Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 64 - Témoignages du 11 avril 2019
OTTAWA, le jeudi 11 avril 2019
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 8 h 2, pour mener son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux.
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je suis la sénatrice Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. C’est moi qui préside le comité. Aujourd’hui, le comité poursuit son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux. Avant de donner la parole aux témoins, j’invite les sénateurs à se présenter.
Le sénateur C. Deacon : Bonjour. Colin Deacon, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur R. Black : Bonjour. Robert Black, de l’Ontario.
Le sénateur Oh : Bonjour. Sénateur Oh, de l’Ontario.
Le sénateur Kutcher : Bonjour. Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Klyne : Bonjour. Marty Klyne, de la Saskatchewan.
Le sénateur Mercer : Je vais dire bon après-midi. Terry Mercer, aussi de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Messieurs les témoins, vous aurez remarqué qu’il y a une forte influence maritime au sein du comité.
Aujourd’hui, les témoins comparaissent par vidéoconférence à partir de l’ambassade du Canada au Royaume des Pays-Bas. Nous accueillons Maarten Schans, conseiller principal en agroalimentaire à la Netherlands Foreign Investment Agency, et Diederik Beutener, délégué commercial à l’ambassade du Canada au Royaume des Pays-Bas. M. Beutener est notre représentant aux Pays-Bas. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation à témoigner aujourd’hui.
Avant de vous entendre, j’aimerais faire une comparaison entre nos deux pays. Vous pourrez la contester après coup, si vous le voulez. Voici quelques renseignements généraux sur la transformation des aliments aux Pays-Bas comparativement au Canada. En 2016, la valeur totale des exportations de produits agroalimentaires et de produits de la mer des Pays-Bas était d’environ 136,6 milliards de dollars, ce qui place ce pays au deuxième rang pour les exportations mondiales, comparativement à 64,6 milliards de dollars pour le Canada, ce qui nous situe au huitième rang mondial. En 2016, la valeur totale des exportations d’aliments et de boissons transformés des Pays-Bas s’élevait à environ 73,1 milliards de dollars, comparativement à 33,5 milliards de dollars pour le Canada — soit plus du double pour les Pays-Bas. Les chiffres sont assez impressionnants, et ils le sont d’autant plus si l’on considère la superficie des terres agricoles des Pays-Bas, qui est de 18 370 kilomètres carrés, comparativement aux 626 000 kilomètres carrés de terres agricoles au Canada. De toute évidence, on peut apprendre beaucoup de choses du modèle néerlandais.
J’invite maintenant les témoins à présenter leur exposé, après quoi les sénateurs pourront leur poser des questions.
Diederik Beutener, délégué commercial, Ambassade du Canada au Royaume des Pays-Bas : Nous avons pensé qu’il serait bon de conjuguer nos efforts. C’est pourquoi Maarten Schans et moi sommes présents ici, à l’ambassade, pour vous faire part de nos observations. Je suis délégué commercial aux Pays-Bas depuis 2001. J’ai été embauché ici et je suis citoyen néerlandais, comme M. Schans. Je suis chargé de promouvoir les produits du secteur agroalimentaire canadien aux Pays-Bas. Il m’incombe aussi d’attirer des investisseurs néerlandais au Canada et de favoriser la collaboration en matière de recherche entre les deux pays, surtout dans le secteur agroalimentaire. Maarten et moi avons été témoins d’une évolution très importante au cours des dernières années. Nous travaillons ensemble depuis environ sept ou huit ans déjà.
Je vous signale que, depuis un certain nombre d’années, la Netherlands Foreign Investment Agency, la NFIA, est un partenaire très solide de l’ambassade. Il y a 25 ans, alors que je travaillais pour une autre agence, je me souviens que la NFIA fournissait déjà des services. Maarten vous en dira plus sur la raison d’être de la NFIA, mais je peux vous signaler qu’elle symbolise parfaitement ce qui nous intéresse au plus haut point chez les Néerlandais. C’est très facile de travailler avec l’agence. Elle est ouverte aux missions et aux entreprises internationales. Nous avons besoin d’un tel soutien, car de nombreuses sociétés de l’industrie agroalimentaire et d’autres secteurs viennent aux Pays-Bas pour mener des missions exploratoires et pour faire des affaires. Dans ce contexte, les agences comme celle pour laquelle M. Schans travaille sont extrêmement utiles.
Maarten Schans, conseiller principal en agroalimentaire, Netherlands Foreign Investment Agency : Tout d’abord, bonjour et merci beaucoup de m’avoir invité à discuter de cette question avec vous. Je travaille pour la Netherlands Foreign Investment Agency en tant que spécialiste de l’agroalimentaire. La NFIA, qui relève du ministère des Affaires économiques et du Climat, est chargée d’attirer des investissements aux Pays-Bas. Je concentre mes efforts dans le secteur agroalimentaire.
Les autorités néerlandaises et la NFIA sont convaincues qu’il est essentiel d’attirer des investissements étrangers pour maintenir la vitalité des écosystèmes et favoriser l’essor économique, et qu’il faut aussi tirer profit des investissements déjà présents aux Pays-Bas. Je pense que nous reviendrons sur l’un des points principaux dont j’espère discuter avec vous plus tard au cours de cette réunion. Il s’agit de la collaboration et de l’édification d’écosystèmes. Dans ce contexte, les parties apportent une contribution et retirent aussi quelque chose de l’exercice afin que l’écosystème puisse croître.
Les investissements étrangers sont très importants pour notre économie, et nous axons nos efforts sur les entreprises étrangères qui font des affaires aux Pays-Bas. Nous gérons les comptes de ces entreprises dans l’espoir qu’elles soient prospères et qu’elles prennent de l’expansion. Nous surveillons le climat d’investissement aux Pays-Bas en fonction des signaux que nous envoient ces entreprises. Évidemment, nous souhaitons que le climat dans notre pays soit le plus favorable possible aux investissements afin de pouvoir attirer de nouveaux investisseurs.
Nous sommes actuellement en contact avec des entreprises qui ne sont pas encore présentes aux Pays-Bas, mais qui souhaitent se tailler une place en Europe. Évidemment, nous souhaitons attirer ces entreprises aux Pays-Bas, non seulement pour faire croître l’économie néerlandaise, mais aussi pour favoriser la prospérité des entreprises en question. Nous espérons que, cinq ans après leur implantation aux Pays-Bas, ces entreprises nous diront qu’elles ont pris une excellente décision.
Je vais en rester là pour l’instant.
Le sénateur R. Black : Je vous remercie de votre exposé et de votre participation à notre réunion d’aujourd’hui. Ma question porte sur les défis que vous avez dû relever ces dernières années afin d'avoir avoir accès à des marchés internationaux. Tout à l’heure, nous avons entendu d’excellentes statistiques au sujet de vos exportations. À quels défis avez-vous dû faire face? Comment les avez-vous relevés? J’espère que nous pourrons tirer des leçons de la façon dont vous avez réussi à relever ces défis. Merci.
M. Schans : Eh bien, nous avons commencé cet exposé en présentant des statistiques. On constate que les Pays-Bas se situent au 135e rang mondial au chapitre de la superficie. Pour ce qui est des exportations agroalimentaires, nous sommes en deuxième place. Nous n’aimons pas nous le rappeler, mais nous sommes un très petit pays. À cause de cela, nous devons toujours être sur le qui-vive. Notre marché interne est très modeste, contrairement au vôtre.
