Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 58 - Témoignages du 25 octobre 2018
OTTAWA, le jeudi 25 octobre 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 3, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous commencerons par ma droite avec le sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur R. Black : Sénateur Robert Black, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Sénatrice Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Bernard : Wanda Bernard, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
Le sénateur D. Black : Doug Black, de l’Alberta.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.
La présidente : Merci. Comme vous l’aurez remarqué lors du tour de table, notre comité compte deux sénateurs Black, un de l’Ontario et l’autre de l’Alberta.
Sénateur R. Black, vous levez la main.
Le sénateur R. Black : Pardonnez-moi de prendre quelques minutes. À la lumière des accords commerciaux conclus récemment par le Canada, je pense qu’il incombe à notre comité d’examiner plus en profondeur le soutien et l’indemnisation offerts au secteur canadien de la gestion de l’offre.
Je voudrais donc proposer la motion suivante :
Que, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 1er mars 2018 et autorisant que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts à examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant l’agriculture et les forêts, le comité entreprenne, dès que possible, une étude sur l’aide et l’indemnisation aux secteurs agricoles sous gestion de l’offre en marge de l’AEUMC, du PTGP et de l’AECG;
Que le Sous-comité du programme et de la procédure reçoive instruction d’élaborer un plan de travail en conséquence; et
Que le comité fasse rapport de son étude au Sénat au plus tard le 6 décembre 2018.
Je pense qu’il importe que nous entendions le secteur de la gestion de l’offre au sujet des accords commerciaux pour savoir ce qu’il en pense. Je sais que le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a formé un groupe de travail pour discuter des mesures d’indemnisation, mais je pense que nous pouvons continuer de faire le bon travail que notre comité fait sur les questions émergentes. Étant donné que le délai est très serré et comme la question pourrait avoir une incidence sur le budget du prochain exercice, je pense que nous devrions faire quelque chose à ce sujet.
La présidente : Le sénateur Mercer voudrait prendre la parole. J’espère régler la question rapidement, car nous recevons un groupe de témoins.
Le sénateur Mercer : C’est exactement mon avis, madame la présidente. Au cours des quelque 15 années au cours desquelles j’ai fait partie du comité, la tradition a toujours voulu que quiconque a une proposition la présente au comité directeur. Ce dernier examine toujours les propositions et peut en faire rapport.
Comment examiner cette question aujourd’hui alors que nous devons entendre deux groupes de témoins qui se sont rendus sur place et un témoin qui doit comparaître par vidéoconférence? Je n’ai jamais rien vu de pareil, même dans les débats très politiques que nous avons tenus sur les choses que nous avons faites. Le représentant conservateur membre du comité directeur n’est pas ici, car il s’occupe d’autre chose.
Selon moi, le comité directeur examinera certainement toute proposition présentée par un membre du comité, comme il l’a toujours fait. Toutefois, je n’ai jamais vu, même dans les périodes les plus politiques en ce qui a trait à des projets de lois de nature politique, quelqu’un proposer une motion en demandant au comité directeur de faire quelque chose, interrompant ainsi les procédures de ce matin pour en discuter.
Le comité directeur est toujours composé de membres de divers groupes qui travaillent en collaboration. Ces derniers se réuniront pour discuter du programme, et quiconque veut intervenir peut se faire entendre. C’est toujours ainsi que j’ai vu le comité fonctionner; je ne vois donc pas pourquoi nous interrompons le processus maintenant.
Particulièrement, il est question de faire rapport, et les probabilités que nous puissions nous réunir à l’automne 2019 sont minces, puisque les élections auront lieu en octobre. La campagne battra son plein en septembre; je doute donc que nous siégions ce mois-là. Nous ne le ferons certainement pas en octobre, car c’est le mois des élections elles-mêmes. Ensuite, selon les résultats des élections, nous ne savons pas exactement quand nous nous réunirons. Si les libéraux sont réélus, nous pourrions probablement le faire au début de novembre, mais si ce sont les conservateurs qui sont portés au pouvoir, alors je me doute qu’ils devront attendre jusqu’en décembre, car ils devront réaménager le gouvernement et former un nouveau Cabinet.
Je pense donc que cette intervention est un peu prématurée, notamment en raison du fait que nous ne disposons d’aucune donnée sur l’effet des accords, puisqu’ils ne sont pas en vigueur.
Cette affaire m’irrite.
La présidente : Dans la motion qu’il vient de présenter, le sénateur parle de 2018; autrement dit, de ce mois de décembre. Réclamez-vous une de nos études ponctuelles?
Le sénateur Mercer : Nous n’aurons pas la moindre donnée. Nous sommes en octobre. Où obtiendrons-nous les données pour discuter de la question d’ici décembre? Nous nous retrouverons avec un fatras d’hypothèses venant de gens qui réagiront aux histoires des médias sur le coup de l’émotion, car il s’agit d’un dossier qui soulève les passions, particulièrement chez les producteurs de lait et d’autres fournisseurs de produits soumis à la gestion de l’offre.
Qu’allons-nous dire? Nous dirons que nous les avons entendus, mais que nous ignorons les répercussions des accords, car ils ne sont pas encore en vigueur. Le partenariat du Pacifique sera probablement adopté cette semaine ou certainement la semaine prochaine. Il pourra ensuite entrer en vigueur, mais nous ne disposerons toujours d’aucune donnée.
La présidente : Merci, sénateur.
La sénatrice Miville-Dechêne : J’appuierai la motion de mon collègue, le sénateur Black, car je considère au contraire que cette proposition arrive à point nommé. Nous ne pouvons attendre l’adoption du traité pour discuter de l’indemnisation, car tout sera fait et signé avant que nous ayons eu l’occasion d’en parler. Le premier régime d’indemnisation offert a été jugé trop peu élevé par rapport au coût. Il reposait sur le principe du « premier arrivé, premier servi ». Les mesures prises jusqu’à maintenant par le gouvernement peuvent donc être critiquées; disons les choses ainsi.
En réalisant une étude ponctuelle, nous pouvons convoquer non seulement les agriculteurs, mais aussi les fonctionnaires pour tenter d’influencer l’élaboration des régimes d’indemnisation, lesquels sont, pour bien des agriculteurs, une question de vie ou de mort. Si nous attendons un an ou le retour de voyage de tout le monde pour prendre une décision à ce sujet — que j’ai soulevé à quelques reprises, comme vous le savez —, je pense que nous perdrions une occasion d’agir. Nous devons attendre le texte canadien, qui arrivera bientôt. Je serais d’accord pour que nous réalisions une étude ponctuelle le plus tôt possible.
La présidente : Sénateur Black, de l’Alberta?
Le sénateur D. Black : Puis-je poser quelques questions à mes collègues?
La présidente : Oui, allez-y.
Le sénateur D. Black : Merci beaucoup.
La présidente : Nous devons faire vite, car nous recevons un groupe de témoins.
Le sénateur D. Black : Ma question sera brève.
J’aimerais savoir quel résultat vous espérez obtenir de cette démarche, à part exercer des pressions politiques. Si c’est là l’objectif, nous pouvons discuter pour voir si le comité constitue le forum approprié. Qu’espérez-vous obtenir de cette démarche? Si ce ne sont que des pressions politiques, dites-le nous aussi.
La sénatrice Miville-Dechêne : Non, je veux assurer la transparence du processus d’élaboration des régimes d’indemnisation, car je pense que c’est dans notre intérêt et dans celui de la population. Je ne pense pas que l’objectif ne consiste qu’à exercer des pressions politiques. Nous pouvons dire que c’est le cas pour tout ce que fait le Sénat.
Le sénateur D. Black : Je ne porte aucun jugement; je veux simplement comprendre votre point de vue.
La sénatrice Miville-Dechêne : Les pressions politiques font partie de l’équation, comme c’est le cas pour tout ce que fait le Sénat; nous sommes en politique. Je pense toutefois que le comité constitue le forum qui convient pour débattre ouvertement de la question, car les choses se passent derrière des portes closes actuellement. Le gouvernement décide des programmes qui seront offerts, et le raisonnement et la manière de faire semblent assez étranges, considérant qu’il a affirmé que l’indemnisation serait équitable. Il a aussi fait des promesses.
Le sénateur D. Black : Que répondez-vous à l’argument du sénateur Mercer, qui considère que nous suivons toujours un processus dans le cadre duquel la motion est présentée au comité directeur, qui l’examine et agit en conséquence?
La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne peux me prononcer sur la question.
Le sénateur R. Black : J’irais de l’avant dans ce dossier, car je voudrais que les choses avancent rapidement. Nous ne disposons pas de beaucoup de temps. Je pense que nous pouvons également demander le texte; nous devrions donc nous atteler à la tâche et réaliser une étude ponctuelle et peut-être formuler des recommandations que nous pourrions présenter.
Le sénateur D. Black : Merci.
La sénatrice Ataullahjan : Je tends à être d’accord avec vous. Je pense que cette étude est fort opportune. Je sais que ce n’est pas ainsi que nous procédons, sénateur Mercer, mais nous pourrions faire appel à l’indulgence du comité pour cette fois.
La présidente : Le consensus est-il général à ce sujet? Devons-nous procéder à un vote? Nous le devrions probablement, puisqu’il s’agit d’une motion.
Le sénateur Mercer : Les membres du comité directeur seront ensemble toute la semaine prochaine, car nous voyageons.
La présidente : Oui. Le sénateur Black nous accompagnera également.
Le sénateur Mercer : Nous pouvons trouver le temps de discuter des travaux futurs devant une tasse de café en Colombie-Britannique ou au Manitoba. Il me semble que nous le pourrions, que ce soit pour étudier la motion du sénateur Black ou la proposition d’étude de quelqu’un d’autre.
La présidente : Sénateur Black, vous semblez prêt à faire une remarque.
Le sénateur R. Black : Non, mais nous sommes saisis d’une motion.
La présidente : Nous sommes saisis d’une motion que nous mettrons aux voix. Qu’elle soit adoptée ou non, comme le sénateur Mercer l’a déjà souligné, les membres du comité directeur seront ensemble la semaine prochaine, avec certains d’entre vous, pour effectuer un voyage de collecte de données; nous pourrons alors discuter de la question, peu importe l’issue.
Je voudrais mettre la motion aux voix. Que tous ceux qui l’appuient lèvent la main. Qui s’y oppose? La motion est adoptée.
Le sénateur D. Black : Il y a une abstention.
La présidente : Désolée, j’aurais dû poser la question. Il y a une abstention. Merci. La motion est adoptée.
Revenons au programme à l’ordre du jour. Nous recevons un groupe de témoins qui attend de faire ses exposés; un autre témoin comparaît par vidéoconférence.
Ils témoignent dans le cadre de notre étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.
Je voudrais présenter nos témoins. Sur l’écran vidéo, nous voyons M. David Przednowek, directeur de la mise en marché des céréales, du CN. Ici, dans la salle, nous recevons M. Robert Taylor, vice-président adjoint, Défense des intérêts nord-américains, et Naomi Iwashita, gestionnaire, Solutions intermodales de contrôle de la température, du Canadien Pacifique.
Nous demanderons à notre invité qui témoigne par vidéoconférence de faire son exposé en premier. Vous avez la parole, monsieur.
David Przednowek, directeur de la mise en marché des céréales, CN : Merci et bonjour, madame la présidente. Au nom du CN, je voudrais vous remercier de m’avoir invité à témoigner aujourd’hui. Comme vous l’avez indiqué, je m’appelle David Przednowek. Je suis fier de venir d’une ferme s’adonnant à la culture des céréales et à l’élevage du bétail au nord-ouest de Beausejour, au Manitoba. J’ai passé toute ma carrière dans l’industrie céréalière.
Comme c’est la première fois que le CN comparaît devant vous au cours de la présente législature, je voudrais vous fournir de l’information sur le CN et ses activités dans le secteur des céréales et de l’agroalimentaire.
Le CN célébrera son centenaire en 2019. La société, entièrement privatisée par le gouvernement fédéral en 1995, exploite au Canada un réseau ferroviaire qui s’étend de l’Atlantique au Pacifique et qui traverse les États-Unis jusqu’au golfe du Mexique. Elle sert directement 10 ports canadiens et plusieurs autres par l’entremise de transporteurs intermédiaires, ainsi que plusieurs ports américains sur la côte du golfe.
Les échanges transfrontaliers avec les États-Unis constituent 33 p. 100 de nos activités, alors que le commerce avec la région de l’Asie-Pacifique passant par les ports de la Colombie-Britannique en constitue 26 p. 100.
Le CN a des activités fort diversifiées et ne dépend pas d’une seule marchandise. Notre activité principale est le transport intermodal, c’est-à-dire le transport de marchandises et de conteneurs, qui constitue 24 p. 100 de notre trafic, et le transport de céréales et d’engrais, qui constitue 17 p. 100 de nos activités.
