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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 65 - Témoignages du 9 mai 2019


OTTAWA, le jeudi 9 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour examiner, en vue d’en faire rapport, les questions concernant l’agriculture et les forêts en général (sujet: la littératie alimentaire au Canada).

La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à tous. Je m’appelle Diane Griffin et je suis une sénatrice de l’Île-du-Prince-Édouard et présidente du comité.

Aujourd’hui, le comité se penche sur la question de la littératie alimentaire au Canada. La littératie alimentaire peut être définie comme les connaissances, les attitudes et les compétences d’une personne en matière d’alimentation.

En 2013, le Conference Board du Canada a publié un rapport signalant les avantages de la littératie alimentaire de la population pour les politiques publiques. J’en cite un passage : « Ce que les gens savent de ce qu’ils mangent et leur capacité d’appliquer ce savoir influence les chances que se réalisent les objectifs au cœur des stratégies alimentaires, soit une alimentation saine, la salubrité alimentaire, la sécurité alimentaire des ménages et, jusqu’à un certain point, la durabilité environnementale. »

Le comité a reconnu l’importance de cette question et la nécessité d’en discuter, et c’est dans ce but que nous sommes réunis ici ce matin.

Avant d’entendre nos témoins, je demanderais aux sénateurs de se présenter, à commencer par le sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur R. Black : Robert Black, Ontario.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, Ontario.

Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, Nouvelle-Écosse.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Julie Miville-Dechêne, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Oh : Victor Oh, Ontario.

Le sénateur Doyle : Norman Doyle, Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La présidente : Merci à tous.

Nous entendrons cinq témoins. C’est un groupe relativement nombreux, mais nous disposons de deux heures. Ils prendront la parole dans l’ordre suivant.

Nous entendrons d’abord Mme Elsie Azevedo Perry, nutritionniste en santé publique, Division de la promotion de la santé, Unité de santé du district de Haliburton, Kawartha et Pine Ridge. J'aimerais bien voir votre carte professionnelle. Elle doit être très spéciale. Elle sera suivie de Mme Heather Thomas, diététicienne en santé publique, Bureau de santé de Middlesex-London, puis de Mme Catherine Mah, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la promotion des populations en santé et professeure agrégée, faculté des sciences de la santé, Université Dalhousie. Avec tous ces sénateurs néo-écossais ici présents, soyez certaine que vous aurez beaucoup de questions de ce côté.

Nous accueillons aussi Mme Sharon Kirkpatrick, professeure agrégée à l’École de santé publique et des systèmes de santé, Université de Waterloo, et M. Bill Jeffery, directeur général, Centre pour les sciences de la santé et le droit.

Merci à tous d’avoir accepté notre invitation à comparaître. Comme vous le savez, après vos exposés, les sénateurs vous poseront des questions.

Nous allons commencer par Mme Perry. La parole est à vous, madame.

Elsie Azevedo Perry, nutritionniste en santé publique, Division de la promotion de la santé, Unité de santé du district de Haliburton, Kawartha et Pine Ridge, à titre personnel : Je remercie les membres du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts de m’avoir donné cette belle occasion de parler de la littératie alimentaire au Canada et de la façon dont son avancement sera bénéfique pour les politiques de santé publique.

Mme Heather Thomas et moi sommes diététistes professionnelles en santé publique en Ontario. Nous avons passé les dernières années à mener des recherches pratiques sur la littératie alimentaire. Nous faisons partie d’une grande équipe de diététistes professionnels en santé publique provenant de 15 nités de santé. Sharon Kirkpatrick, qui témoignera également ici aujourd’hui, est la conseillère universitaire de notre équipe.

La littératie alimentaire est un concept nouveau dont l’importance tient à ce que notre environnement alimentaire a beaucoup changé au cours des dernières décennies. Par exemple, il y a plus de magasins de détail à grande surface, l’approvisionnement alimentaire se fait de plus en plus à l’échelle mondiale et les compétences en matière de préparation des aliments sont en régression.

De ce fait, nous avons plus d’aliments transformés commodes et peu coûteux qui contiennent plus de gras, de sodium et de sucre. En général, les Canadiens, y compris les enfants et les jeunes, ne suivent pas les lignes directrices en matière d’alimentation. Ces tendances, au fil du temps, ont contribué à la prévalence de maladies liées à l’alimentation, comme l’obésité, les maladies cardiaques, le diabète de type 2 et certains cancers. De plus, le gaspillage des aliments au Canada est actuellement estimé à 40 p. 100, ce qui, vous le savez, augmente les émissions de gaz et a des répercussions sur notre environnement.

Il est essentiel, au niveau tant des programmes que des politiques, de comprendre les facteurs ou les déterminants qui influent sur une saine alimentation afin d’améliorer la santé de la population.

Notre définition de la littératie alimentaire, fondée sur des données factuelles, est la suivante : la littératie alimentaire est un ensemble de caractéristiques interdépendantes réparties en cinq catégories, soit : premièrement, les connaissances alimentaires et nutritionnelles; deuxièmement, les connaissances culinaires, donc les compétences de base pour cuisiner les aliments; troisièmement, l’auto-efficacité et la confiance, c’est-à-dire la conviction qu’il est possible de choisir ou d’acheter des aliments sains, ce qui touche à la relation avec la nourriture, l’attitude face à la nourriture; quatrièmement, les décisions alimentaires; cinquièmement, les facteurs environnementaux ou externes, qui comprennent le système alimentaire, la culture et la tradition, ainsi que des déterminants de la santé, comme le revenu et le logement.

Comme le montre le « Cadre pour une saine alimentation » qui vous a été remis, le concept de littératie alimentaire intègre les connaissances, les compétences et les comportements essentiels à la planification, à la gestion, à la sélection, à la préparation et à l’ingestion des aliments, ainsi qu’au plaisir de manger. Il fait ressortir la difficulté de dissocier les compétences et comportements pertinents de leur environnement contextuel.

La littératie alimentaire implique également la confiance nécessaire pour appliquer ces connaissances et compétences dans un environnement alimentaire très complexe et pour analyser comment les choix alimentaires peuvent influer sur la santé personnelle. Des mesures stratégiques sont nécessaires pour créer un environnement alimentaire sain et pour aborder les déterminants sociaux de la santé. À notre avis, sans ces mesures, la littératie alimentaire du public ne pourra progresser.

Nous voulons faire un bref survol de la façon dont nous en sommes arrivés à notre définition de la littératie alimentaire. Je vais céder la parole à Mme Thomas.

Heather Thomas, diététicienne en santé publique, Bureau de santé de Middlesex-London, à titre personnel : Entre 2012 et 2014, nous avons étudié ce que les compétences alimentaires signifiaient chez les personnes à risque élevé : jeunes, parents et jeunes femmes enceintes. Nous avons mené des entrevues approfondies auprès de 85 participants dans des collectivités rurales, urbaines et du Nord de l’Ontario. D’après nos constatations, les facteurs externes ou environnementaux ont une incidence sur la saine alimentation et les compétences alimentaires au niveau individuel, ce qui indiquait le besoin d’adopter une définition plus complète de la littératie alimentaire.

Par exemple, la plupart des participants avaient certaines connaissances en nutrition et étaient très motivés à préparer des repas sains pour eux-mêmes et leur famille, mais ils ont signalé plusieurs obstacles, comme le manque d’argent pour acheter les aliments ou les ingrédients voulus, l’insuffisance d’installations ou du matériel de cuisson et le peu d’occasions d’en apprendre davantage sur moyens de mettre en pratique la littératie alimentaire.

Nous avons ensuite voulu mesurer la littératie alimentaire afin d’évaluer les résultats des interventions de littératie alimentaire en santé publique. En 2016, nous avons effectué une revue très vaste et exhaustive de la littérature afin de connaître et de résumer les attributs ou les caractéristiques de la littératie alimentaire. Nous avons ensuite confirmé nos constatations auprès de praticiens en santé publique de première ligne, de spécialistes universitaires et d’intervenants clés en santé publique.

Nous voulions nous assurer que les caractéristiques que nous avions relevées dans la littérature étaient valides, importantes et pertinentes dans le contexte de la santé publique. Nous avons établi une liste finale de 12 caractéristiques clés réparties en cinq catégories, celles qui figurent dans le « Cadre pour une saine alimentation » que vous avez en main.

En 2018, notre équipe a formulé, en collaboration avec l’Université de Toronto, des questions pour mesurer chacune de ces caractéristiques. Nous sommes actuellement en train de valider l’outil auprès de cette population prioritaire.

Dans notre optique, et d’après les recherches et les connaissances fondées sur la pratique, il y aurait plusieurs différentes mesures et ressources de politique publique susceptibles de faire progresser la littératie alimentaire.

Par exemple, il est important de veiller à ce que les aliments sains soient disponibles à prix abordable. Avec l’escalade actuelle des prix de l’essence et, par conséquent, des prix alimentaires, la littératie alimentaire ne peut être atteinte au plan individuel. L’achat de produits locaux sera presque impossible pour au moins 10 à 13 p. 100 de la population, soit près d’un million de personnes en situation d’insécurité alimentaire, ainsi que pour beaucoup de familles de la classe moyenne. Le prix des aliments est un facteur important dans les décisions d’achat d’aliments. Il faut envisager des approches qui accroîtront l’accès équitable à des aliments sains.

Pour établir des liens plus étroits avec les agriculteurs locaux et les marchés fermiers, il faudra des efforts d’éducation, ainsi que du financement et une infrastructure, ce qui représente une occasion pour les exploitants d’installations, d’écoles, de garderies et de centres de loisirs gérés par les municipalités de s’approvisionner en aliments locaux sains et de transformer ainsi notre système alimentaire actuel.

La demande de programmes et de cours dans les écoles primaires, alternatives et secondaires et de programmes communautaires améliorera également la littératie alimentaire. Afin de mieux cibler les groupes prioritaires, ces programmes de littératie alimentaire devraient être concrets, pratiques, axés sur le renforcement de la confiance et des compétences.

De façon générale, il faut des lignes directrices ou des environnements nouveaux ou améliorés de saine alimentation dans des milieux comme les établissements gérés par les municipalités, les centres de loisirs et les écoles afin de faire progresser la littératie alimentaire au niveau individuel.

Ces options stratégiques, et d’autres encore, sont décrites de façon plus détaillée dans notre mémoire. Merci beaucoup de votre attention.

La présidente : Merci. Nous entendrons maintenant la Dre Mah.

Catherine Mah, titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la promotion des populations en santé et professeure agrégée, faculté des sciences de la santé, Université Dalhousie, à titre personnel : Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que les membres du comité, de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui de la littératie alimentaire au Canada.

Je suis la titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la promotion des populations en santé et professeure agrégée à la faculté des sciences de la santé, à l'Université Dalhousie. J’ai commencé ma carrière en tant que médecin, pédiatre en clinique communautaire, à Terre-Neuve-et-Labrador et en Ontario. Je peux donc, par expérience, vous assurer que les gens ne choisissent pas leurs aliments au cabinet du médecin et qu’ils n’arrêtent pas leurs choix à la suite d’un examen détaillé de tous les liens démontrés entre les nutriments, l’alimentation et la santé.

C’est au sein de leur collectivité que les gens exercent ces choix. Ils font des choix à la cafétéria de leur école. Ils décident de ce qu’ils mangeront en faisant la navette entre leur foyer et leur travail. Les gens choisissent les aliments en fonction de ce qu’ils savent et de ce qu’ils aiment, c’est vrai, mais ces choix se font toujours dans un contexte social et économique, c’est-à-dire en fonction du budget du ménage, des contraintes de temps, des préférences de leurs amis et de leur famille, et de la disponibilité des aliments là où ils vivent, travaillent, étudient et se divertissent.

Dans le cadre de mes recherches, j’étudie les déterminants environnementaux et politiques du régime alimentaire. Les régimes alimentaires malsains nous coûtent cher au Canada. Un décès sur cinq au Canada est attribuable à des maladies liées à l’alimentation, notamment aux maladies cardiovasculaires, au diabète de type 2 et au cancer. Ce fardeau est particulièrement lourd dans la région de l’Atlantique, où je vis, comme d’ailleurs plusieurs membres du comité. Il s’agit de pertes de vie et d’un potentiel humain tout à fait évitable.

Mon équipe a travaillé avec des entreprises alimentaires et des intervenants en santé publique dans cinq provinces canadiennes, au Japon et en Australie. Je m’intéresse particulièrement à la façon dont les achats à l’épicerie influent sur la santé publique. Au Canada, 70 ¢ de chaque dollar dépensé aboutissent dans les caisses des magasins d’alimentation.

Cela me ramène à la littératie alimentaire. La littératie alimentaire nous offre un certain nombre de possibilités stratégiques, mais seulement si nous la favorisons en tant que trait collectif de notre environnement alimentaire communautaire et de notre système agroalimentaire.

L’Organisation mondiale de la Santé, dans un rapport de 2013 sur la littératie en santé, explique que les sociétés modernes sont confrontées au paradoxe de la littératie. Dans une société du savoir, les gens doivent faire des choix éclairés et, plus que jamais, utiliser l’information. À bien des égards, notre capacité de faire des choix réels au quotidien est de plus en plus complexe et restreinte.

Les regroupements dans le secteur alimentaire ont eu pour résultat d’avoir fait de quelques grandes entreprises les contrôleurs de facto de nos décisions alimentaires. Les ménages, surtout les Canadiens en âge de travailler, baignent dans une incertitude économique à un degré sans précédent, et cela se reflète dans leur budget alimentaire.

De 2007 à 2012, le prix des aliments a augmenté au Canada plus rapidement que toute autre composante des dépenses de consommation. Ces pressions sont particulièrement aiguës dans les collectivités rurales, éloignées, nordiques et mal desservies, où les facteurs économiques, ainsi que des difficultés déjà anciennes de distribution, s’amplifient mutuellement.

Si l’objectif de la littératie alimentaire est de donner aux gens les moyens de choisir une alimentation plus saine, alors toutes les options stratégiques que le comité envisagera pour améliorer la littératie alimentaire devront être jumelées à des stratégies parallèles pour créer un environnement alimentaire favorisant la santé, y compris un approvisionnement alimentaire diversifié et souple.

