Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 59 - Témoignages du 27 novembre 2018
OTTAWA, le mardi 27 novembre 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 44, pour étudier la manière dont le secteur des aliments à valeur ajoutée peut être plus concurrentiel sur les marchés mondiaux.
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. Je suis également présidente du comité.
Aujourd’hui, notre comité poursuit son étude sur la manière dont le secteur des aliments à valeur ajoutée peut être plus concurrentiel sur les marchés mondiaux.
Avant d’entendre nos trois témoins, j’aimerais demander aux sénateurs de se présenter. Nous commencerons par le vice-président.
[Français]
Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
Le sénateur R. Black : Sénateur Robert Black, de l’Ontario.
[Traduction]
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Dans notre groupe de témoins, nous accueillons, en personne, M. Todd Hyra et M. Dave Carey, de l’Association canadienne du commerce des semences. À l’écran, nous avons Patrick Smith, président de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada.
Monsieur Smith, vous avez la parole.
Patrick Smith, président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada : Merci, madame la présidente. Je m’appelle Patrick Smith, et je suis président de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada. J’aimerais vous remercier d’avoir invité l’IPIC à présenter ses recommandations en matière de politiques sur la propriété intellectuelle en vue d’aider le secteur des aliments à valeur ajoutée à être plus concurrentiel sur les marchés mondiaux.
Comme vous le savez peut-être, l’IPIC est l’association professionnelle canadienne des agents de brevet, des agents de marques de commerce et des avocats dont la pratique est axée sur propriété intellectuelle, souvent appelée la PI. Les membres de l’IPIC sont heureux que votre comité reconnaisse que la propriété intellectuelle est un élément essentiel pour aider l’industrie canadienne des aliments à valeur ajoutée à être concurrentielle sur les marchés mondiaux.
Les représentants de l’IPIC rappellent souvent au gouvernement, dans le cadre de divers forums, qu’il faut reconnaître l’importance de la propriété intellectuelle à toutes les étapes du cycle de vie de la croissance d’une entreprise et son importance dans la croissance de l’économie canadienne. Un grand nombre de nos principaux partenaires commerciaux reconnaissent aussi l’importance de la PI pour le commerce, et cela se reflète dans la création de mesures incitatives qui récompensent la création, la protection et l’utilisation de la propriété intellectuelle.
Avant d’énumérer les recommandations de l’IPIC sur les initiatives stratégiques, il pourrait être utile de décrire la façon dont plusieurs droits en matière de PI sont utilisés à différents échelons de la chaîne de production d’aliments à valeur ajoutée. On pense souvent que les droits en matière de PI englobent les brevets, les marques de commerce et le droit d’auteur et qu’ils sont utilisés par diverses industries de l’alimentation pour protéger des innovations technologiques, ainsi que la marque et les dessins. Les brevets peuvent être utilisés pour protéger des plantes novatrices qui sont génétiquement modifiées ou traditionnellement hybrides et qui présentent des caractéristiques avantageuses. Les brevets peuvent également être utilisés pour protéger des compositions chimiques novatrices d’aliments ou pour protéger des méthodes améliorées ou l’équipement utilisé dans la transformation alimentaire. La protection des brevets aide à récupérer les investissements en recherche et en développement, ainsi qu’à générer des possibilités de revenus au Canada et à l’étranger. L’étiquetage et l’emballage sont des outils de commercialisation importants, et les marques de commerce et les droits d’auteur peuvent être utilisés pour protéger ces marques et ces dessins. Les membres de l’IPIC travaillent sur tous ces enjeux avec diverses entreprises.
Maintenant que le contexte est établi, je vais aborder les recommandations de l’IPIC, qui sont divisées en deux volets. Tout d’abord, il y a le programme de premier brevet et ensuite, il y a le programme de la case de la PI.
Ce ne sont pas de nouvelles propositions. L’an dernier, dans son rapport en préparation du budget de 2018, le Comité permanent des finances a recommandé que le gouvernement du Canada crée un investissement pour les entreprises, afin de protéger leur propriété intellectuelle en créant un programme de premier brevet. Le Comité permanent des finances a également recommandé au gouvernement de créer des mesures incitatives pour l’élaboration et la commercialisation de propriété intellectuelle par l’entremise d’un coupon de commercialisation pour les chercheurs qui reçoivent des subventions fédérales et une mesure incitative liée à la case fiscale et à l’innovation pour les revenus générés par les entreprises grâce à la commercialisation de leur propriété intellectuelle. Malheureusement, ces recommandations n’ont pas été adoptées dans le budget de 2018. Toutefois, les intervenants de l’IPIC croient toujours que ce besoin existe chez toutes les industries canadiennes et que le secteur des aliments à valeur ajoutée ne fait pas exception.
L’IPIC encourage les membres de votre comité à demander au gouvernement, dans le cadre de leur rapport sur cette étude, de créer des incitatifs financiers pour les entreprises canadiennes du secteur des aliments à valeur ajoutée, afin de créer et de protéger leur propriété intellectuelle. De nombreux pays commencent à profiter de leur mesure incitative liée à la case fiscale de la PI et les partenaires commerciaux principaux du Canada commencent à le remarquer.
Ce sont donc les deux recommandations formulées par l’IPIC. La première consiste à créer une case fiscale de la PI et la deuxième concerne la création d’un programme de premier brevet.
En ce qui concerne la case de la PI — ou la case d’innovation —, cette expression provient de la case qu’il faut cocher dans les formulaires d’impôt pour identifier des revenus découlant de l’utilisation de la propriété intellectuelle, ce qui réduit le taux d’imposition sur ces revenus. Cet incitatif permet de réduire le fardeau fiscal imposé aux revenus générés par la PI; si on l’appliquait au secteur des aliments à valeur ajoutée, cela permettrait à ces entreprises d’être plus concurrentielles sur les marchés mondiaux. Une mesure incitative liée à la case fiscale de la PI contribuera à stimuler l’innovation et la recherche et le développement dans le secteur des aliments à valeur ajoutée par l’entremise de la réduction de l’impôt des sociétés sur le revenu admissible.
Des programmes semblables sont déjà offerts à toutes les industries au Québec et en Saskatchewan, ainsi qu’à l’étranger, c’est-à-dire au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Des indications préliminaires laissent croire qu’un tel programme sera également offert aux États-Unis.
Nous suggérons également d’appliquer la mesure incitative non seulement aux revenus découlant des brevets, mais également à d’autres types de propriété intellectuelle, dont un grand nombre sont actuellement déployés par le secteur des aliments à valeur ajoutée. Cela comprend les marques de commerce, la présentation, les secrets industriels, le droit d’auteur et les dessins industriels.
Deuxièmement, l’IPIC continue également de recommander que le Canada offre une remise aux entreprises en démarrage et aux petites entreprises qui prennent l’initiative importante de tenter de protéger leur propriété intellectuelle. Cela peut être accompli par l’entremise d’un programme de premier brevet. Un tel programme existe au Québec depuis 2015. Le nombre de demandes présentées dans le cadre de ce programme est tellement élevé que ses fonds étaient épuisés avant la fin de l’année.
Un programme semblable à l’échelon fédéral aidera les entreprises en démarrage, les petites et moyennes entreprises et les inventeurs canadiens qui sont à l’étape importante où ils ont mis une invention au point et qu’ils sont prêts à tenter d’obtenir la protection d’un brevet, mais ils n’ont peut-être pas les ressources nécessaires pour le faire. Un programme de premier brevet offert à l’industrie des aliments à valeur ajoutée permettra de veiller à ce que les entreprises en démarrage et les petites et moyennes entreprises travaillent avec des professionnels de la propriété intellectuelle, afin de protéger leur propriété intellectuelle initiale et de les convaincre d’élaborer une stratégie en matière de PI dans leur plan d’affaires principal.
Le Canada a le potentiel d’être un chef de file en matière d’innovation dans les marchés en croissance d’aujourd’hui. Nous croyons que les agents de PI sont les mieux placés pour nous aider à concrétiser cette vision. Nous continuons de soutenir les objectifs du gouvernement visant à faire du Canada un chef de file en matière d’innovation dans l’économie mondiale concurrentielle d’aujourd’hui.