Nous devons être efficaces sur le plan des exportations. Cela signifie que nous devons soutenir la concurrence des producteurs étrangers en apportant une valeur ajoutée à nos produits. Nous devons être en mesure de produire des marchandises à des prix compétitifs aux Pays-Bas, puis de les exporter. Nous subissons donc des pressions constantes en vue d’améliorer nos pratiques et d’exporter des produits à grande valeur ajoutée et à des prix compétitifs. Il ne s’agit pas d’une situation ponctuelle; le secteur subit des pressions constantes et il est toujours sur le qui-vive. Il doit toujours tenter de mieux soutenir la concurrence des marchés étrangers.
C’est ainsi que le système s’est construit et a évolué depuis de très nombreuses années aux Pays-Bas. Si on jette un coup d’œil sur l’histoire des Pays-Bas, on se rend compte que le peuple a toujours su s’entraider et collaborer pour relever les défis auxquels il a dû faire face ensemble. C’est exactement ce que nous faisons dans le secteur agroalimentaire, ainsi que dans d’autres industries où nous devons soutenir la concurrence du monde extérieur.
Le sénateur R. Black : À quels défis particuliers avez-vous dû faire face il y a 5 ou 10 ans? J’aime le mot « collaboration ». J’aime aussi ce que vous avez dit dans votre exposé au sujet du suivi effectué cinq ans après l’implantation d’une société dans votre pays. Y a-t-il des leçons que nous devrions tirer des défis auxquels vous avez dû faire face au tout début?
M. Schans : J’aimerais revenir sur le fait que les Pays-Bas ne sont pas un pays qui réalise des profits avec les produits de base. Cependant, nous compensons très bien cela avec les profits réalisés sur nos produits à forte valeur ajoutée. Songez au marché chinois. Actuellement, les consommateurs chinois ne font pas confiance à la préparation pour nourrissons préparée par les fabricants locaux. Ils aiment les produits préparés aux Pays-Bas parce qu’ils savent qu’ils sont sûrs et de bonne qualité.
Si l’on en a l’occasion — et si la situation fait qu’il n’y a pas beaucoup d’argent à faire avec les produits laitiers —, on doit bâtir un environnement économique où l’on peut créer ces produits à forte valeur ajoutée, ce qui nécessite un excellent savoir-faire. Cela exige un système où les universités collaborent avec les entreprises et où les entreprises se font concurrence, mais qui se font aussi suffisamment confiance pour coopérer, dans la mesure du possible. Regardez la recherche qui se fait dans le domaine des aliments et de la santé, ainsi que les recherches en cours sur les assertions relatives à la santé et la valeur nutritive des aliments. Ce sont des recherches très coûteuses, mais très essentielles. Cela n’a donc aucun sens pour une entreprise de les mener toute seule. En même temps, c’est très exigeant pour une entreprise de collaborer avec ses concurrents.
Les Pays-Bas sont un petit pays où les concurrents se rencontrent, du simple fait de leur proximité. Cela leur permet de discuter des défis auxquels ils doivent faire face et de parler de collaboration entre entreprises, en plus de discuter avec les universités, avec lesquelles ils pourront s’associer pour bâtir le savoir-faire. C’est plus intéressant pour les entreprises de faire cela ensemble plutôt que, seules. Cette complicité s’étend aussi au gouvernement néerlandais, qui fournit l’infrastructure nécessaire pour que cette collaboration soit possible.
Le sénateur R. Black : Merci.
Le sénateur Kutcher : J’aimerais faire suite à une de vos observations concernant l’entrepreneuriat et la tolérance élevée à l’égard du risque. Le Canada n’était qu’à ses débuts à l’époque du siècle d’or néerlandais, et la Compagnie néerlandaise des Indes orientales a peut-être été la précurseure de votre structure actuelle. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que les tulipes étaient une des devises du monde, jusqu’à ce que la bulle éclate.
Je pense que les Néerlandais ont créé la première chaîne agroalimentaire à valeur ajoutée, avec les produits du tabac. Vous avez transporté le tabac depuis les deux Virginies, vous l’avez transformé aux Pays-Bas et vous l’avez vendu partout dans le monde. Il s’agit d’une longue tradition d’entrepreneuriat et de tolérance élevée au risque. Comment faites-vous pour favoriser, entretenir et appuyer cela?
M. Beutener : Du point de vue de l’ambassade, les compétences linguistiques sont essentielles. Mon fils a 12 ans et il parle déjà trois langues couramment. À 15 ans, il parlera sans doute l’allemand, le français, le néerlandais et l’anglais, tous couramment. Dans un pays exportateur, c’est essentiel.
Dans nos écoles de gestion, nous avons des programmes où nous encourageons le développement des compétences en entrepreneuriat et où nous éduquons les gens à cet égard. Dans nos entretiens avec AAC — Agriculture et agroalimentaire Canada —, il y a environ cinq ans, les ports de Rotterdam et d’Amsterdam étaient considérés comme les premiers piliers du succès de l’industrie alimentaire néerlandaise, vu leur emplacement stratégique. La culture néerlandaise et notre esprit d’entreprise étaient peut-être des facteurs clés. Bien sûr, certaines études ont démontré l’importance de l’automatisation de l’industrie agroalimentaire. Nous avons des centres de connaissance, mais nous n’avons jamais poussé le côté culturel. Comme AAC, nous n’avons jamais vraiment exploré ce côté-là.
Maarten, avez-vous une opinion là-dessus? Pour nous, c’est bien connu, les Néerlandais ont toujours été des commerçants.
M. Schans : Je pense que les Néerlandais sont des commerçants depuis l’époque que vous avez mentionnée. Je crois que c’est par nécessité. Nous sommes des gens d’affaires motivés et très proactifs, et nous devons gagner notre argent dans les marchés d’exportation pour la simple raison que notre marché intérieur est très petit.
En ce qui a trait à l’entrepreneuriat, nous avons aussi un défi à relever parce que les Néerlandais ne sont pas de grands preneurs de risque. Nous cherchons vraiment à éviter certains risques, par exemple, en collaborant et en faisant de la recherche ensemble. Cela implique que certaines innovations ne viennent peut-être pas des Pays-Bas. De nouvelles technologies sont conçues dans les domaines de l’agroalimentaire et de la haute technologie. Par exemple, l’esprit d’innovation à Silicon Valley est probablement un peu plus grand qu’aux Pays-Bas. Nous ne sommes pas parmi les plus grands preneurs de risque. Si l’on fait une erreur aux Pays-Bas et que l’entreprise échoue, on a très honte et on hésitera à essayer une deuxième fois. Si une entreprise fait faillite aux États-Unis, les gens se remettent en selle.
C’est un des problèmes que nous essayons de surmonter en ce moment en essayant d’encourager l’esprit d’entreprise. Nous collaborons avec des entrepreneurs de Silicon Valley. Nous voulons voir ce que nous pouvons apprendre d’eux pour améliorer l’esprit d’entreprise, par exemple, dans notre système d’éducation. Bien sûr, nous espérons aussi leur apprendre des choses. Entretemps, les entreprises de Silicon Valley et celles des Pays-Bas travaillent ensemble. Nous instituts de recherches travaillent de concert.
En ce qui a trait à la prise de risques, je ne dirais pas que les Néerlandais sont parmi les plus grands preneurs de risques. C’est aussi un domaine où nous essayons d’apprendre des choses des autres, qui sont plus compétitifs à cet égard.
M. Beutener : Pour revenir aux systèmes d’éducation, le nombre d’étudiants néerlandais qui se rendent au Canada pour participer à des stages ou à des programmes d’échange est très élevé. C’est difficile pour nous de convaincre les étudiants canadiens de venir faire des stages aux Pays-Bas. Ils hésitent à venir. Le Canada est deux fois plus peuplé, mais on constate que les étudiants néerlandais sont plus enthousiastes à l’idée d’aller au Canada pour y voyager et y étudier.