Comme vous le savez probablement, parmi les dispositions du projet de loi C-49 adopté plus tôt cette année, le CN et le CP doivent présenter un plan annuel relatif aux céréales expliquant comment ils entendent transporter la récolte de l’année depuis l’Ouest canadien. Pour élaborer son plan, le CN a collaboré avec des parties prenantes de l’Ouest canadien et les a consultées pour connaître leur avis. Pour assurer la reddition de comptes au public et le rendement, nous mettons ce plan mis à jour mensuellement en fonction de la manière dont nous parvenons à respecter nos engagements.
Dans ce plan relatif aux céréales, vous verrez que pour relever les défis auxquels il a fait face l’an dernier au chapitre de la capacité, le CN a entrepris un programme d’investissement de 3,5 milliards de dollars en 2018. Il s’agit de l’investissement le plus important de son histoire. Les mesures incluent l’acquisition de 1 000 nouveaux wagons-trémies à grande capacité; l’achat de 260 nouvelles locomotives au cours des trois prochaines années, dont 60 doivent être livrées avant la fin de 2018; l’embauche de 1 250 nouveaux conducteurs de locomotive qualifiés; et des augmentations de la capacité, notamment grâce à l’amélioration et au doublement des voies, des travaux qui seront achevés aux deux tiers à temps pour le prochain l’hiver.
La loi exige aussi que nous déposions, le 1er octobre au plus tard, un plan pour l’hiver dans lequel nous exposons les mesures que nous avons prises pour réduire les répercussions des activités hivernales sur le transport des marchandises de nos clients. Mes collègues présents dans la salle ont des exemplaires de ces deux plans à votre intention.
Nous admettons que le CN constitue une composante essentielle de la chaîne d’approvisionnement, pas seulement pour les agriculteurs canadiens, mais aussi pour les transformateurs et les manufacturiers qui ont besoin de recevoir leurs matières brutes et d’expédier leurs produits au Canada et à l’étranger.
Nous sommes d’accord avec le Conseil consultatif en matière de croissance économique du premier ministre, qui a indiqué que l’agriculture est un secteur bien placé pour être un moteur important de l’économie et du commerce du Canada dans les années à venir.
On ne peut cependant pas assurer le genre de croissance que le conseil envisage seulement en transportant des céréales, des oléagineux et des cultures spécialisées bruts. La production de produits à valeur ajoutée doit, de toute évidence, augmenter dans toutes les régions du pays. Une grande partie du monde cherche à consommer plus de protéines, dont le Canada devrait être un fournisseur de premier choix. Qu’il s’agisse de viande, de poisson ou de légumineuses, le CN participe au transport.
Dans l’Ouest canadien, c’est avec le canola que la production à valeur ajoutée a le plus grand retentissement et connaît le plus grand succès. Le CN collabore étroitement avec l’industrie du canola afin d’édifier des infrastructures d’usine qui facilitent le transport de l’huile et du tourteau de canola sortant des usines de transformation, principalement dans l’Ouest canadien. Dans certains cas, nous avons amélioré les infrastructures et accru la capacité dans les gares de triage du CN servant les installations de trituration du canola. Dans le cas des subdivisions de Yorkton et Camrose, nous avons amélioré les infrastructures de la voie ferrée pour servir de nouvelles usines ayant commencé à produire.
Nous participons aussi au transport des marchandises, comme les légumineuses qui sortent des Prairies, lesquelles sont parfois emballées et prêtes à consommer. Au lieu de transporter ces produits dans des wagons-trémies, nous les transportons dans des conteneurs. Au cours de l’année de culture de 2017-2018, le CN a transporté plus de 1 million de tonnes de céréales et de produits céréaliers transformés de l’Ouest canadien jusqu’à leurs destinations d’exportation et au-delà.
Traditionnellement, la plupart des produits agricoles étaient chargés dans des conteneurs au port. Pour améliorer le rendement du système, le CN a pris les devants en travaillant en étroite collaboration avec les sociétés maritimes et les clients qui ont construit leurs propres installations de chargement afin d’assurer une source de conteneurs aisément accessibles à l’intérieur du pays.
Grâce à son très important corridor de circulation de conteneurs avec les États-Unis qui passe par Prince Rupert et Vancouver, le CN a pu contribuer à assurer un approvisionnement stable en conteneurs vides dans les Prairies pour le voyage de retour en Asie ou vers d’autres destinations.
Au chapitre du transport de céréales, la capacité des clients d’obtenir un approvisionnement en wagons-trémies dans l’Ouest canadien a considérablement évolué dans les années qui ont suivi la fin du monopole de la Commission canadienne du blé sur les ventes à l’exportation de grains. Nous offrons maintenant aux clients un certain nombre de nouvelles manières novatrices de conclure un contrat pour avoir un accès prioritaire aux wagons. Ainsi, même les clients qui ne disposent pas de leurs propres installations de chargement peuvent avoir accès à des wagons, ce qui leur confère un contrôle plus direct sur la chaîne d’approvisionnement.
Des meuniers de blé, des broyeurs de canola et des malteurs d’orge sont parmi ceux qui ont utilisé ces nouveaux produits pour pouvoir mieux contrôler leurs chaînes d’approvisionnement. Ce modèle ne cible pas seulement les grandes usines de transformation clientes non plus. Il peut être utilisé par de petits clients qui cherchent aussi peu que 10 wagons-trémies à la fois.
Le CN est à l’avant-garde de l’innovation dans le transport de conteneurs réfrigérés. Nous travaillons avec le port d’Halifax pour accroître ses capacités de manipulation des conteneurs réfrigérés et en faire un important secteur de croissance pour le port.
Nous avons également introduit de nouvelles technologies pour nous permettre d’assurer le suivi des expéditions de porte à porte à l’aide des technologies de suivi les plus récentes, y compris la capacité de changer la température à distance, au besoin. Comme le vice-président des ventes internationales chez Aliments Maple Leaf l’a dit, « le leadership et l’expertise du CN en matière de transport nous procure une paix d’esprit car nous savons que nos produits seront acheminés à nos clients nationaux et internationaux, en toute sécurité et à temps ».
Toutes les activités que nous exerçons dans la chaîne d’approvisionnement frigorifique ou dans notre environnement à température contrôlée visent à assurer la sécurité alimentaire, qui est au cœur de notre programme. Nous continuerons d’investir, d’innover et de collaborer dans ce segment pour aider nos clients et nos producteurs à s’implanter sur des marchés locaux et mondiaux.
Le CN a enregistré une hausse encourageante du mouvement des produits agricoles à valeur ajoutée au cours des dernières années. Nous travaillons avec des clients pour trouver des façons novatrices de les aider à expédier de nouveaux produits et à percer de nouveaux marchés. Nous encourageons les organismes de réglementation à continuer d’appuyer des politiques qui encouragent les débouchés à valeur ajoutée, plus particulièrement dans les régions près de celles où les produits sont cultivés. Nous considérons la production agricole à valeur ajoutée comme étant un secteur de croissance pour nous et pour nos clients, et nous continuerons d’investir et de collaborer avec nos clients pour augmenter ce trafic.
La présidente : Merci de votre déclaration. Les changements qui sont survenus durant les années où nous discutions du projet de loi C-49 sont très impressionnants, et il s’est passé des choses au CN.
Nous sommes maintenant prêts à entendre le Canadien Pacifique.
Robert Taylor, vice-président adjoint, Défense des intérêts nord-américains, Canadien Pacifique : Nous sommes ravis d’être ici aujourd’hui. Je suis Robert Taylor et je suis responsable des affaires gouvernementales pour le CN en Amérique du Nord. Je suis accompagné de Naomi Iwashita, notre gestionnaire des solutions intermodales de contrôle de la température. Nous nous concentrerons sur les niches que nous ciblons au CN en lien avec le secteur des produits à valeur ajoutée. Notre secteur de trituration du canola est très important. Nous expédions énormément de légumineuses, mais nous avons décidé de nous concentrer sur des produits et des services assez novateurs à forte valeur ajoutée.
Vous connaissez assez bien notre réseau. Nous sommes essentiels à la chaîne d’approvisionnement du Canada. Environ 66 p. 100 de notre trafic touche une frontière ou un port, un peu comme le CN. On ne mise pas seulement sur l’Asie; nous misons également sur l’Europe. Pour ce qui est des accords commerciaux, nous sommes emballés par ce que l’avenir nous réserve, le nouvel accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Nous investissons également des sommes considérables dans notre réseau, pas seulement pour renforcer les capacités mais aussi pour favoriser la sécurité. Depuis 2012, nous avons investi environ 9,5 milliards de dollars dans notre réseau. C’est énorme. Cette année seulement, nous allons investir environ 1,6 milliard de dollars, alors nous reconnaissons qu’il faut investir dans la capacité d’élargir le marché. Nous sommes très optimistes à l’égard du trafic à l’heure actuelle, pas seulement du côté de l’agriculture mais aussi dans l’ensemble du réseau. L’Alberta met du temps, comme le sénateur Black de l’Alberta le sait. Je pense que d’importants progrès ont été réalisés au cours des dernières semaines, mais c’est l’une des récoltes les plus tardives depuis longtemps en Alberta à cause de la température.
Nous, aussi, allons dépenser beaucoup d’argent. Nous avons un plan pour acheter environ 6 000 nouveaux wagons-trémies couverts de grande capacité. Ces wagons-trémies sont beaucoup plus efficaces. Ils sont plus courts. Ils ne se remplissent pas trop rapidement. Il y a trois compartiments plutôt que quatre, si bien que le déchargement se fait plus facilement. Notre parc, à l’heure actuelle, qui s’élève à environ 15 000 wagons-trémies, commence à vieillir, est en mauvais état et doit être remplacé. Les nouveaux wagons-trémies sont en train d’être construits au Canada, en Ontario, ce qui est une excellente nouvelle également.
Ces nouveaux wagons-trémies nous permettront de manipuler environ 15 p. 100 de quantités supplémentaires d’emblée, en raison de la conception du wagon, et environ 10 p. 100 en poids de charge de plus. Il y a 286 wagons et non pas 263. Et ils sont plus courts, donc même avec un train de même longueur, nous pouvons acheminer de plus grandes quantités de produits, ce qui offre une meilleur efficacité à nos clients, car ils ont une quantité fixe de capacité ferroviaire dans leur installation. Le roulement est meilleur aux ports, car ils ont une capacité fixe et nous pouvons manipuler de plus grandes quantités de produits dans le cadre de notre empreinte actuelle.
Nous prévoyons également passer à un nouveau modèle de train de 8 500 pieds pour qu’il puisse transporter 20 p. 100 de grains supplémentaires que notre modèle de train actuel. Si je combine le nouveau wagon et le nouveau train, c’est près de 44 p. 100 de capacité de transport que nous déploierons au cours des trois ou quatre prochaines années dans le secteur du grain. Nous sommes très optimistes en ce qui concerne ce secteur. C’est 23 ou 24 p. 100 de notre revenu en tant qu’entreprise. Nous avons observé une hausse ces dernières années — nous en avons déjà parlé au comité par le passé —, nous allons enregistrer une croissance dans le secteur du grain, et nous nous préparons à acheminer le grain.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue. Elle parlera plus précisément de l’étude que votre comité est en train de mener.
Naomi Iwashita, gestionnaire, Solutions intermodales de contrôle de la température, Canadien Pacifique : En février, le CP a déployé un nouveau service intitulé CP TempPro pour l’expédition des produits périssables des clients dans le cadre de notre produit de transport total. Ce service permet au CP d’accroître le volume d’affaires de l’entreprise en offrant à ce groupe de clients un service de protection des produits périssables, que nous appelons le SPP en abrégé. En mettant l’accent sur les produits qui doivent être transportés dans des conditions de température strictes, le parc grandissant du CP quioffre le SPP est l’un des plus importants et des plus sophistiqués dans l’industrie. Le service TempPro du CP veille à ce que les produits des clients soient transportés dans un environnement à température contrôlée fiable et éconergétique.
En 2017, le CP a investi dans l’achat de 41 groupes électrogènes pour mieux servir sa clientèle internationale. Les groupes électrogènes sont des conteneurs de 40 pieds qui ont été munis de deux générateurs pouvant alimenter jusqu’à 17 conteneurs réfrigérés internationaux lors de leur transport par rail. Ces unités ont été acquises en raison de la hausse prévue du transport de marchandises telles que des aliments qui exigent une régulation de température. Ces groupes électrogènes soutenaient également le nouveau programme de repositionnement des conteneurs intérieurs, dans le cadre duquel les expéditeurs au pays peuvent utiliser un conteneur d’une ligne d’expédition internationale qui aurait autrement été réexpédié vide vers un marché d’exportation. Cette façon de faire crée de nouvelles options pour nos expéditeurs intérieurs et améliore la rentabilité des trajets aller-retour pour nos expéditeurs internationaux.
En 2018, nous avons également renforcé ce service en investissant dans un petit parc de châssis munis de groupes électrogènes, ce qui permet à ces unités d’être alimentées en électricité. Ils assurent une livraison porte-à-porte des produits pour nos expéditeurs intérieurs.
En 2018, nous avons investi dans plus de 400 nouveaux conteneurs réfrigérés SlimLine, soutenant ainsi le marché intérieur du transport à température contrôlée en croissance. Le conteneur SlimLine utilise un réfrigérant plus écologique, le R-452A, ce qui réduit le potentiel de réchauffement planétaire par rapport à son prédécesseur, le R-404A.
