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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 59 - Témoignages du 29 novembre 2018


OTTAWA, le jeudi 29 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour étudier la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. Je suis présidente du comité.

Nous accueillons aujourd’hui des témoins, mais, avant de les entendre, j’aimerais que les sénateurs se présentent.

[Français]

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec

[Traduction]

Le sénateur Oh : Le sénateur Oh, de l’Ontario.

La sénatrice Busson : La sénatrice Busson, de la Colombie-Britannique.

[Français]

La sénatrice Gagné : Sénatrice Raymonde Gagné, du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.

La présidente : Nous accueillons dans un premier temps deux témoins. Luis Garcia, président du Craig Richardson Institute of Food Processing Technology, et Lyndon Ashton, gestionnaire du Canadian Food and Wine Institute Innovation Centre.

Je vous remercie tous les deux d’avoir accepté notre invitation à comparaître.

Monsieur Ashton, la parole est à vous.

[Français]

Lyndon Ashton, gestionnaire, Canadian Food and Wine Institute Innovation Centre, Collège Niagara Canada : Je suis désolé, je ne parle pas français.

[Traduction]

Je vais donc poursuivre dans ma langue.

C’est un honneur pour moi de comparaître devant vous aujourd’hui. Nous sommes évidemment reconnaissants de l’intérêt que vous portez à la façon dont le Collège Niagara soutient la compétitivité du secteur canadien des aliments et des boissons. J’aimerais prendre les cinq à sept prochaines minutes pour vous brosser un tableau de la façon dont nous aidons à atteindre cet objectif.

Nos clients sont surtout des petites et moyennes entreprises, habituellement des entreprises qui cherchent à élargir les offres existantes ou ont besoin d’aide pour mettre au point et commercialiser de nouveaux produits.

Parmi les défis auxquels elles font face, mentionnons la difficulté de trouver une main-d’œuvre qualifiée, les difficultés liées à la formation, l’accès aux fonds pour combler les écarts entre le financement de démarrage et la commercialisation de nouveaux produits, les connaissances techniques sur la façon d’élargir leurs activités et les façons de mettre sur le marché de petits lots de produits pilotes pour les évaluer de façon adéquate dans un environnement réel.

Grâce au généreux soutien offert dans le cadre de programmes gouvernementaux, nous avons pu aider les entreprises de produits alimentaires et de boissons à passer du concept au développement, à créer de nouveaux prototypes et à s’assurer de respecter les bons types de mesures liées à la salubrité des aliments et à conserver la propriété intellectuelle que nous les aidons à créer.

Des programmes comme le Fonds d’investissement stratégique pour les établissements postsecondaires, la Fondation canadienne pour l’innovation et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada ont permis au Collège Niagara de bâtir l’infrastructure nécessaire, d’acheter de l’équipement et de compenser les coûts des entreprises d’aliments et de boissons tout en formant des talents, en permettant le transfert de connaissances essentielles à l’industrie et en comblant certaines des lacunes qui empêchent l’innovation.

Plutôt que de parler de généralités, j’aimerais vous fournir quelques exemples pour que vous puissiez mieux comprendre de quelle façon nous aidons ces entreprises à commercialiser des produits et à être plus concurrentiels dans les marchés nationaux et internationaux.

Reinhart est un client avec lequel nous avons travaillé. Il s’agit d’une entreprise de petite taille ou de taille moyenne de Stayner, en Ontario. Vous la connaissez probablement surtout en raison des produits de vinaigre de cidre de pomme qu’elle commercialise. Ces produits sont accessibles dans l’ensemble des principales chaînes d’épicerie depuis aussi longtemps que je me souvienne. Elle possède la marque de jus de pomme Allen et offre aussi des produits comme des garnitures à tarte, des produits de boulangerie et d’autres produits connexes.

Les représentants de l’entreprise sont venus nous voir. Ils voulaient pénétrer le marché des boissons alcoolisées légères. Étant donné que notre établissement possède une vinerie, une cidrerie, une brasserie et une distillerie de formation, nous avons pu travailler en collaboration avec nos responsables de la recherche et de l’innovation dans le domaine des sciences alimentaires et conclure un partenariat avec la vinerie pour leur créer un produit.

En fin de compte, le cidre de pomme rouge de Reinhart a été lancé en mars 2017 dans environ 270 succursales de la LCBO en Ontario. Le succès est tellement retentissant que les succursales n’arrivent pas à en garder sur leurs tablettes.

Non seulement il s’agit d’une grande réussite en raison du fait qu’on a aidé une entreprise de taille moyenne à faire de la transformation à valeur ajoutée au Canada, mais l’entreprise a aussi beaucoup à cœur le soutien de l’économie locale. L’entreprise a grandi en exploitant des vergers de pommiers. Nous l’avons aidée à mettre au point un produit confectionné à 100 p. 100 à partir de pommes de l’Ontario. En outre, l’entreprise utilise des pommes de deuxième qualité et des produits similaires, qui, sinon, n’auraient pas été utilisés.

Un autre exemple est celui d’une petite entreprise avec laquelle nous avons travaillé. L’entreprise de Toronto s’appelle Broya, et elle tente de communiquer les avantages liés au fait de manger des aliments enrichis inspirés par un mode de vie holistique. Lorsqu’elle nous a contactés, elle avait initialement mis sur le marché un produit de bouillon d’os.

Étant nos capacités dans les domaines des sciences alimentaires, de la cuisine et de la commercialisation, nous avons pu l’aider au Canadian Food and Wine Institute Innovation Centre à raffiner ses produits de bouillon d’os et même à mettre au point de nouveaux types de bouchées de viande qu’elle a commercialisées et qui sont vendues dans des magasins comme Sobeys et des détaillants en ligne à l’échelle de l’Ontario.

Un autre exemple est Miname, une entreprise qui est venue nous voir. C’est une situation intéressante, parce qu’elle importait des boissons de malt ethniques. Elle avait de la difficulté en raison du fait qu’elle n’était pas satisfaite des produits qu’elle obtenait. Ces produits n’étaient ni stables ni uniformes, alors que c’est ce qu’elle voulait.

Nous avons fini par réunir notre équipe et, encore une fois, à aider cette entreprise à produire une nouvelle propriété intellectuelle canadienne. Nous l’avons aidée à surmonter les défis associés au conditionnement à forfait, à la salubrité alimentaire et à la mise au point de produits. Elle envisage maintenant d’exporter ces produits — tout en les vendant au Canada —, non seulement aux États-Unis, mais aussi ailleurs dans le monde.

Ce sont là quelques exemples de la façon dont nos installations aident différents types d’entreprises à créer de la propriété intellectuelle et à réduire les risques associés à leur décision d’investissement. En utilisant différents types d’équipements et en mettant au point différents processus, ces entreprises peuvent avoir une meilleure idée de la façon dont elles peuvent accroître leur compétitivité et, par conséquent, créer des emplois et soutenir le perfectionnement de l’effectif et le développement économique.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner quelque chose au sujet du perfectionnement de la main-d’œuvre, puisque nous sommes un collège. Les collèges de partout au Canada se consacrent à la recherche appliquée, la formation et le perfectionnement de la main-d’œuvre. C’est quelque chose que nous prenons au sérieux. Nous fournissons des programmes d’alternance travail-études et de stages, comme beaucoup de collèges, par l’intermédiaire de deux centres d’accès à la technologie, un programme du CRSNG. Bon nombre des autres collèges offrent un certain nombre de ces programmes. Il y en a en fait 30 à l’échelle canadienne. On espère qu’il y en aura 16 de plus durant l’année qui s’en vient.

Nous pouvons embaucher des étudiants comme adjoints de recherche dans le cadre de notre programme d’innovation culinaire et de technologie de l’alimentation et de nos programmes brassicole et vinicole. En fait, ils travaillent avec nous sous la tutelle et l’encadrement de nos scientifiques des produits alimentaires, nos chefs et nos concepteurs de produits.

C’est une expérience formidable pour le partenaire de l’industrie, parce qu’il travaille côte à côte avec ces jeunes talentueux. Souvent, ils finissent par être embauchés dès que le produit est livré ou que le projet est terminé.

Si je pouvais vous communiquer trois choses, ce serait l’importance des programmes de financement pluriannuel qui jouent un rôle important et qui ciblent la commercialisation au moyen de résultats tangibles et concrets comme les programmes des centres d’accès à la technologie du CRSNG, le besoin de trouver des façons de créer et d’encourager des modèles permettant à la fois de perfectionner des talents et de soutenir la mise au point de nouveaux produits et la création de propriété intellectuelle dans le secteur des aliments et des boissons et l’importance de renforcer la position des collèges canadiens de façon à pouvoir continuer à élargir les soutiens à la recherche appliquée destinés à nos petites et moyennes entreprises. Nous constatons sur le terrain que ces choses changent vraiment la donne.

N’oubliez pas qu’il s’agit d’un aperçu de cinq à sept minutes de ce qui se passe. Nous savons que le sénateur Mercer a pu nous rendre visite en 2014. Nous sommes heureux d’avoir pu l’accueillir, et je vous invite bien sûr tous à venir nous voir lorsque vous aurez le temps.

Nous avons créé un nouveau bâtiment de 49 500 pieds carrés pour l’agroalimentaire et l’athlétisme. Nous espérons que, d’ici le milieu de l’année prochaine, nous pourrons mettre en place une nouvelle infrastructure pour continuer à soutenir nos entreprises de produits alimentaires et de boissons grâce à une installation d’essai de production de boissons qui aidera à combler l’écart en ce qui concerne les activités à court terme et en petits lots.

Nous nous adonnons à des activités de prototypage dans le cadre de processus de développement de concept. Nous voulons maintenant combler une autre lacune dans le marché, soit le fait que les gens ont de la difficulté à commercialiser leurs produits parce qu’ils ont besoin de produire des petits lots et pas nécessairement les 40 000 ou 50 000 litres que les entreprises de conditionnement à forfait exigent. Nous serions heureux d’organiser des visites ou de vous parler plus en détail des types de choses que nous faisons.

Luis Garcia, président, Craig Richardson Institute of Food Processing Technology, Collège Conestoga : Je représente le Craig Richardson Institute of Food Processing Technology du Collège Conestoga . Il s’agit d’un institut qui a été créé en 2010 au terme d’un partenariat entre l’Alliance of Ontario Food Processors, comme on l’appelait alors, et le Collège Conestoga pour répondre aux besoins de l’industrie de la fabrication de produits alimentaires en matière de main-d’œuvre qualifiée.

Depuis, nous avons créé un certain nombre de programmes de formation différents et, depuis deux ou trois ans, nous participons à des projets de recherche appliquée, un peu comme ceux dont M. Ashton vient de parler.

J’aimerais vous parler de ce que je considère comme les grands défis auxquels l’industrie est confrontée en ce qui concerne le manque de compétitivité comparativement à d’autres administrations. L’industrie fait face à trois défis clés. L’accès aux technologies, les compétences et les connaissances et l’attraction des talents.

Vous connaissez le contexte, mais je veux insister sur le fait que l’industrie de la fabrication des aliments et des boissons est le plus grand secteur manufacturier au Canada. En effet, il y a entre de 6 000 à 7 000 transformateurs d’aliments et de boissons à l’échelle du pays. Un facteur clé est que plus de 95 p. 100 d’entre eux sont des petites et moyennes entreprises.

Un facteur intéressant, mais important concerne le fait que la vaste majorité des produits agricoles cultivés en Ontario sont achetés par cette industrie. Non seulement il s’agit du plus important secteur manufacturier du pays, mais c’est aussi le plus gros client des agriculteurs. Le secteur joue un rôle très important au sein de l’économie.

Le premier défi que j’ai mentionné, c’est l’accès aux technologies. Il y a deux facteurs importants à cet égard : premièrement, les coûts élevés, surtout pour les petites et moyennes entreprises. L’emploi est facilement accessible dans bien des cas. Tout ça est principalement construit en Europe, mais pour des entreprises de grande taille. Non seulement l’équipement est cher, mais en plus, il est difficile pour les petites et moyennes entreprises à trouver de l’équipement de plus petite envergure.

Le deuxième point concerne les compétences et les connaissances. L’industrie a mentionné de façon répétée le manque criant d’employés qualifiés et compétents en raison de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée au Canada et, aussi, en partie, à cause de l’important taux de roulement au sein de l’industrie. Bon nombre de petites entreprises ne veulent pas consacrer du temps et des ressources à la formation de leurs employés. Elles craignent que, dès que la formation sera donnée, ces employés iront travailler ailleurs. C’est un cercle vicieux. On n’a pas de culture de formation des employés. En même temps, les entreprises continuent d’embaucher des gens sans formation, ce qui a une incidence sur la productivité.

L’autre aspect de la question concerne les salaires. Ce n’est pas l’industrie la mieux rémunérée. Les entreprises offrent maintenant un salaire supérieur au salaire minimum, mais les salaires ne sont toujours pas concurrentiels comparativement à d’autres secteurs, comme l’industrie automobile.

L’éducation est aussi importante. Je crois vraiment que bon nombre de petites et moyennes entreprises ne comptent pas sur des connaissances et des compétences appropriées en matière de gestion d’entreprise. Plusieurs ont peur lorsqu’elles entendent parler d’un investissement pour de l’équipement. Elles ont tendance à regarder le montant d’argent, mais à ne pas voir quel sera le rendement du capital investi.

Il est difficile pour les responsables de prendre des décisions. Ils sont tellement occupés à exploiter leur entreprise qu’ils n’ont pas le temps d’examiner les chiffres ou ils n’ont peut-être pas accès aux bonnes personnes pouvant les aider à le faire.