Le sénateur Kutcher : Merci.
La présidente : Vous avez soulevé un très bon point. Vous avez dit que votre fils pourra s’exprimer en quatre langues d’ici quelques années. Je dirais qu’il s’agit d’un grand avantage aux Pays-Bas, comparé aux compétences linguistiques des étudiants d’ici. À la limite, nous nous attendons à ce qu’ils soient bilingues, mais pas quadrilingues. Cela explique peut-être aussi pourquoi moins d’étudiants canadiens s’intéressent aux offres de stages. La langue est un très grand avantage aux Pays-Bas. C’est merveilleux.
Le sénateur Oh : Bonjour. Vu mes antécédents — je viens de l’Asie, je suis originaire de Singapour —, je connais les produits des Pays-Bas depuis mon enfance. Je dirais que tout ce que vous produisez est importé chez nous.
Vous avez beaucoup misé sur les investissements étrangers et sur des produits d’exportation à grande valeur ajoutée. Votre marché intérieur est petit, c’est à peine s’il existe, alors vous exportez tous vos produits à l’étranger. Comment attirez-vous dans votre pays l’investissement étranger pour vos produits à valeur ajoutée?
M. Beutener : C’est en plein dans les cordes de Maarten, bien sûr.
M. Schans : Par exemple, pour une entreprise canadienne qui se lance sur le marché européen, je pense en fait que les Pays-Bas représentent un excellent point de départ. Premièrement, c’est parce que nous sommes situés stratégiquement, au cœur de l’Europe et des économies européennes en plein essor, dont nous faisons partie. L’emplacement stratégique, c’est très bien, mais cela ne sert à rien si l’infrastructure logistique nécessaire n’est pas en place. Nous avons sans doute l’une des meilleures infrastructures logistiques du monde, qu’il s’agisse de transport par voie maritime, routière, ferroviaire ou aérienne, ou même d’Internet, qui prend également de plus en plus en importance. Nous sommes bien situés. Nous avons la logistique.
Nous avons une grappe commerciale à laquelle les entreprises peuvent participer pour compléter leur chaîne d’approvisionnement ou pour trouver des clients, des fournisseurs ou des partenaires avec qui travailler et collaborer. Cette grappe commerciale bien établie est associée à une infrastructure du savoir qui est très solide dans le domaine agroalimentaire. Si l’on regarde les défis mondiaux à venir, on voit qu’il y a de gros défis dans l’agroalimentaire et l’automatisation pour fabriquer des produits à faibles coûts et pour automatiser les processus de fabrication. Nous avons une forte grappe en agroalimentaire, mais aussi en technologies de pointe, par exemple, qui gravite autour de la compagnie Philips. Il existe de grands défis mondiaux quant à la production alimentaire qui met moins de pression sur les ressources hydriques. Notre histoire se fonde sur la gestion de l’eau et sur l’utilisation intelligente et bien pensée de nos ressources hydriques.
Lorsqu’il est question d'aliments, il est de plus en plus question de la santé liée à l’alimentation. Nous avons une grappe solide des sciences de la vie et des produits pharmaceutiques. Nous avons aussi le défi de produire en employant des sources d’énergie moins coûteuses, car il s’agit d’une ressource rare dont il faut faire une utilisation judicieuse. Nous croyons avoir beaucoup de connaissances à ce sujet. Nos connaissances ne se limitent pas au domaine agroalimentaire, mais nos universités et nos organisations de recherche sont très fortes dans ces autres domaines.
Comme on l’a dit plus tôt, puisque nous sommes un petit pays, nous avons l’habitude de collaborer entre nous. La collaboration entre entreprises et entre les entreprises et les universités est forte, mais aussi entre les intervenants de différents domaines technologiques. Nous sommes très bien équipés pour trouver des solutions aux problèmes auxquels le monde est confronté.
Nous sommes un fort pays exportateur, alors si vous avez ces solutions, nous sommes un bon tremplin pour en lancer l’exportation vers le reste du monde. Les entreprises ne sont pas isolées à cet égard. Si vous êtes une entreprise étrangère, vous serez très bien servi par mon organisation, la Netherlands Foreign Investment Agency. Si vous êtes une entreprise exploitée aux Pays-Bas et que vous voulez exporter, nous avons un réseau international solide pour soutenir les entreprises au besoin. Ce soutien est offert aux entreprises néerlandaises comme FrieslandCampina, Philips et Heineken, mais il est aussi offert à toutes les entreprises qui font des affaires aux Pays-Bas et à partir des Pays-Bas.
Enfin et surtout, l’esprit de collaboration entre les entreprises, les universités et les décideurs politiques est très fort. Nous voulons que nos politiques servent à la société et aussi qu’elles favorisent la réussite des entreprises qui participent à notre économie. Cette collaboration représente une bonne raison pour les entreprises étrangères de s’établir dans notre pays. Si vous vous établissez aux Pays-Bas, vous réussirez non seulement dans notre pays, mais aussi en Europe et dans le reste du monde.
Le sénateur Oh : J’ai jeté un coup d’œil sur votre liste. Je sais que les Pays-Bas ne produisent aucun de ces ingrédients importants que sont les fèves de cacao, l’huile de palme ou le soja, par exemple. Vous devez importer tous ces produits pour ensuite les transformer en y ajoutant de la valeur.
M. Schans : Il est intéressant de noter que bien que nous ne produisions pas de cacao, nous avons le plus grand port au monde pour le transport du cacao et nous sommes l’un des principaux pays à en assurer la transformation. Nous n’avons pas non plus d’huile de palme, mais les Pays-Bas peuvent compter sur une expertise et des avancées considérables en recherche et développement pour ce qui est de la production durable d’huile de palme et des nouvelles utilisations que l’on peut en faire dans nos produits alimentaires.
Le sénateur Oh : Le Canada vient à peine d’amorcer la production de préparation pour nourrissons destinée à l’exportation, mais vous avez déjà conquis la moitié du marché chinois.
Je crois, madame la présidente, que nous aurions tout intérêt à aller rendre une petite visite aux Néerlandais qui semblent en avoir beaucoup à nous apprendre.
La présidente : C’est une excellente suggestion.
M. Schans : C’est un succès qui est d’abord et avant tout attribuable à l’efficacité des entreprises présentes aux Pays-Bas qui exportent leurs produits vers la Chine. Ces entreprises ont senti qu’il était absolument vital pour elles de viser les marchés d’exportation et de conjuguer leurs efforts à cette fin. Un gouvernement peut appuyer ces initiatives en fournissant le cadre approprié. Les établissements d’enseignement peuvent faire leur part en formant une main-d’œuvre de grande qualité qui possède tout le savoir-faire voulu, mais les résultats ne seront pas au rendez-vous si les entreprises ne ressentent pas la nécessité d’élargir leurs horizons.
Par ailleurs, je suis bien conscient qu’un pays qui dispose d’un marché intérieur lui permettant d’écouler ses produits sans avoir nécessairement à s’en remettre à l’exportation peut vouloir adopter une attitude plus détendue et être moins entreprenant. Pour leur part, les Pays-Bas n’avaient d’autre choix que de passer à l’offensive. Si nous ne réagissons pas à cette pression qui s’exerce sur nous, nous ne pourrons jamais soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. En fin de compte, c’est justement cette pression qui nous a permis de nous retrouver dans une position que j’estime tout à fait enviable.
