Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 60 - Témoignages du 6 décembre 2018
OTTAWA, le jeudi 6 décembre 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 heures, afin d’examiner, pour en faire rapport, les questions concernant l’agriculture et les forêts en général (sujet : les restrictions sur la mise en marché du blé et du grain entier et pain blanc relativement à la définition des aliments mauvais pour la santé des enfants.)
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour. Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, et je suis présidente du comité.
Aujourd’hui, le comité examine les restrictions relatives à la commercialisation du blé entier, du grain entier et du pain blanc en fonction de la définition d’un aliment mauvais pour la santé des enfants, conformément à son ordre de renvoi général.
Avant d’entendre les témoins, je vais demander aux sénateurs de se présenter. Nous allons commencer par le vice-président, le sénateur Maltais.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec. Bonjour.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec.
La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Black : Rob Black, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
La présidente : Aujourd’hui, nous effectuons ce que nous appelons une étude ponctuelle. Nous avons un ordre de renvoi général qui nous permet d’examiner des sujets très précis liés à l’agriculture. Pour décrire le contexte aux Canadiens et aux Canadiennes qui nous regardent en ligne, le comité mène une étude ponctuelle sur les préoccupations exprimées par les intervenants du secteur agricole au sujet du règlement en lien avec le projet de loi S-228, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, qui, essentiellement, interdit de faire de la publicité d’aliments et de boissons s’adressant aux enfants, projet de loi qui a été présenté par l’ancienne sénatrice Nancy Greene Raine. La législation obligera Santé Canada à définir ce qui constitue un aliment mauvais pour la santé.
Lors de la réunion de consultation des parties intéressées, le 5 novembre dernier, Santé Canada a précisé la définition proposée de ce qui constitue un aliment mauvais pour la santé des enfants. Cette définition a suscité des inquiétudes chez les intervenants du secteur agricole et c’est pourquoi nous tenons cette audience aujourd’hui. J’ai hâte d’entendre les commentaires des intervenants présents et des représentants de Santé Canada qui feront partie du deuxième groupe.
Sur ce, je vais présenter le premier groupe de témoins après avoir indiqué qu’un autre sénateur nous a rejoints. Présentez-vous, s’il vous plaît.
Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Nous accueillons aujourd’hui M. Paul Hetherington, chef de la direction, et M. John Papanikolaou, vice-président, Affaires scientifiques et réglementaires liées à la nutrition, de l’Association canadienne de la boulangerie, M. Gordon Harrison, président de la Canadian National Millers Association, et MM. Jeff Nielsen, président, et William Van Tassel, directeur, des Producteurs de grains du Canada.
Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Les témoins vont maintenant faire leur présentation.
Paul Hetherington, président et chef de la direction, Association canadienne de la boulangerie : Bonjour. Le projet de loi S-228 et son règlement d’application nous posent un certain nombre de problèmes. Le plus notable, c’est qu’on va classer presque toute la catégorie des grains entiers, du blé entier et du pain blanc comme étant mauvaise pour la santé des enfants sur la base d’une méthode empirique non scientifique appliquée à la teneur en sodium.
Nous croyons que le fait de déclarer que le pain est mauvais pour la santé ne fera qu’aggraver les carences en nutriments, surtout ceux qui importent pour les enfants. De plus, nous croyons qu’il est essentiel de comprendre les conséquences nutritionnelles d’éviter ces aliments et que tous doivent le comprendre avant que le projet de loi S-228 ne reçoive la sanction royale.
Santé Canada a déclaré avoir entrepris un examen de tous les nutriments du pain. Toutefois, l’exercice n’est pas public. Nous sommes d’avis que les résultats de cet examen expliquent tellement le but du projet de loi S-228, qu’ils doivent être publiés pour en permettre l’étude. Une copie de notre demande à Santé Canada a été remise au greffier.
Pour parler davantage des répercussions nutritionnelles, je suis accompagné ce matin de M. Papanikolaou, vice-président, Affaires scientifiques et réglementaires liées à la nutrition. Je lui cède la parole.
John Papanikolaou, vice-président, Affaires scientifiques et réglementaires liées à la nutrition, Association canadienne de la boulangerie : Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. En plus de mes observations, j’ai adressé une lettre au Sénat par l’entremise du greffier du comité.
En tant que chercheur et auteur d’articles scientifiques évalués par des pairs qui ont porté sur les aliments à base de céréales dans l’alimentation des enfants, je suis heureux de pouvoir vous donner un aperçu de la recherche fondée sur des données probantes portant sur l’importance d’inclure le pain dans l’alimentation des enfants canadiens.
Bien que le projet de loi S-228 vise à protéger la santé des enfants en interdisant la publicité d’aliments et de boissons particuliers aux enfants, je crains que l’ajout du pain blanc et du pain de blé entier à la liste des aliments visés par des limites régissant la publicité en raison de leur teneur en sodium ne contredise les recommandations alimentaires actuelles voulant que la moitié des céréales consommées soit à grains entiers et n’ait des conséquences imprévues sur l’apport nutritif et la qualité du régime alimentaire.
De plus, une fausse impression peut amener à croire que les pains sont des aliments pauvres en nutriments. Si le pain est défini comme étant mauvais pour la santé, cela peut avoir des répercussions négatives sur le plan nutritionnel pour d’autres groupes de la population, y compris les femmes en âge de procréer, pour qui les aliments à base de céréales constituent une source importante d’acide folique, grâce à un enrichissement visant à prévenir les anomalies du tube neural chez les nouveau-nés.
Depuis un an, je collabore avec des chercheurs de l’Université de la Saskatchewan qui analysent les données tirées de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2015. Grâce à ces travaux, nous savons que le pain fournit une densité nutritionnelle à l’alimentation des enfants de 2 à 13 ans. Pour environ 10 p. 100 de toutes les calories et 14 p. 100 du sodium dans leur alimentation, le pain représente 21 p. 100 de l’apport en folates alimentaires, 19 p. 100 en fer, 18 p. 100 en fibres alimentaires, 18 p. 100 en thiamine, 13 p. 100 en niacine et 11 p. 100 en riboflavine. L’apport nutritif du pain dans l’alimentation des enfants l’emporte sur l’apport en sodium.
De plus, j’ai collaboré à un projet de recherche dont les résultats ont été publiés dans le Nutrition Journal en 2017. L’étude a découvert les aliments à base de céréales les plus couramment consommés par les enfants américains âgés de 2 à 18 ans, à l’aide des données de la National Health and Nutrition Examination Survey. L’objectif était de comparer les apports en nutriments et la qualité de l’alimentation des enfants qui consomment divers aliments à base de céréales par opposition à ceux qui n’en consomment pas. Sept modèles de consommation de céréales ont été établis, l’un d’entre eux étant constitué de pains et petits pains à la levure, plus un modèle où les enfants ne consommaient aucun des principaux groupes alimentaires à base de céréales. Lorsqu’on a examiné spécifiquement les résultats pour les pains et petits pains à la levure, on a constaté que les enfants qui consommaient des céréales avaient un apport journalier plus élevé en fibres alimentaires, en fer, en thiamine, en folates alimentaires, en magnésium et en zinc que les enfants qui évitaient les céréales. Aucune différence significative n’a été observée quant à l’apport en sodium.
Les enfants qui consommaient des pains et petits pains à la levure avaient aussi un régime de meilleure qualité, selon l’indice de saine alimentation de l’USDA. Par conséquent, les données tirées de la National Health and Nutrition Examination Survey suggèrent que les pains et petits pains à la levure favorisent l’apport en nutriments, y compris ceux insuffisamment consommés et la qualité globale de l’alimentation chez les enfants.
Des résultats semblables ont été observés lors de la répétition de l’expérience avec des données canadiennes. Les enfants canadiens qui consomment plusieurs types d’aliments à base de céréales, y compris le pain, ont un apport plus élevé en folates, en fibres, en niacine, en thiamine, en calcium et en magnésium, ce qui démontre le rôle important que jouent les aliments à base de céréales, tel le pain, dans l’alimentation. Aucun lien n’a été observé entre les habitudes de consommation de céréales, y compris le pain, chez ces enfants et l’indice de masse corporelle.
Les aliments à base de céréales, y compris le pain, contribuent de façon significative à l’apport en acide folique dans le régime alimentaire des Canadiens. Depuis que l’enrichissement en acide folique a été rendu obligatoire en 1998, l’Agence de la santé publique du Canada note une réduction de 46 p. 100 des cas d’anomalies du tube neural dans sept provinces, certains aliments à base de céréales ayant été enrichis d’acide folique et un supplément en acide folique ayant été recommandé à toutes les femmes susceptibles de tomber enceintes. La promotion d’une diminution de la consommation d’aliments faits à partir de grains, tel le pain, pourrait avoir comme conséquence imprévue de diminuer les folates chez tous les Canadiens, et en particulier chez les femmes en âge de procréer.
En 2011, les centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies ont publié les 10 plus grandes réalisations en matière de santé publique, et l’enrichissement obligatoire en acide folique des produits céréaliers en était une. Par rapport à la santé maternelle et infantile, ces centres ont déclaré que l’enrichissement obligatoire des grains céréaliers en acide folique avait empêché que quelque 10 000 enfants naissent avec des anomalies du tube neural.
Fait préoccupant, une étude récente publiée plus tôt cette année par l’Université de la Caroline du Nord, l’Université du Colorado et la North Carolina Division of Public Health a montré que les femmes ayant un apport limité en glucides au cours de l’année précédant la conception sont 30 p. 100 plus susceptibles d’avoir un nourrisson avec des anomalies du tube neural. Par conséquent, l’inscription des pains et autres produits céréaliers riches en nutriments dans la liste des aliments visés par des limites régissant leur publicité peut entraîner des résultats involontaires en termes de nutriments et de santé publique chez de nombreuses femmes canadiennes en âge de procréer.
En résumé, les pains fournissent une densité nutritionnelle à l’alimentation des enfants canadiens. Pour environ 10 p. 100 des calories et 14 p. 100 du sodium, les pains représentent 21 p. 100 de l’apport en folates, 19 p. 100 en fer, 18 p. 100 en fibres, 18 p. 100 en thiamine, 13 p. 100 en niacine et 11 p. 100 en riboflavine dans l’alimentation totale. L’élimination du pain de l’alimentation peut avoir des conséquences imprévues sur l’apport en nutriments chez les enfants canadiens.
Les recherches effectuées à ce jour au Canada et aux États-Unis montrent que, cumulativement, une variété d’aliments à base de céréales consommés par les enfants, y compris divers types de pains, aident à pallier les carences nutritionnelles et la sous-consommation de nutriments dans le régime alimentaire.
Enfin, les aliments à base de céréales, y compris le pain, sont un apport important en acide folique dans le régime alimentaire des Canadiens. La création d’un contexte dans lequel il est interdit de faire la publicité des pains auprès des enfants peut susciter l’impression que les pains ne font pas partie des aliments riches en nutriments dans un régime alimentaire. Cela peut également encourager à suivre un régime pauvre en glucides chez d’autres groupes de la population, dont les femmes en âge de procréer, ce qui pourrait accroître le risque d’anomalies du tube neural.
Je vous remercie de votre attention. J’ai hâte de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup de votre exposé.
Jeff Nielsen, président, Producteurs de grains du Canada : Bonjour, je vous remercie de m’avoir invité à présenter un exposé sur cette importante question. Je suis président des Producteurs de grains du Canada et j’exploite une ferme familiale dans le centre-sud de l’Alberta, près d’Olds, où je cultive le blé de haute qualité, l’orge brassicole et le canola. Je suis accompagné de mon collègue directeur, William Van Tassel, pour le Québec.
La présidente : Pourriez-vous ralentir un peu? Les interprètes ont de la difficulté à suivre.
M. Nielsen : En tant que porte-parole des céréaliculteurs du Canada, les Producteurs de grains représentent 65 000 producteurs de céréales d’un océan à l’autre. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour parler de cet important sujet et je remercie la sénatrice Griffin et les autres membres du comité de prendre le temps d’étudier les conséquences imprévues que pourrait avoir le projet de loi S-228.
Les conséquences imprévues du projet de loi sont la véritable raison pour laquelle des groupes tels que Producteurs de grains se disent préoccupés. Nous croyons fermement que la sénatrice Nancy Greene Raine n’a pas cherché, par le projet de loi, à qualifier de mauvais pour la santé 99 p. 100 du pain canadien.
