LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 7 février 2019
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures, pour étudier le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis sénatrice du Québec et présidente de ce comité. Je demanderais aux sénatrices et sénateurs qui sont autour de la table de bien vouloir se présenter.
[Français]
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.
La sénatrice McCoy : Elaine McCoy, de l’Alberta.
Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l’Alberta.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, sénateur du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Simons : Paula Simons, de l’Alberta.
Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, territoire du Traité no 6, Alberta.
La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, territoire du Traité no 10, région du Manitoba.
Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.
La présidente : Distingués collègues, aujourd’hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.
Pour l’occasion, nous accueillons, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Mme Rumina Velshi, présidente et chef de la direction, ainsi que M. Mike Rinker, directeur général, Directionde l’évaluation et de la protectionenvironnementales et radiologiques. Et, de l’Office national de l’énergie, nous recevons Mme Sandy Lapointe, première vice-présidente, Réglementation, M. Jim Fox, vice-président, Intégration de l’information sur l’énergie et de l’analyse et M. Robert Steedman, spécialiste en chef, Environnement.
Merci à vous tous d’être venus. Je vais maintenant vous demander de nous livrer vos déclarations liminaires respectives. Ensuite, nous allons passer aux questions des membres du comité.
[Français]
Rumina Velshi, présidente et chef de la direction, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Bonjour, madame la présidente et membres du comité.
Je m’appelle Rumina Velshi et je suis présidente et première dirigeante de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN.
Je suis accompagnée ce matin de M. Mike Rinker, directeur général de la Direction de l’évaluation et de la protection environnementales et radiologiques de Lawson.
[Traduction]
Avant de poursuivre, je tiens à souligner que les terres sur lesquellesnous sommes rassemblés font partie du territoire ancestral non cédé dupeuple algonquin.
Je suis devenue première dirigeante en août 2018. Avant cette date, j’ai siégé à la Commission de la CCSN pendant six ans. J’ai travaillé dans le secteur nucléaire du Canada pendant plus de 30 ans, occupant des postes de scientifique, d’ingénieure nucléaire et de gestionnaire auprès d’Ontario Hydro et d’Ontario Power Generation.
Merci de m’avoir invitée à vous présenter des commentaires sur le projet de loi C-69. Je tiens à affirmer dès le départ que la CCSN appuie l’intention du gouvernement d’améliorer le processus d’évaluation d’impact. Nous ferons tout en notre pouvoir pour soutenir une transition et une mise en œuvre réussies. Afin de bien mettre en œuvre ce nouveau processus, il faudra collaborer étroitement et continuellement avec nos partenaires gouvernementaux.
La CCSN est un tribunal administratif quasi judiciaire indépendant dont les décisions sont fondées sur la science et ne sont pas assujetties à un examen politique ou gouvernemental. Seule la Cour fédérale peut réviser les décisions de la Commission.
La CCSN accomplit le mandat qui lui est conféré par la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, ou LSRN, et elle rend compte au Parlement par l’entremise du ministre des Ressources naturelles. Nous sommes chargés de réglementer tout ce qui a trait au nucléaire au Canada. Notre mandat consiste à préserver la santé, la sûreté et la sécurité et de protéger l’environnement; de respecter les engagements internationaux du Canada à l’égard de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire; et de diffuser de l’information au public. Ce mandat est clair, et nous le remplissons fidèlement depuis plus de 70 ans.
Le secteur nucléaire du Canada est vaste, et il englobe notamment l’extraction minière de l’uranium, les réacteurs nucléaires, la médecine nucléaire, les applications industrielles des technologies nucléaires et la gestion sécuritaire des déchets nucléaires.
Le projet de loi C-69 ne modifie ni la LSRN, ni les pouvoirs de la Commission à l’égard de l’autorisation et de la réglementation du cycle de vie des installations nucléaires. Par conséquent, le projet de loi maintient l’indépendance de la Commission ainsi que son rôle, qui consiste à veiller à l’exploitation sûre et sécuritaire des installations nucléaires du Canada, et ce, tout au long de leur cycle de vie.
Le projet de loi C-69 comprend néanmoins un grand changement pour la CCSN. À l’heure actuelle, la CCSN réalise toutes les évaluations environnementales des projets nucléaires, y compris les projets désignés. Le projet de loi C-69 propose que ces évaluations, qui seraient appelées évaluations d’impact pour les projets nucléaires désignés, soient effectuées par une commission d’examen établie par le ministre de l’Environnement et du Changement climatique.
Cette commission d’examen comprendrait au moins un commissaire de la CCSN. Dans ce contexte, il serait très important que la commission d’examen, la CCSN et la nouvelle Agence canadienne d’évaluation d’impact travaillent en étroite collaboration et mettent en commun leur expertise.
Afin d’appuyer le principe « un projet, une évaluation », l’évaluation d’impact présentée par la commission d’examen doit pouvoir servir de fondement adéquat à toutes les décisions requises. Cela inclut la décision que doit prendre le gouverneur en conseil en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact, à savoir si certains effets d’un projet relevant d’un domaine de compétence fédérale sont dans l’intérêt public. Cela comprend aussi la décision de la Commission de la CCSN relative à la délivrance d’un permis en vertu de la LSRN, comme un permis de préparation d’un site.
Autrement dit, il faudrait qu’une seule évaluation serve à deux autorités distinctes qui jouent des rôles distincts et prennent des décisions qui se complètent — mais qui sont différentes. Ensemble, la CCSN et la nouvelle Agence peuvent soutenir un système de réglementation rigoureux, efficient et efficace.
Pour appuyer le principe « un projet, une évaluation », nous voulons mettre en place un processus entièrement intégré qui permettrait aux commissions d’examen des projets nucléaires désignés de formuler des recommandations quant aux impacts et de prendre des décisions d’autorisation.
Pour ce faire, une commission d’examen doit également être constituée d’une formation de la Commission en vertu de la LSRN, laquelle prendrait une décision d’autorisation après la décision à l’égard de l’évaluation d’impact.
Les décisions d’autorisation de la Commission de la CCSN doivent tenir compte de plusieurs éléments outre la santé, la sûreté et l’environnement, comme la sécurité, la non-prolifération internationale, le génie nucléaire et les garanties financières. Le succès d’un unique processus d’examen intégré repose sur un examen fondé sur la science et sur des preuves assez solides pour servir de fondement à toutes les décisions requises — y compris les décisions d’autorisation.
En tant qu’organisme de réglementation du cycle de vie, nous serons ici pour longtemps. Nous sommes aussi la seule entité gouvernementale qui possède une importante expertise nucléaire. Notre entière participation tout au long du processus d’évaluation d’impact des projets nucléaires sera donc essentielle.
Nous devons aussi être inclus dès le début des activités de mobilisation ou de consultation des Autochtones. Nous considérons également qu’il faut continuer à encourager la participation du public et des parties intéressées au processus. Il s’agit de relations qui sont importantes pour nous, et nous voulons continuer à les entretenir bien après l’évaluation d’impact et la prise des premières décisions d’autorisation.
Pour conclure, la CCSN possède l’expertise et la capacité requises pour appuyer le processus d’évaluation d’impact proposé. Nous entretenons depuis longtemps des liens étroits et positifs avec nos partenaires gouvernementaux. Ces liens seront importants au moment d’entamer les travaux avec l’Agence canadienne d’évaluation d’impact et d’autres ministères gouvernementaux.
Nous travaillons de près avec nos collègues d’autres ministères, et nous sommes convaincus que nous pourrons établir un processus qui intègre efficacement l’examen de l’autorisation au processus d’évaluation d’impact.