La présidente : Merci, monsieur Smith.
Todd Hyra, président, Association canadienne du commerce des semences : Au nom de nos membres, nous vous remercions de nous donner l’occasion de comparaître aujourd’hui. Je m’appelle Todd Hyra, et je suis président du conseil d’administration de l’Association canadienne du commerce des semences, ou ACCS.
Dans le cadre de mon emploi principal, lorsque j’ai le temps, je suis gestionnaire des affaires de la région de l’Ouest pour SeCan. SeCan est un consortium qui regroupe plus de 600 entreprises de semences canadiennes indépendantes dont les activités sont liées à la production, à la transformation et à la commercialisation de semences. À titre de partenaire du Canada dans le secteur des semences, SeCan tente activement d’établir des partenariats qui favorisent les réussites dans le secteur agricole du Canada. SeCan est le plus grand fournisseur de semences certifiées aux agriculteurs canadiens, car l’organisme offre plus de 480 variétés de 27 types de cultures mises au point par des phytogénéticiens du secteur public et du secteur privé. Ensemble, les membres de SeCan forment un groupe de soutien important pour la recherche et le développement de variétés de semences, en générant plus de 104 millions de dollars en redevances et recherche depuis la création de l’organisme, en 1976.
Aujourd’hui, je partagerai mon temps avec Dave Carey, directeur général de l’ACCS.
Fondée en 1923, l’Association canadienne du commerce de semences est une association professionnelle à but non lucratif qui regroupe plus de 130 entreprises membres oeuvrant dans tous les volets de la production de semences, de la recherche et développement à la production, en passant par la commercialisation, la transformation et les ventes à l’échelle nationale et internationale. Les membres de l’ACCS répondent aux besoins de leurs clients agriculteurs en mettant au point des semences et en utilisant toutes les méthodes de production existantes, qui vont des microentreprises familiales aux grandes entreprises multinationales. Nos membres travaillent avec plus de 50 types de cultures différents, des grandes cultures comme le canola, le maïs, le soja et le blé aux fourrages et aux graminées, en passant par les semences horticoles et les légumes. Nos membres produisent des semences de qualité qui sont plantées par les agriculteurs d’un bout à l’autre du pays.
Nos membres sont unis dans le soutien qu’ils apportent à l’énoncé de mission de l’ACCS : favoriser l’innovation et le commerce au sein de l’industrie des semences. Les agriculteurs canadiens font preuve d’innovation et sont parmi les premiers à adopter les nouvelles et les meilleures technologies. Depuis 2017, dans le cadre du budget fédéral, on accorde une plus grande place à l’industrie agricole à titre de moteur principal de l’économie canadienne du XXIe siècle. Le Canada a la chance de produire beaucoup plus de nourriture que ses habitants peuvent en consommer. C’est pourquoi nous sommes en mesure d’exporter nos produits sur les marchés mondiaux.
Des objectifs ambitieux, mais réalisables, ont été fixés, mais, pour atteindre l’objectif de 75 milliards de dollars en exportations agricoles d’ici 2025, nous devons faire preuve d’innovation. Nous devons produire une plus grande quantité sur la même surface, renforcer les marchés et ouvrir de nouveaux marchés. Nous devons également investir davantage dans la diversité de tous les types de cultures. Nous atteindrons nos objectifs en matière d’exportation en maximisant la production sur chaque acre, et non en cultivant plus de terres.
C’est la raison pour laquelle les semences sont si importantes. En effet, les semences représentent le premier maillon de la chaîne de valeur agroalimentaire. L’innovation se manifeste dans les semences. C’est la technologie qui alimente notre industrie agricole de 108 milliards de dollars par année.
Toutefois, l’innovation exige des investissements. Pour obtenir des investissements dans la recherche et le développement au Canada, nous devons être considérés comme étant un endroit attirant pour les affaires. Il nous faut une approche pangouvernementale pour procéder à l’analyse, à la révision et à la modernisation de nos règlements nationaux. En effet, des règlements mal adaptés peuvent limiter ou décourager l’investissement dans l’innovation.
À elle seule, l’industrie des semences fournit 6 milliards de dollars à l’économie, emploie plus de 60 000 Canadiens et a représenté des exportations de plus de 600 millions de dollars en 2016-2017.
Nous félicitons le comité d’entreprendre cette étude importante. Il est essentiel de reconnaître et de comprendre le rôle que l’innovation et les progrès agricoles jouent pour nourrir les Canadiens et stimuler l’économie grâce aux exportations.
J’aimerais donner le temps de parole qu’il me reste à Dave Carey.
Dave Carey, directeur général, Association canadienne du commerce des semences : Merci, Todd et merci, honorables sénateurs. Nous sommes heureux d’être ici pour faire valoir notre point de vue.
Comme Todd l’a dit, les semences représentent le premier chaînon de la chaîne de valeur. Lorsqu’on cherche à produire une valeur ajoutée, cela repose en grande partie sur l’amélioration des caractéristiques génétiques qui produisent une meilleure récolte, de meilleurs profils protéiques, et cetera. Les semences représentent véritablement le début de la chaîne de valeur agricole, et nous sommes donc heureux d’être ici pour vous donner notre point de vue sur ce sujet.
Ces dernières années, le Canada a fait des progrès importants en favorisant la mise en place d’un environnement qui encouragera l’investissement dans d’autres types de cultures, notamment en offrant de meilleures protections de la propriété intellectuelle des sélectionneurs de végétaux à la suite de l’adoption de la Loi sur la protection des obtentions végétales.
Toutefois, nos membres et leurs clients agriculteurs doivent avoir accès à tous les outils qui se trouvent dans la boîte à outils d’innovation. Plus précisément, les sélectionneurs de végétaux doivent avoir accès aux principaux produits phytosanitaires et avoir la capacité d’utiliser les méthodes les plus récentes de sélection des végétaux, par exemple CRISPR-Cas9 et d’autres systèmes de manipulation génétique.
En octobre dernier, les représentants de notre organisme partenaire, CropLife Canada, ont comparu devant votre comité pour vous parler des éléments nécessaires pour attirer le type d’investissements dont on a besoin pour l’innovation véritable. Nous nous faisons l’écho des commentaires formulés par les représentants de CropLife. En effet, il nous faut un système de réglementation clairement axé sur le marché qui permet aux petites et moyennes entreprises d’innover et d’être concurrentielles. Le système de réglementation actuel visant l’innovation en matière de sélection des végétaux manque de précision et de normes de service et il est beaucoup trop coûteux pour les petites et moyennes entreprises.
Il n’y a pas de solution universelle pour accroître les exportations agroalimentaires et le secteur à valeur ajoutée du Canada, mais certains éléments sont essentiels pour libérer le potentiel agricole du Canada. Récemment, Agriculture et Agroalimentaire Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments ont lancé des consultations pour mettre à jour le Règlement sur la protection des obtentions végétales, afin de mettre en place un système de création de valeur dans la sélection des céréales et d’encourager les investissements du secteur privé dans la sélection des végétaux. Des consultations seront menées ici, à Ottawa, vendredi prochain. Comme les représentants de l’Université du Manitoba l’ont dit aux membres de votre comité, la sélection des végétaux est effectuée par le secteur public et le secteur privé. Traditionnellement, seulement trois types de cultures ont dominé les investissements, à savoir le maïs, le canola et le soja.