En tant qu’industrie tributaire des exportations, les céréaliculteurs travaillent fort et méritent la solide réputation dont ils jouissent sur les marchés du monde entier. Sur les tablettes des épiceries, du Vietnam au Pérou, en passant par l’Espagne, les marques du Canada sont synonymes d’aliments sains et de grande qualité. Cette marque a contribué à stimuler la demande de pains, de pâtes, de blé dur et de blé canadiens partout dans le monde. Selon Statistique Canada, les exportations de blé, la céréale panifiable la plus courante, injectent annuellement près de 6 milliards de dollars dans l’économie canadienne.
La pénétration des marchés et la confiance inspirée sont le résultat de gros efforts, un travail acharné accompli par l’industrie et le gouvernement, qui sera mis en danger par ce projet de loi et ses suites regrettables.
La triste réalité, c’est que les activistes véhiculent déjà des mythes et utilisent la désinformation pour s’en prendre aux céréaliculteurs et à la chaîne de valeur des grains, et le fait que le gouvernement qualifie le pain de mauvais pour la santé donnera à ces activistes des munitions importantes.
Dans la mesure où les revenus augmentent dans les pays en développement et que les populations font davantage attention à leur santé, le fait de voir une étiquette de mise en garde sanitaire sur le pain canadien ne fera qu’orienter nos clients vers nos concurrents. Notre industrie fait déjà face à un lourd fardeau en raison des barrières non tarifaires d’autres pays. La dernière chose dont nous avons besoin, c’est d’une barrière par notre propre pays.
[Français]
William Van Tassel, directeur, Producteurs de grains du Canada : Merci beaucoup de m’avoir invité. Je viens du Québec, donc je tenais à vous remercier en français, spécialement les sénateurs et les sénatrices qui représentent le Québec.
[Traduction]
Comme Jeff l’a mentionné, je m’appelle William Van Tassel et j’exploite 1 100 acres de blé, de canola, de soya et d’orge brassicole au lac Saint-Jean, Québec.
Les agriculteurs, comme Jeff et moi, sont fiers de produire certains des grains les plus sûrs et les plus sains au monde. De nombreuses études montrent que le pain enrichi fournit des nutriments et des fibres alimentaires importants dont les enfants et les adultes ont besoin pour avoir un régime alimentaire équilibré. Le pain est l’une de nos plus anciennes sources de nourriture et certains croient qu’il est le fondement de la civilisation moderne. La plupart des cultures ont un grain de base dans leur alimentation; la raison en est simple : le pain est abondant, sain et abordable.
En plus des problèmes de concurrence à l’échelle internationale dont Jeff a parlé, les producteurs de grains s’alarment des conséquences imprévues que pourrait avoir l’étiquetage négatif du pain pour les Canadiens. Les établissements publics, tels les écoles, les garderies et les hôpitaux, comptent sur les lignes directrices de Santé Canada pour servir des repas sains et rentables aux enfants dont ils ont la garde. Le retrait du pain riche en nutriments et en fibres de la liste de leurs options leur portera un coup dur. Les programmes de déjeuners scolaires dirigés par des bénévoles dévoués ont besoin de produits de base qui permettent aux enfants d’apprendre toute la journée. Les garderies doivent nourrir des centaines de tout-petits capricieux qui commencent à acquérir de saines habitudes alimentaires.
C’est pour cela que les Producteurs de grains demandent au Sénat d’amender le projet de loi S-228 et de retirer de la législation le terme ambigu et problématique de « mauvais pour la santé » . La sénatrice Greene Raine voulait s’assurer que les enfants bénéficient du meilleur environnement possible pour faire des choix alimentaires sains, et nous aussi.
Merci. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente : Merci. Je vous signale qu’il a été question du projet de loi, mais que c’est, en fait, le cadre de réglementation que nous étudions aujourd’hui. Je le rappellerai aux sénateurs au moment où ils se préparent à poser leurs questions. Il y a 12 sénateurs ici qui peuvent poser des questions.
Gordon Harrison, président, Canadian National Millers Association : Puis-je faire un bref commentaire? J’ai deux choses à dire et ce sera bref. Vous avez ma lettre du 23 novembre. La première chose que j’aimerais dire, c’est que le projet de loi S-228 et le règlement d’application ne sont pas vraiment nécessaires pour appliquer les limites régissant la publicité que propose le projet de loi S-228. Tous les pouvoirs de réglementation requis sont déjà prévus dans la Loi sur les aliments et drogues, et j’ai expliqué dans ma lettre où ils se trouvent. Je serai heureux d’expliquer cela, si ça intéresse quelqu’un.
Le second point, c’est que ce qui se trouve dans le projet de loi S-228 et dans le règlement d’application n’est pas vraiment ce qu’on a demandé à la ministre de faire. On a demandé à la ministre d’imiter ce qui s’est fait au Québec. Le Québec a un cadre beaucoup plus réfléchi pour le tri de la publicité, et nous devrions examiner cela en premier. Si on juge que c’est nécessaire pour les Canadiens, on devrait alors regarder ce qui s’est fait au Québec et voir que c’est beaucoup plus équitable, à mon avis.
Merci.
La présidente : Merci. Je suis plus stricte en ce qui concerne le temps de parole aujourd’hui parce que nous avons un grand groupe de témoins et un effectif complet de sénateurs présents.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci, messieurs, pour vos témoignages. Ma première question s’adresse à M. Papanikolaou. Quelle est la quantité de sucre qu’on retrouve dans le pain? Vous avez énuméré toutes les vitamines, mais qu’en est-il de la quantité de sucre dans le pain?
[Traduction]
M. Papanikolaou : Nous avons fait des travaux aux États-Unis qui nous ont permis de constater que, chez les enfants, le pain représente moins de 5 p. 100 de tout le sucre consommé. La teneur en sucre du pain est minime.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ce n’est pas ma question. Je vais la reprendre : dans un pain blanc ordinaire, que j’utilise pour mes deux rôties le matin, combien de sucre y a-t-il? Je ne parle pas pour les enfants. J’ai 74 ans et je suis assez vieux. Combien y a-t-il de sucre dans le pain?
[Traduction]
M. Papanikolaou : Dans un pain, je n’ai pas les données sous les yeux. Je dirais qu’il y a moins de 4 grammes de sucre par portion de pain.
[Français]
Le sénateur Maltais : D’accord.
[Traduction]
M. Papanikolaou : Cela dépend des variétés, mais en général, il y en a moins de 4 grammes, et en fait, ce chiffre est un maximum.
[Français]
Le sénateur Maltais : Si je comprends bien, selon le projet de loi S-228, il faudrait que la publicité indique que le pain pourrait être nocif pour les enfants. Qu’en est-il de la pâte à pizza? On voit constamment des publicités à la télévision pour ce produit.
[Traduction]
M. Papanikolaou : La pâte à pizza, en termes de nutrition globale? Encore une fois, si vous regardez une pizza, vous ne pouvez pas tenir compte seulement de la croûte. Il faut examiner tous les ingrédients. Il y a des pizzas dont la garniture est à forte teneur lipidique, comme les charcuteries, par exemple, qui sont riches en sodium et en gras. Ce sont là d’importants éléments nutritifs à éviter dans l’alimentation. Je me permets de parler d’une étude que nous avons terminée et qui portait sur la consommation de sandwichs. Nous avons constaté — un article à ce sujet a été soumis à un journal — qu’il importe peu d’utiliser du blé entier, des grains entiers ou du pain blanc enrichi pour le sandwich, car ce sont les composantes du sandwich qui peuvent faire jouer la teneur en calories, en gras, en gras saturés et en sucres ajoutés. Nous avons pu établir quels sont les sandwichs consommés couramment dans la population. Par exemple, un sandwich typique dans le régime alimentaire américain, puisqu’il s’agit d’une étude américaine, contient plus de 1 300 milligrammes de sodium; c’est l’équivalent de 537 calories dans un sandwich. Nous avons fait des modélisations qui nous ont permis de changer les ingrédients du sandwich tout en conservant le même pain. Gardons les pains à grains entiers et les pains blancs enrichis. Nous avons constaté que le type de pain utilisé importait peu, mais que les ingrédients du sandwich avaient une incidence sur le profil nutritionnel. Chez les enfants, nous avons réussi à réduire le sodium de plus de 30 à 40 p. 100 dans certains cas, simplement en modifiant les ingrédients et la taille des portions.
[Français]
Le sénateur Maltais : Devrait-on inscrire le message d’avertissement « nocif pour les enfants » dans un grand carré jaune sur la boîte de pizza?
[Traduction]
M. Papanikolaou : Je ne suis pas d’accord. Je ne le ferais pas, parce qu’il n’y a aucune preuve en ce sens.
[Français]
Le sénateur Maltais : D’accord, merci.
[Traduction]
La présidente : Nous sommes très nombreux ici. Pouvez-vous poser votre question la plus importante au premier tour? Si vous en avez une deuxième, nous vous donnerons la parole au deuxième tour.
Le sénateur Mercer : Je ne sais pas quelle est la plus importante, mais je vais combiner les deux questions que j’ai. Il me semble que nous nous attaquons à la sagesse populaire. Ma mère me disait de manger du pain, que c’était bon pour moi.
Je veux savoir si vous avez été en mesure de prévoir les conséquences négatives sur votre marché mondial si nous allions de l’avant avec cela. Nous sommes le grenier du monde. Nous continuons de nourrir le monde avec nos céréales. Cela vous a-t-il nui ou est-il susceptible de vous nuire sur le marché de détail? Vous devez vous retourner et commercialiser vos produits et les vendre aux grandes épiceries, mais celles-ci fabriquent déjà du pain pour la vente en gros. Prévoyez-vous des conséquences négatives si ce projet de loi est adopté?
M. Hetherington : Oui. On ne les a pas encore calculées, sénateur, tout simplement parce que les limites et la portée de la réglementation n’ont pas encore été définies. Ce qui est sur la table, d’après ce que nous comprenons, ce sont des interventions concernant la publicité du produit, l’emballage du produit et le placement en magasin. L’une des questions que m’ont posées récemment les membres de mon association provenant du secteur au détail est la suivante : les magnifiques vitrines, comme celles des petites boulangeries du coin, seront-elles permises en cette période de l’année, avec des maisons en pain d’épice et des biscuits en forme de père Noël? Cela va jusque-là à l’heure actuelle. Il y a certainement un risque important de conséquences négatives, pour reprendre vos termes, mais on ne sait pas encore quelle portée cela aura, simplement parce que la réglementation n’a pas encore été bien définie.
M. Nielsen : Si quelque chose du genre était en place pour les consommateurs canadiens, pour nos enfants ici au Canada, cela aurait des répercussions partout dans le monde. Nous participons à des missions avec Cereals Canada et le Cigi, qui représentent nos produits du blé. Si les habitants des pays à qui nous vendons du blé apprenaient ce que nous faisons ici, ils se demanderaient pourquoi ils devraient faire manger du blé canadien à leur famille.
Le sénateur R. Black : Si vous n’arriviez pas à faire adopter ces changements et que la mention « mauvais pour la santé » figurait sur le pain, comment la mise au point de nouvelles variétés de blé et la recherche et le développement pourraient-ils changer les choses? La recherche et l’innovation pourraient-ils faire en sorte que la mention « mauvais pour la santé » soit remplacée par « bon pour la santé »? Je me pose la question.
M. Van Tassel : Je pourrais commencer, puis Gordon pourrait poursuivre. Lorsque se fait la sélection du blé — je suis agriculteur, mais je finance la sélection du blé depuis un certain temps et je suis le dossier —, le sodium n’est pas touché. Je ne crois pas que l’on puisse faire n’importe quelle sélection, mais cet aspect ne peut être modifié. Vous devrez poser la question aux meuniers et aux boulangers, car aucune amélioration génétique ne supprimera la nécessité de mettre du sodium, du sel, pour aider la levure à agir.
M. Harrison : Nous ne croyons pas que la génétique modifiera sensiblement les attributs nutritionnels des nouvelles variétés, et la recherche a démontré que les principaux nutriments n’ont pas beaucoup changé au fil des ans. Il y a d’autres avantages à la sélection dont il sera question plus tard.