Il faut souvent plusieurs décennies pour réaliser un projet nucléaire. La CCSN, à titre d’organisme de réglementation du cycle de vie nucléaire, continuera son travail tout au long d’un projet nucléaire, en vue d’assurer la sûreté et la sécurité des installations et des activités nucléaires au Canada.
Les exigences législatives pourraient évoluer, mais l’évaluation des impacts potentiels sur l’environnement et la protection de l’environnement resteront toujours des priorités pour la CCSN.
[Français]
Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions. Merci.
[Traduction]
La présidente : Merci.
Madame Lapointe, vous avez la parole.
Sandy Lapointe, première vice-présidente, Réglementation, Office national de l’énergie : J’aimerais tout d’abord reconnaître que le lieu où nous nous réunissons est le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin Anishnaabeg.
Je vous remercie d’avoir invité l’Office national de l’énergie, l’Office, à comparaître devant vous aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-69. Je m’appelle Sandy Lapointe. Je suis ici en compagnie de deux collègues de l’Office, soit M. Jim Fox, vice-président, Intégration de l’information sur l’énergie et de l’analyse, et M. Robert Steedman, spécialiste en chef à l’environnement.
En tant qu’organisme indépendant qui réglemente des projets énergétiques dans l’intérêt public canadien depuis des décennies, l’Office est bien au fait des enjeux et préoccupations actuels, ces enjeux et préoccupations que les Canadiens ont évoqués et auxquels le gouvernement tente de remédier grâce au projet de loi C-69. L’Office a vu le jour en 1959, et depuis, nous avons efficacement mis en œuvre un certain nombre de changements législatifs. Nous avons acquis au fil des ans des compétences étendues et approfondies pour ce qui est de réglementer des projets énergétiques dans l’intérêt public canadien. Ce savoir-faire — jumelé au fait que nous ayons réussi à nous adapter aux changements législatifs survenus dans le passé — nous place dans une solide position pour mettre en œuvre le projet de loi C-69.
Je vous parlerai donc de la façon dont l’Office national de l’énergie est résolu à mener à bien cette mise en œuvre et du rôle essentiel que doivent jouer les organismes qui réglementent tout le cycle de vie d’un projet lorsque vient le temps d’évaluer les impacts et d’examiner la réglementation entourant les projets énergétiques au Canada.
Le projet de loi C-69 propose d’abroger la Loi sur l’Office national de l’énergie et de la remplacer par la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Notre travail, toutefois, demeurera fondamentalement le même. Nous continuerons de réglementer les pipelines, les lignes de transport d’électricité, la mise en valeur des ressources énergétiques et le commerce de l’énergie au nom de la population canadienne, et nous continuerons de le faire de manière à protéger le public et l’environnement tout en favorisant l’efficience des marchés énergétiques.
Le gouvernement a été clair quant à ses grands objectifs pour l’avenir de la réglementation énergétique au Canada. Je vous en mentionne quelques-uns, tous présents dans la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie proposée : des processus d’examen prévisibles et menés en temps opportun; la réconciliation avec les peuples autochtones; une participation inclusive, et ce, dès les premières étapes; des pratiques rigoureuses de surveillance de la sécurité et de l’environnement. Ce sont ces thèmes et ces objectifs qui sont à l’origine des changements que connaît notre organisme depuis plusieurs années.
L’Office a le souci de s’améliorer continuellement et il sait depuis un certain temps déjà qu’il doit s’adapter, à même son mandat, à l’évolution du contexte canadien.
Nous croyons que nombre des changements découlant de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie viendront renforcer le travail que nous faisons en ce moment et qu’ils officialiseront certaines des pratiques exemplaires que nous avons adoptées.
Grâce à des délais prescrits et à d’autres mesures appuyant l’uniformité et la transparence, la nouvelle loi favorise la prise de décisions prévisibles et opportunes. Cela va dans le sens des efforts que nous avons déployés ces dernières années en vue d’évaluer notre rendement et d’en rendre compte en toute transparence au moyen du Cadre ministériel des résultats et d’autres mécanismes.
La Loi sur la Régie canadienne de l’énergie témoigne également de l’engagement du Canada à l’égard de la réconciliation. Elle prévoit à cette fin divers moyens d’améliorer le dialogue avec les Autochtones et leur participation, notamment, par la création d’un comité consultatif autochtone ayant pour mandat d’augmenter la participation des Autochtones tout au long du cycle de vie des installations réglementées.
Ce comité s’appuiera sur les travaux actuels des comités consultatifs et de surveillance autochtones associés aux projets d’agrandissement du réseau de Trans Mountain et de remplacement de la canalisation d’Enbridge, comités qui ont été mis sur pied en collaboration avec les peuples autochtones pour permettre la participation inclusive et significative de ceux-ci dans la surveillance de ces pipelines.
La nouvelle loi accordera une place centrale à la participation significative et inclusive du public, ce qui viendra consolider les efforts déployés par l’Office pour intégrer une composante de participation à toutes les facettes de son travail.
Au cours des dernières années, l’Office s’est efforcé de dialoguer de façon plus soutenue avec les peuples autochtones et toutes les parties prenantes en faisant appel à des moyens novateurs et souples, et ce, avant le processus décisionnel, tout au long de l’évaluation et pendant le cycle de vie du projet.
La surveillance rigoureuse de la sécurité et de l’environnement a toujours été l’objectif premier de l’Office. Permettez-moi d’attirer votre attention sur deux domaines particuliers où la loi proposée se fonde sur le travail déjà accompli en ce sens ou le clarifie.
Le premier est l’amélioration et la clarification des pouvoirs accordés aux inspecteurs de l’Office. Le projet de loi précisera et étendra certains pouvoirs — notamment ceux qui concernent les perquisitions et les saisies — afin de permettre leur harmonisation avec les lois fédérales plus récentes.
Le deuxième domaine est l’élargissement de notre cadre de travail, élargissement grâce auquel nous pourrons désormais veiller à ce que les sociétés demeurent financièrement responsables de la cessation d’exploitation des pipelines lorsque ces pipelines atteignent la fin de leur vie utile. En réponse à une préoccupation de longue date des propriétaires fonciers, l’Office a établi un cadre de travail robuste pour s’assurer que les sociétés font preuve de prévoyance et mettent des fonds de côté. La loi proposée vient compléter, voire faire progresser ce cadre de travail. Par exemple, elle permet à la Régie de prendre le contrôle d’un pipeline dont on ne connaît pas le propriétaire pour en assurer l’exploitation et la cessation d’exploitation en toute sécurité.
La Loi sur la Régie canadienne de l’énergie élargit notre rôle et notre mandat, et apporte un certain nombre de modifications à notre structure et à nos processus organisationnels. Par exemple, la Régie sera dotée d’une structure de gouvernance moderne où les attributions du président-directeur général, des commissaires et des membres du conseil d’administration seront mieux définies. Cette structure permettra de séparer clairement les fonctions de décision de celles de direction de l’organisme.
Elle permettra également, en vertu de règlements, la prise de certaines décisions d’ordre technique ou administratif par des responsables désignés plutôt que des commissaires. La Régie disposera de nouveaux pouvoirs relativement aux différends concernant l’indemnisation foncière, lesquels relèvent actuellement du ministère des Ressources naturelles.
Enfin, ce qui constituera vraisemblablement un changement moins marqué pour nous, le projet de loi vise à moderniser le processus d’examen réglementaire, notamment à prescrire l’établissement d’une liste explicite et étendue de facteurs à prendre en considération. Nous avons toujours évalué les éventuelles répercussions que peuvent avoir les projets que nous réglementons sur l’environnement, les questions socioéconomiques et la santé, de même que leur incidence sur les droits autochtones, et nous avons toujours tenu compte de tous les facteurs pertinents touchant l’économie et la sécurité. L’inclusion de facteurs explicites ajoute à la clarté et établit un cadre de travail transparent pour l’évaluation de projets futurs.