L’ACCS et ses organismes partenaires félicitent le gouvernement du Canada d’avoir entrepris ces consultations essentielles sur la propriété intellectuelle, car elles profiteront autant aux phytogénéticiens du secteur public qu’à ceux du secteur privé, que ce soit à Agriculture et Agroalimentaire Canada ou à l’Université de la Saskatchewan. Le gouvernement mène des consultations sur deux possibilités de modèles pour favoriser la motivation. L’ACCS a adopté le modèle de redevances sous forme de contrat que nous appelons l’entente sur l’utilisation des variétés de semences. Cette entente répond à un grand besoin d’investissements accrus dans la sélection des végétaux, afin d’appuyer les producteurs canadiens de céréales, de légumineuses et de produits spécialisés. En effet, la recherche en développement de variétés pour ces cultures manque cruellement de ressources lorsqu’on tient compte de la vision à long terme, qui est d’accroître la compétitivité, et du rythme rapide auquel avancent la technologie et l’innovation. Par exemple, dans le secteur des céréales, nous ne profitons pas du potentiel de générer 170 millions de dollars par année en avantages annuels pour les producteurs et 340 millions de dollars pour l’économie, selon des recherches menées par une tierce partie, que permettrait de réaliser la mise en œuvre d’un modèle de création de valeur telle l’entente sur l’utilisation des variétés de semences.
Nous encourageons le gouvernement du Canada à continuer de tenter de signer de nouveaux accords commerciaux. En effet, les accords commerciaux contribuent à réduire les tarifs. Toutefois, il est encore plus important de souligner que dans l’industrie des semences, ces accords aident à réduire les obstacles commerciaux non tarifaires. Le commerce des semences s’accompagne généralement de tarifs peu élevés ou non consolidés ou appliqués. Même si c’est un avantage pour nos membres, nous avons des problèmes avec les obstacles commerciaux non tarifaires comme les mesures phytosanitaires et les approbations asynchrones pour les produits biotechnologiques. Le Canada a l’avantage d’être un exportateur net. Afin d’accroître notre présence à l’échelle mondiale, il nous faut des accords commerciaux modernes et complets. Nous devons également envisager énergiquement de conclure de nouveaux accords, et la Chine est le marché d’exportation agricole le plus important pour la plupart de nos membres.
Étant donné la réputation du Canada en matière d’innovation agroalimentaire et nos réussites liées aux exportations de produits biotechnologiques, nous devrions être un chef de file et encourager l’adoption des outils les plus récents qui favoriseront l’innovation dans le secteur des semences et des céréales — des outils comme les manipulations génétiques, qui permettent d’envoyer de nouvelles variétés plus rapidement sur les marchés à des coûts moins élevés. Ces variétés peuvent produire des cultures à rendement plus élevé, elles peuvent être plus saines pour les consommateurs et l’environnement et améliorer la sécurité alimentaire tout en continuant de respecter les normes élevées du Canada en matière de sécurité. Les Canadiens devraient être prêts à profiter des avantages économiques et sociaux découlant des innovations en matière de sélection des végétaux.
Toutefois, les membres de la Table ronde sur les semences et les céréales d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, y compris l’ACCS, sont préoccupés par la question de savoir si le Canada est prêt à adopter les innovations de pointe. Nous croyons que le Canada risque de perdre sa part mondiale d’investissements et de nouvelles technologies. Nous avons été très heureux de constater que l’honorable Lawrence MacAulay, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, est d’accord avec les conclusions des deux tables rondes. Il a maintenant chargé un groupe de travail technique composé de membres de l’industrie et du gouvernement — auquel nous participons — de discuter de la façon dont les règlements en matière de biotechnologie, c’est-à-dire ceux qui visent les plantes qui présentent de nouvelles caractéristiques, sont appliqués au Canada.
Encore une fois, nous félicitons les membres du comité d’avoir entrepris cette importante étude. Il est essentiel de reconnaître et de comprendre le rôle que l’innovation et les progrès agricoles jouent pour nourrir les Canadiens et stimuler l’économie. Todd et moi serons heureux de vous fournir plusieurs exemples sur la façon de rendre le Canada plus attirant pour les investissements, ce qui permettra d’accroître les exportations et la production d’aliments à valeur ajoutée. Merci.
La présidente : J’aimerais remercier les trois témoins. Plusieurs sénateurs souhaitent vous poser des questions.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’ai deux questions, dont une s’adresse à M. Smith, et l’autre à M. Hyra.
Notre mandat consiste à trouver des valeurs ajoutées dans les produits agroalimentaires pour l’exportation. Le Canada a signé un grand nombre d’ententes de libre-échange avec de nombreux pays. On fait de plus en plus affaire avec la Chine.
Le comité s’est rendu en Chine, où il a rencontré des exportateurs. Or, un problème se pose dans les dossiers dont vous êtes chargés concernant la propriété intellectuelle. La Chine affirme qu’elle a des lois qui protègent la propriété intellectuelle des autres pays. En réalité, il semblerait que ce ne soit pas tout à fait le cas. La Chine a tendance à s’approprier assez facilement la propriété intellectuelle d’autres entreprises, notamment des entreprises canadiennes. Comme l’exportation agricole est appelée à prendre de l’ampleur, comment peut-on mieux protéger nos transformateurs, nos agriculteurs et nos associations d’exportateurs de blé en ce qui a trait à la valeur ajoutée?
[Traduction]
M. Smith : C’est une question assez complexe, et j’aimerais donc la diviser en plusieurs parties. Présumons qu’on exporte un certain type de produit, c’est-à-dire un produit agricole ou un produit alimentaire transformé, en Chine. Le Canada doit se demander ce qui se produira en Chine et si certains de ces droits en matière de propriété intellectuelle canadienne seront enfreints en Chine. C’est l’un des éléments de ce problème.
Au bout du compte, si une activité commerciale se déroule en Chine, elle sera régie par les lois chinoises sur la propriété intellectuelle. C’est le premier point. En effet, en général, on considère que les brevets ou la propriété intellectuelle sont de nature nationale. Dans la mesure où ces activités se déroulent au Canada, elles seront régies par les lois canadiennes sur la propriété intellectuelle. Cependant, lorsque ces activités se déroulent en Chine, elles seront régies par les lois chinoises.
Sur les entreprises ou les entités chinoises qui usurpent la propriété intellectuelle de sociétés canadiennes, on peut notamment répondre que, d’abord, des traités et des accords internationaux — signés par le Canada et la Chine — obligent leurs signataires à imposer des droits pour l’obtention de droits de propriété intellectuelle dans ces pays. Les brevets, par exemple — qui semblent l’objet de votre question — ne sont délivrés par un pays que si l’invention est nouvelle et utile et que son objet n’est pas évident. La publication, au Canada, d’un droit de propriété intellectuelle, notamment après une demande de brevet par une compagnie, exclut la nécessité de le protéger en Chine. En effet, ce brevet y empêche essentiellement l’appropriation de ce droit par une autre compagnie.
On entend souvent que les lois chinoises sur la propriété intellectuelle sont en retard. C’était absolument vrai au milieu des années 1990, au début de ma carrière. Les compagnies étrangères qui cherchaient des recours judiciaires pour protéger leur propriété intellectuelle en Chine avaient de la difficulté à en obtenir ou même à être entendues par les tribunaux. Ce n’est plus vrai. C’est dans ce pays que les procédures sur la propriété intellectuelle sont les plus nombreuses. Elles le sont plus que les demandes ou les affaires de brevet aux États-Unis. Le gouvernement chinois reconnaît l’importance de la propriété intellectuelle pour l’économie nationale. Il a pris, en général, les mesures requises.
J’espère que cela vous est utile.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, monsieur Smith. C’est une excellente explication.
Monsieur Hyra, depuis plusieurs années, le comité se déplace dans l’Ouest canadien. Aujourd’hui, nous constatons que vous avez fait des progrès tout à fait exceptionnels, en particulier en ce qui a trait à la qualité de vos grains. Ils sont de qualité propre à l’exportation et ils sont sécuritaires. Vous avez mentionné dans votre mémoire que votre association compte environ 600 producteurs. Parmi ces producteurs, y en a-t-il qui travaillent toujours avec Monsanto, même si l’entreprise a changé de nom?
[Traduction]
M. Hyra : La majorité des 600 membres de mon association sont des entreprises familiales. Il y en a de grandes et de petites. Le propriétaire actuel de Monsanto est Bayer Crop Science. Il nous fournit en matériels génétiques, mais nous ne le considérons pas comme l’un de nos membres pour le moment. Nous obtenons des matériels génétiques d’établissements, grands et petits, publics et privés, de sélection végétale. Bayer Crop Science est l’un de nos fournisseurs, tout comme Agriculture Canada l’Université de Guelph et l’Université de la Saskatchewan. Nos membres sont des agriculteurs producteurs de semences et des détaillants.
