Nous devrons nous pencher sur cette question. J’aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Vous êtes plongés dans ces questions. D’après vous, où en sommes-nous en ce moment? Ce n’est pas tout à fait de deux choses l’une. Je le comprends, et je crois que nous le comprenons tous. Toutefois, selon vous, il est absolument nécessaire de jouer un solide rôle de leadership. Quel est votre avis à ce sujet?

M. Bacon : J’ai sous la main un document d’un comité sur l’agriculture de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture dont les membres reconnaissent la nécessité d’adopter une approche intégrée multilatérale pour relever les défis complexes liés au développement du système alimentaire. Les membres de la Commission EAT-Lancet publieront un rapport cet automne. J’ai beau chercher, je ne vois pas de Canadiens parmi les leaders de cette initiative. Je ne vois aucun chercheur canadien. Aucune des idées avancées ne viennent du Canada. Je ne veux pas m’étendre sur le sujet de la taxe sur le carbone, mais il ne s’agit pas de la meilleure pratique de gestion globale qui soit, si l’objectif est de changer l’incidence des régimes alimentaires sur l’environnement. À mon avis, si nous souhaitons devenir un chef de file dans le domaine de la transformation d’aliments à valeur ajoutée et des exportations à l’échelle internationale, nous devons être à l’avant-garde des progrès que doit réaliser l’industrie de l’alimentation. Je crois que les membres de la Commission EAT-Lancet ont raison quand ils affirment que nous devons revoir du tout au tout nos façons de produire et de consommer des aliments sains en veillant à la durabilité. Voilà le défi, la cible que nous devons viser; nous devons nous demander quelles sont nos contributions.

J’aurais de la difficulté à proposer une pratique exemplaire globale. Il se tient des forums et des discussions en Europe et ailleurs dans le monde. Bien souvent, aucun Canadien n’est invité à participer aux programmes, et encore moins à proposer des idées. Je crois que ces possibilités s’offrent à nous. Nous avons un des meilleurs bilans au monde. Nous avons des agriculteurs éduqués et d’excellents systèmes réglementaires, mais, à mon avis, nous n’avons pas commencé à réfléchir à la situation dans laquelle nous voulons être dans cinq ans et aux moyens d’y parvenir. C’est l’occasion que nous devons saisir, mais cela constitue aussi un défi.

La sénatrice M. Deacon : Merci.

Mme Lee : Je souscris en particulier au dernier commentaire. C’est ce sur quoi je me penche. Nous commençons à examiner cela dans le secteur de l’horticulture. Où devrons-nous être rendus dans 5, 10 ou 20 ans, et quelles mesures devons-nous prendre pour que nos agriculteurs s’y rendent? L’objectif est de ne pas importer tous nos aliments et de nous assurer que des programmes d’études et d’éducation soutiennent ces objectifs. Il faut appuyer les étudiants qui sont dans le système d’éducation actuellement et qui voient l’agriculture dans une perspective plus large et se demandent quelles sont les incidences des différentes technologies sur notre secteur agricole. Il faut renseigner les étudiants potentiels sur ce qu’est vraiment l’agriculture et sur la contribution qu’ils pourraient y apporter. À mon avis, surtout en ce qui concerne les prochaines générations qui sont actuellement aux études et qui travaillent dans les fermes, ce sera essentiel.

M. Bacon : Je souhaite ajouter un bref commentaire. Je crois que nous mettons beaucoup trop l’accent sur l’agriculture. Nous ne nous percevons pas comme des composantes essentielles de l’industrie alimentaire. Je suis d’avis qu’on aborde une question de façon tout à fait différente quand on adopte le point de vue du consommateur plutôt que celui du producteur. Nous devons exploiter les deux visions. Je pense que si nous sous-estimons notre rôle, si nous n’en faisons pas assez, c’est parce que nous n’examinons pas la situation du point de vue du consommateur, à l’échelle internationale, et même nationale, dans l’optique d’avoir une population en santé et une planète saine.

La présidente : Merci, mesdames et messieurs.

Je souhaite remercier les témoins. Nous avons dépassé quelque peu le temps prévu, mais nous avons accès à cette salle pour une période un peu plus longue que d’habitude. Nous allons rattraper le retard avec le prochain groupe de témoins. Merci à tous.

J’ai quelques points d’ordre administratif à régler avant que les sénatrices et les sénateurs ne se présentent au deuxième groupe de témoins. Il y aura une séance à huis clos après avoir le prochain groupe de témoins. Nous devons examiner un budget. Il est important que les membres restent. Ensuite, je m’en excuse à l’avance, je dois participer à une autre séance. Le sénateur Maltais me remplacera durant la dernière partie de la séance. Je vous avertirai avant le changement, ou avant mon départ. Le sénateur changera de fauteuil.

Cela dit, j’aimerais présenter le sujet. Nous menons une étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

Nous recevons aujourd’hui Paul Hetherington, président et chef de la direction de l’Association canadienne de la boulangerie. Je parierais qu’il a écouté hier soir l’émission de télévision sur le concours culinaire. Non? Tout ce que je peux dire, c’est que l’Île-du-Prince-Édouard est toujours de la course.

Nous recevrons ensuite Gordon Harrison, président de la Canadian National Millers Association, puis Buck (Harold) VanNiejenhuis et Bruce MacIntyre, tous les deux membres du Comité exécutif. Bienvenue.

Nous allons commencer par Paul Hetherington.

Paul Hetherington, président et chef de la direction, Association canadienne de la boulangerie : Je vous remercie de cette présentation et de l’invitation à témoigner. L’Association canadienne de la boulangerie est une association professionnelle nationale sans but lucratif qui représente le secteur canadien de la boulangerie, lequel se chiffre à 8 milliards de dollars. Nos membres boulangers, qui travaillent de façon indépendante, dans un commerce ou en entreprise, produisent une grande variété de pains et de petits pains nutritifs ainsi que des gâteries comme des gâteaux et des pâtisseries. Habituellement, c’est à ce moment qu’on me demande si j’ai apporté des échantillons; je n’en ai pas.