De plus, le CP a fait l’acquisition de plus de 350 unités chauffées de 53 pieds. Ces conteneurs spécialisés empêchent que les marchandises des expéditeurs gèlent durant les mois d’hiver au Canada.
Tous ces investissements appuient le programme TempPro du CP. Le CP met l’accent sur la sécurité des expéditions des clients durant le transport dans notre réseau en investissant dans la technologie télématique de pointe. La totalité des conteneurs réfrigérés de 53 pieds du CP sont équipés de technologie télématique, qui fournit des données en temps réel sur les éléments clés des expéditions, notamment la température dans le conteneur, l’état du moteur, les niveaux de carburant, ce qui permet à l’équipe chargée de la réfrigération du CP de surveiller toutes les expéditions, peu importe où elles sont dans notre réseau.
Ces données nous permettent de nous assurer que les expéditions se déroulent comme prévu et d’intervenir rapidement si des éléments indiquent qu’on éprouve des difficultés avec un chargement.
Nos 41 nouveaux groupes électrogènes sont également équipés de la technologie de pointe. Auparavant, la supervision des groupes électrogènes se faisait au niveau du système, mais la nouvelle technologie télématique permet de surveiller les bougies individuelles auxquelles ces 17 conteneurs réfrigérants seraient branchés, et nous pouvons voir que nous alimentons toutes ces unités et qu’elles consomment de l’électricité. Cette surveillance par unité est une approche beaucoup plus axée sur le consommateur.
Merci de m’avoir donné l’occasion d’être ici ce matin.
La présidente : Merci aux représentants du CN et du CP de leurs exposés. Nous avons neuf sénateurs dans la salle et il nous reste une heure et demie. Je présume que tout le monde voudra poser une question — ne vérifiez pas mes calculs ici —, alors nous accorderons environ quatre minutes pour les interventions.
Nous allons commencer avec la sénatrice Bernard.
La sénatrice Bernard : Ma première question s’adresse à notre représentant du CN. Vous avez parlé d’embaucher plus de 1 200 nouveaux conducteurs pour vous aider avec le travail que vous faites. Je me demande si le CN a une politique d’équité en matière d’embauche, et je m’interroge sur la diversité de ces nouvelles embauches.
M. Przednowek : En ma qualité de directeur de la mise en marché des céréales, il m’est difficile de répondre à cette question, mais merci de l’avoir posée, madame la sénatrice.
Comme de nombreuses grandes entreprises au Canada, le CN encourage certainement la diversité dans le milieu de travail. Je ne peux pas parler précisément de ces 1 250 nouveaux conducteurs, dont bon nombre d’entre eux sont dans l’Ouest du Canada, où nous enregistrons la majeure partie de la croissance dans notre secteur. Je suis désolé de ne pas pouvoir fournir plus de détails à ce sujet.
La sénatrice Bernard : J’aimerais obtenir une réponse de suivi à cette question et je me demande si des renseignements précis pourraient être envoyés au Comité. Est-ce que ce serait correct?
M. Przednowek : Oui, tout à fait. Nous assurerons un suivi à ce sujet et nous vous ferons parvenir une réponse plus tard. Aucun problème.
La sénatrice Bernard : Merci.
La présidente : Vous devez obtenir ces renseignements de l’autre entreprise aussi.
M. Taylor : Rapidement, car je ne veux pas prendre beaucoup de votre temps, mais nous avons un responsable à temps plein chargé de la diversité au CP et nous sommes en train de renforcer notre politique en matière de diversité. Nous embauchons actuellement environ 700 employés du personnel des trains et environ 1 200 employés au total, et nous espérons qu’ils travailleront au sein de notre entreprise au cours de la prochaine année. Nous mettons beaucoup l’accent sur la diversité. C’est un peu plus difficile avec des employés du personnel des trains que dans d’autres secteurs, mais nous mettons certainement l’accent sur la diversité.
La sénatrice Bernard : Merci. Vous avez tous parlé des investissements dans la recherche et le développement. Avez-vous une collaboration quelconque avec les universités en ce qui concerne les recherches novatrices qui sont menées?
M. Taylor : Oui. Des recherches sont menées principalement dans un laboratoire de l’Université de l’Alberta, dont l’acronyme est le LCRF. Je ne vais pas me hasarder à vous expliquer ce que l’acronyme signifie. Nous avons un partenariat avec les deux sociétés ferroviaires au Canada, le CN et le CP, auxquelles nous avons fourni du financement. Un secteur sur lequel nous travaillons plus précisément à l’heure actuelle avec l’Université de l’Alberta est les opérations hivernales.
Comme le Comité le sait sans doute, les sociétés ferroviaires se heurtent à des défis uniques en hiver. Bon nombre de ces défis se rapportent à des technologies de base. C’est un secteur sur lequel nous devons nous pencher en tant qu’industrie, si bien que nous établissons des partenariats à cet égard.
Nous avons également, par l’entremise des cinq autres grandes sociétés ferroviaires aux États-Unis, une installation de recherche et de développement à Pueblo, le Transportation Technology Centre Inc., ou le TTCI. Les sociétés s’associent également avec d’autres éminents établissements.
Le sénateur Oh : Merci aux témoins de leurs exposés.
Je veux parler du projet de loi C-49, la Loi sur la modernisation des transports. Elle est en vigueur depuis près de six mois maintenant. Pouvez-vous nous expliquer la portée élargie de l’entreprise américaine dans le système canadien?
M. Taylor : Nous avions des préoccupations en ce qui a trait à la disposition sur l’interconnexion de longue distance et à la capacité des routes américaines d’accueillir la circulation canadienne dans leur chaîne d’approvisionnement par rapport à notre chaîne d’approvisionnement. Cependant, depuis que le projet de loi a été adopté, nous n’avons pas vu un grand nombre de ces déplacements. Nous n’avons pas vu de nombreuses applications pour l’interconnexion de longue distance, ou ILD.
Je pourrais émettre des hypothèses sur les raisons, mais je ne veux pas prendre trop de votre temps. Pour répondre à votre question directement, nous n’avons pas vu beaucoup de changements.
Le sénateur Oh : Le CN?
M. Przednowek : Ce n’est que le début. Il est encore trop tôt pour évaluer l’incidence des mesures prévues dans le projet de loi C-49. L’exigence du régime relatif aux céréales et du plan d’hiver a certainement donné lieu à un engagement plus direct avec les principaux intervenants de l’industrie agricole, surtout dans l’Ouest canadien. C’est une bonne chose. En tant qu’agriculteur, je suis reconnaissant de ces mesures.
En ce qui concerne l’ILD, il incombe aux clients de décider si l’ILD est avantageuse pour eux. Il y a d’autres recours mis à leur disposition en vertu des dispositions du projet de loi C-49 et d’autres mesures en place. Pour l’instant, en ce qui concerne l’interconnexion pour le transport longue distance, peu a été fait sur ce front.
Le sénateur Oh : Vous avez parlé plus tôt des nouveaux conteneurs réfrigérés que votre entreprise utilise. Quels types de produits sont expédiés dans ces conteneurs? Ils étaient probablement expédiés comme cargaison par le passé, mais ils vous sont maintenant acheminés. Qu’expédiez-vous?
M. Taylor : Qu’est-ce que nous expédions?
Le sénateur Oh : Oui.
Mme Iwashita : Nous expédions un très grand nombre de produits. Lorsque l’on pense aux grands détaillants de produits d’épicerie au Canada, bon nombre de ces produits arrivent par voie ferroviaire. Que ce soit des confiseries, des repas surgelés, des pizzas surgelées, de la crème glacée, des produits laitiers et du yogourt, bon nombre de ces produits seront transportés par conteneurs. Je parle de ce qui se fait au pays en ce moment.
Le sénateur Oh : Y a-t-il quelque chose pour les exportations?
Mme Iwashita : En ce qui concerne les exportations, le marché des protéines est important. Une grande partie des produits du bœuf et du porc sont acheminés en Asie.
M. Taylor : Le bœuf frais ou réfrigéré est un créneau de marché en expansion. La technologie télématique donne au client la certitude que le produit arrivera à une température adéquate, et il doit être adéquatement réfrigéré pendant tout le trajet. La combinaison des groupes électrogènes rend le processus robuste, car seulement un de ces groupes électrogènes alimente 17 conteneurs. C’est deux générateurs branchés à 17 conteneurs. Le processus plus robuste, la livraison juste à temps, qui est déployée dans les deux sociétés ferroviaires — nous avons deux lignes ferroviaires de précision au Canada —, et la technologie télématique nous permettent de soutenir la concurrence sur ce marché.
Madame Iwashita est plus au courant que moi, mais si l’on remonte à quelques années, je ne pense pas que nous aurions été très compétitifs sur ce marché.
Mme Iwashita connaît plus la situation que moi, mais, si l’on remonte à quelques années, je ne pense pas que ce serait un marché dans lequel nous aurions été compétitifs.
Mme Iwashita : Non, probablement pas.
Le sénateur Oh : Est-ce un nouveau marché émergent?
M. Taylor : Oui. C’est la raison pour laquelle nous nous y attardons aujourd’hui, monsieur le sénateur.
Le sénateur Oh : Bien. Qu’en est-il du CN?
M. Przednowek : Je dirais que nous transportons un ensemble de produits similaires, notamment le produit CargoCool nous avons déployé il y a quelques années pour répondre aux besoins changeants de nos clients. Ce parc a pris de l’expansion au fil des ans, mais là encore, c’est un mélange de marchés intérieurs et d’exportation, un ensemble de produits semblables à ceux que le CP a décrits. Nous entrevoyons une croissance importante dans ce secteur pour l’avenir.
Le sénateur Mercer : Mesdames et messieurs les témoins, merci d’être ici. Le CP nous a dit qu’il compte 6 000 nouveaux wagons-trémies et qu’ils sont construits au Canada. Le CN a fait référence aux nouveaux wagons-trémies, mais vous ne nous dites pas où ils sont construits et combien d’emplois sont créés par la construction de ces nouveaux wagons.
M. Przednowek : Merci de la question, sénateur. Là encore, le millier de nouveaux wagons-trémies du CN sont en train d’être construits à la National Steel Car en Ontario. C’est une situation similaire; la majorité de ces wagons-trémies de nouvelle génération sont produits au même endroit.
Le sénateur Mercer : Vous n’en construisez que 1 000 et le CP en construit 6 000. J’aurais pensé que les chiffres seraient plus rapprochés et que le CN construirait plus de 1 000 wagons si le CP en construit 6 000.
M. Przednowek : Eh bien, sénateur, encore une fois, différents éléments composent le parc de trains. Le CN utilise un nombre beaucoup moins élevé de wagons-trémies du gouvernement du Canada que le CP, et il faut tenir compte de cela. Deuxièmement, il faut tenir compte de l’ensemble du parc. En effet, entre le Canada et les États-Unis, l’ensemble du parc du CN est d’environ 13 500 wagons. Je crois que Robert a indiqué que celui du CP est d’un peu plus de 15 000 wagons.
Troisièmement, le CN loue certains wagons et en possède d’autres et, manifestement, il y a les 1 000 wagons qui sont en construction. Un autre ensemble important et croissant de wagons-trémies forme également une partie du parc du CN; ce sont les wagons fournis par les clients. Ce sont de gros wagons-trémies à capacité élevée que le CN intègre à son bassin de wagons. Les producteurs de produits haut de gamme à valeur ajoutée comme les malteries, les transformateurs d’avoine et les meuniers peuvent donc participer à ce volet de l’entreprise en fournissant leurs propres wagons. Ils ne contrôlent pas d’actifs dans l’Ouest canadien, mais ils peuvent contrôler une plus grande partie de leurs propres wagons-trémies.
Enfin, le nombre de wagons privés contrôlés par les clients qui transportent des produits céréaliers en vrac et transformés augmente de façon importante. En effet, il a augmenté au sein du CN ces dernières années. Pour vous donner une idée du transport des produits céréaliers en vrac, il y a quatre ou cinq ans, nous utilisions peut-être de 20 à 30 wagons par semaine en équipement privé contrôlé et fourni par le client. Aujourd’hui, dans l’Ouest canadien, ce nombre est de 300 à 500 wagons par semaine et nous nous attendons à ce qu’il augmente considérablement.
Les clients prennent également des décisions pour contrôler une plus grande partie de leur propre chaîne d’approvisionnement en investissant aussi dans leur propre équipement, afin d’être en mesure d’avoir accès à des wagons dans l’Ouest canadien et d’avoir une plus grande certitude quant à la priorité en matière d’approvisionnement en wagons.
Le sénateur Mercer : Vous avez indiqué que vous aviez installé certaines unités frigorifiques dans le port d’Halifax. Combien de wagons cela représente-t-il et comment cela se compare-t-il au nombre national?
Le CP a parlé d’un train de 8 500 pieds. À votre avis, comment ce train pourra-t-il fonctionner en hiver et combien de locomotives y a-t-il dans un train de 8 500 pieds?