Je pourrais compléter ma liste des bonnes raisons pour s’installer aux Pays-Bas. Je ne sais pas si vous avez déjà visité notre pays, mais je peux vous dire que les enfants néerlandais sont parmi les plus heureux au monde, non seulement parce qu’ils sont bien nourris, mais aussi à cause des autres facettes de la vie aux Pays-Bas. Pour les entreprises étrangères, notre pays est un excellent endroit pour installer des employés venant d’ailleurs ainsi que pour attirer une main-d’œuvre internationale formée dans les instituts de recherche néerlandais. Nos universités accueillent un grand nombre d’étudiants étrangers simplement en raison du fait que nos programmes d’études sont dispensés en anglais. C’est une obligation aux Pays-Bas, car notre pays est trop petit pour justifier la traduction des manuels scolaires en néerlandais. Pour ceux qui poursuivent leurs études, c’est une excellente façon d’apprendre tout naturellement la langue anglaise, un outil précieux pour les communications dans le monde du commerce international.
Le sénateur Oh : Tout cela est très utile. Merci.
Le sénateur Mercer : Messieurs, merci d’être des nôtres cet après-midi. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous consacrez.
Selon les documents qui nous ont été remis à l’avance, l’agroalimentaire est l’un des secteurs importants de l’économie néerlandaise. En conséquence, le secteur s’est donné un plan d’action en matière d’innovation sous la forme d’une politique du secteur clé de l’agroalimentaire qui est examinée et renouvelée tous les cinq ans. J’aimerais savoir où vous en êtes rendus dans ce cycle quinquennal de révision. Êtes-vous au début, au milieu ou à la fin?
M. Schans : Précisons d’abord que ce plan d’action est le fruit d’un effort de collaboration. Les mesures qui y sont prévues ont été compilées à partir de la contribution des entreprises. C’est sur cette base que nous élaborons nos plans d’action pour l’innovation. Il y a bien sûr aussi des indicateurs de rendement clés qui sont définis pour savoir si les programmes mis en place atteignent effectivement leurs objectifs.
Parmi ces indicateurs de rendement, on pourrait penser par exemple au nombre de personnes travaillant dans le secteur agroalimentaire, à la valeur des exportations de ce secteur et à la proportion du total des exportations néerlandaises qu’elles représentent. Ce sont donc des indicateurs de rendement clés de cet ordre qui sont pris en compte. On pourrait ajouter à cela l’ampleur des efforts déployés en recherche et développement et les fonds qui y sont consacrés. À la lumière de ces indicateurs, on assure un suivi constant des programmes en y apportant, au besoin, les ajustements qui s’imposent. On veut ainsi toujours s’assurer que ces programmes répondent bel et bien aux besoins de l’industrie.
Ces programmes sont effectivement renouvelés suivant un cycle de cinq ans. Comme je ne participe pas directement à leur élaboration, je ne saurais vous dire exactement où on en est rendu. Je peux vous indiquer par ailleurs que, dans le contexte du débat actuellement en cours, les objectifs de développement durable vont prendre une place beaucoup plus importante dans les programmes à venir. Le gouvernement, l’industrie et les différentes parties prenantes préparent actuellement un accord sur le climat qui sera assorti d’objectifs ambitieux, notamment en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre.
Les programmes visant l’innovation devront également évoluer en fonction des défis associés au changement climatique. On s’intéressera entre autres à l’utilisation de la technologie intelligente pour favoriser l’atteinte des objectifs en la matière. Tous ces programmes sont élaborés en gardant constamment à l’esprit différentes préoccupations notamment liées à l’énergie, au développement durable, à la consommation d’eau en agriculture et aux divers aspects qui touchent la salubrité alimentaire et la consommation d’aliments bons pour la santé.
Nous avons déjà parlé de l’entrepreneuriat et des PME. Ce programme comporte un chapitre spécial consacré aux petites et moyennes entreprises. Le programme à venir prévoira davantage de fonds pour l’intégration des sciences pures et appliquées dans le quotidien des PME. Comme la numérisation demeure un objectif important, il y aura aussi un plan d’action visant expressément à aider les PME à numériser leurs opérations.
Le sénateur Mercer : Merci pour cette réponse.
Vous avez également indiqué que les organismes de recherche néerlandais sont reconnus mondialement et possèdent des capacités techniques très avancées. Pouvez-vous nous donner des exemples récents de résultats favorables découlant du travail de ces organismes de recherche aux Pays-Bas?
M. Schans : J’essaie juste de voir quels exemples je pourrais vous donner. À quels genres de résultats pensiez-vous?
On vient de parler du fait que les Pays-Bas ne produisent ni cacao ni huile de palme. Nous ne produisons pas non plus de bananes, mais nous apprenions dans les actualités il y a quelques mois que d’importantes régions de production bananière sont actuellement menacées par une maladie virale. L’Université de Wageningen vient de trouver un traitement très efficace pour cette maladie. Je ne sais pas si c’est le genre de résultat qui vous intéresse, mais c’est bel et bien une avancée.
Je pourrais également vous parler des efforts déployés pour réduire la teneur en sucre et en sel des aliments sans altérer leur goût, un défi de tous les instants pour le secteur agroalimentaire. Les instituts de recherche des Pays-Bas, en partenariat avec l’industrie, ont conçu des outils très précieux pouvant permettre au secteur de réduire cette teneur en sucre et en sel. Voilà, selon moi, des exemples très concrets de l’apport que peuvent avoir nos universités.
Le sénateur Mercer : Merci. C’est mon épouse qui va être contente. Elle ne cesse de me sermonner au sujet de ma consommation de sucre et de sel.
Une nouvelle entente commerciale a été conclue entre le Canada et l’Union européenne. Certains ont parlé d’une percée pour nous, mais nos agriculteurs sont très anxieux à l’idée d’être exposés à la concurrence de produits européens de grande qualité. Quelles nouvelles possibilités s’offrent aux agriculteurs néerlandais grâce à cette entente de libre-échange et qu’en est-il à l’inverse de la situation pour les agriculteurs canadiens, une préoccupation encore plus importante à mon point de vue?
M. Beutener : C’est peut-être une bonne question pour moi. Tous les trimestres, notre ambassade organise des activités pour les entreprises concernant l’Accord économique et commercial général, l’AECG. Je fais partie d’une équipe de sept délégués commerciaux. Je suis celui qui s’intéresse de plus près au dossier de l’agroalimentaire, un secteur dans lequel des résultats très rapides apparaissent envisageables. Il y a de nombreux débouchés pour notre secteur agroalimentaire aux Pays-Bas.
Nous avons pu observer très récemment une augmentation de nos exportations de produits de la mer vers les Pays-Bas. Les tarifs douaniers ont chuté pour le homard vivant ainsi que pour les huîtres. Il y a également eu une diminution marquée dans le cas du saumon. Nous allons nous rendre au début mai à Bruxelles pour un salon des produits de la mer où quelque 62 entreprises canadiennes tiendront un stand. C’est un nombre extrêmement élevé tout à fait sans précédent.
Quant aux autres secteurs de l’agroalimentaire, je pourrais vous donner l’exemple de celui de la canneberge qui se tire extrêmement bien d’affaire. Certains produits tirés de la canneberge ont vu les tarifs douaniers applicables passer de 17,6 p. 100 à zéro avec l’entrée en vigueur de l’accord le 21 septembre 2017. Une entreprise comme Berrico installée juste à l’extérieur d’Amsterdam a vu ses ventes de produits tirés de la canneberge du Canada augmenter considérablement en Europe. Cette entreprise qui détient une licence exclusive pour l’importation et la distribution de ces produits a dû faire du recrutement. L’usine située au Québec a embauché 40 nouveaux employés et a fait l’acquisition d’une chaîne de production conçue aux Pays-Bas pour la canneberge. Voilà autant d’excellentes nouvelles.