Il est opportun que le comité se penche sur la façon dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée pourrait être plus compétitif sur les marchés mondiaux. Les boulangers canadiens ont fait croître les exportations de pains et de produits de boulangerie, de même que de biscuits et de craquelins, de 1,5 milliard de dollars en 2013 à presque 2,8 milliards de dollars en 2017. Cette année, jusqu’à maintenant, les exportations ont augmenté de 17 p. 100 par rapport à l’an passé. Ce commerce se fait presque exclusivement avec les États-Unis, dont la population consomme 96 p. 100 de nos produits exportés. À titre d’information, les importations dans ces catégories s’élevaient à 721 millions de dollars en 2013 et ont augmenté pour s’établir à un peu moins de 1 milliard de dollars en 2017. Encore une fois, la grande majorité de ces importations proviennent des États-Unis. Comme vous pouvez le constater, la balance commerciale avec les États-Unis est très positive. Je vous demanderais, étant donné le contexte actuel touchant les échanges commerciaux, que l’on garde ces renseignements entre nous pour le moment, s’il vous plaît. Nous ne voulons pas faire l’objet de plus d’attention de la part de notre voisin du Sud.

Il n’est pas étonnant qu’il existe des problèmes touchant cette relation commerciale et que des défis se posent quant à la croissance. Les contingents tarifaires américains visant les produits contenant du sucre limitent l’exportation de certains produits de boulangerie. Les dispositions de la nouvelle Food Safety Modernization Act des États-Unis imposent de nouvelles exigences réglementaires à qui veut maintenir son accès au marché. Ces problèmes sont bien connus, et, lorsque c’est possible, les fonctionnaires canadiens s’en occupent. Dans les faits, ces problèmes ne relèvent pas de la compétence des législateurs canadiens ni des ministères ou organismes du gouvernement. Je souhaiterais plutôt mettre l’accent sur des aspects qui relèvent entièrement du Canada. À notre avis, il est prioritaire de remettre l’accent sur l’élaboration de règlements fondés sur des données probantes et d’établir des objectifs clairs et mesurables.

Nous avons déjà transmis au comité le mémoire conjoint de l’Association canadienne de la boulangerie et de la Canadian National Millers Association présenté dans le cadre de l’examen réglementaire de l’industrie agroalimentaire du Conseil du Trésor du Canada. Ce mémoire énonce en détail nos préoccupations. Parmi celles-ci, la principale tient au fait que nous constatons que le processus d’élaboration de règlement s’appuie de manière insidieuse sur l’empathie plutôt que sur des données probantes, et nous citons en exemple la Stratégie de Santé Canada en matière de saine alimentation. Ce n’est pas que les problèmes comme l’obésité et les maladies chroniques qui y sont liées ne sont pas réels ni prouvés à l’aide de données scientifiques. À notre avis, le problème réside dans le fait que les politiques et les solutions réglementaires proposées ne sont pas fondées sur de telles données.

Comme nous l’avons indiqué dans notre mémoire, nous avons maintenant des règlements ou des projets de règlements qui ne sont pas fondés sur des données scientifiques, mais plutôt sur des règles empiriques ou, dans certains cas, sur des critères propres aux auteurs de la mesure réglementaire. Les projets de règlement sont contraires aux intérêts de nos principaux partenaires commerciaux. Nous avons de multiples règlements et politiques qui se chevauchent. Savez-vous que les boulangers canadiens doivent respecter quatre cibles différentes, toutes fixées par Santé Canada, en ce qui concerne le sodium? Nous avons aussi des projets de règlement dont on n’a pas examiné les conséquences inattendues. Par exemple, les restrictions proposées de la publicité sur les aliments malsains destinée aux enfants font que presque tous les pains sembleront malsains. Les responsables de Santé Canada n’ont pas, à notre connaissance, cerné les conséquences des déficiences en acide folique, en fibres et en d’autres nutriments qu’une telle déclaration pourrait entraîner, de façon involontaire, chez les enfants. Le pain constitue une source importante de tous ces nutriments essentiels, comme d’autres aliments à base de grains.

Par ailleurs, quels seront les effets néfastes sur les échanges commerciaux une fois que le gouvernement du Canada aura déclaré au monde entier que les pains canadiens sont malsains pour les enfants? Notre critique à l’égard de ces récents projets de règlement devrait être prise en considération, vu que nous soutenons depuis longtemps des politiques fondées sur des données probantes et militons pour l’élaboration de règlements. Il est à noter que l’Association canadienne de la boulangerie, la Canadian National Millers Association et la Canadian Pasta Manufacturers Association ont été les premiers à appuyer l’enrichissement volontaire de la farine raffinée avec de l’acide folique, et que ces groupes ont ensuite milité activement pour le rendre obligatoire, même si Santé Canada s’opposait à ce changement.

Selon nos estimations, cette initiative a permis d’éviter des anomalies congénitales à plus de 5 000 enfants — un cauchemar pour les familles —, ce qui représente pour le système canadien de soins de santé des économies d’environ 4,5 milliards de dollars en coûts directs, et même plus si on ajoute les coûts indirects et les coûts de renonciation.

L’Association canadienne de la boulangerie a appuyé l’élimination volontaire des gras trans dans l’approvisionnement alimentaire. Avant même que le gouvernement ne prenne des mesures réglementaires pour les interdire, nos aliments étaient déjà sans gras trans à 97 p. 100.

Nous appuyons aussi la réduction du sodium, et ce, même si c’est un ingrédient essentiel dans l’industrie boulangère. Les boulangers-pâtissiers ont réduit la teneur en sodium des pains de ménage d’environ 14 p. 100.

Nous croyons que le Canada, grâce à ces efforts et à d’autres initiatives, était un chef de file mondial en ce qui concerne la réduction de la consommation de sodium, comme cela est indiqué dans le rapport sur l’apport en sodium qui a récemment été publié par Santé Canada.

Pour terminer, il est impératif que les politiques et la réglementation soient à nouveau axées sur des données probantes et énoncent des objectifs clairs et mesurables. La réglementation et les politiques actuelles obligent l’industrie à dépenser des sommes importantes, et ces dépenses nuisent à sa croissance et à sa compétitivité. La Table ronde de l’industrie de la transformation des aliments d’Agriculture et Agroalimentaire Canada prévoit que l’industrie devra dépenser environ 2 milliards de dollars pour se conformer à la Stratégie en matière de saine alimentation de Santé Canada, en ce concerne l’étiquetage et l’emballage, et cette estimation ne prend pas en considération les coûts associés à la reformulation des produits, à la diminution de la part du marché, et cetera.