Dans les années 1980, la pionnière de la promotion de la santé, Nancy Milio, a déclaré que nous pouvions faire en sorte que le choix santé soit un choix facile grâce à des politiques publiques appropriées. Le comité peut faire mieux. Nous pouvons faire du choix santé le choix le plus gratifiant dans l’ensemble du secteur agroalimentaire.

L’alimentation est une compétence partagée, si bien que le comité peut promouvoir ce que le Fonds mondial de recherche contre le cancer et les Nations Unies ont appelé la cohérence des politiques, de sorte que de bons résultats économiques et de bons résultats en matière de santé iront de pair et qu’aucune région du Canada ne sera laissée pour compte. Le nouveau Guide alimentaire canadien est un document magnifique, qui établit, sur une base scientifique, quels sont les régimes alimentaires qui peuvent le mieux prévenir les maladies et les décès. Nous devons maintenant faire en sorte que le Canada devienne aussi un chef de file mondial en matière de politiques agroalimentaires à l’appui des régimes alimentaires sains.

J’aimerais recommander quatre mesures : premièrement, accroître le pouvoir d’achat des ménages; deuxièmement, investir dans un approvisionnement alimentaire diversifié et souple; troisièmement, renforcer l’information scientifique sur l’influence des environnements alimentaires sur la littératie et le choix alimentaires; quatrièmement, adapter les politiques des marchés publics pour promouvoir constamment les régimes alimentaires sains.

En premier lieu, les politiques qui accroissent le pouvoir d’achat des ménages, comme les pensions de vieillesse, la Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté, l’Allocation canadienne pour enfants et les idées comme le revenu de base garanti, peuvent aider à faire que chaque ménage, où qu’il se trouve, ait la possibilité constante et respectueuse de prendre des décisions alimentaires saines. Nous appelons cela des politiques sociales, mais les économistes les appellent aussi assurance-consommation.

En deuxième lieu, nous devons veiller à ce que les nouvelles et les petites entreprises alimentaires, y compris les commerces de détail, bénéficient de règles du jeu équitables et aient une chance raisonnable de survivre en tant que fournisseurs de produits locaux et de services alimentaires de qualité partout au Canada. Cela comporterait des mesures de soutien administratif aux petites entreprises pour qu’elles aient accès à une base diversifiée de fournisseurs et à une main-d’œuvre qualifiée, ainsi que des efforts de coopération, et des incitations à prendre des risques dans les cas où une amélioration de la santé publique peut être démontrée. Nous devrions également investir dans la formation pour améliorer la gestion des données commerciales, la compréhension des données et la compréhension de l’information scientifique.

En troisième lieu, et dans le même ordre d’idées, nous avons besoin de fonds pour la recherche et la surveillance afin de conserver des sources de données de grande qualité permettant de suivre l’évolution de l’environnement alimentaire, ainsi que la façon dont les ménages gèrent leurs ressources et leurs choix alimentaires en réponse à l’évolution de l’environnement et du système alimentaires.

En quatrième lieu, nous pouvons utiliser les dépenses publiques comme outil usuel de promotion des régimes alimentaires sains par le truchement de nos politiques d’achat, y compris celles qui régissent l’approvisionnement en aliments des établissements financés par l’État.

J’aimerais conclure en recommandant que le comité renforce également la participation à l’élaboration des politiques en tant qu’élément de la littératie alimentaire. Dans les cours offerts aux étudiants en médecine et des cycles supérieurs en santé, je leur demande, assez tôt dans le cours, combien d’entre eux ont participé aux consultations publiques du gouvernement ou savent qu’ils ont la possibilité d’évaluer les politiques de façon critique et d’avoir leur mot à dire sur ce que les Canadiens mangent. Ils sont peu nombreux à lever la main. Parfois, aucun ne le fait.

La littératie alimentaire devrait renforcer le lien entre le public, le monde scientifique et le gouvernement de manière à permettre à diverses voix d’être représentées dans un environnement alimentaire sain pour tous les Canadiens. Je vous remercie de votre attention.

Sharon Kirkpatrick, professeure agrégée, École de santé publique et des systèmes de santé, Université de Waterloo, à titre personnel : Je vous remercie, madame la présidente, de même que les membres du comité, de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd’hui.

Je suis diététiste professionnelle et professeure agrégée à l’École de santé publique et des systèmes de santé de l’Université de Waterloo. Mes travaux de recherche portent sur ce que les Canadiens mangent et boivent, les influences qui s’exercent sur leurs habitudes alimentaires et la façon dont nous pouvons les changer en vue d’améliorer la santé de la population. Lorsque nous pensons à la santé, de plus en plus nous pensons non seulement à nous-mêmes, mais aussi à notre planète. Les facteurs de risque liés à l’alimentation figurent parmi ceux qui contribuent le plus à la morbidité et à la mortalité à l’échelle mondiale, de même qu’ici au Canada. Selon les plus récentes analyses tirées de l’étude sur le fardeau mondial de la maladie, publiée dans The Lancet, les principaux facteurs de risque alimentaire, quant aux taux d’invalidité et de décès, comprennent une faible consommation de fruits, de légumes et de grains entiers, ainsi qu’une forte consommation de sodium. Ces constatations concordent avec celles d’autres revues exhaustives menées par des groupes comme le Fonds mondial de recherche contre le cancer.

Les données existantes montrent que les habitudes ou les régimes alimentaires des Canadiens ne correspondent pas tellement aux recommandations en faveur d'une alimentation saine. Ils sont faibles en fruits, en légumes et en grains entiers, mais riches en sodium et en sucres. Nous savons également qu’il y a une forte consommation d’aliments ayant éventuellement des répercussions néfastes sur notre environnement, notamment les protéines animales et les aliments emballés.

Les données disponibles font grandement ressortir la nécessité d’interventions pour accroître la consommation des aliments et boissons qui sont actuellement sous-consommés par rapport à ce qui est recommandé et réduire celle des aliments et boissons actuellement surconsommés. C’est là que l’idée, le concept de la littératie alimentaire a vraiment gagné du terrain en tant grandement d’aider les Canadiens à acquérir les connaissances, les compétences, l’auto-efficacité et la confiance nécessaires pour naviguer dans notre environnement alimentaire actuel et à faire des choix sains et viables pour l’environnement.

Compte tenu du rôle que la littératie alimentaire peut jouer, j’aimerais ajouter aux observations de mes collègues en disant un mot sur la multidimensionalité de nos habitudes alimentaires.

Tous les jours et tout au long de notre vie, nous consommons de nombreux aliments et boissons différents, dont chacun a son propre profil quant aux nutriments et autres composants alimentaires, comme les agents phytochimiques que l’on trouve dans les fruits et les légumes. On reconnaît de plus en plus que c’est ce mélange d’aliments, de boissons et des nutriments qu’ils apportent qui agissent en synergie, et peut-être de façon antagoniste, pour influencer notre santé à long terme.

De plus, nous combinons de façon particulière les aliments et boissons que nous consommons. Par exemple, il est probable que les gens pour qui les fruits et légumes sont accessibles et qui en consomment beaucoup ont aussi accès à des grains entiers. À l’inverse, une forte consommation d’aliments transformés et emballés peut être associée à une absorption élevée de sucres, de sodium et de gras.

Du fait de cette multidimensionnalité, lorsque nous modifions des éléments particuliers de notre alimentation, d’autres parties changent également. Par exemple, si nous essayons de réduire la prise de boissons sucrées, nous pourrions aussi changer d’autres boissons que nous consommons, en même temps que notre consommation d’aliments sucrés.

Cette multidimensionnalité de l’alimentation est aussi un facteur dans les arbitrages à faire entre santé et environnement. Ainsi, nous avons une preuve abondante que la consommation de poisson est recommandée et qu’elle est bonne pour la santé. Nous savons par ailleurs qu’une plus grande accessibilité au poisson et aux fruits de mer a des conséquences négatives sur notre environnement.

Le nouveau Guide alimentaire canadien, que ma collègue a mentionné, juge cette multidimensionnalité très positive et donne un aperçu holistique des habitudes alimentaires qui sont compatibles avec la santé. Là aussi, c’est prometteur et cela nous aide à remplacer nos habitudes alimentaires par d’autres qui seront plus compatibles avec notre santé et celle de la planète.

Par contre, ce guide a été publié dans un paysage ou un contexte de nature plutôt réductionniste qui a tendance à mettre l’accent sur des composants alimentaires particuliers, comme les sucres ou le gras. Par exemple, les messages relatifs à la réduction de la ration de sucre dans ce contexte réductionniste pourraient amener à exclure des aliments comme les fruits, qui font partie des saines habitudes alimentaires, mais sont une source naturelle de sucres.

Par ailleurs, la diffusion plus fréquente de messages favorables à la consommation de protéines végétales pourrait entraîner un afflux d’aliments végétaux transformés et emballés, qui ont des répercussions négatives sur notre environnement.

En plus des changements apportés au système alimentaire et aux environnements alimentaires dont il a été question aujourd’hui, l’amélioration de la littératie alimentaire au sein de notre population pourrait contribuer à changer ce paysage réductionniste de manière à ce que les conseils comme le Guide alimentaire canadien soient plus judicieux.

Par exemple, on nous a parlé de l’intégration dans le programme scolaire, qui pourrait exposer les enfants au système alimentaire à un jeune âge, leur faire voir comment les aliments s’intègrent dans ce contexte plus large, et leur expliquer les liens entre nos habitudes alimentaires et l’environnement.

Comme on nous l’a déjà dit, les efforts de littératie alimentaire doivent être exhaustifs et multidimensionnels, et couvrir l’ensemble du cycle de vie et viser différentes sous-populations de notre pays. Il faut les soutenir par un investissement continu et accru dans la santé publique.

On nous a parlé aussi de l’importance d’associer les stratégies de littératie alimentaire à celles liées à l’économie, à la sécurité et au pouvoir d’achat. Nous devons aussi intégrer la durabilité environnementale.

Par exemple, grâce à des approches où toutes les politiques rejoignent l’ensemble du gouvernement ainsi qu'un volet axé sur la santé, Mme Mah a parlé de cohérence des politiques. Ces types de stratégies amènent à la table de multiples secteurs pertinents, comme la santé, l’agriculture, les transports, l’environnement et ainsi de suite, afin d'engager des concertations pour la recherche de solutions qui transformeront nos systèmes alimentaires et les aliments qui se retrouvent dans nos assiettes.

Enfin, je vais me faire l’écho de Catherine Mah au sujet de la nécessité de renforcer la science, et de sa transposition à une gamme d’intervenants. En particulier, je soulignerai que nous avons besoin de données exhaustives non seulement sur l’environnement alimentaire, mais encore sur ce que les Canadiens mangent vraiment. Au cours des 20 dernières années, nous n’avons eu que deux enquêtes qui ont dégagé des données détaillées et complètes sur les habitudes alimentaires des Canadiens, deux enquêtes qui excluent certains éléments importants de nos populations, dont celles qui vivent dans les territoires.

Nous avons besoin de faire un suivi constant des habitudes alimentaires de l’ensemble de notre population. Nous avons également besoin d’autres investissements et d’autres recherches pour mieux comprendre comment nos habitudes alimentaires contribuent aux changements climatiques.

Selon moi, notre nouveau guide alimentaire, l’élargissement de la stratégie en matière de saine alimentation et d’autres initiatives, comme l’attention que votre comité accorde à la question, annoncent une période des plus enthousiasmantes au Canada.

La littératie alimentaire peut faire partie intégrante de nos initiatives visant à changer les aliments qui se retrouvent dans nos assiettes. Par contre, la littératie alimentaire doit s’inscrire dans une stratégie détaillée et complète qui englobe la multidimensionnalité des habitudes alimentaires, qui soit multisectorielle et qui soit soutenue par des investissements continus dans la santé publique et la science. Merci.

La présidente : Merci. Passons maintenant à l’exposé de notre dernier témoin, M. Jeffery.

Bill Jeffery, directeur général, Centre pour les sciences de la santé et le droit : Merci, madame la présidente. Habituellement, je ne parle pas de notre revue, mais parce qu’elle est directement liée à la littératie alimentaire, je vais vous donner plus d'explications.

Le Centre pour les sciences de la santé et le droit publie une revue destinée aux consommateurs, le rapport Food for Life. Elle n’accepte pas de publicité, et l’éditeur, mon organisation, n’accepte pas de financement de l’industrie ou du gouvernement. Nous voulons maintenir ainsi notre indépendance et assurer à nos lecteurs que les conseils que nous leur donnons reposent sur les meilleures données qui soient.

Des milliers de Canadiens sont abonnés au rapport Food for Life, que tous les sénateurs et les députés reçoivent gratuitement, grâce à la franchise postale de la Colline du Parlement.

Nous en sommes encore à la phase de démarrage, mais notre intention est de le publier six fois par année.

Le rapport Food for Life compare des produits alimentaires et présente des articles sur des sujets liés à la nutrition. Nous avons pour mission d’aider les Canadiens à mieux consommer, et l’industrie et le gouvernement à rendre davantage de comptes.

Notre dernier numéro présentait une évaluation des conseils donnés dans les ouvrages populaires sur l’alimentation et la nutrition, ainsi que dans l’ancienne et la nouvelle version du Guide alimentaire canadien, au regard des estimations canadiennes du fardeau morbide de divers aspects des maladies liées à l’alimentation à l’aide du rapport sur le fardeau de la maladie dans le monde, le Global Burden of Disease Report, que Sharon a mentionné tantôt.

Ce numéro présente aussi un article sur l’éducation nutritionnelle des médecins et un guide pour le menu de Tim Hortons à l’intention de l’utilisateur soucieux de bien se nourrir.

Le rapport Food for Life succède à l’édition canadienne d’une revue américaine intitulée Nutrition Action Healthletter. J’ai travaillé avec l’éditeur de cette organisation pendant près de deux décennies, mais la revue a cessé d'être publiée en 2016, en grande partie parce que l’éditeur américain a décidé que les tarifs postaux au Canada, qui sont pratiquement cinq fois plus élevés pour les revues sans but lucratif, étaient trop coûteux.