Dans l’ensemble, les exportations du secteur agroalimentaire canadien vers les Pays-Bas ont augmenté d’environ 29 p. 100 entre 2017 et 2018. Les chiffres m’apparaissent donc effectivement prometteurs. Nous constatons une hausse pour l’ensemble de l’Europe.
Maarten, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Schans : Comme Diederick vient de le souligner, il y a de nombreux débouchés pour les produits canadiens sur le marché européen. Nous avons tous les deux travaillé ensemble dans le secteur de la transformation des produits de la mer. En combinant les produits de la mer du Canada et la technologie néerlandaise, nous en sommes arrivés à un tout nouveau produit issu de la transformation.
Il va de soi que l’ouverture des marchés a aussi pour effet d’accroître la concurrence. À titre d’exemple, le secteur laitier est très développé en Europe et l’AECG pourrait fort bien mener à une situation jugée périlleuse par certains producteurs laitiers du Canada qui seront désormais confrontés à une concurrence sans précédent de la part de leurs partenaires européens. Vous pourriez aussi voir dans cette menace un défi à relever et une incitation à passer à l’action en examinant vos processus pour accroître l’efficience de vos activités de production et améliorer la qualité de vos produits.
M. Beutener : J’ajouterais que le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada permet à des entreprises canadiennes d’acquérir des équipements de transformation des aliments auprès de l’industrie laitière néerlandaise. On peut ainsi acheter des instruments au laser pour couper le fromage ou des équipements d’emballage, dont les Néerlandais ont le secret. Il y a de plus en plus de secteurs au Canada qui sont préoccupés par cette situation et on commence à se tourner vers les meilleures options disponibles dans des pays — Italie, Allemagne, Danemark et Pays-Bas — où les fournisseurs d’outils technologiques pour la transformation alimentaire ont atteint un niveau avancé de développement. Dans mon rôle de délégué commercial, je dois aider les PME canadiennes en les orientant vers les programmes les mieux aptes à leur procurer les moyens financiers d’acquérir ces équipements auprès de nations qui ont peut-être une longueur d’avance sur le Canada.
Le sénateur C. Deacon : Merci à tous les deux de votre contribution à notre séance de ce matin. Je suis vraiment heureux que nous ayons pu organiser cette rencontre qui est tout simplement formidable.
J’ai travaillé toute ma vie dans le secteur technologique, mais j’ai plutôt essayé ces derniers temps de donner un coup de main à la faculté d’agriculture de l’Université Dalhousie à Truro. De nombreux jeunes Néerlandais participent à des programmes d’échange, et je peux vous dire que ces étudiants sont fort impressionnants. L’entrepreneuriat fait partie de leur ADN. Comme le disait le sénateur Kutcher, je crois que c’est génétique. C’est ce qui explique, selon moi, les résultats obtenus aux Pays-Bas. Je pense qu’un échange de ressources et d’idées ne nous ferait pas de tort.
J’aimerais m’en tenir à deux sujets en particulier, car vous nous avez fourni des exemples pouvant être fort révélateurs. Parmi les éléments qui me causent une certaine frustration, il y a le fait que nos producteurs et nos transformateurs doivent composer avec des dizaines de secteurs gouvernementaux alors qu’aucune instance ne semble vouloir prendre la responsabilité du dossier. Personne n’est là pour s’assurer que notre industrie agroalimentaire est mieux apte à soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux. J’ai l’impression qu’il y a sans doute des programmes gouvernementaux qui n’ont pour seul but que de mettre des bâtons dans les roues à d’autres programmes, et ce, avec le plus d’empressement possible.
J’aimerais en apprendre davantage au sujet de votre politique pour le secteur clé de l’agroalimentaire et de la façon dont elle est gérée. Qui est responsable du dossier? Vous avez rappelé l’urgence de la situation à maintes reprises, monsieur Schans, et nous avons désespérément besoin d’un tel sentiment. Il faut qu’un leadership s’exerce à l’échelle nationale au Canada. J’aimerais donc comprendre un peu mieux comment cette initiative est dirigée par les instances de votre pays.
M. Schans : Comment tout cela est géré? Nous disons toujours que ce sont les entreprises qui contrôlent la situation. Je crois vraiment que ce sont les entreprises qui décident des priorités à prendre en compte et de l’importance relative que l’on doit leur accorder.
Le ministère des Affaires économiques s’occupe du dossier en partenariat avec d’autres entités. Une équipe a été formée pour le secteur clé de l’agroalimentaire. Elle est constituée de représentants du ministère des Affaires économiques et d’un certain nombre d’entreprises. Il s’agit de gens qui travaillent pour une entreprise qui les libère pour participer aux activités de cette équipe en parlant non seulement au nom de leur propre entreprise, mais aussi de l’ensemble du secteur. L’équipe compte également sur des représentants des établissements d’enseignement.
Le ministère des Affaires économiques est celui qui pilote le dossier de tous les secteurs clés qui ont été désignés. Différents ministères ont également un rôle à jouer pour les secteurs relevant de leurs compétences respectives. Ainsi, le ministère de l’Agriculture est très actif dans le dossier du secteur clé de l’agroalimentaire. Si l’on parle du secteur clé des sciences médicales, le ministère des Affaires économiques bénéficie de l’apport soutenu de celui de la Santé.
Le fait que plusieurs ministères aient un rôle à jouer ne signifie pas qu’aucun d’entre eux ne prend la responsabilité du dossier. C’est en fait une responsabilité partagée. On pourrait peut-être dire aussi que c’est une façon de faire tout à fait typique des Néerlandais. La concertation de nombreuses instances pour la gestion d’un programme ne résulte pas en un délestage mutuel des responsabilités menant à l’inaction.
Ai-je bien répondu à votre question?
Le sénateur C. Deacon : Oui. J’aimerais bien pouvoir être aussi convaincu que vous l’êtes de notre capacité à réaliser des choses en coopérant de la sorte sans que quelqu’un ne soit désigné comme responsable. C’est une possibilité intéressante que je ne vais pas manquer d’explorer.
Je me sentais tout à fait dans mon élément lorsque vous avez parlé au départ de l’esprit d’entrepreneuriat, de la nécessité de créer un écosystème avantageux pour tout le monde, et de l’importance d’amener les investisseurs étrangers à s’intéresser à l’industrie. Vous avez aussi traité de la mise en marché, c’est-à-dire la capacité de faire fructifier des idées pour créer des secteurs d’activités rentables. Je pense que vous êtes vraiment parvenus à tirer des enseignements de l’expérience du secteur technologique pour les appliquer au monde agricole, ce que nous ne faisons pas à mon sens au Canada. Est-ce quelque chose que vous faites tout naturellement depuis longtemps déjà en raison de l’importance que vous accordez à l’agriculture, ou est-ce l’un des résultats de la nouvelle politique pour le secteur clé de l’agroalimentaire?
M. Schans : En toute franchise, je dirais que c’est le cas depuis un bon moment déjà. Il va de soi que la mise en place de neuf secteurs clés peut faciliter l’établissement d’une connexion entre les systèmes de haute technologie et ceux de l’agroalimentaire, par exemple. Nous avons bien cerné toute l’importance du chevauchement entre haute technologie et agroalimentaire. La création d’équipes se consacrant respectivement à l’agroalimentaire et à la haute technologie, avec des plans d’action bien clairs dans chaque cas, facilite grandement la concertation de ces deux secteurs pour optimiser les possibilités de collaboration. L’approche des secteurs clés a rendu cette collaboration encore plus aisée. Je suis également d’avis que cette collaboration a vu le jour depuis un très long moment déjà.