Ce qui m’amène à mon dernier point. J’aimerais dire quelques mots sur le changement associé aux évaluations d’impact intégrées en ce qui concerne les projets désignés. Nous sommes déjà au travail avec nos homologues de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Notre objectif consiste à faire en sorte que des évaluations d’impact pleinement intégrées puissent être menées entre nos organisations, et ce, de manière efficiente et efficace. Pour les organismes de réglementation axés sur le cycle de vie, la participation active dès les premières étapes aux projets désignés relevant d’eux et tout au long du processus subséquent sera d’une importance primordiale.
Dans l’optique de réduire les dommages et d’améliorer les résultats en matière de sécurité et d’environnement pour les Canadiens, notre participation soutenue au processus d’évaluation d’impact est essentielle pour deux grandes raisons. D’abord, il y a la valeur que nous apportons à titre d’organisme de réglementation d’expérience et d’expert en la matière. Nous effectuons l’examen d’infrastructures énergétiques depuis des décennies, et nous incluons des évaluations environnementales dans notre processus décisionnel depuis les années 1970. Les projets d’infrastructures énergétiques ne ressemblent à aucun autre projet, et nous possédons des connaissances spécialisées et des compétences sur toute la gamme des questions à étudier. Cela englobe des domaines comme le génie, la sécurité, la conception de projet, les effets environnementaux et socio-économiques et les facteurs de marché, pour ne nommer que ceux-là.
La seconde raison est que les organismes de réglementation jouent un rôle important dans la forme que prennent les conditions précises rattachées à un projet et dans la mise en application de ces conditions au sein du cadre de réglementation élargi. Les conditions propres à un projet sont définies lors de l’étape de l’évaluation afin de réduire les risques possibles au cours du cycle de vie d’un projet, s’il est approuvé.
Il reviendra à l’ONE de surveiller et de voir au respect des conditions au sein de ce cadre de réglementation élargi. Il est important que ces conditions remplissent leurs fonctions prévues. Les évaluations et le respect des conditions sont indissociables. Chacun alimente l’autre et contribue à le façonner et, au bout du compte, mène à l’amélioration des résultats sur le plan de la sécurité et de l’environnement.
En conclusion, lorsque nous ferons la transition au nouveau régime, il y aura naturellement de l’incertitude et une période d’adaptation. Mais l’office est en bonne posture pour poursuivre ses activités à titre d’organisme de réglementation modernisée du Canada. Je suis particulièrement fière du personnel de l’office, dont le dévouement est sans borne. Nous avons la compétence, l’expérience et le savoir-faire voulus pour instaurer un cadre législatif renouvelé et offrir un régime de réglementation équitable, transparent, actuel et accessible.
Je vous remercie, madame la présidente, de nous avoir donné l’occasion de nous exprimer aujourd’hui.
[Français]
La présidente : Merci à vous pour cette présentation très intéressante. Nous allons maintenant passer à la première période de questions. Je veux rappeler les règles aux sénateurs : les premiers à poser leurs questions sont les deux vice-présidents, qui sont membres du comité directeur, puis les membres titulaires, ainsi que le parrain et le critique du projet de loi.
Pour cette première ronde, je vais inviter les sénateurs qui ne sont pas membres du comité et qui sont assis à l’arrière à poser leurs questions s’ils le souhaitent, et, par la suite, s’il reste du temps, nous continuerons avec des tours de questions. J’invite maintenant le sénateur MacDonald ou la sénatrice Cordy à poser leurs questions.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Étant donné que la Commission canadienne de sûreté nucléaire et l’Office national de l’énergie ont tous deux une incidence directe sur la province du Nouveau-Brunswick, j’aimerais reporter ma première question et céder la parole à mon collègue, le sénateur Mockler.
Le sénateur Mockler : En ce qui concerne la Commission canadienne de sûreté nucléaire, je tiens d’abord à dire que vous avez une excellente réputation, et je souhaite féliciter votre équipe à cet égard. Vous représentez les Canadiens d’une belle façon. Mais Énergie du Nouveau-Brunswick — nous avons certaines préoccupations sur lesquelles nous aimerions attirer votre attention. En particulier lorsqu’il est question de la centrale de Point Lepreau, qui a été notre première, il ne fait aucun doute qu’elle est un symbole à l’échelle mondiale, ainsi que du point de vue de son rendement et du nombre de scientifiques qui l’ont visitée.
Donc, en ce qui a trait à Énergie du Nouveau-Brunswick, nous avons certaines préoccupations. Nous croyons que les évaluations devraient continuer de relever de la CCSN — et j’ai écouté très attentivement les observations que vous avez formulées au cours de votre exposé —, puisque c’est le moyen le plus efficace de mener ces examens.
Premièrement, êtes-vous certain que la nouvelle agence d’évaluation d’impact sera en mesure d’égaler le rendement exceptionnel de la CCSN et son degré de compétence?
Deuxièmement, selon vous, de combien de temps une nouvelle organisation aura-t-elle besoin pour acquérir de telles compétences? Comme nous le savons tous, l’énergie nucléaire suscite de nombreuses questions, mais je la qualifierais tout de même de « ceinture verte ».
Croyez-vous qu’il est utile d’avoir une grande organisation responsable des examens plutôt qu’une organisation spécialisée comme la vôtre?
J’aimerais que vous utilisiez vos compétences pour répondre à ces trois questions afin que je puisse rassurer les Canadiens.
Mme Velshi : Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos aimables paroles à l’égard de la CCSN. Permettez-moi de passer en revue les questions ou les préoccupations que vous avez soulevées.
La première concerne la question de savoir si nous pensons qu’il vaudrait mieux que les évaluations d’impact ou les évaluations environnementales continuent de relever de la CCSN. Comme je l’ai mentionné au cours de ma déclaration préliminaire, la CCSN a exercé ses activités en fonction de nombreux différents cadres ou régimes législatifs et, dans le cadre de chacun d’entre eux, elle s’est assuré que ses évaluations étaient approfondies et rigoureuses, étant donné qu’elles concernaient des projets nucléaires. Par conséquent, que le processus soit dirigé par la CCSN ou par une autre agence, notre mandat garantira que la santé et la sécurité des Canadiens ainsi que l’environnement sont protégés lorsqu’il est question de projets nucléaires.
Comme vous avez pu le constater, le projet de loi prévoit que la CCSN jouera un rôle important dans le processus d’évaluation d’impact. Dans le cadre de certains projets désignés, une commission d’examen intégrée sera établie, et elle comptera au moins un membre de notre commission.
Votre deuxième question concernait les compétences nucléaires. L’agence d’évaluation d’impact n’envisage pas de développer ses propres compétences dans ce domaine. Elle s’attendra à ce que ces compétences soient apportées par la CCSN. La CCSN continuera donc toujours d’offrir ses compétences dans le cadre de processus d’évaluation d’impact.
Dans votre troisième question, vous demandiez s’il était utile de confier à une grande organisation, comme la CCSN, la conduite de ces évaluations. Comme je l’ai mentionné au cours de ma déclaration préliminaire, nous appuyons fermement l’intention du gouvernement d’améliorer le processus d’évaluation d’impact. Ce processus aura une portée plus vaste que celle des processus d’évaluation environnementale. Il se penchera, entre autres, sur les répercussions socioéconomiques des projets, sur des considérations relatives au sexe et sur la viabilité des projets. Ce sont là des aspects qui vont au-delà du mandat de la CCSN, mais dont nous accueillons favorablement l’étude. Je crois que l’étude de tous ces facteurs et considérations est tout à fait requise et qu’elle vaut la peine d’être menée.