Je crois que les capacités de gestion des affaires sont déficientes. Il en va de même pour l’automatisation et la robotique. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui comptent sur des gens qualifiés pour les aider à déterminer le bon équipement dont ils ont besoin pour améliorer leur productivité.

Le dernier élément que je voulais soulever, c’est l’attraction des talents. Il y a une importante idée fausse à l’égard de l’industrie au sein du grand public. Par conséquent, peu de personnes veulent faire partie du secteur. Il est difficile d’attirer des étudiants vers nos programmes et d’attirer des travailleurs dans l’industrie. C’est une situation sur laquelle il faut travailler.

J’ai deux ou trois recommandations relativement à chacun des trois éléments susmentionnés. Il faut, à coup sûr, fournir du soutien en matière d’accès aux technologies sous la forme de financement pour les petites et moyennes entreprises, de façon à ce qu’elles puissent acheter des pièces d’équipement à plus petite échelle et réaliser des activités de recherche et de développement. Nous pourrions bâtir une solide industrie de fabrication d’équipement au Canada.

Très peu d’équipement est fabriqué au Canada pour cette industrie. La plupart des pièces d’équipement viennent de l’Europe et, parfois, des États-Unis. Nous avons le savoir-faire, les technologies et les ressources. Nous fabriquons des avions. Nous fabriquons des robots pouvant aller sur Mars. Pourquoi ne pouvons-nous pas fabriquer de l’équipement pour l’industrie alimentaire? C’est quelque chose que nous devrions soutenir.

Pour ce qui est de la gestion des affaires, je recommande du financement pour les petites et moyennes entreprises, du financement leur permettant d’embaucher non pas un consultant qui les aidera à gérer leur entreprise, mais quelqu’un qui travaillerait pour eux à temps plein, qui s’occuperait de l’entreprise et qui l’aiderait à prendre de l’expansion.

Pour ce qui est de l’attraction des talents, un financement est nécessaire pour accroître la sensibilisation aux excellentes occasions que l’industrie peut offrir sur le plan de l’emploi et de la carrière. Plusieurs organisations au pays pourraient bénéficier d’un tel soutien. Merci.

La présidente : Vous nous avez présenté deux excellents exposés. Nous allons commencer par le sénateur Maltais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Ashton, monsieur Garcia, merci beaucoup d’être ici ce matin. C’est très intéressant, surtout que votre champ d’action est dirigé vers les PME, qui sont la base de notre société et qui constituent l’employeur le plus important au Canada.

Monsieur Ashton, vous connaissez le mandat de notre comité, qui est d’étudier le secteur alimentaire à valeur ajoutée. Vous avez parlé de fabrication de jus. Je suis heureux de voir que vous récupérez les pommes qui ne se classeront pas pour la vente dans les épiceries pour en faire des jus ou des confitures. Est-ce que les barrières tarifaires entre les provinces sont un handicap pour vos entreprises?

[Traduction]

M. Ashton : Pour ce qui est des clients avec lesquels nous travaillons, je n’ai pas vu pour l’instant d’obstacle à cet égard. Cependant, ce n’est pas une question sur laquelle je me suis vraiment penché avec cette entreprise précise, alors il ne serait pas prudent de ma part de formuler des commentaires précis à ce sujet.

Nous sommes en train de mettre sur pied nos installations afin de soutenir la production de produits en petites quantités. Il est important pour nous d’obtenir l’approbation de l’ACIA. C’est un pas en vue de s’assurer que les produits que nous aidons à commercialiser à court terme peuvent être vendus au Canada, parce qu’ils respectent les divers types d’exigences réglementaires et liées à la salubrité des aliments.

Pour parler plus précisément des tarifs interprovinciaux, ce n’est pas quelque chose dont je leur ai parlé.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si je vous pose cette question, c’est parce que les membres de notre comité se sont rendus à Kelowna, dans la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique, il y a quelques semaines et que beaucoup de producteurs ont dit que les barrières tarifaires au Canada étaient un handicap. Évidemment, il y a une très grande compétition dans le secteur de la production de jus de fruits. En Ontario, il y a énormément de compétition. Lorsqu’une entreprise offre des produits qui sont approuvés par Santé Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada, ces produits peuvent être offerts sur le marché américain. Vous êtes situé près de la frontière; faites-vous des ventes aux États-Unis?

[Traduction]

M. Ashton : Nous ne vendons pas les produits nous-mêmes. Nous les mettons au point pour les clients, et ce sont eux qui les vendent. À l’heure actuelle, nous créons le concept et le prototype avec nos clients. C’est ensuite à eux de les fabriquer. Nous pouvons les aider à intégrer le processus, au besoin, dans leur procédure manufacturière ou nous pouvons les aiguiller vers des entreprises de conditionnement à forfait pouvant produire leurs produits.

Pour surmonter certains des risques associés à tout ça, nous demandons souvent à certains de nos chercheurs en alimentation, à nos développeurs de produits ou à qui que ce soit d’autre de se rendre dans les sites de l’entreprise de conditionnement à forfait et de la soutenir dans le cadre de la production des lots initiaux.

Lorsqu’on arrive à la fabrication du produit en tant que telle, nous ne vendons pas les produits. Notre rôle est d’occuper ce créneau dans l’écosystème d’innovation.

Il y a une importante pénurie d’entreprises de conditionnement à forfait pouvant soutenir la production de petits lots. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons réussi à obtenir différents types de financement relativement à l’infrastructure et à l’équipement à mettre en place dans notre installation de transformation pilote et de recherche et de développement liés aux boissons.

Mis à part tous les autres défis, nous voulions être en mesure d’aider nos clients à valider dans le marché les nouveaux produits issus de leurs activités de prototypage avant qu’ils n’investissent dans, disons, la production de 40 000 litres ou de 500 000 unités de produits, qui pourraient très bien rester sur une étagère ou poireauter dans un entrepôt avant d’être jetés parce qu’il n’y a pas vraiment d’intérêt sur le marché pour de tels produits.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci.

Monsieur Garcia, vous avez parlé des technologies et de la pénurie de main-d’œuvre. On sait que, dans cette industrie, les salaires ne sont pas à 25 $ ou à 35 $ l’heure. Les équipements sont fabriqués à l’étranger et ils coûtent plus cher une fois arrivés ici. Il est difficile de compter sur une main-d’œuvre qualifiée, puisque le salaire est plus bas que dans d’autres industries. Est-ce que cela met un frein au développement des PME? Si oui, que suggérez-vous aux membres du comité pour remédier à cette situation?

[Traduction]

M. Garcia : Lorsque j’ai parlé des bas salaires, je parlais des niveaux d’entrée dans les postes d’ouvriers non qualifiés, où les salaires restent assez près du salaire minimum. C’est certainement un obstacle pour attirer des gens au sein de l’industrie.

Dans le cas des postes plus spécialisés, comme celui d’opérateur de machine, on parle de plus de 20 $ l’heure, alors ces personnes gagnent un meilleur salaire.

Le grand défi, c’est que les gens ne comprennent pas le niveau de technologie qui existe au sein de l’industrie ou qui pourrait exister dans le secteur. Beaucoup d’entreprises misent sur des technologies de pointe, la haute technologie. Les opérateurs de ces machines doivent être qualifiés, mais peu de gens le savent. Les gens ont tendance à associer l’industrie alimentaire à la restauration, et on parle ici des restaurants et des genres d’activités en cuisine. Ce n’est pas l’industrie dont nous parlons.

Il y a un gros malentendu qui va au-delà de la main-d’œuvre et qui concerne les parents et les conseillers en orientation qui ne voient pas l’industrie de la transformation des aliments comme une option de carrière. Une de mes recommandations, c’était d’aider les organisations de l’industrie en les finançant de façon à leur permettre de mettre au point et de réaliser une campagne pour changer cette perception erronée de l’industrie.

L’industrie alimentaire est très propre. Les gens ont tendance à penser le contraire. La plupart des gens pensent à un abattoir, qui n’est pas si propre que ça, mais il y a beaucoup plus que ça au sein de l’industrie alimentaire. Il y a des abattoirs, et je pense qu’il y en aura toujours, mais ce n’est pas ce dont on parle ici.

Il y a un obstacle sur le plan des salaires. Qui plus est, il y a un obstacle découlant du manque de sensibilisation à l’égard des possibilités offertes par l’industrie.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, messieurs Garcia et Ashton.

[Traduction]

Le sénateur Oh : Merci aux témoins des bons renseignements qu’ils nous fournissent. Nous n’aurions pas pu tomber sur un meilleur duo que vous deux.

Ce que vous faites est très important. Votre travail se reflète dans le commerce international du tourisme et rehausse la réputation de l’industrie alimentaire canadienne.

De quelle façon encouragez-vous les jeunes à se mettre de la partie? Je parle à des gens qui sont prêts à faire des affaires. Peu importe le type d’entreprises du secteur alimentaire, l’aide est d’une importance cruciale. Ils ne trouvent personne d’ici pour gérer leur restaurant, l’industrie alimentaire ou peu importe. Ils n’arrivent à trouver personne au Canada.

M. Garcia : C’est un défi difficile à surmonter. Par exemple, Food and Beverage Ontario a lancé une campagne d’attraction des talents il y a deux ou trois ans. Je n’étais pas très optimiste à ce sujet parce que le financement était limité.

Cependant, il y a un mois, j’ai vu les résultats des sondages réalisés auprès des jeunes adultes et des parents. La comparaison entre les sondages de 2015 et de 2018 est surprenante. L’intérêt à l’égard de l’industrie et la compréhension positive de l’industrie a augmenté, passant d’environ 8 p. 100 à environ 30 p. 100 durant ces trois années.

Des programmes comme celui-là seraient très utiles. Ce sont des initiatives à plus long terme, mais c’est le type d’initiatives où le soutien du gouvernement est nécessaire parce qu’elles permettront à l’industrie d’atteindre ses objectifs. C’est aussi une façon de renforcer la main-d’œuvre et d’offrir des possibilités aux segments plus jeunes de la population.

M. Ashton : Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue. J’ai deux ou trois exemples de choses que nous avons faites et sur lesquelles nous avons pu miser.

Food and Beverage Ontario est un excellent exemple. C’était une bonne initiative. Une autre initiative réalisée par l’intermédiaire du réseau Tech-Access Canada fait intervenir les centres d’accès à la technologie eux-mêmes et fournit une plateforme pour différentes occasions. Nous avons un directeur exécutif ou un intervenant qui assume une fonction-cadre et qui fait du lobbying auprès des différents ordres de gouvernement et des associations pour trouver des occasions de relever certains défis.

L’une des initiatives était liée à ce défi. Cela les a amenés à produire de courts vidéos intitulés 5 Minutes of Science. Notre scientifique des produits alimentaires, Ana Cristina Vega Lugo, a pu faire une de ces vidéos scientifiques de cinq minutes.

C’était quasiment comme des vidéos de TV Ontario. Elle a décrit aux gens ce que nous faisons dans les laboratoires et en quoi c’est intéressant et amusant, parce qu’on réunit l’art et la science pour créer quelque chose de vraiment bien et quelque chose qui va intéresser des gens de tous les âges.

Une autre initiative à laquelle nous avons participé venait encore une fois de la Fondation canadienne pour l’innovation. L’année dernière, on a eu l’occasion de présenter différentes personnes au Parlement pour illustrer l’ensemble des différents types d’occasions de perfectionnement des compétences, de croissance et de perfectionnement des talents pour les jeunes, des occasions qui découlaient du financement de l’infrastructure que différents collèges avaient reçu à l’échelle canadienne.

L’un de nos étudiants était en vedette et a pu produire une vidéo de cinq minutes qui a été largement diffusée. Les responsables sont allés chez lui, et la vidéo le montrait en train de cuisiner. Il a raconté qu’il est allé à l’université. Il a commencé dans un domaine, puis est allé au Collège Holland parce qu’il s’est rendu compte qu’il adorait la nourriture. Du Collège Holland, il est ensuite allé au Collège Niagara pour tirer parti des programmes offerts là-bas dans le domaine des sciences culinaires et des arts culinaires.

Ce sont les types d’initiatives qui aident à lutter contre les défis socioculturels qui existent et dont Luis a parlé.

Beaucoup de collègues à l’échelle canadienne font un certain nombre de choses différentes. Au niveau collégial, ils trouvent des façons d’interagir avec le système d’éducation secondaire pour offrir des occasions de mettre en valeur et de présenter ce que nous faisons dans différents domaines et la façon dont ces domaines peuvent mener à des carrières réelles dans différents secteurs qui n’ont peut-être pas été très bien vus. Par exemple, les gens pensent que la fabrication se limite à frapper sur des morceaux de métal ou que la production alimentaire se limite à travailler dans la restauration comme serveur ou cuisinier à la chaîne.

Ces différentes choses peuvent contribuer à un changement culturel. Tout ce que les différents ordres de gouvernement peuvent faire à l’appui du domaine serait bénéfique.

Le sénateur Oh : Comme je suis issu de la diversité, je vous suggère de réfléchir au multiculturalisme et à la diversité en Ontario et au Canada.

Il y a un très grand nombre de jeunes personnes, surtout des Canadiens de deuxième génération, qui veulent se lancer dans le secteur, mais ne savent pas comment le faire.

M. Ashton : Absolument.

M. Garcia : J’aimerais formuler un commentaire lié à ce que mon collègue a dit. La ligne est mince entre ce que nous voulons faire et ce que certaines organisations font.