Je suis très actif dans le secteur agroalimentaire et j’ai un collègue qui est spécialiste des systèmes de haute technologie. Nous avons toujours un peu la même discussion. Comme il fait sans cesse valoir que l’horticulture néerlandaise est en fait de la haute technologie, il la situe dans ce secteur de l’économie, alors que je considère qu’elle fait partie de l’agroalimentaire. Philips est l’une des entreprises qu’il cite le plus souvent; je pourrais plutôt vous parler, par exemple de Rijk Zwaan, une firme qui fait de la sélection de végétaux. L’un des secrets de l’horticulture néerlandaise est l’éclairage DEL conçu il y a plusieurs années par Philips qui avait tout simplement compris qu’un tel éclairage de haute technologie pouvait améliorer le rendement par rapport aux produits couramment utilisés par la concurrence. Ce n’est pas d’hier qu’il y a collaboration de la sorte entre les différents secteurs technologiques aux Pays-Bas.
Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup. S’il existe un rapport ou de la documentation quelconque sur la politique du secteur clé de l’agroalimentaire, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir transmettre le tout à notre greffier. Selon moi, c’est une avenue que nous devons absolument examiner de plus près.
Le sénateur Klyne : Bonjour à nos deux témoins. Un grand merci pour les perspectives dont vous nous faites bénéficier. Tout cela est très stimulant.
J’examinais tous ces chiffres hier soir, ce qui n’a pas manqué de nourrir mon admiration pour les Pays-Bas. Je me souviens que j’admirais la façon dont vous avez pu optimiser une superficie plutôt réduite aux fins de la production porcine. Je suis encore plus émerveillé lorsque je vois ce que vous nous présentez aujourd’hui. Si l’on revient au Canada, je fais le parallèle avec notre revenu par acre. Celui-ci est nettement moins élevé dans l’Ouest canadien, parce qu’il se fait beaucoup plus de transformation à valeur ajoutée dans l’Est. C’est simplement sans doute une question de culture. Il y avait autrefois le tarif du nid-de-Corbeau qui avantageait les agriculteurs de l’Ouest et les manufacturiers de l’Est. Nos ancêtres ont jugé bon d’instaurer au Canada un régime dans le cadre duquel l’Ouest canadien allait fournir la matière brute à l’est du pays. Les gens de l’est allaient faire la transformation à valeur ajoutée et nous allions racheter leurs produits. Cependant, lorsque le tarif du nid-de-Corbeau a été supprimé, on ne l’a jamais remplacé par quoi que ce soit. Nous avons donc perdu un peu de terrain, mais nous sommes en train de rattraper ce retard.
Dans le cadre de l’Initiative des supergrappes d’innovation, le Canada a lancé la Supergrappe des industries des protéines, que, dans les Prairies, nous appelons la grappe des industries des Prairies. Comme vous le savez probablement, ce programme vise à accroître la valeur des cultures canadiennes du canola, du blé et des légumineuses pour les marchés d’exportation de la Chine et de l’Inde, qui connaissent une forte croissance, où la consommation de protéines augmente. Ce qui fonctionne pour nous, relativement à cette grappe basée dans les Prairies, est un partenariat diversifié, mais complémentaire, en matière de portée, tant horizontale que verticale. J’aimerais pouvoir parler d’un certain nombre de partenaires, mais je ne peux pas ne pas citer AGT Food and Ingredients, transformateur canadien d’aliments et de lentilles, plus particulièrement de légumineuses à grains. Il s’agit de l’une des plus importantes entreprises de ce type au monde, et elle réalise ses activités chez nous. C’est quelque chose de positif qui fonctionne pour nous.
À titre d’illustration, dans son rapport, le Conseil consultatif en matière de croissance économique prend l’exemple des Pays-Bas, qui sont parvenus à se hisser au troisième rang mondial des plus gros exportateurs agroalimentaires, notamment grâce à une collaboration réussie entre le gouvernement et les entreprises du secteur. Nous revenons donc à la supergrappe qui englobe la grappe de l’industrie des protéines. J'aimerais savoir si nos expériences nous ont permis de tirer des leçons et d’acquérir des connaissances transférables. J’aimerais connaître votre opinion sur l’approche que nous adoptons relativement à la supergrappe, et vous demander quelles sont, d’après vous, les occasions et les difficultés que présentera ce programme pour le secteur de la transformation des aliments.
M. Beutener : Avant l’obtention, il y a quelques mois, de son premier financement, la supergrappe des protéines canadiennes était déjà venue aux Pays-Bas, en 2017-2018. Avec NFIA et certaines des provinces néerlandaises, nous avons fait visiter les Pays-Bas aux contacts de la supergrappe.
Il se peut que vous ne le sachiez pas, mais la bonne nouvelle est que les deux prochains sommets sur les protéines seront tenus à Saskatoon et à Calgary, fin mai et début juin. Le sommet sur les protéines est organisé par Gerard Klein Essink de Bridge2Food, organisateur d’événements aux Pays-Bas qui dispose d’une base de données et d’un réseau importants dans le secteur des ingrédients alimentaires. En 2016 et 2017, notre ambassade a commencé à travailler aux supergrappes ou à ce qui les a précédées.
Actuellement, nous commençons à voir — et c’est une bonne nouvelle pour M. Schans — des entreprises canadiennes de l’Alberta actives dans le secteur des protéines végétales qui essaient de s’établir aux Pays-Bas. Elles choisissent les Pays-Bas parce que la France et les Pays-Bas maîtrisent bien les protéines végétales et savent masquer le goût désagréable caractéristique des légumineuses. La recherche est assez solide.
On voit également des entreprises comme AGT et ses homologues au Canada déménager aux Pays-Bas pour le NIZO, qui est un institut de recherche sous contrat qui se concentre largement sur les protéines végétales, afin de collaborer avec lui et de créer la prochaine génération de produits de protéines végétales. Cela avance déjà assez bien.
Au moins 25 délégués néerlandais participeront au sommet sur les protéines, ce qui est assez exceptionnel. Les ambassades des Pays-Bas et moi-même organiserons des réunions en vue de rapprocher nos deux nations, relativement aux thèmes de la supergrappe.
Je vous remercie d’avoir posé la question parce que je travaille beaucoup dans ce dossier en ce moment.
La sénatrice Moodie : Merci, messieurs. Cette discussion a été fascinante et instructive.
Au sujet de l’éducation, au Canada, notre secteur agricole semble offrir beaucoup d’occasions. Nous estimons qu’il s’agit d’un domaine sur lequel nous devons nous concentrer, mais je ne pense pas me tromper en disant que nous avons de la difficulté à persuader nos jeunes de se mobiliser, de faire les bonnes études et de saisir ces occasions. J’aimerais savoir quelles sont les mesures que vous avez prises dans votre pays pour rendre le secteur agroalimentaire plus attrayant aux yeux des jeunes. Comment faites-vous pour les convaincre de ne pas suivre le cheminement postsecondaire traditionnel? Avez-vous des programmes particuliers dont vous souhaitez nous faire part : des fonds, des bourses? Quels sont les incitatifs de ces programmes?
M. Schans : Si vous regardez l’emploi, les Pays-Bas comptent environ 17 millions d’habitants. Environ 650 000 d’entre eux travaillent dans le secteur agroalimentaire. Cela signifie que vous n’avez pas besoin d’aller loin pour trouver quelqu’un qui est actif dans ce domaine. Cela indique également que le secteur agroalimentaire est perçu comme un secteur assez stimulant. Le secteur de l’horticulture, par exemple, fait appel à la haute technologie. Il offre de bons emplois, tout comme le secteur des aliments transformés. Il est très apprécié et, évidemment, étant donné que les Pays-Bas possèdent une industrie importante, les entreprises ont parfois de la difficulté à trouver des employés. Il en résulte également que, dans une partie des programmes des grands secteurs, les entreprises et le gouvernement cherchent à informer les membres du public au sujet des carrières intéressantes qu’ils peuvent mener dans le secteur alimentaire.