En résumé, monsieur le sénateur, j’aimerais vous assurer que, même si cette nouvelle mesure législative et ce nouveau processus sont adoptés, nous nous engagerons fermement à faire en sorte que nos compétences soient bien utilisées.
Le sénateur Mockler : Cependant, la ministre de l’Environnement et du Changement climatique a déclaré ce qui suit : « Nous créerons une seule agence, l’agence canadienne d’évaluation d’impact, qui mènera toutes les évaluations des répercussions pour les grands projets, afin de veiller à ce que l’approche soit cohérente et efficace ». D’après ce que j’ai entendu, croyez-vous que les examens de la CCSN sont incohérents ou inefficaces?
Mme Velshi : Je vais répondre d’abord à la dernière partie de votre intervention. Je ne crois certainement pas que les examens de la CCSN soient incohérents ou inadéquats en ce qui concerne les questions de sûreté nucléaire ou les questions de protection environnementale qui s’y rattachent. Pour ce qui est du début de votre intervention, la nouvelle agence dirigera l’évaluation, mais la CCSN s’emploiera activement à soutenir le processus au moyen de ses compétences et son expérience, afin de garantir la robustesse et l’efficacité du processus.
La sénatrice Cordy : Je remercie infiniment tous les témoins que nous accueillons ce matin. Il m’a été très utile d’entendre les points de vue des autres organismes qui travaillent à la résolution des problèmes abordés par le projet de loi qui nous occupe.
Madame Velshi, vous avez parlé du rôle que joue en ce moment la Commission canadienne de sûreté nucléaire et de la façon dont ce rôle changera. Vous avez dit que vous appuyiez l’intention du gouvernement.
Lorsque nous examinons les changements qui seront apportés et lorsque je lis le compte rendu des consultations qui ont été menées, l’un des principaux critères qui ont été mentionnés par les gens qui ont parlé aux hauts fonctionnaires pendant leurs déplacements, c’était la rapidité. Le gouvernement a donc adopté dans le projet de loi l’idée d’avoir un seul examen par projet, et c’est dans ce contexte, je crois, que l’agence d’évaluation a été créée.
Pensez-vous que vous serez en mesure de faire du bon travail compte tenu de la façon dont les choses ont été organisées, compte tenu du fait qu’il y a une seule organisation parapluie et que vous travaillerez sous son égide, et compte tenu de vos connaissances sur l’industrie nucléaire et des compétences que vous et votre organisme avez acquises au fil de vos années de service? Pensez-vous que ce sera un problème, ou pensez-vous que vous vous adapterez facilement à la situation?
Mme Velshi : Je vous remercie de votre question. Nous avons des dizaines d’années d’expérience de travail avec l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, et cela a été une expérience de collaboration positive. Nous avons réussi à mener conjointement des examens des évaluations environnementales dans le passé. Je suis convaincue qu’à l’avenir, le fait de mener un processus intégré d’évaluation fonctionnera. Nous avons travaillé étroitement avec eux, même pendant la mise au point de la mesure législative. Par conséquent, oui, j’ai la conviction que nous travaillerons très bien ensemble.
La sénatrice Cordy : Vous avez également déclaré que certains des aspects décisionnels auxquels le gouvernement a accordé la priorité vont au-delà des activités de la commission. Vous avez parlé de considérations relatives au sexe qui sont étudiées en ce moment — ce processus est maintenant officialisé —, et de la réconciliation avec les peuples autochtones. Cette nouvelle agence d’évaluation sera en mesure de réunir toutes ces activités sous un seul toit. Ainsi, il sera plus aisé d’avoir un seul examen par projet, n’est-ce pas?
Mme Velshi : C’est en partie vrai. Oui, la nouvelle agence d’évaluation d’impact aura un mandat plus large que celui que la CCSN remplissait dans le cadre de ses évaluations environnementales; c’est certainement vrai dans le cas des répercussions socioéconomiques, par exemple. Toutefois, en ce qui concerne la réconciliation avec les Autochtones, ainsi que leur participation et leur consultation, cela a toujours représenté une part importante du processus d’évaluation de la CCSN, et cela continuera de l’être. Cela n’aura donc rien de neuf pour nous.
La sénatrice Cordy : Merci.
Le sénateur Mockler vient du Nouveau-Brunswick, alors que je suis originaire des provinces de l’Atlantique. Point Lepreau joue un rôle plutôt important. Le fait d’avoir une nouvelle agence, au lieu de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, n’aura pas d’incidence sur les opérations de Point Lepreau, n’est-ce pas?
Mme Velshi : C’est exact. Notre mandat et nos pouvoirs en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires demeurent inchangés. Nous sommes toujours responsables de la réglementation du cycle de vie. Par conséquent, toutes les décisions d’autorisation et toutes les responsabilités en matière de réglementation relèvent toujours de nous.
La sénatrice Cordy : Merci.
Madame Lapointe, vous avez parlé des champs pétrolifères abandonnés et des fonds mis de côté de façon préventive en vue de s’occuper de ces champs. Je lis ici que leur nombre est déjà important, et qu’il continue de croître. Y a-t-il suffisamment d’argent mis de côté pour gérer ces champs pétrolifères abandonnés? La mesure législative modifiera-t-elle ce qui adviendra de ces champs?
Mme Lapointe : Nous nous occupons surtout des pipelines abandonnés. Par conséquent, les fonds sont mis de côté pour gérer les pipelines qui seront abandonnés dans les années à venir. La Loi sur la Régie canadienne de l’énergie qui a été proposée ira plus loin en prévoyant en plus des fonds pour les puits abandonnés.
Je vais demander à mon collègue de vous en dire davantage sur les puits abandonnés.
Jim Fox, vice-président, Intégration de l’information sur l’énergie et de l’analyse, Office national de l’énergie : La question des puits abandonnés relève principalement des provinces. La production de pétrole est réglementée par les provinces. Récemment, cet enjeu a été mentionné dans les médias et a causé des problèmes au gouvernement de l’Alberta et à l’Alberta Energy Regulator. Nous réglementons un petit pourcentage de la production de pétrole en vertu de la Loi sur les opérations pétrolières au Canada dans le Nord canadien mais, en général, cet enjeu n’a pas été particulièrement problématique pour nous jusqu’à maintenant.
La sénatrice Cordy : Merci.
La présidente : Avant que nous poursuivions nos questions, je signale que je n’ai entendu aucune statistique au cours de vos déclarations. Auriez-vous l’obligeance de nous dire combien de projets, par type de projets, chacun de vos organismes a analysés au cours des dernières années? Y a-t-il des projets en voie de réalisation? Je vais interroger la Commission canadienne de sûreté nucléaire en premier.
Mme Velshi : Je vais demander à M. Rinker de répondre à cette question.
!!
Mike Rinker, directeur général, Direction de l’évaluation et de la protection environnementales et radiologiques, Commission canadienne de sûreté nucléaire : Au cours des dernières années, c’est-à-dire en vertu de la LCEE de 2012, nous avons pris une seule décision, mais nous avons examiné quelques projets. Cette décision a été prise en passant de la LCEE de 1992 à la LCEE de 2012.
Le Dépôt géologique en profondeur est un autre projet qui a fait la transition d’une version plus ancienne de la LCEE à la LCEE de 2012. Une décision n’a pas encore été prise au sujet de ce projet.
De plus, il y a trois projets en cours en ce moment. Il s’agit de projets de déchets pour les Laboratoires Nucléaires Canadiens, dont l’un se situe à Whiteshell, au Manitoba, et deux se situent près de Chalk River.
La présidente : Merci.
Et du côté de l’ONE?