Comme je l’ai mentionné, il y a un malentendu. Beaucoup de personnes associent l’industrie de la transformation alimentaire au secteur de la restauration et de la cuisine. Lorsque j’ai commencé à travailler au Collège Conestoga, je n’arrivais pas à attirer qui que ce soit à mon kiosque pour parler de la fabrication de produits alimentaires.

Nous avions une très belle et grande bannière sur la table qui parlait des technologies alimentaires. Dès que les gens la voyaient, ils s’arrêtaient, se retournaient, venaient nous voir et disaient : « Oh, de la cuisine. » C’était très décevant que ce qui leur venait à l’esprit, c’était des activités liées à la cuisson et à la cuisine.

Il faut faire attention à la façon dont on fait la promotion de l’industrie, parce qu’il manque aussi de travailleurs dans l’industrie de la restauration. L’industrie de la fabrication de produits alimentaires a besoin de beaucoup plus de soutien en raison de son incidence beaucoup plus grande sur l’économie.

La sénatrice Bernard : Nous sommes sur la même longueur d’onde ce matin.

J’ai une question complémentaire liée à la question posée à M. Ashton, qui a parlé de journées d’orientation et du fait d’aller dans les écoles secondaires.

Quelles sont les réactions des écoles? Avez-vous des occasions d’aller les visiter? Quelle a été la réaction à l’échelle du pays?

M. Ashton : Nous avons une grande équipe qui s’occupe de maintien en poste et de recrutement. D’après ce que j’ai compris, il existe une relation très positive entre le Collège et les différentes commissions scolaires avec lesquelles nous travaillons.

Nous participons aux salons de l’emploi et aux journées d’orientation habituelles deux fois par année. On déploie beaucoup d’efforts pour aller dans les écoles, présenter des exposés et faire venir des groupes d’étudiants afin qu’ils visitent nos installations. On peut parler aussi longtemps qu’on veut à un groupe de personnes, mais ce qui change vraiment la donne, c’est si on peut les faire venir pour voir ce qui se fait.

Je suis tout à fait d’accord avec M. Garcia et ce qu’il a dit au sujet de l’importance de changer la perception liée à la fabrication et la fabrication de produits alimentaires en particulier. Nous mettons beaucoup l’accent sur la fabrication de produits alimentaires et sur la composante des services culinaires. C’est la raison pour laquelle nous offrons un programme d’innovation culinaire et de technologie alimentaire.

Beaucoup de commissions scolaires et d’écoles participent lorsque nous faisons venir des étudiants. Nous prenons le temps de leur montrer les différentes zones de programme, où ils peuvent apprendre des choses sur ce qu’ils doivent faire pour devenir des chefs. On fait aussi la même chose dans le cadre des programmes liés aux technologies alimentaires. Les gens apprennent qu’il ne s’agit pas seulement de devenir un chef. Lorsqu’on apprend à cuisiner, on peut devenir un développeur de produits ou encore s’occuper d’assurance de la qualité ou de contrôle de la qualité, entre autres.

Ils voient des choses existantes. Comme je l’ai mentionné, nous avons beaucoup de produits tangibles sur les tablettes à leur montrer. Les étudiants que nous embauchons sont très enthousiasmés par ce qu’ils font. Ils participent activement à tous les événements et toutes les activités.

Puis, un de leurs pairs ou quelqu’un d’un peu plus âgé qui a réussi dans un certain cheminement et qui fait preuve d’enthousiasme interagit avec une personne plus jeune, qui peut ainsi comprendre en quoi ce pourrait être une bonne occasion.

Pour répondre à votre question, la participation est bonne. Elle pourrait toujours être meilleure, j’en suis sûr. C’est probablement lié en partie au temps, aux ressources et au fait de pouvoir faire bouger les choses.

Nous mettons beaucoup l’accent sur les jeunes et nous les encourageons à comprendre qu’il y a de grands avantages qui attendent ceux qui poursuivent des études dans des établissements d’enseignement postsecondaire et optent pour des carrières au sein de l’industrie.

La sénatrice Bernard : Mon autre question concerne l’emploi et fait également suite à la question posée par le sénateur Oh.

Pour revenir au commentaire sur le multiculturalisme, j’irai un peu plus loin et je vous poserai la question suivante : est-ce que votre industrie prend des mesures proactives liées à l’équité en matière d’emploi?

Je pense ici au grand nombre de personnes de groupes racialisés, aux nouveaux Canadiens et ainsi de suite, des gens au chômage et qui ont de la difficulté à se lancer dans une carrière. Prenez-vous des mesures pour trouver des façons proactives d’utiliser la législation sur l’équité en matière d’emploi dans votre industrie?

L’un ou l’autre d’entre vous peut répondre.

M. Ashton : C’est assurément quelque chose que nous prenons très au sérieux. Notre centre d’innovation compte probablement 90 p. 100 de femmes pour 10 p. 100 d’hommes. Notre scientifique principale des produits alimentaires est arrivée du Mexique et a fréquenté l’Université de Guelph. Elle démontre une excellente intégration dans sa carrière et sa vie dans la région.

Nous sommes un collège de taille moyenne. Notre corps étudiant compte environ 11 000 personnes maintenant et il augmente. Nous sommes passés d’une représentation des étudiants internationaux de 36 p. 100 à 38 p. 100. Notre très important service des études internationales mise sur la diversité, l’inclusion, l’intégration efficace et des mesures de soutien à l’intention des personnes au sein du système scolaire.

Dans le cadre des volets éducatifs, on offre beaucoup de formation à l’intention du corps professoral pour veiller à ce que nous ayons cette approche en tête et que nous encouragions un environnement plus diversifié et inclusif.

De mon côté, nous cherchons activement des occasions de faire participer les étudiants internationaux. Ce n’est pas que les étudiants internationaux suivent des cours distincts. Ce sont tout simplement des étudiants internationaux qu’on traite comme les étudiants nationaux et comme tout le monde. Nous cherchons activement des façons d’accroître la participation.

Nous embauchons des étudiants de notre programme d’innovation culinaire et de technologie alimentaire. En tant qu’intervenants qui les embauchent et qui font partie du comité chargé de l’embauche, nous nous assurons activement qu’il y a assez d’occasions et que les étudiants internationaux d’antécédents ethniques différents y sont sensibilisés.

Nous mettons beaucoup l’accent également sur la participation des étudiants autochtones. Il s’agit de regarder les choses d’un point de vue très équilibré et égalitaire et d’adopter une approche qui l’est tout autant, en s’assurant de ne pas exagérer au point où les gens se sentent aliénés, mais tout en tenant compte de toutes ces choses au moment d’embaucher les gens, de leur enseigner et de les soutenir. Cela s’étend à nos services de carrière et inclut beaucoup de formation dans le domaine en plus d’efforts actifs pour offrir un soutien connexe. C’est quelque chose qui fait partie de la stratégie générale du collège.

M. Garcia : Pour revenir à la question précédente, les collèges font la promotion de leur programme dans les écoles secondaires de leur collectivité. Il y a une limite à ce que les collèges peuvent faire.

Nous avons des ressources très limitées pour ce genre d’activité. Nous nous rendons dans les bureaux des services d’immigration. Nous travaillons également en étroite collaboration avec les bureaux d’Emploi Ontario. Nous essayons de joindre les jeunes qui sortent de l’école secondaire et d’attirer les nouveaux immigrants ainsi que les Canadiens de deuxième génération et ceux qui en sont à une deuxième carrière.

Pour ce qui est de votre deuxième question, il est clair que les collèges attirent un grand nombre d’étudiants internationaux de nombreux pays différents. La Chine et l’Inde sont probablement les pays qui nous envoient le plus d’étudiants.

Nous avons un grand nombre d’étudiants internationaux dans nos programmes alimentaires au Collège Conestoga. Je dirais que 90 p. 100 de nos étudiants sont des étudiants internationaux. Ceux qui ont le droit de travailler après l’obtention de leur diplôme trouvent un emploi très vite.

Pour ce qui est de l’industrie et les politiques qui seraient nécessaires à cet égard, nous avons dépassé ce stade-là. Il y a beaucoup d’entreprises dont l’effectif est totalement composé de nouveaux immigrants de différentes régions du globe. Ce sont des Portugais, des personnes d’origine hispanique, d’Europe de l’Est, d’Inde et de Chine. Il y a des entreprises où l’on peut entendre plus de 20 langues lorsqu’on se promène sur le plancher de l’usine.

J’imagine qu’on en est là en raison du besoin de main-d’œuvre. Les entreprises embauchent les gens, peu importe leurs origines ethniques ou leur sexe. Je ne crois pas qu’il s’agisse encore d’un problème.

Le sénateur Mercer : M. Ashton a mentionné le fait que j’ai visité le Collège Niagara. J’encourage mes collègues à y aller s’ils ont l’occasion. J’ai trouvé qu’il s’agissait là d’un endroit unique qui offre une bonne formation donnant accès à une industrie que bon nombre d’entre nous tiennent pour acquis.

Vous avez tous les deux parlé des salaires qui sont près du salaire minimum, mais je crois que vous devez nous parler de l’avenir. Si je commence à ce niveau-là, où en serais-je dans 5 ou 10 ans si je reste dans le secteur? C’est là où il y a des occasions.

Il ne faut pas penser à ce que je ferai au cours des 18 à 24 prochains mois, mais ce que je ferai après ça et quelles seront mes occasions au niveau de la direction. Il y a de nombreux endroits, et tout le monde a besoin de bons gestionnaires.

Je veux poser une question sur un autre enjeu. Nous avons tous parlé de l’importance des étudiants internationaux. J’imagine que la raison pour laquelle les étudiants internationaux sont très utiles pour les collèges et les universités, c’est parce qu’ils paient le plein tarif. Il n’y a pas de subvention des gouvernements provinciaux ou d’autres programmes gouvernementaux. Ces personnes paient le vrai coût de la prestation du programme, ce qui donne à l’école plus de capitaux à réinvestir dans les programmes.

Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet?

M. Garcia : Vous avez tout à fait raison. Ils paient les pleins droits. Cependant, je ne crois pas que c’est la seule raison pour laquelle on note une croissance en ce qui concerne les étudiants internationaux.

Il y a aussi le fait que la situation démographique au Canada ne nous aide pas. Il y a de moins en moins de jeunes. C’est une tendance à la baisse qui dure depuis quelques années et qui continuera pendant encore deux ou trois ans. Il y a moins de personnes qui obtiennent un diplôme d’études secondaires que nous pouvons attirer dans nos collèges et nos universités.

Nous devons combler ce manque à gagner en nous tournant vers des étudiants internationaux aussi. Ce sont deux facteurs en cause.

M. Ashton : Je suis bien sûr d’accord avec cela. Non seulement il faut voir les tendances démographiques et liées à l’immigration, mais aussi l’environnement et les occasions offertes par les différents collèges. En outre, il ne faut pas oublier que, lorsque des étudiants arrivent dans un environnement qui est déjà très multiculturel, ils peuvent trouver là des endroits où ils sont à l’aise et des types de programmes d’éducation qui leur conviennent.

C’est en partie grâce aux activités de sensibilisation réalisées par l’intermédiaire du système collégial. Différents collèges comme les nôtres ont des programmes et différentes mesures dans les Émirats Arabes unis où les gens reconnaissent — même dans leur pays — qu’il y a de précieuses possibilités d’éducation offertes ici.

J’aimerais parler rapidement de votre premier commentaire sur le fait de penser à dans cinq ans. Je suis tout à fait d’accord avec vous. C’est là où le fait de compter sur des centres d’innovation est très avantageux.

Nous avons deux centres d’accès à la technologie. Nous avons en tout trois centres d’innovation, qui permettent aux étudiants de travailler comme employé et d’obtenir une formation pragmatique dans des environnements qui reproduisent ceux rencontrés au sein de l’industrie. Cela fait une très grande différence en ce qui concerne les salaires.

Une jeune femme qui allait obtenir son diplôme a travaillé avec nous avant l’été. Elle avait travaillé pour nous avec succès pendant quelques semestres, et elle a pu trouver un certain nombre de stages différents avec des entreprises comme McCain.

Elle a ensuite travaillé dans le cadre d’un projet précis où nous avons produit une boisson de rechange aux produits laitiers. Elle a été embauchée sur-le-champ. Le client était ravi parce qu’ils avaient travaillé côte à côte. Le processus de présélection avait déjà été fait.

Elle a dit : « C’est parfait. Merci. Je vais y penser. » En effet, un autre employeur à Toronto voulait ses services. Lorsqu’ils ont vu qu’elle allait peut-être choisir l’autre employeur, ils lui ont offert 10 000 $ de plus en salaire de départ.

Il va sans dire qu’elle a accepté. Le fait d’apporter ces changements sur le terrain et de faire ce genre de choses progressivement aide à changer les types de salaires que les gens peuvent obtenir. Tout cela commencera à avoir une incidence sur l’industrie en ce qui concerne les salaires de départ qu’il faut offrir pour attirer des talents.

Remarquez que l’exemple concernait le programme d’innovation culinaire et de technologie alimentaire, l’accent étant sur la fabrication et la mise au point de produits alimentaires, pas simplement la cuisine et les arts culinaires.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma première question s’adresse à M. Ashton. Est-ce que le financement public ralentit parfois vos interventions? Auriez-vous besoin de plus de financement public pour vous donner un coup de pouce et pour faire avancer vos interventions?

[Traduction]

M. Ashton : Oui. Je dirais que c’est assurément bénéfique. Pour parler plus précisément du financement, il faut trouver des occasions de financement pluriannuel.