Bien que le récent budget fédéral propose des crédits d’impôt remboursables pour soutenir le journalisme à but lucratif et sans but lucratif, ces crédits d’impôt sont conçus pour aider uniquement les publications d’actualité générale, et non pas les rapports spécialisés comme le nôtre.

La littératie alimentaire est sans doute peu utile, comme l'ont d'ailleurs mentionné d'autres témoins, pour les enfants et les adultes qui sont exposés à des aliments peu nutritifs, à des publicités et à l'étiquetage dans leurs milieux de vie, de travail et de divertissement, ou dont les moyens financiers et les liquidités ne leur laissent pas la capacité de se procurer des fruits et légumes frais et d’autres aliments nutritifs.

Depuis 22 ans, je préconise, avec bien d’autres, l’amélioration de l’étiquetage nutritionnel; la réduction du sodium et des gras trans dans l'approvisionnement alimentaire; le remplacement des taxes sur les aliments nutritifs par d’autres taxes sur les aliments qui nuisent à la santé; une restriction de la publicité destinée aux enfants, non seulement pour les aliments, mais aussi pour tous les produits de consommation; des mesures de protection contre les conflits d’intérêts dans les lois et les politiques sur la nutrition; et, enfin, et je pense que c’est le plus intéressant, du moins pour les sénateurs, un programme alimentaire national en milieu scolaire qui pourrait comprendre un programme de littératie alimentaire élaboré grâce à l’expertise de Santé Canada en sciences de la nutrition.

Récemment, mon organisation a aussi contribué à fournir une assistance technique pour les mesures juridiques visant à restreindre la promotion des substituts du lait maternel en Afrique subsaharienne, à titre de conseillère technique auprès de l’UNICEF.

Selon les données de la Global Burden of Disease, environ 48 000 Canadiens meurent chaque année des causes suivantes, par ordre d’impact : une consommation trop élevée en sodium cause 12 000 décès; une consommation insuffisante de fruits et légumes entraîne environ 12 000 décès; une consommation insuffisante de grains entiersentiers cause 12 000 décès; et une consommation insuffisante de noix et de graines représente environ 10 000 décès.

À ce sujet, je tiens à vous signaler, et vous le savez sans doute déjà, que Santé Canada s’est engagé dans un processus de création d’un système d’étiquetage nutritionnel sur le devant des emballages pour mettre en garde les consommateurs contre les aliments à forte teneur en sodium, ce qui est certainement logique, mais aussi contre les aliments riches en gras saturés et en sucres totaux, qui ne sont qu’indirectement liés aux risques classés au cinquième et au neuvième rang des risques les plus élevés. Je crains un peu que ce genre d’étiquetage n’alimente la confusion sur ce qu’est une bonne alimentation.

En guise de solution de rechange, nous avons préconisé, et notre revue l’a fait également, des étiquettes alimentaires qui présenteraient un schéma de notation montrant la valeur nutritive des aliments, essentiellement en synthétisant en un même indice l’information sur tous ces ingrédients et ces nutriments qui ont trait à la santé publique — les fruits, les légumes, les grains entiers, les sucres libres, bien sûr, et le sodium.

L'approche qu'a adopté Santé Canada par le passé et qu'il continue de préconiser impose aux consommateurs la lourde obligation de se familiariser avec la littérature scientifique sur la nutrition et d’intégrer l’information sur la quantité des divers nutriments et ingrédients que contiennent les aliments pour arriver à un chiffre unique pour éclairer leurs choix. Bien sûr, la plupart des consommateurs ne le font pas. Ils utilisent une approche heuristique, comme on dit en psychologie. Ils prennent des raccourcis. Parfois, ils concentrent trop leurs efforts sur un seul nutriment, comme les gras totaux ou le sucre, et parfois ils s’en remettent aux messages publicitaires sur le devant des emballages qui visent à promouvoir la vente des aliments, ce qui ne leur donne pas l'heure juste.

Comme je l’ai dit plus tôt, dans le dernier numéro du rapport Food for Life, nous avons recensé les conseils alimentaires trouvés dans des ouvrages sur la nutrition ainsi que les conseils alimentaires des médecins, et nous avons recommandé diverses mesures de politique publique de donner aux Canadiens une vision plus claire de la science de la nutrition.

J’aimerais simplement ajouter que cet examen a fait ressortir que de nombreux professionnels de la santé semblent non seulement donner des conseils qui ne sont pas étayés par des données probantes, mais qui vont directement à l’encontre de la nouvelle version du Guide alimentaire canadien, par exemple. Traditionnellement, Santé Canada ne critique pas publiquement ces approches, et les médias ont beaucoup parlé d’un groupe de médecins qui ont tenté d'exercer des pressions sur Santé Canada pour recommander le régime cétogène dans le Guide alimentaire canadien, entre autres. Je pense que les fonctionnaires de Santé Canadaparticiperaient à des réunions comme celle-ci et diraient que cela n’est pas conforme à la science, mais ils n'iraient pas rencontrer les gens du Globe and Mail et du réseau CBC pour leur expliquer en quoi les justifications scientifiques ne tiennent pas la route. Je pense que cela contribue également à réduire la littératie alimentaire au sein de la population. Il ne s'agit pas seulement de Gwyneth Paltrow ici, mais aussi de l’inaction de Santé Canada.

Merci beaucoup. Voilà qui termine mon exposé.

La présidente : Merci. Vous avez tous fait d'excellents exposés. Deux autres sénatrices se sont jointes à nous : la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Wanda Thomas Bernard, une autre Néo-Écossaise. La Nouvelle-Écosse est donc très bien représentée ici aujourd’hui.

Les personnes qui se sont inscrites pour poser des questions sont les sénateurs Kutcher, Mercer, Black, Doyle, Moody, Oh, Deacon, Bernard, Dagenais et Miville-Dechêne, et j’aurai une brillante question à la fin si personne d’autre ne l’a déjà posée.

Le sénateur Kutcher a la parole.

Le sénateur Kutcher : Merci, madame la présidente, et merci beaucoup pour tous vos exposés. Êtes-vous prêts? Il faut maintenant ajouter notre grain de sel.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Kutcher : Je ne pouvais pas laisser passer cette occasion. Puisque c’est moi qui commence, j’ai pensé glisser ce petit jeu de mots.

J’ai été impressionné par l’étendue de ce que vous nous avez dit et par la rigueur avec laquelle vous avez traité en si peu de temps d’un sujet aussi incroyablement complexe.

Il me semble que tout le domaine de la littératie alimentaire commence à peine à se développer et que vous êtes tous des praticiens à la fine pointe de ce qui pourrait vraiment changer beaucoup de choses pour les Canadiens, pas seulement pour les consommateurs, mais aussi pour l’industrie agroalimentaire.

Un des thèmes dont il a souvent été question aujourd’hui et qui a captivé mon attention est que les consommateurs peuvent souvent contribuer à orienter l’innovation dans l’industrie alimentaire — , par exemple, en réclamant des aliments meilleurs pour la santé et plus nutritifs ou des aliments produits localement. En faisant des choix éclairés, les Canadiens amélioreraient leur santé. Et Dieu sait qu’ils devraient le faire. Cela représente à la fois des avantages pour notre économie et des bienfaits pour la santé.

Commençons par le commencement. J’ai deux questions très simples à poser. D’abord, quelles sont les connaissances nutritionnelles de base des Canadiens, et varient-elles selon leur classe socioéconomique et la région où ils habitent? Quelles que soient les variantes, j’aimerais obtenir des explications.

Ma deuxième question est la suivante : quelles que soient les connaissances nutritionnelles de base, quel rôle le gouvernement fédéral pourrait-il jouer pour les améliorer? Quelqu’un veut-il risquer de me répondre?

M. Jeffery : Je veux bien essayer. Il est bien difficile de vous donner une réponse directe quant aux connaissances de base en matière d'alimentation, en partie parce que les critères servant à évaluer ces connaissances s'appliquent sur des comportements alimentaires, à savoir ce que les gens font pour réduire le sodium, les gras saturés et le sucre total dans leur alimentation. De toute évidence, cela ne dresse pas un portrait complet. Santé Canada donne en quelque sorte un aperçu fragmenté de ce que représentent de bonnes connaissances en matière d'alimentation pour évaluer ce que les gens savent, ou, à tout le moins, les mesures qui pourraient être prises.

La vraie mesure, c’est le nombre de personnes qui meurent de maladies liées à une mauvaise alimentation. C’est un élément important, mais les connaissances ne sont pas le seul facteur contraignant.

Santé Canada a un rôle important à jouer pour aider les provinces à mettre au point un programme de nutrition dans les écoles. Les enfants savent cuisiner. Beaucoup de connaissances sur la préparation des aliments ne sont plus transmises depuis les dernières années en raison de la disparition des cours d’économie domestique dans les écoles.

Comme je l’ai dit, je pense qu’une façon essentielle de mieux communiquer les connaissances nutritionnelles consiste à mettre en place un système cohérent d’étiquetage nutritionnel frontal. Comme par hasard, Santé Canada tient une réunion internationale ici à Ottawa la semaine prochaine. Soixante pays y participeront, et 250 délégués y passeront toute une journée à parler de différentes approches. Santé Canada propose une initiative; c’est un système de trou de serrure utilisé dans les pays nordiques. La France a instauré un nouveau système d’étiquetage. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont adopté une approche différente appelée Healthy Stars.

Il s'agit, selon moi, d'une discussion à l’échelle de la planète sur la façon d'améliorer ces choses-là. Santé Canada s’est déjà cantonné, en quelque sorte, dans une façon particulière de faire les choses, qui ne me semble pas tellement formidable, mais je pense que les choses vont certainement bouger au Canada au cours des années à venir.

La présidente : Allez-y, madame Mah.

Mme Mah : J’ai deux brefs éléments qui pourraient être utiles pour ces questions. D’abord, je fais partie d’un groupe de recherche de l’Université de Toronto, qui s’appelle PROOF, et qui étudie les options de politique pour lutter contre l’insécurité alimentaire.

Ma collègue, Valerie Tarasuk, et ses étudiants, se sont penchés sur les compétences alimentaires de divers groupes et ont comparé des populations en situation d’insécurité alimentaire à des populations en situation de sécurité alimentaire à l’aide des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Ils ont constaté que les niveaux de compétences alimentaires entre les ménages en situation d’insécurité alimentaire et les ménages en situation de sécurité alimentaire étaient en fait très comparables. De fait, ils ont constaté que certaines notions liés à la planification des aliments et à l’utilisation d’un budget étaient beaucoup plus maîtrisées chez les populations en situation d’insécurité alimentaire.

Par exemple, 85 p. 100 des ménages en situation d’insécurité alimentaire ont déclaré avoir un budget pour leurs achats, comparativement à 43 p. 100 des ménages en situation de sécurité alimentaire. Il y a donc toujours une interaction entre les facteurs d’éducation et les facteurs économiques.

Le deuxième indice vient de la littérature sur les environnements alimentaires. Les chercheurs multiplient les initiatives. Par exemple, ils modifient les prix des produits, ils en font la promotion et les placent à des endroits stratégiques dans les épiceries de détail pour voir s’ils peuvent modifier les habitudes d’achat de la clientèle. Leurs études montrent — et il y a eu des recensions systématiques des écrits à cet égard — que ce qui est lié uniquement à l’éducation n’est habituellement pas efficace. L’éducation doit toujours être combinée avec la promotion, avec tout un programme de promotion axé sur les aliments, et souvent avec une formation pour les exploitants des magasins et les employés eux-mêmes, pour qu’ils soient bien au fait de cela également, et pas seulement du prix.

Ce sont ces interventions multifactorielles qui sont particulièrement importantes.

Mme Azevedo Perry : Je vais intervenir dans la réponse à la deuxième question, parce que nous n’avons pas autant de données sur les connaissances nutritionnelles, et celles que nous avons proviennent de leurs propres déclarations. Nous constatons que les Canadiens ont tendance à s’attribuer plus de connaissances qu’ils n’en ont, mais nous savons par observation sur le terrain que ce n’est pas toujours nécessairement vrai.

Lorsque nous avons fait notre recherche auprès des jeunes parents, des femmes enceintes et des jeunes à haut risque, nous avons été surpris de constater qu’ils s’y connaissaient en nutrition. Ils savaient que les fruits et légumes sont des aliments bons pour la santé.

Le problème, comme ma collègue vient de le dire, c’est qu’on a beau avoir toutes les connaissances — et c’est là que la littératie alimentaire est si formidable —, il n’en faut pas moins tenir compte de tous les autres éléments.

Nous avons appris que beaucoup de jeunes parents et de jeunes à haut risque ne savent pas préparer les aliments. On l’a déjà dit, ces compétences sont en voie de se perdre. Par le passé, c’était une affaire de génération. Ces compétences étaient transmises des grands-parents ou des parents à la génération suivante. Ce n’est plus comme cela. Notre population nous a dit que l’apprentissage pratique était crucial et peut être vecteur des connaissances.

J’aimerais ajouter à cela que l’examen du cadre holistique de la littératie alimentaire révèle que l’une des choses que le gouvernement fédéral peut faire, c’est de veiller à transmettre ces connaissances à l’école. Des preuves solides montrent que les enfants mangent davantage de fruits et de légumes losrqu'ils sont offerts dans les écoles. Nous avons la littérature pour le prouver. Il s’agirait de dégager des crédits pour permettre aux écoles d’offrir un buffet à salades, des fruits et des légumes.

J’aimerais voir les petites entreprises familiales réintégrer les écoles et en tirer les profits. Toutefois, nous avons besoin de ce financement et de cette aide en milieu scolaire et c’est un exemple de ce que le gouvernement fédéral peut faire, à mon avis, en plus de transmettre des connaissances. Nous avons besoin de ces autres éléments de soutien.

Mme Kirkpatrick : Je me fais l’écho de certains commentaires selon lesquels les Canadiens ont des notions de base de ce qu’est une saine alimentation. Le problème, par contre, c’est l’application de ces concepts. Encore une fois, nous avons dit que notre nouveau guide alimentaire semble être un excellent moyen de pratiquer une approche plus holistique, mais nous n’avons pas encore vu comment les Canadiens peuvent assimiler ces messages.