Il y a beaucoup de contacts directs entre les entreprises des régions et les établissements d’enseignement régionaux. Cela va dans les deux sens. Les industries peuvent éclairer les programmes d’éducation que les étudiants reçoivent et, évidemment, les entreprises peuvent également interagir avec les étudiants et leur offrir des stages, ce qui est une excellente façon de recruter leurs futurs employés. Je pense que beaucoup de programmes de ce type sont en cours, tant à l’échelle régionale que nationale.
M. Beutener : En Nouvelle-Écosse, plus particulièrement à l’Université Dalhousie, on prépare une collaboration entre les Pays-Bas et le Canada. D’intéressants développements se produisent autour du programme nommé iHORT HUB, dirigé par Raj Lada, professeur de l'Université Dalhousie. Il s’agit d’un laboratoire vivant destiné à la culture en serre, dans lequel des professionnels et des étudiants qui sont actifs dans le secteur de la technologie agricole et de la culture en serre et verticale, peuvent collaborer et mettre à l’essai les possibilités qu’offrent la technologie et l’équipement des Pays-Bas pour les cultures canadiennes dans un climat canadien. En Nouvelle-Écosse, le climat est un peu plus rude qu’aux Pays-Bas ou dans la région de la mer du Nord. Raj Lada était ici, à l’université néerlandaise Inholland, pour travailler avec le doyen et, pendant six mois, il a été en mesure d’établir une collaboration, tant aux Pays-Bas qu’en Nouvelle-Écosse, relativement au iHORT HUB. Nous n’y sommes pas encore. Nous essayons encore de déterminer, avec l’équipe du ministre Colwell de la Nouvelle-Écosse, comment nous allons atteindre le niveau supérieur. L’ambassade des Pays-Bas à Ottawa est également mobilisée. Ce sont des choses que les étudiants trouvent fascinantes : les technologies agricoles, la culture en serre, la culture verticale. Il s’agit, encore une fois, de domaines dans lesquels la haute technologie et l’agroalimentaire commencent à se recouper.
La présidente : Concernant la question de la sénatrice Moodie au sujet, en gros, de l’éducation et de la façon d’inspirer vos étudiants à s’intéresser à cette industrie, comment vous en sortez-vous du point de vue de la main-d’œuvre en général? Avez-vous assez de main-d’œuvre pour produire vos produits agricoles, que ce soit dans les champs ou dans les usines de traitement, et faites-vous venir des travailleurs étrangers temporaires? Nous en faisons venir beaucoup au Canada. Nous faisons appel à des travailleurs étrangers temporaires parce que nos terres sont plus vastes et plus éloignées, et nous semblons avoir de la difficulté à recruter assez de Canadiens pour effectuer ce travail. Est-ce le cas dans votre pays?
M. Beutener : Nous avons un problème majeur. Un défi, comme nous disons aux Pays-Bas. Nous faisons venir des personnes de l’Europe de l’Est, par exemple, pour travailler dans nos champignonnières au moment de la récolte, et dans nos serres pour la récolte des fruits et des légumes. Récemment, nous avons appris qu’une collaboration canado-néerlandaise avait été entamée entre deux fabricants de robots. Le but est de créer un robot qui soit capable de récolter les champignons et de les emballer immédiatement. Le programme du gouvernement fédéral appelé Visée mondiale en innovation, qui relève d’Affaires mondiales, a permis de couvrir les frais de déplacement du personnel de recherche et développement venu du Canada. Il y a de plus en plus de collaborations de ce genre en vue d’aider les entrepreneurs qui ont parfois de la difficulté à trouver de la main-d’œuvre.
M. Schans : Je pense que cela explique aussi pourquoi nous misons beaucoup sur la haute technologie pour nourrir la planète. Dans bien des cas, l’automatisation prend le relais de la main-d’œuvre, entre autres en raison des coûts.
J’estime également que nous sommes une société très ouverte. Comme M. Beutener l’a déjà dit, beaucoup des travailleurs horticoles aux Pays-Bas viennent de l’étranger. Je dirais que, globalement, la main-d’œuvre responsable de la production alimentaire et des recherches en alimentation chez nous est très internationale. Nous sommes très ouverts aux travailleurs venus d’Europe et d’ailleurs.
La pénurie est chronique, ce qui veut aussi dire que les entreprises doivent offrir de très bonnes conditions de travail pour attirer la main-d’œuvre. Elles doivent offrir de bonnes possibilités professionnelles, permettre aux employés d’apprendre en cours d’emploi, car il va sans dire que le travail change constamment en raison de son automatisation constante.
Nous constatons que les secteurs se font concurrence. Par exemple, si vous prenez des secteurs comme l’horticulture et la production de champignons, une partie de leur main-d’œuvre est beaucoup plus intéressée par des emplois en logistique, par exemple, que par des emplois de manœuvre en agriculture, ce qui met bien évidemment de la pression sur le système. Une telle pression pousse les entreprises à faire preuve de créativité dans son recrutement ou encore à opter pour d’autres solutions, comme l’automatisation.
La présidente : Merci. Trouver suffisamment de main-d’œuvre semble un problème courant pour bien du monde.
Mon autre question porte sur le gouvernement. Vous avez précisé que le gouvernement favorise la création de grappes, un processus qui, vous l’avez dit, repose sur les entreprises. Vous avez aussi fait allusion à l’excellente collaboration qui existe entre les entreprises et le gouvernement.
Essentiellement, le gouvernement peut intervenir de deux façons. Il peut recourir à des instruments économiques, des incitatifs ou d’autres moyens du genre pour arriver à ses fins, ou il peut opter pour des instruments législatifs. Notre rapport sera remis au gouvernement du Canada et précisera ce que nous lui recommandons de faire pour favoriser une plus grande valeur ajoutée au sein de l’industrie alimentaire. Si vous pouviez nous suggérer deux recommandations incontournables à lui faire, que seraient-elles?
M. Schans : Je redoutais cette question.
En toute franchise, quand nous avons commencé, c’était il y a longtemps; le gouvernement néerlandais et l’industrie ont mis en place l’approche des secteurs clés. Avant d’en arriver là, nous avons eu des programmes visant l’innovation pour les grappes industrielles, et les gens ont entamé la création d’un programme visant l’innovation pour le secteur de la haute technologie. Sincèrement, le secteur alimentaire néerlandais était pour le moins agacé par la collaboration du gouvernement avec le secteur de la haute technologie, sans compter que le secteur de la science des aliments se sentait mis de côté. La colère était réelle, et ses représentants ont demandé au gouvernement pourquoi il avait offert un programme uniquement au secteur de la haute technologie. Ils voulaient un programme eux aussi.
Je donne cet exemple parce que je ne crois pas que, en tant que gouvernement, vous puissiez vraiment instaurer un système comme celui des Pays-Bas si votre industrie ne ressent pas le besoin de faire bouger les choses. Il devrait y avoir un sentiment d’urgence au sein de l’industrie. Si ce n’est pas le cas, le gouvernement peut certes offrir une infrastructure, mais l’industrie ne va s’activer que si elle en ressent le besoin pressant.
Je suis conscient que ce n’est pas une recommandation incontournable, mais c’est la meilleure réponse que je peux vous donner.
La présidente : Merci.