En résumé, les boulangers-pâtissiers ont investi massivement dans le passé pour soutenir les initiatives de santé publique. Tout ce que nous demandons, c’est que les demandes d’investissement de nos ressources financières limitées soient fondées sur des données probantes et associées à des objectifs stratégiques clairs et mesurables. Je vous remercie de votre attention.

La présidente : Merci de votre témoignage.

Gordon Harrison, président, Canadian National Millers Association : J’ai quelques commentaires à ajouter, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.

La présidente : Bien sûr. Voulez-vous nous présenter un autre exposé ou faire des commentaires sur celui que l’on vient d’entendre?

M. Harrison : Nous avons présenté un mémoire conjoint au Conseil du Trésor. Je complète ce que Paul vient de dire.

La présidente : D’accord. Je croyais que vous alliez présenter un autre exposé. Vous avez la parole.

M. Harrison : Nous sommes des jumeaux.

La présidente : Allez-y.

M. Harrison : Nous sommes, nous aussi, une association industrielle canadienne sans but lucratif, et nous représentons l’industrie meunière du Canada. Notre association a 98 ans, et j’en ai 97.

Comme Paul l’a mentionné et comme vous avez pu le lire dans notre mémoire au Conseil du Trésor qui vous a été distribué — où il le sera après avoir été traduit —, nous critiquons sévèrement certains secteurs de Santé Canada, en particulier la Division d’évaluation en nutrition, qui est à la tête depuis quelques années de diverses initiatives qui ont perturbé gravement les activités de nos entreprises. Ces initiatives sont très déroutantes; elles ne s’appuient sur rien et créent énormément d’incertitude dans le marché, ce qui nuit à l’industrie à valeur ajoutée et à l’investissement.

Dans l’ensemble, il semble que le mot fétiche d’Ottawa depuis les cinq dernières années soit « transparence ». Ce que nous voulons, c’est comprendre les données qui étayent l’élaboration et la modification de la réglementation. Nous voulons que le processus soit prévisible et nous voulons pouvoir y participer intégralement, au même titre que les consommateurs et les groupes d’intérêts dans le domaine de la santé. Nous voulons aussi que le processus de consultation soit équitable en tout point.

Dans notre mémoire au Conseil du Trésor, nous avons inclus — même si nous savons que vous allez probablement le recevoir également d’Agriculture et Agroalimentaire Canada — un rapport du Sous-comité sur la réglementation des tables rondes sur les chaînes de valeur d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Comme cela est indiqué dans notre mémoire, presque toutes les recommandations présentées dans le rapport du sous-comité — des recommandations provenant de tout le secteur alimentaire, y compris le secteur primaire et l’industrie à valeur ajoutée — se trouvent aussi dans la politique réglementaire canadienne. Ce n’est pas une coïncidence. Pendant 18 mois, nous nous sommes continuellement référés à la politique réglementaire canadienne parce qu’elle énonce les exigences que nous sommes tenus de suivre à titre d’autorités réglementaires canadiennes et auxquelles nous devons nous conformer. Vous entendrez probablement le même son de cloche d’autres organisations comme Pulse Canada et le Conseil des grains du Canada, s’ils n’ont pas déjà témoigné.

Il serait possible d’élaborer des dispositions réglementaires d’une façon qui ne nous nuise pas. Nous avons fourni dans notre mémoire des exemples de résultats très positifs qui ont été possibles grâce à l’élaboration de politiques axées sur des données scientifiques et probantes. C’est ce que nous avons fait avec d’autres secteurs de Santé Canada, notamment le Bureau d’innocuité des produits chimiques, le Bureau des dangers microbiens et l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Nous avons établi des partenariats avec ces organisations et nous nous sommes entraidés afin d’établir les paramètres des recherches. Nous connaissons les résultats réglementaires et nous faisons davantage de recherches à l’appui de la réglementation, parce que nous avons échangé de l’information et constaté qu’il nous en fallait davantage, d’où notre collaboration.

Si votre comité doit choisir une chose à recommander au cours des 12 prochains mois, ce serait d’adopter un projet de loi tout simple visant à modifier l’article 4 de la Loi sur les aliments et les drogues. En 2011, le gouvernement fédéral avait déterminé que cet article constituait un obstacle majeur ainsi qu’une importante source d’incertitude. Dans le mémoire au Conseil du Trésor que vous avez entre les mains, on explique que l’interdiction globale visant la vente d’aliments contenant une substance toxique ou délétère ne prend pas en considération le fait que certaines substances sont d’origine naturelle, ce qui fait qu’un grand nombre d’aliments vendus contreviennent à la loi, même si les vendeurs ne font pas l’objet d’enquêtes ou de poursuites par Santé Canada. Pour résumer la situation aussi simplement que possible, il est impossible de se conformer de la manière prévue à l’alinéa 4.1a) de la Loi sur les aliments et drogues, c’est impossible depuis des dizaines d’années. Cela fait sept ans que nous en parlons et que nous formulons des recommandations, et le Conseil des grains du Canada et la Coalition canadienne de la filière alimentaire pour la salubrité des aliments l’ont également souligné dans le mémoire. Plus de 60 organisations du début à la fin de la chaîne d’approvisionnement recommandent de modifier l’article 4, et ce serait facile de le faire dans la prochaine loi d’exécution du budget, par exemple. À dire vrai, j’ai écrit à des ministres cette année pour leur faire cette recommandation, mais nous nous y sommes pris un peu en retard.

Je tiens à mettre l’accent là-dessus : si vous voulez faire quelque chose pour soutenir l’industrie à valeur ajoutée et l’aider à être compétitive sur les marchés mondiaux, vous devez modifier l’article 4 pour qu’il corresponde, à tout le moins, à la loi en vigueur aux États-Unis. Merci beaucoup.

La présidente : Excellent. La plupart du temps, lorsque les sénateurs interrogent le témoin, ils vont droit au but et demandent : « Quelle est votre recommandation numéro 1? » Vous les avez devancés. C’est très bien.

Passons aux questions des sénateurs, en commençant par le vice-président, le sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Harrison, votre présentation est courte, mais elle frappe fort. Elle m’impressionne et j’apprends beaucoup de choses. Je ne savais pas que vous travailliez à faire modifier l’article 4 de la loi depuis si longtemps. Les aliments dangereux, vous savez, sont nocifs. Ce sont les adultes et les enfants qui en consomment. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples d’aliments dangereux que je pourrais retrouver dans la section des produits de boulangerie de mon épicerie, IGA, pour ne pas la nommer? Je ne crois pas être le seul à vouloir le savoir. Les Canadiens et Canadiennes veulent savoir s’ils achètent des aliments qui peuvent être nocifs pour eux et leurs enfants.