[Français]
Le sénateur Maltais : Parmi vos membres, y en a-t-il qui cultivent des OGM? Je parle des graminées, que ce soit le blé, l’orge ou le soja, qui contiennent des OGM.
[Traduction]
M. Hyra : Parmi les membres de SeCan, nos membres produisent toutes sortes de cultures : le blé, l’orge, l’avoine et le lin, non génétiquement modifiées; un peu de canola, qui est génétiquement modifié; le soja, qui, dans l’Ouest, est en majorité génétiquement modifié.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, monsieur Hyra.
[Traduction]
La sénatrice Gagné : Monsieur Smith, dans votre exposé, vous proposez que l’incitation fiscale pour la propriété intellectuelle ne s’applique pas seulement aux revenus obtenus grâce à des brevets, mais, également, à toutes les autres formes de propriété intellectuelle, par exemple, les marques déposées et les droits d’auteur. Comment cette carotte fiscale sur les revenus obtenus de marques déposées et de droits d’auteur peut-elle favoriser l’innovation, la recherche et le développement? Je comprends dans le cas du brevet, mais je ne vois pas, en ce qui concerne les marques déposées et les droits d’auteur, comme Tony le tigre.
M. Smith : C’est une excellente question. Voici comment je considère les droits de propriété intellectuelle et comment ils diffèrent des autres droits de propriété. Ma réponse et mon point de vue vous expliqueront pourquoi il est si important que les entreprises canadiennes et le gouvernement en général favorisent les droits de propriété intellectuelle.
Voici la distinction : vous possédez un bien, disons une auto, que vous utilisez mais que moi, je ne peux pas utiliser. Vous possédez, par la nature du bien, un droit exclusif. Une seule personne à la fois peut se servir de ce bien. Pour la propriété intellectuelle, c’est le contraire : le propriétaire peut accorder par licence le droit à des tiers de l’utiliser, ce qui en fait un droit intrinsèquement démultiplié. La création de ce droit permet d’abord de le démultiplier, puis d’autoriser des tiers, au Canada et ailleurs, à s’en servir en même temps que vous. Si on peut inciter les Canadiens à créer de tels actifs et à les démultiplier, c’est à l’avantage du Canada. C’est extrêmement important.
Maintenant, pourquoi rangerait-on les marques déposées dans la même catégorie que les brevets? C’est que, par leur nature, ce sont les mêmes droits. Si, au Canada, une compagnie peut créer une marque qui serait utile non seulement ici, mais ailleurs dans le monde, ça lui donne les même possibilités de démultiplication que les brevets. Ces droits sont exclusifs. La demande explose si on peut associer une marque à quelque chose, une marque dotée d’un fort pouvoir d’attraction. Voilà pourquoi nous essayons d’encourager la création de ces droits qui peuvent se démultiplier. C’est la valeur ajoutée que chaque pays cherche à encourager.
La sénatrice Gagné : Pourriez-vous me donner un exemple de bonne marque déposée qui pourrait avoir profité de cette démultiplication?
M. Smith : Oui. Parmi les marques déposées canadiennes, il y a le canola. C’est peut-être davantage une catégorie, mais on tire de cette semence l’huile de colza, qui a été bonifiée par des méthodes traditionnelles de sélection végétale pour la rendre propre à l’alimentation du bétail. Ses inventeurs étaient un chercheur d’Agriculture Canada et un professeur de l’Université du Manitoba. Le canola possède maintenant une valeur mondiale, par la signification qu’il a acquise dans divers pays, y compris le Canada.
La sénatrice Gagné : Dans votre mémoire, on peut lire que les États-Unis ne font pas partie des pays qui, actuellement, favorisent la propriété intellectuelle, faute de programme Premier brevet ou d’incitation fiscale pour la propriété intellectuelle. Vous concluez que les experts risquent de rétorquer que l’importance de la propriété intellectuelle pour la croissance des entreprises est déjà reconnue dans la culture d’entreprise aux États-Unis. Comment est-ce que c’est arrivé, et pourriez-vous discuter de méthodes non fiscales qui favoriseraient ici cette culture?
M. Smith : C’est une question très intéressante. Par quoi commencer?
Comment la culture de l’innovation aux États-Unis a-t-elle commencé? Dès le début de son histoire. C’est pendant les travaux d’organisation des États-Unis, par le Congrès continental, dans les années 1780. On attribue la première loi sur les brevets, qui date de 1793, à Thomas Jefferson. Ça montre l’importance capitale des droits de brevet pour les Américains, dès leur séparation de l’Angleterre. Les origines d’un homme d’affaires et inventeur comme Thomas Edison et du groupe de chercheurs qu’il a créé pour commercialiser des inventions permettent peut-être de mesurer le sens de l’innovation des Américains et l’importance de ces idées dans la population.
Au Canada, qu’est-ce qui est différent? Le Canada s’est donné des lois sur les brevets avant d’être le Canada. Le Haut-Canada et le Bas-Canada en avaient aussi, tout comme la province du Canada avant d’être le dominion du Canada en 1867. Le Canada a pensé que les droits de brevet étaient très importants. Qu’est-ce qui est différent? Je suppose que c’est une question d’échelle. Le marché le plus important, pour les chercheurs canadiens, n’est pas le Canada, en général, mais les États-Unis. Le Canada, parfois, pour diverses raisons, peut voir partir ses chercheurs, et, la plupart du temps, c’est vers les États-Unis.
Que peut faire le Canada pour encourager la recherche-développement et la conserver sur place par des moyens non fiscaux? Il a trouvé le moyen évident que voici : la maintenir dans les universités et renforcer les liens entre les universités et l’industrie pour faire profiter les industries de cette recherche. Les politiques de propriété intellectuelle des universités sont en grande partie déterminées dans chaque établissement, d’après le propriétaire de la propriété intellectuelle et d’après les moyens à mettre en œuvre pour commercialiser les développements de la propriété intellectuelle.
Comment le Canada peut-il mieux encourager la recherche-développement par des moyens non fiscaux? Il est très difficile d’y répondre. Si c’était possible, ça se serait déjà produit. Sans intervention particulière pour obtenir quelque chose de différent, je pense qu’il est légitime de croire qu’on aurait obtenu les mêmes résultats que par le passé. Vous devez donc comprendre que pour un résultat différent, mieux vaut s’y prendre autrement.
La sénatrice Gagné : Merci de votre réponse, et merci de votre exposé.
Le sénateur R. Black : Nous avons entendu parler du rapport Barton et de l’objectif de 75 milliards de dollars, et, ce matin, j’ai entendu quelqu’un dire que ce n’était pas assez, que, actuellement, il était d’environ 64 milliards de dollars et que 75 milliards de dollars, ce n’était pas assez ambitieux. Il proposait 85 milliards de dollars. Qu’en pensez-vous, vu que vous avez affirmé que nous avions besoin de renforcer nos marchés et d’en ouvrir de nouveaux, d’accroître l’investissement et de maximiser le rendement sur chaque unité de superficie?
M. Hyra : J’ai aussi entendu parler de cet objectif de 85 milliards de dollars. Je pense que c’est audacieux. Je pense que si nous décidons d’agir, il faut y aller à fond. Je serais donc aussi d’accord avec cet objectif.
M. Carey : L’objectif de 85 milliards de dollars découle de la volonté d’appliquer les conclusions du rapport Barton. Ce rapport a dormi sur les tablettes pendant les tables rondes sectorielles de stratégies économiques. Murad Al-Katib, le président de l’une d’elles, sur l’agroalimentaire, estimait que, si 75 milliards de dollars, c’était bien, 85 ou 90 milliards de dollars seraient encore mieux. Nous sommes entièrement d’accord et nous le croyons possible, mais moyennant, comme l’a dit notre collègue dans la vidéo, un climat de propriété intellectuelle favorable à l’innovation et qui permet de promulguer des règlements sur les retours sur investissement qui rendront le Canada attrayant.