Nous reconnaissons du soutien que nous recevons du CRSNG ou du CNRC dans le cadre d’enveloppes de financement d’un an ou deux. Cependant, en tant que personne responsable de la dotation d’un centre comptant sur du personnel hautement qualifié et de veiller à ce que la machine continue de tourner, je peux vous dire que des programmes qui fournissent un soutien à plus long terme nous permettraient assurément de maintenir en poste des gens talentueux pour ensuite procéder à ce transfert de connaissances vers nos entreprises et nos étudiants.

Je ne dis pas que nous ne sommes pas reconnaissants. Encore une fois, je repense au programme des centres d’accès à la technologie et son financement renouvelable sur cinq ans. C’est un excellent programme. Je sais qu’on répartit le financement à l’échelle du pays. Ces types de choses changent vraiment la donne, y compris en permettant d’avoir accès à des fonds plus accessibles de façon à ce que les clients puissent acheter l’équipement dont ils ont besoin pour réaliser leur rêve.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur Garcia, dans le domaine des boissons, où vos concurrents se trouvent-ils au Canada? Vous avez mentionné qu’il y avait un frein à l’investissement dans votre domaine et que ce n’était pas facile pour la main-d’œuvre; mais, à court terme, où se trouvent les concurrents au Canada dans le domaine des boissons, et quel serait votre potentiel pour faire évoluer davantage votre marché?

[Traduction]

M. Garcia : La majorité des fabricants des boissons sont des multinationales, comme Nestlé Water, Coke, Pepsi et les fabricants de jus d’autres pays. Ces entreprises ont de grandes exploitations au Canada, mais elles n’appartiennent pas à des Canadiens. L’entreprise de jus Lassonde, au Québec, représente à peu près le plus gros fabricant qu’on rencontre ici.

Un certain nombre de fabricants de boissons de petite taille ou de taille moyenne sont confrontés au défi de l’accès aux technologies adaptées à leur échelle, mais il y a des entreprises qui font du très bon travail pour produire différents types de boissons.

Il y a une importante industrie du cidre de pomme en Ontario et au Québec. De plus, le jus de pomme est fabriqué dans différentes administrations, mais les compétiteurs viennent principalement de l’extérieur du Canada.

Le sénateur C. Deacon : Les témoins n’auront peut-être pas le temps de répondre à la question, vu nos contraintes temporelles. Vous pourriez peut-être vous en tenir à de brefs commentaires ici, mais je vous demanderais de faire un suivi auprès du greffier si vous avez des réflexions approfondies dont vous voulez bien nous faire part par la suite.

Étant donné votre grande expérience de travail auprès de deux programmes collégiaux, je me questionne sur les entreprises qui ont le mieux réussi à cerner un besoin, puis à mettre au point un produit et le commercialiser et sur les entreprises qui ont eu le moins de succès en la matière.

Je suis sûr que vous avez cerné certaines caractéristiques propices à la réussite, et, selon moi, ce serait très utile pour nous de comprendre en quoi consistent ces caractéristiques des entreprises qui ont vraiment compris.

Veuillez formuler quelques commentaires maintenant, mais, puisque je veux m’assurer que mes collègues puissent aussi poser des questions, vous pourriez y réfléchir et nous revenir là-dessus. Vous pourriez faire un suivi et nous fournir des renseignements supplémentaires, parce que je crois que ce serait très utile.

M. Ashton : J’en reviens à ce que M. Garcia a dit sur la gestion des affaires qui est un enjeu clé. La plupart des gens avec lesquels nous interagissons et qui ne réussissent pas échouent dans le volet des affaires, qu’on parle d’étude de marché, d’essai de marché ou de faisabilité. Ce sont assurément les domaines qui présentent des défis pour les gens.

Le sénateur C. Deacon : Et qu’en est-il des ventes et du marketing?

M. Ashton : Oui, mais il est davantage question de cerner un besoin sur le marché, puis de profiter de l’occasion plutôt que de produire quelque chose qui n’intéressera pas les gens.

M. Garcia : Je crois qu’il y a deux facteurs clés. Dans un premier temps, il y a la capacité de mettre au point un solide plan d’affaires et tout ce que cela inclut. C’est un élément majeur. Si on veut réussir, il faut un solide plan d’affaires qui est bien préparé. Il faut aussi avoir une certaine compréhension des technologies requises pour gérer l’entreprise. On ne peut pas vraiment avoir du succès sans ces choses. La majeure partie des entreprises que j’ai vu échouer n’ont pas réussi parce qu’elles ne possédaient pas les capacités nécessaires pour produire un plan d’affaires.

Le sénateur C. Deacon : Il serait très utile que vous nous fournissiez toutes les données probantes que vous avez pour soutenir ces positions. Communiquez-nous ce que vous dit votre instinct, mais accompagnez tout ça de données probantes lorsque c’est possible.

La présidente : Vous pourriez envoyer tout ça à Kevin Pittman, le greffier du comité.

La sénatrice Gagné : Félicitations au Collège Niagara, qui a reçu la distinction Or dans le domaine de la recherche appliquée et de l’innovation de la Fédération mondiale des collèges et des écoles polytechniques.

Ma question rapide concerne le transfert des connaissances qui est important pour la recherche et le développement, pour favoriser l’innovation et pour permettre l’échange d’idées et de techniques. C’est bon pour les professeurs, les entreprises et les étudiants.

Y a-t-il des producteurs ou des groupes de gens d’affaires qui participent à des programmes précis offerts par vos collèges?

M. Ashton : Je suis d’accord avec vous pour dire que le transfert des connaissances a préséance sur tout ce que nous envisageons de faire. C’est la raison pour laquelle différents types de technologies nous sont accessibles.

Pour revenir, moi aussi, sur ce qu’a dit M. Garcia, le fait d’aider les différents producteurs à surmonter leurs défis en atténuant les risques associés au processus leur permet d’avoir accès à de l’équipement et à de la formation fournie par ceux qui leur donnent accès à l’équipement.

Nous travaillons en très étroite collaboration avec Food and Beverage Ontario. Nous misons sur un comité consultatif de l’industrie pour nos centres d’accès à la technologie. Ce comité compte des représentants d’un certain nombre d’associations. Nous organisons des événements et des activités d’engagement dans le cadre desquels différents partenaires de l’industrie peuvent apprendre de nous.

Nous allons bientôt ouvrir les portes d’une nouvelle installation de traitement d’essai de boisson. Nous espérons que tout sera prêt vers le milieu de 2019. L’idée, ici, c’est d’aider à accroître la quantité de connaissances et le niveau de compréhension des différents producteurs de multiples types d’équipement pour les aider à prendre des décisions d’investissement plus efficaces.

La sénatrice Gagné : Et qu’en est-il de l’éducation permanente?

M. Ashton : Nous offrons des programmes de formation continue très solides, au point où nous en avons maintenant fait une facette permanente de notre travail que nous appelons Expert Edge. Nous offrons l’ensemble de nos différents types de formations à la lumière de nos programmes couronnés de succès.

Nous en avons fait des académies. Maintenant, par exemple, nous avons une académie brassicole, où les gens peuvent avoir accès à l’équipement pour une courte durée et apprendre par le fait même.

M. Garcia : Nous travaillons en très étroite collaboration avec les entreprises, alors le transfert des technologies mises au point est quasiment immédiat. Il n’y a pas d’innovation à la fin d’un projet si ça ne se produit pas. Tout ce que nous faisons doit être transféré à l’entreprise avec laquelle nous travaillons.

Nous avons un certain nombre de projets et de centres différents au Collège Conestoga. Nous travaillons en collaboration avec le Centre for Smart Manufacturing pour soutenir l’industrie alimentaire afin qu’elle adopte des méthodes de fabrication intelligente ainsi que des nouveautés en matière de fabrication, y compris la robotique automatisée. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec Food and Beverage Ontario et l’association des transformateurs de viande indépendants, le plus important secteur industriel en Ontario.

La sénatrice Busson : Pour revenir rapidement sur vos commentaires concernant les outils internationaux, j’ai reçu récemment la visite d’un certain nombre d’étudiants de niveau présecondaire et postsecondaire. Ils disaient que, au moment de trouver des programmes d’enseignement coopératif et de stages, ils rencontraient des difficultés au moment d’obtenir la permission de travailler au Canada et de participer à de tels programmes.

Avez-vous rencontré ces obstacles lorsque vous interagissez avec des étudiants étrangers au moment de leur permettre de participer pleinement à vos programmes d’enseignement coopératif?

M. Garcia : Non, ce n’est pas un problème que nous avons rencontré. Les étudiants étrangers qui ont des visas d’étudiant arrivent avec un permis de travail leur permettant de travailler pendant un certain nombre d’heures par semaine pendant leurs études.

La sénatrice Gagné : C’est 20 heures.

M. Garcia : Oui. Lorsqu’ils ne sont pas à l’école et qu’ils participent à un stage coopératif, ils peuvent travailler une semaine complète de 44 heures.

Je crois que le gouvernement fédéral a fait du très bon travail au moment de créer des occasions pour que les étudiants étrangers obtiennent un permis de travail après l’obtention de leur diplôme. Si ces gens effectuent deux ans de formation scolaire au Canada, ils sont admissibles à un permis de travail de trois ans.

C’est aussi très intéressant pour l’industrie, parce que les intervenants savent qu’ils investissent dans quelqu’un qui restera auprès d’eux pendant au moins trois ans. Une fois que les gens ont étudié ici pendant deux ans, puis travaillé trois ans au sein de l’industrie, ils peuvent présenter une demande de résidence permanente.

Je crois que c’est une excellente occasion pour les étudiants étrangers. Environ 99 p. 100 d’entre eux viennent au Canada parce qu’ils veulent rester ici.

La présidente : Je remercie nos deux témoins. Il y avait beaucoup de questions aujourd’hui, alors vous savez qu’on s’intéresse beaucoup à ce sujet.

Pour ce qui est de notre prochain groupe de témoins, nous accueillons Rex Newkirk, professeur agrégé et responsable scientifique du Canadian Feed Research Centre de l’Université de la Saskatchewan, et Heather Hill, directrice de la recherche, Recherche culinaire et innovation au Paterson GlobalFoods Institute, du Collège Red River.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Madame Hill, la parole est à vous.

Heather Hill, directrice de la recherche, Recherche culinaire et innovation, Paterson GlobalFoods Institute, Collège Red River : Merci de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui en tant que représentante du programme de recherche culinaire et d’innovation du Collège Red River sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés mondiaux.

Pour commencer, je vous fournirai certains renseignements contextuels au sujet du département des partenariats de recherche et de l’innovation du Collège Red River, y compris le programme de recherche culinaire et d’innovation, qui est situé dans le Paterson GlobalFoods Institute, tout comme notre école d’hôtellerie et d’art culinaire. Je vais ensuite aborder les sous-thèmes de l’étude liée au travail que nous faisons en matière de recherche culinaire et d’innovation.

Le Collège Red River est l’institut d’apprentissage appliqué offrant les services les plus complets au Manitoba et un chef de file en recherche appliquée et en commercialisation, mené par les partenariats de recherche et d’innovation. Le programme de recherche appliquée et d’innovation du collège est maintenant en place officiellement depuis 15 ans.

Au cours des cinq dernières années, les 550 partenariats du collège avec des organisations canadiennes et internationales ont donné lieu à des produits, des processus et des services nouveaux ou améliorés. Les activités de recherche appliquée se concentrent sur quatre principaux domaines et soutiennent de nombreux secteurs, y compris l’aérospatiale, les véhicules lourds, la fabrication, le transport, la construction, les affaires, la santé et les services communautaires, les technologies de l’information et des télécommunications et l’agriculture à valeur ajoutée.

Notre mission consiste à cerner et à évaluer de nouvelles occasions de travailler en collaboration avec l’industrie dans le cadre de projets de recherche appliquée visant à régler les problèmes actuels au sein de l’industrie, à profiter des occasions de demain au sein de l’industrie et à former les chefs de file de l’industrie de demain.

La recherche, les partenariats et l’innovation sont le moteur de la capacité en assurant la coordination entre les problèmes et les besoins de l’industrie et l’expertise, les ressources, les capacités et les installations des collèges. Cet effort coordonné permet de trouver des solutions pratiques et novatrices pour l’industrie tout en enrichissant l’expérience du corps enseignant, du personnel et de nos 21 000 étudiants, y compris des étudiants étrangers de plus de 60 pays, chaque année.

Le programme de recherche culinaire et d’innovation a été créé en 2012. Il met l’accent sur des activités de recherche appliquée dans le secteur agroalimentaire pour soutenir les petites et moyennes entreprises du Manitoba, et il s’étend dans différentes régions de l’Ouest canadien. On y arrive grâce à une équipe de chefs et de scientifiques des produits alimentaires qui utilisent leurs ensembles de connaissances pour répondre aux besoins de l’industrie. L’industrie locale a confirmé que les capacités culinaires offertes grâce au programme de recherche culinaire et d’innovation viennent compléter les ressources scientifiques et commerciales actuellement offertes au Manitoba.

Le programme de recherche culinaire et d’innovation s’est trouvé un créneau important en soutenant les petites entreprises qui ont besoin de réaliser des activités de prototypage et d’apporter des modifications liées à la salubrité alimentaire pour améliorer leurs produits et leur processus. Nous participons aussi à des projets de recherche axés sur la collaboration faisant intervenir plusieurs partenaires.

Je vais maintenant aborder le premier sous-thème de l’étude du Sénat : quel est l’avantage comparatif du secteur canadien des aliments à valeur ajoutée?