Nous savons que de nombreux Canadiens connaissent notre ancien guide alimentaire, celui orné d'un arc-en-ciel. Toutefois, ils ne savent pas nécessairement ce que représente une portion. La portion correspond-elle à la quantité servie dans une assiette? Qu’est-ce que cela veut dire? Nous avons tendance à perdre les consommateurs lorsque nous leur parlons de modération et d’équilibre énergétique, par exemple.

Pour ce qui est du développement des connaissances, nous devons aussi tenir compte des imprévus. Avec l’étiquetage sur le devant de l’emballage et d’autres formes d’étiquetage, par exemple, nous risquons de creuser les disparités entre les groupes socioéconomiques si certains sont plus en mesure que d’autres d’appliquer leurs connaissances. C’est là que les diverses stratégies doivent s’inscrire dans une approche multidimensionnelle, c’est-à-dire le genre de choses dont nous avons parlé, pour que tous les Canadiens aient accès à des aliments sains et puissent les choisir s’ils le souhaitent.

L’étiquetage sur le devant de l’emballage n’est pas un moyen pratique d'informer le consommateur de la qualité globale du produit. Sur un menu, par exemple, dans les restaurants-minute et cetera, les calories sont indiquées, ce qui pourrait amener les consommateurs à se concentrer sur le calcul des calories, au risque d’oublier la qualité globale de leur alimentation.

Nous donnons peut-être l’impression que c’est extrêmement compliqué. À certains égards ce l’est, mais il faut bien commencer quelque part. Nous avons déjà un excellent départ avec le Guide alimentaire canadien. Mes collègues l’ont dit, nous connaissons d’autres éléments qui rendraient le projet plus facilement réalisable.

Le sénateur Mercer : Merci à tous de votre présence. Notre discussion est très intéressante. Je me demande si je m’y connais ou pas en alimentation. C’est surtout moi qui fais l’épicerie dans ma famille et c’est moi qui cuisine habituellement quand je suis à la maison. C’est parce que je le veux, et pas parce que j’y suis obligé. Je m’y plais.

Le nouveau Guide alimentaire canadien est important et les connaissances qu’il propose le sont également, mais je trouve que le gouvernement a raté son introduction. Ceux d’entre nous qui prêtaient attention à l’ancien guide alimentaire sont aujourd’hui perplexes parce que le nouveau guide ne dit plus rien de certaines choses qu’on nous disait bonnes pour la santé et dont nous aurions pu augmenter ou diminuer la consommation. Il a changé de cap. Je ne dis pas que c’est mauvais. Je dis qu’il y a tout un volet éducation et que nous serons peut-être tous analphabètes en alimentation tant que nous n’aurons pas assimilé le message du nouveau guide alimentaire.

J’aurais une question pratique à poser. Quand je vais faire l’épicerie à Halifax, je suis bombardé de publicité de tous les fabricants et du propriétaire du magasin, qui m’incitent à acheter certains produits à certains prix.

Je lis les étiquettes, et l’une des choses les plus importantes à faire, c’est d’encourager les consommateurs à faire de même.

Je prends tous mes repas avec la police du sel, ma femme et mon fils. Il est difficile de trouver la salière sur ma table. Comme je fais de l’hypertension artérielle, on a décidé de laisser la salière dans l’armoire.

Quoi qu’il en soit, pourquoi un détaillant en alimentation ferait-il passer une alimentation saine avant ses profits?

Mme Mah : Oui, je peux commencer. En premier lieu, je voulais mentionner le sodium. Quelle est la première chose que vous remarquez en entrant à l’épicerie? C’est l’odeur du pain, la première source du sodium que nous consommons. Pas le sel de table.

La deuxième chose que j’avais à dire, c’est que nous travaillons avec des détaillants vraiment innovateurs qui veulent prioriser la nutrition et voir comment atteindre du même coup leurs objectifs d’économie et de santé.

Nous travaillons actuellement en partenariat avec une chaîne de détaillants dans une région isolée de l’Australie autochtone. Ce groupe de détaillants, qui était formé au départ d’un petit nombre de magasins de coopérative dans les années 1970, est devenu l’un des plus grands employeurs autochtones en Australie. Il exploite et gère des magasins de détail dans les collectivités isolées.

Lentement, au fil du temps, il a construit un environnement de magasin qui priorise des produits comme les fruits et légumes. Il travaille avec des chercheurs en nutrition pour nous envoyer ses données de vente et nous pouvons voir comment les consommateurs réagissent aux changements de l’environnement de magasin.

À mon avis, ce genre de partenariat entre détaillants et chercheurs et l’analyse rigoureuse des données et de la réaction des consommateurs sont très importants.

M. Jeffery : J’ai évoqué cette idée de l’étiquetage sur le devant de l’emballage pour donner une perspective plus globale de la valeur nutritive du produit. Ainsi, vous pourriez voir que le brocoli a un score de 100 sur 100, et le jus de raisin de moins 10 ou quelque chose comme cela. Cela aiderait les consommateurs à mieux comprendre qu’il s’agit de produits radicalement différents. Autrefois, on les considérait comme différents fruits et légumes, qui étaient tous bons pour la santé.

Je fais cette observation en reconnaissant que le gouvernement fédéral n’a pas grand pouvoir sur les pratiques de vente au détail. Toutefois, il y a une chose que nous avons remarquée : dans nos comparaisons des aliments et de leurs prix — ce que vous ne remarquerez peut-être jamais parce que vous n’êtes pas fauchés — si vous faites attention aux petits caractères sur les étiquettes d’étagères, vous verrez que beaucoup de magasins donnent les prix aux 100 grammes, mais les indiquent en beaucoup plus petit. Si le produit est mis en vente, ils ne refont pas le calcul. Si cette information était plus visible, ce genre de décision serait peut-être plus facile pour ceux qui se soucient de l’aspect nutritif de leur alimentation et ont un budget à respecter.

C’est peut-être voir trop loin dans l’avenir, mais si vous pouviez combiner ces deux choses — le score sur le devant de l’emballage et le prix aux 100 grammes — pour permettre de choisir l’aliment le plus nutritif au meilleur prix, ce serait un incitatif vraiment intéressant. Le gruau se classerait très bien, parce qu’il est relativement bon marché, tout comme une foule de haricots secs.

Une alimentation nutritive coûte-t-elle moins cher que la malbouffe? Il y a une foule d’idées fausses à ce sujet. Pour moi, c’est plus compliqué que cela, et cela serait mieux compris si l’information était meilleure.

Mme Kirkpatrick : J’ajouterais tout simplement que c’est un domaine très propice à l’innovation et, encore une fois, à l’investissement dans la science. Parlant de cela, il y a parfois des idées fausses qui circulent au sujet des répercussions négatives qu’auront les changements de promotion et de placement. Dans une école, par exemple, on craint que le retrait des boissons sucrées des distributeurs automatiques fasse baisser les ventes, alors que des études ont démontré que tel n’est pas le cas. Il y a donc des stratégies qui peuvent être bonnes à la fois pour la santé, l’environnement et l’économie.

Mme Azevedo Perry : J’ajouterai ceci : n’oublions pas que de 10 à 13 p. 100 de la population canadienne n’a pas les moyens de s’offrir nos fruits et légumes. Nous savons, sans l’ombre d’un doute, que les Canadiens, nos enfants, nos jeunes, ne consomment pas assez de ces aliments importants. C’est à y réfléchir.

Nous avons les connaissances, nous avons le message — tout cela est important — mais dès qu’il s’agit de littératie alimentaire, il faut adopter une approche holistique. Quelles sont les mesures de politique du revenu que nous pouvons mettre en œuvre en tant que gouvernement canadien pour faire en sorte que ces populations prioritaires — ces gens qui n’ont pas de quoi se payer des fruits et légumes — puissent se les permettre? Des subventions? Je ne sais pas, mais nous avons besoin de bonnes mesures.

Le sénateur Mercer : Comment faire participer le consommateur à la production des aliments? Comme vous le voyez, il y a plusieurs Néo-Écossais autour de notre table aujourd’hui, et tous ont entendu parler de Hope Blooms, une entreprise de jardinage du centre-ville, créée par des jeunes. Les jeunes ont commercialisé plusieurs des produits de leur jardin communautaire pour en faire des salades, et leurs produits sont vendus au détail par le plus grand détaillant en alimentation du Canada atlantique. L’argent sert alors à payer leurs études postsecondaires, s’ils y participent. C’est la participation qui est importante en éducation.

L’une des choses dont nous n’avons pas parlé ici, c’est l’utilisation de la sélection alimentaire et de la littératie alimentaire comme outil d’enseignement. Il n’est pas nécessaire de faire peur aux enfants en leur disant que leur cours de cuisine sera ennuyeux, que ce sera un cours ennuyeux de littératie alimentaire, mais il y a un fil commun dans tous les aliments que vous préparez. Vous avez besoin des mathématiques. Peut-être devons-nous réorganiser notre cours de mathématiques et, au lieu de parler d’objets non alimentaires dans les petits problèmes que nous nous échangeons dans les écoles, peut-être que l’alimentation devrait être le point central des mesures. Qu’il s’agisse d’additions ou de soustractions, ou encore de multiplications, ce serait un outil utile. Devinez quoi? Les enfants ne se rendraient jamais compte de ce que l’on fait.

Oui, madame Thomas.

Mme Thomas : Je suis d’accord. Les enfants doivent savoir lire les recettes. Ce n’est pas seulement pour leur montrer à compter; c’est aussi pour la littératie alimentaire. Il faut savoir lire les recettes. Si l’on double, c’est de la numératie. Selon moi, les possibilités de littératie alimentaire en milieu scolaire, que ce soit à l’école primaire, à l’école secondaire ou dans les programmes parascolaires dans la collectivité, sont une excellente façon d’uniformiser les règles du jeu.

Je travaille beaucoup avec des jeunes à risque dans des établissements de soins, dans des foyers de groupe, des enfants qui sont sous la protection de la Société de l’aide à l’enfance, et qui sont déjà très marginalisés. Les amener dans une cuisine pour leur enseigner à cuisiner est une expérience des plus enrichissantes pour eux, et c’est là que nous faisons de l’éducation.

Je suis diététiste, mais je leur apprends à doubler un quart de tasse. Il y a donc différentes façons, si ce n’est pas à l’école même, pour les autres diététistes communautaires, les travailleurs sociaux, et cetera, de travailler avec les enfants qui sont plus à risque, pour les aider à acquérir d’importantes compétences de vie. Ce n’est pas à la maison qu’ils les acquièrent, surtout dans ces populations très marginalisées ou prioritaires, non plus qu’à l’école. Il y a donc peut-être une occasion de vraiment ramener cela à l’école pour les enfants qui fréquentent les écoles traditionnelles.

M. Jeffery : La question me semble intéressante. Nous aimerions que plus d’étudiants lisent notre revue et apprennent ce que nous avons appris au sujet de l’offre alimentaire. Nous faisons souvent valoir non seulement la numératie, mais encore le fait que les aliments font partie intégrante de l’histoire, de la biologie et de la chimie. Il y a tellement de sujets où les enfants auraient avantage à mieux comprendre différents aspects de l’alimentation.

J’ai l’impression qu’il n’y a pas de groupe qui élabore les programmes de cette façon. Il y a bien eu quelques tentatives par le passé, qui n’ont rien donné, faute de financement.

Je l’ai dit tantôt, Santé Canada est en quelque sorte l’expert reconnu en nutrition. C’est pourquoi il élabore le guide alimentaire. C’est ce qui fait qu’il a acquis toute cette expertise de l’étiquetage. Toutefois, il n’a pas la responsabilité d’élaborer les programmes. Si nous voulons avancer dans ce dossier, le programme national en alimentation que nous pourrions finir par avoir devra être assorti de critères de nutrition pour la distribution des fonds, parce que je ne pense pas qu’on veuille qu’il serve à l’achat de poutine à l’école.

Il y aura là un rôle à jouer. Santé Canada pourrait certainement jouer un rôle dans la création d’un programme d’études qui fonctionnerait en travaillant en étroite collaboration. Souvent, les écoles enseignent la science de la nutrition et ne se gênent pas pour servir de la poutine à la cafétéria, ce qui n’est pas vraiment propice à de bons résultats.

Mme Kirkpatrick : Cela nous ramène à la cohérence des politiques et aux approches pangouvernementales dont nous parlions plus tôt et témoigne vraiment de la nécessité d’intégration aux échelons fédéral, provincial et municipalégalement.

Je pense également au niveau postsecondaire. Vous avez dit que ces programmes soutiennent aussi l’enseignement postsecondaire. Pour l’instant, nos étudiants de niveau postsecondaire sont aussi un groupe vulnérable très à risque pour ce qui est de leur niveau de littératie alimentaire, ainsi que de l’insécurité alimentaire.

Nous observons des taux alarmants d’insécurité alimentaire chez les étudiants de niveau postsecondaire. Dans certains cas, ils n’ont à peu près jamais été sensibilisés au système alimentaire, si ce n’est qu’ils mangent, et ils n’ont pas nécessairement beaucoup d’expérience dans l’achat ou la préparation des aliments. Ils vivent peut-être dans une résidence où on leur sert à manger, puis ils partent vivre seuls, sans les compétences ni les connaissances pour, encore une fois, acheter et préparer leurs aliments. De plus, ils risquent d'être confrontés à l’insécurité alimentaire. Là encore, cela témoigne de la nécessité de couvrir l’ensemble du cycle de vie et différents sous-groupes de la population.

La présidente : Merci, sénateur Mercer. La parole est au sénateur Black.

Le sénateur R. Black : Merci beaucoup, madame la présidente. Le nouveau Guide alimentaire canadien; le projet de loi S-228 concernant la publicité ciblant les enfants; l’étiquetage sur le devant de l’emballage, dont il est question ici; la stratégie en matière de saine alimentation; voilà autant d’initiatives récentes qui visent à favoriser une alimentation plus saine. Cela ne fait aucun doute. Ils mettent l’accent sur les niveaux élevés de sodium, de sucre et de gras saturés, et sur certains aliments cultivés pour la production d’aliments comme le lait, le pain et d’autres choses du genre qui sont très importantes pour notre industrie agricole.