Notre industrie a aussi constaté qu’environ 30 p. 100 des obtenteurs ont délocalisé leur recherche aux États-Unis et ailleurs, parce que le climat des investissements y était plus attrayant. Nous le voyons aussi dans notre industrie.
Le sénateur R. Black : Vous êtes persuadé que nous pouvons réussir?
M. Carey : Oui.
Le sénateur C. Deacon : Monsieur Smith, je crois avoir vu votre jumeau, la semaine dernière, au Comité des banques. Il a fait de l’excellent travail, tout comme vous aujourd’hui. Pour être clair, c’était exactement la même chose. Je pense qu’il s’attribue toutes les bonnes idées que vous avez proposées.
J’ai dû m’absenter brièvement pendant votre exposé, mais vous m’avez notamment rappelé, pendant l’historique sur le bureau des brevets des États-Unis, la citation, en 1899, de son commissaire, selon qui il ne restait plus rien à inventer. Notre domaine, lui, est un chantier perpétuel. N’est-ce pas incroyable?
Votre proposition d’incitation fiscale pour la propriété intellectuelle et votre programme Premier brevet me font me demander quel est l’un des domaines où le Canada éprouve des difficultés notables. Ce n’est pas nécessairement la création de la propriété intellectuelle et sa protection, mais son exploitation. Nos universités phénoménales font de la recherche à l’avant-garde mondiale et nos entreprises géniales ont créé une propriété intellectuelle hors de l’ordinaire, qui a été vendue à Nortel. Toute la propriété intellectuelle de Nortel a été vendue à BlackBerry et à d’autres, et elle n’est pas encore complètement débloquée. Nous n’excellons pas tellement dans l’exploitation de la propriété intellectuelle.
Expliquez-moi comment vous croyez que vos propositions changeront vraiment cet élément du processus, de la création de la propriété intellectuelle à sa protection, puis à son exploitation et à la valorisation de cette propriété intellectuelle, parce que c’est le seul point où la valeur est créée. Elle est consommée pendant la découverte et la protection. Elle ne se crée que lorsqu’on trouve une façon d’appliquer cette propriété intellectuelle. Comment les deux programmes que vous proposez aideront-ils précisément à surmonter la plus grande difficulté qu’a dû vraiment combattre le Canada?
M. Smith : C’est une excellente question. Je ne crois pas que ces propositions visent précisément ces résultats. Elles ont deux objectifs. Les deux programmes ou les incitations que nous offrons sont complémentaires et nécessaires, mais elles s’adressent à différentes activités.
Le premier est le programme Premier brevet. C’est pour les PME. Dans votre déclaration sur les entreprises qui excellent dans la reconnaissance et la protection de la propriété intellectuelle, je ne crois pas que c’est l’expérience que nos membres ont eue avec les petites entreprises. Nous savons que, dans la recherche, les petites entreprises qui protègent leur propriété intellectuelle ont tendance à mieux réussir que les autres.
Le sénateur C. Deacon : Absolument.
M. Smith : Nous essayons notamment d’encourager ces compagnies à essentiellement consulter des professionnels de la propriété intellectuelle pour établir un programme qui reconnaîtra la propriété intellectuelle et la façon de la protéger et de l’exploiter. C’est le premier objectif, qui vise les PME.
La deuxième incitation envisagée ne vise pas vraiment à aider les entreprises à exploiter la propriété intellectuelle, bien que, accessoirement, ça puisse en être un résultat. Le deuxième programme d’incitation fiscale pour la propriété intellectuelle, vise à encourager les entreprises canadiennes, les entreprises essentiellement à localiser leur R-D au Canada. Il sera bénéfique pour les Canadiens. D’abord, les revenus de l’éventuelle exploitation de la propriété intellectuelle au Canada y resteront en grande partie. C’est un scénario qui fixe un prix au transfert de technologie. J’ignore si les membres du comité ont besoin de plus d’explications.
Le sénateur C. Deacon : J’ai compris.
M. Smith : Aider les entreprises à exploiter leur propriété intellectuelle, c’est une tout autre histoire, sur laquelle nos incitations ne se sont pas précisément orientées.
Le sénateur C. Deacon : J’ai seulement un préjugé qui me fait croire que l’exploitation est l’étape qui nous a vraiment limités, plus que la découverte. C’est seulement personnel. J’aime vraiment votre explication.
Quelles interactions prévoyez-vous entre les programmes que vous proposez et, par exemple, le programme de crédit d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental? On protégerait ainsi la propriété intellectuelle sur laquelle on se serait renseigné et qu’on aurait reconnue grâce à ce programme. Ce serait une excellente façon d’en authentifier la valeur. Le gouvernement verrait que c’est de la propriété intellectuelle précieuse ou dont le développement aurait été bien documenté. Il doit y avoir une façon de relier les deux.
M. Smith : Peut-être. Je ne suis peut-être pas la meilleure personne à qui on peut poser cette question. Il ne faut pas oublier non plus que la qualité de la propriété intellectuelle se mesure souvent après coup.
Le sénateur C. Deacon : Je dis seulement « justifiable ».
J’ai vraiment apprécié votre image de la semence qui agit comme une micropuce énergisant le secteur agricole. C’était génial.
Si j’ai bien compris, l’amélioration génétique de beaucoup de nos cultures des Prairies, ces 20 dernières années, permet de ramener les effets absolument catastrophiques d’une année de sécheresse au rang, théoriquement, de désavantage pour nos agriculteurs. Quel retour incroyable sur l’investissement, quand on s’arrête aux résultats. Pouvez-vous en donner des exemples, des descriptions très particulières? Je pense au travail que vous auriez pu réaliser avec Génome Canada, où il existe un véritable lien de collaboration entre les chercheurs et leurs partenaires pour mobiliser la propriété intellectuelle. Donnez seulement quelques exemples de propriété intellectuelle qui a été développée et mobilisée, et de ce à quoi ressemble un cycle d’investissement, un ou deux exemples pris dans votre secteur.
M. Hyra : Je vais commencer et essayer de bien répondre. Vous avez donné en exemple les années 2017 et 2018, qui ont été extrêmement sèches dans l’Ouest canadien. Dans notre ferme familiale, nous avons cultivé une nouvelle variété élaborée par des chercheurs d’Agriculture Canada — nous finançons des programmes de ce ministère et mon entreprise fait la promotion de cette variété — et je peux vous dire que, en 2017, les rendements ont été exceptionnels, malgré très peu de pluie, et, en 2018, les rendements ont été encore meilleurs même s’il y a eu encore moins de pluie.
Tout cela découle d’un programme de phytogénétique. Le processus initial en ce qui concerne cette variété a commencé il y a 15 ans. Le chercheur voulait essayer de créer une variété qui aurait les caractéristiques souhaitées par les agriculteurs, c’est-à-dire de la paille courte et solide, une résistance aux maladies et un grain de bonne qualité. Ils voulaient aussi une racine qui soit en mesure de résister à une sécheresse. C’est parce que le phytogénéticien a eu la prévoyance d’inclure toutes ces caractéristiques, ce qui allait à l’encontre de la tendance à l’époque, que cette excellente variété a pu être commercialisée en 2012, si je ne m’abuse. Le nom de cette variété est ADC, et elle a été élaborée par un chercheur d’Agriculture Canada.
Même si cette variété est excellente encore aujourd’hui, l’environnement est en constante évolution. Les maladies contre lesquelles nous devons lutter sont aussi en constante évolution, et les chercheurs doivent garder une longueur d’avance, maintenir la qualité et tenir compte de cet environnement qui évolue continuellement. Même s’il y a de bons produits sur le marché, le défi est d’essayer de conserver une longueur d’avance en ce qui concerne les parasites et les pathogènes.
M. Carey : En ce qui a trait au rendement sur l’investissement, une étude menée récemment par le Crop Development Centre de l’Université de la Saskatchewan indique qu’on estime que pour chaque dollar investi dans un programme de phytogénétique, on obtient un rendement de 7 $. Il n’existe pas beaucoup de meilleures façons de faire tourner l’économie que d’investir dans la phytogénétique, que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé.