M. Hetherington : Le sodium est essentiel à la chimie de la boulangerie. Il a beaucoup de caractéristiques fonctionnelles. Je ne vais pas entrer dans les détails, compte tenu du peu de temps que nous avons, comme l’a souligné la présidente, mais il s’agit d’un aspect fonctionnel de la chimie de la boulangerie.
Le sénateur Oh : Ma question porte sur la croissance des revenus et les répercussions économiques. Si cette nouvelle restriction est mise en œuvre, pouvez-vous nous dire l’effet qu’elle aura sur la sécurité d’emploi et les revenus des gens de l’industrie, comme les boulangers, les producteurs de céréales et les minotiers, que vos organisations représentent? Y a-t-il un pays dans le monde qui a déjà mis en œuvre de telles mesures?
M. Hetherington : Je vais d’abord répondre à la dernière question. Je ne suis au courant d’aucun autre pays où l’on va aussi loin quant à l’objectif de réduction du sodium pour le pain. En ce qui concerne les autres répercussions économiques, pour faire suite aux commentaires précédents, nous ne les avons pas encore évaluées parce que nous ne connaissons pas la portée complète de la réglementation. Nous savons que lorsque nous avons participé à d’autres initiatives, comme le Groupe d’étude sur les graisses trans et le Groupe de travail sur le sodium, auxquels j’ai siégé, les recommandations ont été prises en compte et utilisées par d’autres ordres de gouvernement, d’autres acheteurs gouvernementaux, dans le cadre des critères d’achat. L’histoire a démontré que si le gouvernement du Canada fait une déclaration ou donne des directives, cela a des conséquences. Elles sont ensuite utilisées dans l’ensemble de l’économie canadienne comme base pour les directives nutritionnelles futures.
M. Nielsen : Nous exportons environ 23 millions de tonnes métriques de blé. Nos clients remettront en question la qualité de ce blé s’il y a des restrictions ici, chez nous. Les agriculteurs canadiens exportent 90 p. 100 de leurs produits. Il est essentiel que tous les agriculteurs aient accès à ce marché d’exportation. Il est impossible de mesurer les conséquences pécuniaires. Elles seraient dévastatrices.
Le sénateur C. Deacon : Cette réunion ne porte pas sur le projet de loi S-228, mais nous ne parlons que de ça. Le projet de loi S-228 limite la publicité destinée aux enfants. Il ne fait rien de plus. Premièrement, combien de publicité est destinée aux enfants?
Deuxièmement, en ce qui concerne les produits du pain, s’inquiète-t-on que l’apport en sodium des enfants au Canada soit nettement supérieur aux limites recommandées par l’OMS et d’autres organisations?
Si vous pensez que oui, quelles solutions avez-vous pour aider Santé Canada à faire face au fait que la consommation de sodium est un tel problème dans notre culture et dans l’alimentation de nos enfants? Il y a un problème du côté des portions et de la quantité quotidienne. Il ne s’agit pas d’étiqueter le blé ou le pain comme étant des produits mauvais pour la santé, mais de trouver une solution à la consommation de sodium. Quelles sont vos solutions et vos recommandations? Y a-t-il une façon d’aider Santé Canada?
M. Harrison : Oui, il y en a une. Tout d’abord, le projet de loi S-228 concerne la définition d’aliments mauvais pour la santé. Il ne s’agit pas seulement de publicité. Deuxièmement, il porte sur la mise en marché, ce qui est une erreur. Troisièmement, Paul nous dira combien de travail a déjà été fait volontairement pour réduire le sodium. Nous avons déjà réduit considérablement la teneur en sodium.
Le sénateur C. Deacon : Pouvons-nous faire plus?
M. Harrison : Probablement pas davantage au niveau fonctionnel dans la fabrication des produits. Paul a fait valoir ce point. La question importante est la suivante : comment pouvons-nous aider Santé Canada?
Je le répète, il n’est pas nécessaire de prendre des règlements en vertu du projet de loi S-228 pour donner suite à ce qui est proposé et à ce que la ministre a été chargée de faire. Santé Canada a tous les pouvoirs réglementaires pour le faire. Santé Canada dispose de toutes les directives et de toute la politique de réglementation fédérale pour élaborer un règlement qui limite la publicité destinée aux enfants, à condition que le terme « enfants » soit bien défini et que les critères définissant la publicité destinée aux enfants soient respectés. Ces principes sont énoncés dans la loi québécoise et les directives à l’industrie.
J’espère avoir répondu à votre question, mais parlez-nous de la réduction du sodium.
M. Hetherington : Nous nous intéressons à la réduction du sodium depuis 2010, année où le Groupe de travail sur le sodium a été mis sur pied. Depuis, d’après nos propres données et recherches — et elles ont été appuyées par des recherches effectuées par des tiers —, nous avons réussi à réduire d’environ 14 p. 100 la teneur en sodium du pain blanc et du pain de blé entier.
L’industrie reconnaît les cibles de réduction du sodium et participe à leur établissement. Les cibles de réduction du sodium pour le pain, par exemple, sont de 338 milligrammes par 100 grammes. Il s’agit d’une cible très ambitieuse — en fait, la plus élevée à l’échelle mondiale.
Le problème que nous avons maintenant, cependant, c’est que la cible établie et la cible non scientifique, une règle empirique établie dans le projet de loi S-228 pour le pain, est de 190 milligrammes. C’est 40 p. 100 de moins que l’objectif de réduction du sodium du plan volontaire préconisé par Santé Canada.
Nous produisons un pain qui répond à ce critère, soit 330 milligrammes par 100 grammes. Nous avons ensuite cherché un produit qui serait admissible en vertu des restrictions proposées. Nous en avons trouvé un, par suite de recherches dans notre propre base de données et d’autres bases de données...
Le sénateur C. Deacon : Ce n’est pas dans le projet de loi S-228, mais dans les lignes directrices élaborées par Santé Canada?
M. Hetherington : Tout cela s’inscrit dans le contexte de la mention « mauvais pour la santé » qui en découle. Je dirais que l’industrie de la boulangerie a fait des investissements et des efforts considérables. Nous continuons de le faire. Nous examinons la nomenclature des accords qui aideront à réduire davantage la teneur en sodium. Le problème que nous avons maintenant, c’est la mesure non scientifique — c’est-à-dire 190 milligrammes par 100 grammes — qui servira à déterminer que le pain est mauvais pour la santé des enfants. C’est quelque chose que nous ne pouvons tout simplement pas appuyer.
Le sénateur C. Deacon : Croyez-vous que les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé valent la peine qu’on les prenne en compte?
M. Hetherington : Je ne sais pas si l’OMS a des lignes directrices de 190 milligrammes par 100 grammes pour les enfants.
Le sénateur C. Deacon : De façon générale, le croyez-vous?
M. Hetherington : En ce qui concerne l’ensemble des aspects nutritifs, oui.
Le sénateur C. Deacon : Merci.
La sénatrice Seidman : Je dois commencer par dire que je ne veux pas que vous citiez à tort la sénatrice Nancy Greene Raine. Elle a pris sa retraite comme sénatrice, mais elle appuie sans réserve ce projet de loi. Il faut faire attention de ne pas dire que cela ne répond pas à ses attentes ou que ce n’est pas ce qu’elle voulait. Je n’arrête pas d’entendre cela, et je pense que c’est injuste. Elle appuie sans réserve ce projet de loi. Son projet de loi, le projet de loi S-228, porte sur une seule chose, soit la publicité destinée aux enfants, comme l’a dit le sénateur Deacon. Il ne s’agit que d’une chose, la publicité destinée aux enfants et, dans sa forme modifiée, la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Ce dont vous parlez maintenant, c’est de la réglementation.
Je pense qu’il ne faut vraiment pas confondre les deux choses. Ce que Santé Canada décide de faire avec le guide alimentaire et l’étiquetage sur le devant de l’emballage n’a rien à voir avec ce projet de loi.
Vous venez de mentionner, par exemple, l’Organisation mondiale de la Santé et son document, qui parle de réduire l’exposition des enfants à l’influence de la mise en marché d’aliments riches en gras saturés, en acides gras trans, en sucres et en sels.
Monsieur Hetherington, vous avez commencé votre exposé en parlant de ce que vous appelez la règle empirique non scientifique de contrôle de l’apport en sel. Il ne fait aucun doute que nous recevons régulièrement des lettres de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC, notamment, qui nous appuie sans réserve. Il y a beaucoup de données scientifiques sur le sodium et son rôle dans l’alimentation des gens. Est-il possible de produire des pains qui sont à la fois bons pour la santé et qui répondent à certaines exigences? Nous connaissons tous, par exemple, les languettes aux fruits synthétiques qui sont produites comme collations pour les enfants et qui contiennent 100 p. 100 de sucre, mais auxquelles on ajoute de la vitamine C pour pouvoir dire qu’elles sont bonnes pour la santé. On peut avoir du pain très transformé, dont on a retiré toutes les vitamines et tous les minéraux naturels, pour ajouter des vitamines et des minéraux synthétiques, afin de pouvoir dire qu’il s’agit d’un aliment bon pour la santé.
La question que je vous pose est la suivante : est-il possible pour l’industrie de produire du pain qui contient naturellement ces vitamines et ces minéraux, plutôt que d’être transformé, pour enlever les vitamines et minéraux et les réintroduire de façon synthétique?
M. Papanikolaou : Nous explorons actuellement cette possibilité, mais la science en est encore à ses premiers pas. J’entends constamment parler des problèmes associés à la consommation de sodium. Nous travaillons avec l’American Heart Association. Les nouvelles données montrent un problème plus important, à savoir le manque de potassium dans l’alimentation. On a dit du potassium qu’il était un nutriment préoccupant pour la santé publique au Canada et aux États-Unis. L’augmentation de l’apport en potassium contrebalance certains des effets du sodium. L’augmentation de la consommation de légumes est très importante et réglerait beaucoup de problèmes pour un grand nombre de Canadiens et d’Américains en ce qui concerne l’apport en sodium.
Pour revenir à votre question, nous explorons avec les chercheurs de l’Université du Kansas des moyens de transformer le sol en ce qui a trait au potassium. Autrement dit, y a-t-il moyen d’intégrer plus de potassium dans le sol qui pourrait ensuite être transféré à la plante? Cependant, les travaux sont encore très exploratoires.
M. Hetherington : Si vous me permettez de répondre, j’ai quelques observations à faire au sujet des commentaires de la sénatrice. Premièrement, nous croyons que le pain est bon pour la santé en ce moment. C’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet.
En ce qui concerne le commentaire au sujet de la mesure non scientifique, je suis certain de mon affirmation, parce que ce sont les termes mêmes de Santé Canada. Il s’agit d’une règle empirique qu’ils utilisent comme critère pour la réglementation. Nous avons fait des commentaires à ce sujet au comité en septembre. Je ne l’ai pas répété dans notre mémoire cette fois-ci. Encore une fois, si vous voulez, je pourrais vous montrer de nombreux cas où Santé Canada a fait référence à l’apport quotidien de 5 et de 15 p. 100 comme règle empirique. Il s’agit d’une mesure non scientifique. Nous sommes donc confiants en faisant cette affirmation.
En ce qui concerne les autres intervenants qui cherchent à améliorer l’apport nutritionnel global du pain, des travaux sont en cours à ce sujet. La tendance numéro un dans l’industrie est la santé et le bien-être, et tout le monde aspire à un étiquetage « propre ». Par cela, nous entendons retirer des produits tous les ingrédients compliqués et artificiels. Cela présente en fait certains défis dans un cas comme la réduction du sodium, parce que certaines des options ou des solutions de rechange au sodium produisent des effets secondaires qui nécessitent d’autres ingrédients, qui sont désignés par des termes complexes, comme les oxydes, par exemple.
L’industrie y travaille, et comme M. Papanikolaou l’a souligné, des recherches sont en cours dans ce domaine.
