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CSSB - Comité spécial

Secteur de la bienfaisance (spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Secteur de la bienfaisance

Fascicule n° 4 - Témoignages du 28 mai 2018


OTTAWA, le lundi 28 mai 2018

Le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance se réunit aujourd’hui, à 18 h 35, afin d’examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Le sénateur Terry M. Mercer (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à la séance du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance.

Je suis le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse, président du comité. Je voudrais commencer par demander aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique, en remplacement de la sénatrice Ratna Omidvar.

Le sénateur R. Black : Robert Black, de l’Ontario.

Le sénateur Duffy : Michael Duffy, de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues. Aujourd’hui, le comité poursuivra son étude visant à examiner l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires et à examiner l’impact du secteur volontaire au Canada.

Dans le cadre de la séance, nous allons nous concentrer sur les dons de charité. Nous souhaitons la bienvenue à nos témoins, Mme Pamela Best, directrice adjointe, Patric Fournier-Savard, gestionnaire d’enquêtes et analyste, et Martin Turcotte, analyste principal, tous de la Division de la statistique sociale et autochtone de Statistique Canada. Nous accueillons également par vidéoconférence de Vancouver Shachi Kurl, directrice générale, Angus Reid Institute.

Merci d’avoir accepté notre invitation à comparaître. J’inviterais les témoins à faire leur déclaration. Je voudrais également leur rappeler, conformément aux directives données précédemment, que la durée de leur exposé ne doit pas dépasser 10 minutes. À la suite des exposés, une période de questions aura lieu. Les sénateurs disposeront de cinq minutes pour poser des questions avant que le président ne cède la parole à un autre sénateur. Il y aura autant de séries de questions que le temps le permettra. Les sénateurs ne doivent pas se sentir obligés de poser toutes leurs questions à la fois.

Durant la période de questions, je demanderais aux sénateurs d’être concis et d’aller droit au but au moment de poser leurs questions. Je demanderais aux témoins de faire de même au moment de répondre.

Nous souhaitons maintenant commencer par M. Turcotte.

[Français]

Martin Turcotte, analyste principal, Division de la statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : Merci, monsieur le président, de m’avoir invité à participer à ce comité. Le 7 mai dernier, nos collègues de la division des comptes nationaux de Statistique Canada vous ont dressé un portrait de la contribution économique du secteur de la bienfaisance et sans but lucratif au Canada. Ce soir, nous changeons de perspective et nous nous intéresserons à la contribution financière des Canadiens aux organismes du secteur, par leurs dons en argent.

Je commencerai mon intervention en discutant brièvement des deux principales sources de données sur les dons de charité disponibles à Statistique Canada. Ensuite, je présenterai certaines statistiques de base à propos des donateurs et des montants de leurs dons. Je ferai notamment le profil des donateurs. Je décrirai comment ce profil a évolué au cours des dernières années et je discuterai de l’importance des plus grands donateurs. Enfin, je présenterai des renseignements à propos des principaux types d’organismes auxquels les Canadiens ont fait des dons de charité. Comme nous le verrons, certains types d’organismes recueillent des montants plus considérables que d’autres. Bien d’autres renseignements, que je n’aurai pas le temps d’aborder dans mon exposé, sont disponibles dans les rapports et dans l’infographie qui vous ont été remis ce soir.

Avant de commencer avec la présentation des résultats, il vaut la peine de mentionner que Statistique Canada diffuse deux sources d’information à propos des dons de charité des particuliers. La première provient des sources de données administratives, soit les données fiscales des fichiers de famille T1. Chaque année, Statistique Canada compile et diffuse les montants totaux des dons de charité rapportés par les contribuables canadiens dans leur déclaration d’impôt. Il est à noter que ces montants incluent uniquement les dons versés aux œuvres de bienfaisance et aux organismes agréés qui ont fourni un reçu officiel.

L’autre source de données est l’Enquête canadienne sur le don, le bénévolat et la participation, qui est menée dans le cadre du programme de l’Enquête sociale générale. Imagine Canada et Bénévoles Canada sont membres du comité directeur de l’enquête. Cette enquête est réalisée auprès d’environ 20 000 Canadiens. Ceux-ci fournissent des renseignements à propos de tous les dons de charité effectués au cours de l’année, les plus petits comme les plus grands, non seulement les dons pour lesquels ils ont eu des reçus fiscaux, mais ceux qu’ils ont versés sans recevoir de reçus. Je vais donc présenter aujourd’hui les résultats de cette enquête.

À l’heure où on se parle, les résultats les plus récents disponibles sont pour l’année 2013. Donc, on peut les comparer aux données de 2010, 2007 et 2004. Par contre, les données pour 2018 seront disponibles prochainement et seront recueillies à l’automne.

Commençons par les résultats. En 2013, 24 millions de personnes âgées de 15 ans et plus ont fait un don en argent à un organisme de bienfaisance ou sans but lucratif. Ce sont plus de quatre Canadiens sur cinq. Au cours de la dernière décennie, la proportion des Canadiens ayant effectué un don en argent a légèrement diminué. En 2013, 82 p. 100 des Canadiens ont donné comparativement à 84 p. 100 en 2010 et 85 p. 100 en 2004. Par contre, la tendance était à la hausse en ce qui a trait au montant total des dons versés par les particuliers. En 2013, le montant total versé par les donateurs canadiens atteignait 12,8 milliards de dollars. Par rapport à 2010, il s’agissait d’une hausse de 14 p. 100. En plus de cette augmentation, on a constaté une augmentation du montant moyen versé par les donateurs. En 2013, le montant moyen était de 531 $ par rapport à 470 $ en 2010. Même si la proportion de donateurs a légèrement baissé, les montants étaient plutôt à la hausse entre 2004 et 2013.

Un des aspects intéressants des données de l’Enquête canadienne sur le don est qu’elle nous permet d’établir un profil socioéconomique et démographique des donateurs canadiens. De façon peu étonnante, on constate que les Canadiens ayant des revenus plus élevés, qui sont mariés et qui occupent un emploi, qui participent plus fréquemment à des activités religieuses et qui ont un niveau de scolarité plus élevé sont plus portés à effectuer des dons et donnent en moyenne des montants plus élevés.

Un des liens bien documentés et pertinents, étant donné les changements démographiques de la société, est le lien entre l’âge et les dons. En 2013, sur l’infographie, on constate qu’en moyenne, les personnes de 75 ans et plus ont donné 726 $, c’est-à-dire environ 300 $ de plus que ceux âgés de 35 à 44 ans. Étant donné ces dons moyens plus élevés, les Canadiens plus âgés contribuent pour une part plus importante que leur poids dans la population. Par contre, il est intéressant de voir qu’en raison du vieillissement de la population, la part de l’ensemble des dons provenant des dons des Canadiens plus âgés progresse assez rapidement. La proportion du montant total des 12,8 milliards de dollars des dons qui ont été versés est à la hausse. Donc, on est passé de 39 p. 100 de ce montant en 2004 à 47 p. 100, en 2013, du montant total des dons qui ont été versés par les personnes âgées de 55 ans et plus. En bref, les personnes de 55 ans et plus, même s’ils représentent 35 p. 100 de tous les donateurs, ont versé environ la moitié de tous les dons versés aux organismes de bienfaisance et sans but lucratif.

Je ne veux pas vous noyer sous une avalanche de nombres, mais il y a une idée très importante à retenir. Lorsqu’on s’intéresse aux dons de charité, il faut constater qu’il n’y a qu’une petite part des 24 millions de donateurs qui joue un rôle particulièrement important pour le secteur. Dans la terminologie qu’on utilise, on les appelle les « plus grands donateurs ». C’est le 10 p. 100 des donateurs qui ont versé les montants les plus élevés au cours d’une année. En 2013, ce sont les personnes qui avaient donné 1 150 $ ou plus aux organismes de bienfaisance. L’importance de ce groupe est attribuable à l’importance de sa contribution à l’ensemble des sommes recueillies. Si ces grands donateurs ne représentaient que 10 p. 100 de l’ensemble des personnes, la somme des montants qu’ils avaient versés représentait 66 p. 100, donc les deux tiers de la somme totale.

Ce qui est intéressant depuis les dernières années, c’est que la contribution des grands donateurs est à la hausse. Ce qu’on voit, entre 2010 et 2013, c’est que la plus grande part de la croissance du montant total des dons était attribuable aux contributions des plus grands donateurs.

Du point de vue démographique, ce qui caractérise les plus grands donateurs, c’est qu’ils sont plus âgés, mais aussi — je reviens à l’idée que j’ai mentionnée plus tôt — le fait que ce sont des gens qui sont plus susceptibles de participer fréquemment à des activités religieuses. J’ai les nombres ici. En 2013, il y avait 54 p. 100 des plus grands donateurs qui participaient à des activités religieuses chaque semaine comparativement à seulement 14 p. 100 des autres donateurs.

Cela m’amène à vous parler des types d’organismes qui reçoivent le plus d’argent. C’est lié au profil par âge et à la pratique religieuse des plus grands donateurs. Comme on le voit au centre de l’infographie que je vous ai remise, les organismes religieux sont le type d’organisme qui reçoit les plus grandes sommes. En 2013, ils ont reçu 5,2 milliards de dollars, ce qui représente 41 p. 100 de tous les dons qui ont été versés par les particuliers.

Ensuite, si l’on regarde parmi les organismes non religieux, on constate qu’arrivent en seconde place les organismes du secteur de la santé et, ensuite, les services sociaux avec 1,6 milliard de dollars reçus en 2013.

Finalement, on voit qu’il y a plusieurs types d’organismes qui reçoivent moins de 200 millions de dollars par année, notamment ceux qui sont voués aux arts et à la culture, aux sports et loisirs et ceux qui œuvrent dans le secteur du développement des collectivités et du logement.

[Traduction]

Comme je l’ai mentionné précédemment, de nouvelles données sur les dons de charité seront recueillies cet automne. Statistique Canada travaille en étroite collaboration avec des intervenants clés et des utilisateurs de données primaires afin d’élaborer ce sondage. Ce partenariat est essentiel au maintien de la pertinence et de l’utilité des données.

Le paysage des collectes de fonds et des dons de charité change en raison des médias sociaux et de la portée accrue d’Internet. Nous avons observé ce phénomène récemment dans le cas du succès de campagnes de financement participatif, comme sur la plateforme GoFundMe.

En 2018, nous mesurons les façons dont les habitudes de dons des Canadiens changent, non seulement du point de vue du montant qu’ils donnent, mais aussi des manières dont leur comportement est façonné par l’utilisation de ces nouvelles plateformes sociales.

Je souhaite vous remercier, au nom de mes collègues, Pamela Best et Patric Fournier-Savard. Nous serons heureux de répondre à toutes les questions que vous pourriez nous poser.

Shachi Kurl, directrice générale, Angus Reid Institute : Bonjour, tout le monde; je suis Shachi Kurl, directrice générale du Angus Reid Institute.

[Français]

L’Angus Reid Institute est une institution nationale de recherches sur l’opinion publique sans but lucratif et non partisane qui œuvre à mieux comprendre les enjeux et les tendances ayant une influence sur l’économie, la société, la gouvernance, la philanthropie, l’administration publique ainsi que les politiques nationales et étrangères au Canada et au sein de sa population.