Le représentant du CN pourrait peut-être d’abord parler des unités frigorifiques.
M. Przednowek : Merci, sénateur. Encore une fois, nous pouvons vous faire parvenir d’autres données à cet égard, si vous le souhaitez. Je ne suis pas certain du nombre précis d’unités frigorifiques que nous utilisons dans ce service, mais nous pouvons rapidement vous faire parvenir ce renseignement.
Le sénateur Mercer : Oui, s’il vous plaît. Monsieur Taylor?
M. Taylor : C’est une bonne question, sénateur. Comme vous le savez, car vous connaissez le sujet, la longueur des trains est l’un des défis qui se posent en cas de températures extrêmement froides. Une partie des recherches que nous menons avec l’Université de l’Alberta se concentre sur la partie en caoutchouc des têtes d’accouplement qui relient les wagons et sur les fuites qui se produisent lorsque la température est très froide, car c’est du caoutchouc. Nous tentons de régler ce problème.
De plus, nous utiliserons davantage la traction répartie. Nous avons un système appelé TrAM, c’est-à-dire un programme qui déterminera, selon la topographie sur laquelle se déplace le train et le poids du train, comment répartir les locomotives. Je ne peux pas dire que nous utiliserons trois ou quatre locomotives ou que nous mettrons une à l’arrière, une au milieu et une en avant du train ou deux en avant, car cela dépend de la géométrie de la voie et de la déclivité du parcours — par exemple, si le train traverse des montagnes plutôt que des prairies, ce sera différent. Il faut également tenir compte de la courbure. En effet, un long train générera une force beaucoup plus grande dans les courbes serrées.
C’est essentiellement déterminé par ordinateur, mais je présume qu’il y aurait de trois à quatre locomotives et plus de locomotives en traction répartie en hiver. Nous utilisons la traction répartie, car il faut avoir la même quantité d’air à l’avant et à l’arrière du train. Il faut avoir 90 livres de pression uniforme à l’arrière et à l’avant; s’il y a une différence, les freins ne se relâcheront pas, et ils doivent se relâcher.
Nous ajoutons donc plus de locomotives au milieu du train pour rebâtir la pression d’air afin que les freins se relâchent, mais c’est une bonne question et c’est un sujet sur lequel nous nous concentrons pendant l’hiver.
J’aimerais cependant préciser que les hivers canadiens se suivent, mais ne se ressemblent pas. Et plus l’hiver est rigoureux, plus il est difficile d’exploiter un chemin de fer. Les moyennes peuvent parfois cacher des données, mais en moyenne, nous faisons plus de travaux pendant l’hiver que pendant l’été, et nous avons donc perfectionné la façon dont nous fonctionnons pendant l’hiver. Cela ne fait aucun doute. Je peux vous montrer les données de notre plan hivernal. J’en ai remis un exemplaire au greffier.
Nous espérons seulement que l’hiver ne sera pas trop rigoureux cette année, car cela a des répercussions sur nos activités, tout comme cela a des répercussions sur Pearson, Vancouver et d’autres éléments de la chaîne d’approvisionnement.
Je suis désolé, ma réponse était un peu longue, mais c’était une bonne question.
Le sénateur D. Black : Permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma reconnaissance au CN et au CP pour leurs activités de transport dans notre pays. On vous critique beaucoup, car vous avez un impact sur un très grand nombre de gens et d’entreprises, mais à titre de sénateur de l’Alberta, je constate à quel point vous êtes importants pour l’économie canadienne et certainement pour l’économie de l’Alberta. Je suis manifestement heureux que le siège social du CP soit situé à Calgary et je n’ai pas négligé de remarquer que le CN a un bureau principal à Edmonton.
J’aimerais parler des défis à venir. À mesure que des pressions toujours plus grandes s’exerceront sur les chemins de fer pour le transport du pétrole, des légumineuses, des céréales, du canola et d’autres produits dans l’espoir de réussir à percer sur de nouveaux marchés, comment relèverez-vous ces défis au cours des deux ou trois prochaines années?
M. Taylor : Nous avons de robustes plans d’investissement. Nous reconnaissons que nous aurons bientôt beaucoup de trafic ferroviaire, et le CP embauchera donc 1 250 personnes. Comme je l’ai mentionné, nous effectuons des investissements. Nous acquérons plus de locomotives et de wagons. Nous renforçons également la capacité ferroviaire. Étant donné que le CP a déployé une grande quantité de voies ferrées, les choses vont assez bien. Toutefois, nous devrons en construire davantage.
Nous avons une bonne visibilité à moyen terme. À long terme, sénateur, nous demeurons préoccupés au sujet de l’empiétement, de la proximité, des passages à niveau et de la capacité d’agrandir dans le cadre de notre empreinte. Le CN est un peu plus grand, mais le CP consiste surtout de voies simples avec des voies d’évitement. Nous prolongeons les voies d’évitement, nous construisons plus de voies d’évitement et nous commençons ensuite à relier les voies d’évitement et à en faire des voies doubles. Actuellement, nous avons beaucoup de place pour prendre de l’expansion dans notre réseau si nous ne sommes pas encombrés par plus de passages à niveau et de problèmes de proximité.
Nous avons travaillé sur ces éléments avec la FCM au cours des dernières années, afin de tenter de progresser dans le cadre d’une approche fondée sur les corridors plutôt que sur des passages à niveau individuels. En effet, on ne peut pas mettre une voie d’évitement à un passage à niveau. On ne peut pas stationner un train à un passage à niveau, car cela causera d’autres problèmes.
Vancouver est l’autre enjeu important au pays. En effet, le service de train de banlieue West Coast Express utilise toujours notre réseau à l’heure de pointe pendant le tiers de notre période d’exploitation. Ces trains arrivent sur notre réseau juste au moment où tous les terminaux de céréales commencent leurs activités, car la plupart des terminaux de céréales ne fonctionnent pas 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Nous avons entamé des discussions pour tenter de faire cesser le passage des trains de la West Coast Express sur les rails du CP. Nous sommes heureux de voir le Fonds national des corridors commerciaux à Vancouver, mais il est toujours difficile de mener nos activités dans cette ville.
De plus, on cherche également à transporter une grande partie des produits agricoles et forestiers, des produits de base pertinents pour votre comité, en passant par Vancouver. On a observé qu’au cours des dernières années, le secteur des céréales compte de plus en plus sur Vancouver. Nous devons réfléchir à la situation de Vancouver et à la façon dont nous pouvons coordonner l’investissement des fonds publics et tirer parti de ces fonds pour nous aider à effectuer des investissements privés, car nous sommes un investisseur important. Nous pourrions en parler pendant plus longtemps, mais je sais que votre temps est limité.
La présidente : Qu’en est-il du CN?
M. Przednowek : Je vous remercie de la question, sénatrice. Le CN s’efforce de suivre la courbe de la demande, surtout avec le programme d’immobilisations record de 3,5 milliards de dollars. Dès 2017, nous avons observé une croissance importante dans les différents secteurs de produits de base. Cette année, la plus grande partie de nos investissements se trouvent dans l’Ouest canadien, dans les corridors de Winnipeg à Chicago, de Winnipeg à Edmonton et d’Edmonton à Prince Rupert et à Vancouver. La demande en trafic ferroviaire est élevée vers Vancouver et Prince Rupert, car le CN est le seul transporteur qui dessert ce port. Nous aimerions que le trafic ferroviaire augmente dans cette région et nous aimerions disposer des ressources nécessaires pour gérer ce trafic.
La situation du secteur à valeur ajoutée de l’entreprise est intéressante. En effet, Ray-Mont Logistics a récemment ouvert une installation de remplissage de conteneurs, l’an dernier, dans le port de Prince Rupert, où elle est en mesure de recevoir des quantités adaptées aux unités, c’est-à-dire 100 wagons ou plus, de produits transformés et de céréales en vrac. C’est une autre innovation dans la chaîne d’approvisionnement qui a contribué à l’augmentation du trafic vers le port de Prince Rupert.
Encore une fois, nous ajouterons 60 milles de voies doubles cette année, nous ajouterons aussi des voies d’évitement, nous augmenterons la capacité de transbordement pour répondre à la croissance, non seulement pour les produits céréaliers et les produits céréaliers transformés, mais aussi pour d’autres produits de base comme les engrais, le charbon, le pétrole brut, et cetera. Nous sommes dans une économie axée sur les exportations et nous investissons certainement des fonds pour répondre au rythme prévu de la croissance et de la demande.
Le sénateur R. Black : L’augmentation de la capacité des wagons et de la longueur des trains aura-t-elle des répercussions sur les cultures de l’année en cours? C’est une question à laquelle il est potentiellement facile de répondre par oui ou non.
Nous avons beaucoup entendu parler des enjeux liés à la main-d’œuvre dans le secteur agricole. Vous embauchez 1 250 personnes et le CN fait la même chose. Êtes-vous en mesure de trouver des travailleurs pour ces emplois?
M. Taylor : Pour répondre à votre première question, oui, cela aura des répercussions. Nous mettons ces wagons en fonction et nous acquérons des locomotives et embauchons des travailleurs. Cela aura des répercussions et elles seront de plus en plus grandes au cours des trois prochaines années.
Nous réussirons bien à trouver des travailleurs. La plupart des travailleurs sont déjà embauchés. Il nous faut du temps pour les former et les préparer à assumer leur emploi. Il faut environ six mois à partir du moment de l’embauche, surtout pour les employés des services roulants. Ensuite, il faut s’assurer que ces employés connaissent bien le territoire et qu’ils sont à l’aise de conduire des trains en toute sécurité, car la sécurité est notre priorité. Tout cela est en cours.
Je crois que nous pouvons attirer des travailleurs. En effet, nous offrons un bon salaire. Par exemple, nous offrons une formation de chef de train aux titulaires d’un diplôme d’études secondaires. Le salaire initial est de 70 000 à 80 000 $ par année et nous offrons tous les avantages sociaux. De nos jours, c’est attirant. Nous pouvons trouver des travailleurs.
M. Przednowek : Le CN a un rythme d’embauche élevé. En effet, notre centre de Winnipeg fonctionne selon un horaire double pour accueillir le grand nombre de chefs de train que nous formons. Toutefois, des chefs de train sont déployés dans certaines régions éloignées de l’Ouest canadien, ce qui peut rendre leur perfectionnement professionnel difficile. Il faut tenir compte de cela.
Les nouveaux wagons que nous construisons pour le parc de wagons entreront en fonction en janvier. En même temps, certains des autres programmes de wagons que j’ai mentionnés et auxquels nos clients participent seront également une source de renforcement de la capacité en vue de transporter les récoltes cette année. Nous sommes actuellement en train d’accepter des centaines de wagons supplémentaires fournis par les clients, et nous les intégrons à notre bassin d’actifs pour transporter plus de céréales en période de demande élevée.
La sénatrice Ataullahjan : Ma question ressemble à celle du sénateur Black. La congestion du trafic ferroviaire diminue. Sommes-nous prêts en cas de récoltes exceptionnelles? Serons-nous prêts si cela se produit?
Je m’intéresse également aux mois d’hiver. Quels sont vos plans à cet égard? Parfois, en ville, les chasse-neige nettoient toute la neige. Étant donné que des chemins de fer se rendent dans des régions éloignées, j’aimerais connaître ce qu’on a prévu lorsque la météo prévoit une grosse tempête.
M. Przednowek : Je répondrai en premier. Merci, sénatrice.
En ce qui concerne les récoltes exceptionnelles, la production agricole, surtout dans l’Ouest canadien, a augmenté d’environ 40 p. 100 depuis 2005. Autrefois, nous parlions d’une récolte de 50 millions de tonnes, mais aujourd’hui, nous parlons d’une récolte de 70 millions de tonnes. Les cultures ont subi quelques difficultés cette année, par exemple la sécheresse au début de la saison et maintenant les difficultés météorologiques au moment de la récolte. Certaines de ces choses se sont améliorées.
Dans l’industrie, nous parlons de la « nouvelle normalité », qui se fonde sur le potentiel génétique et les technologies améliorées de gestion des récoltes.
Pendant l’automne et l’hiver, lorsque la demande en céréales atteint son niveau le plus élevé, la taille du programme que nous avons été en mesure d’exécuter à l’automne et à l’hiver, le programme de mise en place à Vancouver, a augmenté d’un pourcentage équivalent ou plus élevé. La récolte ne peut pas être toute transportée à l’automne ou à l’hiver lorsque la demande de transport atteint son niveau le plus élevé. Dans le cadre de notre plan pour l’hiver et pour les céréales, nous indiquons à l’industrie, avant la récolte, la capacité maximale de la chaîne d’approvisionnement en céréales du CN. Cela tient compte de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et pas seulement du déploiement et de l’utilisation des actifs du CN. Le CN fournit 5 500 wagons-trémies par semaine, auxquels s’ajoutent l’équipement privé à l’automne et à l’extérieur de l’hiver et 4 000 par semaine pendant l’hiver. Les clients sont prévenus longtemps à l’avance pour être en mesure de planifier en fonction de la taille du programme que peut exécuter la chaîne d’approvisionnement.