Le sénateur Doyle : Le pain est généralement composé ou enrichi de nutriments essentiels. Nous entendons tous dire qu’il y a des nutriments essentiels dans le pain. Avec la définition stricte de « mauvais pour la santé », sera-t-on en mesure de fournir ces nutriments essentiels aux enfants qui en manqueront, ou qui sont susceptibles d’en manquer, lorsque nous lancerons ce genre de campagne? N’est-ce pas discutable si on ne sensibilise pas d’abord les parents à la façon de compenser dans le régime alimentaire de leurs enfants? Qu’est-ce qui empêchera un enfant de manger le même pain que ses parents à la maison? Il faut une campagne d’éducation des parents, avant de pouvoir corriger la situation pour les enfants. Je pense que nous sommes allés un peu loin. Nous devenons trop politiquement corrects à cet égard. Au lieu de poursuivre dans cette direction, nous devrions peut-être envisager des campagnes d’éducation pour ceux qui jouent le rôle le plus important dans ce domaine, c’est-à-dire les parents.
Je sais qu’il ne s’agit pas vraiment d’une question, mais peut-être pourriez-vous commenter.
M. Papanikolaou : À l’heure actuelle, il n’y a pas de données sur les effets ou les résultats de l’élimination d’un aliment comme le pain de l’alimentation. Cela dit, j’entreprends un projet en janvier 2019 avec des chercheurs américains dans le cadre duquel nous allons examiner ce qui se passe dans le régime alimentaire des enfants et des adultes si nous éliminons 50, 75, 100 p. 100 du pain. Il s’agirait de nouvelles données qui contribueraient aux ouvrages scientifiques.
Ce que je sais, c’est que nous avons déjà fait des études de modélisation où nous avons examiné, par exemple, l’élimination des céréales raffinées dans l’alimentation des enfants. Nous nous sommes penchés précisément sur les céréales. Nous avons constaté que si l’on éliminait complètement toutes les céréales raffinées pour les enfants et que si ces derniers ne consommaient que des céréales à grains entiers, il leur manquerait certains nutriments. De plus, lorsqu’on élimine des aliments, il faut les remplacer par d’autres. Dans bien des cas, nous avons vu le nombre de calories augmenter, de même que les matières grasses totales et le sucre ajouté. Ce sont là des conséquences imprévues d’une telle proposition qui me préoccupent.
L’industrie laitière est passée par là, et il y a eu des moments où les gens préconisaient une réduction de la consommation de produits laitiers. Nous avons fait cette analyse, et des données ont été publiées en 2011, et nous avons montré que si les produits laitiers étaient éliminés et étaient remplacés par des produits non laitiers, il y aurait des carences en éléments nutritifs comme le calcium, la vitamine D et les protéines, ce qui représente un problème très important pour la santé publique.
M. Hetherington : Ma réponse en ce qui concerne la campagne d’éducation sur la nutrition est la suivante : absolument.
La sénatrice Wallin : Je suis ici depuis assez longtemps pour comprendre que la réglementation et la législation vont de pair. La législation correspond à l’orientation, et la réglementation, à la feuille de route. Elles sont donc cruciales. Nous l’avons vu dans la législation sur les pêches, la législation sur l’environnement, des choses sur lesquelles je me suis penchée directement. Ce qui ne peut pas être fait par la voie législative peut l’être par la voie réglementaire.
Messieurs, vous avez tous été très polis, je crois, en qualifiant ces conséquences imprévues comme étant peut-être un excès de réglementation. Pensez-vous que c’est plus que cela?
M. Harrison : Je tiens à vous remercier d’avoir reconnu que les deux vont de pair. Ce dont nous entendons parler et ce dont nous discutons aujourd’hui, c’est de la désignation de cette vaste gamme d’aliments à base de céréales comme étant mauvais pour la santé. Ce n’est pas scientifiquement fondé. Nous nous y opposons. C’est faux. Il y a des conséquences imprévues. J’aimerais ajouter quelque chose à ce que vous avez dit, à savoir qu’il n’est pas nécessaire que le projet de loi S-228 désigne des aliments potentiellement mauvais pour la santé et donne carte blanche à Santé Canada pour prendre ces décisions. Ce n’est pas nécessaire. Si Santé Canada souhaite intervenir avec le plein appui et la coopération de l’industrie, ce qui s’est fait à maintes reprises, alors cela peut s’inscrire dans les pouvoirs prévus dans la Loi sur les aliments et drogues. Tout cela est inutile. Si nous voulons aider Santé Canada à aller de l’avant, il y a d’autres moyens. Personne n’a dit dans nos mémoires que nous ne voulions pas que Santé Canada examine attentivement cette question. Nous travaillons tous une bonne partie de nos journées à aider Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments à offrir des aliments sûrs, sains et nutritifs.
Nous ne pouvons pas présumer que le projet de loi S-228 n’a pas d’incidence parce qu’il est simple et que tout le monde l’appuie. Soit dit en passant, les propositions de Santé Canada vont à l’encontre des recommandations de la Fondation des maladies du cœur sur son site web.
Ils vont de pair, mais nous n’avons pas besoin de ce projet de loi, qui n’est pas bien fait, je ne veux insulter personne, mais d’un point de vue législatif, il n’est pas bien rédigé. La mise en œuvre de cette mesure entraînera des complications. Nous aurions pu faire mieux. Je suis désolé que nous n’ayons pas été là le premier jour où il en a été question. C’est de ma faute. Ce n’est pas bien fait et nous pouvons faire mieux si nous pouvons faire différemment.
La sénatrice Wallin : Merci.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : J’aurais une courte question. Il me semble qu’il y a deux enjeux : la réglementation et le projet de loi S-228.
Vous avez parlé des règles de publicité québécoises, qui visent à prévenir la publicité adressée aux enfants, comme étant un modèle. Or, je comprends du projet de loi S-228 qu’il s’agit aussi d’une interdiction de faire de la publicité qui s’adresse aux enfants de moins de 13 ans. Y a-t-il des différences entre les deux? En fait, le projet de loi fait interdire la publicité sur le pain et d’autres choses pour les enfants. Donc, il me semble que c’est semblable à la législation québécoise quant à cet aspect. Pouvez-vous préciser?
[Traduction]
M. Harrison : Après avoir examiné la loi et les directives québécoises pour l’industrie hier, je peux faire des commentaires. La loi québécoise porte sur toute publicité s’adressant aux enfants et pas seulement celle sur la nourriture. La loi québécoise ne désigne aucun aliment comme étant mauvais pour la santé, mais elle traite de la question éthique de la publicité auprès des enfants.
La loi québécoise et les directives à l’industrie tiennent compte des aliments et du genre de publicité qui ne devrait pas viser des enfants. C’est un autre aspect du projet de loi. Il devrait concerner principalement les enfants, et pas les enfants de façon générale. C’est une distinction qu’il faut faire si nous continuons d’examiner ce projet de loi.
Les lois et les directives du Québec ont tenu compte d’un système d’évaluation visant à déterminer si la publicité contrevient ou non à l’esprit de la loi. C’est très clair, et le modèle québécois prévoit des situations où la publicité destinée aux enfants est considérée comme admissible et acceptable. Ces situations sont clairement énoncées. Ce n’est pas encore le cas ici.
En fait, je pense que c’est le contraire. Si nous commencions par ce qui est attendu de la ministre et non du sénateur, nous demanderions à Santé Canada comment mettre en œuvre cette mesure visant les aliments d’une façon qui soit juste et équilibrée afin d’imiter ce que le Québec a fait. Une fois que nous aurons une bonne idée de ce à quoi doit ressembler le règlement, nous pourrons voir s’il est même nécessaire de modifier la Loi sur les aliments et drogues à cette fin.
Ce projet de loi ne porte que sur l’alimentation. C’est une question de marketing, c’est très vaste. Il ne s’agit pas de publicité. Ce libellé pose problème en droit, parce que la commercialisation n’est pas définie dans la Loi sur les aliments et drogues, mais la publicité, l’étiquetage et la vente le sont. Je l’ai souligné dans ma lettre. On parle de deux choses. Merci d’avoir posé la question. Je veux dire que nous pouvons faire mieux et que le cadre québécois n’a pas été pleinement pris en compte dans ce que nous avons devant nous. Merci.
La présidente : Merci de cette précision.
[Français]
La sénatrice Gagné : Ma question est une question complémentaire à celle de la sénatrice Miville-Dechêne. La réglementation au Québec a-t-elle eu un impact sur les ventes?
[Traduction]
M. Hetherington : Je n’ai pas d’information à ce sujet, sénatrice.
M. Harrison : Je pense que nous n’avons pas non plus de données sur l’apport nutritif du Québec ventilées à l’échelle nationale, ce qui me semble être une question plus importante. Nous pouvons prendre la question en délibéré et essayer de vous fournir des renseignements.
La sénatrice Gagné : Merci.
Le sénateur R. Black : Nous en sommes à la 11e heure. Nous le reconnaissons tous. Quel changement minimum devrait-on apporter, selon vous?
M. Nielsen : Du point de vue des Producteurs de grains, simplement le mot « sain ».
M. Harrison : Sur le plan légal, il faut se débarrasser du marketing pour parler de publicité. Les dispositions d’entrée en vigueur sont incorrectes. Elles devraient s’inspirer de la Loi sur la salubrité des aliments au Canada et entrer en vigueur au moment où le gouverneur en conseil estime qu’il est prêt à mettre le règlement en œuvre. Il y a des aspects techniques. Je serais prêt à en discuter plus longuement et vous pourriez ensuite demander conseil aux avocats du ministère de la Justice. Il y a des choses fondamentales dans la loi qui modifient la Loi sur les aliments et drogues de façon inappropriée. C’est plus compliqué. En fin de compte, c’est « malsain ».
Le sénateur R. Black : Merci.
Le sénateur C. Deacon : Je suppose que vous conviendrez tous que la consommation de sel qui excède la limite pour une grande majorité d’enfants représente un défi. Je pense que c’est généralement reconnu comme un problème. Il ne s’agit pas d’éliminer le pain. Il s’agit d’essayer de gérer le problème ainsi que les autres problèmes liés à la consommation d’aliments malsains par les enfants.
Avez-vous étudié quelle quantité minimale de sel est nécessaire à la cuisson du pain? Premièrement, y a-t-il des recherches à ce sujet? Vous avez dit que vous avez réduit la proportion de sel, mais il ne reste pas vraiment de quoi réduire. Dispose-t-on de preuves laissant entendre qu’il n’y a pratiquement pas de marge de manœuvre, ce qui appuierait votre argument?
Comment pourrons-nous collaborer avec Santé Canada, si nous sommes déjà à la limite basse, pour trouver des moyens de réduire la consommation de sel chez les enfants? Il se pourrait qu’on n’autorise simplement plus de sel dans le pain parce qu’il y a un minimum que nous ne pouvons pas dépasser; les données scientifiques sont claires. Vous avez droit à un seuil plus élevé pour le pain, mais pas pour les autres produits. En fait, nous voulons trouver des solutions. L’objectif est raisonnable, c’est-à-dire de cesser de promouvoir de nombreux produits auprès des enfants, mais pas d’éliminer le pain. Ce n’est pas l’objectif de ce projet de loi.
Avez-vous étudié la question et existe-t-il des preuves quant à la quantité minimale de sel nécessaire pour que le pain soit réussi? Y a-t-il des recherches à ce sujet?
La présidente : Sénateur Deacon, si vous voulez une réponse à ces questions, nous devons partir maintenant.
M. Hetherington : Je n’ai pas les détails. Je peux vous dire, sénateur, que des recherches ont été faites à ce sujet. Je me souviens qu’au Royaume-Uni, par exemple, on s’est penché sur les restrictions, mais je ne peux pas affirmer que c’était fondé sur le minimum acceptable. Je crois que c’était fondé sur l’atteinte de certains objectifs.
Je corrigerai mon ami, M. Harrison, au sujet des pains en disant que le travail se poursuit à propos de la réduction du sodium et que la quantité de sodium diffère d’un type de pain à l’autre. Cela est partiellement dû à la nature du produit. Par exemple, la teneur en sodium d’une baguette est plus élevée que celle d’un pain blanc normal à cause de l’humidité évacuée à la cuisson pour former la merveilleuse croûte que nous aimons tous. Tous les ingrédients, dont le sodium, y sont concentrés, tandis que, dans le pain blanc, ces mêmes ingrédients sont dilués.
Le travail se poursuit, sénateur. Loin de moi l’idée de donner l’impression à quiconque que le travail ne se poursuit pas et que l’industrie ne cherche pas à réduire le sodium. Cependant, il y a des limites en raison du rôle particulier que joue le sodium.
Le sénateur C. Deacon : Je m’en doute.