[Traduction]

M. Harrison : Merci de poser cette question. Je répondrais : aucun. Nous avons un système de salubrité alimentaire très rigoureux. Notre industrie est un chef de file à ce chapitre. L’Agence canadienne d’inspection des aliments fait des inspections et des audits, mais nous avons un système de salubrité alimentaire rigoureux.

Les produits qui se retrouvent dans les magasins de détail, les aliments emballés et les aliments préparés en magasin sont assujettis à une réglementation si exhaustive que je pourrais difficilement les décrire en quelques minutes.

Comme je l’ai mentionné à propos de l’article 4, il faut prendre conscience du fait qu’il y a des composés chimiques d’origine naturelle dans l’environnement de production des grains céréaliers; c’est la famille de produits chimiques qu’on appelle les mycotoxines. Les agriculteurs ne peuvent pas empêcher leur apparition dans les champs avant la récolte ou dans les cellules après la récolte. On les retrouve dans un grand pourcentage des produits de boulangerie, par exemple, mais ils ne présentent aucun danger, puisque la concentration est vraiment très faible.

J’ai parlé avec respect et admiration de l’Agence canadienne d’inspection des aliments dans ce contexte parce qu’elle a mené une étude pluriannuelle sur la concentration de mycotoxines dans de nombreux échantillons de boulangerie. Elle a conclu que la prise de mesures réglementaires n’était pas justifiée. Malgré tout, l’alinéa 4.1a) est toujours en vigueur et interdit la vente de tout aliment contenant une substance toxique ou délétère ou qui en est recouvert. Le fait est qu’il est impossible d’éviter toutes ces substances toxiques, mais elles sont là en quantités infimes. Les gens qui vendent des produits de boulangerie — je suis désolé, de la farine de blé, du mélange à pâte — contreviennent au libellé de l’article 4, qui ne donne aucune précision ni ne prévoit de limites. Il reste une solution : en vertu de l’alinéa 30j) de la Loi sur les aliments et drogues, le gouverneur en conseil peut exempter de l’application de la loi les gens qui vendent ce genre d’aliments.

Selon moi, ces produits ne présentent aucun risque. Je ne crois pas non plus que la formulation des produits et leurs qualités nutritionnelles nous exposent à des risques. Paul en a déjà parlé. Il y a des aspects des nouvelles exigences en matière d’étiquetage que nous remettons en question. Tout simplement, je ne crois pas qu’il y a vraiment des risques dans les magasins de détail ou dans la restauration vu tous les efforts déjà déployés — les milliards de dollars investis — pour protéger les consommateurs.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si je comprends bien, les minoteries achètent les grains et vous les transformez en farine. Vous n’ajoutez rien à la farine; vous préparez les farines avec les produits que vous recevez sans y ajouter d’additif. Donc, le problème est à la source, c’est-à-dire chez l’agriculteur. L’agriculteur nous dira que le problème est chez le vendeur de grain. Comment refaire le trajet pour en arriver à M. Paul, qui fabrique le pain? Comment peut-on prévenir la possibilité que des produits nocifs s’insèrent dans la chaîne alimentaire?

[Traduction]

M. Harrison : Il n’y a pas lieu d’accuser qui que ce soit. Les intervenants de la chaîne d’approvisionnement des grains comprennent le problème. Les agriculteurs, les associations agricoles et les associations de producteurs de l’Amérique du Nord et d’ailleurs ont investi des millions de dollars sur un grand nombre d’années pour trouver des moyens de prévenir les maladies fongiques qui pourraient atteindre les grains céréaliers dans les champs, mais les agriculteurs n’ont pas à leur disposition les outils qui leur permettraient d’éliminer les maladies fongiques. En conséquence, il y en a inévitablement en faibles concentrations dans les grains. C’est un problème dans le monde entier, et pas seulement au Canada.

Vous avez dit que les minoteries n’ajoutent rien. En réalité, nous ajoutons des choses dans le processus de mouture, en conformité avec la réglementation et les normes en matière alimentaire. Depuis 1963, il y a aussi des choses que nous devons ajouter pour enrichir les farines, pour nous conformer à la réglementation. Depuis 1988, nous devons aussi ajouter de l’acide folique. Paul a déjà abordé les bienfaits que cela a eus sur la santé, et notre industrie était en faveur de cela.

Les agriculteurs ne peuvent pas empêcher les moisissures d’apparaître dans les cellules à grains. Ils ont beau essayer de le faire, les cellules à grains sont conçues pour empêcher des infiltrations de neige, d’oiseaux ou de rongeurs, mais elles ne sont pas parfaitement efficaces non plus.

Les scientifiques des quatre coins du monde et ici aussi du Canada — parce que nous avons mené des études de notre côté et aussi avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada — savent que c’est inévitable. Notre problème, c’est l’interdiction prévue à l’article 4. Même s’il n’y a pas d’enquête ni de poursuite en justice, il demeure que la vente d’aliments préparés avec ces grains contrevient à la loi. Disons-le comme ça.

La réglementation en vigueur aux États-Unis prévoit qu’un aliment n’est pas réputé être falsifié si les produits chimiques qu’il contient ne sont pas ajoutés délibérément et ne présentent habituellement pas de risque pour la santé. Ces critères dans la réglementation aux États-Unis font que la Food and Drug Administration dispose d’un grand pouvoir discrétionnaire en matière de surveillance de la conformité et d’application de la loi.

Santé Canada exerce aussi un certain pouvoir discrétionnaire relativement à ses évaluations ponctuelles du risque, mais aucune loi ni aucun règlement habilitants ne s’appliquent à ce processus. Même si les évaluations sont menées rigoureusement, uniformément et scientifiquement, cela continue d’être un obstacle.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’ai une dernière question, madame la présidente. Elle est très importante pour les consommateurs canadiens qui nous écoutent et se retrouvera sans doute dans nos recommandations.

Prenons un consommateur qui se rend à l’épicerie et achète quelques kilos de farine pure. Est-ce que de petites particules de matières dangereuses peuvent se trouver dans ce sac de farine?