Le sénateur C. Deacon : Est-ce que vous pourriez transmettre cette étude au greffier?
M. Carey : Tout à fait, je serai heureux de le faire.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma première question s’adresse à M. Smith. On sait que la recherche progresse toujours et que les découvertes sont très nombreuses. En moyenne, quelle est la durée de vie d’une découverte brevetée pour ce qui est des semences?
[Traduction]
M. Smith : Monsieur le sénateur, elle serait calculée à partir du moment où on présente une demande de brevet. La période est de 20 ans à partir de cette date. Essentiellement, une fois que vous avez votre invention, vous allez préparer et présenter une demande de brevet, peut-être à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, et la période commencerait à s’écouler à partir de ce moment-là.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Dans votre présentation, vous avez parlé d’exemples d’innovation. On peut perdre des innovations au profit d’autres pays. Pouvez-vous nous donner des exemples d’innovations qu’on aurait perdues, notamment au profit des États-Unis?
[Traduction]
M. Smith : Oui, il y en a de toutes les sortes. J’ai fait des études en génie à l’Université de Waterloo avant de devenir avocat, et je me souviens qu’un grand nombre de mes collègues sont allés travailler chez Nortel et je sais que cette entreprise n’a pas perdu de brevet au profit des États-Unis. Nortel a cessé ses activités, mais tous ces chercheurs se sont trouvé du travail dans d’autres pays. Si on remonte dans l’histoire du Canada, on peut remonter aux années 1960 et à A.c. Roe. Certains des chercheurs compétents qui travaillaient pour cette entreprise sont allés travailler à la NASA aux États-Unis. En ce qui concerne les chercheurs universitaires au Canada, je sais que, parfois, nous attirons des chercheurs, mais souvent, ils vont aller travailler ailleurs.
Je crois que tout le monde véhicule le même message : il faut créer un environnement au Canada qui est accueillant pour les chercheurs, car ce sont les gens les plus éduqués au pays. Nous voulons qu’ils aient ici un environnement où il est logique pour eux d’effectuer leurs recherches. Il ne s’agit pas seulement d’avoir de bonnes lois en matière de propriété intellectuelle. Il faut aussi de bonnes lois qui réglementent les entreprises et qui offrent de la souplesse aux chercheurs. Il faut également avoir un climat fiscal propice. Il faut que tout cela soit en place, car ces chercheurs hautement qualifiés ont l’embarras du choix quant aux pays où ils peuvent vivre et mener leurs recherches. S’ils sont excellents, ils auront le choix. Nous devons veiller à ce que le climat soit le plus propice possible aux affaires et à la recherche. Je crois que tous les témoins ici parlent d’une même voix à cet égard.
[Français]
Le sénateur Dagenais : En ce qui concerne la question du financement, on sait que, souvent, les entreprises ou les industries majeures veulent s’approprier des découvertes pour les exploiter, et elles ont évidemment le financement nécessaire pour le faire. Y a-t-il d’autres industries, moins importantes, qui s’intéressent à l’innovation?
Si vous aviez de l’argent à investir dans l’innovation, est-ce que le Canada serait un pays intéressant à cet égard?
[Traduction]
M. Smith : C’est probablement comme les investissements dans d’autres domaines. En général, ce n’est probablement pas à grande échelle, mais probablement à petite échelle. Si quelqu’un investit dans une technologie qui a été mise au point, il investira dans cette technologie en particulier.
Ce que je peux vous dire, c’est que l’industrie des semences est un exemple d’un secteur où le Canada est un chef de file sur le plan de la recherche. L’exemple que j’ai donné à propos du canola en est un qui est lié à l’innovation et au développement et qui a changé l’économie de l’Ouest canadien. Je suis certain que ces messieurs peuvent vous fournir de meilleures statistiques, mais je crois qu’on a cultivé 9 millions d’acres après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’il n’y avait plus de demande pour l’huile de colza, qui servait de lubrifiant industriel. Ce sont des chercheurs canadiens qui ont essentiellement changé l’économie dans l’Ouest canadien avec cette innovation.
Ce genre d’activités de recherche a encore lieu au Canada, mais certaines entreprises de semences ont leurs installations de recherche en Argentine ou aux États-Unis, par exemple. Il faut se poser la question suivante : étant donné cette situation, pouvons-nous faire en sorte que le Canada soit un endroit propice pour mener ces importantes activités de recherche?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Hyra, est-ce que les fermes familiales peuvent être innovatrices? Dans l’affirmative, peuvent-elles tirer profit de leurs innovations?
[Traduction]
M. Hyra : Oui, de bien des façons. Je peux vous donner l’exemple d’un collègue qui a entrepris son propre programme de phytogénétique, il y a environ 10 ans. Avec l’aide de son épouse et de ses enfants, après avoir quitté une entreprise, il a décidé de démarrer une entreprise de phytogénétique. Son entreprise est unique en son genre dans l’Ouest canadien. Il travaille dans ses propres installations de recherche aux abords de la ville de Saskatoon. Après 10 ans, il va commercialiser ses deux premières variétés en 2019 par l’entremise de mon entreprise. Je suis très fier de cette relation d’affaires que nous avons, car il s’est débrouillé seul et il a investi énormément de ressources. Ce sont les lois canadiennes sur les droits des phytogénéticiens qui permettront cela, et nous espérons qu’un système de création de valeur engendrera des revenus qui inciteront d’autres personnes à devenir des innovateurs comme lui.
[Français]
Le sénateur Dagenais : On parle d’administration et d’argent. Comme vous l’avez mentionné, il peut y avoir des problèmes administratifs. Pouvez-vous donner quelques exemples de ces problèmes administratifs, que ce soit avec le gouvernement ou Santé Canada, par exemple, qui pourraient ralentir le développement de nouvelles semences?
[Traduction]
M. Hyra : Le processus qui vise à obtenir l’approbation réglementaire au Canada pour un nouveau produit n’est pas simple. Il y a de nombreuses façons d’entrer sur le marché, alors ce n’est pas tout à fait simple.
C’est l’un des éléments sur lesquels nous travaillons en tant qu’industrie. Nous faisons des recommandations visant à simplifier le processus pour les phytogénéticiens comme mon collègue, Jim, qui a travaillé sur l’avoine, ou un phytogénéticien ailleurs dans le monde qui souhaite amener son innovation au Canada. Il peut s’agir d’un processus simple qui protège les Canadiens et qui assure l’innocuité du produit, mais qui, en même temps, n’impose pas un fardeau réglementaire plus lourd que ce qui existe dans d’autres pays du monde. Il y a assurément place à l’amélioration.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, messieurs.
[Traduction]
La présidente : J’ai quelques questions à poser. Est-ce que l’un d’entre vous connaît Foodvalley aux Pays-Bas? Monsieur Carey, allez-y. Si le Canada imitait les Pays-Bas, quel serait le résultat?
M. Carey : Ce que les Pays-Bas ont fait est très impressionnant pour un pays de cette taille. Ils ont réussi à se hisser au deuxième ou au premier rang des plus importants pays exportateurs de produits agricoles. Aux Pays-Bas, par exemple, dans le domaine des semences, il y avait plusieurs organisations. Maintenant, il n’y en a plus qu’une seule. Il y a dorénavant un groupe qui s’appelle Plantum, qui est pour ainsi dire le porte-parole de l’industrie. C’est ce groupe qui intervient auprès du gouvernement, alors, lorsqu’il y a des enjeux, c’est lui qui s’en occupe. Nous apprenons beaucoup de cette réussite aux Pays-Bas. Le dirigeant de Plantum est un collègue que je rencontre trois fois par année. Nous essayons d’en apprendre le plus possible. Nous examinons des pays d’un point de vue géographique comme les Pays-Bas, la France et le Royaume-Uni, qui commercialisent de nouvelles variétés de semences plus rapidement que nous. Nous cherchons notamment à imiter les Pays-Bas.