En ce qui concerne plus précisément l’hiver, les étapes que nous suivons sont détaillées dans notre plan hivernal et dépendent de l’évaluation de la demande en transport pour laquelle nous devons déployer des ressources. Des exemplaires ont été distribués. Comme M. Taylor l’a mentionné, l’un des défis les plus importants est l’utilisation de trains plus courts pour des raisons de sécurité, car il faut maintenir la pression d’air dans les trains.
Je n’ai pas encore eu la chance de mentionner l’innovation suivante : en plus de la traction répartie, le CN déploie surtout des véhicules-compresseurs de relais dans son service dans l’Ouest canadien. C’est comme installer un grand compresseur d’air dans un wagon couvert au milieu du train. C’est comme ajouter une locomotive au milieu d’un train pour maintenir la pression d’air. L’hiver prochain, nous triplerons la taille du parc de véhicules-compresseurs de relais pour exploiter la ligne principale, surtout dans l’Ouest canadien, et pour maintenir ou améliorer la longueur moyenne des trains et atténuer l’impact des conditions hivernales.
M. Taylor : La capacité est plus grande maintenant, sénatrice. Tous les intervenants de la chaîne d’approvisionnement ont investi dans cette initiative. Il y a beaucoup plus d’investissements à Vancouver; nous avons investi et le CN aussi. On compte de plus en plus sur Vancouver pour servir de point de sortie pour les céréales canadiennes, et cela a eu certaines répercussions sur la résilience. Nous devons reconnaître que les céréales doivent être transportées pendant une période de pointe. En général, on souhaite déplacer les céréales du mois d’octobre au mois de mars ou d’avril. Ensuite, après le mois de mars ou d’avril, il y a généralement une capacité excédentaire dans la chaîne d’approvisionnement et nous entreposons des wagons-trémies. Cette période de pointe peut être plus prononcée, selon les prix en vigueur au moment où les gens veulent expédier les céréales. De plus, nous devons charger les céréales dans les Prairies et franchir ensuite les montagnes pendant l’hiver — un défi plutôt opérationnel —, sans compter qu’on perd aussi Thunder Bay.
Donc, si la récolte est bonne cette année, une moyenne de trois à cinq ans, environ 70 millions de tonnes, c’est une bonne quantité à transporter. La quantité à transporter est donc assez élevée cette année. Je crois que nous sommes bien équipés pour la transporter. Toutefois, le transport d’une telle quantité de céréales pendant l’hiver pose toujours certains défis. Il faut aussi tenir compte du volume. Nos exportations céréalières sont énormes, car nous exportons de grandes quantités de nos céréales. La consommation n’est pas très élevée à l’échelle nationale et cela repose sur la chaîne d’approvisionnement, car on ne peut pas transporter des céréales par camion des Prairies à Vancouver tout en restant concurrentiel.
Le transport d’une tonne de céréales, des Prairies jusqu’à Vancouver, nous coûte de 35 à 40 $. Nous tirons notre épingle du jeu contre les céréales australiennes, qui n’ont presque aucune distance à franchir jusqu’aux navires à destination des marchés de Chine, de l’Inde, du Japon. L’efficacité est donc un paramètre important du système.
Nous avons consacré plus d’argent au plan d’hiver. Nous y excellons de plus en plus, sans être encore parfaits. Nos prévisions sont maintenant beaucoup plus justes. Je ne veux pas nous attirer le malheur par des prédictions sur l’hiver qui s’en vient. Le silence est d’or. Nous déployons de l’équipement en des endroits précis, en prévision de l’hiver, sachant à quels endroits la neige sera la plus abondante. Nous savons aussi mieux recourir à notre réseau d’entrepreneurs. Nous avons évoqué le recours à la puissance décentralisée.
Pour la prévention anti-avalanche, nous sommes plus malins. Dans les Rocheuses, les chutes de neige sont considérables, ce qui exige la prévention des avalanches. Avec Parcs Canada et le ministère des Transports et des Infrastructures de la Colombie-Britannique, nous avons noué un partenariat pour la lutte anti-avalanche. Dans la plupart des cols montagneux, la route et le chemin de fer sont contigus. Ça nous oblige à la collaboration. Je pense que nous y sommes devenus meilleurs.
Nous nous focalisons davantage sur l’écoulement des eaux, qui fait également partie du plan d’hiver. À la fonte de toutes ces précipitations, le chemin de fer agit presque comme un barrage naturel. Nous agissons de façon beaucoup plus robuste. Nos centres opérationnels sont beaucoup plus prêts à réagir aux conditions hivernales, c’est-à-dire que quelqu’un y est chargé de réagir aux prévisions, de meilleures prévisions. Nous avons une équipe officiellement intégrée au plan hivernal, dans différentes subdivisions, pour réagir comme on le fait en ville.
La présidente : Monsieur Taylor, je dois vous interrompre. C’est fascinant et très intéressant.
Nous avons une dernière intervenante, la sénatrice Martin.
La sénatrice Martin : Je ne suis pas membre en titre du comité. Le sujet m’intéresse beaucoup, parce que je vis maintenant à Burnaby, et, de ma tour d’habitation, j’aperçois le chemin de fer, et un passage à niveau se trouve à peu près à un pâté de chez moi. Beaucoup d’autres tours s’érigent dans mon quartier.
Ma question concerne votre plan urbain et son volet de sécurité. Je me réjouis de nos débouchés nouveaux où nous pouvons nous doter d’une plus grande capacité, mais mes oreilles de citadine s’habituent aux sons et aux bruits. Je sais que notre réseau robuste transporte des produits, mais au passage à niveau près de chez moi il y a eu des éléments branlants pendant plusieurs mois, et je voyais les camions-citernes et les autobus.
Je vis dans un secteur très affairé, et je voulais en savoir davantage sur la densité des villes, particulièrement à Vancouver, où on construit partout, où on peut et où on veut édifier de plus grandes infrastructures et alimenter nos marchés. Nous parleriez-vous de votre plan pour les villes, des mesures de sécurité qui vous préoccupent? Parlez-nous aussi de vos discussions avec les fonctionnaires municipaux des villes que vous traversez.
Deux nouveaux maires viennent d’être élus à Burnaby et à Vancouver. Je m’inquiète donc de ces changements et de leurs conséquences sur ce dont nous discutons. J’adorerais vous entendre au sujet de votre plan urbain.
M. Taylor : Oui. C’est une excellente question. Vous avez mis le doigt sur une difficulté importante pour nous. À Vancouver, les terres industrielles, l’occupation industrielle des sols, la construction d’immeubles en copropriété et d’autres lotissements, tout ça fait l’objet de poussées et de tractions qui ne sont pas particulières à cette ville. Il y en a dans beaucoup d’autres villes du pays qui ne veulent pas être traversées par le chemin de fer, ce qui est très coûteux, très complexe. Il faut toujours se demander qui paiera la note, qui s’élève à des dizaines de milliards de dollars.
Nous avons un plan pour Vancouver. Les autorités portuaires ont adopté une attitude très progressiste de collaboration avec le CN, le CP et d’autres joueurs pour la réalisation de leur plan, parce qu’une foule d’activités différentes a lieu en divers endroits — la partie intérieure du port, la rive nord, la rive sud, Roberts Banks, Deltaport et les quais Fraser Surrey.
Beaucoup de ces endroits sont visés par des plans de croissance. Sur la rive nord, il se trouve un important centre de chargement des grains canadiens. C’est là que sont la plupart des terminaux. Sur la rive sud, nous avons le plus gros terminal, Cascadia.
La croissance est planifiée. On construit un terminal céréalier, sur la rive nord, le G3 Vancouver, presque terminé. Nous essayons de coordonner une série de projets avec les autres joueurs. Toutefois, comme je l’ai dit, la croissance de ces infrastructures ne fait pas l’unanimité.
Pour le passage à niveau, j’ai besoin de plus de détails. Ces aménagements relèvent à la fois du chemin de fer et des autorités chargées de la voirie. Nous nous occuperons de tout ce qui n’est pas absolument sûr et qui concerne le chemin de fer, mais je ne peux rien dire de plus, si c’est un problème de voirie, parce que c’est une responsabilité partagée. L’Office des transports du Canada s’emploiera à régler tout différend.
Je pense que nous pourrions avoir avec Vancouver un engagement meilleur, approfondi. Nous avons hâte de rencontrer les nouveaux dirigeants, particulièrement ceux du port et les autres joueurs, parce que ça ne concerne pas seulement la voie ferrée. Ça touche la chaîne logistique et les plans à long terme de croissance de ce terminal.
La présidente : Je suppose que la réponse du CN à la même question serait très semblable. Voilà que je m’aperçois que notre temps est écoulé. Je remercie nos témoins. Comme vous pouvez le voir, ç’a soulevé beaucoup d’intérêt. Comme on l’a fait observer, nous avons abordé l’adoption du projet de loi C-49, dont une partie importante concernait le transport et les chemins de fer. Voilà pourquoi notre comité, la valeur ajoutée au secteur alimentaire et même les questions qui débordent ce sujet soulèvent tellement l’intérêt.
Mesdames et messieurs les témoins, je vous remercie. Nous reprenons les travaux avec nos nouveaux témoins.
Nous accueillons deux professeurs : M. Bruno Larue, de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, à Laval et, par vidéoconférence, depuis Winnipeg, M. Derek Brewin, de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université du Manitoba.
Nous vous remercions tous les deux d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Entendons d’abord M. Brewin. Vous avez la parole.
Derek Brewin, professeur, à la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université du Manitoba, à titre personnel : Je remercie la présidence et les membres du comité de leur invitation. C’est un honneur de pouvoir présenter les résultats de mes réflexions sur votre étude du secteur alimentaire canadien à valeur ajoutée.
Avant de passer à ma réponse à vos principales questions, un petit mot sur ma faculté. La contribution de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université du Manitoba à la mise au point du canola comme culture viable, y compris à l’amélioration de la qualité alimentaire et nutritive de son huile, possède une riche histoire. Nous avons participé aux discussions sur l’efficacité du réseau de transport céréalier et la Commission canadienne du blé. Dans leurs laboratoires, nos scientifiques se sont attaqués à toutes sortes de problèmes difficiles touchant l’agriculture et la production alimentaire, qui allaient des pathogènes des cultures jusqu’aux avantages nutritionnels des stérols végétaux en passant par les nouvelles mauvaises herbes. Cependant, je pense que vous pourrez connaître la suite de ces travaux quand vous rencontrerez les membres de notre corps professoral jeudi prochain.
Un petit mot également à mon sujet. Je suis professeur agrégé, chef du Département d’agrinégoce et d’agroéconomie de l’Université du Manitoba. J’en fais partie depuis 15 ans. J’enseigne la gestion du risque et le marketing agricole. De 2004 à 2014, j’ai fait partie de plusieurs réseaux de recherche stratégique parrainés par Agriculture et Agroalimentaire Canada. L’un des réseaux s’intéressait à l’innovation et à la réglementation agricoles, un autre aux répercussions des politiques sur l’exploitation agricole et un troisième, dirigé par M. Larue, examinait la structure et les performances du secteur des produits agricoles et agroalimentaires.
En ce qui concerne votre étude, j’ai travaillé sur l’innovation liée à la recherche dans le secteur de la transformation alimentaire, les conditions économiques de l’amélioration génétique végétale, le transport ferroviaire et l’emplacement optimal des usines de transformation du canola et des malteries.
Permettez-moi d’aborder chacun des sujets que votre comité a été autorisé à examiner. Le premier était l’avantage comparatif du secteur alimentaire canadien à valeur ajoutée. J’estime que le principal avantage comparatif du secteur est la robustesse du secteur agricole primaire, doublée d’une grande superficie de terres arables relativement à notre population. Cette richesse nous permet d’offrir une surabondance de produits agricoles non transformés, ce qui, à son tour, a permis d’exporter directement de grandes quantités de produits agricoles de première importance : 75 p. 100 de notre blé; 50 p. 100 de notre canola; 25 p. 100 de nos vaches d’élevage à viande; 21 p. 100 de nos porcs. Cette surabondance nous procure aussi des avantages dans notre transformation facilitant cette exportation. Nous exportons donc 90 p. 100 de notre huile de canola, la moitié de notre viande de bœuf, et le tiers de notre viande de porc.
Notre avantage comparatif, en ce qui concerne l’huile de canola et la transformation des viandes, est lié aux conditions économiques de la transformation des produits agricoles et des produits du bétail à proximité de leur lieu de production, mais ces conditions économiques peuvent changer de façon spectaculaire, en fonction de l’évolution des marchés. L’examen des usines de trituration du canola m’a révélé que le choix de l’emplacement de deux de ces usines, simplement à l’intérieur d’un bassin intérieur de captage peut les rendre toutes les deux moins profitables qu’une nouvelle usine beaucoup plus rapprochée du consommateur. Les consommateurs d’huile de canola, au Canada, ne sont pas assez nombreux pour répondre à l’offre de produit.