Des milliers de personnes de tous les coins du pays tirent leur subsistance des cultures, de la production de lait et de céréales, de bœuf, de porc, et cetera. Pourtant, on nous dit maintenant — comme Santé Canada nous l’a dit le 6 décembre — que le lait serait mauvais pour la santé et le pain aussi, à cause de leur teneur en gras et en sel.

Que dites-vous aujourd’hui aux producteurs primaires de ces produits? Que dit le Comité de l’agriculture et des forêts lorsque ces gens-là viennent nous voir et nous demandent : « Que diable? »

Mme Kirkpatrick : Je ne peux pas parler pour Santé Canada, mais je ne crois pas qu’il dise que certains aliments sont mauvais ou bons pour la santé, et cela rejoint la multidimensionnalité des habitudes alimentaires.

Nous avons déjà entendu dire que tous les aliments ont leur place. En tout cas, nous savons que notre offre alimentaire comprend des aliments qui ne présentent aucun bienfait, mais je ne pense pas que cela concerne le lait ou le pain, qui ont leur place dans l’assiette que présente le Guide alimentaire canadien.

Le sénateur R. Black : Je dois vous interrompre et vous dire que le lait n’est pas tout à fait visible dans la nouvelle assiette. Il pourrait s’agir d’eau blanche; il pourrait s’agir de yogourt; il pourrait s’agir de lait.

Mme Kirkpatrick : Oui, encore une fois, sans vouloir parler pour Santé Canada, je sais, par les conversations que j’ai eues, que la justification de l’inclusion du verre d’eau était de souligner que l’eau est une boisson de choix, car nous savons que la consommation de boissons sucrées est élevée. Là encore, cela nous ramène à la multidimensionnalité et ça, c’est une autre histoire. Cependant, bien sûr, les nutriments comme le calcium et la vitamine D sont très importants et les produits laitiers en sont une excellente source.

Cela fait partie de ce dont nous parlons ici au sujet de la littératie alimentaire, et cela nous aide à comprendre comment différents aliments peuvent faire partie d’un modèle sain et durable, sans nécessairement exclure quoi que ce soit.

Lorsque nous songeons à un aliment comme le pain, nous devrions peut-être nous pencher sur les options de reformulation. Comme l’a dit Mme Mah, les pains sont parmi les principales sources de sodium, non pas parce qu’ils sont particulièrement riches en sodium, mais parce que nous en consommons en grande quantité. La reformulation pour réduire ces niveaux de sodium, dans la mesure où ils existent, peut donc être utile. Cela ne veut pas dire qu’il faut éliminer tous les pains. Bien sûr, les pains et les grains entiers peuvent être des sources d’importants nutriments également.

Ce n’est pas tant une question d’exclusion ou d’inclusion, mais plutôt une reconceptualisation pour nous éloigner de l’endroit réductionniste où nous en sommes et pour voir comment les choses fonctionnent ensemble, et comment nous pouvons équilibrer toutes ces différentes considérations.

M. Jeffery : Si je parlais à ces producteurs, je soulignerais que 37 millions de Canadiens consomment beaucoup d’aliments, et qu’ils ne sont pas près de s’arrêter. Chaque jour, on mange des aliments. Personne ne préconise de cesser d’en manger, ou d’en manger 50 p. 100 de moins, ou quelque chose du genre.

Toutefois, si la définition de ce qui est bon pour la santé est un aliment cultivé ou fabriqué au Canada, alors là, nous avons un problème. Nous avons un problème d’analyse. Ce ne sont pas tous les aliments qui sont bons pour la santé, et ceux qui sont fabriqués au Canada ne sont pas nécessairement meilleurs que ceux qui sont fabriqués dans n’importe quel autre pays.

À notre satisfaction constante — et nombreux sont ceux qui, comme la presse, partageaient notre avis — le nouveau guide alimentaire et tous ceux qui l’ont précédé ont été élaborés essentiellement en collaboration avec l’industrie, à mon avis. Si vous avez un guide alimentaire qui est le fruit d’une collaboration avec l’industrie et dont le but est de stimuler la consommation d’aliments canadiens, alors n’allez pas prétendre qu’il est fondé sur la science et qu’il a pour objet d’améliorer la santé de la population, parce que ce n’est tout simplement pas le cas.

En ce qui concerne les produits laitiers, je me fie dans une grande mesure au projet Global Burden of Disease, et il y a un petit avantage à consommer des produits laitiers à faible teneur en matière grasse, cela ne fait aucun doute. C’est une excellente source de calcium et de vitamine D. Cela ne s’applique pas au fromage et ne s’applique pas non plus au yogourt auquel on a ajouté un paquet de sucres ou mélangé de la confiture.

Je pense que nous devons comme insister sur le fait que la science de la nutrition est fondée sur des données probantes et que les aliments ne sont pas tous également sains. Si les entreprises ou les agriculteurs qui produisent une nourriture mauvaise changent cela et commencent à produire une nourriture plus nourrissante, alors ils ont tout le soutien du monde de ma part.

Je pense que c’est un peu plus difficile pour les producteurs primaires, parce que les choses qu’ils produisent sont prises par les fabricants de produits alimentaires et combinées à un tas de cochonneries.

Comme le disait Deborah Gray — je ne me souviens plus du nom de l’ancienne députée du Parti réformiste — prenez de l’huile de canola, hydrogénez-la partiellement et vous aurez des gras trans, alors pouvez-vous en faire porter le blâme aux producteurs de canola? Non.

Mme Mah : Je tiens à réitérer ce que mes collègues ont déjà dit. J’ai vraiment l’impression que le guide alimentaire actuel offre plus de choix, et non moins.

Ce qui est formidable, c’est qu’il ouvre une nouvelle fenêtre à l’étude que mène le comité pour faire les rapprochements nécessaires entre les consommateurs et les producteurs et se dire heureux que dans cet ensemble moins limitatif de choix alimentaires dorénavant disponibles, il est possible de choisir ces aliments-ci.

La présidente : Mme Perry, puis M. Thomas auront le dernier mot sur cette question.

Mme Azevedo Perry : Je tiens à vous rassurer : en tant que diététiste professionnelle qui travaille dans le secteur de la santé publique, j’ai reçu de nombreux appels de garderies, d’écoles et de la population en général, et je peux vous dire que nous ne disons pas qu’il ne faut pas boire de lait. Le lait est nutritif, comme l’a dit M. Jeffery. Il est nourrissant. Les grains entiers sont importants. C’est ce sur quoi on met l’accent et il est possible, comme l’a dit Mme Mah, de travailler davantage avec nos producteurs, de peut-être faire un peu de reformulation, et, je crois, de montrer le lien entre le système alimentaire, notre agriculture et nos producteurs.

Je pense qu’il est possible d’offrir des incitatifs, surtout pour les écoles et les garderies, des installations municipales. Je ne pense pas qu’il soit facile à l’heure actuelle d’établir des liens avec les producteurs locaux. Comment est-ce possible sur le plan logistique? Comment ces installations peuvent-elles y arriver? Je pense que les circonstances sont l’occasion de faire connaître les aliments locaux, les aliments locaux sains, les fruits et légumes, et le lait.

Mme Thomas : Un peu comme vient de le dire Mme Azevedo Perry, quand nous aidons les gens à comprendre les messages du guide alimentaire, nous ne manquons pas de leur faire part du fait qu’il n’est pas nécessaire d’éliminer les viandes, les produits laitiers et les produits panifiés de leur régime, et d’attirer leur attention sur cela. Ces éléments figurent dans le régime alimentaire.

Ce qu’il y a de fantastique dans le nouveau guide alimentaire, c’est qu’à l’endos du document, on conseille de cuisiner plus souvent, de savourer ses aliments et de prendre ses repas en bonne compagnie. C’est une formidable occasion de partager avec des membres de sa communauté et des groupes communautaires pour accroître ses propres connaissances en matière d’alimentation.

Le sénateur R. Black : Je préfère répéter que le 6 décembre, lorsque j’ai posé la question aux représentants du ministère, j’ai parlé du pain, du lait, du yogourt et du fromage. Je leur ai demandé s’ils étaient d’accord pour dire que tous ces produits seraient considérés comme mauvais pour la santé à l’avenir. Ils m’ont répondu que c’était malheureusement le cas. Je parlais du projet de loi S-228 et de la publicité ciblant les enfants, et le fait que ces produits ont une forte teneur en lipides, en sodium et en sucres.

Mes collègues du secteur agricole sont déconcertés. Cela n’est pas une question, c’est une remarque.

La présidente : C’est une remarque, en effet.

Je crois que M. Jeffery veut commenter la remarque.

M. Jeffery : Je n’étais pas ici le 5 décembre, mais d’après ce que je comprends des critères nutritionnels dont Santé Canada tient compte, un pain à grains entiers ne serait certainement pas considéré comme non nutritif. Le lait faible en gras ne le serait pas. S’il s’agit de lait ou de crème riche en matière grasse, ce serait un problème. De même, pour le fromage. Le fromage est très riche en gras saturés et en sodium. Il n’y a rien qu’on puisse dire pour en faire abstraction. Ce sont là des nutriments qui ont un effet néfaste sur la santé et peut-être, plus important encore, le fromage n’a pas d’effet protecteur sur la santé comme les grains entiers, les fruits et les légumes, alors il se situe dans une catégorie complètement différente.

Le sénateur Doyle : L’une de nos notes d’information indique qu’on estime que les changements apportés à l’étiquetage des aliments occasionneront un coût ponctuel de quelque 550 millions de dollars à l’industrie alimentaire et qu’il lui faudra environ cinq ans pour s’y conformer. Est-ce un délai raisonnable pour la mise en place de ces nouvelles étiquettes?

Je me demandais comment notre projet de règlement sur l’étiquetage se compare à celui de nos principaux partenaires commerciaux. Y a-t-il une coopération ou une coordination internationale en matière d’étiquetage alimentaire?

M. Jeffery : Ce chiffre de 500 millions de dollars... Je suis dans ce milieu depuis 20 ans et j’ai assisté à plusieurs révisions de la réglementation des aliments et de l’étiquetage nutritionnel, et il est normal que les changements apportés à l’étiquetage coûtent cette somme. Il ne faut pas oublier que les Canadiens dépensent annuellement 100 milliards de dollars en nourriture et que le coût du nouvel étiquetage est insignifiant par rapport au prix global des aliments. Ce coût est tellement faible en comparaison au montant que les gens dépensent en nourriture que ce n’est pas considéré comme une source d’inflation des prix.

En ce qui concerne votre question sur la collaboration ou la coopération internationale, le gouvernement canadien sera l’hôte et le président du Comité du Codex sur l'étiquetage des denrées alimentaires, lequel se réunira à Ottawa la semaine prochaine, de lundi à vendredi. Un des points à l’ordre du jour est l’étiquetage nutritionnel sur le devant de l'emballage. Mon groupe de travail, de concert avec la Nouvelle-Zélande et le Costa Rica en 2016, a formulé une proposition afin d’amorcer la discussion à ce sujet.

La Commission du Codex Alimentarius est une commission mixte de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et de l’Organisation mondiale de la Santé, qui établit les normes internationales en matière de commerce des aliments. Le rôle du Codex est de mettre au point ces normes pour essentiellement autoriser les gouvernements nationaux du monde entier à prendre les mesures recommandées par le Codex et, s’ils dépassent ces normes d’une façon ou d’une autre en assurant trop de protection en matière de santé publique, ils font l’objet d’une contestation commerciale. Ces gouvernements doivent alors justifier scientifiquement leur position et démontrer que ce qu’ils font est logique et ne restreint pas trop le commerce.

Le sénateur Doyle : Les Américains ont-ils pris de grandes initiatives à cet égard pour modifier l’étiquetage et faire en sorte qu’il soit plus à jour quant à ce que les gens devraient manger conformément à leur guide alimentaire et ce genre de choses?

M. Jeffery : La Food and Drug Administration a récemment apporté des modifications à sa réglementation qui sont semblables aux nôtres concernant l’étiquetage nutritionnel au dos de l’emballage, soit l’augmentation de l’importance de l’espace occupé et de la grosseur des caractères de certains éléments nutritifs. À ma connaissance, rien n’est fait du côté de l’étiquetage sur le devant de l’emballage. Une pétition lui a été adressée à ce sujet il y a 13 ans, mais elle ne s’y est pas conformée.

L’organisme américain qui s’appelait l’Institute of Medicine a publié, en 2010 et en 2011, deux rapports exposant les grandes lignes des données probantes pour l’étiquetage nutritionnel sur le devant de l'emballage, mais le gouvernement n’a pas encore pris de mesures à ce chapitre.

Les États-Unis participeront à la réunion qui se tiendra la semaine prochaine.

Mme Kirkpatrick : J’ajouterais simplement que je pense que les pays mettent en commun leurs informations et en tirent des leçons. Leur tableau de la valeur nutritive situé au dos de l’emballage est semblable et des leçons sont retenues, par exemple, lorsque les États-Unis ont ajouté les gras trans à leur tableau, d’après ce que j’ai compris, les fabricants de produits alimentaires ont accéléré la suppression des gras trans dans leurs produits. L’étiquetage nutritionnel peut donc non seulement permettre aux consommateurs de choisir en connaissance de cause, mais aussi susciter la reformulation d’un produit et ce genre de choses. Les étiquettes ne sont pas identiques, mais elles sont semblables.

En ce qui concerne le devant de l’emballage, les chercheurs s’intéressent beaucoup à ce qui se passe à l’échelle internationale, aux recherches effectuées et aux bienfaits possibles pour les consommateurs et l’approvisionnement alimentaire.

Mme Mah : Je voulais simplement faire remarquer que le comité peut être attentif aux disparités dans le secteur alimentaire du point de vue de la taille des entreprises et des conséquences qu'entraînera la nouvelle réglementation.

Par exemple, les petites entreprises ont tendance à avoir une capacité moindre, et c’est là un aspect auquel le comité peut prêter attention. Par exemple, nous avons organisé un atelier sur les magasins d’alimentation saine et les astuces pour bien appliquer ses connaissances en nutrition dans les épiceries. Un propriétaire de dépanneur d’Avondale est venu à notre atelier.

Le sénateur Doyle : Je suis né à cet endroit.

Mme Mah : Vous connaissez probablement le magasin en question.