[Traduction]

M. Harrison : Il existe des substances chimiques d’origine naturelle inévitables, dans l’agriculture, qui ne sont pas éliminées dans le processus de mouture. Pour résumer la situation simplement, la farine peut contenir et contient effectivement des contaminants, mais à une concentration qui ne présente pas de risque pour la santé. Je parle ici des substances chimiques d’origine naturelle. Je ne parle pas des résidus de pesticides ou des produits chimiques artificiels quels qu’ils soient.

Voilà donc le problème. Nous devons tous être conscients de la réalité. La science ne peut pas nous aider. La réglementation doit en tenir compte.

Le sénateur Oh : Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada, les grains et les produits céréaliers représentaient 21,9 p. 100 des exportations agricoles et agroalimentaires canadiennes en 2016. Comme toujours, les États-Unis sont le marché d’exportation le plus important pour les produits de la minoterie. Selon vous, dans quelle mesure les accords de libre-échange conclus par le Canada permettent-ils d’accroître l’accès au marché des produits céréaliers? Avez-vous des recommandations à présenter au gouvernement fédéral qui permettraient d’améliorer l’accès aux marchés internationaux pour vos membres? S’il y a un problème, nous allons devoir trouver un nouveau marché.

M. Hetherington : Merci beaucoup de cette question. C’est un problème complexe que nous devons surmonter. Comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire, 96 p. 100 des exportations de produits de boulangerie canadiens sont destinés aux États-Unis.

Il y a un an et demi ou peut-être deux ans, nous avons lancé un projet pilote visant à explorer des occasions d’élargir notre marché d’exportation au-delà des États-Unis. Avec un petit nombre de nos entreprises membres, nous avons mené diverses activités de commercialisation de produits, en commençant, purement par hasard, aux États-Unis. Au bout du compte, les entreprises participantes ont été tellement inondées d’occasions d’affaires en réponse à leurs efforts aux États-Unis que nous n’avons même pas poursuivi le projet. Il y avait tout simplement trop de possibilités d’affaires aux États-Unis. Le fait est qu’ils se trouvent tout près de nous, que nous parlons la même langue, que nos cultures sont très similaires, et cetera. C’est si facile de faire des affaires avec les États-Unis, et c’est aussi rentable.

Pour certains de nos membres, les exportations représentent 70 p. 100 du chiffre d’affaires. Il y en a même un pour qui c’est 100 p. 100

L’envers de la médaille, c’est que le secteur du commerce américain ainsi que les États le savent très bien. Vous êtes peut-être déjà au courant, mais les États américains font constamment pression sur nos membres pour les convaincre de déménager leur entreprise aux États-Unis. Pour parler en termes sportifs, c’est comme si on s’arrachait un joueur vedette. Je veux vous mettre en garde : si le contexte n’est pas propice aux affaires au Canada, alors ces entreprises vont déménager quelque part où les conditions sont plus favorables.

M. Harrison : Vous avez parlé de l’Accord de libre-échangeCanada-États-Unis, de l’ALENA, donc. Dans l’industrie à valeur ajoutée des grains céréaliers, notamment dans l’industrie meunière, mais également dans l’industrie des pâtes et des produits de boulangerie — comme Paul l’a mentionné —, le commerce bilatéral entre le Canada et les États-Unis a pris de l’ampleur. Ce n’est pas une relation à sens unique. Malgré ce que certains disent, il est faux de dire que le Canada est avantagé.

Si vous prenez ensemble tous les aliments à base de blé et à base de grain, je crois que les statistiques qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada pourrait fournir montreraient un accroissement progressif et à long terme du commerce transfrontalier des aliments à base de grain depuis 1992. C’est ce qu’on observe relativement aux produits de minoterie, aux pâtes alimentaires et aux produits de boulangerie.

Les intervenants du secteur sont des entreprises nord-américaines. Nos entreprises de l’industrie meunière prennent des décisions et investissent dans une perspective nord-américaine. Cependant, depuis les 15 ou 20 dernières années, et particulièrement au cours des dernières années, les grandes installations ont été en mesure d’offrir leurs produits à l’échelle de très grandes régions, et dans certains cas, ces grandes installations conçoivent leur production pour l’Amérique du Nord. Peu importe que l’entreprise se trouve au Canada ou aux États-Unis, elle s’assure de distribuer son produit dans l’ensemble de l’Amérique du Nord.

C’est quelque chose qui est bel et bien en train de se produire et qui ne risque pas de s’arrêter. Ce que Paul voulait dire, c’est qu’il y a une compétition entre les États et entre les pays relativement aux investissements. Nous en revenons donc toujours au besoin d’avoir un environnement réglementaire prévisible, comme c’est le cas aux États-Unis. C’est peut-être vrai dans l’ensemble, mais, par souci de précision, si j’étais un innovateur dans le secteur alimentaire, le Canada serait le dernier pays où je me soumettrais à l’évaluation obligatoire des ingrédients avant la mise en marché. Je ne voudrais pas risquer que toute ma science débouche sur un refus. On sait que les innovateurs, par exemple ceux qui ont créé de nouvelles fibres alimentaires — comme l’inuline, qui vient d’être approuvée aux États-Unis —, pouvaient proposer leurs produits dans 16 autres pays avant même de présenter une demande au Canada, parce qu’ils savaient que le Canada allait poser des questions et demander d’autres études que d’autres pays jugeraient non nécessaires.

Je trouve cela effarant. Je ne suis au courant d’aucun cas récent, mais cela ne doit pas faire plus de 10 ans que c’est arrivé. Le Canada se trouve au dernier rang, à cause de son marché restreint et du risque élevé en matière de réglementation.

Le sénateur Oh : Si nous ne faisons rien pour conserver nos entreprises, elles vont déménager au sud de la frontière, et nous allons perdre des emplois et des investissements.

M. Harrison : Exactement, et les exemples ne manquent pas. C’est ce que Kellogg’s a fait, tout comme Heinz, qui a cessé ses activités de production au Canada, pour ne nommer que ceux-là. Si la réglementation n’est pas favorable au marché et que cela risque de nuire à la réputation de votre produit, votre image de marque mondiale, alors vous avez une décision à prendre. Vous pouvez abandonner cette catégorie de produit, vous pouvez abandonner le marché ou vous pouvez arrêter vos activités de production dans le pays. C’est malheureux, mais les entreprises doivent tenir compte des économies d’échelle et des incertitudes. Vos recherchistes devraient être en mesure de vous dire combien d’entreprises ont pris ce genre de décision et combien d’emplois ont été perdus au pays.