La sénatrice Seidman : Je tiens à préciser encore une fois que nous avons dépassé la 11e heure de l’étude des règles et règlements, puisque la Chambre et le Sénat ont adopté le projet de loi S-228. Le projet de loi a été adopté. La seule chose sur laquelle nous votons maintenant au Sénat, c’est le message de la Chambre des communes. C’est tout. Les deux amendements sont les suivants : premièrement, réduire l’âge d’admissibilité de 17 à 13 ans; et, deuxièmement, imposer un examen quinquennal. C’est tout ce sur quoi nous votons, pas sur le mot « malsain ». Le texte a déjà été adopté.
C’est une question de règles, de processus et de procédures.
M. Harrison : Je vous en remercie.
La sénatrice Seidman : Je pense que vous devez comprendre cela. Tout est une question de réglementation. Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues. Que pouvons-nous faire pour réduire au minimum les soi-disant conséquences imprévues, comme on le dit dans le règlement?
M. Harrison : Ce n’est pas une question de réglementation. Si j’ai bien compris, le projet de loi doit être amendé. Désolé, on vous a demandé d’approuver ce que la Chambre a dit.
La sénatrice Seidman : Oui; l’accord sur ces deux questions seulement.
M. Harrison : Très bien. Je ne peux rien faire sur le fait que le projet de loi a été mal rédigé, que nous nous opposons aux aliments « malsains », et que le règlement prévoit de désigner ces produits comme étant mauvais pour la santé. C’est une erreur.
Avec tout le respect que je vous dois, s’il n’existe pas de procédure vous permettant d’apporter des amendements sensés au projet de loi afin de régler nos problèmes et de respecter nos obligations législatives et réglementaires, et de faire en sorte que la réglementation soit applicable — si vous n’êtes pas prête à le faire et ne disposez d’aucune procédure pour cela —, vous ne devriez pas adopter le projet de loi. Si vous voulez le faire tout de même, je vous exhorte à envisager de...
La sénatrice Seidman : Mais le projet de loi a été adopté, alors je ne comprends pas votre demande. Je vous pose une question très pratique sur ce que nous pourrions faire dans le règlement.
M. Harrison : Je vous invite à faire d’autres recommandations à la Chambre, à dire que nous pouvons accepter les amendements, mais que nous tenons à attirer son attention sur le fait que nous devrions peut-être également faire telle ou telle chose. C’est tout ce que je suggère.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’aimerais poser une brève question à M. Nielsen et à M. Van Tassel, qui représentent les producteurs de grains. Au Canada, en ce qui a trait aux grains de semence qui servent à faire de la farine, ces grains sont-ils génétiquement modifiés? Aucun? En êtes-vous certains? Quelqu’un nous a dit le contraire il y a deux semaines.
M. Van Tassel : Il n’y a aucun blé génétiquement modifié. On a trouvé quelques grains dans l’Ouest, mais il y a eu une erreur. Il n’y a aucun blé qui est génétiquement modifié. On peut vous l’assurer. C’est la même chose pour l’avoine et l’orge.
Le sénateur Maltais : Je me fie à votre parole; rien n’est modifié. Il n’y a aucun grain de semence qui est génétiquement modifié au Canada?
M. Van Tassel : Pour les grains de semence, comme je l’ai dit, les grains de blé, d’orge ou d’avoine ne sont pas génétiquement modifiés. Cependant, pour les grains de canola, de soya et de maïs, oui, certains de ces grains sont génétiquement modifiés. Toutefois, ce n’est pas le cas du blé, parce que, lorsqu’on parle de blé aujourd’hui, on parle aussi de pain, donc il n’y en a pas.
Le sénateur Maltais : D’accord, merci.
Le sénateur Dagenais : Ma question s’adresse à M. Hetherington. Au-delà de l’éducation et des règlements, pouvez-vous nous dire s’il est possible de faire une production du pain qui éviterait les conséquences de ce règlement et qui ferait disparaître le qualificatif de « malsain »?
[Traduction]
M. Hetherington : Sénateur, si vous voulez savoir s’il est possible de produire un pain contenant moins de 190 grammes de sodium par 100 grammes, la réponse est oui. Nous en avons trouvé un, comme je l’ai dit plus tôt. La question est de savoir s’il est possible de produire un tel pain en grande quantité pour la population du Canada. La réponse est non, d’après les renseignements dont nous disposons actuellement.
J’ajouterais que le pain que nous avons trouvé coûte 8 $ la miche. Cela nous ramène à mes commentaires précédents sur les problèmes d’ordre fonctionnel.
La présidente : Merci à nos témoins. Ce groupe était important et nous avons eu beaucoup de députés présents pour poser des questions; cela étant, nous avons bénéficié d’un deuxième tour.
J’apprécie vraiment la collaboration de tout le monde et je pense que nous avons eu une bonne discussion. Nous allons faire une pause et accueillir notre deuxième groupe de témoins.
Celui-ci est de taille plus réduite. Nous accueillons deux représentants de Santé Canada : Karen McIntyre, directrice générale de la Direction générale des aliments et de la Direction générale des produits de santé et des aliments, et David K. Lee, dirigeant principal de la réglementation, Direction générale des produits de santé et des aliments. Bienvenue à vous deux.
Merci d’avoir accepté notre invitation à venir témoigner aujourd’hui pour cette étude ponctuelle.
Karen McIntyre, directrice générale, Direction des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Merci, Madame la présidente et membres du comité de m’accorder cette occasion de discuter avec vous ce matin de l’approche réglementaire proposée par le gouvernement dans le cadre du projet de loi S-228, la Loi sur la protection de la santé des enfants. Je suis directrice générale de la Direction des aliments, chargée de diriger l’élaboration de ces règlements.
Je suis heureuse d’être accompagnée de mon collègue, David Lee, dirigeant principal de la réglementation à la Direction générale des produits de santé et des aliments du ministère.
Mon exposé de ce matin vise à vous donner un aperçu de l’approche réglementaire proposée pour le projet de loi S-228.
Je vais également profiter de cette occasion pour vous dire comment nous avons clarifié notre approche réglementaire afin de répondre à des préoccupations particulières qui ont été portées à l’attention de Santé Canada en ce qui a trait à la portée des aliments qui seront visés par le règlement proposé.
J’aimerais d’emblée situer le contexte expliquant pourquoi le gouvernement poursuit ces restrictions.
Le Canada est confronté à un fardeau incontestable : l’augmentation du nombre de cas de maladies chroniques. Ce qui est encore plus préoccupant est que ces maladies auparavant observées uniquement chez les adultes commencent à apparaître chez nos enfants. Des estimations récentes indiquent que près du tiers des enfants canadiens sont en surpoids ou obèses. Les enfants obèses ont un risque plus élevé d’asthme, de problèmes osseux et articulaires, de diabète de type 2, d’hypertension artérielle et de maladies cardiaques.
Ces maladies chroniques sont largement évitables. Les mauvaises habitudes alimentaires constituent l’une des principales causes de maladies chroniques au Canada. Seulement 1 enfant sur 10 mange suffisamment de légumes et de fruits. Plusieurs enfants dépassent les quantités recommandées de sucres, de sodium et de gras saturés.
Les enfants sont particulièrement vulnérables aux stratégies de marketing. Des preuves accumulées au cours des 20 dernières années démontrent clairement que la publicité ciblant les enfants influence directement leurs préférences alimentaires et exerce un pouvoir considérable sur les décisions d’achat des aliments des familles.
Les enfants sont exposés à la publicité tout au long de la journée par l’intermédiaire de la télévision, des médias imprimés et des plateformes numériques, et dans plusieurs milieux, notamment les écoles, les centres de loisirs et lors d’événements communautaires.
Certaines estimations donnent à penser que les enfants canadiens sont exposés à plus de 25 millions de publicités d’aliments et de boissons par année sur leurs sites web préférés, et 90 p. 100 de ces publicités font la promotion d’aliments ayant une forte teneur en sucre, en sodium ou en gras saturés.
Dans son rapport de 2016 intitulé L’obésité au Canada, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a recommandé que le gouvernement prenne un certain nombre de mesures pour s’attaquer à l’obésité, entre autres, des restrictions portant sur la publicité d’aliments et de boissons à l’intention des enfants.
Il n’est pas étonnant que la publicité d’aliments mauvais pour la santé destinée aux enfants ait également été ciblée par les organismes de santé faisant autorité, comme l’Organisation mondiale de la Santé et l’Institute of Medicine, en tant que l’un des facteurs principaux de l’obésité chez les enfants.
La protection de la santé des enfants est une priorité pour le gouvernement du Canada. Les lettres de mandat de 2015 et de 2017 de la ministre de la Santé demandaient la mise en place de nouvelles restrictions sur la publicité visant la consommation d’aliments et de boissons mauvais pour la santé destinée aux enfants, semblables à celles en vigueur au Québec.
L’objectif de ces restrictions est de réduire les risques pour la santé des enfants en diminuant leur exposition aux publicités qui leur sont destinées et qui font la promotion d’aliments contribuant à la consommation excessive de nutriments préoccupants, comme le sodium, le sucre et les gras saturés.
Je tiens à souligner que nous mettons l’accent sur les restrictions en matière de publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Le gouvernement ne propose pas de restreindre la publicité aux adultes, et nous ne proposons pas de restreindre la vente d’aliments ou leur disponibilité sur les tablettes des épiceries.
Le 27 septembre, l’honorable sénatrice Greene Raine a présenté au Sénat le projet de loi S-228, Loi sur la protection de la santé des enfants. L’élaboration de l’approche réglementaire en vertu du projet de loi S-228 repose sur des données scientifiques, des conseils d’experts, l’expérience du Québec et, surtout, sur la contribution des parties prenantes.
En juin 2017, Santé Canada a entrepris une consultation de 75 jours auprès des Canadiens sur l’approche réglementaire proposée. Nous avons reçu plus de 1 100 réponses de tous les secteurs, y compris de membres du public, d’organismes de santé, d’associations de l’industrie de l’alimentation, du secteur de la radiodiffusion et de la publicité, ainsi que d’organismes sportifs.
Outre cette vaste consultation, nous avons également participé à des discussions avec des intervenants de l’industrie et du secteur de la santé, dans le cadre de plusieurs discussions bilatérales qui se sont tenues au cours de la dernière année avec des représentants de Santé Canada.
Une mise à jour sur notre orientation stratégique pour les restrictions proposées a été publiée en ligne au début de mai 2018 et présentée sous forme de webinaire.
Cette mise à jour expliquait les facteurs à partir desquels déterminer si une publicité s’adresse aux enfants, soit le milieu physique, le moyen de communication et l’attrait de la publicité auprès des enfants. Cette approche s’aligne sur celle du Québec.
La mise à jour de mai expliquait également les critères nutritionnels visés par les restrictions en matière de publicité. Enfin, elle confirmait l’intention de Santé Canada d’exempter la commandite sportive pour enfants.
Le 5 novembre 2018, des représentants de Santé Canada ont rencontré des intervenants de l’industrie afin de discuter plus en détail des restrictions proposées en matière de marketing ciblant les enfants. L’industrie a exprimé un certain nombre de préoccupations relativement à l’approche proposée d’utiliser les critères nutritionnels comme première étape pour déterminer quels aliments sont assujettis à la réglementation, englobant ainsi un large éventail d’aliments.
Nous n’avons jamais eu l’intention de classer un large éventail d’aliments comme étant mauvais pour la santé. J’aimerais profiter de l’occasion pour vous expliquer comment nous avons modifié notre approche pour répondre à cette préoccupation sans compromettre les objectifs de la législation.
Nous avons modifié notre approche pour qu’il soit clair que seuls les aliments ne faisant pas l’objet de publicité pour les enfants ne sont pas assujettis au règlement. Le modèle de décision révisé visant à déterminer si la publicité doit être restreinte commencera par la question suivante : « Cet aliment est-il annoncé aux enfants? » plutôt que : « Cet aliment dépasse-t-il les critères nutritionnels pour les restrictions publicitaires? »
La question de savoir si la publicité est ou n’est pas destinée aux enfants sera encore déterminée en fonction du milieu physique, par exemple, les écoles; du moyen de communication, par exemple, la télévision; et par le fait qu’elle soit attirante pour les enfants, notamment grâce à des caractéristiques et à des techniques les ciblant.