Mme Lapointe : Il y a de grandes installations d’oléoduc dont la longueur dépasse habituellement 40 kilomètres, puis il y a les petites installations d’oléoduc. En ce qui concerne les grandes installations d’oléoduc, il y a eu trois projets au cours de l’exercice 2014-2015. En 2015-2016, il y en a eu un, tout comme en 2016-2017. Il n’y en a eu aucun au cours de l’exercice de l’année dernière, mais il y en a deux à l’étude depuis le début de l’exercice en cours.
Le nombre de petites installations est beaucoup plus élevé. En 2014-2015, il y en a eu 52, et c’était tous des projets d’infrastructures. En 2015-2016, il y en a eu 43, en 2016-2017, 35, et en 2017-2018, 56. Depuis le début de l’exercice en cours, nous en avons reçu 31 projets.
La présidente : Les membres du comité souhaitent-ils disposer de ces renseignements par écrit? Oui.
Pourriez-vous nous les faire parvenir?
Mme Lapointe : Absolument.
La présidente : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci à vous tous d’être ici ce matin. C’est très apprécié, et votre expertise est très pertinente.
J’aimerais parler davantage de l’aspect décisionnel. Depuis environ 20 ans, au Canada, il y a un débat continuel concernant l’adoption des projets, qui devrait être faite par les scientifiques. Depuis 10 ans, l’approbation finale des projets se fait par les politiciens et le conseil des ministres.
Personnellement, vous êtes totalement indépendants. Selon votre expérience, quelles comparaisons faites-vous entre l’ancienne méthode, soit la méthode utilisée dans plusieurs pays, où les décisions sont prises de manière indépendante et sans implication politique, et la méthode que nous utilisons depuis 10 ans, où l’aspect politique retarde ou préjuge de l’approbation de projets? Madame Velshi et madame Lapointe, j’aimerais entendre vos commentaires à cet égard.
[Traduction]
Mme Lapointe : Les projets qui sont entrepris le sont par une commission indépendante. Ils sont fondés sur les données scientifiques et les preuves qui sont présentées à la commission et qui proviennent du promoteur ainsi que des groupes d’intérêts qui pourraient être touchés par le projet. Notre organisation est appuyée par des connaissances très approfondies.
Le sénateur Massicotte : Permettez-moi de clarifier ma question. Je comprends ce que vous dîtes, et c’est la raison pour laquelle vos commentaires m’intéressent. Vos deux secteurs sont réglementés sans toutefois que les politiciens interviennent dans le processus. Cependant, ce que propose le projet de loi C-69, et ce qui a été le cas au cours des 10 dernières années, c’est que la décision et l’approbation finales relèvent essentiellement du Cabinet, du gouvernement au pouvoir. Par conséquent, vous introduisez un élément politique qui va au-delà des sciences pures, comme nous le savons tous.
Comment comparez-vous les deux méthodes? Faisons-nous une erreur? Dans le passé, nos décisions reposaient uniquement sur des données scientifiques et ne requéraient pas l’approbation des politiciens, mais nous avons changé les choses au cours des 10 dernières années. Cela a semblé retarder les décisions, lesquelles sont devenues très politiques et pas nécessairement fondées sur des données scientifiques. Comment pouvons-nous comparer les deux approches? Faisons-nous fausse route? Devrions-nous corriger le système en place afin qu’il repose davantage sur des données scientifiques, sans que cela ait des conséquences politiques?
Mme Lapointe : M. Steedman répondra à cette question.
Robert Steedman, spécialiste en chef, Environnement, Office national de l’énergie : Je vous remercie infiniment de votre question. Je vous fais remarquer que les recommandations et les décisions de l’Office national de l’énergie prises relativement à des projets majeurs ont toujours fait l’objet d’une ratification finale par le gouverneur en conseil. Cela a toujours été le cas. Par exemple, des rajustements ont été apportés à des projets que la commission de l’ONE avait recommandé de ne pas approuver. De plus, certains changements ont été apportés aux règlements en 2012.
Mais, pour en revenir à votre question principale, nous considérons que notre rôle consiste à veiller à ce que le processus présente toutes les opinions et les connaissances pertinentes à l’office. La commission peut avoir à prendre des décisions alors que les faits présentés par les experts vont à l’encontre des faits scientifiques. Dans certains domaines, une grande incertitude peut régner, mais c’est moins le cas en ce qui concerne les aspects techniques, par exemple. Nous nous concentrons surtout sur les aspects techniques parce qu’en fin de compte, toute la protection environnementale repose sur le fait d’avoir des pipelines qui sont sécuritaires et qui maintiennent le produit à l’intérieur.
Les infrastructures sous réglementation fédérale comme les pipelines peuvent s’étendre sur des milliers de kilomètres et traverser des centaines de territoires ancestraux autochtones. Nous mettons tout en œuvre pour quantifier et équilibrer les avantages et les inconvénients à l’échelle nationale, régionale et locale, mais au bout du compte, ce sont les mesures législatives ordonnées par le Parlement qui prévalent et la décision finale est prise par le gouverneur en conseil. Nous faisons de notre mieux pour fournir des recommandations factuelles, éprouvées, et pour établir les conditions permettant de mettre en place et de gérer un projet de manière sécuritaire pour protéger l’environnement, mais il arrive parfois que d’autres considérations entrent en ligne de compte.
Le sénateur Massicotte : Y a-t-il d’autres commentaires ou observations?
Mme Velshi : Tout ce que j’ajouterais à ce que mes collègues de l’Office national de l’énergie ont dit est que notre rôle consiste à nous assurer que les données scientifiques sont prises en compte dans les décisions. L’évaluation environnementale est un outil de planification. Notre rôle à nous consiste simplement à nous assurer que les données scientifiques ont été fournies et prises en considération.
Nous avons parlé un peu plus tôt de la centrale de Point-Lepreau. Nous avons fourni l’expertise technique, mais c’est le ministère de l’Environnement qui était en charge de l’évaluation. Il y a donc eu différents régimes.
Vous avez demandé ce qu’il en était ailleurs dans le monde, et la situation varie également dans ce cas. Nombre d’organismes de réglementation ne participent pas au processus d’évaluation environnementale, sauf peut-être pour fournir une expertise technique.
La présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Patterson : Ma question s’adresse maintenant aux représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Vous avez parlé des projets désignés. Nous savons que le projet de loi autorise les exemptions. On nous demande d’adopter ce projet de loi très bientôt. Savez-vous quels projets nucléaires seront désignés et quels seront exemptés? Vous occuperez-vous des petits réacteurs nucléaires?
Mme Velshi : Nous avons donné notre avis sur les projets qui devraient être inclus dans la liste des projets désignés, et nous l’avons fait à partir de notre évaluation des risques en nous appuyant sur les normes internationales et des analyses comparatives. Nous avons donc eu notre mot à dire.
Le sénateur Patterson : Quelle est la réponse?
Mme Velshi : Je ne sais pas.
Le sénateur Patterson : Vous ne le savez pas?
Mme Velshi : C’est exact. Je crois savoir qu’ils ont reçu l’avis d’une foule d’intervenants et qu’ils les examinent.
Le sénateur Patterson : Pouvons-nous nous attendre à ce que vous soyez responsables des petits réacteurs modulaires?
Mme Velshi : Je ne sais pas. Je ne sais pas à quoi on peut s’attendre. Pour vous rassurer, j’aimerais toutefois mentionner que s’ils ne font pas partie de la liste des produits désignés, qu’ils sont exemptés et ne sont pas sous notre responsabilité, ils vont faire l’objet d’un examen tout aussi rigoureux et approfondi pour ce qui est de la sécurité nucléaire et de la protection de l’environnement.
Le sénateur Patterson : Vous avez tous les deux parlé des nouvelles commissions d’évaluation d’impact. Dans un article paru récemment dans la revue spécialisée Energy Regulation Quarterly, dont vous êtes sans doute au courant, on mentionne que :
... les incertitudes réglementaires engendrées par le manque d’expertise des commissions et par les variations dans les évaluations d’impact causées par leur non-permanence pourraient dissuader les promoteurs dans l’industrie nucléaire.