[Traduction]

Personnellement, je suis également membre du conseil d’administration de la Société canadienne du cancer et d’Imagine Canada, une organisation qui a fait un travail très complet et crédible sur les dons au Canada, bien appuyé par deux ou trois points de vue différents sur cette question.

Une étude en particulier, effectuée en partenariat avec la Fondation Rideau Hall, a révélé une tendance fascinante. Elle comparait la situation à l’égard des dons, par génération et par sexe, il y a environ 30 ans — il y a une génération et demie — à celle que nous observons aujourd’hui. Je vous inviterais, si vous le voulez bien, à visualiser les dons dans les années 1980 sous la forme d’une colonne droite, où les gens de tous les âges donnaient environ le même montant, proportionnellement au sexe et à l’âge, par rapport à leur pourcentage de la population.

Aujourd’hui, au lieu d’une colonne droite, ce que nous voyons, c’est un genre de palmier qui penche un peu plus d’un côté. Au sommet de cet arbre — comme l’a mentionné mon collègue —, nous voyons les Canadiens âgés. Ce que nous remarquons, c’est qu’ils donnent davantage, pas seulement parce qu’ils sont plus nombreux, mais aussi parce qu’ils donnent plus par rapport à leur pourcentage à la population.

Vous avez entendu parler de notre mandat. Nous voulions étudier de façon approfondie les raisons qui sous-tendent ces changements de comportement, et plus particulièrement les raisons pour lesquelles les jeunes ne semblent pas donner, même s’ils en ont les moyens et que leur revenu le leur permet. Qu’est-ce qui motive cet écart entre l’intention et l’action?

Ainsi, nous avons mené une étude en quatre volets en collaboration avec par la CHIMP, c’est-à-dire la Charitable Impact Foundation. Je dois souligner l’importance du leadership de John Bromley, ici, en Colombie-Britannique, et de la Fondation CHIMP.

Notre recherche a révélé que le manque de moyens financiers est un facteur majeur qui explique pourquoi de nombreux jeunes Canadiens, en particulier, et de nombreux Canadiens ne font pas de dons.

Toutefois, le scepticisme et le doute au sujet de l’utilisation de leur argent et de l’efficacité des dépenses jouent également un rôle important dans la décision d’effectuer un don ou pas.

De plus, nous constatons que de jeunes Canadiens, relativement riches et scolarisés constituent un segment crucial de la population et pourraient cesser de donner de façon ponctuelle, en participant sur invitation à des campagnes sur GoFundMe, par exemple, ou à des collectes de fonds, pour commencer à donner de façon intentionnelle et continue, s’ils ressentaient davantage de confiance envers le secteur caritatif, se sentaient davantage liés aux causes qui leur tiennent le plus à cœur et se faisaient aborder différemment.

Vous avez déjà entendu beaucoup de statistiques. J’en répéterai quelques-unes.

Tout d’abord, nous constatons que, même si les trois quarts des Canadiens ont versé des dons à au moins un organisme de bienfaisance au cours des deux dernières années, ils sont bien plus susceptibles, encore une fois, de l’avoir fait en réaction à une invitation de la part d’une organisation plutôt que de leur propre initiative.

Qu’est-ce qui motive ce comportement? Nous constatons que les conversations entendues durant l’enfance semblent avoir une énorme incidence sur le comportement de donateurs. Si vous êtes une personne qui a été exposée à des notions de charité et d’altruisme par vos parents quand vous étiez jeunes, vous êtes beaucoup plus susceptible d’appartenir à la catégorie que nous pourrions appeler celle des superdonateurs, alors que les deux tiers des personnes qui ne sont pas des donateurs — dans la majorité des cas, elles ne font pas de dons — affirment ne pas avoir été exposés à ces discussions et ne pas avoir vécu ces expériences dans leur jeunesse.

Parmi les 3 Canadiens sur 10 — environ un tiers — affirmant qu’ils devraient en faire plus sur le plan de la bienfaisance, encore une fois, la moitié disent que les préoccupations d’ordre financier sont le seul obstacle, mais nous observons également un nombre important — encore une fois — de personnes affirmant avoir des doutes quant à l’utilisation de leur argent et se posant des questions au sujet de l’efficacité des organismes de bienfaisance.

Comme nous l’avons entendu dire, je peux répéter et appuyer la conclusion selon laquelle les personnes qui soutiennent des causes religieuses ou confessionnelles sont beaucoup plus susceptibles de donner de façon continue que ponctuelle, et il s’agit de quelque chose qui les distingue des autres groupes de donateurs.

De façon générale, nous constatons qu’il existe quatre segments de la population et quatre états d’esprit en ce qui concerne le comportement des donateurs. Les non-donateurs comptent pour un peu plus de 10 p. 100 de la population. Comme leur nom l’indique, ils ne font pas vraiment de dons. S’ils le font, c’est probablement moins de 100 $ au cours d’une année. La grande majorité — plus de 7 sur 10 — affirme ne pas vraiment effectuer de dons de bienfaisance, et certains facteurs liés à l’attitude motivent cette réticence à faire des dons.

Il y a les donateurs occasionnels, qui donnent un peu d’argent, probablement environ 250 $ par année au total, à des organismes de bienfaisance. Ils sont généralement invités à le faire. On leur demande de l’argent. Ils en donnent un petit peu.

Les donateurs invités sont les personnes qui, encore une fois, se font demander de l’argent au lieu d’en donner activement de leur propre chef parce qu’il y a une cause en laquelle ils croient très profondément et qu’ils veulent appuyer activement. Ce qui les distingue des donateurs occasionnels, c’est qu’ils donnent plus d’argent. Ce pourrait être un ami qui envoie un message sur Facebook pour dire : « Je participe au Cyclo-défi contre le cancer », ou bien « Je participe à la Marche des dix sous », ou qui appuie une autre cause, peut-être la Société canadienne de la sclérose en plaques. « Voudrais-tu m’aider? » Ce sont les personnes qui veulent aider leurs amis. Il y a une réaction de l’extérieur, un facteur externe qui les incite à donner, et ils font don de sommes plus généreuses.

Ensuite, il y a les superdonateurs. Encore une fois, ces personnes tendent à être plus âgées. Il s’agit de plus en plus de femmes et de personnes qui donnent sans avoir été incitées à le faire. Leur comportement de donateur est intégré dans la façon dont ils établissent leur budget. Ces donateurs appuient généralement au moins deux causes par année de façon continuelle, et ils sont considérablement plus susceptibles d’affirmer qu’ils appuient une cause donnée de leur propre initiative : c’est leur idée, ils sont allés à la recherche d’une organisation qu’ils souhaitent appuyer d’une manière active.

L’autre conclusion importante de notre recherche portait en réalité sur le groupe de jeunes, plus aisé, que j’ai mentionné au début. Nous les appelons « ceux qui donneraient plus d’argent ». Ils se tiennent en marge. Ils pourraient donner plus activement aux organismes de bienfaisance, et la majorité d’entre eux répondent par l’affirmative à trois énoncés. Ils affirment qu’ils donneraient plus d’argent à des organismes de bienfaisance s’ils ressentaient une plus grande confiance à cet égard. C’est une question de transparence et de compréhension de l’utilisation de leur argent. Ils donneraient plus d’argent aux organismes de bienfaisance s’ils pouvaient trouver la cause parfaite qui leur parlait ou les inspirait vraiment. En outre, ils affirment qu’ils donneraient plus d’argent si on « les abordait de la bonne façon ».

Ces énoncés et ce groupe, qui se démarque vraiment en y répondant majoritairement par l’affirmative, offrent une fenêtre sur un autre genre d’écart au chapitre des dons. Il s’agit non pas seulement des sommes ou de l’impression que le montant donné est suffisant ou insuffisant, selon le jugement de ces personnes, mais aussi de la capacité de se voir donner plus d’argent si la situation changeait.

Comme je l’ai mentionné, « ceux qui donneraient plus d’argent » tendent en grande partie à être jeunes. Ils sont plus scolarisés et riches que la population en général. Ils sont bien moins susceptibles de déclarer que des préoccupations d’ordre financier sont la principale cause qui les empêche de donner de l’argent; encore une fois, ils recherchent plutôt une orientation et une plus grande confiance à l’égard du processus de dons et ont le désir de se familiariser avec les causes qu’ils pourraient appuyer s’ils avaient l’impression d’en savoir plus.

Comment le milieu de la bienfaisance peut-il exploiter cette intention et cette bonne volonté qui ne se concrétisent pas nécessairement par l’action? Qu’est-ce qu’il manque? Je vous laisserai seulement sur quelques conclusions. De mon point de vue, ce sont deux ou trois éléments qui sont la cause réelle de ce manque de confiance et de cette hésitation, plus particulièrement chez les jeunes donateurs, qui ne donnent pas autant d’argent que les générations plus âgées.

Le premier est la fragmentation des organismes de bienfaisance. À l’ère des médias sociaux, n’importe qui peut mettre sur pied un organisme de bienfaisance. Cette possibilité donne lieu à des chevauchements et à une fragmentation réelle. Cette situation peut également entraîner de la confusion lorsqu’il existe des dizaines d’organisations et d’organismes de bienfaisance ou de fonds mis sur pied en grande partie pour appuyer certaines des mêmes causes. Les gens ne savent pas nécessairement quel est le meilleur organisme à appuyer ni quelle est la meilleure façon de le faire.

Ces mêmes facteurs ont une incidence sur les dons faits à la suite d’une invitation. Si le don était un muscle, je dirais qu’au fil du temps, les Canadiens ont permis à ces muscles solides de se transformer un peu en nouilles molles au lieu de les fléchir et de les exercer régulièrement d’une manière intentionnelle. Les gens choisissent de donner de l’argent parce qu’une personne les a salués et leur a demandé de le faire. Ils veulent être de bonnes personnes. Ils veulent aider.

Les organismes de bienfaisance ne peuvent eux-mêmes plus tenir pour acquis que le public viendra automatiquement vers eux ou les suivra. Ils ont exacerbé le problème en sollicitant des dons auprès de grandes sociétés, sans maintenir de petites communautés de partisans, et en se concentrant sur des campagnes de dons par anticipation et de dons majeurs, lesquelles, encore une fois, ciblent sur les donateurs âgés et les segments âgés de la population.

C’est manifestement très important à court terme. Si vous êtes un organisme de bienfaisance, vous devez aller chercher l’argent là où il se trouve. Je demanderais quelles sont les conséquences à long terme de ne pas aussi mobiliser les jeunes Canadiens au moment où ils acquièrent une certaine sécurité financière et une plus grande capacité de faire des dons.

Nous observons ce phénomène dans le cas de partenariats comme les dons à la caisse, dans le temps des Fêtes, le Vendredi fou ou un autre jour : « Voudriez-vous donner un dollar ou deux de l’achat que vous effectuez aujourd’hui à un organisme de bienfaisance? » Bien entendu, tout le monde accepte. Donne-t-on intentionnellement?

Je vais vous laisser sur ces réflexions. Il s’agit d’un exercice très complet qui a généré un ensemble de travaux très complet. Si quiconque souhaite obtenir plus de renseignements sur les quatre volets de ces enjeux, je l’inviterais à visiter notre site web, au AngusReid.org. Merci.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

[Traduction]

Nous allons maintenant passer aux questions.

Le sénateur Woo : Merci, chers témoins. La question peut s’adresser à l’un ou l’autre. Elle porte sur le profil des donateurs âgés qui donnent disproportionnellement de l’argent aux organismes de bienfaisance, mais, plus précisément, sur ceux qui sont décédés.