La présidente : Je vous remercie.
Monsieur Smith, vous avez formulé deux recommandations dans votre mémoire. Est-ce qu’il y a d’autres recommandations que vous n’avez pas formulées par crainte de manquer de temps?
M. Smith : Pour l’instant, ce sont les recommandations que nous avons, mais je vais transmettre à l’IPIC la question qui a été posée à propos de l’exploitation de la propriété intellectuelle, et nous formulerons plus tard une autre recommandation, mais pas aujourd’hui.
La présidente : Nous vous serions reconnaissants de transmettre cette recommandation au greffier, qui veillera à nous en faire part.
Monsieur Carey, j’ai une autre question pour vous. Dans votre mémoire, vous avez parlé d’une approche pangouvernementale et vous mentionnez que la réglementation peut en fait être nuisible. Vous avez aussi mentionné que le Canada devrait chercher à conclure d’autres accords commerciaux. Dans les accords en vigueur et dans ceux qui ont été conclus, mais pas encore ratifiés, quels sont les meilleurs éléments qui ont aidé votre industrie en ce qui a trait à la valeur ajoutée?
M. Carey : C’est une excellente question. À la suite de l’AECG et durant les négociations du PTP ou du PTPGP, le gouvernement a modifié d’une manière très positive la façon dont il participe aux négociations. Lorsqu’on a négocié le PTPGP et le nouvel AEUMC, on a mis davantage l’accent sur deux éléments qui ont une grande incidence sur notre industrie.
Il y a, d’une part, l’équivalence fondée sur des données scientifiques, qui signifie que, si nous menons des négociations commerciales avec un pays qui a un régime réglementaire reconnu, il devrait y avoir une équivalence fondée sur des données scientifiques et un échange de ces données. Dans le domaine de la biotechnologie, le processus d’approbation des caractéristiques génétiquement modifiées, qui constituent une grande part des exportations canadiennes dans le secteur de l’agriculture, n’est pas obligatoire, mais s’il y en a un, il doit être transparent. Il y a également un mécanisme dans le domaine de la propriété intellectuelle prévu dans le PTPGP, qui fait en sorte que chaque pays membre dispose d’un certain temps après la ratification pour actualiser les droits des phytogénéticiens en matière de propriété intellectuelle pour se conformer à la norme internationale, qui est la convention de 1991 de l’UPOV, qui signifie Union internationale pour la protection des obtentions végétales.
Alors il y a des questions à propos de la Chine et de la propriété intellectuelle ainsi que des préoccupations en ce qui concerne le PTPGP. Lorsqu’il sera en vigueur, tous ces pays devront actualiser leurs propres droits en matière de propriété intellectuelle, en conformité avec la norme internationale, que le Canada a ratifié seulement en 2015, mais nous avons observé depuis une énorme augmentation des investissements. Le programme d’amélioration génétique des céréales a vu le jour au Canada en raison de ces investissements.
L’autre élément est important. Il s’agit de la présence d’une faible concentration. Si une caractéristique génétiquement modifiée est approuvée dans un marché, mais qu’elle ne l’est pas dans un autre et qu’une faible concentration est détectée dans une cargaison, un mécanisme pour gérer cette situation a été prévu. On a également prévu cela encore mieux dans l’AEUMC. Le négociateur en chef pour le Canada en matière d’agriculture a assisté à nos rencontres hier à Ottawa. Il a mentionné que ce sera dorénavant la norme, ce qui est très important pour notre industrie.
La présidente : C’est très bien. C’est très positif.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur Hyra, vous parlez beaucoup dans votre mémoire de la détérioration des sols. C’est un problème dont nous ont fait part les agriculteurs de toutes les provinces. Je crois voir dans votre mémoire qu’il n’y a pas eu de rapport convaincant depuis que l’ancien sénateur Sparrow en a déposé un en 1984. Y a-t-il moyen de mettre cela à jour? Y a-t-il des recherches qui se font avec les provinces et le gouvernement fédéral? Le gouvernement fédéral collabore-t-il avec les parties intéressées et investit-il l’argent nécessaire?
C’est un problème majeur. En Ontario, 3 p. 100 des sols se sont volatilisés, dans l’Ouest aussi et au Québec également, et je dirais même partout au Canada. Quelle est votre recommandation au comité? On parle de valeur ajoutée, mais si on ne produit pas, ça ne fonctionne pas. Si vous aviez une recommandation précise à faire au comité concernant la mise à jour de nos sols canadiens, quelle serait-elle?
[Traduction]
M. Hyra : Je ne peux pas citer des données précises, mais je peux parler de ma propre expérience, car j’ai grandi dans une ferme où, lorsque j’étais adolescent, on faisait des jachères d’été. Cette pratique a disparu au cours des 25 à 30 dernières années pour faire place à des techniques modernes d’agriculture qui impliquent l’utilisation de nouvelles espèces et de nouvelles variétés, notamment du canola résistant aux herbicides, et qui permet un meilleur contrôle des mauvaises herbes sans travail du sol, ce qui a mené à la culture sans labour, qui laisse davantage de chôme sur le sol et améliore grandement la santé des sols. Je me souviens du sol qui volait au vent lorsque j’étais enfant. On ne voit plus cela dans l’Ouest canadien. La sécheresse que nous avons connue l’an dernier nous a permis de constater dans quelle mesure l’agronomie et l’équipement agricole dont nous disposons ont permis ensemble d’améliorer la gestion et la productivité de ces mêmes sols. Je crois donc que la santé des sols s’améliore.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’aimerais entendre M. Carey également, puisque c’est vraiment important pour l’avenir.
[Traduction]
M. Carey : Je suis désolé, je n’ai pas entendu. Vous parliez des sols? Je sais que c’est un sujet qui tient à cœur au sénateur Black également. J’ai reçu un courriel à ce sujet. L’un de nos organismes partenaires, l’Association canadienne des producteurs de semences, vient tout juste de conclure un partenariat pour l’amélioration des sols. Je vais devoir lire ce courriel.
Comme Todd l’a dit, la santé des sols varie selon la région et le type de sol. Dans certaines régions, l’érosion des sols est un grave problème, tandis que dans d’autres régions, c’est le compactage des sols qui pose un grand problème. Todd a parlé de la culture sans labour. Auparavant, on semait puis on labourait avec le tracteur. On se trouvait alors à remuer le sol et à libérer le carbone, mais il fallait le faire parce que nous n’avions pas à l’époque les produits ou les pesticides que nous avons maintenant pour protéger les cultures. Aujourd’hui, dans la plupart des fermes modernes, lorsque les récoltes ont eu lieu et que c’est le temps de semer, on voit le chôme dans les champs parce qu’on sème des semences qui ont été traitées avec une petite quantité d’insecticides, ce qui les protège et élimine la nécessité de remuer le sol. Nous avons observé une très grosse augmentation, mais c’est une chose à laquelle nous devons porter beaucoup d’attention. Le plus important, c’est une rotation adéquate des cultures.
[Français]
Le sénateur Maltais : En voulant préserver la couche d’ozone, ne sommes-nous pas en train de détruire nos sols pour l’avenir?
[Traduction]
M. Carey : Todd peut vous en parler également, mais je peux vous dire que le fait de ne pas avoir à labourer le sol est une bonne chose pour la santé des sols. Ne pas avoir à conduire un tracteur au diesel pour remuer toute la terre est une bonne chose. Il vaut mieux remuer le sol le moins possible et s’assurer de ne pas semer sans cesse du maïs. Il faut plutôt alterner entre le maïs, le soja et le blé, ce qu’on fait habituellement en Ontario. Il est bon de ne pas remuer le sol.
M. Hyra : Lorsqu’on ne laboure pas, on diminue l’érosion hydrique et l’érosion éolienne et on permet aux biomatériaux d’être réincorporés dans la terre. C’est un élément important qui, selon moi, améliore la santé des sols. Il est essentiel pour les exploitations agricoles d’avoir des sols viables à long terme durant des générations. La ferme familiale où j’ai grandi est une ferme de troisième génération, et j’estime que le sol est en meilleure santé qu’il ne l’a jamais été grâce aux techniques modernes.