Le projet de loi C-69 nous garantit-il que les membres des commissions chargées d’examiner les projets nucléaires auront suffisamment d’expertise dans le domaine? Et croyez-vous que le fait que les membres de la commission seront différents d’un projet à l’autre assurera la même uniformité que la Commission canadienne de sûreté nucléaire?
Mme Velshi : Dans le cas des projets nucléaires désignés, au moins un membre de la Commission canadienne de sûreté nucléaire fera partie de la commission. Le personnel de la commission fournira tout le soutien et l’expertise nucléaire nécessaires. C’était le cas lors des précédentes évaluations environnementales qui ont été menées conjointement par la commission et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale à l’époque.
Donc, si votre question vise à savoir si les commissions posséderont suffisamment d’expertise pour prendre des décisions éclairées et que vous avez des craintes à ce sujet, je ne pense pas que ces craintes soient fondées, car la Commission canadienne de sûreté nucléaire aura son mot à dire et veillera à fournir son expertise.
Le sénateur Patterson : Madame Lapointe, j’ai été frappé par votre déclaration. Je vous remercie de votre franchise lorsque vous avez dit un peu plus tôt :
Lorsque nous ferons la transition au nouveau régime, il y aura naturellement de l’incertitude et une période d’adaptation.
Parlons maintenant de l’incertitude. Deux grands projets de pipeline ont été annulés, Northern Gateway et Énergie Est. Le troisième est, si j’ose dire, dans les limbes. L’économie de l’Alberta est mal en point. Des centaines de milliers de travailleurs ont perdu leur emploi. Nous avons déjà, la plupart le diront, un climat d’investissement incertain au Canada, dans les pipelines à tout le moins, et vous admettez maintenant qu’il y aura, naturellement, de l’incertitude.
Comme l’économie se trouve dans une phase critique, est-ce vraiment le bon moment pour réorganiser le système dans un document complexe de plus de 400 pages très abscons pour les législateurs que nous sommes? Est-ce vraiment le bon moment pour remanier de fond en comble le système et intégrer votre culture organisationnelle à celle de la nouvelle commission d’évaluation d’impact? Et cela vaut également pour la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Est-ce le bon moment pour ajouter à l’incertitude que provoquera ce projet de loi, comme vous l’avez admis honnêtement?
Mme Lapointe : Eh bien, je ne veux certainement pas émettre d’hypothèses sur les décisions et les choix politiques des décideurs.
Le sénateur Patterson : Cela pourrait menacer votre carrière, oui.
Mme Lapointe : Mais je dirai que nous sommes au courant du projet de loi depuis un moment, et que nous nous sommes mobilisés. Nous avons créé une équipe de gens dévoués pour travailler à la mise en œuvre. Nous prenons la chose très au sérieux. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, nous avons fait nôtres les objectifs qui ont été établis. Nous sommes persuadés de réussir la mise en œuvre, tout en étant conscients que toute transition comporte son lot de défis.
Nous travaillons d’arrache-pied, et le travail est déjà bien entamé pour nous assurer d’avoir des bases solides et d’être fin prêts.
Le sénateur Mitchell : Merci à nos témoins.
Monsieur Steedman, vous avez dit quelque chose qui a piqué ma curiosité, à savoir que le cabinet a toujours eu son mot à dire sur les projets. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de projets que les politiciens n’ont pas approuvés, en fait, au cours des 20 dernières années?
M. Steedman : Je vous remercie de poser la question, sénateur. À ma connaissance, il n’y en a aucun.
Le sénateur Mitchell : Il faut certainement parler des facteurs généraux à évaluer, qui sont maintenant énoncés à l’article 22, mais cela a probablement été fait dans le cadre des analyses socio-économiques, culturelles et sexospécifiques, la plupart l’ont été. Mais quand vient le temps de prendre une décision en fonction de ces vastes enjeux — et j’ai été impressionné, madame Velshi, par l’importance que vous y attachiez —, cela va clairement au-delà de l’expertise technique et scientifique. Et j’avancerais qu’il faut aussi parler d’une perspective plus globale, à l’échelon politique, des gens qui sont redevables à la population dans une démocratie. Seriez-vous d’accord avec cela? Je ne veux pas vous mettre sur la sellette.
M. Steedman : J’aimerais souligner que l’Office national de l’énergie effectue ce qui équivaut à des évaluations d’impact depuis des décennies, parce que la Loi sur l’Office national de l’énergie a toujours exigé que les formations indépendantes aillent bien au-delà des aspects techniques — pour examiner les aspects sociaux, culturels et économiques —, si bien que ce n’est pas nouveau pour nous. Nous disposons de personnel et d’expertise. Le projet de loi prévoit une liste détaillée et élargie des facteurs qui doivent être pris en considération, mais ils font tous partie des facteurs que nous avons déjà examinés dans le cadre de nos activités.
Le sénateur Mitchell : Certaines personnes croient ou pensent probablement que l’Office national de l’énergie procède, ou a toujours procédé, aux examens des usines de traitement des sables bitumineux, mais ce n’est pas le cas. Ce n’est pas l’office qui s’en occupe, mais bien l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, qui deviendra l’Agence canadienne d’évaluation d’impact et qui sera fusionnée avec la vôtre, qui s’en est toujours chargée. En un sens, nous fusionnons un organisme, qui a énormément d’expérience avec l’industrie de l’énergie, avec un autre organisme, le vôtre, qui a aussi beaucoup d’expérience avec l’industrie de l’énergie. Il semble que nous réunissions les forces de deux organismes pour uniformiser et simplifier le processus et l’améliorer dans son ensemble. Je ne suis pas certain que nous aurons des problèmes avec la transition. Je ne peux pas parler en votre nom.
N’est-il pas explicite dans le projet de loi — c’est le cas; vous devez le savoir — que tous les gens au sein de votre organisme vont être transférés à la future régie canadienne de l’énergie?
Mme Lapointe : Selon notre interprétation du projet de loi, il y aurait une évaluation intégrée effectuée par la nouvelle agence canadienne d’évaluation d’impact et la Régie canadienne de l’énergie, l’organisme de réglementation du cycle de vie, uniquement pour les projets désignés. Il n’y aurait donc que dans ces cas d’évaluation intégrée que l’Office national de l’énergie travaillerait en collaboration avec la nouvelle agence canadienne d’évaluation d’impact.
Le sénateur Mitchell : Suivant la répartition que vous nous avez fournie, il semble que le gros de votre travail sera véritablement axé sur les petits projets, qui ne sont pas désignés, alors il n’y aura pas vraiment grand changement.
Le sénateur Patterson : Nous ne savons pas quels éléments feront partie de la liste.
Le sénateur Mitchell : Eh bien, nous savons que les petits n’en feront pas partie.
Le sénateur Patterson : Oh, vous le savez? Tout le monde veut le savoir. Dites-le-nous.
Mme Lapointe : Nous allons faire l’évaluation d’impact des projets qui ne font pas partie de la catégorie des projets désignés, conformément à des facteurs qui sont assez similaires à ceux prévus dans la mesure législative, et nous allons le faire en nous appuyant sur nos procédures d’évaluation rigoureuses pour protéger l’environnement et les gens et assurer la sécurité.
Le sénateur Mitchell : Ma question s’adresse aux représentants de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Il semble que vous soyez très à l’aise avec la transition. Cela m’apparaît comme une situation gagnante-gagnante. Encore une fois, vous élargissez votre perspective en intégrant celle de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, qui devient l’agence d’évaluation d’impact. Leur vaste perspective et votre perspective technique sont regroupées pour évaluer ce que vous évaluez actuellement, mais aussi l’intérêt public et les répercussions culturelles et socioéconomiques.