Je lui ai demandé comment il avait trouvé le temps de venir nous parler de nutrition pendant trois heures. J’étais vraiment surprise parce qu’il est le propriétaire du magasin. Il m’a répondu que, pour lui, cela offrait un avantage concurrentiel et que c’était une information de plus qu’il pouvait obtenir.

Aider les petites entreprises à se conformer à la nouvelle réglementation ou leur donner un coup de main de ce côté, je pense que c’est vraiment important.

Le sénateur Doyle : Bien.

Dans le Guide alimentaire canadien, accorde-t-on une attention particulière aux Autochtones et à la façon dont leur régime alimentaire s’intègre à tout cela? Je pense à l’importance de certains aliments dans leur mode de vie. La viande de phoque, par exemple, joue un rôle important dans l’alimentation des Inuits. La viande de phoque, par exemple, est-elle considérée de la même façon que le bœuf dans le guide alimentaire? Est-ce qu’elle entre dans la catégorie des poissons?

Même quand on parle de la viande d’orignal et de la viande sauvage en général, du caribou et de ce genre de choses, est-ce que le guide alimentaire va traiter de la question par rapport à la population autochtone?

Mme Kirkpatrick : Oui, c’est inclus. Si j’ai bien compris, on peut voir un omble chevalier dans l’assiette.

Le guide alimentaire est accompagné de lignes directrices en matière alimentaire à l’intention des professionnels de la santé et des responsables des politiques. On y effectue l’examen des données probantes du lien qui existe entre la consommation d’aliments traditionnels, tels le phoque et le gibier, et la qualité de l’alimentation chez les peuples autochtones. Il est question de la maîtrise des connaissances, mais aussi de l’utilité d’ajouter des mécanismes pour améliorer l’accessibilité aux aliments traditionnels.

Je crois comprendre que Santé Canada prévoit mettre en place d’autres ressources et stratégies pour cette population, y compris le programme Nutrition Nord, en ce qui concerne l’accessibilité.

Le sénateur Doyle : J’ai encore plus d'une centaine de questions à poser, mais je vais m’arrêter ici.

La sénatrice Moodie : Merci d’être des nôtres aujourd’hui. Pas plus tard qu’en janvier dernier, j’ai fait partie d’un groupe de professeurs en pédiatrie qui ont dû relever certains des défis dont nous parlons aujourd’hui; j’ai effectivement fait des recherches sur l’allaitement maternel dans un contexte d’insécurité alimentaire.

Nous devons nous attacher à préparer les parents à l’allaitement et à enseigner aussi aux stagiaires comment faire — vous en avez fait mention. Nous mettons l’accent sur le tout début et le passage aux aliments après l’allaitement maternel, ou la transition de l’allaitement précoce vers les choix alimentaires. Ce que nous constatons fréquemment, c’est que les parents trouvent souvent cette transition très difficile. Dans le coin de Toronto où nous avons travaillé dans les zones défavorisées et à risque, cette transition pose un réel défi dans beaucoup de familles. Elles cherchent de l’information partout, le plus souvent sur Internet, où elles obtiennent de l’information fragmentaire, vague et contradictoire, si ce n’est de la désinformation pure et simple.

Je n’ai pas fouillé la question, mais plus ça va, plus j’entends dire que le nouveau Guide alimentaire canadien est quelque peu difficile à comprendre et à appliquer, surtout au rayon des prix. Comment s’offrir cette assiette de fruits et de légumes? Ce n’est pas quelque chose qu’on peut s’offrir.

De plus, je pense que ces personnes ont de la difficulté à comprendre les détails concrets du guide, à faire la transposition dans leur propre culture et à surmonter les barrières linguistiques. Bon nombre de ces familles ont un faible revenu et viennent d’arriver au Canada. Elles font face à des barrières linguistiques et économiques.

Vous avez parlé de la nécessité de traduire les fondements scientifiques et d’apprendre un langage simple et facile à comprendre pour les utilisateurs. C’est important. Comment pouvons-nous adapter cette information et inciter les familles à améliorer leurs connaissances nutritionnelles, en particulier les familles à faible revenu, et surtout les nouveaux arrivants qui sont confrontés aux barrières de la langue et de la culture et habitués à des aliments différents? Comment pouvons-nous rendre cette information plus accessible aux parents et aux acheteurs, c’est-à-dire aux gens qui décident, à cette étape précoce, de ce qui est acheté et de ce qui est nécessaire?

Je conviens qu’il faut éduquer nos enfants, mais il y a cette période de transition où nous devons aider les gens à comprendre. Comment allez-vous mobiliser ce groupe?

Mme Azevedo Perry : Lors de notre recherche, en 2013, nous avons ciblé avant tout les jeunes, mais aussi les jeunes parents, les jeunes parents en situation précaire et les jeunes femmes enceintes. Les entrevues ont eu lieu en Ontario et l’une des conclusions évidentes a été l’importance de la formation pratique. Pour reprendre ce que disait Mme Thomas, il est très important d’offrir ces programmes au sein de la communauté. La formation pratique et l’apprentissage sur le tas qui permettent de développer ces compétences sont très importants.

Ils ne voulaient pas d’une recette toute faite. Certains qui font face à l’obstacle de la langue sont des nouveaux arrivants. C’est difficile. Ils ne comprennent pas. Ils ne savent ni lire ni compter, donc cet apprentissage sur le tas est d’autant plus essentiel.

Encore une fois, pour en revenir à l’exhaustivité de la littératie alimentaire et au regard de ces éléments environnementaux, il faut aussi un revenu. Quelles sont les mesures gouvernementales dont nous avons besoin pour aider ces gens, les nouveaux arrivants, les personnes à faible revenu, à avoir accès à un plus grand nombre de ces aliments sains sur le plan pratique?

La sénatrice Moodie : L’un des défis supplémentaires est la perte relative de la transmission des connaissances d’une génération à l’autre dans cette population. Grand-mère n’est pas là pour nous dire quoi faire.

Mme Azevedo Perry : Dans le cadre de notre étude, nous avons demandé à ceux qui manifestaient des compétences alimentaires où ils les avaient acquises.

Bien sûr, la principale source était les parents et les grands-parents. Ceux qui avaient ces compétences, mais qui ne les avaient pas acquises auprès d’un parent ou d’un grand-parent, c’est à l’école qu’ils avaient eu l’occasion d’apprendre, ou dans une activité parascolaire. Par conséquent, l’une de nos principales recommandations vise à continuer de soutenir et de financer certains de ces programmes communautaires parascolaires. C’est très important.

Mme Thomas : Pour continuer sur cette lancée, je dis que le gouvernement fédéral a certainement accompli un excellent travail dans le cadre du Programme canadien de nutrition prénatale. Ce programme cible les mères à risque élevé pour qui il est d’usage de ne pas participer, seules ou accompagnées, aux cours prénataux typiques.

Dans ma collectivité de Middlesex, à London, nous offrons divers cours de ce genre qui ciblent des populations différentes. Certains s’adressent aux nouveaux arrivants, d’autres aux mères adolescentes, et ainsi de suite. Le programme répond à ces besoins culturels particuliers. Il aide les mères et les familles à faire passer l’enfant du lait maternel ou de la préparation pour nourrissons aux aliments dont se nourrit couramment la famille, et elles ont l’occasion de pratiquer leurs compétences alimentaires dans ces éléments de programme également.

Même s’il ne répond pas toujours à leurs besoins économiques particuliers, il répond aux besoins en matière de littéracie et offre la possibilité de leur enseigner comment prendre un repas en famille.

M. Jeffery : Nous n’élaborons pas beaucoup de programmes au sein de mon organisation, mais je suis frappé par la préoccupation que vous soulevez, à savoir apprendre en quoi consiste une saine alimentation, un enseignement qui pourrait être abordé de la même manière qu’il peut être mieux offert dans les écoles. Beaucoup de réfugiés, à leur arrivée au Canada — et certainement beaucoup d’immigrants — participent aux programmes d’établissement. Souvent, ils apprennent l’anglais ou le français comme langue seconde.

Comme nous l’avons dit plus tôt en ce qui concerne le programme scolaire public, l’alimentation est un sujet facile qu’on pourrait utiliser pour enseigner toutes sortes de choses. On pourrait l’utiliser pour enseigner l’anglais ou le français comme langue seconde. Ce serait simplement le sujet. Vous auriez quelques séances sur les aliments nutritifs et la préparation des aliments, et ainsi de suite, et vous apprendriez l’anglais ou le français en même temps.

En ce qui concerne votre inquiétude face aux Canadiens à faible revenu, nous préconisons depuis longtemps que les règles de la TPS/TVH soient modifiées de manière à ne plus appliquer cette taxe aux aliments nutritifs, mais plutôt aux aliments non nutritifs. Il y a toutes sortes de règles bizarres dans le régime fiscal, lequel, par exemple, impose une taxe sur les boissons gazeuses et les salades lorsqu’elles sont préparées en magasin. Tout ce qu’il faut, c’est un couteau et, une fois coupée, elle devient imposable à hauteur de 13 p. 100, en général.

Nous estimons que les gouvernements fédéral et provinciaux perçoivent environ 7 milliards de dollars par année en taxes sur les aliments. Une grande partie vient des ventes dans les restaurants, sans égard à la qualité nutritive des aliments servis. Si vous ne voulez pas empêcher les gens de manger des aliments nutritifs, alors ne taxez pas les aliments nutritifs.

Le deuxième point est souvent oublié et je crois que c’est en grande partie dû au fait que les décideurs sont relativement bien nantis et n’utilisent pas ce recours. En effet, les personnes à faible revenu sont admissibles à un crédit pour la TPS/TVH. Le revenu détermine le montant et l’idée est de réduire le fardeau financier de cette taxe à la consommation. Le montant de ce crédit d’impôt pourrait être augmenté autant que peut le souhaiter le gouvernement fédéral et il pourrait servir d’outil pour quasiment éliminer la pauvreté.

Je pense que c’est quelque chose qu’on pourrait examiner de plus près afin de régler ces deux problèmes.

La sénatrice Moodie : Ce que j’essaie de savoir, c’est comment communiquer cette information à ceux qui en ont besoin. Bon nombre de moyens et de modalités ne permettent pas de les rejoindre lorsqu’ils ont des transitions à faire, par exemple lorsqu’ils essaient de commencer à donner à leur nouveau-né des aliments solides et se demandent quoi choisir. C’est un scénario tout à fait typique. Les réfugiés utilisent une langue différente, et culturellement, ils ne savent pas trop quoi penser des divers aliments.

Mme Kirkpatrick : Mes collègues ont déjà fort bien exposé les points auxquels je pensais en ce qui concerne les stratégies complémentaires.

Je dirais toutefois que le guide alimentaire nous inspire un grand enthousiasme. Il fait partie de notre identité nationale. Il existe depuis 1942, mais il ne peut pas tout faire. C’est l’épine dorsale de la politique nutritionnelle, mais nous avons vu des critiques dans les médias au sujet du décalage entre le guide alimentaire et la sécurité ou l’insécurité alimentaire. Le guide alimentaire ne peut rien changer aux facteurs économiques sous-jacents à l’insécurité alimentaire. Encore une fois, cela nous ramène à la nécessité d’adopter une approche plus large, une approche globale.

M. Jeffery : Je suis désolé, il ne m’a pas semblé évident que vous vous intéressiez surtout à la question de l’allaitement, car nous avons conseillé l’UNICEF à ce sujet en Afrique subsaharienne. J’ai une observation à faire. Le gouvernement fédéral du Canada n’a pas une position univoque sur la question de l’allaitement. Des fonctionnaires du ministère de la Santé assistent chaque année aux réunions de l’Organisation mondiale de la Santé à Genève et appuient les résolutions visant à renforcer le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel. Nous avons reçu une moins bonne note, selon l’UNICEF, pour l’observation de ces principes chez nous.

Très peu de restrictions visent la commercialisation des substituts. J’ai assisté hier à une réunion organisée par la Direction générale des produits de santé et des aliments de Santé Canada. Il y a été question de donner aux fabricants de lait maternisé de nouvelles possibilités de faire de la recherche sur les substituts du lait maternel au Canada.

Une certaine cohérence ne ferait pas de mal.

La présidente : Il nous reste moins d’une demi-heure et il y a encore un certain nombre de sénateurs qui veulent poser des questions.

Le sénateur Oh : Je remercie les témoins de nous avoir donné tant d’information; maintenant, je suis un peu perdu. Tout d’abord, nous pourrions demander aux témoins de choisir un menu pour les sénateurs. Nous mangeons tellement mal entre toutes ces réunions auxquelles nous participons.

Le sénateur Doyle : C’est vrai.

Le sénateur Oh : Je pense donc que c’est important.

Quelles que soient vos recommandations, vous allez façonner la nouvelle industrie de l’alimentation et cela aura des répercussions sur l’économie. Il est préférable de rectifier les choses à partir de l’enfance pour inculquer aux jeunes un mode de vie meilleur, plus sain. Quant à nous, nous sommes maintenant sur la pente descendante.

Le sénateur Doyle : C’est bien votre cas. Vous avez tous passé le cap.

Le sénateur Oh : Avec le nouveau mode de vie... Tout va vite : trop d’aliments préparés, trop d’aliments transformés. On sort le repas du congélateur, on le passe au micro-ondes et on regarde la télé ou travaille à l’ordi en mangeant.

Comment pouvons-nous éduquer les jeunes pour qu’ils aient un meilleur mode de vie, un mode de vie plus sain, pour qu’ils reviennent un peu à l’époque de leur grand-mère, où on cuisinait des aliments sains?

Le sénateur Doyle : Bonne question.

La présidente : Qui veut commencer? Monsieur Jeffery, nous allons commencer par vous et donner ensuite la parole aux autres témoins.

M. Jeffery : Je parlerai jusqu’à ce qu’ils puissent trouver une meilleure réponse.

Il ne faut pas être trop nostalgique. Les gens qui vivaient à l’époque de ma grand-mère avaient une longévité inférieure de 10 ans à celle de la plupart des gens aujourd’hui. Le système de soins de santé était différent. On consommait beaucoup de bacon. À l’époque, la farine blanche était la nouveauté à la mode.