J’aimerais savoir si vous possédez des données sur les dons immobiliers et comment elles sont consignées dans le cadre de votre collecte de données, et si vous pouvez nous dire s’il existe des profils et des tendances relativement aux dons immobiliers. Nous savons que la population vieillissante et — comment dire — le déclin imminent de la génération du baby-boom, qui s’est beaucoup enrichie au fil des ans et qui, bien entendu, continue à être perçue comme une source d’inégalité dans la société et de différences intergénérationnelles... Comment cela se passe-t-il du point de vue des dons de bienfaisance?

[Français]

Patric Fournier-Savard, gestionnaire d’enquêtes et analyste, Division de la statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : Merci. C’est une très bonne question. Du côté du contenu de l’enquête, effectivement, il y a des questions qui demandent à nos répondants s’ils ont fait de tels dons. Pour les détails de la terminologie, il faut mentionner que la question était plus ou moins bien comprise par les répondants.

Donc, l’enquête de 2018 qui se fera sur le terrain dès septembre tente de corriger la situation. Nous avons des données. Je ne les ai pas avec moi aujourd’hui, mais effectivement elles sont dans l’enquête et elles sont recueillies depuis plusieurs années. On pourrait aussi voir des tendances dans le cadre de cette question. S’il s’agit d’une chose que vous aimeriez qu’on suive, c’est avec plaisir que j’y donnerai suite.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Pourrions-nous faire une demande afin que ces données soient fournies au comité?

Le président : C’est une bonne question. Nous ferons un suivi et obtiendrons ces données par l’entremise du greffier.

Le sénateur Woo : J’ai une autre question qui est liée aux données sur les dons politiques, que je suis certain que vous recueillez également, dans la même série de données chronologiques. Vous n’avez peut-être pas l’information à portée de main. Je suis curieux de savoir si les tendances au chapitre des dons de bienfaisance suivent celles des dons aux partis politiques. C’est peut-être quelque chose que vous pourrez également nous envoyer à un autre moment. Je me demande s’il y a des corrélations que nous pouvons observer.

[Français]

M. Fournier-Savard : Pourriez-vous préciser un peu la question? Est-ce que la corrélation serait entre des dons versés à des partis politiques et un autre phénomène?

[Traduction]

Le sénateur Woo : Vous avez décrit un certain profil de dons en ce qui a trait au secteur caritatif, au profil d’âge ainsi qu’au poids relatif des diverses catégories d’âge. Vous avez parlé de la part de dons qui diminue, mais aussi de l’augmentation de la valeur en dollars absolus entre 2010 et 2013. Je me demande si des tendances semblables s’appliquent dans le cas des dons aux partis politiques.

[Français]

M. Fournier-Savard : Pour ce secteur en particulier.

Cependant, effectivement, tous les dons recueillis au moyen de l’enquête sont associés à des noms d’organismes. On a mentionné tantôt la sclérose en plaques, Run for Cancer, et d’autres causes. Ces réponses sont ensuite codées pour former de grandes catégories. Comme vous le voyez dans l’infographie, au centre, il y a une catégorie intitulée« droit, défense des intérêts et politique », et il faut savoir que la partie « politique » est constituée d’une petite part de ce 0,1 qui équivaut, j’imagine, à 100 millions de dollars. Quand on va approfondir la chose, il faut savoir qu’on aura de très petits nombres. En somme, votre question concerne un tout petit montant et, même si on compte approfondir la question, on pourrait rencontrer le mur de la haute variabilité des données.

[Traduction]

M. Turcotte : Comme vous le voyez, il s’agit d’un montant relativement peu élevé comparativement aux autres types d’organisations. Pour ce qui est des tendances au fil du temps, nous n’en avons remarqué aucune pour ce type d’organisation. Les données montrent une augmentation importante dans le cas des organisations internationales. Parmi tous les types d’organisations que vous voyez ici, de 2004 à 2013, il y a eu une augmentation de 200 p. 100 dans le cas des organisations internationales.

Mme Kurl : J’ajouterai également que la santé est un domaine très important pour les gens qui font des dons. Vous pourriez, sénateur, formuler l’argument selon lequel tout est politique, et, dans le discours public, nombre de politiciens et de personnes le font. Je sais que votre question concerne les dons liés à la politique avec un grand P. Plus de la moitié des Canadiens déclarent avoir fait des dons à la recherche sur une maladie ou pour le traitement ou la prévention d’une maladie; ce domaine est suivi par la lutte contre la pauvreté. Pour revenir à ce que disait mon collègue, l’aide internationale gagne de plus en plus en importance. Notamment, le bien-être des animaux et les enjeux touchant le traitement humain des animaux sont des causes importantes, et les organismes de bienfaisance religieux et confessionnels suivent.

Les enjeux touchant la défense des droits et d’autres questions qui oscillent à la limite des orientations stratégiques et de la politique se trouvent bien plus bas dans la liste, selon ce que nous avons constaté.

Le président : Si je puis apporter une précision, je pense que la question du sénateur Woo était orientée non pas vers le domaine politique du point de vue de la motivation… J’effectue mon don à l’ordre de la Société canadienne du cancer. Il parle de faire des dons à un parti politique. Je pense que c’est ce qui a motivé la question.

Le sénateur Woo : En partie parce qu’un régime différent a été établi au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui prévoit des incitatifs différents de ceux qui sont prévus pour les dons effectués à d’autres organismes de bienfaisance.

Le président : Le comité a déjà entendu cette question, alors je vous en suis reconnaissant.

Madame Kurl, avez-vous quoi que ce soit d’autre à ajouter?

Mme Kurl : Je peux ajouter quelque chose en ce qui concerne la motivation qui sous-tend les dons. Je sais qu’en particulier sur la Colline du Parlement et dans les corridors, entre décideurs, on discute souvent de l’impôt et de la structure fiscale. Nous nous penchons habituellement un peu plus sur les attitudes et les motivations qui amènent les gens à donner.

L’avantage fiscal est un élément, mais ce n’est pas tout. Le facteur important concerne les enjeux auxquels les gens sont personnellement liés. C’est pourquoi nous avons tendance à observer des taux de dons plus élevés dans le cas d’organismes de bienfaisance du domaine de la santé et d’autres domaines, où les gens peuvent ressentir un lien concret parce qu’ils ont eux-mêmes été atteints d’une maladie, qu’ils connaissent une personne qui est aux prises avec un problème de santé, qu’ils doivent tenter de sortir une famille de la pauvreté ou qu’ils veulent offrir de l’aide à l’étranger parce qu’ils reviennent de voyage et souhaitent contribuer à améliorer la situation dans le pays en question.

Les avantages fiscaux accordés aux personnes qui sont peut-être des superdonateurs — celles qui sont des donateurs qui s’y connaissent beaucoup et qui donnent de grosses sommes… Ces personnes pourraient assurément vouloir structurer leurs dons de bienfaisance de manière à maximiser les avantages fiscaux. Lorsque nous constatons qu’un très grand nombre de Canadiens sont des donateurs ponctuels et occasionnels qui donnent lorsqu’ils sont invités à le faire, ces personnes ne songent pas aux conséquences fiscales. Ils pensent à la mesure dans laquelle ils se sentent liés à un enjeu particulier. Voilà ce qui les motive à faire des dons.

La sénatrice Martin : Merci à tous de vos exposés. En regardant ce diagramme concernant les dons de bienfaisance effectués au Canada — qui est très utile —, j’ai été surprise de voir que la catégorie des dons politiques soit si petite comparativement aux autres domaines; en fait, je m’attendais à ce qu’elle soit plus importante. Je suis curieuse au sujet de ces chiffres. Cette augmentation des dons effectués à des organisations internationales… Je me demande si vous voudriez donner des exemples de types d’organisations internationales auxquelles les Canadiens font des dons à l’étranger.

Nous nous rendons également compte que le secteur sans but lucratif, qui reçoit également des dons des Canadiens… Rien de cela ne se reflète dans ces statistiques, n’est-ce pas? Ces données concernent les dons effectués aux organismes de bienfaisance, pas aux organismes sans but lucratif. Est-ce exact?

M. Fournier-Savard : C’est aux deux. Le sondage, en soi, ne fait pas cette distinction, simplement parce que nous avons observé dans les tests qualitatifs que nos répondants habituels ne font pas nécessairement la distinction entre les règlements et les lois…

[Français]

... qui entourent la définition légale de ce qu’est un organisme à but non lucratif par rapport à un organisme de bienfaisance.

[Traduction]

Oui, elles comprennent les deux.

La sénatrice Martin : Un autre aspect d’intérêt que nous avons examiné, c’est l’argent étranger qui entre au Canada. Comment ces données sont-elles consignées? Ces données ne présentent que les dons effectués au Canada par les Canadiens. N’avez-vous rien qui reflète ce que les organismes de bienfaisance ou sans but lucratif canadiens pourraient recevoir?

M. Turcotte : Non.

Le président : Ces données proviendraient de Revenu Canada plutôt que de Statistique Canada.

La sénatrice Martin : J’ai été surprise par certains de ces chiffres.

Madame Kurl, en ce qui concerne l’ensemble de travaux complet duquel vous nous avez communiqué certains renseignements intéressants et utiles, les organismes de bienfaisance et sans but lucratif ont-ils eu la possibilité d’entendre les conclusions de votre institut, surtout en ce qui a trait à ce cinquième groupe de personnes qui voudraient être des donateurs?

C’est dans ce domaine que, j’en suis certaine, ils souhaiteraient beaucoup tenter d’accroître leur revenu.

Mme Kurl : Je vous remercie, sénatrice, de cette question intéressante. Certains organismes caritatifs et de bienfaisance se sont montrés ouverts et réceptifs à entendre ces données et renseignements. Il y en a d’autres qui pourraient trouver certaines de ces conclusions un peu contraires à ce à quoi ils s’attendaient ou qui pourraient les remettre en question. Je le reconnais et le comprends.

Quand on est une organisation caritative qui se concentre sur la réalisation de sa mission et de son mandat, c’est vraiment une question d’argent. Un grand nombre d’entre elles ont tendance à se rabattre sur la recherche d’argent de donateurs là où elles peuvent en trouver : les dons immobiliers, les dons par anticipation, les dons de sociétés — qui sont des sommes bien plus importantes — et les dons majeurs; elles se concentrent vraiment sur les dons philanthropiques importants.

Par conséquent, ce sont selon moi des renseignements dont le secteur caritatif dans son ensemble profiterait. Nous travaillons là-dessus, un organisme à la fois, en quelque sorte, à mesure que nous pouvons leur communiquer ces renseignements. J’ajouterais que toutes les données sont publiquement accessibles et que toute organisation peut les consulter sur notre site web. Elles sont là pour que l’on puisse les digérer et en discuter. Nous accueillons favorablement la possibilité de communiquer les renseignements à plus grande échelle à mesure que nous le pourrons.

Le président : J’aurais cru qu’un organisme de bienfaisance aurait hâte d’apprendre quelles sont les nouvelles tendances. Si on n’est pas disposé à changer, on ne tarde pas à disparaître.

Mme Kurl : C’est une réflexion perspicace et intéressante, sénateur.

Le président : C’est tout moi : perspicace et intéressant.

Le sénateur R. Black : Le sondage qui sera publié en septembre… S’agit-il de l’Enquête sociale générale?