Ce n’est que dans les cas où la publicité est destinée aux enfants qu’une décision devra être prise pour déterminer si l’aliment excède les critères nutritionnels ciblés par les restrictions en matière de publicité.
Au cours de discussions récentes, les principaux intervenants ont indiqué que ce changement clarifierait l’approche.
Je vais maintenant parler de la façon dont nous proposons de déterminer quels aliments ne peuvent faire l’objet de publicité destinée aux enfants, car ils excèdent les critères nutritionnels visés par les restrictions en matière de publicité.
Nous proposons que les restrictions en matière de publicité ciblent les aliments qui contiennent du sodium ajouté, du gras ajouté ou des sucres libres, dont les concentrations totales de sodium, de gras saturés ou de sucres sont supérieures aux seuils de faible teneur en sodium.
Santé Canada propose d’utiliser les seuils de faible teneur en sodium parce que notre modélisation montre clairement qu’il faut peu d’aliments excédant les seuils de faible teneur en sodium, en sucre ou en gras saturés pour que l’alimentation d’un enfant excède les recommandations en matière d’alimentation saine.
Le fait est qu’il y a peu de place dans une alimentation saine pour des aliments contenant des sucres libres, des gras saturés ajoutés ou du sodium ajouté.
Nous savons que 93 p. 100 des enfants âgés de 4 à 8 ans consomment plus que l’apport maximal tolérable de sodium. Nous savons aussi que la publicité est extrêmement convaincante pour influencer le choix des enfants, et c’est pourquoi il est important que seuls les aliments que nous souhaitons que les enfants consomment fassent l’objet de promotion.
Dans cette optique, le modèle de nutriments proposé a été conçu de manière à s’harmoniser avec le nouveau guide alimentaire. Les aliments recommandés pour consommation régulière par les enfants ne seront pas assujettis à des restrictions en matière de publicité.
Notre modèle nutritif proposé permettra de réduire au minimum l’exposition des enfants aux aliments qui contribuent à une consommation excessive de nutriments associés à un risque accru de maladie chronique et d’obésité.
Au cours des prochaines semaines, les représentants de Santé Canada organiseront une série de rencontres sectorielles avec l’industrie et des intervenants clés de la santé afin d’examiner le document d’orientation à l’appui du nouveau règlement proposé.
J’espère que cette présentation apporte des précisions sur la position de Santé Canada ainsi que sur le fait que seuls les produits alimentaires faisant l’objet de publicité destinée explicitement aux enfants sont visés par la réglementation proposée.
J’aimerais encore une fois remercier le comité de m’avoir donné l’occasion de clarifier certains éléments de la proposition du gouvernement visant à restreindre la publicité destinée aux enfants. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.
La présidente : Merci. J’ai quelques petites précisions à vous demander.
Tout d’abord, vous avez mentionné que vous avez eu récemment des discussions avec des intervenants clés de l’industrie. Est-ce que cela aurait pu inclure des membres du groupe précédent ou d’autres groupes?
Mme McIntyre : Nous avons parlé avec certaines des associations clés dont ces entreprises sont sûrement membres.
La présidente : Vous dites que vous proposez que les restrictions en matière de publicité s’appliquent aux aliments qui contiennent du sodium ajouté, du gras ajouté ou des sucres libres lorsque les concentrations totales de sodium, de gras saturé ou de sucres sont supérieures aux seuils de faible teneur. Est-ce nouveau ou était-ce encore sur la table, disons, lors de la consultation de novembre?
Mme McIntyre : Oui. Cela n’a pas changé, ce n’est pas nouveau.
La présidente : D’accord. J’ai une autre demande de précision.
Récemment, nous avons reçu une lettre du ministère indiquant que les intervenants seraient informés d’un changement de politique. Le changement de politique est celui que vous venez d’énoncer aujourd’hui?
Mme McIntyre : Oui, c’est exact.
La présidente : Nous avons une liste d’intervenants.
Le sénateur Mercer : Merci, sénateur Maltais, de m’avoir cédé votre place. J’aimerais revenir sur les questions posées par la présidente.
À plusieurs reprises dans votre présentation, vous avez parlé des intervenants clés de l’industrie que vous avez consultés. Plus précisément, avez-vous parlé à des représentants du secteur agricole? C’est-à-dire les gens qui travaillent dans le secteur agricole pour créer les produits dont nous parlons et qui pourraient être touchés par ce règlement, c’est-à-dire les agriculteurs, les gens à qui nous devons ces produits?
Mme McIntyre : Nous avons été aussi inclusifs que possible pour ce qui est de communiquer avec les principaux intervenants de l’industrie. En fait, notre réunion du 5 novembre était une réunion en personne tenue à Ottawa. Il y avait là une cinquantaine d’intervenants qui représentaient tous les différents secteurs, qu’il s’agisse de la fabrication de produits alimentaires, des groupes publicitaires, des théâtres et des cinémas — tous ceux qui, selon nous, pourraient être touchés par ces règlements.
Le sénateur Mercer : Vous n’avez toujours pas répondu. Y avait-il des agriculteurs?
Mme McIntyre : Il n’y avait pas d’agriculteurs, non, mais il y avait des gens qui représentaient l’industrie de la boulangerie et des céréales. Oui, ils y étaient.
Le sénateur Mercer : Vous n’avez donc pas consulté tout le monde, c’est-à-dire les gens à qui nous devons les produits et à qui le Canada doit sa réputation de grenier de la planète. Vous n’avez pas consulté tout le monde. Il faut consulter les gens qui créent les produits.
Mme McIntyre : Nos consultations ne sont pas terminées. Ce n’en était qu’une partie. Nous allons en faire beaucoup plus. Tous les Canadiens peuvent consulter la partie 1 de notre processus de consultation officiel.
[Français]
Le sénateur Maltais : Madame McIntyre, vous avez souvent souligné la politique québécoise en matière de publicité pour la nutrition des enfants. En avez-vous évalué les résultats?
[Traduction]
Mme McIntyre : Oui. Des études menées au Québec ont porté sur les répercussions de ces règlements.
Par exemple, certaines études montrent qu’il y a eu des effets positifs sur les comportements d’achat, une fois que les enfants deviennent des adultes. Une étude a révélé que les ménages francophones du Québec étaient beaucoup moins susceptibles de se procurer de la malbouffe que les ménages anglophones du Québec et de l’Ontario. Une autre étude réalisée en 2011 a révélé qu’un jeune adulte francophone est 38 p. 100 moins susceptible d’acheter de la malbouffe durant une semaine donnée s’il vit au Québec plutôt qu’en Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : On sait que la malbouffe cause l’obésité, avec tous les problèmes qui y sont associés.
Est-ce que, dans la publicité et la réglementation que vous préparez, il ne faudrait pas mentionner aussi que, au lieu de manger de la malbouffe, il faudrait faire de l’exercice? Je vois dans certaines publicités au Québec des parents qui insistent pour que leurs enfants mangent des légumes, mais également pour qu’ils aillent jouer dehors. On leur suggère de laisser un peu de côté la tablette et l’ordi pour aller jouer dehors. Ne pourrait-on pas inclure dans cette réglementation publicitaire l’idée que faire de l’exercice est complémentaire à une bonne alimentation?
[Traduction]
Mme McIntyre : Vous avez raison, sénateur. C’est important. Restreindre la publicité d’aliments mauvais pour la santé aux enfants n’est pas le seul outil dont nous disposons. L’obésité est complexe, comme vous le soulignez. La nutrition est une science complexe. C’est pourquoi nous avons élaboré une stratégie pour une saine alimentation. Il s’agit d’une série d’outils et d’interventions qui visent tous à améliorer collectivement la santé des Canadiens et des enfants.
[Français]
Le sénateur Maltais : Une grande majorité de familles, qui ont un ou deux enfants, habitent des édifices à condominiums de 20 ou 30 étages. Les jeunes arrivent de l’école et rentrent chez eux. Pensez-vous qu’ils ont envie de redescendre pour aller faire de l’exercice après le souper, sur l’asphalte, dans le stationnement ou dans la circulation? Je ne crois pas.
La publicité doit non seulement toucher les enfants, mais également les parents. Elle doit inviter les parents à faire de l’exercice avec leurs enfants. Il en coûtera beaucoup moins en médicaments contre le diabète. Il faudrait que les parents soient ciblés également pour inciter les enfants à faire de l’exercice. Je crois que cet aspect peut s’inscrire quelque part dans la réglementation.
[Traduction]
La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre exposé, madame McIntyre. Simplement pour récapituler, parce qu’il semble régner ici une très grande confusion. Malheureusement, il a fallu beaucoup de temps aux deux Chambres pour entériner l’adoption du projet de loi S-228, et celle-ci semble naturellement coïncider avec votre règlement sur l’étiquetage sur le devant de l’emballage et les changements apportés au Guide alimentaire canadien. Il me semble donc que nous avons regroupé beaucoup de choses ici.
Vous avez modifié votre approche, et je pense que c’est vraiment important, pour préciser que les aliments qui ne sont pas annoncés aux enfants ne sont pas assujettis à la réglementation, et cela concerne la publicité sur les critères nutritionnels. Pensez-vous que cela donne directement suite aux observations des témoins précédents au sujet de leurs craintes pour l’industrie du pain?
Mme McIntyre : Oui, je le crois. Je pense qu’il est vraiment important de préciser les choses. Ce n’est pas l’intention. Nous ne classons pas les aliments comme étant mauvais ou bons pour la santé. En fait, les messages de Santé Canada en matière d’alimentation ne portent pas sur des aliments individuels, mais plutôt sur leur contribution à une saine alimentation dans l’ensemble. Par exemple, Santé Canada recommande que les Canadiens consomment régulièrement des légumes, des fruits, des grains entiers et des aliments protéiques, et signale que les aliments nutritifs ne doivent pas contribuer à une consommation excessive de gras saturés, de sodium et de sucre. Nous recommandons aux gens de choisir des aliments qui contiennent peu ou pas de sodium, de sucres et de gras saturés ajoutés et d’utiliser le tableau de la valeur nutritive pour comparer les produits et choisir ceux qui contiennent moins de ces nutriments à consommer avec modération.
Nous savons que les enfants mangent trop de ces nutriments et qu’ils sont fortement influencés par la publicité. Cela les amène à vouloir acheter ces produits ou à inciter leurs parents à acheter ces produits pour eux. Comme je l’ai déjà dit, la majorité de ces aliments destinés aux enfants contiennent beaucoup de gras saturés, de sodium et de sucre. Ce règlement vise donc vraiment à réduire les risques pour la santé des enfants en diminuant leur exposition à la publicité des aliments qui leur est destinée de manière à faire baisser leur consommation de ces nutriments clés. Ce règlement vise avant tout à protéger les enfants et à mettre en place des règles qui interdiront la publicité destinée à une population très vulnérable.
Le sénateur Oh : Madame McIntyre, l’âge précisé dans le projet de loi S-228 a été ramené de 17 à 13 ans. À quel âge croyez-vous qu’il est le plus important d’interdire la publicité d’aliments malsains pour les enfants?
Mme McIntyre : La raison pour laquelle nous avons fait passer l’âge de 17 à 13 ans, c’était pour mieux harmoniser. C’est l’âge qui est appliqué actuellement au Québec, alors nous avons décidé d’appliquer la même limite d’âge, c’est-à-dire de moins de 13 ans. C’est à cet âge que nous pensons qu’il est essentiel de restreindre la publicité.
Le sénateur Oh : À quel âge le pain aide-t-il les enfants à grandir? À quel âge est-il le plus important d’en consommer?
Mme McIntyre : Entre 1 et 13 ans, je ne pourrais vraiment pas vous le dire. Je n’ai pas d’information ni de données pour répondre à cette question.
David K. Lee, dirigeant principal de la réglementation, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : L’un des autres changements qui ont été apportés, et je crois que la sénatrice Seidman en a parlé, c’est qu’il y aura une période de surveillance de cinq ans, surtout parce que nous abaissons l’âge, pour vraiment déterminer s’il y aura une différence dans les habitudes publicitaires et à quoi ressembleront les groupes d’âge. Nous allons continuer d’examiner cela.