La sénatrice Gagné : Vous avez mentionné durant votre exposé que le Canada a investi considérablement dans la R-D, mais, si nous voulons atteindre l’objectif de 75 ou de 85 milliards de dollars en exportations de produits agricoles d’ici 2025, estimez-vous que les investissements du Canada dans la R-D sont suffisants?
M. Hyra : Le problème notamment, c’est qu’il reste seulement sept ans avant 2025. Un grand nombre des activités de R-D que nous commençons maintenant auront des répercussions à partir de 2030. Il vaut mieux accroître la R-D, mais, pour favoriser davantage d’investissements après 2025, il faut maximiser les possibilités qu’offrent les produits qui sont déjà sur le marché, de façon à générer des revenus. C’est un cycle qui prend 10 à 15 ans à mettre en place. Envoyer des signaux encourage les investissements et fait en sorte qu’ils se poursuivent à long terme.
La sénatrice Gagné : Alors, nous sommes sur la bonne voie? C’est ce que je comprends.
M. Hyra : Nous faisons en sorte d’être sur la bonne voie.
La sénatrice Gagné : D’accord.
M. Hyra : C’est ce que nous faisons avec cette discussion sur la création de valeur que nous avons actuellement, et cela contribue de façon importante à encourager l’investissement à long terme.
M. Carey : Pour ce qui est de favoriser l’investissement, je peux vous dire que, tous les cinq ans, nous menons une enquête auprès de nos membres du secteur privé. C’est l’enquête la plus complète que nous effectuons. Lorsque nous avons mené notre enquête en 2012, les droits des phytogénéticiens n’avaient pas encore été établis. Je ne vais pas vous lire tous les résultats, mais je vais les transmettre au greffier. En 2012, nos membres ont investi 101 millions de dollars dans la R-D dans le secteur privé. Maintenant, les droits des phytogénéticiens ont été établis et il est question de créer de la valeur. En 2017, nos membres ont investi 171 millions de dollars. Il s’agit seulement des membres de notre association. Il s’agit-là d’une augmentation de 56 p. 100. Si nous continuons ainsi, nous prévoyons que les investissements atteindront 180 millions de dollars par année d’ici 2022.
C’est ce qu’on présume, car nos membres s’attendent à ce qu’on crée de la valeur et à ce qu’on actualise les droits des phytogénéticiens. Les prévisions reposent sur beaucoup de suppositions. Le seul fait de mentionner une augmentation de la propriété intellectuelle, parce que cela figure dans les réponses, suffit à stimuler les investissements. Tout ce que nous pouvons faire pour rendre l’investissement attrayant a un important effet d’entraînement.
Si on multiplie ces 170 millions de dollars qui ont été investis dans la phytogénétique dans le secteur privé par le facteur de rendement de sept pour un que nous avons mentionné, on constate que c’est énorme.
La sénatrice Gagné : Merci beaucoup.
Le sénateur C. Deacon : Monsieur Smith, je tiens à préciser très clairement que je ne m’oppose pas du tout à la protection de la propriété intellectuelle. Je tiens à ce que ce soit très clair. Je sais à quel point il est difficile d’obtenir des incitatifs fiscaux. Il y a beaucoup de travail à faire pour démontrer qu’il y aura définitivement une nette augmentation de la capacité des entreprises de gagner de l’argent. Il faut prouver qu’il y aura un rendement sur l’investissement, que ce n’est pas tout simplement un financement de frais juridiques et qu’on créée une nouvelle valeur nette. Ce ne sera pas facile. Avez-vous des données ou avez-vous effectué une analyse à cet égard?
M. Smith : Nous en sommes aux premières étapes. Nous reconnaissons l’importance de recueillir des données. Le Royaume-Uni a probablement une longueur d’avance sur les autres pays pour ce qui est d’offrir ce genre d’incitatifs fiscaux, et c’est de là que proviennent les données, dont certaines figurent dans le document que nous vous avons remis. Voilà le premier point. Deuxièmement, nous reconnaissons à quel point il sera important d’effectuer une analyse économique de ces mesures, et nous sommes sur le point de recueillir des données à cet égard pour le gouvernement.
Le sénateur C. Deacon : Très bien. C’est formidable. Merci.
Messieurs Hyra et Carey, il faut tenter le tout pour le tout, bien sûr. Je suis tout à fait d’accord là-dessus, mais j’aimerais savoir ce qu’en pensent les membres de votre association. Avez-vous évalué leurs besoins pour les prochaines années, compte tenu du cycle à long terme des activités de recherche et de développement, à l’aune des découvertes qu’ils ont déjà prouvées et dont la valeur a été démontrée? Quels sont les éléments dont ils ont besoin et que le gouvernement fédéral pourrait aider à mettre en place pour leur permettre de tirer profit le plus possible de la valeur existante de l’inventaire proprement dit? Nous n’allons pas tenter le tout pour le tout sans avoir prévu des stratégies très précises et des moyens très concrets pour assurer une valeur qui se démarque à l’échelle mondiale. Pouvez-vous nous dire, s’il y a lieu, ce que vos membres proposent quant aux types de programmes ou de domaines d’intervention dont ils ont besoin?
M. Carey : Oui, absolument. À mon avis, il est essentiel de se rappeler qu’il n’y a pas de solution miracle. On peut parler d’une approche pangouvernementale. Il existe, pour ainsi dire, trois volets dont chacun comporte des règlements et des lois connexes.
Nous avons beaucoup parlé de la propriété intellectuelle et, à ce titre, il faut mettre à jour le Règlement sur la protection des obtentions végétales du Canada. Une consultation est en cours et, si tout se passe comme prévu, le règlement sera publié dans La Gazette du Canada au début de 2020. C’est primordial. Il nous faut trouver un moyen d’obtenir un rendement du capital investi. Voilà le premier pilier.
Le deuxième pilier consiste à faciliter la mise en marché des produits par l’entremise du processus conjoint d’approbation de l’Agence canadienne d’inspection des aliments et de Santé Canada. Il s’agit de mettre à jour le cadre législatif général sur les végétaux à caractères nouveaux; c’est ce qu’utilisent l’Agence canadienne d’inspection des aliments et Santé Canada pour approuver des végétaux. Ce cadre législatif a grandement besoin d’une mise à jour, et le ministre de l’Agriculture est d’accord.
Le troisième pilier est l’accès continu aux produits de protection des cultures. J’entends par là que le gouvernement du Canada ou Santé Canada et l’ARLA, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, mènent une consultation sur l’élimination graduelle de l’utilisation d’une matière active appelée néonicotinoïde. Ce qui nous inquiète, c’est que si ce produit n’est pas jugé acceptable, rien d’autre ne pourra le remplacer.
Quand on parle d’une approche pangouvernementale, le gouvernement a beau établir de merveilleux objectifs en matière d’exportations, mais encore faut-il qu’il y ait un effet d’entraînement du côté des organismes qui nous réglementent, et nous trouvons que cela prend souvent plus de temps. Bref, ce sont trois des principaux piliers : le rendement du capital investi, la capacité de protéger son produit et la possibilité de le mettre en marché. Des règlements et des lois s’appliquent à chacun de ces volets, ce que le gouvernement a reconnu dans une large mesure. L’ARLA effectue actuellement un examen, et les règlements sur les semences et la protection des obtentions végétales seront modernisés. De plus, le ministère a créé un groupe de travail formé de représentants de l’industrie et du gouvernement pour s’occuper de la question des végétaux à caractères nouveaux. Nous faisons donc des progrès.
M. Hyra : Je crois, Dave, que vous avez fait le tour de la question, alors je n’ai rien à ajouter. Merci, madame la présidente.
La présidente : Je tiens à remercier nos trois témoins. C’était une excellente discussion. Je suis très contente que vous ayez pu être des nôtres ce soir. Encore une fois, je vous prie de nous excuser d’avoir commencé la réunion en retard, mais ce sont des choses qui arrivent quand nous siégeons au Sénat. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)