M. Turcotte : Oui.

Le sénateur R. Black : À quelle fréquence est-elle publiée?

M. Fournier-Savard : L’Enquête sociale générale est habituellement publiée chaque année par une équipe différente à chaque fois. Dans le cas de l’ENDBP — l’Enquête nationale sur le don, le bénévolat et la participation —, le cycle est de cinq ans.

Pamela Best, directrice adjointe, Division de la statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : Je pense que vous avez fait un très bon travail. Le sondage est mené dans le contexte de la vaste Enquête sociale générale.

Le sénateur R. Black : En 2013, le gouvernement fédéral a instauré le super crédit pour premier don, qui ajoutait un supplément de 25 p. 100 — je pense — au premier don effectué par un donateur. Je pense que le programme est arrivé à échéance à la fin de l’année d’imposition 2017. Savez-vous comment ce crédit a été reçu? Avez-vous des données tirées de vos sondages sur la façon dont il a encouragé les gens à faire un premier don?

M. Fournier-Savard : La réponse courte est « non ». Il y a des nuances. Nous posons certaines questions sur l’incidence réelle ou potentielle de l’offre de ces crédits et cherchons à savoir s’ils changeraient la décision des répondants.

Nous ne relions pas ces données au fichier T1, où nous pourrions voir si une personne ayant fait un premier don a eu recours au crédit. Nous disposons d’un contenu partiel, mais il n’est pas lié aux fichiers fiscaux en tant que tels.

Le sénateur R. Black : Ne savons-nous pas si l’incidence était grande ou importante?

M. Fournier-Savard : Je crois que cette question devrait être posée à nos collègues de la division des revenus, qui utilisent et analysent ces fichiers fiscaux, et l’annexe 9 en particulier, où les dons sont décrits.

L’ENDBP pourrait seulement nous informer au sujet de l’incidence potentielle de ce crédit sur les attitudes, même s’il n’existait pas.

Le sénateur R. Black : Des commentaires de la part de Mme Kurl?

Mme Kurl : Nous n’avons pas posé de questions au sujet de ce crédit d’impôt dans notre sondage. J’accueillerais favorablement la possibilité d’effectuer une recherche un peu plus approfondie et un suivi là-dessus. J’hésite à formuler des hypothèses, mais j’aurais tendance à penser qu’il est probable qu’un nombre important de Canadiens n’ont peut-être pas entendu parler du crédit, et encore moins qu’ils y ont eu recours, mais cela vaut la peine de poser des questions à ce sujet et de mesurer les réponses.

M. Turcotte : Ce que je peux ajouter, c’est que nous posons aux répondants des questions au sujet des raisons pour lesquelles ils font des dons. Nous n’avons pas précisé s’ils le faisaient en tant que superdonateurs ou quoi que ce soit, mais nous posons cette question. Comparativement aux autres raisons de donner, le fait de recevoir un crédit d’impôt sur son revenu semble relativement peu important, surtout au sein de la population des jeunes. Seulement 16 p. 100 des personnes âgées de 15 à 34 ans ont répondu par l’affirmative. Si on compare cela à des raisons comme le fait d’être touché par une personne qu’on connaît, c’est 70 p. 100.

Le sénateur R. Black : J’ai une dernière question à poser. Dans la collectivité d’où je viens, je connais deux groupes qui se réunissent — des hommes et des femmes —, qui déboursent 100 $ tous les trimestres et font des recherches afin de déterminer où ira cet argent. Ensuite, ce groupe de 100 ou 50 personnes fait don de son argent à des organisations qui pourraient être appropriées et en valoir la peine.

Observez-vous davantage de situations où des groupes de gens se réunissent et effectuent peut-être d’autres recherches, puis font un don en fonction de ces recherches? Pouvez-vous m’informer à ce sujet?

[Français]

M. Fournier-Savard : Il y a deux aspects à ma réponse. Le premier est que non, l’enquête ne touche pas au fait d’avoir donné en groupe ou seul. La seule chose qu’on voit de cette nature, c’est si le don a été fait conjointement avec un partenaire. C’est à peu près la limite où on peut aller dans l’organisation.

Par contre, sur la façon de rechercher comment faire des dons, il y a des questions ici, dans l’enquête de 2013, qui vont se retrouver dans l’enquête de 2018, comme la source d’information qui a été utilisée et l’impact des réseaux environnants, des amis et des collègues de travail.

Oui, il y a de l’information là-dessus. Encore une fois, nous aurons le plaisir de vous fournir des données à ce sujet que je n’ai pas au bout des doigts pour le moment. Cependant, non, on n’est pas en mesure de parler de dons en groupe, ce qui serait très intéressant, j’en conviens, mais on a quand même plusieurs questions sur la façon de chercher à faire le don, particulièrement dans le cas des dons les plus importants.

[Traduction]

Le sénateur R. Black : Avez-vous quelque chose à dire, madame Kurl?

Mme Kurl : Je ne peux pas aborder précisément la question des dons de groupe. Ces dons font partie d’un domaine plus vaste, où nous voyons des jeunes qui sont plus motivés à se mobiliser et à participer. Par exemple, ils sont bien plus susceptibles d’affirmer avoir fait du bénévolat ou participé à un projet de bénévolat communautaire que de dire qu’ils ont effectué un don en argent.

Comme il pourrait y avoir une possibilité de transformer ce soutien communautaire en quelque chose de plus concret du point de vue d’un soutien financier, il y a peut-être là une voie à suivre. Dans ce cas, encore une fois, il faudrait que nous comprenions certaines mesures de base avant de pouvoir tirer des conclusions.

Le sénateur Duffy : Je remercie nos témoins. Une question rapide à l’intention de nos amis de Statistique Canada. Vous allez sur le terrain mener l’une de vos excellentes enquêtes. Tout le Canada dépend de ces sondages, et nous savons à quel point ils sont rigoureux et bons. À quel moment pourrons-nous voir les résultats, approximativement? Un an plus tard?

M. Fournier-Savard : Merci de poser la question. Nous serons sur le terrain cet automne.

Le dossier d’analyse et la publication initiale sont prévus pour le mois de décembre 2019.

Le sénateur Duffy : Après notre rapport. Toutefois, peut-être que nous vous réinviterons afin d’obtenir des renseignements préliminaires.

Le président : Il y aura peut-être une deuxième phase.

Le sénateur Duffy : Madame Kurl, j’avais un certain nombre de questions à vous poser.

Vous parlez de dons effectués à la suite d’une invitation et du besoin d’être sollicité. Ensuite, nous regardons l’augmentation marquée, de 200 p. 100, pour un total de 1,3 milliard de dollars. Cette somme représente les dons versés par des Canadiens à des organisations internationales. Quand on parle de sollicitation, s’agit-il de catastrophe comme les ouragans en Haïti ou les inondations que nous voyons ailleurs? Les médias jouent-ils un rôle pour ce qui est de solliciter les gens à faire des dons, des personnes qui ne constitueraient pas votre donateur moyen, que les images et la souffrance qu’elles voient poussent à donner? S’agit-il d’un aspect important de l’évolution observée ces dernières années?

Mme Kurl : Merci de poser cette question, sénateur. Je ne sais pas nécessairement à quel point c’est nouveau. J’utiliserais comme exemple le cas de la terrible tragédie liée au tsunami et aux tremblements de terre de décembre 2004. Nous savons, par exemple — dans le monde entier et au Canada —, dans quelle mesure cette catastrophe a incité les gens à effectuer des dons. C’est arrivé durant le temps des Fêtes. Les gens ont été très touchés par les événements à un moment où ils étaient dans un état d’esprit très axé sur la réflexion.

En même temps, nous constatons également — pour répondre à votre question — que la mesure dans laquelle les catastrophes naturelles touchent concrètement les gens, même dans leur foyer, peut constituer un facteur important qui incite les gens à faire des dons. J’examine non seulement les médias d’information, mais aussi les médias sociaux — Twitter, Facebook et d’autres médias sociaux — vers l’époque des incendies à Fort McMurray. Les gens ont pu être témoins du fait que leurs voisins, leurs amis, des membres de leur parenté, un cousin éloigné ou des personnes avec qui ils avaient fréquenté l’université risquaient de perdre leur maison et leur gagne-pain. Je suis certaine que mes collègues de la Croix-Rouge pourraient vous parler de la réponse massive qu’ils ont obtenue.

Qu’il s’agisse d’un événement qui se déroule à l’étranger ou au pays, je répugne à utiliser ce terme, mais la charité motivée par les événements est un phénomène réel. Il existe de nombreux degrés pour ce qui est de diffuser l’information et d’inciter les gens à faire des dons.

Le sénateur Duffy : Cela pose problème si l’un de vos organismes de bienfaisance habituels ne peut pas miser sur un événement dramatique quelconque pour obtenir des dons. Une partie de ces dons découlant de l’événement irait peut-être aux groupes dont l’aide fait l’objet d’une couverture médiatique, et pas autant à d’autres. Je ne sais pas comment nous pouvons contourner ce problème. Selon moi, si je peux interpréter votre recherche adéquatement, c’est l’un des éléments qui touchent les jeunes.

Une dernière question, avant que j’oublie. Vous avez évoqué le cynisme à l’égard des organismes de bienfaisance. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?

Mme Kurl : Bien sûr. Ce que nous constatons, ce n’est pas nécessairement que les gens croient que les organisations de bienfaisance font des choses répréhensibles avec leur argent. Il s’agit plutôt d’un sentiment d’incertitude et d’une ambivalence ou d’un cynisme importants quant à la destination de l’argent. D’accord. J’ai rédigé ce chèque et fait don de cette somme d’argent. Que lui est-il arrivé? Comment puis-je en faire le suivi? Où est-ce que cet argent a fini par aboutir?

Dans certains cas, il est difficile de quantifier, au moyen de mesures ou de rapports, l’efficacité d’un don. Certains organismes de bienfaisance sont scrutés à la loupe, car ils n’auraient pas dépensé leur argent efficacement. Ils pourraient dire qu’ils ont besoin de dépenser plus en marketing pour susciter des dons, ce qui est un coût légitime, et d’autres, qui sont mieux établis, sont mieux à même de connaître leurs coûts; il y a aussi ceux qui œuvrent davantage dans le domaine des catastrophes naturelles. Encore une fois, c’est un peu plus facile d’en parler.

Je pense que le phénomène que nous observons, plus particulièrement chez les personnes qui se tiennent en marge, c’est le désir non seulement d’une plus grande transparence, mais aussi d’une communication plus directe de la part des organisations au sujet de cette transparence. Est-il probable qu’elles aillent lire un rapport annuel afin de tenter de le découvrir par elles-mêmes? Peut-être pas. Pourraient-elles profiter d’une communication plus directe de la part de ces organisations, qui diraient voici en toute transparence comment nous dépensons votre argent? C’est possible.

Le président : Un moyen de contourner les hauts et les bas, pour les organismes de bienfaisance, c’est de mettre sur pied une bonne campagne de dons annuelle qui est fondée sur des engagements pluriannuels.

Notre période réservée à ce groupe de témoins est presque terminée. J’ai deux ou trois questions à poser.

Dans les renseignements qui nous ont été fournis, il est question du don annuel moyen en 2013 qui est de 531 $. Je veux savoir si cette somme a augmenté ou diminué.