Je suis convaincu qu’il est dans l’intérêt de notre pays de financer la recherche sur la transformation de notre abondante production végétale en produits à valeur ajoutée, comme l’ont fait nos propres départements des sciences alimentaires et l’Institut international du Canada pour le grain. Une grande partie de cette transformation peut aboutir dans les régions à bascoût de la main-d’œuvre et rapprochées du consommateur final, d’après l’analyse de rentabilisation sur le stockage et le transport de ces produits transformés.
Ce qui m’amène à votre deuxième problème, la capacité du secteur de créer des produits à valeur ajoutée pour répondre à la demande mondiale des consommateurs. Dans les exposés antérieurs, j’estime que vous avez entendu beaucoup parler de l’accès à des marchés sûrs, équitables, aux régimes réglementaires harmonisés et à la fiscalité concurrentielle. Je pense que M. Larue en sait plus que moi sur ces questions commerciales. Je me bornerai donc à la recherche.
En général, j’appuierais les investissements publics dans la recherche agricole, où les retombées et les taux d’imposition fonciers changeants ont conduit à un sous-investissement. Les retours sur investissement de la recherche, d’après les études, ont été estimés à 40 pour 1. Je déconseille cependant les investissements de l’État dans les domaines où le secteur privé se trouve déjà présent, ce qui risquerait de l’évincer ou de simplement payer des entreprises pour qu’elles fassent ce qu’elles font déjà.
Ça signifie qu’il faut des critères pour reconnaître les projets de recherche qui méritent de l’être, ce qui peut être une tâche très complexe pour s’y retrouver dans les priorités de la recherche. Par exemple, des investissements publics et privés se font en sélection végétale, et la présence de cultures hybrides comme le maïs et le canola peuvent entraîner des investissements privés considérables, mais ce système n’est pas transposable aux cultures à pollinisation libre comme le blé et l’orge. De vastes pans de la science — les grandes cultures, la science du blé et la gestion des éléments nutritifs — ne bénéficient pas de l’encouragement des investissements du secteur privé. Ils ont donc besoin de fonds publics ou d’un mécanisme comme les redevances à l’utilisation finale, pour financer la recherche nécessaire dans le secteur. La fixation des priorités de ce financement doit être liée au gain économique escompté.
J’ai déjà abordé la troisième question que vous souhaitiez examiner, le soutien à accorder aux joueurs de l’industrie. Ma première réponse est la recherche. Le financement de la recherche dans les établissements comme notre centre Richardson sur les aliments fonctionnels et les nutraceutiques, l’Institut international du Canada pour le grain, toute la direction générale de la recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et les facultés des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de toutes les universités du pays.
Permettez-moi une dernière intervention pour la collecte et le partage de données. En général, nous ne possédons pas suffisamment de renseignements sur la facette alimentaire du secteur agroalimentaire. Rien qui ne ressemble aux données que nous possédons sur le secteur agricole. Cette lacune met en péril notre capacité d’évaluer le pouvoir concurrentiel de diverses chaînes logistiques de l’agroalimentaire.
Ces chaînes logistiques sont très fortement concentrées, et des données sont nécessaires pour évaluer la concurrence à l’intérieur d’une de ces chaînes et pour guider la politique et les investissements. L’un des facteurs déterminants de l’évaluation du transport ferroviaire a été la collecte et la publication de données sur la chaîne logistique par la société Quorum. Nous avons besoin de ces données pour l’ensemble du secteur. Comme je pense avoir employé tout le temps qui m’était accordé, je m’arrête. Merci beaucoup.
La présidente : Je vous remercie de votre exposé. Entendons maintenant M. Larue.
Bruno Larue, professeur titulaire, faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation, Université Laval, à titre personnel : Je vous remercie de votre invitation. C’est toujours un plaisir de venir discuter avec vous.
Certaines de mes observations iront dans le même sens que celles de Derek. Essentiellement, l’idée est que, s’agissant d’avantages comparatifs, le commerce de marchandises est implicitement un échange de ressources. Les pays nantis en terres et eau douce, par exemple, ont tendance, naturellement, à exporter des produits agricoles.
J’ignore si les diapos que je vous destinais ont été photocopiées, mais, essentiellement, l’étude des exportations par province révèle, sans surprise, que la Saskatchewan occupe le premier rang, et de loin, parce que c’est une province extrêmement riche en terres. Elle est suivie de l’Alberta, de l’Ontario et du Manitoba. Les exportations de produits agricoles du Québec ont connu une croissance assez rapide, mais nos faibles superficies arables ne nous permettent pas d’exporter presque autant que ces provinces. Voilà en quoi consiste essentiellement l’avantage comparatif.
C’est totalement différent quand on compare le commerce et l’alimentation, parce que la production alimentaire peut se faire à partir de produits primaires locaux. Derek a parlé du canola, mais, au Québec, l’industrie du porc est un bon exemple, en raison du mode de mise en marché du produit. Tous les porcs produits au Québec doivent être abattus dans la province. Comparons ça, par exemple, à ce qui se passe dans l’Ouest et même en Ontario. Le Québec n’exporte que la viande et il n’exporte aucun porcelet, aucun porc. La valeur ajoutée reste au Québec, grâce à ce mode de mise en marché, qui permet d’exporter 60 p. 100 de ce que nous produisons.
Un autre exemple de chaîne logistique couronnée de réussite et basée au Québec est celui du chocolat. Aucun des intrants primaires n’est cultivé localement. Pourtant les produits du chocolat sont la deuxième exportation en importance du Québec.C’est le fait de la multinationale Barry Callebaut, basée à Saint-Hyacinthe, qui se procure ses intrants surtout en Afrique, en Côte d’Ivoire. Essentiellement, la plus grande partie de sa production est exportée aux États-Unis. Pour fabriquer des produits alimentaires, il n’est pas nécessaire d’être le chef de file de la production d’un intrant primaire.
Parlant d’avantage comparatif, habituellement les cinq premiers pays exportateurs de la plupart des matières premières comptent pour au moins 70 p. 100 des exportations mondiales de ces matières. Le taux est même supérieur pour certaines matières premières. Ainsi, pour le soja, c’est essentiellement une affaire entre deux joueurs, les États-Unis et le Brésil. Le Canada en exporte de plus en plus, parce que le prix des fèves de soja a été élevé. Nous sommes un très petit joueur sur ce marché qui est donc essentiellement un duopole. Nous avons un monopole, par exemple, dans le sirop d’érable. Pourquoi? Parce qu’on ne peut en produire que dans certaines régions : le Québec, l’Est ontarien, une partie du Nouveau-Brunswick et les États du Nord des États-Unis.
Les statistiques des exportations de produits alimentaires révèlent qu’elles sont concentrées dans l’Est, en Ontario et au Québec, les provinces qui en exportent le plus. Ces mêmes provinces en importent beaucoup. La balance commerciale de l’Ontario, par exemple, même s’il est le premier exportateur d’aliments manufacturés, montre qu’il en est un gros importateur. Sa balance commerciale est déficitaire.
En ce qui concerne le secteur de la fabrication de produits alimentaires, les données nous indiquent qu’il y a beaucoup de petites entreprises, mais peu de grandes entreprises. Peut-être 10 p. 100 des petites entreprises exportent. Toutes les autres alimentent le marché national. Il y a également un roulement. Certaines survivent, d’autres non. Selon nos constatations, il semble que les moyennes entreprises ont de moins en moins de place. Lorsque les petites entreprises réussissent mieux, elles augmentent leurs activités. Elles deviennent alors des cibles pour les grandes entreprises.
Dans la plupart de ces secteurs et dans celui de la fabrication de produits alimentaires, on remarque une énorme concentration des activités. Par exemple, dans le secteur des produits laitiers, Saputo et Agropur sont les deux grandes entreprises. Dans la transformation du porc, Olymel est le gros joueur, avec Maple Leaf. Or, c’est comme cela dans bien des secteurs. Dans l’industrie de la bière, il y a Molson Coors et InBev. Il y a quelques années, InBev a racheté SABMiller, le second fabricant de bière en importance dans le monde, pour plus de 100 milliards de dollars. Nous parlons de grosses sommes, et c’est essentiellement ainsi que les choses se passent.
Du côté des exportations, les petites entreprises ne comptent que pour une très petite proportion. Celles qui effectuent le gros des exportations sont les petites entreprises qui exportent plusieurs produits vers plusieurs destinations. La plupart des entreprises exportent vers un pays — je parle des entreprises canadiennes —, et il s’agit bien sûr des États-Unis, qui ne sont pas très loin.
Nous sommes très chanceux. Des gens disent parfois que nous dépendons trop des États-Unis, mais en fait, nous sommes extrêmement chanceux que notre pays soit aussi près des États-Unis et qu’il ait un accès aussi important à ce marché. Bien des pays seraient ravis d’être dans notre situation. Cela dit, il y a beaucoup de problèmes, surtout depuis les dernières années, mais en général, les possibilités sont énormes.
Cela nous aide lorsque survient une situation difficile. Prenons l’exemple de l’embargo russe. La Russie était le deuxième marché en importance pour le porc congelé. Qu’avons-nous fait? En gros, nous avons transféré aux États-Unis la viande qui était censée être envoyée en Russie, car aux États-Unis, c’était comme une goutte d’eau dans l’océan. Nous n’avons donc pas été touchés par des réductions de prix ou par quoi que ce soit du genre. Nous avons été chanceux; puisque le taux de change nous était favorable à ce moment-là, nous avons eu énormément de chance.
Derek a parlé d’innovation. C’est un volet extrêmement important. La plupart des entreprises exportatrices sont les entreprises qui innovent d’une manière ou d’une autre, qui investissent dans la R-D. Tout ce que nous pouvons faire pour inciter les entreprises à investir dans la R-D constitue certainement un pas dans la bonne direction.
L’autre point que j’aimerais soulever, c’est que pour desservir les marchés étrangers, les entreprises peuvent exporter, mais elles peuvent aussi opter pour des investissements directs à l’étranger dans certains secteurs. C’est essentiellement ce que nous faisons. Par exemple, dans le secteur laitier, ce n’est pas que Saputo cherche ailleurs, c’est qu’elle est ailleurs. C’est la plus importante entreprise du secteur laitier en Australie. Je crois que c’est la deuxième en importance aux États-Unis, et la plus importante au Canada. Donc, plutôt que d’exporter, elle investit directement à l’étranger. Agropur fait de même.
Pour ce qui est des exportations, nous exportons beaucoup de pain et pâtisseries, de bœuf, de porc, de légumes, d’huile de canola et de produits de chocolaterie. Ce sont les principaux produits que le Canada exporte. C’est étonnant, car les légumes sont également un principal produit d’importation, ce qui fait en sorte que nous faisons des échanges bilatéraux pour différentes raisons. Nous n’exportons pas les mêmes légumes que nous importons. Parfois, nous exportons les mêmes fruits que nous importons, comme les fraises; nous en exportons de juin à novembre, mais nous en importons le reste de l’année. Le caractère saisonnier est un élément important.
Ce qu’il faut surveiller, ce sont non seulement les différends commerciaux qui opposent les États-Unis au Canada, mais aussi ceux qui opposent les États-Unis à d’autres pays. Par exemple, lorsque les États-Unis sont en conflit avec la Chine, ils ont de la difficulté à vendre leurs produits en Chine. Qu’est-ce que cela signifie? Il est probable qu’un plus grand nombre de produits restent aux États-Unis, ce qui fait en sorte qu’il est plus difficile pour les entreprises canadiennes de rivaliser avec les entreprises des États-Unis, car il y a plus de produits américains sur le marché américain.
Il y a également le risque que les États-Unis adoptent des mesures de protection fondées sur la sécurité nationale. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose. Le mécanisme de règlement des différends prévu dans l’AEUMC, par exemple, n’empêche en rien les États-Unis de prendre ce type de mesure.
De plus, si les entreprises américaines n’exportent plus autant de produits vers le reste du monde, par exemple vers l’Europe et la Chine, parce qu’il y a un conflit entre les États-Unis et eux, la demande de produits primaires canadiens chutera.
Il y a également la mise en œuvre d’accords commerciaux régionaux conclus récemment; la mise en œuvre de plusieurs nouveaux accords commerciaux est en cours.
Pour ce qui est des tendances générales, on parle surtout de l’industrie de la viande. Les consommateurs vieillissants ne mangent plus autant de viande qu’auparavant. La tendance chez les consommateurs est de remplacer la viande par d’autres types d’aliments. En même temps, la croissance de la population et du PIB dans les pays à faible revenu fera augmenter la demande de viande canadienne.
Vous avez entendu parler de l’infrastructure des transports. C’est un élément extrêmement important pour le commerce.
Les autres principaux problèmes qui me préoccupent sont les barrières interprovinciales qui rendent notre industrie moins concurrentielle. Il faut également que certaines de nos politiques agricoles soient révisées.