Dans mon organisation, nous ne disons pas aux gens quoi faire lorsqu’ils sont à la maison, regardent la télévision ou font autre chose. Nous cherchons à infléchir peu à peu la politique d’intérêt public pour nous assurer qu’ils ont la meilleure information, que les médecins sont bien formés pour leur donner de bons conseils, que les impôts ne constituent pas un obstacle et que les entreprises du secteur alimentaire, surtout celles qui ciblent une clientèle d'enfants ne peuvent pas les induire en erreur par des messages publicitaires qui servent uniquement leurs propres intérêts. Je dirais qu’il s’agit d’infléchir peu à peu l’orientation.

En toute rigueur, le guide alimentaire n’a pas encore été publié. Nous n’en avons qu’un instantané, un petit document de deux pages. Il est censé être publié plus tard cette année. Nous avons exhorté à maintes reprises Santé Canada à fournir des renseignements sur les risques afin que les gens sachent que, si tout le monde cessait de consommer des boissons gazeuses, cela permettrait d’éviter 2 000 décès, mais que, si tout le monde commençait à consommer des grains entiers, cela permettrait d’en éviter 12 000. Je ne crois pas que beaucoup de Canadiens le sachent. À mon avis, le gouvernement fédéral ne semble pas réussir à donner beaucoup plus d’information, à dire vrai.

Mme Kirkpatrick : Juste un mot. Vous avez raison de dire qu’il faut commencer par les enfants. Il s’agit d’une mutation culturelle. Je suis également d’accord sur certaines des réserves au sujet d'un retour en arrière.

Nous n’allons probablement rien changer au rythme rapide de notre monde, mais il y a peut-être des façons d’établir un meilleur lien entre les enfants et ce qu’ils mangent, afin qu’ils grandissent avec des comportements alimentaires différents des nôtres.

L’un de mes anciens conseillers ne manquait jamais de dire : manger ne devrait pas être comme aller à la station-service pour faire le plein. Pour revenir au guide alimentaire, disons que l’alimentation ne se limite pas à ce qu’on mange.

Mme Mah : Ce que j’ai à dire porte sur le lien entre la littératie alimentaire et le contexte où elle se concrétise. La littératie alimentaire est une notion assez récente, mais lorsque la littératie en matière de santé, dont il est inutile de parler parce qu’il y a d’autres experts dans la salle... L’idée, c’est qu’elle est indissociable de tous les milieux où on passe son temps, que ce soit au téléphone ou en milieu de travail. Si nous pouvons trouver une façon de promouvoir une saine alimentation dans tous les milieux où les gens passent leur temps, alors il leur sera plus facile d’utiliser cette information où qu’ils se trouvent à tel ou tel moment. Souvent, c’est dans leur voiture ou devant leur pupitre, au bureau.

C’est pourquoi j’ai aussi fait des recommandations comme l’examen des stratégies d’approvisionnement public. Nous dépensons déjà des fonds publics pour commander de la nourriture pour des réunions ou dans des établissements publics, comme des hôpitaux. Là où nous dépensons déjà des fonds publics, il faudrait promouvoir des régimes alimentaires sains.

Mme Azevedo Perry : Il faut aussi penser aux loisirs. Combien d’entre vous ont des enfants ou des petits-enfants qui jouent au hockey? Allez voir dans les centres de loisirs. Que trouvez-vous? Des hot-dogs et des frites. C’est tout simplement consternant.

En tant que diététicienne, je me dis que nous avons besoin d’un milieu sain. Les enfants et les jeunes font de l’activité physique pour être en meilleure santé. Ne serait-ce pas merveilleux si nous avions les politiques et le financement nécessaires pour que les enfants, les jeunes et les familles qui fréquentent ces lieux puissent y trouver une salade ou un smoothie, quelque chose de sain? Il faudrait que ces aliments soient délicieux et abordables. Pour une famille de cinq qui fréquente ces endroits, il faut que ce soit abordable.

Il faut sortir l’entreprise de ces endroits — écoles, garderies, centres de loisirs, hôpitaux — et prendre des mesures afin qu’on puisse y trouver des aliments sains et délicieux qui qui sont abordables. Ce serait formidable.

Mme Thomas : Il faut tenir compte de la santé dans toutes les politiques. Que ce soit en milieu scolaire, au travail ou dans les hôpitaux, la santé devrait être une priorité lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques.

Le sénateur Oh : Les Canadiens excellent en recherche. Il y a quelques semaines, j’étais en Californie. J’ai feuilleté une revue médicale qui disait qu’une entreprise canadienne de Vancouver avait fait des recherches sur la consommation de deux tasses de café par jour... On se souvient de ses amis pour la vie parce qu’on échappe à la maladie d’Alzheimer.

Mme Azevedo Perry : Je ne peux pas boire de café.

Le sénateur C. Deacon : C'est un sujet qui m'intéresse particulièrement. Dans le cadre de mes activités de bienfaisance, j’ai beaucoup travaillé à Halifax. Le programme Supportive Housing for Young Mothers, ou SHYM, mettait l’accent sur des initiatives en matière d’alimentation pour les jeunes mères. Hope Blooms, notre organisme de bienfaisance, a été le premier à injecter des fonds dans ce projet. Le Dartmouth North Community Food Centre a mis en place d’excellentes initiatives axées sur des efforts comme ceux dont vous parlez.

Au plan national, toutefois, nous avons échoué lamentablement dans ce domaine que nous connaissons de mieux en mieux. Ma mère était nutritionniste et a obtenu son diplôme dans les années 1940. Nos taux d’obésité ont doublé depuis les années 1970. Cela montre assez bien dans quelle mesure nous adhérons aux principes dont vous parlez. Il faut s’y prendre tout à fait différemment, j’ai l’impression.

Honnêtement, je suis très préoccupé par l’hostilité au profit qui se manifeste ici. Cela m’inquiète vraiment, parce que je crois fermement qu’il faut mobiliser les divers intérêts qui existent sur le terrain. Madame Mah, j’ai été heureux de vous entendre parler du groupe en Australie et aussi d’un Flynn’s Store à Terre-Neuve.

Nous devons trouver un moyen d’allier les connaissances que vous possédez et les entités à but lucratif pour exploiter ces connaissances de façon efficace. Si nous adoptons une relation d’opposition, vous ne réussirez jamais à tirer parti de ces connaissances. Je dois vous dire que j’ai été troublé de voir cette attitude se manifester ici même.

Le comité n’a pas décidé s’il étudierait cette question, car il aura une nouvelle composition après la rentrée parlementaire, et il n’est pas sûr que cela l’intéressera. À mon avis, nous devons proposer des idées. J'aimerais vous donner des exemples de partenariats que vous avez établis et qui ont réussi à mobiliser les connaissances d’une manière durable et applicable à une plus grande échelle.

Il n’a pas été question de la technologie ni de la possibilité de l’utiliser de façon très efficace à partir de nos appareils mobiles pour prendre de meilleures décisions et aider les consommateurs à se prendre en main. Il a été question des programmes d’études et je crois que nous pourrions faire un excellent travail de ce côté-là.

J'aimerais que nous parlions des partenariats que vous avez établis à titre individuel pour vous assurer que vos connaissances sont appliquées de façon durable et à plus grande échelle.

Mme Mah : Je vais reprendre l’exemple de l’essai auquel nous participons actuellement en Australie. Il s’agit d’un partenariat. C’est une intervention nutritionnelle dirigée par le détaillant qui vise à réduire l’exposition aux boissons et aliments sucrés à l’intérieur du magasin, et à travailler en partenariat avec des chercheurs en nutrition pour analyser les données d’une manière significative afin de nous renseigner sur le régime alimentaire et les achats, et aussi sur l’impact du revenu.

Ce type de recherche sur le commerce de détail se fait de plus en plus. Je serai ravi de vous envoyer des piles d’articles et une revue systématique dans laquelle nous traitons de ce sujet.

Nous avons presque terminé notre examen systématique. À la faveur de notre étude, nous avons trouvé 100 articles sur des interventions dans le commerce de détail des denrées alimentaires. Elles ont permis d’accumuler des données sur la façon dont nous pouvons travailler dans le commerce de détail pour améliorer le régime alimentaire.

Le sénateur C. Deacon : Je m’intéresse davantage à la façon dont cette recherche est utilisée pour apporter des changements dans les familles et les collectivités et pour que les magasins réalisent des bénéfices grâce à ces changements. Nous devons nous occuper de l’application de ces connaissances, pas seulement de la collecte et de la découverte de ces connaissances, mais de leur application à de bonnes fins. J'aimerais vraiment que vous me donniez des exemples de cette démarche.

M. Jeffery : Je ne suis pas certain que ce soit ce que vous voulez entendre, mais nous publions une revue. Notre mantra, c’est que nous n’acceptons ni la publicité de l’industrie ni les fonds de l’État. Il en va de notre indépendance.

Je vous dirais que, dans le secteur de l’édition de revues et dans les revues qui publient de l’information sur les régimes alimentaires et la nutrition, la norme est le partenariat. La norme consiste à rédiger un article sur les stratégies alimentaires et à obtenir du financement de l’industrie pharmaceutique. Voilà la norme.

Dans l’approche que nous préconisons, nous ne demandons pas aux autres revues de cesser d’accepter des publicités. Pour la plupart, cela réduirait leur revenu de 80 p. 100. Nous préconisons que les gouvernements mettent en place des mesures de protection contre les conflits d’intérêts afin de préserver l’intégrité de l’élaboration des politiques d’intérêt public, ce qui me paraît légitime. Je ne m’oppose pas à ce que des entreprises réalisent des bénéfices et nous n’avons jamais préconisé la nationalisation de la production alimentaire ni quoi que ce soit d’autre du genre. Nous nous attendons à ce que tous les aliments soient conçus par le secteur privé.

C’est difficile, vous savez. Nous ne produisons pas assez de fruits et de légumes au Canada pour que tout le monde puisse satisfaire ses besoins en matière d’alimentation. Nous devons importer beaucoup de produits. Honnêtement, je ne sais pas si c’est parce que les entreprises alimentaires et les agriculteurs préfèrent produire d’autres types de denrées plus rentables, ou s’ils ont l’impression que c’est là où se trouve la demande. À mon avis, certains établissements peuvent se démarquer.

Le sénateur C. Deacon : Vous n’avez donc trouvé aucun groupe avec lequel vous pourriez travailler en partenariat pour tirer parti de vos connaissances directement?

M. Jeffery : Je le répète, si vous parlez de partenariat et de partage des ressources avec les entreprises du secteur de l’alimentation, nous ne pourrions tout simplement pas le faire. Il faudrait modifier fondamentalement notre organisation, parce que nous avons certaines mesures de protection contre les conflits d’intérêts.

Comme je l’ai dit, je ne suis pas contre le fait que des entreprises réalisent des profits en vendant des aliments nutritifs, mais il y a un problème lorsque des entreprises s’enrichissent en vendant des aliments non nutritifs et s’ingèrent ensuite dans le processus d’élaboration des politiques pour s’assurer de pouvoir continuer à agir de la même façon, sans publicité corrective ou sans étiquetage distinctif.

Mme Mah : C’est dans les municipalités que je vois une alliance entre la littérature et la vie concrète. Elles assurent le lien entre les initiatives de développement économique et les initiatives en matière de santé. Vous avez donné des exemples concrets de la Nouvelle-Écosse. Il y en a d’autres dans d’autres villes du monde. C’est là aussi que l’investissement municipal est important.

La sénatrice Bernard : Je vous remercie tous de vos exposés et de vos réponses aux questions de mes collègues. Cela a été très intéressant.

J’ai un certain nombre de questions, mais comme le temps file, je ne pourrai pas toutes les poser. Je vais faire de mon mieux.

La première s’adresse à Mme Perry. En réponse à une autre question, vous avez dit que de 10 à 13 p. 100 des Canadiens n’ont pas les moyens d’acheter des fruits et des légumes frais. Ces données sont-elles ventilées? Avons-nous une répartition démographique de ces 10 à 13 p. 100? Auriez-vous des recommandations précises à formuler pour répondre aux besoins de cette population?

Mme Azevedo Perry : Je vais laisser Mme Kirkpatrick ou Mme Mah répondre. Ces données proviennent d’un groupe appelé PROOF, qui a fait ces recherches avec Valerie Tarasuk. Elles sauront mieux vous répondre que moi.

Mme Mah : Je vais commencer et Mme Kirkpatrick enchaînera.

Le fardeau de l’insécurité alimentaire ou du manque de ressources économiques pour se procurer des aliments, y compris des aliments sains, se présente différemment selon les populations. Nous savons que les répondants qui se disent noirs ou autochtones dans l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes sont beaucoup plus susceptibles de déclarer être en situation d’insécurité alimentaire dans leur ménage, si on les compare aux Canadiens qui se disent blancs.

La sénatrice Bernard : Merci. J'aimerais avoir plus d’information sur ces études, si possible.

J’ai été heureuse d’entendre chacun d’entre vous aborder la question de la pauvreté et de l’incidence du revenu ou du manque de revenu sur la littératie alimentaire, la sécurité ou l’insécurité alimentaire, et les résultats pour la santé.

Certains d’entre nous ont examiné toute la question du revenu de base. Comment le revenu de base peut-il agir sur certains de ces problèmes structurels en matière de littératie alimentaire et d’accès à l’alimentation?

Mme Mah : Voici un élément : il y a eu d’excellentes recherches sur la transition qui s’opère lorsque les aînés commencent à recevoir leurs prestations. Le fait de toucher ce qui doit constituer pour eux un revenu de base peut réduire de moitié l’insécurité alimentaire.

Mme Kirkpatrick : Nous avons beaucoup de données sur l’insécurité alimentaire au Canada. Il y a eu quelques études longitudinales aux États-Unis qui ont porté sur les trajectoires en matière d’insécurité alimentaire, et une autre au Canada. Nous savons que c’est l’apport de revenus qui est déterminant, comme l’obtention d’un nouvel emploi ou d’un revenu de base. L’insécurité alimentaire se présente comme un continuum et, nous l’avons dit, elle peut avoir une incidence sur la capacité de se payer des aliments comme des fruits et des légumes. Elle commence par une diminution de la qualité des aliments et peut aller jusqu’à une grave privation quantitative, et cela a des répercussions à long terme sur la santé, y compris la santé mentale. Le revenu de base pourrait vraiment avoir un effet marqué.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci à nos invités. Ma première question s’adresse à Mme Mah. Hier, j’étais avec des producteurs de volaille du Québec qui me disaient qu’ils avaient maintenant un étiquetage spécial pour indiquer que le poulet du Québec et du Canada est le meilleur, parce qu’il est élevé sans hormones. Dans quelle mesure l’étiquetage des produits transformés est-il efficace auprès des consommateurs, et est-ce que l’étiquetage que nous utilisons à l’heure actuelle contient tous les renseignements? Quelles mesures devrait-on prendre pour que l’étiquetage soit plus efficace?