Dans la deuxième partie du tableau, il est indiqué que 5,3 milliards de dollars ont été donnés à des organisations religieuses. Cette somme a-t-elle augmenté ou diminué? Je m’intéresse particulièrement à la question parce que la religion a commencé à susciter de moins en moins d’intérêt, surtout auprès des jeunes Canadiens. Cette tendance est-elle compensée par des dons plus importants de la part des Canadiens âgés?

M. Turcotte : En ce qui concerne la première question — la somme de 531 $ —, oui, c’est plus élevé. Le montant est plus élevé qu’en 2010.

Le président : De combien?

Le sénateur R. Black : Vous aviez dit 407 $.

Le président : Je suis désolé, je n’avais pas entendu cela. Merci.

M. Turcotte : En ce qui concerne la religion, depuis que nous avons commencé à recueillir ces données, ce type d’organisation a toujours été celui qui recueille le plus d’argent. Du point de vue des tendances, il n’y a eu aucune fluctuation importante au cours des dernières années.

La sénatrice Omidvar : Je m’excuse d’être en retard. C’était quelque chose de mineur, comme l’étude article par article du projet de loi C-45. Je suis heureuse d’être là. Je suis désolée si je vous pose des questions auxquelles vous pourriez avoir déjà répondu.

Je voulais vous poser une question au sujet d’une recommandation; M. Turcotte et d’autres représentants d’Imagine Canada ont proposé que les données sur les dons soient recueillies annuellement au lieu de ce que vous faites actuellement. Je crois savoir que la dernière collecte a eu lieu en 2013 et que ces données ont été publiées à la fin de 2014. Le Compte satellite des institutions sans but lucratif et du bénévolat a été produit pour la dernière fois en 2009 seulement, pour l’année 2007. Est-ce exact?

M. Turcotte : Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, les données sur les dons de bienfaisance publiées par Statistique Canada proviennent de deux sources. Les résultats de ce sondage constituent la première source, celle à laquelle j’ai prêté le plus d’attention aujourd’hui. Comme vous l’avez mentionné, c’était en 2013. Auparavant, il était mené tous les trois ans. Maintenant, le sondage fait partie de l’Enquête sociale générale, alors il sera réalisé tous les cinq ans.

La deuxième source de données, ce sont les données fiscales, donc les données administratives. Ces chiffres sont déjà publiés tous les ans.

Mme Best : Je voudrais aborder le moment de la collecte des données. Merci infiniment de votre question. Je pense que, lorsque l’on recueille des statistiques sociales, il y a toujours un équilibre très délicat à établir au moment de tenter d’utiliser judicieusement les ressources qui nous sont allouées en tant qu’organisme de statistique et de comprendre le fardeau que nous imposons aux répondants à nos sondages, qui sont très aimables de bien vouloir nous accorder de leur temps.

Nous entreprenons un examen de l’Enquête sociale générale. Nous nous demandons notamment à quelle fréquence les données devraient être recueillies et s’il existe des tendances sociales qui changent plus rapidement que d’autres. Actuellement, nous suivons un cycle quinquennal. Nous reconnaissons que ce cycle est peut-être suffisant pour nous permettre de surveiller les tendances au fil du temps. Peut-être que nous devons examiner d’autres points de données de façon plus ponctuelle.

La sénatrice Omidvar : Serait-il possible, si la volonté des politiciens et du public y était, de le faire une fois par année afin que nous puissions nous faire une idée des tendances annuelles en matière de dons dans un sous-secteur aussi important de l’économie?

Mme Best : J’ajouterais que si nous constations que ces tendances fluctuaient et estimions qu’il fallait être en mesure de les surveiller, parce que quand nous examinons des données comme celles qui portent sur la population active, nous savons que ces tendances changent de mois en mois et qu’il est important d’imposer ce fardeau aux répondants... Si nous découvrons que d’autres tendances ne changent pas, comme le niveau de scolarité le plus élevé, qui ne change pas chaque année, c’est le genre de questions sociales que nous posons lorsque nous étudions la fréquence de la collecte des données.

La sénatrice Omidvar : Selon les notes que j’ai sous les yeux, votre étude a révélé que les donateurs sont moins nombreux qu’auparavant, que la grande majorité des Canadiens versent des dons à des organismes de bienfaisance et sans but lucratif, mais que ce nombre diminue légèrement.

Dans quelle mesure pensez-vous qu’il s’agit d’un problème fédéral — les incitatifs fiscaux, la réglementation, et cetera —, et quelle part de ce problème est en fait lié à la publicité faite par les organismes de bienfaisance?

Mme Kurl : Je vous remercie, sénatrice. De mon point de vue, il s’agit davantage d’un écart au chapitre des intentions, d’une génération à l’autre, en ce qui concerne les raisons de faire des dons ainsi que la motivation et les facteurs incitatifs. Pourquoi les gens font-ils des dons, pourquoi n’en font-ils pas?

Ce que nous constatons, c’est que, oui, la majorité des Canadiens effectuent des dons. Les Canadiens âgés donnent plus d’argent. J’affirmerais que c’est parce que cette habitude de faire des dons leur a été inculquée pendant une plus longue période, sur le plan sociétal, au cours de leur vie. Que ces Canadiens aient fait partie de groupes confessionnels ou de clubs de services sociaux ou qu’ils aient reçu les enseignements de tels groupes ou clubs, ou bien qu’ils aient été scouts, louveteaux, louvettes ou guides, il y a toujours une volonté d’aider et de servir et, en effet, de verser des sommes d’argent pour appuyer ces bonnes intentions.

Nous observons maintenant de plus en plus, surtout au sein de la génération du millénaire, le désir de se retrousser les manches, de participer à un projet de bénévolat, sans nécessairement établir une correspondance entre les sommes d’argent et les activités bénévoles relativement au service et aux résultats. Voilà la façon de penser que nous observons chez les jeunes donateurs.

S’agit-il d’un problème de marketing? Je pense que le secteur caritatif peut trouver des moyens plus efficaces de communiquer le fait que l’argent compte autant que les heures et le service.

S’agit-il d’un problème d’incitatifs fiscaux? Mon collègue a parlé des répondants âgés de 15 à 34 ans et du fait de savoir si un incitatif fiscal était une bonne raison pour eux d’effectuer un don. Combien de jeunes de 15 ans connaissez-vous qui produisent des déclarations de revenus? Honnêtement, les Canadiens les plus jeunes n’ont pas cumulé suffisamment de richesses pour penser à des déductions à cette étape. Ils peuvent tout de même profiter d’incitatifs fiscaux à leur intention, destinés aux fourchettes de revenus inférieures.

Je ne pense pas que le rôle joué par les incitatifs fiscaux soit vraiment lié à un problème de planification financière. Il s’agit davantage d’un problème sociétal concernant la façon d’inciter les prochaines générations de Canadiens à renforcer et à faire jouer leurs muscles du don de soi et du don d’argent.

Le président : Je vais me prévaloir de la prérogative du président et poser la dernière question. Elle est directement liée à ce dont vous venez de parler, madame Kurl. Dans certains systèmes d’éducation au pays, les élèves doivent faire du bénévolat et participer à des activités-bénéfice dans le cadre de leur programme éducatif.

Avez-vous essayé de mesurer les effets de ces exigences au cours des années ultérieures? De toute évidence, je parle non pas de l’année qui suit la fin des études secondaires, mais des années suivantes. Avez-vous obtenu des données qui permettraient de cerner des différences entre une personne qui a suivi sa scolarité en Ontario et une autre qui l’a faite à Terre-Neuve-et-Labrador? Cette formation reçue au niveau secondaire a-t-elle un effet positif sur les choix que ces personnes font par la suite?

Mme Kurl : C’est une excellente question, sénateur. Assurément, notre mandat selon lequel nous devons continuer d’analyser ces questions au fil du temps fera en sorte que, sans aucun doute, nous mènerons une autre enquête cette année ou, assurément, en 2019.

Voilà. Il s’agit d’une question que nous pourrions très facilement examiner en mettant l’accent sur les jeunes donateurs et les jeunes Canadiens en général. Ont-ils perçu cette exigence quant au bénévolat comme une façon de les sensibiliser à l’importance d’appuyer des activités de bienfaisance en faisant non pas que du bénévolat, mais aussi des dons? Ont-ils plutôt perçu cette exigence comme une tâche à accomplir pour obtenir des crédits en vue de décrocher leur diplôme d’études secondaires, et ils n’y ont plus pensé par la suite?

C’est une excellente question, et je serais très emballée à l’idée d’effectuer une recherche sur ce sujet.

Mme Best : C’est en quelque sorte pour vous préparer à revenir la semaine prochaine.

Je vous remercie beaucoup de cette question, parce que, la semaine prochaine, nous viendrons témoigner à propos du bénévolat, et certaines des analyses que nous comptons présenter concernent ce groupe de bénévoles âgés de 15 à 19 ans.

Le président : Chers collègues, ne manquez pas la prochaine visite de Mme Best.

Mesdames et messieurs de Statistique Canada, et madame Kurl, de l’Institut Angus Reid, je vous remercie beaucoup. Ces échanges ont été très instructifs. Certaines personnes disent que les chiffres, ce n’est pas intéressant. Ceux que vous nous avez présentés étaient intéressants. Ils étaient très instructifs et ils seront utiles aux délibérations du comité.

Mesdames et messieurs, merci beaucoup.

Chers collègues, nous allons maintenant passer à l’autre groupe de témoins. Nous accueillons, par vidéoconférence depuis Kamloops, en Colombie-Britannique, Mme Laura Lamb, professeure agrégée, École de commerce et d’économie, Université Thompson Rivers. Nous accueillons aussi, en personne, Mme Kayla Smith, étudiante, faculté de droit, Université de Windsor. Je vous souhaite la bienvenue à toutes les deux.

Nous allons commencer par Mme Lamb. Comme vous le savez, nous avons donné comme consigne de ne pas dépasser 10 minutes, si possible. Nous passerons ensuite à la période de questions, et nous allons essayer de réaliser le plus de séries de questions possible.

Madame Lamb, vous avez la parole.

Laura Lamb, professeure agrégée, École de commerce et d’économie, Université Thompson Rivers, à titre personnel : Un collègue de recherche, M. Hossain, et moi-même avons publié environ cinq articles portant sur les dons de charité au Canada au cours des 10 dernières années. Nous nous penchons en particulier sur l’efficacité du crédit d’impôt.

L’article dont on m’a demandé de parler est l’un de nos articles diffusés récemment. Nous avons examiné l’efficacité du système de crédit d’impôt pour savoir si le système actuel incite à faire des dons plus importants. Nous avions aussi comme but d’examiner l’efficacité du système de crédit d’impôt par rapport à d’autres facteurs pouvant aussi inciter les personnes à faire un don de charité et influencer le montant du don.

Je vais résumer les résultats que nous avons obtenus. Je serai assez brève et vous pourrez ensuite me poser des questions.

Nous avons utilisé des données tirées de l’Enquête nationale sur le don, le bénévolat et la participation menée par Statistique Canada en 2010, qui avait comme population cible les Canadiens âgés de plus de 15 ans dans toutes les provinces du pays. L’échantillon compte environ 14 000 participants. C’est donc dire qu’il est assez important.

Selon les principaux résultats obtenus, le crédit d’impôt constitue une raison significative sur le plan statistique pour faire un don. Les participants qui ont déclaré que l’incitatif fiscal était important pour eux étaient plus susceptibles de faire un don par année plus important que ceux qui n’avaient pas fait cette affirmation.