Le sénateur Oh : Si vous voulez présenter une recommandation plus ambitieuse, vous avez notre soutien.

[Français]

Le sénateur Ghislain Maltais (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Je demanderais aux sénateurs de poser des questions courtes et aux témoins de répondre brièvement. Il nous reste 15 minutes. Nous passerons à un deuxième tour de questions si nous avons suffisamment de temps.

[Traduction]

La sénatrice Gagné : Il semble que l’innovation soit manifestement cruciale dans l’industrie de la transformation des aliments. Je crois aussi savoir que le niveau d’investissement en recherche et développement est très élevé.

J’aimerais savoir comment le secteur de l’innovation et de la recherche et développement a tiré parti des possibilités offertes par la demande alimentaire mondiale croissante.

M. Hetherington : Selon les discussions que j’ai eues avec nos membres et certaines données anecdotiques, il y aurait en fait une diminution du nombre de produits offerts, non pas une augmentation, et c’est en grande partie à cause de la réglementation associée à chaque produit.

J’ai eu une discussion similaire avec les détaillants d’épicerie, qui se plaignaient de cela également. Ils sont conscients du fait qu’il n’y a pas autant de nouveaux produits dans le marché ou sur les tablettes. Il y a plus d’un facteur en cause, par exemple, le fait que le marché canadien est extrêmement compétitif, mais la conformité au règlement y est aussi pour quelque chose. Je parle du coût de la conformité de votre produit, des coûts associés à l’étiquetage et de la réorientation. Incidemment, nous observons une rationalisation de l’offre de produits qui vise à compenser les dépenses supplémentaires.

M. Harrison : Il ne faut pas croire qu’il n’y a pas d’innovation. Au contraire, le secteur de la recherche canadien est formidable. Il est financé par l’État dans une grande mesure, mais a aussi des partenariats avec le secteur privé et public. Comme vous le savez, nous avons aussi présentement des programmes fédéraux pour encourager l’innovation. Les innovations ne concernent pas seulement l’accès au marché; on cherche aussi à innover en matière de nutrition ou pour améliorer la prévisibilité.

Comme je l’ai mentionné, certaines entreprises sont des multinationales ou des entreprises nord-américaines. M. VanNiejenhuis, à ma droite, travaille pour Ardent Mills. Cette entreprise a lancé une nouvelle initiative qu’il va vous présenter très brièvement sans plus attendre, mais un concurrent, ADM Milling, a aussi lancé une initiative. Ce sont des entreprises qui investissent dans les technologies nouvelles et émergentes.

Buck (Harold) VanNiejenhuis, membre du Comité exécutif, Canadian National Millers Association : Nous nous intéressons aux grains anciens; nous voulons faire du neuf avec du vieux. Nous avons investi dans le quinoa canadien. Nous avons conclu des partenariats avec des organisations plus petites afin de développer ces marchés. Nous avons investi dans la farine biologique ainsi que dans la farine traitée par la chaleur, et nous continuons à investir afin d’offrir une plus grande sélection aux consommateurs.

Nous travaillons également sur le teff et d’autres grains anciens. Notre division de recherche et développement déploie effectivement des efforts à ce chapitre aux États-Unis et au Canada.

La sénatrice Gagné : Faites-vous cela en fonction de la demande des consommateurs? Si je comprends bien, vous avez investi dans la recherche afin de tirer parti des qualités des grains anciens et ainsi donner aux consommateurs un choix de produits supérieurs ou meilleurs pour la santé?

M. VanNiejenhuis : Je n’utiliserai pas l’expression « meilleurs pour la santé », parce que selon moi, la farine de blé entier ainsi que la farine blanche sont très bonnes pour la santé. Je crois que les consommateurs font leurs propres choix, et nous voulons leur offrir une gamme de produits.

Ce n’est pas que nos principaux produits ne sont pas bons pour la santé, c’est seulement que nous voulons offrir différents choix à nos différents consommateurs.

M. Hetherington : Si vous me permettez d’ajouter quelque chose, madame la sénatrice, je dirais que les consommateurs demandent surtout présentement des produits favorisant la santé et le mieux-être. C’est leur priorité numéro 1. Vous êtes probablement au courant. Les gens veulent des étiquettes propres et des produits naturels; cela a donné naissance à un certain nombre d’initiatives. Comme Buck l’a dit plus tôt, on fait du neuf avec du vieux.

Les producteurs alimentaires déploient des efforts afin d’éliminer d’un produit tous les ingrédients qui sont très difficiles à prononcer. Si un ingrédient a un nom qui se termine par « oxyde » ou quelque chose du genre, on va essayer de le retirer.

J’ajouterais même que c’est quelque chose de très important pour l’industrie. Si vous vous souvenez, dans ma déclaration préliminaire, j’ai soulevé la question des gras trans. L’industrie a une bonne avance sur le gouvernement à ce chapitre, tout bonnement parce que c’est ce que les consommateurs voulaient. Ce sont les consommateurs qui nous motivent. Ils ont dit aux épiceries de détail qu’ils ne voulaient pas acheter des produits contenant des gras trans. Le message nous a été retransmis, et nous avons pris des mesures pour nous adapter au marché. Le marché fait que la santé et le mieux-être ont de l’importance, et nous allons continuer à innover et à déployer des efforts dans ce domaine.

Cependant, il y a des limites à ce qu’on peut faire. Prenez les efforts de réduction du sodium, par exemple. Dans l’industrie boulangère, comme je l’ai dit plus tôt, c’est un ingrédient fondamental, voire essentiel. C’est un ingrédient dont l’utilité est immense. Quiconque a déjà fait la cuisine vous dira que si vous avez besoin d’un agent levant ou que si vous faites du pain et que vous n’ajoutez pas de sel, vous allez rapidement vous apercevoir de votre erreur.

Il y a des limites, mais aussi des occasions à saisir. Nous sommes en train de mener des discussions présentement au sein de l’industrie à propos d’un changement potentiel de terminologie. Nous voulons un nouveau terme pour « chlorure de potassium », peut-être « sel de potassium », pour que ce soit plus acceptable pour les consommateurs. Il n’est pas question ici de les induire en erreur; il ne s’agit que d’une modification terminologique. Nous verrons ce qui va se passer. Nous nous fions aux consommateurs pour savoir comment orienter nos efforts.