[Traduction]

Mme Mah : Un collègue de Statistique Canada, M. Moubarac, mène actuellement une étude détaillée sur les aliments selon le degré de transformation et ce que les Canadiens consomment. Restez à l’affût des résultats de ces recherches, dont j’ai eu un premier aperçu la semaine dernière. Cela vous sera très utile.

M. Jeffery : Une bonne partie de l’information qui figure sur les étiquettes des aliments est fournie volontairement. Ce sont des renseignements que les entreprises sont autorisées à y inscrire par règlement, mais elles n’y sont pas tenues.

Je suppose que, du point de vue de la santé publique, le problème de l’information qui apparaît sur les étiquettes des aliments, c’est qu’elle fait la promotion d’un aspect de l’aliment, mais sans décrire tous les aspects. Donc, bien qu’il puisse être bon que le poulet soit élevé sans hormones, c’est quand même du poulet. Ce produit n’a aucun effet protecteur contre les maladies comme peuvent en avoir les fruits, les légumes, les légumineuses, les noix et les grains entiers.

L’ancien dirigeant de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, qui est depuis de nombreuses années consultant auprès de l’industrie alimentaire, a dit quelque chose de très éclairant il y a quelques années. Cela a été publié dans une revue spécialisée. Selon lui, la loi canadienne interdit aux entreprises de mentir sur les étiquettes des aliments, mais elle leur permet de raconter tous les bobards qu’elles veulent.

C’est là une grande partie du problème. Les entreprises ont beaucoup de latitude pour dire des choses qui incitent les gens à se concentrer sur un aspect de l’aliment, mais qui ne donnent pas un portrait global équilibré et fondé sur toute l’information pertinente.

Mme Kirkpatrick : J'ajouterais brièvement que, comme pour la littératie alimentaire, l’accent mis sur le degré auquel les aliments sont transformés est un phénomène nouveau. Le Brésil a publié ses lignes directrices en matière d’alimentation il y a quelques années et elles ont attiré l’attention du monde entier. Elles portaient surtout sur le degré de transformation des aliments et donnaient des exemples des différents degrés de transformation du maïs, comme façon d’aider les populations à choisir les options plus complètes.

Le système d’examen de la transformation des aliments NOVA, conçu au Brésil, est utilisé dans le cadre des travaux mentionnés par Mme Mah.

De plus, je sais qu’un essai clinique aléatoire a été réalisé afin d’évaluer les répercussions et les résultats de la transformation des aliments. C’était lié au poids, si je ne m’abuse. Je crois que, selon les résultats de l’essai, le degré auquel les aliments sont transformés pourrait sans doute être plus important que la quantité de macronutriments, soit le gras, les glucides et les protéines. Ce n’est qu’une étude parmi tant d’autres, cependant. C’est un domaine sur lequel nous nous concentrerons davantage.

Nous avons examiné les dernières données d’enquête nationale et les données sur l’apport alimentaire en ce qui a trait aux aliments renfermant une quantité importante de calories, de sucre et de gras saturés. D’après ces données, les plats mélangés contenant des viandes rouges sont une source importante de ces éléments, mais il s’agit d’une catégorie hétérogène comprenant des aliments plus ou moins transformés. Il serait utile de pousser cette idée plus loin.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Pour en revenir à l’étiquetage, selon le gouvernement, les changements apportés pourraient coûter environ 500 millions de dollars. C’est beaucoup d’argent, même pour certaines compagnies. Je comprends que selon vous, monsieur Jeffery, les nouvelles obligations en matière d’étiquetage ne sont pas nécessairement justifiées. Comme vous dites, on peut inscrire ce qu’on veut sur ces étiquettes.

[Traduction]

M. Jeffery : Oui, 500 millions de dollars, c’est beaucoup d’argent. Je persiste à dire que si les règlements obligent les entreprises à dépenser autant d’argent pour changer les étiquettes, alors ces changements devraient aider à protéger la santé des consommateurs. Je serais porté à croire qu’ils ne le font pas autant que le prétend Santé Canada.

Je m’empresserai d’ajouter que si vous allez à l’épicerie et que vous vous jetez un œil dans l’allée des céréales, vous verrez des boîtes de Froot Loops et d’autres aliments n’ayant aucune valeur nutritive sur lesquelles on indique que ces aliments contiennent beaucoup de vitamine C et une foule de micronutriments. Ce sont des aliments à calories vides. En fait, ils sont peut-être moins nutritifs que la boîte dans laquelle ils sont vendus, ce qui est problématique.

Si l’on obligeait les entreprises à apposer une étiquette de mise en garde sur un produit de ce genre, les gens pourraient prendre cette information en considération. À l’heure actuelle, on permet aux entreprises d’imprimer toutes sortes d’images de personnages de bande dessinée sur l’emballage et une série d’allégations quant à la quantité de micronutriments qui ne veulent rien dire sur le plan de la santé publique. Je crois que ce serait avantageux de les obliger à apposer une étiquette de mise en garde.

Selon moi, ce n’est pas l’approche optimale en matière d’étiquetage et je crois qu’une autre approche sera proposée d’ici les 10 prochaines années.

Mme Kirkpatrick : Pour vous donner un exemple intéressant, je crois que le Chili a adopté l’emballage neutre.

M. Jeffery : Pour le tabac?

Mme Kirkpatrick : Non, pour la nourriture. Sur quelles boîtes de céréales retrouve-t-on le personnage de Tony le Tigre? Je ne devrais pas dire cela à haute voix. Ce genre de publicité pour les flocons de maïs ou les flocons givrés ne devrait plus être permise. Le Chili est un exemple de pays qui est allé beaucoup plus loin que le Canada ne l’a fait.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, le sénateur Dagenais. Je m’intéresse à ce dossier, parce qu’il y a eu beaucoup d’articles dans la presse au Québec sur la question de la provenance des ingrédients qui font partie des produits alimentaires manufacturés au Canada. Comme vous le savez, on n’a qu’à indiquer « Fait au Canada », même si on ne sait pas d’où proviennent tous les ingrédients. Or, on a appris par exemple que, dans les pâtés au poulet de la marque Saint-Hubert, le poulet venait de la Thaïlande, et que, dans le jus de pomme, les pommes venaient de la Chine. À votre avis, en tant qu’experts en nutrition, est-ce qu’il faudrait aussi indiquer ces détails dans l’étiquetage? Vous avez dit qu’il faut mettre beaucoup de détails sur les étiquettes. Est-ce que cela fait partie des choses qu’il est important de savoir? On le sait, la réglementation n’est pas toujours...

[Traduction]

Cela vous préoccupe-t-il? Cette information devrait-elle figurer sur l’étiquette?

[Français]

Le sénateur Dagenais parlait du poulet un peu plus tôt, mais il y a des endroits où les règles d’hygiène sont plus ou moins strictes. J’aimerais vous entendre à ce sujet. Monsieur Jeffery, voulez-vous commencer?

[Traduction]

M. Jeffery : Le Comité du Codex sur l'étiquetage des denrées alimentaires, dont j’ai parlé plus tôt, a étudié la question de l’étiquetage du pays d’origine à au moins deux reprises au cours des 20 dernières années. Il y avait des opinions différentes dans le monde entier à propos de l’étiquetage obligatoire du pays d’origine. De nombreux pays estimaient que cela placerait leurs produits dans une situation financière désavantageuse sur le marché mondial, alors il n’y a jamais eu d’accord. Les États-Unis exigent toujours que l’on indique le pays d’origine de la viande sur l’étiquette, je crois, parce qu’ils veulent promouvoir l’achat de produits américains.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je parle des aliments transformés.

M. Jeffery : Je pense que l’étiquetage du pays d’origine peut grandement favoriser les préjugés à l’égard des aliments. Les aliments insalubres ne devraient pas être vendus dans notre pays. Je m’inquiète un peu de ces gens qui regardent une étiquette et qui constatent que l’aliment provient du Mexique et qui se disent : « Je ne consommerai pas cet aliment parce que cela va probablement me rendre malade ». À mon avis, c’est un préjugé injuste.

En ce qui concerne l’étiquetage « Fait au Canada », qui est un exemple de ce dont le sénateur Dagenais parlait plus tôt, le produit doit respecter certaines exigences de composition pour que le fabricant puisse affirmer qu’il est fait au Canada. Il n’y a toutefois pas de restrictions sur les mille et une façons de dire quelque chose de semblable, comme « Fait avec des ingrédients canadiens », alors que le produit ne contient que 20 p. 100 d’ingrédients canadiens.

L’Agence canadienne d’inspection des aliments permet couramment ce genre d’allégations trompeuses, même si la Loi sur les aliments et drogues interdit l’étiquetage trompeur. Je suppose qu’ils ont l’impression qu’ils ne peuvent pas appliquer ces règlements à moins qu’il y ait une exigence très précise.

La sénatrice Miville-Dechêne : Si vous n’arrivez pas à appliquer la loi, pourquoi ne pas imposer l’étiquetage? De cette façon, le choix reviendrait au consommateur.

M. Jeffery : Vous voulez dire s’il y avait un étiquetage obligatoire?

La sénatrice Miville-Dechêne : Non. Je parle du pâté au poulet, par exemple. Si vous dites que le poulet provient de la Thaïlande, le consommateur décidera s’il veut un pâté fait avec du poulet provenant de la Thaïlande.

M. Jeffery : D’accord. J’essaie simplement de souligner que nous n’avons pas vraiment d’exigences obligatoires en ce qui a trait à l’étiquetage du pays d’origine.

La sénatrice Miville-Dechêne : Qu’en pensez-vous?

M. Jeffery : Comme je l’ai dit, je pense qu’à l’heure actuelle, les règles qui permettent aux entreprises de faire des quasi-revendications d’origine sont tellement vagues que les entreprises peuvent faire des déclarations trompeuses.

Il y a des inquiétudes tout à fait légitimes quant à l’impact environnemental de produits transportés sur de grandes distances. Toutefois, l’étiquetage du pays d’origine ne viendra pas nécessairement régler cette question de manière efficace, parce que ce n’est pas la seule source de problèmes de durabilité environnementale. Le bœuf, par exemple, est une source importante d’émissions de gaz à effet de serre, mais ceux-ci sont produits en grande partie par les vaches élevées sur nos fermes.

C’est un peu compliqué.

Mme Kirkpatrick : J’allais dire la même chose à propos de la durabilité environnementale. Je crois que si nous allons dans cette direction, nous devons fournir aux consommateurs les outils nécessaires pour qu’ils puissent utiliser cette information correctement. Encore une fois, il pourrait être plus écologique d’expédier des aliments à faible empreinte carbone de partout au pays que de consommer des produits locaux. Cela ne veut pas dire que nous éliminons certains aliments. Nous voulons trouver un juste équilibre.

Je pense que, sans ce cadre plus général dont nous avons parlé, ce n’est rien de plus qu’un autre élément d’information qui risque de semer la confusion chez les consommateurs.

La présidente : De toutes mes brillantes questions, j’en ai retenu une seule. Elle sera rapide et s’adresse à Mme Thomas.

Les recherches que vous avez menées vous ont-elles permis de conclure qu’il y avait une différence entre les Canadiens habitant en milieu rural et ceux qui habitent en milieu urbain en matière de littératie alimentaire?

Mme Thomas : Non.

La présidente : C’est intéressant. D’accord.

Mme Thomas : La littératie alimentaire peut avoir une incidence sur les personnes dont les revenus varient et celles qui habitent différentes régions. Les jeunes professionnels, par exemple, ont peut-être de grandes connaissances en matière d’alimentation, mais ils n’ont pas le temps de cuisiner. Les jeunes familles qui vivent dans la pauvreté ont peut-être une tonne de connaissances et d’excellentes compétences, mais elles n’ont pas le revenu nécessaire pour acheter les aliments. Elles n’ont pas de cuisinières fonctionnelles dans les appartements où elles vivent. Elles n’ont pas tout l’équipement ou les ustensiles dont elles ont besoin. La littératie alimentaire concerne toutes les catégories d’âge et de conditions sociales.

Mon père a 84 ans. Récemment, il a dû apprendre à cuisiner des aliments riches en protéines et en calories pour ma belle-mère, qui est atteinte d’un cancer. Il cuisine des crèmes anglaises maison. Cela me fascine. Quand nous étions jeunes, il préparait des haricots sur des rôties, mais c’est à peu près tout. Donc, la littératie alimentaire pour lui a vraiment...

La présidente : Nous aurions pu apprendre beaucoup de choses.

Mme Thomas : Tout à fait. Cela dépend, tout simplement. Il y a tellement de gens qui sont touchés par cela.

La présidente : Madame Mah, votre langage non verbal me porte à croire que vous avez un bref commentaire à faire avant que je lève la séance.

Mme Mah : Il y a une dizaine d’années, une version antérieure de ce comité a produit un rapport exhaustif sur la pauvreté rurale au Canada. Je vous encourage tous à réfléchir de la même manière à la littératie alimentaire en milieu rural.

La présidente : Merci. Je tiens à remercier nos témoins. Comme vous pouvez le constater, nous aurions facilement pu continuer encore longtemps. Reste à voir où cela nous mènera. Comme nous l’avons déjà mentionné, il y aura un nouveau Comité sur l’agriculture et les forêts qui sera nommé lorsque le nouveau Parlement sera convoqué. Nous verrons comment les choses se passeront. Bien sûr, nous allons tous nous porter volontaires pour siéger au comité, n’est-ce pas?

Des voix : Bien sûr.

La présidente : Sur ce, je vous remercie et je lève également la séance.

(La séance est levée.)

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