Le sénateur Oh : L’exercice à l’école est très important. Pas seulement la consommation. Je pense qu’il faudrait peut-être se pencher sur l’exercice physique dans les écoles. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Félicitations aux membres de l’autre groupe et à votre équipe pour les progrès réalisés par le groupe de travail sur la réduction du sel dans le pain. Avez-vous des preuves quant aux montants minimums? Avez-vous pris connaissance de recherches sur les quantités minimales de sel qui pourraient être utilisées dans le pain? Sommes-nous au seuil minimal à l’heure actuelle?
Avez-vous envisagé des façons d’examiner la valeur nutritive globale d’un produit? Certains affirment qu’il s’agit d’éliminer le pain. C’est faux et c’est très clair. Avez-vous examiné la valeur nutritive globale d’une catégorie de produits et avez-vous pensé qu’il vaut la peine d’avoir plus de sel, plus d’un ingrédient quel qu’il soit, dans cette catégorie, pour que les consommateurs puissent profiter des autres bienfaits nutritionnels, alors que dans cette catégorie de produits, il n’y a pas d’avantages nutritionnels, et que n’importe quelle quantité est en trop? Avez-vous pris le temps d’examiner cette question?
Mme McIntyre : Pour répondre à votre deuxième question, non. Le règlement vise à restreindre la publicité sur les aliments qui contiennent ces nutriments clés. Il ne s’agit pas de promouvoir les nutriments positifs. Santé Canada utilise d’autres outils pour promouvoir les aliments sains, comme le Guide alimentaire canadien.
Le sénateur C. Deacon : Connaissez-vous les seuils minimums pour le sel?
Mme McIntyre : Non. Depuis 2010, nous appliquons un programme volontaire de réduction du sodium et nous avons établi des cibles volontaires que les entreprises doivent atteindre pour réduire le sodium dans 94 catégories de produits. Comme ces cibles ont été élaborées en consultation avec l’industrie, nous croyons qu’elles peuvent être atteintes.
Le sénateur C. Deacon : Il n’y a aucune preuve qu’elles peuvent l’être ou rien qui n’indique qu’il s’agit de cibles vraiment basses ou vraiment très ambitieuses?
Mme McIntyre : Bien, nous croyons que ces objectifs sont réalisables. Nous avons réalisé des progrès. Plus tôt cette année, nous avons publié un rapport indiquant comment les entreprises ont atteint ces cibles dans ces 94 catégories d’aliments. Bien que les progrès n’aient pas été remarquables, certains progrès ont été réalisés en vue d’atteindre les objectifs.
À ce stade-ci, nous les examinons, nous consultons certains secteurs de l’industrie pour comprendre pourquoi ils ne pourraient pas atteindre les cibles et pour ajuster nos cibles en prévision de l’avenir. Nous tiendrons des consultations sur de nouvelles cibles pour l’industrie des aliments transformés, et non seulement pour cette dernière, mais aussi pour les restaurants.
La sénatrice Wallin : Cette semaine, je pense que beaucoup d’entre nous ont vu aux nouvelles nationales un reportage selon lequel le prix des aliments pour un ménage canadien moyen augmente de 411 $. L’on signale que le prix des légumes est particulièrement inquiétant, en partie à cause des conditions météorologiques et en grande partie parce que les serres au Canada cultivent maintenant de la marijuana, et non des légumes.
Je me demande si vous tenez compte, quand vous élaborez des règlements, de la disponibilité des aliments, des différences que vous constatez entre le Canada rural et le Canada urbain et de l’abordabilité des aliments.
Nous avons dit que le pain à faible teneur en sodium coûtait 8 $. Ce n’est vraiment pas réaliste pour une famille qui doit faire des sandwichs pour les repas des enfants à l’école. Quel rôle jouent la disponibilité et l’abordabilité dans votre détermination d’un règlement?
Mme McIntyre : L’abordabilité des aliments est un point très important qui a évidemment une incidence sur l’efficacité des règlements qui sont mis en place. En ce qui concerne l’élaboration des règlements, l’abordabilité des aliments n’est pas un facteur dont nous tenons compte dans le cadre de notre mandat lorsque nous faisons la promotion d’une saine alimentation et visons la protection des enfants.
Il y a d’autres programmes gouvernementaux qui le font. Par exemple, il y a Nutrition Nord, un programme qui permet de s’assurer que des aliments sains et abordables sont disponibles, particulièrement dans les collectivités nordiques et éloignées. Il y a d’autres programmes qui sont conçus pour régler la question de l’abordabilité, mais dans le cadre de notre mandat particulier, nous ne nous penchons pas là-dessus.
La sénatrice Wallin : Ce n’est pas seulement un problème dans le Nord.
Mme McIntyre : Je comprends.
La sénatrice Wallin : Je ne peux pas croire que ces facteurs ne sont pas pris en considération, y compris la disponibilité.
M. Lee : Pour ce qui est du processus de réglementation, comme nous ne faisons que commencer, nous avons convoqué un certain nombre d’associations et d’entreprises pour en parler comme l’un des aspects que nous devons respecter. C’est le Conseil du Trésor et le Cabinet qui prendront le règlement, et non le ministre.
Notre responsabilité consistera à recueillir des données probantes de tous les secteurs, et je m’attends à ce que les secteurs nous disent quelles seront les répercussions, et nous devrons tenir compte de ces considérations. Pour ce qui est d’influer sur la politique, cependant, nous devons nous en tenir au mandat qui a été confié au gouverneur en conseil et préciser quels aliments dont la consommation doit être réduite.
La sénatrice Wallin : Pour faire suite à la question du sénateur Deacon, pensez-vous que le pain est malsain?
Mme McIntyre : Non, ce n’est certainement pas ce que nous disons. Nous n’essayons pas de catégoriser les aliments comme étant sains ou malsains.
M. Lee : Il est important pour Santé Canada de ne pas catégoriser le pain comme étant mauvais pour la santé. Aucune déclaration en ce sens ne sera faite.
La sénatrice Wallin : Et pas de preuves scientifiques?
M. Lee : Ces preuves sont fondées sur des données scientifiques qui nous disent quelles substances — le sodium, le sucre et les gras saturés — les enfants devraient consommer avec modération. Nous devons donc veiller à ce que ces substances ne servent pas à mousser les ventes. C’est tout ce que fait cette règle. Cela n’empêche pas les gens de vendre ou de faire du pain ou d’en consommer. Nous interdisons simplement d’en faire la publicité auprès des enfants et laissons les parents prendre la décision. La publicité peut être destinée aux parents, mais pas aux enfants. C’est l’intention visée.
Mme McIntyre : L’autre point important que j’aimerais soulever, c’est que l’expression « mauvais pour la santé » est utilisée dans le projet de loi et qu’elle sera définie dans le règlement, mais c’est le seul endroit où vous allez la trouver. Vous ne verrez jamais l’expression « mauvais pour la santé » associée à un produit. On ne la verra pas dans les épiceries et les consommateurs ne la verront pas associée aux produits visés par ce règlement.
La sénatrice Wallin : Sauf que n’importe qui d’autre, comme un concurrent ou quelqu’un d’autre qui voudrait en parler, serait justifié d’utiliser cette expression parce qu’elle est là.
La présidente : Nous devons poursuivre. Je pense que vous avez fait valoir votre argument.
[Français]
La sénatrice Gagné : Merci de votre présentation, madame McIntyre. Si je comprends bien, pour récapituler, vous allez étudier le contexte dans lequel un produit est publicisé. Si la publicité du produit ne vise pas les enfants, finalement, on ne le considérera pas nécessairement comme un produit qui serait bloqué ou comme un produit malsain. C’est ce que je comprends.
[Traduction]
Mme McIntyre : Il s’agit de viser la publicité destinée aux enfants.
[Français]
La sénatrice Gagné : C’est ça. Dans votre présentation, vous dites ce qui suit : « Les aliments recommandés pour consommation régulière par les enfants ne seront pas assujettis en matière de publicité. » Ça, c’est clair. Dans le Guide alimentaire canadien, en ce moment, nous faisons un choix en fonction des portions des aliments que nous devons consommer tout au long d’une journée. Nous y retrouvons des exemples tels que le pain, le bagel, le pain plat, le riz, les céréales, les pâtes alimentaires, et cetera. C’est un guide. En fin de compte, cela ne va pas changer; est-ce que j’ai raison de le croire?
[Traduction]
Mme McIntyre : À titre de précision, vous demandez si rien ne changera dans le Guide alimentaire canadien?
La sénatrice Gagné : En fait, suivant la façon dont tous les produits sont catégorisés, on trouve le pain, les bagels, le pain plat, le pita, le riz et les céréales, et ainsi de suite. Ces aliments sont dans le Guide alimentaire canadien. Cela ne changera pas?
Mme McIntyre : C’est exact, oui. Nous recommandons des aliments qui contiennent des grains entiers.
[Français]
La sénatrice Gagné : Merci.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je veux bien comprendre ce que vous avez dit, parce qu’on nous a beaucoup parlé d’étiquetage spécifique. Est-ce que cela veut dire que les aliments dont on ne peut pas faire la publicité pour les enfants n’auront pas ces nouvelles étiquettes ou est-ce que ce sont deux questions complètement distinctes?
M. Lee : Oui, c’est ça.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je réponds à ma propre question, je m’excuse, mais c’est parce qu’il y a deux enjeux ici.
Je veux vous faire part de certaines inquiétudes. On a beaucoup parlé du blé et des grains ce matin, mais les producteurs laitiers sont très préoccupés par le projet de loi S-228. Est-ce que le lait dans lequel on ajoute du calcium sera déclaré comme étant un produit mauvais pour la santé pour qu’on ne puisse pas en faire la publicité à l’endroit des enfants? Je pense au lait transformé et au fromage. C’est une crainte importante, parce que c’est une très grosse industrie, tout comme celle du yogourt. Il s’agit de produits qui, dans l’histoire, étaient jugés bons pour la santé, en raison de leur teneur en calcium et de tous les autres apports. Pourriez-vous clarifier cette question? Elle génère beaucoup d’inquiétudes.
[Traduction]
Mme McIntyre : Bien sûr. Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, les critères relatifs aux éléments nutritifs que nous examinons ne s’appliquent qu’au sel, au sucre et aux gras saturés ajoutés. Ils ne s’appliquent pas à des éléments comme le calcium. Nous ne visons que les nutriments qui, s’ils sont consommés au-delà des limites recommandées, contribueront à l’obésité et à d’autres maladies chroniques liées à l’alimentation. Si l’on n’ajoute pas de gras saturés, de sucre ou de sodium, le produit ne sera pas assujetti au règlement.
La sénatrice Miville-Dechêne : Donc, la publicité de ces produits pourrait être destinée aux enfants?
Mme McIntyre : Oui.
La sénatrice Miville-Dechêne : Tant que le sucre n’est pas ajouté?
Mme McIntyre : Pourvu que le sucre ne soit pas ajouté. Évidemment, il y a des sucres et des gras naturellement présents dans les yogourts, mais cela ne nous préoccupe pas. Ce sont les ingrédients ajoutés.
Le sénateur Doyle : Comment nos efforts au Canada en matière de réglementation de la publicité et de la publicité ciblée à l’intention des enfants se comparent-ils à ce qui se fait aux États-Unis ou en Europe? Y a-t-il quelque chose que nous devrions apprendre d’eux et que nous devrions faire en ce qui concerne la réglementation visant les enfants et la publicité? Sommes-nous à la traîne? Sommes-nous très en retard? Avons-nous beaucoup à apprendre de l’Europe ou des États-Unis à cet égard?
Mme McIntyre : Nous avons bien sûr examiné ce qui se fait dans d’autres pays. C’est toujours très important lorsqu’on envisage d’élaborer de nouveaux règlements.
Partout dans le monde, les restrictions en matière de publicité peuvent varier sur le plan de la portée et de l’étendue. Le Chili et le Royaume-Uni, par exemple, imposent des restrictions obligatoires sur une vaste gamme de formes et de formats utilisés pour faire de la publicité auprès des enfants, y compris à la télévision, à la radio, sur Internet, dans la presse écrite, sur les panneaux publicitaires, et ainsi de suite. D’autres pays comme l’Irlande, le Mexique et la Corée du Sud concentrent leurs restrictions sur certains médias comme la télévision et le cinéma, et imposent des restrictions volontaires sur d’autres formes de publicité comme les médias numériques et imprimés.