Le Canada mise sur un solide système d’éducation et de formation incluant les universités, les collèges et les écoles polytechniques, générant ainsi une main-d’œuvre qualifiée capable de relever les défis associés à l’amélioration de notre secteur alimentaire à valeur ajoutée. Le rôle d’un collège qui mise sur la recherche appliquée ou d’un institut d’éducation consiste à préparer les étudiants aux emplois de demain et à prévoir ce que les grandes sociétés multinationales situées au Manitoba attendront de leur main-d’œuvre à l’avenir.

On peut donner l’exemple de l’usine de fractionnement des pois qui déménagera au Manitoba. Nous abordons cette situation liée au secteur alimentaire à valeur ajoutée en créant un programme de recherche culinaire au Manitoba pour répondre aux besoins d’un secteur qui croît et innove continuellement.

Le Collège Red River forme aussi des étudiants autochtones en arts culinaires, ce qui pourrait mener à des occasions de mise au point de produits alimentaires canadiens uniques, à l’intégration des aliments traditionnels dans les menus des restaurants et à des occasions de mise au point de produits alimentaires.

Deuxièmement, le Canada mise sur de solides programmes de recherche et de recherche appliquée. Le fait de soutenir la recherche et l’innovation aide à transformer les produits de base en produits alimentaires à valeur ajoutée. Les recherches réalisées sur la production, la fonction et l’utilisation des protéines végétales ont bénéficié d’un solide soutien au Canada. En raison de cette prévoyance, l’industrie est maintenant capable de répondre à la demande croissante en protéines végétales et a fait du Canada un fournisseur de choix à l’échelle internationale en protéines végétales, comme les légumineuses, qui sont cultivées à grande échelle dans les Prairies canadiennes.

Troisièmement, beaucoup de ressources sont disponibles pour aider l’industrie à créer des produits agroalimentaires à valeur ajoutée, y compris des programmes de financement et l’accès à de l’expertise technique et des infrastructures. Le rôle du programme de recherche culinaire et d’innovation est d’exporter le fruit du travail de prototypage et de développement précoce, et de préparer les petites et moyennes entreprises aux prochaines étapes de leur expansion.

Le deuxième sous-thème de l’étude du Sénat est le suivant : quelle est la capacité du secteur alimentaire de produire des produits à valeur ajoutée afin de répondre à la demande mondiale des consommateurs tout en demeurant concurrentiel dans le marché canadien?

Il y a de fortes exportations au Canada à l’étape de l’innovation et de la mise au point de produits. Le programme de recherche culinaire et d’innovation n’est qu’une des composantes du domaine de l’innovation alimentaire dans les Prairies.

La collaboration accrue entre ces différents groupes aide à renforcer la qualité des produits à valeur ajoutée et à informer les entreprises des exigences requises pour exporter des produits alimentaires, tandis que les entreprises prennent de l’expansion et cherchent de nouveaux débouchés pour leurs produits. Le fait de renforcer la capacité de recherche culinaire dans l’Ouest canadien accroît la capacité de générer des produits à valeur ajoutée qui répondent aux demandes des consommateurs à l’échelle internationale en comblant le manque de soutien à l’égard des idées novatrices en matière d’aliments, en donnant aux intervenants l’accès à des usines d’essai et en leur permettant, au bout du compte, d’aboutir à la production commerciale de leurs produits.

Mentionnons aussi la prestation d’une formation aux étudiants en arts culinaires afin qu’ils puissent profiter de nouveaux débouchés au sein d’équipes de recherche et de développement alimentaire dans des sociétés multinationales situées au Canada afin de cibler les occasions d’exportation.

La dernière question était la suivante : quel soutien devrait-on fournir aux intervenants de l’industrie du point de vue des technologies, de la commercialisation et d’autres domaines? Lorsqu’on discute de ce défi avec nos clients qui se tournent vers le programme de recherche culinaire et d’innovation pour y réaliser des recherches appliquées, les principaux obstacles dont on entend parler incluent les coûts pour réaliser des recherches, y compris l’accès à du financement de recherche, les coûts de la commercialisation, la rapidité avec laquelle les produits peuvent déboucher sur le marché, les défis associés au fait de passer de la cuisine aux opérations commerciales et les défis techniques concernant les ingrédients, l’équipement et la réglementation.

Il y a beaucoup de soutien au niveau collégial en ce qui concerne les projets de recherche appliquée et les projets menés par l’industrie par l’intermédiaire de programmes de financement provinciaux et fédéraux, ce qui permet aux petites entreprises d’avoir accès à une expertise qui n’est pas normalement à leur disposition. Cependant, il y a certaines lacunes. Par exemple, il est difficile d’obtenir du soutien pour réaliser des essais cliniques.

Nous avons aussi constaté des lacunes quant à la capacité de nos clients d’élargir leurs activités et d’être concurrentiels sur le marché. Il y a un gouffre énorme entre la mise au point de produits et la commercialisation, l’emballage, le respect de la réglementation en matière d’étiquetage et la production destinée aux marchés d’exportation.

Les entreprises font souvent appel à des fabricants et à des conditionneurs à contrat pour passer de la mise au point des produits et de la transformation à petite échelle à une transformation plus importante afin de répondre à la demande de leurs nouveaux marchés ou de leurs exportations. Les possibilités accrues de fabrication et de conditionnement en sous-traitance peuvent aider à soutenir le secteur alimentaire à valeur ajoutée au Canada et à promouvoir l’exportation de produits finis plutôt que l’exportation de produits de base qui consistent en des ingrédients crus et des matières premières. En outre, des installations d’aliments spéciaux sont également requises pour des produits sans gluten et sans allergènes afin que l’on puisse répondre à la demande croissante de ces produits dans notre système alimentaire.

Les petites et moyennes entreprises recherchent des investissements dans des infrastructures en ce qui concerne l’équipement et les installations. Au bout du compte, le secteur alimentaire est risqué, avec des obstacles faibles à l’entrée et de nombreuses marges prises tout au long de la chaîne de distribution avec des volumes de production importants exigeant des coûts initiaux très élevés. Le gouvernement canadien s’attaque à bon nombre de ces problèmes grâce aux possibilités de financement dans le cadre du Partenariat canadien pour l’agriculture.

Dans la perspective de défis futurs auxquels sont confrontés le secteur alimentaire à valeur ajoutée et les exportations, la mise au point de nouvelles technologies destinées à améliorer la durabilité de la transformation et de l’emballage des aliments sera nécessaire pour nourrir le monde au-delà de 2050. Grâce à la mise au point de nouvelles technologies par des chercheurs universitaires et gouvernementaux, en collaboration avec des instituts de recherche appliquée, le système alimentaire canadien à valeur ajoutée demeurera viable pendant des générations.

Je suis impatiente de répondre aux nombreuses questions que vous pourriez avoir sur le rôle du programme Recherche culinaire et innovation du Collègue Red River dans le développement de notre secteur alimentaire à valeur ajoutée pour les marchés mondiaux.

Rex Newkirk, professeur agrégé et responsable scientifique, Canadian Feed Research Centre, Université de la Saskatchewan : Merci de me donner l’occasion de parler de cet important sujet.

Le College of Agriculture and Bioresources aide depuis longtemps le secteur à valeur ajoutée en mettant au point de nouveaux produits et en réduisant les coûts de transformation. Ce succès est attribuable en grande partie à un groupe d’organisations étroitement liées qui travaillent ensemble dans un but commun. Ce regroupement inclut le Saskatchewan Food Industry Development Centre, POS Bio-Sciences, Innovation Place et de nombreux autres conseils, commissions et centres de développement des produits de base au sein de l’université, comme le Canadian Feed Research Centre, le Crop Development Centre, le Prairie Swine Centre, le Centre canadien de rayonnement synchrotron et le Livestock and Forage Centre of Excellence nouvellement ouvert, ainsi que plusieurs autres.

La plupart de ces centres, voire la totalité, ont tous été rendus possibles grâce à des fonds d’investissement fédéraux comme la Canadian Foundation for Innovation and Research, appuyée par divers programmes de financement fédéraux. Vous serez peut-être étonnés de m’entendre inclure les centres d’élevage et d’alimentation dans cette liste, mais on ne saurait trop insister sur l’importance d’avoir des marchés à valeur ajoutée pour tous les coproduits issus de la fabrication de produits alimentaires. Le manque de débouchés pour ces produits, qui représentent souvent le volume le plus important de matières produites, réduit considérablement la compétitivité de l’entreprise dans son ensemble.

Je suis responsable scientifique du Canadian Feed Research Centre. Nous soutenons l’essor des industries des aliments en créant de la valeur à partir de leurs coproduits. En maximisant les valeurs nutritionnelles et fonctionnelles de ces produits, nous augmentons la valeur marchande de ces matières.

Nous devons nous rappeler que l’agriculture animale est une industrie à valeur ajoutée. Les coproduits de qualité médiocre, qui pourraient autrement être mis au rebut sont souvent transformés en protéines animales de grande valeur, apportant une contribution essentielle à la sécurité alimentaire dans le monde. C’est dans ce contexte que je vous parle aujourd’hui.

Il existe de nombreux exemples intéressants de transformation des aliments à valeur ajoutée au Canada, et les entreprises prospères ont mis sur le marché toute la gamme de produits qu’elles fabriquent. À titre d’exemple, mentionnons l’industrie de la transformation du canola, qui a connu une croissance exponentielle dans l’Ouest canadien et qui conserve une grande partie de la valeur ajoutée au pays. Dans ce cas, le produit principal est l’huile de canola, mais elle ne compte que pour 40 p. 100 environ des grains.

L’autre proportion de 60 p. 100 approximativement est un aliment riche en protéines utilisé pour l’alimentation du bétail. D’autres initiatives axées sur la valeur ajoutée ont échoué, car elles n’étaient pas axées sur la valorisation des coproduits ni les coûts supplémentaires de leur élimination lorsqu’elles n’avaient pas de marchés pour ceux-ci. C’est là un point important. Un secteur de la transformation des aliments et un secteur de l’élevage sains sont interreliés et se rendent mutuellement plus rentables et compétitifs, mondialement.

Afin que l’on puisse comprendre ce qu’il faut pour accroître notre compétitivité à l’échelle mondiale, nous devons reconnaître nos avantages relatifs. L’un d’entre eux est une offre abondante d’ingrédients de haute qualité produits dans un environnement propre et sûr. Cela est le résultat d’excellents programmes de sélection de plantes et d’agronomie. Cet aspect doit continuer d’être un objectif.

Nous avons un accès fiable à une eau de bonne qualité et à une énergie abordable sous forme d’électricité et de gaz naturel. Il existe une forte relation de collaboration entre l’industrie et le monde universitaire, qui crée des occasions pour de nouveaux produits ainsi qu’une efficacité et une productivité accrues. En outre, nos universités et nos écoles techniques forment un personnel hautement qualifié qui soutient la croissance de ces industries.

Le Canada doit tenir compte de certaines limites. En tant que titulaire de chaire de recherche sur la technologie de transformation des aliments pour animaux, je travaille avec des sociétés qui ont créé ou qui sont en train de créer des entreprises de transformation des aliments à valeur ajoutée. J’ai observé quelques problèmes principaux qui se posent régulièrement.

Certaines questions sont bien connues et reconnues et ont fait l’objet d’initiatives gouvernementales. Dans un pays de notre taille, qui dépend des marchés d’exportation, la fiabilité des transports est essentielle. L’industrie alimentaire est passée à un système de gestion des stocks « juste à temps ». Il est essentiel que les clients reçoivent régulièrement et sans interruption les produits dont ils ont besoin. De même, nous avons besoin de frontières ouvertes et transparentes pour éviter les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce. Encore une fois, notre gouvernement travaille avec diligence dans ces domaines. Il est important qu’il continue à le faire.

Le problème le plus difficile est peut-être la complexité et la lenteur excessive de l’enregistrement des ingrédients de l’aliment par l’ACIA. À notre centre, nous aidons les entreprises à faire enregistrer leurs coproduits, car sans cet enregistrement, les nouveaux produits ne pourraient pas être utilisés au Canada. Le processus est extrêmement lent et lourd, bien plus que celui de nos pays concurrents. Tout le monde convient que l’ACIA joue un rôle important dans la garantie que les produits que nous utilisons pour l’alimentation sont sans danger pour les animaux et les humains. Cependant, la plupart des gens conviendraient que le système actuel va bien au-delà de cette exigence et fait du Canada un endroit où il est difficile de faire des affaires.

Malheureusement, il faut généralement compter deux ou trois ans pour l’enregistrement. C’est regrettable, mais cela doit être fait à plusieurs reprises pour chaque ingrédient. L’approbation d’un poulet à griller ne signifie pas que l’enregistrement est autorisé pour les poules pondeuses, les porcs, les vaches ou toute autre espèce. Les pays doivent faire des recherches et demander l’enregistrement séparément pour chacun. En outre, l’ACIA non seulement exige des preuves d’innocuité, mais détermine également ce qu’elle considère comme l’inclusion maximale en fonction des paramètres de production, ce qui rend les études requises beaucoup plus longues et plus coûteuses à réaliser.

Il existe une longue liste d’exemples, mais permettez-moi de vous en donner un. J’aide une entreprise locale qui donne en sous-traitance la production d’une nouvelle culture, la caméline, qui possède des attributs uniques. Jusqu’à récemment, la culture était produite au Canada, mais expédiée aux États-Unis pour transformation, car l’entreprise n’avait pas l’autorisation au Canada de vendre l’aliment, qui compte pour 75 p. 100 de la moulée.