D’autres tendances importantes que l’on remarque dans le secteur, ce sont les fusions et les acquisitions — j’en ai parlé un peu — et la concentration dans la vente au détail. Lorsque nous parlons de concentration dans la vente au détail, nous pensons parfois aux détaillants qui passent par les consommateurs pour essayer d’augmenter leur marge, mais c’est la situation inverse qui se produit : ils essaient d’obtenir davantage des transformateurs. C’est comme cela qu’ils génèrent la majeure partie de leur marge. Pour l’industrie de la transformation, c’est inquiétant.
La présidente : Il ne nous reste plus beaucoup de temps.
M. Larue : Je terminerai mon exposé là-dessus.
La présidente : Je remercie les deux témoins. Nous allons passer aux questions.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup. Monsieur Larue, on vient de faire une petite tournée au Québec et j’ai appris qu’environ 60 à 70 p. 100 de la culture produite au Québec était transformée au Québec. Cela me semblait assez positif comme chiffre, sauf qu’on m’explique qu’il y a aussi des règlements qui obligent les transformateurs à acheter, d’abord et avant tout, des produits québécois, notamment des pommes de terre, par exemple. Ce système, qui est comme une gestion de l’offre — mais pas tout à fait, ça s’appelle probablement différemment —, est-il le même dans toutes les provinces du Canada ou est-il spécifique au Québec?
M. Larue : Ce système n’est pas spécifique au Québec. Dans la plupart des secteurs, on a des bureaux de commercialisation, ce qu’on appelle en anglais des « marketing board », qui font en sorte que chaque province fonctionne d’une certaine façon, un peu comme un petit pays. L’agriculture a évolué énormément au cours des 40 et 50 dernières années. Quand on a commencé à avoir cette vision des bureaux de commercialisation, il y avait un très, très grand nombre d’acteurs. Il y avait beaucoup plus de fermes et d’acheteurs. Dans le cas de l’industrie porcine, c’est un secteur où la concentration a fait en sorte que la façon dont on met en marché le produit a dû évoluer. Pendant un certain temps, on avait des enchères. Celles-ci fonctionnent bien s’il y a plusieurs enchérisseurs qui vont faire des mises et qui se font concurrence. Le problème, dans la plupart des secteurs de transformation, c’est qu’il ne reste...
La sénatrice Miville-Dechêne : Plus de joueurs.
M. Larue : Ou pas beaucoup. Donc, au Québec, il y a Olymel et cinq ou six autres abattoirs. Olymel abat environ 75 p. 100 des porcs. On ne peut pas avoir d’enchères dans un tel contexte. Par contre, si on ouvrait nos marchés à l’Ontario et potentiellement au Nouveau-Brunswick, si on avait une vision un peu plus régionale plutôt que provinciale, cela aiderait. Les secteurs seraient plus compétitifs. C’est vrai dans le cas du porc. C’est vrai dans plusieurs secteurs. Évidemment, dans le cas de la gestion de l’offre, c’est très vrai parce qu’il y a des carcans.
La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez parlé de pistes d’avenir. Quel regard jetez-vous sur l’avenir des petites productions? Vous dites que les goûts des consommateurs changent. On veut des produits bios, on veut de la traçabilité. Est-ce que tout cela est une voie d’avenir quand on parle de valeur ajoutée en agriculture ou d’exportation de petites quantités? On peut seulement parler de marchés internes.
M. Larue : Ce sont des marchés qui prennent de plus en plus d’expansion. Maintenant, il y a des joueurs de taille fort respectable qui s’y intéressent. Je donnais l’exemple de la compagnie duBreton, qui produit du porc bio. Cette entreprise a développé ce genre de créneau. Ça se passe très bien pour eux et ce n’est pas une petite entreprise. Dans les chaînes de valeur biologique, on constate qu’il y a beaucoup d’intégrations verticales. Ça commence avec les détaillants qui veulent ces produits sur leurs tablettes, et puis ils font des...
La sénatrice Miville-Dechêne : Des demandes.
M. Larue : Des ententes contractuelles avec différents fournisseurs. C’est déjà très bien intégré et c’est un secteur en croissance. Les joueurs dans l’industrie essaient de suivre les tendances pour essayer de faire plus de profits. Donc, s’il y a de l’argent à faire avec ça, ils vont aller de l’avant. Certaines tendances fortes vont dans ce sens-là, ici au Canada et ailleurs dans le monde.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
[Traduction]
La présidente : Monsieur Brewin, avez-vous des observations à faire au sujet de la dernière question?
M. Brewin : Oui. Je suis d’accord en cve qui a trait aux points soulevés, mais j’aimerais dire que les provinces ne se limitent pas toutes à leur propre petit territoire. Dans l’Ouest du Canada, il y a beaucoup d’échanges entre les provinces et c’est un modèle de réussite pour les usines de transformation du porc en Alberta et au Manitoba. Elles utilisent beaucoup de porcs élevés en Saskatchewan.
Parce qu’il y a une concentration dans certains des centres de transformation, les agriculteurs devraient se réunir pour conclure des ententes. Je crois qu’une telle coopération volontaire est une bonne chose, mais nous constatons que les offices de commercialisation sont généralement d’énormes machines qui sont difficiles à arrêter. Il vaut beaucoup mieux avoir recours à des systèmes volontaires.
Le marché biologique est un secteur viable à l’heure actuelle. Nous n’avons pas besoin de forcer l’inclusion d’autres types de processus biologiques dans le système. Les consommateurs devraient être en mesure de payer pour des processus qui coûtent plus cher.
L’un de volets, c’est la demande de produits locaux. Ce serait catastrophique pour l’agriculture au Canada si tout le marché était local. Une énorme superficie de terres serait perdue si nous ne pouvions pas exporter nos produits vers d’autres pays. Donc, à moins que la population du Canada augmente énormément, ce ne serait pas une bonne décision pour l’agriculture et l’industrie alimentaire canadiennes.
Le sénateur R. Black : J’ai une question qui s’adresse à M. Brewin. Lors d’une séance précédente, un témoin a dit que nous devrions créer des possibilités de transformation des aliments à valeur ajoutée plus près du producteur. Avez-vous dit que vous aviez des données qui indiquent qu’elles devraient plutôt être plus près du consommateur? Je crois que la raison, c’était qu’il y aurait moins de problèmes de transports, par exemple. J’aimerais que vous m’en disiez plus à ce sujet. Vous avez dit que vous aviez des données qui suggèrent le contraire.
M. Brewin : J’ai réalisé un modèle des endroits où se trouvent les plants de canola. Si l’on examine la structure actuelle, il y en a beaucoup en Saskatchewan et au Manitoba, et dans un rayon de 100 ou 200 kilomètres, on transforme l’équivalent de quatre millions de tonnes de canola.
Les usines de transformation du canola à Harrowby, au Manitoba, et à Clavet, à Yorkton et à Nipawin, en Saskatchewan, représentent ce qui était auparavant les deux tiers de l’ensemble du secteur du canola. Si l’on ajoute un autre million de tonnes dans cette zone, il leur faudrait étendre leur zone plus loin pour avoir assez de canola pour en attirer vers leur système. Dans les limites extérieures de la zone de culture, il y a une forte rivalité avec les riches marchés d’exportation. Cet autre élément ne serait pas rentable parce qu’il faudrait que tout le groupe dépense énormément pour attirer les grains.
Ce que je veux dire, c’est que je crois qu’il est avantageux que la transformation se fasse près du lieu de production, jusqu’à un certain niveau, mais je ne crois pas que nous devrions intégrer cela de force dans un système bon gré mal gré. Je crois que c’est avantageux lorsque comme l’a souligné Bruno, il est profitable de faire du chocolat n’importe où. Je crois que pour certains types de transformation, l’endroit où se trouve la prochaine usine, c’est très délicat.
Je crois qu’il y a un excédent d’animaux vivants dans l’Ouest, mais la prochaine usine de transformation n’est peut-être pas viable parce qu’elle devra rivaliser dans un marché nord-américain intégré et des problèmes à la frontière font en sorte que c’est un investissement risqué.
La sénatrice Ataullahjan : Nous avons certaines tendances alimentaires. Quelles répercussions ont-elles sur la fabrication des produits alimentaires? Il y a deux ou trois ans, tout le monde voulait manger des grenades et certains grains qui étaient devenus inabordables pour les gens ordinaires parce qu’ils étaient à la mode. Est-ce que les fabricants de produits alimentaires surveillent ces tendances? Si c’est le cas, comment y réagissent-ils?
M. Larue : Ils réagissent aux tendances en investissant. Comme l’a dit Derek, tout investissement est risqué, de sorte qu’ils y réfléchiront deux fois. Ils essayeront de déterminer s’il s’agit d’une forte tendance. Derek a parlé des aliments locaux. Qu’est-ce qu’un aliment local? S’il est fabriqué au Québec, est-il local partout? S’il s’agit d’un aliment d’Ottawa, les consommateurs de Gatineau le considèrent-ils comme un aliment local?
De manière générale, les tendances sont importantes et les fabricants de produits alimentaires y réagiront. S’il s’agit d’un nouvel ingrédient, par exemple, ils essayeront de l’utiliser et d’en faire la promotion. Bien entendu, il y a une réglementation sur l’information qu’on peut inscrire sur les étiquettes. C’est une grande question pour eux. Dans certains cas, ils investiront davantage. Parfois, il s’agit d’une tendance dans un autre pays, de sorte qu’ils feront un investissement.
L’une des choses que nous remarquons en examinant le commerce, c’est que les coûts d’exportation fixes sont extrêmement importants. C’est ce qui détermine si une entreprise entre dans un pays ou non. Nous constatons que s’il y a une masse critique de consommateurs, les fabricants de produits alimentaires auront alors tendance à se lancer. Pour les entreprises canadiennes, nous observons ce qui se passe aux États-Unis et nous essayons d’en tirer parti. Or, nous regardons ce qui se passe ailleurs également.
Je parlais des transformateurs de viande. Ils connaissent certainement les tendances qui existent dans les pays à faible revenu. À mesure qu’ils s’enrichissent, ils veulent une alimentation qui ressemble davantage à la nôtre. Ils veulent manger plus de viande et ils se préparent. Ils ont commencé à investir davantage dans des marchés plus éloignés en sachant que, au Canada par exemple, en raison du vieillissement de la population, les gens mangent moins de viande rouge et mangent un peu plus de viande blanche et de plus en plus de fruits et de légumes.
Le marché national ne connaîtra pas la croissance rapide qu’il a déjà connue par le passé. Il s’agit d’une question d’investissement. Il y a des entreprises qui iront plus loin. Comme je l’ai dit, elles investiront dans des produits sans antibiotiques et en feront la publicité, mais cela signifie qu’il doit y avoir une bonne coordination dans la chaîne d’approvisionnement. En ce qui a concerne les transformateurs de porcs, ils doivent convaincre les agriculteurs d’élever les porcs d’une certaine façon. C’est de cette façon qu’on procède.
La coordination entre beaucoup en jeu. Il faut conclure des contrats avec des producteurs primaires pour que les choses soient faites d’une certaine manière. Il faut payer un prix pour cela.
M. Brewin : Je n’ai pas grand-chose à ajouter.
La sénatrice Ataullahjan : J’ignore si vous pourrez répondre à la question. En ce qui concerne la viande et la transformation de la viande, pourquoi le Canada a-t-il raté l’occasion offerte par le marché des aliments halal? C’est un énorme marché, et l’Australie et la Nouvelle-Zélande semblent combler la demande au Moyen-Orient. Pourquoi l’industrie canadienne du bœuf a-t-elle raté cette occasion?
M. Larue : Probablement parce que nous avons des marchés traditionnels qui fonctionnent bien. Dans l’industrie du porc, nos marchés traditionnels sont les États-Unis et le Japon. Ce sont des marchés lucratifs.
Je me souviens qu’à l’époque où j’étais un jeune professeur adjoint, j’ai rencontré un vice-président de l’entreprise qui est maintenant connue sous le nom d’Olymel. Il a dit que différents marchés semblent intéressants, mais qu’il y a des problèmes. Parfois, il y a des choses auxquelles les gens ne pensent pas, comme à ce qui se passe si l’on n’est pas payé.
Dans le cas des États-Unis, c’est facile. Il y a des tribunaux, et les entreprises n’ont habituellement pas de problèmes. C’est la même chose pour le Japon. Au Japon, les inspecteurs viennent ici et ils font les choses à fond. Ils sont très difficiles, mais ils sont prêts à payer.
Dans le cas du Canada par rapport à d’autres marchés, je crois que c’est surtout qu’il nous aurait fallu faire un investissement, commencer par exporter en petites quantités au début pour voir ce qu’il en est. Nous aurions probablement perdu de l’argent pendant deux ou trois ans avant de réussir. Parce que nous avions des marchés solides aux États-Unis et au Japon, c’était une proposition moins intéressante pour nous que pour d’autres pays qui ont de plus petits marchés.
Pour l’industrie du bœuf, nous exportons surtout des animaux vivants, et c’est aux États-Unis que se fait l’abattage. C’est une industrie différente.
La sénatrice Ataullahjan : À Edmonton, on vend de l’agneau halal qui provient de la Nouvelle-Zélande. Je me posais simplement la question parce qu’il y a un énorme marché.