La sénatrice Petitclerc : J’essaie de voir où sont les possibilités en ce qui concerne les produits à valeur ajoutée dans votre secteur. Ce que vous avez dit dans votre déclaration préliminaire m’a un peu surprise, à propos de Santé Canada et du fait que les nouveaux guides en matière de santé ne seraient pas fondés sur des données scientifiques. C’est un dossier que j’ai suivi de très près, et il m’a semblé que les organismes spécialistes de la nutrition, de la santé et de l’environnement, qui ne sont motivés par aucun intérêt commercial, y étaient très favorables. On a même dit que nous devrions faire preuve de plus d’audace, de faire comme la Suisse, par exemple. Cependant, je comprends les difficultés que cela pose ainsi que votre point de vue.

Comme nous ne pouvons pas faire marche arrière et que nous avons le soutien du secteur de la santé et des consommateurs, croyez-vous qu’il y a aussi des occasions à saisir?

Je comprends que les défis vont entraîner des dépenses à un certain niveau, mais est-ce que cela ouvre aussi des possibilités? Je veux aussi savoir si l’industrie reçoit des appuis dans cette transition. Voilà ce que j’aimerais savoir.

M. Harrison : Oui, cela nous ouvre des possibilités. Lorsque l’industrie reçoit des signaux du marché pour un motif ou un autre — une saveur ou une catégorie d’aliments —, elle réagit. Lorsque le marché agit comme Paul l’a décrit et que l’industrie cherche à faire un produit simple, avec une étiquette simple, alors c’est une occasion pour les entreprises d’innover en matière de formulation de produits et de procédés de transformation afin d’obtenir un produit simple, contenant moins d’ingrédients. C’est une tendance marquée en Amérique du Nord.

Consultez n’importe quelle revue professionnelle de secteur alimentaire : vous y trouverez une foule d’articles et de publicités concernant des produits simples, mais supérieurs. Je veux être clair là-dessus.

Nos préoccupations, qui ont aussi été exprimées et défendues plus directement par l’industrie boulangère, ont suscité énormément de données et d’études. Hier matin, nous avons entendu un exposé, dans le cadre d’une conférence, et je crois vraiment que le comité devrait l’entende. Je vais céder la parole à Paul.

M. Hetherington : J’aimerais aborder la question du fondement scientifique de ces initiatives. Mes commentaires ne portent pas directement sur la discussion au sujet du guide alimentaire. Il s’agit d’un certain nombre des initiatives qui s’inscrivent également dans la Stratégie en matière de saine alimentation. Par exemple, si vous prenez l’initiative d’étiquetage sur le devant des emballages, les critères utilisés pour justifier l’emploi des étiquettes de mise en garde que Santé Canada propose, c’est 15 p. 100 ou plus de la valeur quotidienne, par rapport à la portion déterminée et à la quantité de référence, selon le plus élevé des deux.

Aucun fondement scientifique ne justifie ces 15 p. 100. En ce qui concerne le tableau de la valeur nutritive, je présume que cela découle d’une recommandation selon laquelle moins de 5 p. 100 d’un nutriment est peu, et plus de 15 p. 100, c’est beaucoup.

Cela contredit, entre autres, les données des États-Unis, selon lesquelles 5 p. 100 est considéré comme étant peu, et 20 p. 100, c’est beaucoup. Au Royaume-Uni, on utilise depuis de nombreuses années un système d’étiquetage utilisant les couleurs des feux de signalisation, et le seuil est de plus de 25 p. 100 de la valeur quotidienne pour que ce soit considéré comme beaucoup; nous remettons donc en question le fondement scientifique de ce pourcentage.

Nous nous interrogeons également au sujet de l’évaluation scientifique de la réussite de ces initiatives. Je vais vous donner des exemples. Dans le cas de l’élimination du gras trans et de la réduction de la teneur en sodium, Santé Canada a fait valoir d’entrée de jeu que la raison d’être de ces initiatives était qu’elles entraîneraient un certain montant d’économies en santé. Nous observerions une diminution du nombre de cas d’insuffisance coronaire et d’accident vasculaire cérébral, puisque ces affections sont liées au gras trans. Nous pourrions constater une diminution des cas d’hypertension et, par le fait même, de diverses maladies chroniques suivant la réduction de la teneur en sodium.

Nous avons demandé à Santé Canada à quel moment ces retombées se feront sentir. C’était la justification de l’objectif et de l’initiative. La réponse a été la suivante : « Bien, vous devez comprendre qu’il y a de multiples facteurs. C’est donc très difficile à mesurer. » Eh bien, ce n’était pas la justification utilisée pour soutenir l’initiative. Si vous ne pouvez pas le mesurer, comment pouvons-nous être certains de vraiment en tirer un avantage?

M. Harrison : En vertu de la politique de réglementation fédérale, les organismes de réglementation sont tenus de mesurer les résultats de ce qu’ils font. Ils n’investissent pas d’argent pour le faire. Et Paul a omis d’ajouter que nous n’utilisons pas ce qui devrait être les renseignements accessibles au public les plus récents sur les résultats en santé et la nutrition. Les renseignements les plus à jour ne sont simplement pas appliqués dans ce cas, et on le décrit dans le mémoire.

M. Hetherington : Je suis conscient que le président a dit d’accélérer la cadence, mais j’aimerais poser une question au groupe au sujet de la recherche proposée par le Sénat sur la publicité destinée aux enfants. Prévoyait-on ou souhaitait-on que le pain soit jugé mauvais pour les enfants? C’est une question que se pose notre industrie à l’heure actuelle.

M. Harrison : Cela figure sur une liste d’aliments malsains pour les enfants qu’a publiée Santé Canada sur son site web.

[Français]

Le vice-président : J’étais président du comité à l’époque. Loin de là, non, le pain n’est pas un aliment nocif pour les enfants. Au contraire, il est nécessaire à leur croissance. Nous recherchons le pain de la meilleure qualité et dans lequel on retrouvera le moins de produits nocifs. La qualité du choix en matière de fabrication, au goût des consommateurs, est importante également. Bref, le pain est un aliment de base indispensable à la saine croissance de nos enfants. C’était là l’essentiel de la recherche de notre comité. Je crois que nous allons atteindre notre objectif grâce à vos témoignages, notamment.

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma question s’adresse à M. Harrison. Vous avez parlé du contrôle de la qualité dans les grandes chaînes alimentaires. En ce qui concerne les petites boulangeries que l’on retrouve dans plusieurs de nos villes, comment peut-on y exercer le même contrôle de la qualité que dans les grandes industries?