Aux États-Unis, il n’a fallu que six mois environ pour l’approbation du produit et son arrivée dans l’industrie de l’alimentation animale. Cela a pris des années au Canada, et il n’a été approuvé jusqu’à présent que pour les poules pondeuses et les poulets à griller. Nous avons demandé à inclure jusqu’à 25 p. 100 de ce produit dans le régime alimentaire, mais l’ACIA l’a limité à 10 p. 100 chez les poules pondeuses. Sur le plan commercial, les entreprises souhaitent inclure 18 p. 100 du produit afin d’atteindre leurs objectifs en oméga-3, mais elles ne sont pas autorisées à le faire, et aucune raison n’a été donnée.

En règle générale, l’ACIA exige trois études sur la production de bétail qui doivent examiner les données de production à long terme plutôt que la seule innocuité du produit. L’exigence peut être réduite à deux études s’il existe des données importantes provenant d’autres pays où les produits sont sur le marché depuis un certain temps. Les données sont ensuite compilées dans un rapport et soumises pour examen.

Traditionnellement, il faut au moins huit mois après la présentation pour recevoir des commentaires. Pour notre demande la plus récente, les responsables ont indiqué que nous aurions de leurs nouvelles dans 350 jours, avec leurs questions. Cela ne signifie pas que la demande sera approuvée. L’ACIA fournira plutôt des questions et des commentaires. Rappelez-vous que cela s’ajoute aux nombreuses études requises pour la préparation de la demande, ce qui peut prendre un ou deux ans. Cela doit être fait maintes et maintes fois afin que nous puissions l’utiliser dans une vaste gamme de régimes.

Plusieurs entreprises intéressées à construire des usines au Canada et à exporter des ingrédients alimentaires à valeur ajoutée ont communiqué avec moi. Cependant, lorsque je leur explique le temps et l’argent nécessaires pour vendre leurs coproduits au Canada, elles choisissent le plus souvent de construire au sud de la frontière ou en Europe, où le processus est plus rapide et plus prévisible et où les marchés sont plus grands.

Dans d’autres cas, j’ai parlé à des entreprises qui avaient commencé à construire de grandes usines au Canada, mais n’avaient pas examiné ce qu’il fallait pour la vente et l’enregistrement de coproduits au préalable. C’est une tragédie, car elles devront enfouir de grands volumes de produits ou les exporter à grands frais pendant plusieurs années jusqu’à l’obtention de l’enregistrement.

Cette situation non seulement influe sur la capacité de l’entreprise à être concurrentielle, mais elle peut également entraîner la faillite d’entreprises. C’est regrettable, sinon le Canada disposerait des conditions requises pour soutenir des entreprises viables et concurrentielles à valeur ajoutée.

L’ACIA s’est efforcée de moderniser ses systèmes et de consulter le secteur en vue d’apporter des améliorations. Cependant, des progrès supplémentaires s’imposent, car, sans changement, la capacité du Canada d’être concurrentiel restera compromise, ce qui continuera de décourager la production au Canada.

Au Canada, il existe de nombreux exemples intéressants de transformation d’aliments à valeur ajoutée qui ont connu beaucoup de succès, comme des légumineuses, des oléagineux et des céréales. Dans bon nombre de ces cas, les produits ont bénéficié d’une clause de droits acquis dans l’enregistrement et ont ainsi pu éviter ces problèmes. Sinon, ils n’auraient probablement pas eu de succès non plus.

Ces exemples démontrent qu’il est possible d’avoir au Canada une transformation à valeur ajoutée capable de soutenir la concurrence mondiale. Le gouvernement du Canada a judicieusement investi dans des initiatives comme la Supergrappe des industries des protéines, qui vise à mettre au point de nombreux produits à valeur ajoutée grâce auxquels le Canada devrait être en mesure de faire concurrence. Un investissement continu et prévisible à long terme dans la recherche est nécessaire pour la création de débouchés au Canada. Toutefois, si nous ne sommes pas en mesure de vendre d’importants volumes de coproduits à l’industrie de l’élevage, la fabrication à valeur ajoutée ne connaîtra pas un essor à la hauteur de son potentiel au nord de la frontière.

Il est donc important d’axer nos recherches non seulement sur les produits alimentaires à valeur ajoutée, mais également sur les coproduits de ces industries. Cela soutient également l’industrie canadienne de l’élevage, car celle-ci fournit toute une gamme d’ingrédients dont elle a besoin pour être compétitive à l’échelle mondiale.

Le College of Agriculture and Bioresources de l’Université de la Saskatchewan, ainsi que de nombreux centres au sein du collège, dont le Canadian Feed Research Centre, sont bien équipés et heureux de pouvoir mettre au point des produits nouveaux et novateurs à valeur ajoutée que notre industrie peut produire de manière concurrentielle. Grâce à un partenariat continu et à un appui soutenu du gouvernement canadien en partenariat avec l’industrie, nous serons en mesure de continuer à soutenir cette importante industrie à l’avenir.

[Français]

Le sénateur Maltais : Madame Hill, monsieur Newkirk, bienvenue et merci beaucoup pour votre excellent mémoire. Madame Hill, vos étudiants proviennent-ils tous uniquement du Manitoba?

[Traduction]

Mme Hill : Oui, nous sommes situés au Manitoba, et la plupart de nos étudiants sont au Manitoba. Je ne suis pas sûr de la provenance du reste de nos étudiants dans l’ensemble du Canada. Je peux obtenir des chiffres à ce sujet pour vous. Nous avons également un contingent d’étudiants étrangers.

[Français]

Le sénateur Maltais : Quel type de diplôme vos étudiants reçoivent-ils à la fin de leurs études dans votre établissement?

[Traduction]

Mme Hill : Il s’agit d’un programme menant à un diplôme d’études collégiales similaire au programme du Collège Niagara. Les étudiants qui décrochent leur diplôme en arts culinaires obtiennent ensuite leur certification Sceau rouge dans le cadre de programmes d’apprentissage.

[Français]

Le sénateur Maltais : Comme vous le savez, le mandat de notre comité vise la valeur ajoutée. En cuisine, comment fait-on pour ajouter de la valeur à une pomme de terre cuite au four, à titre d’exemple?

[Traduction]

Mme Hill : Il y a le volet pratique en cuisine, mais, un peu comme le Collège Niagara, nous travaillons également au sein d’une équipe mixte de recherche culinaire où nous intégrons les compétences des arts culinaires aux programmes et principes de la science alimentaire.

Pour ce qui est de la valeur ajoutée à une pomme de terre, ce serait un produit alimentaire vendu au détail. Nous travaillerions en étroite collaboration avec le client afin d’établir une occasion de commercialisation pour lui.

[Français]

Le sénateur Maltais : Les grandes chaînes d’épicerie à travers le Canada ont-elles des contacts avec votre établissement? Est-ce qu’elles vous consultent à l’occasion?

[Traduction]

Mme Hill : Nous travaillons principalement avec des petites et moyennes entreprises qui entrent dans le système alimentaire et souhaitent participer à l’élaboration de produits et fabriquer leurs propres produits pour les envoyer dans les magasins.

Nous avons commencé à travailler avec certaines industries de service alimentaire pour rechercher des occasions d’innovation au sein du service alimentaire, mais pour l’essentiel, nous travaillons avec de petits clients. Nous avons travaillé avec des multinationales à la création de produits alimentaires au moment d’élaborer le prototype initial. Nous travaillons à la formulation et à la création de prototypes. La société prend ensuite le produit et travaille à l’améliorer.

Nous encourageons habituellement les gens à travailler avec un des plusieurs centres d’innovation alimentaire disponibles dans l’Ouest du Canada ou même dans l’Est du Canada, selon les compétences qui sont nécessaires. Elles travaillent avec nous au début, puis font avancer leurs compétences dans l’innovation alimentaire et, enfin, dans leur propre fabrication ou en utilisant des fabricants ou des emballeurs contractuels.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Newkirk, je crois que, dans votre cas, la valeur ajoutée n’est pas la paperasse gouvernementale, qui semble plutôt être un frein aux investisseurs étrangers qui songent à investir au Canada.

Il faut donner la chance aux entreprises de s’installer au Canada et de se servir de nos produits pour les commercialiser. Auriez-vous une recommandation précise à faire au comité, toujours dans le but d’ajouter de la valeur aux produits canadiens? Si j’ai bien compris votre mémoire, les investisseurs étrangers connaissent de graves problèmes en matière de certification. Quelles recommandations nous feriez-vous à ce sujet?

[Traduction]

M. Newkirk : Je crois que ma recommandation, ce serait que nous ayons un système très apparent qui est prévisible pour les gens. Ce n’est pas seulement lié aux investissements étrangers qui arrivent au Canada. Cela concerne aussi des investisseurs canadiens au Canada, et c’est pour convertir nos produits. Cela touche tout le monde.

Lorsque vous pénétrez en ce moment dans le système, on ne sait pas tout à fait combien d’études vous devez faire et où se trouve en réalité la fin, car c’est un peu comme une cible mobile.

Une partie de la difficulté tient au fait que le rôle de l’ACIA est un peu confus. Elle ne sait pas s’il s’agit juste de sécurité et elle adopte donc une perspective beaucoup plus large.

Mon conseil, ce serait qu’on s’assure qu’elle comprend bien son processus, ce qu’elle doit faire. Si la sécurité est sa priorité, qu’elle mise là-dessus pour s’assurer qu’elle tient bien compte des enjeux et que le processus est bien défini et prévisible. Puis, lorsque des gens investissent, ils sauront qu’ils doivent passer à travers un processus de deux ans avant d’arriver sur le marché.

En partie, cela tient à la pénurie de personnel pour effectuer les examens et les approbations. Chaque année, on approuve des milliers d’enregistrements courants pour des aliments. Cela devient très lourd quand, à tout moment, nous envoyons des demandes d’approbation de nouveaux produits. Si le processus était précisé, même avec les employés existants, ils pourraient probablement couvrir plus de terrain plus rapidement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Merci à vous deux.

[Traduction]

La sénatrice Gagné : Merci à vous deux de votre excellent exposé.

[Français]

Madame Hill, j’aimerais tout d’abord vous exprimer tout le respect que j’ai à l’égard du Collège Red River, qui est visionnaire et qui a réussi, de façon stratégique, à ouvrir les portes du Paterson GlobalFoods Institute aux Manitobains. Vous avez vraiment réussi à établir un milieu très riche en ce qui concerne la formation, mais aussi la préparation des aliments. Je vous félicite.

[Traduction]

Richardson Oilseed a annoncé la création d’un centre d’innovation de 30 millions de dollars au cœur du centre-ville de Winnipeg, très près du Paterson GlobalFoods Institute. Il sera doté d’une technologie et d’équipement de recherche et de conception de produits de pointe. Nous savons tous que la préparation alimentaire est une catégorie qui prend actuellement de l’expansion sur les marchés mondiaux. L’huile de canola, le bœuf, le porc et le chocolat sont probablement des denrées prisées pour le Canada en ce moment.

Le Collège Red River collabore-t-il avec Richardson à la création de ce centre d’innovation? Y a-t-il un partenariat entre Red River et Richardson?

Mme Hill : Merci de reconnaître la position que Red River est en train de créer dans l’industrie alimentaire du Manitoba.

Pour répondre à votre question, oui, le Collège Red River, et particulièrement notre programme de recherche et d’innovation culinaires, travaille en étroite collaboration avec Richardson International sur son centre d’innovation.

Nous avons travaillé par le passé avec Richardson sur un certain travail d’application de nouveaux produits à valeur ajoutée pour lui. Nous avons discuté de son centre d’innovation, de ses installations et du type de rétroaction que nous pourrions recevoir quant à la façon dont il organise sa cuisine et à ce qui serait fonctionnel comme cuisine de recherche et prototype. Nous travaillons main dans la main avec lui.

Il se trouve littéralement de l’autre côté de la rue. C’est un partenariat parfait et une excellente façon pour nous de renforcer les connaissances des étudiants concernant le programme et leur compréhension du fait que la nourriture n’aboutit pas nécessairement dans une cuisine ou un restaurant. Les occasions sont nombreuses. Richardson est une excellente entreprise qui a profité de l’occasion d’inclure les arts culinaires et les chefs chercheurs dans son programme et son futur travail de conception de produits.

La sénatrice Gagné : J’ai aimé une de vos recommandations consistant à fournir de la formation aux étudiants pour qu’ils puissent poursuivre de nouvelles occasions avec des équipes de R-D alimentaires dans les multinationales situées au Canada qui ciblent des possibilités d’exportation. C’est très important que cela soit fait dans le secteur agroalimentaire.

Monsieur Newkirk, l’Université de la Saskatchewan possède une supergrappe, ce qui est certainement une bonne nouvelle pour l’Ouest du Canada.

Toutefois, un rapport a récemment été publié au sujet du secteur agroalimentaire et des tables de stratégie économique du Canada. Il propose la création d’un centre ou d’un carrefour de réseaux pour l’innovation alimentaire qui relierait les centres d’innovation agroalimentaire existants afin d’aider les sociétés de toutes tailles à mettre à l’essai de nouveaux produits et de nouvelles techniques de production.

Les Pays-Bas et l’Australie possèdent des carrefours d’innovation centralisés. Croyez-vous que le Canada pourrait profiter d’un tel carrefour?

M. Newkirk : Absolument. Ce n’est pas un carrefour centralisé organisé, mais nous nous connaissons certainement. J’ai travaillé avec Mme Hill et avec de nombreux centres alimentaires partout au pays. Nous nous connaissons. Nous communiquons. Nous nous envoyons des clients. C’est là, en quelque sorte, mais ce n’est pas organisé de cette façon-là. On a fait quelques tentatives pour organiser des centres alimentaires. Ce serait très bénéfique.