Comme vous pouvez le constater, nous avons examiné ce que font d’autres pays. Cela varie dans une certaine mesure.
Le sénateur R. Black : Merci beaucoup de votre exposé. Un intervenant précédent a parlé d’une règle générale. Est-ce que c’est votre « faible teneur en »?
Mme McIntyre : Je ne sais pas d’où cela vient, mais je vais essayer de l’expliquer parce que ce n’est pas une règle générale.
Les politiques et les règlements que nous élaborons sont fondés sur des preuves scientifiques. Ces preuves et ces données probantes sont très importantes pour nous. Lorsque nous avons fixé le seuil à 5 p. 100, nous l’avons fait après avoir modélisé ce que mangent les enfants. Nous savons ce que les enfants mangent d’après nos données de l’ESCC. Sur cette base, nous savons que le régime alimentaire doit contenir le moins possible de gras saturés, de sucres et de sodium ajoutés, particulièrement chez les enfants. Nous savons qu’un seuil de 5 p. 100 permet de s’assurer que les enfants ne dépassent pas les limites recommandées de gras saturés, de sucres et de sel dans leur alimentation.
Le sénateur R. Black : Le règlement fera-t-il une distinction entre la publicité et le marketing? Y a-t-il quelque chose dans votre projet de règlement ou dans votre réflexion qui ferait en sorte que l’un aurait préséance sur l’autre, ou quelque chose du genre?
M. Lee : La publicité est définie dans la loi. C’est l’expression visée dans l’interdiction et celle sur laquelle sera orientée la réglementation. Nous n’allons rien réinventer. Nous suivons l’orientation indiquée dans la loi. Nous nous concentrons sur la publicité.
Le sénateur R. Black : Nous avons entendu beaucoup de réflexions de la part des intervenants depuis notre réunion du 5 novembre. Avez-vous en tête un calendrier des prochaines réunions au fur et à mesure que les choses seront mises en place?
Mme McIntyre : Nous commencerons à tenir des réunions sectorielles au cours des prochaines semaines. Nous en tiendrons jusqu’à Noël et tout au long du mois de janvier. Nous engagerons des discussions assez intensives avec des intervenants clés de l’industrie ainsi qu’avec des intervenants du secteur de la santé.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Madame McIntyre, si je vous demandais une appréciation globale de la situation actuelle, est-ce que le gouvernement vous oblige à prendre des décisions rapidement sur des informations qui sont plus ou moins complètes, quitte parfois à fermer les yeux quant aux conséquences économiques pour les industries canadiennes?
Les décisions qui seront prises auront des conséquences sur les industries canadiennes. Il faut tenir compte de cela aussi.
[Traduction]
Mme McIntyre : Non. Nous avons des preuves solides. Encore une fois, comme je l’ai déjà dit, lorsque nous présentons un projet de règlement, nous le fondons sur des preuves scientifiques. Il ne manque pas de données scientifiques pour appuyer l’orientation que nous prenons avec ces règlements. Les conséquences économiques sont très importantes. Il s’agit d’une considération importante en ce qui concerne la directive du Conseil du Trésor sur l’élaboration de règlements. Nous en tenons assurément compte. C’est pourquoi il est important que l’industrie nous fournisse des données solides et fiables sur les coûts, afin que nous puissions connaître les coûts pour l’industrie et les comparer aux avantages pour le public.
M. Lee : J’ajouterai qu’un processus rigoureux est observé pour chaque règlement que nous soumettons au gouverneur en conseil afin de procéder à une évaluation complète de l’incidence économique ou des avantages et d’examiner les répercussions du règlement. Nous examinons les chiffres avec les secteurs pour nous assurer que nous obtenons une analyse fiable, que nous comprenons vraiment quelles seront les répercussions, en incluant les associations qui ont témoigné aujourd’hui.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Cela revient à ce que je disais tout à l’heure. Lorsque vous faites une évaluation économique et une étude de l’incidence, est-ce que la disponibilité et l’abordabilité sont incluses au titre de l’incidence économique?
M. Lee : Si elles nous sont présentées, nous devons en tenir compte. L’analyse du Conseil du Trésor est très bien expliquée. Il faut examiner les coûts directs associés à la mesure, mais également tenir compte des coûts indirects et ensuite des avantages que vous obtiendrez pour la santé de la population. C’est très détaillé. Nous allons examiner toute une série d’aspects pour procéder à cette analyse. Je m’attends à ce que ce soit un très long processus.
La sénatrice Seidman : J’apprécie beaucoup vos éclaircissements, qui permettent de dissiper la confusion quand nous naviguons entre l’étiquetage sur le devant de l’emballage, le Guide alimentaire canadien et le projet de loi S-228. Je pense que c’est important.
Il me semble que vous dites que le règlement indique clairement que le pain ou tout autre produit alimentaire ne sera pas étiqueté « mauvais pour la santé » dans la foulée du projet de loi S-228. Malgré le fait que l’expression « mauvais pour la santé » se trouve dans le projet de loi, aucun produit alimentaire n’est désigné comme tel?
M. Lee : C’est exact, madame la sénatrice. En fait, la présence de l’expression « mauvais pour la santé » dans le projet de loi de la sénatrice Greene Raine vise en fait à faire en sorte, au moment où le gouverneur en conseil prendra le règlement, que les substances ajoutées qui causent un préjudice soient incluses. C’est vraiment pour nous orienter vers cette voie. Il n’a jamais été question d’établir une disposition déclaratoire ou de dire catégoriquement qu’un aliment en particulier est mauvais pour la santé. Ce n’est pas vraiment la fonction de cette expression au niveau législatif, à notre avis.
La sénatrice Seidman : L’analyse des éléments nutritifs ne s’applique qu’aux aliments dont la publicité s’adresse aux enfants de moins de 13 ans, parce que le message de la Chambre fait passer l’âge de 17 à 13 ans. Donc, l’analyse des nutriments ne s’applique qu’aux aliments dont la publicité est destinée aux enfants de moins de 13 ans?
Mme McIntyre : C’est exact.
Le sénateur C. Deacon : Si je comprends bien, vous commencez par demander si la publicité des aliments est destinée aux enfants. Vous avez maintenant éliminé 99 p. 100 des pains selon deux études que j’ai pu trouver. Puisque la publicité de seulement 1 p. 100 des pains s’adresse aux enfants, 99 p. 100 des pains ne sont pas visés. C’est vraiment une grande différence par rapport à ce que nous avons entendu. En fait, c’est exactement le contraire de ce que nous avons entendu. Je suis heureux que ce problème ait été réglé. Je pense que c’est un changement essentiel parce que le projet de loi S-228 n’y change rien.
La convergence d’un certain nombre de ces enjeux est préoccupante, et je tenais simplement à le préciser.
Madame la présidente, je pense qu’il vaut la peine de revoir l’étiquetage des produits et de l’examiner de façon plus détaillée. Je suis préoccupé par certaines des questions soulevées par la sénatrice Wallin au sujet de la disponibilité et des coûts. Nous aurons peut-être l’occasion plus tard d’examiner cette question de façon plus détaillée, et pas seulement dans le cadre d’une séance de deux heures.
La présidente : Vous soulevez un excellent argument, monsieur Deacon. Nous avons choisi un aliment, le pain, sur lequel nous nous concentrons aujourd’hui, mais nous avons pensé que c’était une façon d’aborder la question et de la garder aussi simple que possible parce que c’est très complexe, comme vous l’avez mentionné.
Le sénateur C. Deacon : Et les retombées économiques sont importantes.
La présidente : Tout à fait, c’est un vaste domaine.
Le sénateur R. Black : Dans la même veine, je ne suis pas sûr de voir les 99 p. 100/1 p. 100 que vous voyez. Il faudrait que j’y réfléchisse davantage.
Le sénateur C. Deacon : Je vais vous communiquer ces études.
Le sénateur R. Black : Je veux savoir si, au cours des prochaines semaines, vous allez inviter et rencontrer les boulangers, les meuniers, les céréaliculteurs du Canada et les producteurs laitiers?
Mme McIntyre : Oui.
La sénatrice Wallin : Serait-il possible, après ces consultations et après ce que nous avons entendu ce matin, que la réglementation puisse changer?
Mme McIntyre : Nous n’allons pas mener des consultations au sujet du règlement. Ce sera une question d’orientation. Nous avons rédigé un document d’orientation qui explique vraiment comment le règlement sera appliqué. Nous entrons beaucoup dans les détails. Nous voulons vraiment comprendre les divers secteurs, ce qu’ils en pensent, où ils pensent que nous devons rajuster ces lignes directrices pour qu’elles soient efficaces.
La sénatrice Wallin : Est-ce que « rajuster » ne veut pas dire la même chose que « changer »?
Mme McIntyre : Oui, nous apporterons aussi des changements.
La présidente : Les définitions sont si importantes, n’est-ce pas?
[Français]
Le sénateur Maltais : Madame McIntyre, la publicité que vous allez préparer s’adressera-t-elle uniquement aux enfants? Puisque ce sont les parents qui ont la responsabilité de surveiller l’alimentation de leurs petits, ne devraient-ils pas être visés par votre publicité également?
[Traduction]
Mme McIntyre : Le règlement et le projet de loi portent sur la publicité qui cible les enfants, et non les adultes. Cela n’a rien à voir avec la publicité des aliments pour les adultes. Cela n’entre pas dans la portée du règlement.
Vous soulevez un argument important au sujet de la compréhension d’une saine alimentation. C’est très important. Il ne s’agit pas seulement des produits qui sont offerts sur les tablettes, mais aussi d’aider les parents et les familles à comprendre à quoi ressemble une saine alimentation. C’est pourquoi nous avons élaboré une série d’outils pour aider à améliorer les habitudes alimentaires des Canadiens et leurs choix sur le marché.
Le Guide alimentaire canadien est un autre outil important de notre stratégie en matière de saine alimentation. C’est là que nous ferons la promotion d’une saine alimentation.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’aimerais attirer l’attention de Mme McIntyre sur le fait que, au Québec, les publicités sur l’alimentation saine visent les parents autant que les enfants. En fin de compte, ce sont les parents qui font l’épicerie et qui préparent les repas. À mon humble avis, les parents doivent être sensibilisés à cela tout autant que les enfants. Le Canada ne pourrait-il pas imiter le Québec dans ce dossier? On n’a pas le Guide alimentaire canadien sous la main en tout temps. Ainsi, on pourrait rappeler aux parents l’importance de bien alimenter leurs enfants.
[Traduction]
La présidente : Pourriez-vous répondre brièvement, s’il vous plaît?
Mme McIntyre : Oui. Je pense que vous soulevez un point important en éducation. Ce n’est pas seulement le gouvernement qui a un rôle à jouer. C’est beaucoup plus large, et je pense que c’est un autre point clé. Il y a l’industrie, nos intervenants en santé, nos professionnels de la santé. Ce n’est pas seulement le gouvernement, mais tout le monde a un rôle important à jouer pour améliorer la santé des Canadiens grâce aux choix alimentaires qu’ils font.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup.
Le sénateur Dagenais : Vous avez mentionné que vous continuez tout de même à mener des consultations. Dois-je en déduire que vous n’avez pas en main toute l’information?
[Traduction]
M. Lee : Monsieur le sénateur, tout le processus de réglementation vise à préciser et à obtenir plus d’information à chaque étape. À l’heure actuelle, nous recueillons suffisamment de renseignements. Nous appelons cela des consultations préalables — à la partie I de la Gazette du Canada. Ensuite, nous obtiendrons plus d’information, nous l’étudierons de près et nous ferons rapport pour voir s’il y a des changements à apporter. Tout au long de ce processus, nous recueillerons de plus en plus d’information.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur R. Black : Madame la sénatrice Miville-Dechêne a posé une question au sujet des produits laitiers. Vous avez dit que le fromage et le yogourt ne seraient pas touchés, mais je sais qu’il y a du sel ajouté au fromage. Est-ce que ce sera un aliment qui ne pourra pas être annoncé?
Mme McIntyre : Oui. Si on ajoute du sodium dans une mesure qui dépasse le seuil fixé pour les nutriments, cet aliment sera touché, et il en va de même pour le sucre.
La présidente : Nous avons le temps de prendre une autre question. Quelqu’un? Excellent. Merci.
(La séance est levée.)