Mme Velshi : Oui, sénateur; comme je l’ai mentionné, nous allons veiller à ce que le processus intégré fonctionne. Je tiens à souligner, toutefois, que ce processus répondra à deux besoins distincts. L’un est la décision d’un ministre ou du gouverneur en conseil au sujet de l’évaluation d’impact, et l’autre la décision concernant les licences, qui continue de relever du mandat de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Comme l’Office national de l’énergie, notre objectif est de travailler en collaboration pour veiller à ce qu’une seule évaluation réponde aux deux besoins de manière efficace et efficiente.
Le sénateur Mitchell : Excellent.
Le sénateur Woo : J’aimerais parler justement du lien entre les évaluations et les licences, principalement pour la Commission canadienne de sûreté nucléaire, mais les représentants de l’Office national de l’énergie pourraient bien aussi vouloir intervenir.
On pourrait penser que si l’évaluation était faite par la Commission canadienne de sûreté nucléaire ou par l’Office national de l’énergie, selon le cas, il y aurait une meilleure continuité, si on veut, entre les conclusions de l’évaluation et l’octroi d’une licence. J’aimerais que vous me donniez votre opinion sur les risques liés à la continuité entre l’évaluation et l’octroi d’une licence maintenant que nous avons créé une situation un peu hybride, l’évaluation étant effectuée par la nouvelle agence, avec la participation et l’expertise de vos deux organismes, selon le cas, alors que la réglementation du cycle de vie, en particulier l’octroi de licence, relèvera uniquement de vos organismes.
Je n’ai pas entendu dire qu’il y avait nécessairement un problème, mais vous en avez parlé dans votre exposé. Parlez-nous un peu plus des risques potentiels d’incohérence entre l’évaluation et l’octroi de licence.
Le sénateur Patterson : Bonne question.
Mme Velshi : J’aimerais mentionner tout d’abord que nous avons été sous ce régime auparavant, où il y a l’évaluation d’impact et l’octroi de licence. Comme je l’ai mentionné dans ma déclaration liminaire, à mon point de vue, pour que l’intégration se fasse sans heurts, il serait bon que la commission qui est mise sur pied procède à l’examen. L’évaluation d’impact se fait également par une formation dans la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, sous la commission, si bien qu’elle peut prendre les décisions concernant les licences. Elle prend connaissance de tous les témoignages, toutes les données scientifiques, et elle peut alors procéder sans difficulté, après que la décision a été rendue au sujet de l’évaluation d’impact, à la décision concernant la licence.
Le sénateur Woo : Du côté de l’Office national de l’énergie, a-t-on quelque chose à ajouter? J’ai une deuxième question.
Mme Lapointe : Nous sommes d’accord avec les commentaires de Mme Velshi.
Le sénateur Woo : Et sous les mesures législatives actuelles, c’est tout à fait possible, naturellement. Est-ce là votre point de vue?
Mme Lapointe : Oui.
Mme Velshi : Oui.
Mme Lapointe : Du point de vue d’une évaluation d’impact intégrée.
Mme Velshi : Cela pourrait exiger des clarifications, mais c’est tout à fait le principe. C’est l’objectif que nous voulons atteindre.
Le sénateur Woo : Très bien. Merci de ces précisions.
J’aimerais poser une question aux représentants de l’Office national de l’énergie sur l’ajout d’un nouvel élément au processus d’évaluation, ce qu’on appelle la phase de préplanification. Pourriez-vous nous parler d’un exemple que l’office a de ce concept de préplanification, car l’industrie semble avoir des réserves au sujet de la préplanification. Vous pourriez nous parler de votre propre expérience dans l’utilisation de cet outil dans votre processus d’évaluation.
Mme Lapointe : Nous offrons actuellement l’option aux promoteurs de grands projets de nous soumettre une description de leur projet, sous le régime de la loi actuelle, pour enclencher une étape préparatoire dans le cadre de laquelle nous allons passer en revue les territoires ancestraux. Nous allons passer en revue les collectivités pouvant être touchées et commencer à établir des contacts avec elles pour leur expliquer la façon de procéder de l’Office national de l’énergie et le rôle qu’elles peuvent jouer. C’est quelque chose que nous faisons à l’heure actuelle.
Nous voulons nous aligner sur la phase de mobilisation précoce mentionnée dans le projet de loi. Nous voulons nous aligner sur la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, et nous fixer des objectifs même plus rigoureux, afin de commencer à recueillir de l’information sur le rôle que souhaitent jouer les gens, de même qu’examiner les problèmes qui peuvent être réglés, avant même le processus d’audiences, selon la nature de ces problèmes, et ainsi accroître les communications bidirectionnelles avant l’heure. Nous pensons qu’en procédant ainsi, nous simplifierions le processus d’examen.
Le sénateur Woo : Comment se sont passées vos expériences antérieures de préplanification?
Mme Lapointe : L’expérience nous a permis de donner aux participants et aux intéressés l’occasion de mieux comprendre en quoi consiste un processus d’examen et le rôle qu’ils peuvent y jouer. Elle permettrait aussi à une future commission de déterminer dans quelles régions elle pourrait souhaiter tenir des audiences. Cela permet de recueillir de l’information très utile.
Le sénateur Woo : Je tentais de savoir si cela accélérerait ou ralentirait le processus dans son ensemble. Considérez-vous que c’est un outil utile ou que cela permet simplement d’étirer ce qui ferait partie de l’évaluation de toute façon?
Mme Lapointe : Nous considérons cela comme un outil utile dans son ensemble.
Le sénateur Woo : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : J’aimerais revenir sur la question de l’indépendance de la commission ou du processus décisionnel.
Quand je regarde la Commission canadienne de sûreté nucléaire, je vais sur votre site Internet, où on peut lire : « La sûreté nucléaire, c’est aussi un processus décisionnel indépendant. »
J’ai lu une présentation du président de l’Office national de l’énergie, qui date de 2016 et qui parle de l’indépendance, particulièrement au niveau du processus décisionnel, de la non-intervention du politique dans le processus décisionnel et de la nécessité d’avoir des mécanismes de gouvernance robustes qui protègent cette mécanique.
Êtes-vous à l’aise avec le fait que les personnes qui vont décider de faire des recommandations ou des études sont des personnes nommées pour chacun des mandats et qui sont remplaçables, même au point où, si cela ne va pas assez vite, le ministre pourrait suspendre leur mandat et le confier à l’agence?
Êtes-vous d’accord avec cela, compte tenu de l’impact que peuvent avoir ces recommandations dans le processus décisionnel?
[Traduction]
Mme Velshi : Je vais répondre en premier. Je ne sais pas si la question était destinée à l’Office national de l’énergie ou à ...
Le sénateur Carignan : Aux deux.
Mme Velshi : Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne l’indépendance de la commission : le Canada est signataire de conventions internationales, qui sont comme des traités qui l’obligent à se doter d’un organisme de réglementation indépendant en matière nucléaire. Nous sommes constamment surveillés à cet égard. Comme je l’ai dit dans mon exposé, il n’y a aucune ingérence politique dans notre processus décisionnel.
L’évaluation d’impact n’équivaut toutefois pas à la délivrance d’un permis. C’est un outil de planification qui nous aide à déterminer si un projet est dans l’intérêt du public. Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous fournirons les compétences et les données scientifiques nécessaires pour éclairer la décision, mais que cette décision ira bien au-delà des données scientifiques que nous fournirons. Il y a beaucoup d’autres facteurs pris en considération. Cela dit, la décision d’octroyer ou pas un permis relève de notre mandat et elle est prise de manière totalement indépendante. Aucune ingérence politique n’est permise ou attendue.