Je suis retourné à l’Université de la Saskatchewan il y a trois ans pour me joindre aux universitaires. J’aime vraiment le fait que nous avons là un carrefour. Nous avons quelques centres de réseaux très proches qui possèdent différents niveaux d’expertise. Nous collaborons et discutons constamment, en plus de mettre en commun des projets. Nous faisons la même chose avec d’autres universités.

Vous avez raison. Nous sommes très occupés. J’aimerais commencer à travailler avec l’Université McGill, l’Université de la Colombie-Britannique et celle de Guelph, avec les meilleures des intentions, dans un système qui nous rassemble. Ce pourrait être un certain type de carrefour organisé, comme vous l’avez mentionné. Puis, le travail ne serait pas dupliqué, mais il reposerait plutôt sur nos propres forces. Cela créerait certains gains d’efficience et augmenterait notre capacité de concurrencer à l’échelle mondiale.

La sénatrice Gagné : Y aurait-il un rôle à jouer pour le gouvernement fédéral dans l’organisation du carrefour?

M. Newkirk : Absolument. Là où il intervient, c’est pour soutenir un système centralisé qui permet que cela se produise. Les centres de développement alimentaire ont commencé à emprunter cette voie. Le gouvernement fédéral a fourni quelques années de financement pour réunir ces personnes et discuter.

J’ai siégé à ce comité à l’époque. Tout cela a très bien fonctionné. Nous nous sommes réunis peut-être une fois tous les six mois. Nous avions la chance de demander : « Sur quoi travaillez-vous? Qu’avez-vous ajouté? Comment pouvons-nous nous entraider? » Puis, le financement s’est terminé, et nous sommes revenus à nos activités quotidiennes. Nous devions achever notre travail. Nous n’avions pas les fonds nécessaires pour nous réunir de cette façon-là.

Il y a assurément un rôle à jouer. Il y a aussi un rôle pour ce qui est de communiquer ce que chaque organisation possède et ce que sont nos centres. Nous sommes tous tellement occupés que nous ne savons pas tout ce qui se produit à l’Université de la Saskatchewan. Je ne sais assurément pas ce qui se produit partout au pays. Il y a un rôle pour découvrir ces éléments et les réunir. Avec des chaînes de valeur et des tables rondes, on réunit les gens. Une telle occasion s’offre.

La sénatrice Gagné : Je me demandais si Mme Hill avait un commentaire.

Mme Hill : Je suis tout à fait d’accord avec M. Newkirk. Souvent, nous sommes tellement absorbés par notre travail que nous ne prenons pas le temps de tendre la main aux autres. Au Collège Red River, nous avons travaillé à l’élaboration d’un projet pour obtenir du financement du Partenariat canadien pour l’agriculture. Nous avons découvert que du travail semblable s’était fait dans un des centres alimentaires à Leduc. Nous voulons nous assurer de faire fond sur ce travail et de ne pas reproduire ce qui a déjà été accompli.

Au final, ce serait très bénéfique si nous avions la chance de collaborer dès le départ et d’observer le produit final. Ce qui est intéressant au sujet de l’équipe mixte de chefs et de scientifiques alimentaires, c’est que les chefs peuvent faire des choses avec les aliments. Je suis scientifique alimentaire, et ils sont créatifs dans les choses qu’ils font. Ils voient une occasion complètement différente pour des choses que nous considérons comme un échec, car elles ne satisfont pas aux exigences des produits.

Il y a une très bonne chance de prendre des choses que nous pourrions considérer comme des échecs dans le système des produits alimentaires, de les reconcevoir et de créer essentiellement de tout nouveaux produits pour le marché.

La présidente : Fantastique. Merci.

Le sénateur C. Deacon : Pour commencer, j’aimerais poser deux séries de questions. La première concerne la propriété intellectuelle ou la PI et la mobilisation de la PI dans les petites et moyennes entreprises. Je suis sûr que le programme d’engagement partenarial du CRSNG est appliqué également dans le secteur agroalimentaire. Ce qui est fantastique à ce propos, du point de vue des PME, c’est qu’elles possèdent la propriété intellectuelle. Il n’y a pas d’enjeu ni de débat. C’est très direct.

J’aimerais parler de ce processus. Lorsque vous concevez des produits avec des petites et moyennes entreprises, selon mon expérience personnelle, cela peut vraiment ralentir les choses. Les préoccupations au sujet de la gestion et de l’octroi de licences de propriété intellectuelle dans des établissements d’enseignement postsecondaire peuvent vraiment constituer une pierre d’achoppement et empêcher beaucoup de PME de dialoguer avec vous.

Que faites-vous pour rationaliser ce processus?

M. Newkirk : Je crois que c’est un enjeu extrêmement important. C’est aussi personnel pour moi. Durant mes études supérieures, j’ai cofondé une société de technologie. Nous avons conçu quelques brevets. Nous avons démarré cette entreprise et fait venir des investissements externes. Puis, nous avions nos propres brevets.

En raison de l’accord que j’ai signé avec l’université, les premiers brevets lui appartenaient. J’ai fini par devoir assortir mes brevets d’une licence, même si nous avions payé pour les brevets. Pour être honnête avec vous, le processus était douloureux en 2000. Les universités pensaient que ce serait une vache à lait incroyable, et ça n’a pas été le cas. Pour être honnête avec vous, nos négociations avec nous-mêmes étaient douloureuses. Et ce n’était pas logique. Les universités en tirent maintenant des leçons. Je ne sais pas si nous avons complètement surmonté cela.

Le sénateur C. Deacon : Concentrons-nous sur les leçons tirées. Que faisons-nous différemment à partir de maintenant?

M. Newkirk : Nos centres d’innovation reconnaissent maintenant que nous n’avons pas besoin de saisir toute cette propriété intellectuelle, parce qu’ils n’ont pas les ressources pour les apporter sur le marché commercial. Si nous n’autorisons pas les entreprises à posséder cette propriété intellectuelle, elles ne feront pas l’investissement nécessaire pour franchir les prochaines étapes.

La conception de l’idée ne représente que 1 p. 100 de la tâche, et encore. Quand j’ai conçu mes brevets, je croyais que j’avais sauvé le monde, et ces gens qui investissent des millions de dollars, sur quoi travaillent-ils?

Le sénateur C. Deacon : Et cela produirait, comme par magie, des milliards de dollars.

M. Newkirk : Oui. Nous avons fini par faire un peu d’argent lorsque nous l’avons vendue. Maintenant, je crois que nous avons pris conscience du fait que ce n’est pas le cas.

À mon institut, nous faisons des recherches commerciales. Des entreprises viennent nous voir, et nous leur disons : « Voici notre entente; ce qui est à vous vous appartient. Si nous découvrons quelque chose de nouveau, nous en parlerons avec vous. Vous le trouverez probablement en premier de toute façon, et nous ne nous en faisons même pas à ce sujet. »

Nous avons une entente très ouverte. Si nous mettons au point une technologie grâce à des fonds publics, l’entente, c’est que nous accorderions un brevet à cette technologie, mais nous trouverions assez tôt un partenaire commercial qui peut prendre le risque et amener plus loin ces matériaux. C’est mieux. Ce n’est pas encore parfait.

Avec le système que nous utilisons au CFRC, une personne s’occupe de cela.

Le sénateur C. Deacon : Vous imposez-vous des délais pour ce qui est de conclure des affaires? J’ai conclu des affaires avec l’université, et il a fallu six mois pour les payer. Vous êtes-vous imposé des délais internes?

M. Newkirk : Au sein de notre propre domaine, assurément. Je m’attends à ce que les choses changent en une semaine ou deux. Vous êtes peut-être avocat, et je vais me mettre à dos quelques personnes ici. Parfois, les avocats des universités prennent beaucoup de temps pour faire ce qu’ils font. Nous faisons préapprouver nos propres ententes, pour que, au final, nous puissions faire avancer les choses plus rapidement.

Le sénateur C. Deacon : On dirait que vous avez tiré quelques leçons que vous pourriez nous communiquer de façon très concise, et peut-être documenter. Ce serait utile, parce qu’il est difficile d’établir le dialogue entre les PME et les établissements d’enseignement postsecondaire.

Mme Hill : Pour nos programmes, nous travaillons en vertu des subventions d’engagement partenarial du CRSNG, et les entreprises conservent donc toute la propriété intellectuelle. Nous essayons de conclure un accord avec elles, de sorte que, si quelque chose qui n’est pas visé par la propriété intellectuelle ressort au sein de l’étude, nous pourrions avoir l’occasion de l’utiliser comme outil d’apprentissage et l’intégrer à notre programme pour les étudiants.

Le sénateur C. Deacon : Vous avez donc accès à l’utilisation de la propriété intellectuelle de façon contrôlée, mais ces entreprises la possèdent.

Mme Hill : Elles la possèdent.

Le sénateur C. Deacon : De mon point de vue, c’est une très bonne nouvelle. J’aimerais maintenant revenir à l’ACIA. C’est très difficile de prévoir une certaine responsabilisation et de la transparence dans un processus de réglementation, tout comme de la certitude, pour que vous sachiez ce que vous devez faire pour y entrer et combien de temps vous devrez attendre une fois que vous y serez.

On dirait que cela n’existe pas en ce moment. Selon votre point de vue, y a-t-il quelque chose au sein du processus qui repose sur des données probantes?

M. Newkirk : Il repose sur des données probantes. C’est juste que vous ne savez pas de quelles données probantes vous avez besoin jusqu’à ce que vous franchissiez la ligne d’arrivée.

Le sénateur C. Deacon : Les domaines pour lesquels vous avez besoin de données probantes pourraient changer à mi-parcours.

M. Newkirk : Absolument. De façon générale, nous allons examiner la littérature. Nous allons appeler l’ACIA et lui demander : « Les études que nous proposons sont-elles suffisantes? Saisissons-nous les données dont vous avez besoin pour prendre une décision? » Cela s’appelle une consultation préalable.

Habituellement, elle ne s’engage pas beaucoup. Elle dira : « Oui, nous croyons que c’est probablement bon ». Après deux années de recherches et une année de réflexion, l’ACIA reviendra poser des questions trois ans plus tard et dira qu’elle veut effectuer une analyse enzymatique du tissu.

Le sénateur C. Deacon : Pourriez-vous envoyer au greffier des exemples de pays qui font bien les choses et de la façon dont leur processus diffère de celui dirigé par l’ACIA?

De toute évidence, nous voulons que le public soit protégé. Je ne crois pas qu’il y ait le moindre débat à ce sujet. Il y a des processus réglementaires efficaces qui sont aussi prévisibles lorsque vous pouvez faire le travail en amont et avoir la certitude de pouvoir vous rendre jusqu’au bout.

J’aimerais beaucoup que vous puissiez nous fournir des exemples de ce qui fonctionne, afin de peut-être nous aider à formuler des recommandations dans un domaine assez essentiel d’exploitation de possibilités.

M. Newkirk : Bien sûr, je serai heureux de le faire. Juste pour dire une chose à ce sujet, je trouve intéressant d’entendre des gens d’autres domaines à qui je parle dire ceci : « Oh, les choses sont si difficiles pour nous; il nous faut tellement de temps. Il nous a fallu six mois pour faire approuver ce produit. »

Aucune entreprise n’est jamais heureuse de la réglementation, mais nous en avons besoin.

La présidente : C’était une série de questions intéressantes. Je suis impatiente d’obtenir ces documents supplémentaires.

Le sénateur Oh : Ma question concerne l’initiative des supergrappes que notre gouvernement a lancée en février 2018.

Pourriez-vous nous dire si les supergrappes ont augmenté la valeur des cultures du canola, du blé et des légumineuses sur les marchés d’exportation à forte croissance vers la Chine et l’Inde? Comment se porte le secteur?

M. Newkirk : Les supergrappes sont d’excellentes nouvelles pour nous. Un de nos problèmes a été mentionné par des témoins précédents. Parfois, notre financement est à très court terme, pour un an ou deux. Quand on conçoit un produit et qu’on veut mettre des produits sur le marché, il faut un continuum.

Les supergrappes permettent à de nombreux groupes de travailler ensemble stratégiquement pendant une longue période. Une supergrappe vient d’être constituée pour des contributions financières liées aux protéines. On commence à peine à travailler en ce sens. Je serai mieux en mesure de vous en parler dans cinq ans.

Le Canada a une très bonne réputation du point de vue des produits. En Chine ou en Inde, nous sommes reconnus pour produire des matériaux de très grande qualité. Si vous regardez les choses du point de vue du secteur alimentaire, nos produits sont considérés comme sécuritaires. Il y a eu de nombreux scandales alimentaires à de nombreux endroits. Au Canada, notre système a tendance à être beaucoup plus robuste.

Les grappes scientifiques nous permettent de concevoir des produits que nous produirons ici, mais bon nombre de ces produits sont exportés. Tout particulièrement dans notre situation au Manitoba et en Saskatchewan, nous ne sommes pas entourés de la population que vous avez en Ontario, au Québec ou en Colombie-Britannique. Nous dépendons des exportations. C’est vraiment essentiel pour nous à cet égard.

Le sénateur Oh : C’est important pour les pays de la ceinture Asie-Pacifique, car la classe moyenne est la partie de la population qui croît le plus rapidement. Elle consomme des aliments de meilleure qualité. Vous avez créé pour le Canada une marque qui est synonyme d’aliments de bonne qualité et d’aliments sécuritaires.

Vous avez mentionné que 40 entreprises, du Manitoba jusqu’à la Colombie-Britannique, produisaient certaines des meilleures idées et des meilleurs produits de qualité alimentaire. Pourriez-vous nommer deux ou trois de ces entreprises qui connaissent du succès en magasin?