Comme c’est le cas pour les résultats découlant d’autres recherches à ce sujet, le crédit d’impôt semble toujours être une variable significative sur le plan statistique. Les résultats ont montré que d’autres variables démographiques comme le revenu, l’éducation supérieure et la richesse, selon l’âge, ont aussi un effet important sur le montant des dons de charité. De fait, l’incidence tend à être plus marquée pour ces variables démographiques que pour le crédit d’impôt.

Je vais vous donner un peu plus de détails. Nous avons aussi examiné que les résultats de l’enquête portaient sur les deux taux de crédit d’impôt prévus par le système fiscal, soit un taux plus faible pour les dons jusqu’à 200 $, et un taux plus élevé pour les dons de plus de 200 $. Selon les résultats, les personnes qui déclarent que le crédit d’impôt est important en ce qui a trait aux dons sont plus susceptibles de faire des dons totalisant plus de 200 $ par année. Cela signifie que le taux supérieur du crédit d’impôt a un effet plus important sur la décision de donner que le taux inférieur du crédit d’impôt.

Sur le plan des effets, dans le cas de ménages ayant un revenu total de 40 000 $ ou plus, une augmentation du revenu a un effet plus important sur le montant total des dons annuels. Il s’agit d’un résultat significatif. Dans le cas des ménages où le revenu familial est de 100 000 $ ou plus, ces personnes sont environ 30 p. 100 plus susceptibles de faire un plus gros don, supérieur à 200 $, par rapport aux ménages ayant un revenu plus faible. L’effet lié au revenu est assez important, et nos résultats d’analyse statistique donnent à penser que ce facteur joue un rôle plus important que l’incitatif fiscal en ce qui concerne le montant que les gens donnent.

L’autre effet que nous avons examiné était lié à l’éducation, en particulier à l’éducation postsecondaire. Dans le cas des Canadiens ayant fait des études postsecondaires, le seul fait d’avoir atteint ce niveau de scolarité est lié à une plus grande capacité de don et à des dons plus importants. Ce facteur joue un rôle important quant au montant des dons.

La richesse est un autre facteur démographique examiné. Il semble avoir un effet plus important lié au crédit d’impôt. Nous avons utilisé l’âge comme variable pour établir par approximation la richesse. Les résultats montrent que les personnes âgées de 65 ans et plus sont environ 30 p. 100 plus susceptibles de faire des dons et de donner au total plus de 500 $ par année.

Pour ce qui est de l’effet, il semble que la richesse, le revenu et l’éducation postsecondaire et supérieure jouent un rôle très important quant à la décision de faire un don et au montant donné. Le crédit d’impôt joue aussi un rôle. Toutefois, l’effet marginal de ce facteur semble être plus petit.

Parmi les autres variables significatives — et celles-ci ont été examinées dans le cadre d’autres études et d’autres travaux que nous avons menés —, on compte, notamment, le statut de bénévole. Les personnes qui font du bénévolat sont aussi portées à donner plus d’argent. Elles ont tendance à entretenir un lien complémentaire. Les femmes donnent davantage, en moyenne, ainsi que les personnes qui ont des enfants d’âge scolaire et les personnes qui participent à des organisations confessionnelles et qui ont une pratique religieuse. On a conclu que ces variables étaient significatives par le passé.

Peu importe la façon dont on examine le crédit d’impôt, les résultats de la plupart des travaux montrent qu’il s’agit d’un facteur significatif sur le plan statistique qui influence la décision d’effectuer un don et le montant donné. Il y a un certain nombre d’autres facteurs qui jouent un rôle plus important.

Dans le cadre de quelques autres articles que nous avons rédigés, qui ne sont pas inclus dans celui qui fait l’objet de mon exposé, nous avons groupé les données sur les dons par secteur.

Quand on groupe les dons liés à la religion et qu’on les compare à tous les autres dons — disons les dons liés aux activités religieuses et les dons liés aux activités laïques —, il semble y avoir des différences aussi. Les résultats de travaux antérieurs nous ont permis de conclure que le crédit d’impôt joue un rôle beaucoup moins important dans le cas des dons versés à des organisations religieuses par rapport aux dons versés à des organisations laïques.

Quant à nos travaux les plus récents, nous sommes d’avis que les résultats sont assez conservateurs, parce qu’ils sont fondés sur des réponses à des questions portant sur les motivations et les raisons des personnes pour faire un don. Les participants avaient cinq ou six choix de réponses. Il existe un principe dans le domaine des enquêtes appelé le biais de désirabilité sociale. Il s’agit de l’idée que les personnes aiment donner des réponses qui les montrent sous un jour favorable. Les personnes sont moins susceptibles de mentionner le crédit d’impôt que des raisons comme le fait qu’il s’agit d’une cause qui leur est chère, qu’ils éprouvent de la compassion à l’égard des personnes dans le besoin ou qu’ils souhaitent faire un don à l’intention des membres de leur collectivité. Ce sont toutes des raisons qui sont très bonnes et valables. Quand les participants à une enquête sont plus susceptibles de choisir ce type de raison plutôt que le crédit d’impôt, cela a tendance à introduire un biais.

Je vais m’arrêter ici, et vous pourrez me poser des questions.

Le président : Nous allons maintenant passer à l’exposé de Mme Kayla Smith.

Kayla Smith, étudiante, faculté de droit, Université de Windsor, à titre personnel : Bonjour, mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs. Je vous remercie de me permettre de témoigner aujourd’hui. Je vais exposer mes conclusions et mes expériences personnelles relativement au secteur de la bienfaisance à titre de membre de la génération du millénaire.

On a entendu dire que les enfants du millénaire ne font pas de dons de charité. Je suis persuadée du contraire. J’aimerais expliquer une approche à deux volets que j’ai abordée dans un article de blogue rédigé pour le compte de l’organisme Imagine Canada l’été dernier et intitulé « The Why and How of Millennial Giving ». Je suis d’avis que cela nous aidera à mieux comprendre et à accroître la participation des membres de la génération du millénaire dans le secteur de la bienfaisance.

Le premier volet porte sur une approche fondée sur les valeurs. Il est axé sur les raisons. Le deuxième volet met en lumière des outils concrets qui sont centrés sur la façon de renforcer le lien qu’entretiennent les enfants du millénaire avec le fait de donner à des organismes à but non lucratif.

Mes travaux s’appuient sur les activités de l’organisation Millennial Impact Project, établie aux États-Unis, et sur un rapport diffusé par Imagine Canada intitulé 30 Years of Giving in Canada.

Dans le cadre du premier volet, on examine trois valeurs : l’authenticité de l’inspiration, la transparence et la communication des résultats.

En ce qui concerne l’authenticité de l’inspiration, je suis d’avis que les membres de la génération du millénaire accordent beaucoup d’importance aux relations significatives, et qu’ils sont plus susceptibles de faire un don lorsqu’ils sont touchés par une histoire vécue. Nous sommes une génération de gens remplis de compassion et d’empathie, motivés en grande partie par la croyance en une cause plutôt que, parfois, par une organisation en particulier. Quand les responsables d’organismes à but non lucratif sont sincères à propos de la cause qu’ils défendent, cela peut provoquer un désir véritable de participation chez les membres de la génération du millénaire.

La prochaine valeur est la transparence. Il est vrai que les membres de la génération du millénaire ne sont pas nécessairement en mesure de faire beaucoup de dons à cette période-ci de leur vie, en raison des frais de scolarité, de la dette étudiante, et ainsi de suite. C’est pourquoi il est essentiel pour les personnes de cette génération de voir où va l’argent de leurs dons, et de comprendre de quelle façon ils peuvent apporter leur aide de façon tangible. En ce qui concerne les enfants du millénaire, il est très important d’établir la confiance, parce que cela permet de faire en sorte que la capacité de gain des membres de cette génération se traduise par des dons à l’avenir.

La communication des résultats constitue la dernière valeur. Les enfants du millénaire peuvent être motivés par les résultats. C’est pourquoi il est important pour eux de pouvoir constater les résultats de leurs gestes. La technologie a permis aux enfants du millénaire de diffuser largement et rapidement des récits au moyen des différentes plateformes de médias sociaux, ce qui produit un effet domino quant à la mobilisation à l’égard d’une cause.

Voici un exemple tiré de mon expérience personnelle. L’été dernier, quand j’ai participé à un voyage de bienfaisance à l’étranger, j’étais heureuse non seulement de donner de mes ressources financières à l’organisation hôte, mais aussi de donner de mon temps, de mon énergie et d’offrir mes services. La cause était pour moi une source véritable d’inspiration, et j’étais en mesure de constater l’utilisation faite de mon don et de communiquer les résultats qui en découlaient.

Dans le deuxième volet, en ce qui concerne les outils de financement, je vais souligner quatre moyens à examiner. Dans le blogue que j’ai évoqué, on mentionne les services de paiement mobiles. Presque tous les membres de la génération du millénaire possèdent un ou deux téléphones intelligents. Nous sommes d’avis que les applications compatibles avec les appareils mobiles sont adaptées aux membres de cette génération, parce qu’elles permettent de faire des dons de façon pratique et efficace. Voilà qui constitue le premier moyen.

Le deuxième moyen concerne les dons effectués en ligne et à l’aide de médias sociaux. Les membres de la génération du millénaire utilisent vraiment les médias sociaux, le Web social et les outils de recherche et ils comptent sur l’accès instantané à la technologie. Selon le rapport de l’organisme Imagine Canada, notre génération arrive au premier rang en matière de sociofinancement et d’initiatives menées en ligne.

Les dons mensuels constituent le troisième moyen. Celui-ci se classe un peu moins bien au chapitre des stratégies. Toutefois, il offre de la stabilité, en permettant de faire de plus petits dons à une fréquence plus élevée.

Le quatrième moyen est lié aux anniversaires, aux congés et aux événements spéciaux. Depuis peu, les enfants du millénaire demandent à leurs proches de faire des dons au lieu de leur donner des cadeaux à l’occasion de leur anniversaire, de leur mariage ou d’événements spéciaux. Cela pourrait constituer un élément d’une nouvelle stratégie que nous pouvons continuer de mettre en œuvre.

En terminant, j’aimerais formuler quatre recommandations. La première concerne les autres formes de don. Il importe de tirer profit des compétences professionnelles et de l’expertise des milléniaux afin de faciliter les autres formes de don. N’oublions pas que le don n’est pas obligatoirement d’ordre monétaire. Les milléniaux en particulier peuvent donner autre chose que de l’argent. Encore une fois, compte tenu du temps, de l’énergie et des ressources, les milléniaux sont la génération la plus éduquée. Nous avons beaucoup d’expertise que nous pouvons partager.

Ma deuxième recommandation vise l’investissement. Il est important d’investir dans les organismes jeunesse sans but lucratif afin de favoriser la participation, le réseautage et le leadership continu.

La troisième recommandation porte sur l’inspiration. Cela suppose de faire valoir les causes, les mouvements et les questions sociales qu’une organisation donnée soutient.

Ma dernière recommandation s’applique à la confiance et à la transparence au chapitre de la technologie. Lorsque nous tirons parti de la technologie, nous pouvons mobiliser les milléniaux d’une manière très concrète pour qu’ils puissent voir de quelle façon leur contribution réussit à changer les choses, même de loin. Ils peuvent le constater et même le faire à l’école dès leur jeune âge.