Le sénateur Kutcher : J’ai remarqué dans votre documentation qu’environ le tiers des plus grandes entreprises agroalimentaires au monde ont des installations de recherche et développement aux Pays-Bas. Est-ce que c’était une décision consciente qui vous a poussé à courtiser ces entreprises aux capacités incroyables ou est-ce que tout cela est le fruit du hasard?
M. Schans : Tout cela nous tombe du ciel en sortant du lit le matin. Si seulement c’était vrai.
En toute franchise, je crois qu’il y a beaucoup d’entreprises qui mènent des activités de recherche et développement aux Pays-Bas parce que, avant de s’y mettre, elles avaient déjà d’autres activités dans le pays, comme la production, la mise en marché, la vente et la distribution. Avec ces activités, leur présence a pris de l’ampleur aux Pays-Bas, et mener des activités de recherche et développement, ou à tout le moins construire des installations du genre, n’est pas quelque chose qu’elles font d’emblée quand elles arrivent en terrain inconnu. Beaucoup de ces entreprises qui mènent une bonne partie de leur recherche et développement aux Pays-Bas y ont aussi des activités de production très importantes ou leurs produits transitent probablement par le port de Rotterdam à destination du reste de l’Europe. Elles ne mèneraient pas leurs activités de recherche et développement aux Pays-Bas si elles n’y trouvaient pas à tout coup le savoir-faire et les chercheurs nécessaires ou si elles pouvaient recruter ces spécialistes ailleurs dans le monde.
Je suis également d’avis que nous offrons de très bons incitatifs aux entreprises qui souhaitent mener des activités de recherche et développement aux Pays-Bas. Nous offrons des avantages fiscaux très intéressants. Si vos activités de recherche et développement aux Pays-Bas se traduisent par des droits de propriété intellectuelle, nous avons également des incitatifs fiscaux qui vous permettront de tirer davantage profit de cette réalisation. Nous sommes persuadés que les entreprises doivent innover pour réussir. Elles doivent mener des activités de recherche et développement, et nous souhaitons qu’elles le fassent aux Pays-Bas.
Toutefois, elles ne se présentent pas automatiquement chez nous.
La présidente : Vous n’avez pas cette chance.
M. Schans : Nous les accueillons à bras ouverts.
La présidente : Oui.
Le sénateur C. Deacon : Monsieur Schans, je suis tout à fait d’accord avec vous. Il est extrêmement rare que les clients nous tombent du ciel. Vous devez vous battre tous les jours pour les convaincre. Et vous le faites bien; j’envisage sérieusement de quitter le Sénat pour démarrer une entreprise aux Pays-Bas. Vous savez y faire. C’est très impressionnant.
Une des choses que je veux vraiment approfondir, c’est la façon dont l’industrie participe à ce groupe de leadership qui, d’après ce que vous nous avez dit, aide le gouvernement à établir ses priorités et ses programmes d’après l’approche des secteurs clés. J’estime que le leadership de l’industrie est essentiel. Vous avez soulevé un autre point très important, c’est-à-dire que si l’industrie ne s’aperçoit pas que le bateau coule et qu’elle n’a pas ce sentiment d’urgence ni la ténacité nécessaires pour réagir, nous ne pouvons pas faire grand-chose pour l’aider, sauf peut-être lui faire peur, car le monde sans merci dans lequel elle évolue devrait l’effrayer. Aidez-moi à comprendre de quelle façon l’industrie participe à l’établissement des priorités et veille à ce qu’on s’y tienne au sein de l’appareil gouvernemental néerlandais. Vous avez parlé de participation, et j’aimerais vraiment mieux comprendre.
M. Beutener : Juste pour l’anecdote, ce que je trouve intéressant, c’est la discussion avec l’un de vos témoins — Marco Valicenti et Walter La Haye — issu d’une entreprise d’aliments à valeur ajoutée très innovante aux Pays-Bas. Il a déclaré que l’approche des secteurs clés était en fait très pénible pour eux. Il est lui-même à la tête d’une PME. Il estime que le secteur clé de l’agroalimentaire est dirigé par des multinationales comme FrieslandCampina, DSM et Unilever, ou qu’elles ont trop de poids dans sa direction. J’adorerais savoir ce que M. Schans en pense. Je suis persuadé que c’est plus complexe qu’il n’y paraît. J'ai vu M. Valicenti en prendre bonne note, car je suis convaincu que l’AAC réfléchit à la façon de mettre cela en œuvre adéquatement.
Le sénateur C. Deacon : C’est un point très important. Merci de le soulever.
M. Schans : Votre question est un peu difficile pour moi, car je ne participe pas aux activités quotidiennes de l’équipe de ce secteur clé. Je vais donc vous donner la meilleure réponse que je peux dans les circonstances.
Au sein du secteur clé, il y a plusieurs groupes de travail qui se concentrent sur différents sujets. Certains travaillent à des programmes visant l’innovation et à l’établissement de leurs priorités quand les entreprises les mettent en œuvre de pair avec les établissements d’enseignement. Ils procèdent ainsi pour veiller à ce que les fonds consacrés aux programmes universitaires soient aussi utilisés selon les priorités établies par ce groupe.
En plus des groupes de travail chargés du plan d’action pour l’innovation, il y a en un chargé du plan d’action pour les ressources humaines. Le sujet a déjà été abordé au cours de cette réunion, mais disposer de la main-d’œuvre nécessaire, qui possède les bonnes compétences, est aussi une de nos grandes priorités, d’où la présence d’un groupe de travail à cet effet.
M. Beutener a déjà expliqué que, au début de l’approche des secteurs clés, il y avait aussi des critiques sur le terrain voulant que les secteurs clés ne servent que les grandes entreprises qui peuvent se permettre de libérer quelqu’un et de le faire participer à un groupe de travail. En toute franchise, je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce commentaire. À l’époque, j’étais encore très actif dans le dossier et je sais qu’il y avait des représentants de PME visionnaires qui s’organisaient pour prendre part à ces groupes de travail. Ils se faisaient quand même reprocher de travailler pour les grandes entreprises.
Cela dit, le secteur clé demeure en constante évolution. Il comprend maintenant un groupe de travail spécialement consacré aux PME. Ce n’est pas un groupe de travail pour faire taire les critiques des PME, mais bien un groupe aussi soutenu par de grandes entreprises, qui sont tout à fait conscientes que la réussite de ces PME leur est profitable.
Il y a des groupes de travail où des personnes de différents horizons partagent leurs points de vue et transmettent celui des personnes qu’elles représentent et, partant de là, un plan d’action est établi. Ce document n’est pas rangé afin d’être mieux oublié, mais bel et bien mis en œuvre. Il est aussi évalué après un certain temps pour établir s’il a produit les résultats escomptés.
C’est la meilleure réponse que je peux vous donner.
Le sénateur C. Deacon : Merci. Juste du point de vue des indicateurs de rendement clés utilisés dans ce domaine, j’ai vraiment hâte de recevoir tout rapport qui nous aidera à comprendre leur évolution au fil du temps. Vos indicateurs doivent changer au gré des priorités, alors il serait intéressant de savoir s’il y a un historique à cet effet que vous pourriez nous transmettre. Cette réunion est très informative. Merci beaucoup.
La présidente : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs.
Je tiens à remercier nos témoins. Notre discussion de 75 minutes a été enrichissante. Votre présence parmi nous aujourd’hui est d’ailleurs très appréciée. Nous aurions aimé constater la situation sur place, mais ce n’était pas possible. Nous n’avons pas reçu l’approbation nécessaire à notre étude. Cela dit, j’ai déjà visité les Pays-Bas et j’ai été très impressionnée par sa campagne et les cultures que j’y ai vues. J’aurais aimé visiter les installations de transformation, mais ainsi va la vie.
La réunion va maintenant se poursuivre à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)