Mme Hill : Cela ne fait qu’environ cinq mois que je suis au collège, donc je ne connais pas très bien certains des produits.

Dans la plupart des cas, nous travaillons avec des produits à base de plantes. Nous faisons beaucoup de choses avec les légumineuses et les céréales de blé. Notre clientèle souhaite percer des marchés sans gluten. Elle a établi des produits et cherche maintenant à faire une version sans gluten.

Certaines de ces versions sont en cours d’élaboration en ce moment, donc je ne peux pas en parler davantage, car nous avons des ententes de confidentialité. C’est notre situation en ce qui concerne certains de ces produits.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question pour M. Newkirk sur les tendances des consommateurs. J’ai été un peu surprise de ne rien lire au sujet des nouvelles tendances des consommateurs. Les gens veulent beaucoup savoir comment leur nourriture est produite et comment leurs animaux sont traités. Les consommateurs, mais ce n’est pas partout, mangent de moins en moins de viande.

Ce sont les nouvelles tendances. Je suis sûre que vous en tenez compte. Compte tenu de ces deux tendances, que faites-vous ou que recherchez-vous afin de répondre aux besoins des nouveaux consommateurs?

M. Newkirk : Je ne sais pas si ce sont nécessairement de nouveaux consommateurs. Les consommateurs ont toujours voulu savoir, mais ils n’avaient juste pas les moyens.

Maintenant qu’ils ont les moyens d’en apprendre davantage... J’ai rencontré un agriculteur la semaine dernière dans une usine. Il possède aussi une entreprise, où il met sur une bouteille une petite pochette qui dit que l’huile de canola vient de son exploitation agricole. On y lit une petite histoire et d’autres choses.

Nous verrons davantage de choses du genre, pour que les gens sachent d’où vient le produit. Cela revient aux commentaires du sénateur Oh. Les gens veulent savoir d’où viennent les produits.

Par rapport à la viande, vous avez tout à fait raison. Les gens cherchent des solutions de rechange saines. Les produits animaliers sont des produits de grande qualité, mais nous devons connaître les répercussions sur l’environnement de la façon dont nous utilisons les ingrédients. À long terme, nous reconnaissons que nous ne pouvons pas abandonner la production de bétail.

La supergrappe des industries des protéines produit des concentrés de protéines qui vont entrer dans la fabrication de produits alimentaires. Cela représentera peut-être 10 ou 15 p. 100 de la semence. Tout le reste devra se trouver une destination. On ne peut pas les enfouir; ce serait très irresponsable. Nous pouvons prendre ce matériau et le convertir en production de bétail, en viande de grande qualité, en œufs et ainsi de suite.

Nous reconnaissons qu’il y a un changement dans les idéaux des consommateurs, mais, en même temps, nous devons reconnaître comment utiliser les ingrédients de façon responsable et à leur plein potentiel. Il y a certaines choses que notre système digestif ne peut pas faire, mais celui des animaux, si.

Nous essayons d’examiner un éventail d’ingrédients plus large que jamais auparavant pour les espèces de bétail. Dans un de mes projets, j’étudie comment nous nous rétablissons à la suite d’une fusariose dans nos grains. Comment retirons-nous les grains toxiques pour qu’ils n’entrent pas dans le système? Puis, que faites-vous avec ce matériau? Nous le donnons en nourriture aux vers, qui le détoxifient et produisent un produit riche en protéines et en graisse. Je suppose que certaines personnes pourraient les manger, mais nous les donnons en nourriture au bétail. J’imagine que vous pourriez manger les vers si vous le vouliez. Je ne crois pas que Mme Hill soit tout à fait prête à les cuisiner. J’espère que cela répond à votre question.

Mme Hill : Nous observons une tendance dans les petites et moyennes entreprises qui nous parlent de recherche et d’innovation culinaires. On mise davantage sur des sources de protéines végétales et sur de nouvelles sources de protéines.

Je ne dirais pas nécessairement que les consommateurs ont pour objectif d’éliminer la viande de leur régime alimentaire. Il y a quelques produits-créneaux qui suivent ces voies du végétalisme et du végétarisme et avec lesquels nous travaillons.

Il existe des possibilités vraiment intéressantes de synergie entre les protéines animales et les protéines végétales afin de retenir des consommateurs qui se sont écartés d’une consommation élevée de viande. Je le vois à la maison. C’est ce que je fais aussi à l’épicerie. Nous ne mangeons probablement pas les mêmes quantités de viande que lorsque nous étions enfants.

J’ai l’impression que c’est moins une tendance que des changements comportementaux et culturels liés à nos aliments. En fait, je crois que quelques possibilités intéressantes s’offrent aux consommateurs qui désirent obtenir davantage de la nourriture. Il s’agit de changer toute notre culture à l’égard des aliments et de mettre l’accent sur les aliments.

Le groupe de témoins précédent a parlé d’attirer des travailleurs qualifiés dans l’industrie alimentaire. Je crois que vous verrez cela davantage maintenant, parce que les gens la valorisent davantage. Dans beaucoup d’autres pays comme l’Inde et la Chine, on met beaucoup plus l’accent sur la nourriture. Ils ont plus de relations avec la nourriture et la santé, la nourriture et l’alimentation et les sources de nourriture. Nous commençons à voir cela revenir au Canada.

La sénatrice Miville-Dechêne : Mon interrogation concerne Roundup. J’ai posé une question à Agriculture Canada. Je crois qu’on essaie d’étudier des choses chez Santé Canada.

Je me demande si vous avez entendu parler récemment de la controverse dans les études américaines sur le glyphosate et Roundup. Vous êtes scientifique dans une université. Nous utilisons la marque Roundup pour le blé. Que devrions-nous faire? Ce n’est pas une bonne chose pour la réputation de notre produit.

M. Newkirk : Du point de vue de la réputation, bien sûr. Les niveaux sont très bas et se situent bien dans les normes de sécurité. Sur le plan toxicologique, si nous croyons que ce n’est pas sécuritaire ici, nous prenons un centième des niveaux, les définissons, puis fixons les limites en dessous de cela. C’est une question de réputation.

En tant que scientifique, je reconnais que nous devons examiner la science et comprendre si le consommateur la craint. Par exemple, la question qui va nous toucher en Saskatchewan, c’est qu’on va utiliser la marque Roundup pour tuer des mauvaises herbes avant de récolter de l’avoine. Cela aide aussi à assécher la culture. Cela pousse dans une région où il y a des problèmes. C’est de là que provient la majeure partie de notre avoine qui s’en va dans les usines. Peut-être que les consommateurs diront qu’ils ne veulent pas de glyphosate, même si les résidus se trouvent en parties par milliard ou en parties par billion.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous renvoie à la dernière étude selon laquelle l’étude de la toxicité de ce produit n’a pas été bien réalisée.

M. Newkirk : Exact, absolument. Il y a beaucoup de désinformation, mais le problème, c’est que le consommateur n’examine pas nécessairement la deuxième étude où on dit si ça a été bien fait ou non. Nous avons beaucoup de choses à faire. Les universités et les collèges doivent s’assurer que les étudiants sont bien renseignés, qu’ils reçoivent de l’information impartiale et qu’on leur montre les renseignements qui existent. On devrait leur montrer les deux études et tenir ces discussions en classe.

Dans mes conférences, j’essaie d’aborder des enjeux actuels. Je n’ai pas parlé du glyphosate, parce que je m’intéresse surtout au bétail, mais assurément, nos gens dans le secteur de la phytotechnie et de l’agroalimentaire le font. C’est un point de départ pour que les professionnels formés aient un certain contexte.

Préserver la confiance des consommateurs et mener de bonnes études scientifiques doivent aller de pair. C’est un scénario difficile parfois. Nous devons travailler au meilleur de nos connaissances et utiliser les renseignements que nous possédons, mais aussi reconnaître que le consommateur est sceptique. Comment nous assurons-nous qu’il obtient de bons renseignements?

Mme Hill : Du point de vue culinaire, nous avons recommandé le canola à des petites entreprises qui cherchaient des huiles, parce que c’est un produit canadien. Des gens qui sont très passionnés par la nourriture et qui suivent les tendances alimentaires disent qu’ils ne veulent pas toucher au canola. Je crois qu’ils ne savent pas ce qu’ils n’aiment pas du canola, mais ils savent qu’ils ne l’aiment pas. Le fait qu’il y ait des produits sans OGM sur le marché... Ils ne veulent tout de même pas associer leurs nouveaux produits à ce produit.

C’est difficile. Il y a assurément un décalage dans l’information du côté des aliments à valeur ajoutée. Cela dépend de l’endroit où vous voulez cibler ces produits au sein du Canada. Nous voyons des petites entreprises de créneau qui envisagent de créer des mélanges d’huiles et de sucres. Assurément, certaines sources d’huile sont mal vues. Le canola en est une, le soya en est une autre, et c’est difficile pour le Canada. C’est très spécialisé, mais à mesure que ces tendances augmentent, cela deviendra un enjeu plus important.

Est-ce quelque chose que des entreprises comme Richardson vont examiner? Ce sont des industries de plusieurs milliards de dollars, mais c’est peut-être si petit que cela ne figure pas sur leur radar comme quelque chose qui vaut la peine d’être étudié. Il est difficile de dire où s’en vont nos systèmes alimentaires et comment évolue la mentalité des gens.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités de leur présence parmi nous. Je vais essayer de résumer le tout. On a souvent soulevé devant notre comité un problème de communication. Avez-vous l’impression tous les deux d’être reconnus à votre juste valeur quand on a recours à vos services?

Monsieur Newkirk, les établissements d’enseignement comme le vôtre peuvent partager leurs connaissances avec d’autres institutions dans les autres provinces. Avez-vous des connaissances qui ne sont pas des secrets industriels et qui pourraient être partagées avec d’autres universités pour favoriser le développement global au sein de l’industrie de la transformation au pays?

Madame Hill, vous pourriez peut-être me répondre au sujet de la communication?

[Traduction]

M. Newkirk : Absolument. La bonne chose au sujet du Canada, c’est que nous avons tout un tas d’universités qui collaborent. Nous nous respectons et travaillons ensemble. Nous nous faisons concurrence pour certains des mêmes fonds de recherche, et on a donc parfois tendance à essayer de se contenir. Toutefois, nous reconnaissons que, pour que nous puissions aller de l’avant, nous devons collaborer et échanger des renseignements.

Je travaille sur un nouveau processus touchant le canola. J’en ai fait part à l’Université de l’Alberta. Elle a fait certaines études sur des porcs, et j’étudie les poulets et d’autres animaux. Non seulement nous communiquons ces renseignements, mais nous encourageons ses étudiants à venir à mon université, et vice versa. C’est la seule façon qui nous permet d’être compétitifs. Nous devons travailler ensemble. Ce n’est pas l’Université de la Saskatchewan contre l’Université de l’Alberta. C’est la façon dont le Canada va de l’avant.

Nous sommes tous occupés. C’est la limite principale. La vérité, c’est que nous nous réunissons et discutons. Bon nombre d’entre nous sont des collègues. Mme Hill et moi avons été des collègues, et je n’ai donc aucun problème à collaborer avec elle. C’est une petite communauté interreliée, et je crois que cela nous aide.

Mme Hill : Je ne suis dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire que depuis environ 12 ans maintenant. J’ai été fascinée par le nombre de liens que j’ai pu établir partout au pays. Ce qui rend le Canada vraiment unique, c’est qu’il est amical, mais je ne sais vraiment pas à quoi cela tient.

Il y a beaucoup de possibilités, comme M. Newkirk l’a dit. La collaboration et la communication prennent du temps. Nous continuons de renforcer nos capacités de R-D. Le gouvernement encourage cette collaboration. On ne peut accéder à des programmes de financement à moins de collaborer avec des partenaires et l’industrie. Ce sont eux qui donnent l’impulsion. Je ne dirais pas que les gens sont réticents à le faire. Il faut aussi avoir son propre niveau de coordination.

Il est maintenant facile d’envoyer à des gens un courriel ou un message vocal. Je vais plus loin dans mes communications et dans la collaboration que ce que j’ai peut-être fait par le passé, à mesure que mon réseau s’élargit. C’est très encourageant de voir ce qui attend le Canada avec le travail que nous faisons et le renforcement de la collaboration et de la communication.

M. Newkirk : Le Canadian Feed Research Centre est considéré comme un établissement canadien. Nous sommes le seul. Le Canada ne peut se permettre d’en avoir plus d’un. Nous encourageons fortement toutes les universités à venir travailler dans notre centre. Cela fait partie de l’idée que nous pouvons tous travailler ensemble et utiliser nos ressources de façon plus efficace.

La sénatrice Bernard : Faute de temps, je ne demanderai pas de réponse maintenant, mais je demanderais à Mme Hill de faire un suivi en envoyant l’information au greffier du comité.

J’ai été intriguée par votre référence au travail que vous faites auprès d’étudiants autochtones et la recherche qui est effectuée au sujet des aliments à valeur ajoutée. J’aimerais que nous en apprenions davantage à ce sujet. Nous ne le ferons pas en une minute, donc, j’aimerais que vous nous envoyiez quelque chose.

De plus, j’aimerais que vous essayiez de déterminer si vous avez un modèle qui peut être reproduit dans d’autres collectivités auprès d’autres groupes ethnoculturels.

Mme Hill : Merci.

La présidente : C’est une excellente suggestion.

J’aimerais remercier nos témoins. Comme vous pouvez le voir, nous avons beaucoup dépassé le temps imparti. Nous vous remercions de vos commentaires et de votre promesse d’envoyer de la documentation supplémentaire au greffier.

(La séance est levée.)

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