En terminant, j’aimerais que le comité et le Sénat soient ouverts au changement afin de profiter de nouvelles occasions. Les milléniaux sont en train de changer la façon traditionnelle de faire des dons. Il faut être souple, capable de s’adapter et novateur afin de favoriser les possibilités de donner de façons nouvelles et différentes et de continuer à tenir des discussions comme celle que nous tenons actuellement avec d’autres milléniaux afin de mieux comprendre comment et pourquoi ils font des dons. Merci.

Le président : Merci beaucoup, madame Lamb et madame Smith. Vous avez toutes deux présenté des exposés qui donnent matière à réflexion. Nous allons maintenant passer à la période de questions.

J’aimerais poser une question à Mme Smith. Je me renseigne à ce sujet auprès de la plupart des témoins ici que nous entendons qui peuvent avoir de l’information. Dans certaines administrations, le bénévolat et la participation à des activités de financement sont obligatoires dans les écoles secondaires pour obtenir son diplôme.

Dans le cadre de vos études et avec vos collègues à l’Université de Windsor, cette pratique a-t-elle entraîné les résultats que les gens souhaitent, à mon avis, c’est-à-dire des jeunes mieux instruits qui comprennent le travail des organismes de bienfaisance et qui participent au bénévolat et aux dons?

Mme Smith : Merci de la question, sénateur Mercer. C’est un bon départ. Lorsque je fréquentais l’école secondaire, il était obligatoire de faire au moins 40 heures de bénévolat pour obtenir son diplôme. Il y avait des élèves qui ne prenaient pas nécessairement cela au sérieux et qui essayaient seulement d’atteindre le nombre minimal d’heures. Cela ne les a pas nécessairement encouragés à redonner à la collectivité ou à avoir à cœur le secteur de la bienfaisance.

Quant à l’éducation postsecondaire, le bénévolat n’est pas nécessaire ou obligatoire.

Je dirais que c’est une façon d’amener les étudiants à commencer à penser au bénévolat, mais encore plus tôt, comme à l’école élémentaire. Il importerait d’amener beaucoup plus les écoliers dès leur jeune âge à penser au bénévolat et à redonner; il faut le faire non pas seulement en classe, mais aussi aider chaque personne à s’intéresser au secteur de la bienfaisance.

La sénatrice Omidvar : J’ai une question pour nos deux merveilleuses témoins. Merci beaucoup.

Madame Lamb, j’ai une question pour vous. Je vais faire une remarque et ensuite essayer d’obtenir une réponse de votre part.

Il y a une tendance vers l’augmentation de mesures incitatives pour les dons de bienfaisance, comme l’exemption pour gains en capital qui s’applique aux dons de biens, et cetera. Même si ces mesures génèrent plus de dons de la part des donateurs, la plupart des dons semblent habituellement être concentrés dans un certain secteur de la société. La plus grande partie des dons vont aux universités, aux hôpitaux, aux musées, et cetera.

Vous avez affirmé, dans un article, une idée assez provocatrice selon laquelle on devrait adapter les crédits d’impôt aux préférences et aux besoins de la société en établissant des taux de crédits d’impôt uniques pour les différents secteurs. J’aimerais avoir votre opinion sur ce sujet. Pensez-vous toujours la même chose qu’en 2012, année de votre article?

Mme Lamb : Deux ou trois recherches que nous avons réalisées montrent qu’il y a une réaction différente à l’égard des crédits d’impôt pour les dons faits dans différents secteurs. Selon ce comportement que nous observons dans la société canadienne, il semble raisonnable qu’on puisse établir différents crédits d’impôt pour différents types de dons.

Sur le plan pratique, cela complique davantage le système, et c’est probablement très subjectif. Je ne sais pas si c’est souhaitable sur le plan politique, mais sur le plan économique, l’analyse statistique indique que les crédits d’impôt ont une plus grande incidence sur certains secteurs que d’autres.

Prenons par exemple les dons faits à une organisation religieuse. Quelques études que nous avons effectuées ont révélé que le crédit d’impôt joue un rôle très modeste dans les dons faits à des organisations religieuses en comparaison de dons à des organismes de services sociaux, à des organisations internationales ou même à des organisations de recherche en santé.

Des réactions différentes donnent à penser qu’on pourrait utiliser l’information à titre d’outil afin d’essayer d’encourager les dons dans certains secteurs.

Le président : Pourrais-je préciser une chose avant de revenir à la sénatrice Omidvar?

L’utilisation du terme « crédit d’impôt » peut porter un peu à confusion dans le contexte d’organismes de bienfaisance. Un don à un organisme de bienfaisance est une déduction fiscale, et non un crédit. Un don à un parti politique est un crédit d’impôt. C’est en réalité une déduction de l’impôt dû, alors que la déduction passe dans le système et n’est pas aussi avantageuse qu’un crédit d’impôt que vous recevez pour un don à un parti politique.

Je voulais simplement vous demander, madame Lamb, dans quel contexte vous utilisez le mot « crédit ».

Mme Lamb : Dans notre régime d’impôt sur le revenu, l’incitatif pour le don de bienfaisance est présenté comme un crédit d’impôt plutôt qu’une déduction. Autrement dit, une déduction fiscale dans notre régime d’impôt sur le revenu est un avantage qui est fondé sur votre taux marginal d’imposition du revenu, mais ce n’est pas la façon dont fonctionne l’incitatif fiscal. Il est établi selon un crédit pourcentuel qui varie d’une province à l’autre. Il y a deux ordres de gouvernement dans chaque province. Dans le monde de la comptabilité, on considère cela comme un crédit.

Le président : Nous revenons à vous, sénatrice Omidvar. Je suis désolé de vous avoir interrompu.

La sénatrice Omidvar : Ça va. C’est une bonne chose de s’assurer d’avoir les bonnes définitions.

Merci, madame Smith, de l’intérêt que vous portez à un secteur qui, je l’espère, mobilise plus de jeunes comme vous.

Pouvez-vous me confirmer — je crois que vous l’avez dit — que les jeunes ne souhaitent pas tant obtenir un reçu officiel? C’est la cause qui les motive. Est-il important pour eux que leur cause soit liée à une institution, et que cette institution ou organisation, peu importe sa taille, soit un organisme de bienfaisance ou un organisme à but non lucratif?

Mme Smith : Merci de votre question. Juste pour préciser, je n’ai pas affirmé que le fait d’obtenir des reçus officiels ou des crédits d’impôt n’intéresse pas nécessairement les jeunes. Ce que j’aimerais dire, c’est que les milléniaux sont davantage passionnés par des causes et des questions sociales qui transcendent parfois les institutions ou les organisations, les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif.

Par exemple, il peut y avoir plusieurs organisations, mais ce qui va attirer davantage les milléniaux plus que d’autres générations, c’est la véritable cause ou le véritable mouvement.

Je crois que, parfois, il y a une différence; les jeunes examinent les organismes de bienfaisance par rapport aux organismes à but non lucratif, et le fait de recevoir des reçus officiels. Je ne dirais pas que cela ne les intéresse pas.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Le sénateur R. Black : Merci de votre témoignage. J’ai posé cette question plus tôt et j’aimerais avoir votre point de vue.

Tout d’abord, parlons de l’idée du super crédit pour premier don de bienfaisance qui ajouterait un supplément de 25 p. 100 pour les dons de bienfaisance par un donateur qui en est à son premier don. Ce programme est arrivé à échéance à la fin de l’année financière 2017.

Avez-vous des réflexions ou des commentaires sur la valeur et l’effet qu’il a pu avoir? Je m’adresse à vous deux, mesdames Lamb et Smith?

Mme Lamb : Je n’ai vu aucune donnée là-dessus. Je ne connais vraiment pas le degré d’efficacité du programme. Il est difficile de me prononcer. Je ne sais pas quel type d’effet il a eu.

Lorsqu’on a annoncé le changement de politique, je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait une très grande différence, mais, comme je l’ai dit, je n’ai vu aucune donnée sur ce sujet. Je ne peux vraiment pas m’avancer là-dessus.

Mme Smith : Je n’ai pas non plus de données qui me permettraient de faire un commentaire à ce sujet.

Le sénateur R. Black : D’accord. Merci.

Ma deuxième question porte sur les groupes de donateurs. Dans ma collectivité, je connais deux groupes dans la région qui se réunissent une fois par trimestre et apportent un chèque. Il y a un groupe de 50 à 100 personnes qui assistent à notre réunion et qui parlent de leur organisme à but non lucratif ou de leur organisme de bienfaisance. Ensuite, ce groupe de personnes se divise l’argent. Les gens peuvent donner jusqu’à 10 000 $ en une soirée. Je les appelle groupes de donateurs. J’en connais deux dans ma collectivité.

Observez-vous cette tendance, ou est-ce que c’est seulement chez moi que cela se passe? Encore une fois, la question s’adresse à vous deux.

Mme Lamb : Encore une fois, je n’ai vu aucune statistique là-dessus. C’est intéressant. D’ailleurs, il y a un lien avec d’autres aspects que j’ai observés qui sont importants en ce qui concerne les dons de bienfaisance. Cela concerne le concept de capital social et de réseautage. Lorsque les gens font des choses et s’organisent en groupe, ils créent et partagent une sorte d’élan. Je crois que des recherches similaires montrent que ces initiatives ont effectivement un effet positif.

Par exemple, le taux de bénévolat tend à être plus élevé chez les adultes qui font partie d’organisations — même s’il ne s’agit pas d’organismes à but non lucratif —, qui siègent à des comités, qui font partie de groupes qui participent à différentes organisations familiales et qui font du bénévolat. Cela donne à penser que les gens qui font du réseautage semblent donner davantage.

Cela va encore plus loin et revient à quelque chose qu’a dit Kayla un peu plus tôt.

Mon partenaire de recherche et moi-même avons publié un article sur l’effet de la participation des jeunes à des activités; nous avons constaté que les jeunes, s’ils adhéraient à une association étudiante, pratiquaient des sports ou faisaient partie de clubs d’enfants ou d’adolescents, avaient tendance à faire davantage de dons de bienfaisance lorsqu’ils étaient adultes. Je crois que l’aspect social et l’aspect de regroupement sont importants.

Pour ce qui est de l’idée des groupes de donateurs, comme je l’ai dit, je n’ai vu aucune statistique là-dessus. Je crois que c’est très intéressant et qu’il vaut la peine d’examiner davantage cet aspect.

Mme Smith : Selon les recherches que j’ai réalisées, je n’ai pas vraiment de statistiques sur les groupes de donateurs. J’ai examiné les différentes façons incitant les jeunes à donner davantage à des organisations religieuses. Ce que nous constatons, c’est une sorte de ralliement autour de groupes confessionnels, en particulier de groupes de donateurs, de même que d’associations scolaires et de clubs, comme l’a souligné Mme Lamb. On constate que les jeunes qui font partie d’associations étudiantes et qui exercent des activités parascolaires font plus de bénévolat.

Le président : Je devrais vous dire, sénateur Black, que, dans ma collectivité, il y avait des groupes de donateurs comme ceux-là, mais un groupe a fait quelque chose de différent qui était assez intéressant. Certaines personnes se sont réunies, ont recueilli de l’argent et ont ensuite mis au défi quatre écoles, non pas des organismes à but non lucratif, mais bien quatre écoles, de préparer un discours afin de recueillir l’argent pour la cause de leur choix. J’étais présent lorsqu’on a remis le prix. C’était une merveilleuse présentation. C’était très émotif et très inspirant de voir le travail de ces jeunes. Il s’agissait d’élèves assez jeunes. Je dirais qu’ils étaient au début du secondaire. C’était une autre chose intéressante.