Je suis aussi membre du Comité du commerce international, et on ne cesse de nous dire à quel point les entreprises canadiennes sont peu enclines à prendre des risques, et je pense que c’est un bon point.
M. Larue : Eh bien, les marchés de spécialité posent problème, puisqu’il faut modifier la ligne de production. S’il n’est pas assez important, l’investissement n’est pas rentable. En ce qui concerne les abattoirs, le marché halal est-il assez important pour justifier d’avoir des travailleurs pour une journée pour s’acquitter de cette tâche? Je n’en suis pas certain. Ces installations sont rentables si elles fonctionnent à plein rendement. Il faut une certaine production. Ils doivent s’assurer de fonctionner au maximum des capacités. Lorsqu’on modifie la ligne de production en fonction d’un marché précis, cela ralentit les opérations. Sans valorisation suffisante, cela ne vaut pas la peine.
Pour ce qui est de ce marché, je pense qu’il était probablement trop petit et qu’on n’a pas voulu investir à ce moment-là pour privilégier d’autres occasions d’affaires.
La sénatrice Ataullahjan : C’est un énorme marché.
M. Larue : Je conviens que c’est un marché en croissance qui a du potentiel. Encore une fois, cela a été facile aux États-Unis et au Japon, car nous sommes dans ces marchés depuis des années. Les occasions étaient moins intéressantes pour nous que pour d’autres pays.
La sénatrice Ataullahjan : Merci.
La présidente : Monsieur Brewin, pourriez-vous aussi répondre à la question?
M. Brewin : Oui. À mon avis, il y a de petites installations halal partout au pays. L’avantage de la Nouvelle-Zélande dans le marché du Moyen-Orient, outre la connaissance de la clientèle et les économies d’échelle, c’est la proximité. En effet, ils ont une moins grande distance à parcourir que nous pour expédier de la viande congelée au Moyen-Orient, car nous devrions passer par le canal de Suez ou traverser entièrement le Pacifique.
Le point soulevé par Bruno sur les économies d’échelle pour la viande halal, particulièrement l’agneau, c’est que nous n’avons pas d’importants surplus de viande d’agneau au Canada, alors que c’est probablement le cas en Nouvelle-Zélande. La transformation de viande halal peut être rentable en Nouvelle-Zélande, mais pas au Canada.
Je pense que si les consommateurs sont prêts à acheter ces produits, les marchés se développeront. Je pense que les entrepreneurs se lanceront dans les marchés de spécialité si la demande est là, notamment pour les produits locaux. Le marché semble mieux convenir aux petits joueurs plutôt qu’aux transformateurs comme Cargill et Brooks JBS. Ce sont d’immenses installations, comparativement à une boucherie de Toronto, mais cette boucherie peut très bien être très prospère.
La sénatrice Bernard : J’ai une question complémentaire à celle de la sénatrice Ataullahjan. Je me demande si un préjugé inconscient pourrait avoir une incidence sur la façon dont on développe ces marchés. Existe-t-il des préjugés à l’égard du marché des produits halal?
M. Larue : Voulez-vous répondre, Derek?
M. Brewin : Je pense, en ce qui cocnerne le centre que j’ai mentionné, qu’un des problèmes est l’absence de données probantes pour déterminer s’il s’agit d’un investissement judicieux au Canada. Si je vends des produits au Moyen-Orient, j’ai une idée de la taille du marché, étant donné que presque tous les consommateurs achètent des produits halal. Je ne pense pas qu’on puisse dire quelle est la différence de prix entre la viande halal et la viande ordinaire au Canada. Nous ne pouvons vous indiquer la taille du marché, puisque nous n’avons pas beaucoup de données.
J’insiste encore une fois sur l’importance des données. Je ne pense pas qu’il est juste de dire aux investisseurs qu’ils ne prennent pas assez de risques alors que nous leur fournissons peu de renseignements pour prendre une décision.
La sénatrice Bernard : Ma question portait essentiellement sur le manque de données.
La présidente : Nous avons une question complémentaire à ce sujet.
La sénatrice Ataullahjan : Merci, sénatrice Bernard. Je pense qu’il est nécessaire de recueillir des données. Je sais que dans certains centres commerciaux de Toronto, on ne trouve que de la viande halal dans les aires de restauration, car la clientèle est au rendez-vous. C’est une excellente idée de collecter des données pour voir ce qu’il en est. Combien de personnes consomment de la viande halal, 1,5 million, 2 millions de personnes? J’ai été très surprise de constater qu’on ne servait que de la viande halal dans ces endroits. De toute évidence, il y a une demande, mais il serait bien que quelqu’un collige des données pour en connaître l’ampleur. Vous avez soulevé un très bon point. Merci.
La sénatrice Bernard : Ma question s’adresse aussi à M. Brewin. Vous avez mentionné le manque de données. Dans un monde idéal, que feriez-vous pour régler ce problème? Que recommandez-vous?
M. Brewin : Je pense à des sondages semblables à ceux que les agriculteurs doivent remplir au sujet de leur exploitation agricole. Je pense qu’il serait judicieux d’avoir un questionnaire de ce genre, en particulier dans le secteur concentré de la transformation. Quels sont vos coûts? Quelle est la taille de votre exploitation? Versez-vous un prix indûment faible aux producteurs pour ensuite exiger le gros prix aux consommateurs?
À mon avis, le point soulevé par Bruno était que le secteur du détail exerce une certaine surveillance de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, comme le démontrent certaines données. M. Richard Sexton a d’ailleurs fait une excellente étude à ce sujet en Californie. La chaîne d’approvisionnement est très concurrentielle, du secteur du détail jusqu’au producteur. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter. J’aimerais beaucoup avoir des données pour le prouver. J’entends par là que nous devons connaître les prix dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement pour que tous aient la certitude que tout le monde respecte les règles du jeu.
J’ajouterais qu’il est bien que tous soient au courant d’éventuels problèmes dans la chaîne d’approvisionnement afin de pouvoir y réagir. Les tables rondes sur la valeur ajoutée ont permis à tous les intervenants de la chaîne d’approvisionnement de discuter des enjeux du secteur et de la mise en commun des ressources et des recherches pour régler les problèmes, le cas échéant.
Pour répondre directement à la question, je pense que toutes les usines de transformation devraient fournir autant de renseignements que les agriculteurs.
La sénatrice Bernard : Merci.
M. Larue : Puis-je ajouter quelque chose?
La présidente : Certainement; allez-y.
M. Larue : Je pense que c’est un enjeu important. Derek, je pense que vous conviendrez que même à la ferme, nous avons peu de renseignements sur le prix des intrants.
M. Brewin : En effet.
M. Larue : À titre d’exemple, le coût des aliments est extrêmement important dans le secteur de l’élevage et, selon des données non scientifiques, cela varie beaucoup. Quels sont les coûts comparatifs entre une petite exploitation et une exploitation d’envergure?
Selon une étude réalisée en France, c’est une source d’économies d’échelle, étant donné que les grands exploitants, contrairement aux petits éleveurs, peuvent négocier pour obtenir un meilleur prix pour les aliments du bétail. Nous ne pouvons vérifier ce qu’il en est au Canada, faute de données.
Dans le secteur de la transformation, il y a manifestement des lacunes sur le plan des données sur les coûts de production des usines, notamment. On observe la même chose dans le secteur du détail. Selon Statistique Canada, c’est lié à la grande concentration du secteur. Les informations sur l’industrie seraient donc de nature trop délicate et nous permettraient de déduire les montants payés ou reçus par les diverses entreprises. C’est une préoccupation. Je pense toutefois qu’il est possible de trouver des façons de régler les problèmes liés à la confidentialité et de renforcer le mandat de Statistique Canada.
Si je ne me trompe pas, la dernière étude sur la consommation des ménages au Canada remonte à 2001. Votre collègue, M. Ryan Caldwell, a fait une étude sur la demande de poulet et d’autres produits soumis à la gestion de l’offre. L’étude, publiée assez récemment, était fondée sur des données de 2001. Nous avons donc besoin de meilleures données sur la consommation des ménages. Nous devons augmenter le financement de Statistique Canada pour que l’organisme puisse recommencer à faire ce genre d’études.
Mon dernier point porte sur le pouvoir dans le secteur du détail. C’est plutôt anecdotique, encore une fois, mais il y a quelques années, Sobeys a envoyé une lettre à tous ses fournisseurs pour leur demander de réduire leurs prix de 3 p. 100 pour pouvoir continuer à faire affaire avec l’entreprise. Ce genre de directive démontre de façon éloquente qui détient le pouvoir dans le marché.
La présidente : Très bien. J’ai une question au sujet de notre étude sur le secteur alimentaire à valeur ajoutée; la question s’adresse à nos deux invités. Quelle est la plus importante mesure que nous pourrions recommander au gouvernement canadien pour accroître la valeur ajoutée dans le secteur agroalimentaire?
M. Brewin, notre premier expert, a indiqué qu’il fallait éviter de nuire aux gens du secteur. Monsieur Brewin, puis-je vous demander de répondre à la question en premier, puisque vous avez abordé le sujet? Quelle est la chose la plus importante que nous pourrions recommander au gouvernement du Canada pour accroître la valeur ajoutée au pays?
M. Brewin : Je pense que l’accès aux marchés et le commerce sont les aspects les plus importants pour le pays et pour renforcer notre secteur. Le maintien de bonnes relations commerciales est probablement le plus important, mais j’ajouterais un commentaire : il y a des projets de recherche et du financement, et cela donne des résultats. Toutefois, du moment qu’on se dit favorable à la recherche en agriculture, il est important de savoir où dépenser l’argent. Honnêtement, nous n’avons pas consacré assez de temps à cette question pour que je puisse vous donner une réponse précise.
Je suis convaincu que la sélection végétale donnerait un excellent rendement. Une augmentation de la production de plantes au Canada augmenterait l’approvisionnement pour toutes sortes de marchandises qui peuvent être transformées au Canada. Cela dit, je n’ai aucune idée du rendement potentiel de la recherche dans le secteur de la transformation des aliments, même si je sais que les investissements dans les sciences de l’alimentation ont contribué à l’essor du secteur du canola. Ce n’est tout simplement pas mon domaine d’expertise. L’investissement pourrait être très rentable.
La présidente : Très bien.
M. Larue : Je suis plutôt d’accord avec Derek : la recherche-développement est extrêmement importante. Les entreprises qui innovent tendent à être plus productives. Par conséquent, toutes les mesures incitatives à l’innovation que nous pouvons leur offrir devraient être utiles.
L’autre observation au sujet de la stabilité de l’environnement a aussi son importance. Il était important d’enfin conclure l’accord commercial avec les États-Unis, car cela donne aux entreprises une idée du climat d’investissement pour les quelque 20 prochaines années. Autrement, dans l’incertitude, certaines entreprises s’interrogeaient déjà sur la pertinence de déménager aux États-Unis. C’était donc très important.
L’autre aspect est la stabilité macroéconomique. Les taux d’intérêt ne doivent pas augmenter trop rapidement. Cela ne pose pas problème si l’augmentation vise à juguler l’inflation, pourvu que ce soit fait de façon prévisible afin d’aider les entreprises à planifier leurs investissements.
C’est le principal aspect. S’il y a de l’argent à faire, les entreprises tenteront de faire des investissements judicieux. J’ai parlé du secteur de chocolat. Il y a actuellement au Québec des entreprises qui tentent d’imiter Barry Callebaut et de se lancer dans le secteur du chocolat. L’argent attire de nouveaux joueurs. Certains connaîtront du succès et d’autres, non. Toutefois, il faut aussi garder à l’esprit que l’échec d’une entreprise n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Celles qui échouent n’échouent pas pour rien et, habituellement, leurs parts de marché sont récupérées par des entreprises plus productives. Pour les politiciens, ces bouleversements sont préoccupants, car cela signifie que des gens perdront leur emploi. Or, à long terme, cela demeure positif, car ce mécanisme permet de réguler la productivité.
Les récentes études sur le commerce international démontrent que la répartition des parts de marché, pas seulement entre les industries, mais au sein même d’une industrie, pourrait être l’une des principales sources de gains commerciaux. C’est essentiellement à cela que je voulais en venir lorsque j’ai indiqué que les PME n’avaient peut-être plus leur place. Il y a une multitude de petites entreprises en démarrage, mais il y a aussi de grandes sociétés dont les activités se font à une échelle complètement différente. Ce sont elles qui sont les plus actives dans le commerce international.
Il ne faut pas s’inquiéter des investissements étrangers directs, c’est-à-dire de l’acquisition d’entreprises canadiennes par d’autres sociétés, car la plupart du temps, les sociétés étrangères le font pour avoir accès à notre marché. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Nous devons être ouverts à cela, comme lorsque nos entreprises acquièrent des sociétés étrangères. Nous devons demeurer ouverts à ces possibilités, car c’est ainsi que fonctionne le monde.
La présidente : Je tiens à remercier nos deux témoins. Je sais que comparaître par vidéoconférence n’est pas facile, mais vous vous êtes très bien tirés d’affaire. Merci.
(La séance est levée.)