[Traduction]

M. Harrison : Pas dans tous les cas, pour ce qui est des employés et des personnes qualifiées qui sont des professionnels dans ce domaine. Ce qu’il est important de noter, c’est que les aliments à base de céréales, les produits de boulangerie, plus particulièrement, s’inscrivent dans les catégories d’aliments les plus sûres de toutes les catégories alimentaires. Les renseignements dont nous disposons au Canada concernant les rappels d’aliments, qui proviennent de l’ACIA et des autorités américaines, de même que les données épidémiologiques montrent que les produits de la boulangerie figurent parmi les plus sûrs en Amérique du Nord et à l’échelle mondiale, assurément.

En ce qui a trait à la salubrité des aliments, le processus de boulangerie suppose habituellement des températures de 350 degrés ou plus, selon le produit préparé.

Les ingrédients utilisés dans les produits de boulangerie sont habituellement extrêmement sûrs, sauf quelques rares exceptions. Ces ingrédients, y compris les produits de la minoterie, sont, par nature, sûrs depuis des dizaines et des centaines d’années. Une petite ou une grande boulangerie est l’un des derniers endroits où vous trouverez des risques associés à la salubrité alimentaire.

Les produits de boulangerie se classent tellement au bas de la liste des produits présentant des risques en matière de salubrité alimentaire que c’est difficile à décrire. Si vous le souhaitez, je serais ravi de vous fournir certaines statistiques publiques.

Bruce MacIntyre, membre du Comité exécutif, Canadian National Millers Association : En termes simples, les minotiers ont tous investi beaucoup d’argent au cours des dernières années dans la salubrité alimentaire pour se conformer à la réglementation et être de bons fournisseurs.

Un petit boulanger obtient la même farine que les chaînes de marchés d’alimentation ou les grands boulangers. Nous ne produisons pas de produits de qualité inférieure. La farine est le principal ingrédient et, pour revenir au point de Gordon, tous les produits de boulangerie sont cuits à une température d’au moins 350 degrés, ce qui les rend extrêmement sûrs.

[Français]

Le vice-président : Merci beaucoup, messieurs, et avant que vous nous quittiez, j’aimerais vous demander de faire parvenir par écrit à notre greffier toute recommandation précise que vous pourriez avoir, autant en ce qui concerne la minoterie que la boulangerie. Le témoignage que vous avez donné ce matin est l’un des plus importants, car il est à la base de notre étude.

Nous avons entendu des témoins de toute la chaîne alimentaire, en passant par les agriculteurs, les vendeurs de grains, les minoteries et les fabricants. Monsieur le président et chef de la direction de l’Association canadienne de la boulangerie, quel serait le meilleur pain qu’une mère pourrait acheter pour ses jeunes enfants ou ses adolescents?

[Traduction]

M. Hetherington : Celui qu’ils veulent manger. Je ne plaisante pas en disant cela.

Le goût est le principal facteur qui entre en ligne de compte dans l’achat et la consommation d’aliments. L’industrie fait des produits à base de farine blanche enrichie, à base de blé entier et de grains entiers.

D’après les données probantes et la commercialisation, nous savons que les grains entiers et le blé entier ont simplement plus de valeur nutritive parce que le germe est inclus, mais les gens sont réticents à en manger. Je connais des professionnels de la santé qui ne mangent pas de produits à base de grains entiers parce qu’ils n’aiment pas le goût ou la texture. Je rappelle à tous que, lorsqu’on examine tous les produits de boulangerie, il est réellement important de comprendre l’effet sur le régime alimentaire de l’enrichissement de la farine, des produits à base de farine blanche enrichie de folate, du fer et ainsi de suite.

Pour clore, j’aimerais aussi ajouter qu’une nouvelle recherche de l’Université de la Saskatchewan porte sur la question de la contribution des produits de boulangerie enrichis au régime alimentaire. Je pense qu’il faut simplement attendre ces données, qui devraient être publiées au cours des six prochains mois. Je crois que cela pourra véritablement servir de base solide pour d’autres discussions.

[Français]

Le vice-président : J’aimerais aborder un dernier sujet avant qu’on se quitte.

Je remarque de la part des boulangers, en ce qui a trait à la vente de leur pain dans les publicités, qu’ils nous présentent toujours du pain tartiné avec beaucoup de confiture ou de tartinade aux noisettes, alors qu’en Europe, le pain se mange nature. Ne fait-on pas la promotion de produits sucrés en même temps que la promotion du pain? Pourrait-on promouvoir le pain, que ce soit du pain avec céréales ou du pain blanc, sans y ajouter de produits tels la confiture, le beurre d’arachides, la tartinade de fromage ou toute autre tartinade que les enfants consomment? Je crois qu’en cette matière les Européens sont en avance sur nous. Au début de la colonie, à la fondation du Canada, nos ancêtres mangeaient le pain nature. Serait-il possible de faire la promotion du pain nature, sans tartinade, dans les publicités?

[Traduction]

M. Hetherington : En toute franchise, monsieur le sénateur, je vais devoir revenir sur cette question. Je n’ai pas constaté ce que vous avez dit. Lors d’une discussion avec mes membres, ils m’ont en fait dit que ce n’était pas leur priorité de promouvoir le pain chez les enfants. Ce n’est pas leur marché. Certes, en ce qui concerne la consommation en Europe, les pratiques alimentaires y sont assurément différentes; je suis tout à fait d’accord avec vous. En Europe, on mange parfois le pain avec du beurre et on y ajoute du sel. C’est un marché nettement différent, mais je comprends vos commentaires et je les prends en note.

[Français]

Le vice-président : Sur ce, merci infiniment, messieurs, de vos témoignages. Nous espérons que vous nous ferez parvenir tout commentaire additionnel que vous pourriez avoir.

Je demanderai aux sénateurs de rester présents, car il nous faut le quorum pour passer à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le vice-président : Nous sommes prêts à recevoir une proposition à adopter. Sénatrice Gagné, je crois que vous avez quelque chose à proposer.

La sénatrice Gagné : Je propose :

Que la demande d’autorisation d’un budget supplémentaire, pour l’étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux, d’une somme de 122 965 $, pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019, soit adoptée et présentée au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

Le vice-président : Est-ce qu’il y a des questions ou des objections? Je crois que la réponse est unanime. Merci beaucoup, mesdames et messieurs les sénateurs.

(La séance est levée.)

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