Le sénateur R. Black : Merci.

La sénatrice Martin : Merci à vous deux de vos exposés. Ma question s’adresse à Mme Smith. Je pense à vos commentaires sur les milléniaux, à ce qui suscite leur passion ou à ce qui vous passionne. Vos priorités et vos commentaires sont très utiles.

Ce qui m’intéresse, c’est le rôle des médias et la façon dont on parle des questions aux nouvelles et dans les médias traditionnels. J’ai une fille qui ne regarde pas vraiment la télévision en tant que telle; je suis curieuse, lorsque vous parliez de dons en ligne et de médias sociaux, obtenez-vous votre information de sources du monde numérique très différentes de la télévision conventionnelle? Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur la façon dont vous obtenez le type d’information qui peut vous inspirer à agir relativement à certaines questions?

Mme Smith : Comme milléniaux, je crois que nous obtenons notre information de manières non traditionnelles, des médias sociaux en particulier. Au lieu de lire le journal ou de regarder les nouvelles de 18 heures à la télévision, j’obtiens les nouvelles sur Twitter, Instagram et Facebook parfois même plus rapidement que ma famille peut les avoir à la télévision. C’est une façon pour les milléniaux de participer à des discussions concrètes en ligne sur des sujets pertinents d’actualité. Il s’agit quand même de nouvelles, mais sur une plateforme numérique. Je reçois peut-être l’avis sur mon téléphone, mais c’est la même chose que ce que mes parents regardent la télévision.

Il y a tout un éventail de possibilités. Je ne veux pas généraliser parce qu’il s’agit d’une grande catégorie et que certaines personnes regardent encore la télévision. Je sais que nombre de jeunes sont davantage attirés par les médias sociaux pour obtenir leur information.

La sénatrice Martin : Vous avez décrit les dons des milléniaux et diverses méthodes pour les faire. Diriez-vous que la participation des milléniaux, particulièrement ceux qui occupent des rôles de leadership au sein d’organismes de bienfaisance et d’organismes à but non lucratif, est la façon dont vous générez des fonds et/ou soutenez des causes? D’après vous, est-ce que c’est en train d’évoluer? Comment pouvons-nous rapprocher les façons de faire traditionnelles des nouvelles pratiques afin de nous assurer de travailler et d’avoir une incidence ensemble?

Mme Smith : Il s’agit de combler les écarts parce que les milléniaux sont enclins à aller vers la technologie. Les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif rendent leur site web plus convivial et mettent en œuvre des services de paiement mobiles, par exemple, pour que les jeunes puissent faire des dons en ligne alors que d’autres peuvent encore envoyer leurs dons par la poste. Il faut également mobiliser les jeunes au moyen des médias sociaux au lieu du porte-à-porte traditionnel, par exemple, parce que c’est là où nous allons entendre parler de l’initiative de l’organisme de bienfaisance.

Il faut combler les écarts, et je crois que les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif peuvent être en mesure de le faire et d’apporter ces changements en embauchant des milléniaux dans leur organisme afin d’aider à mettre en œuvre ce changement.

La sénatrice Martin : Merci.

Le sénateur Duffy : Merci à nos deux témoins.

Madame Lamb, selon vos recherches et vu le fait que vous êtes membre du personnel de la School of Business and Economics de la Thompson Rivers University, nous avons un secteur de la haute technologie en pleine croissance dans la région d’Ottawa. Les gens qui travaillent pour un organisme de bienfaisance dans la région me disent qu’ils rencontrent souvent des personnes nouvellement riches dans le secteur de la haute technologie qui disent qu’elles ne donnent pas à des organismes de bienfaisance, qu’elles créent des emplois. Elles n’ont pas la même culture du don que celle des personnes fortunées plus âgées, et les statistiques semblent démontrer que ces dernières sont susceptibles de donner plus d’argent.

Vos étudiants à l’école commerciale croient-ils, en général, que leur travail est de bâtir des entreprises et de la richesse et de laisser aux employés le choix de participer aux dons?

Mme Lamb : C’est intéressant. Je l’ai constaté dans le cadre d’un travail de consultation que j’ai réalisé pour Centraide. Vous avez une assez grande entreprise comptant beaucoup d’employés, et, lorsque vient le temps de la campagne de Centraide, elle encourage ses employés à donner, mais l’entreprise elle-même ne donne pas beaucoup. On pourrait faire quelque chose à cet égard.

À mon avis, une des raisons pour lesquelles il y a une corrélation entre les dons et l’âge ne tient pas seulement à l’âge, mais également à l’accumulation de richesse. Peut-être que certains jeunes entrepreneurs qui réussissent ne sont pas encore rendus à l’étape de leur vie où ils sont prêts à donner s’ils utilisent leur argent pour bâtir leur entreprise. Nous pouvons espérer que, lorsqu’ils arriveront à l’âge de 50 ou 60 ans, leurs valeurs changeront, et ils voudront faire des dons et désireront que des écoles de commerce portent leur nom.

Le sénateur Duffy : Certains d’entre nous ont eu des problèmes de maladie du cœur, et laissez-moi vous dire qu’il n’y a rien comme une crise cardiaque pour vous faire apprécier l’importance de donner à votre hôpital local ou à quiconque vous fournit des soins de santé. C’est également lié à l’âge, j’imagine.

Kayla, qu’en est-il de vos collègues? Désirent-ils être comme vous ou certains d’entre eux disent qu’ils sont trop occupés à bâtir leur avenir et qu’ils s’en occuperont plus tard?

Mme Smith : Je suis également tombée dans ces pièges. Lorsqu’on est étudiant, c’est un âge difficile parce qu’on essaie de se concentrer sur ses études, de même que sur ses activités parascolaires et son perfectionnement professionnel. Les milléniaux en particulier se trouvent dans une situation particulière parce qu’ils savent qu’ils doivent redonner afin de pouvoir parfois s’assurer d’avoir une carrière idéale.

Toutefois, il y a toujours la pression découlant des moyennes générales, des bourses et des choses qui demandent beaucoup de temps.

Je dirais que cela varie. Beaucoup de milléniaux éprouvent des difficultés à réconcilier « Combien de temps ai-je? » et « Combien d’argent puis-je vraiment donner? Je pourrais travailler, économiser de l’argent et l’utiliser pour m’occuper de mes obligations. » Je suis moi-même également passée par là.

C’est merveilleux lorsque les écoles peuvent nous permettre de trouver un équilibre afin de comprendre l’importance de participer aux activités de notre collectivité tout en poursuivant nos études. C’est ce que j’ai vécu à la Faculté de droit de l’Université de Windsor, où nous nous penchons beaucoup sur la justice sociale. Nous ne nous concentrons pas seulement sur nos résultats scolaires, mais nous participons également à la défense de la justice sociale.

Le sénateur Duffy : C’est excellent. Il y a peut-être 20 ans, on a rédigé des articles qui prédisaient un conflit intergénérationnel, du fait que les baby-boomers allaient vieillir, prendre leur retraite et compter sur votre génération pour payer leurs factures.

Considérez-vous que c’est le cas maintenant, qu’une partie de votre génération dit « Il ne nous revient pas de nous occuper des vieux », comme on dit dans la langue courante?

Mme Smith : Il s’agit d’une question complexe qui comporte plusieurs volets. Il y a également un élément culturel. Je ne crois pas qu’il serait judicieux de seulement répondre du point de vue du secteur de la bienfaisance. Il y a beaucoup d’autres facteurs en ce qui concerne le fait de vouloir que ses parents s’occupent de ce dont ils ont besoin de s’occuper afin qu’ils puissent ensuite se concentrer sur eux-mêmes. On dit que nous avons tendance à être ingrats et égocentriques. Je crois que nous devrions examiner de nombreux autres facteurs afin de vraiment pouvoir bien répondre à la question.

Le sénateur Duffy : Madame Lamb, avez-vous quelque chose à dire sur ce conflit intergénérationnel? Comment allons-nous pouvoir jeter ces ponts? Lorsqu’on examine le bilan national, on se dit que cela ne pourra pas durer.

Mme Lamb : Deux choses me viennent à l’esprit. La première est l’importance de l’immigration. Le taux de fécondité canadien est bas. Les rapports de dépendance sont de plus en plus élevés pour ce qui est du nombre de jeunes qui paieront de l’impôt et contribueront au RPC en comparaison des personnes qui bénéficieront de prestations. Voilà un aspect.

Un autre aspect est que, récemment, on a publié beaucoup d’études sur la façon dont les parents soutiennent financièrement leurs enfants beaucoup plus longtemps qu’auparavant. On a également observé une inversion du rapport de dépendance. Nous parlons des jeunes adultes qui demeurent avec leurs parents plus longtemps. Cela peut être lié en partie aux prix de l’immobilier ou à différents aspects. Ce sont deux facteurs qui me viennent à l’esprit.

Le sénateur Duffy : Merci.

La sénatrice Omidvar : Nous avons tenu des discussions ici au comité sur la nécessité d’avoir quelqu’un au Canada, préférablement une personne qui possède des leviers politiques et financiers, qui soit le champion et l’ambassadeur des organismes de bienfaisance afin que les gens soient au courant du bon travail de ces organismes.

D’après vous, est-ce que cela aiderait?

Mme Smith : Cela peut aider. Lorsqu’on est en mesure d’associer une personne en particulier à un mandat, nous avons tendance à vouloir obtenir des résultats fondés sur des données probantes. Lorsqu’une personne peut gérer un portefeuille et que nous pouvons examiner, analyser et suivre les données, cela peut être bénéfique et encourager les jeunes à participer davantage, sachant qu’il s’agit d’une priorité et d’un centre d’intérêt, et non quelque chose de général, mais des dons qui vont régler des problèmes précis. C’est un élément sur lequel nous nous concentrons en réalité. Je dirais que cela peut aider.

Mme Lamb : Oui, absolument, cela pourrait aider, sur deux ou trois plans.

L’un d’eux serait de sensibiliser l’opinion publique au besoin. Parfois, je crois que les gens ont l’impression que le gouvernement fait davantage de surveillance qu’il ne le fait réellement en ce qui concerne les dons, les services sociaux et ces types d’aspects. Je crois que la sensibilisation au besoin est importante.

Un autre aspect serait de briser les mythes concernant le secteur de la bienfaisance. On entend des gens invoquer l’excuse de ne pas être certains de savoir si l’argent se rend au bon endroit, si on dépense trop en frais d’administration et si l’argent sert à payer des salaires élevés et ce type de choses pour ne pas donner ou ne pas donner davantage. Je crois qu’il serait utile de publier des renseignements concrets de qualité.

Qui plus est, il faut commencer par éduquer les enfants et les jeunes au lieu de s’occuper seulement sur la population adulte actuelle, afin de se concentrer sur les futurs donateurs. À mon avis, on pourrait faire beaucoup plus au chapitre de la sensibilisation afin d’avoir davantage de citoyens donateurs dans l’avenir.

Le président : Chers collègues, merci à tous de vos questions.

Madame Lamb, merci de votre exposé et de votre participation. Nous apprécions votre temps.

Kayla Smith, merci. Vous avez énormément enrichi la discussion. Nous sommes heureux de voir que les jeunes prennent enfin position dans le débat. Merci beaucoup de votre temps.

(La séance est levée.)

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