Mme Lapointe : C’est la même chose à l’Office national de l’énergie. Les examens réalisés sous le régime de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie mèneront à des décisions totalement indépendantes, prises par un comité indépendant qui se fondera sur les données scientifiques qui lui ont été soumises, de sorte qu’il n’y aura aucune ingérence politique dans le processus.
Pour ce qui est des évaluations d’impact ou de la composition du comité, il y aura effectivement des dates à respecter dans la prise de décisions, mais il n’y aura pas d’ingérence politique dans le processus décisionnel.
[Français]
Le sénateur Carignan : C’est quand même le gouvernement qui le nomme par projet. Si le ministre trouve qu’il ne va pas assez vite, il peut suspendre le projet. On ne sait pas quels seront les salaires. On ne voit pas le processus. Évidemment, cela se trouvera peut-être dans le règlement, comme une espèce de code d’éthique, mais on ne voit rien de cela.
Donc, tous les mécanismes de protection normaux que vous avez actuellement dans vos organisations sont totalement absents du processus au sein du comité ou de la commission qui étudiera ces projets et qui fera des recommandations qui auront un impact majeur sur les communautés.
[Traduction]
Mme Velshi : Permettez-moi de commencer par cela. Le commissaire qui sera nommé, puisqu’il y en aura au moins un...
Le sénateur Carignan : Un seul?
Mme Velshi : Oui, au moins un, mais ce ne peut pas être la majorité. Si la commission se compose de cinq personnes, il peut y en avoir deux. Il y aura un membre de notre équipe, un commissaire, et ce sont des nominations du gouverneur en conseil. Ce ne sont pas des nominations ministérielles.
[Français]
Le sénateur Carignan : Monsieur Fox, aimeriez-vous ajouter quelque chose?
[Traduction]
M. Fox : Non.
Le sénateur Tkachuk : Je souhaite à mon tour féliciter les membres de l’Office national de l’énergie, de même que de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, et les remercier de leur bon travail. Je ne suis pas de ceux qui manquent de confiance envers eux, et c’est particulièrement vrai en ce qui concerne l’Office national de l’énergie. Je viens d’une province où les deux sont appelés à intervenir. Je viens de la Saskatchewan.
J’aimerais vous poser une question sur les projets désignés. D’après votre interprétation, un projet est-il désigné en raison de sa complexité ou de son ampleur? J’aimerais bien vous entendre toutes les deux à ce sujet, après quoi je vous poserai quelques questions complémentaires.
Mme Velshi : Je ne sais pas quels seront les critères. Nous avons recommandé que la décision se fonde sur les risques associés aux projets, les risques potentiels, pour la sécurité et l’environnement, de même que sur les normes internationales en la matière.
Mme Lapointe : Évidemment, nous n’avons pas encore reçu la liste des projets, donc pour nous, la décision se fondera simplement sur une combinaison de facteurs liés au risque aussi.
Le sénateur Tkachuk : Vous demandera-t-on vos conseils pour déterminer si un projet doit ou non être désigné? Je crois vous avoir entendu dire que vous aviez déjà fourni un avis...
Mme Velshi : J’ai fourni un avis.
Le sénateur Tkachuk : Vous en a-t-on demandé un aussi?
Mme Lapointe : Oui. On nous a demandé un avis.
Le sénateur Tkachuk : C’est donc le ministre qui décidera quel projet sera désigné ou non.
Ce n’est pas à vous que je pose la question, sénateur Mitchell, c’est à elles.
Mme Lapointe : C’est une décision qui relève du gouvernement, en effet.
Le sénateur Tkachuk : C’est une décision qui relève du gouvernement dans les deux cas?
Mme Velshi : Eh bien, la liste de projets... nous avons des personnes ici...
Le sénateur Tkachuk : Si vous êtes confuse...
Mme Velshi : Je ne suis pas confuse. Ce sera prescrit par règlement. Ce sera une décision du gouverneur en conseil.
Le sénateur Tkachuk : Ce sera donc une décision du cabinet, du gouverneur en conseil.
Votre avis sera-t-il public? Autrement dit, quand vous fournirez des avis, seront-ils rendus publics ou seront-ils prodigués de manière confidentielle au gouvernement? Je pense que ce serait justifié, parce que ce seront des avis au cabinet, n’est-ce pas? Donc le grand public n’aura aucune idée de votre recommandation, il ne saura pas si vous avez dit que tel projet devrait ou non être désigné, c’est ce que je veux dire. Ce ne sera pas un processus transparent?
Mme Velshi : Nous fournissons ces avis au Cabinet, effectivement.
Le sénateur Tkachuk : Oui.
Vous fournissez vous aussi des avis au Cabinet?
M. Fox : Effectivement.
Le sénateur Tkachuk : Ce sera donc une décision totalement politique? Très bien.
Madame Velshi, concernant la commission d’examen, dont les membres sont nommés par le ministre, je crois que vous avez dit vous occuper de toute l’évaluation environnementale. Et vos deux organisations le font de manière satisfaisante. Bref, cette commission n’effectuera pas vraiment d’évaluation environnementale. Si je comprends bien, elle se penchera plutôt sur des questions comme la durabilité, l’égalité entre les sexes. Quelle est l’autre encore?
Le sénateur Patterson : Les changements climatiques.
Le sénateur Tkachuk : Les changements climatiques. Ce sont les questions qu’examinera la commission politique, puisque ce sera une commission politique. Vous y aurez un représentant, et tous les autres membres seront désignés par nomination politique?
Mme Velshi : Ce sera une commission intégrée, qui se penchera sur tous les éléments prévus dans son mandat.
Le sénateur Tkachuk : Elle examinera ce que vous avez décidé?
Mme Velshi : Pas ce que j’ai décidé.
Le sénateur Tkachuk : La commission nucléaire. La commission d’examen sera-t-elle saisie de vos décisions ou se penchera-t-elle sur des questions totalement différentes?
Mme Velshi : Le travail de la commission d’examen dépendra du mandat que lui octroiera le ministre ou de la portée de l’examen.
Le sénateur Tkachuk : C’est-à-dire?
Mme Velshi : Il portera sur tous les facteurs pertinents pour un projet donné.
Le sénateur Tkachuk : Ce qui comprend?
Mme Velshi : Ce qui comprend les critères que nous examinons habituellement.
Le sénateur Tkachuk : Que vous aurez examinés vous-mêmes?
Mme Velshi : Non, pas pour ce projet en particulier, puisque nous n’évaluerons pas les projets désignés.
Le sénateur Tkachuk : D’accord.
Mme Velshi : Ce sera la seule évaluation réalisée.
Le sénateur Tkachuk : Elle portera sur les changements climatiques, l’analyse comparative entre les sexes, la durabilité...
Mme Velshi : La sécurité, la santé, l’environnement. Tous ces facteurs seront pris en compte.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce quelque chose que vous aurez fait vous-mêmes?
Mme Velshi : Ce n’est pas quelque chose que nous aurons fait. Nous avons déjà mené des études similaires sur d’autres projets, mais dans ce cas, non, ce sera la seule évaluation réalisée pour ce projet en particulier.
Le sénateur Tkachuk : Donc quand la commission d’examen se penchera sur un projet désigné, quel sera votre rôle? Vous semblez dire qu’elle s’occupera de toutes les questions environnementales dont vous vous occupez déjà très bien depuis longtemps.
Mme Velshi : Pour d’autres projets.
Le sénateur Tkachuk : Elle fera ce travail à votre place.
Mme Velshi : Elle ne le fera pas à notre place, parce que nous aurons toujours un membre au sein de la commission. De même, notre personnel continuera d’offrir son soutien à l’agence et à la commission dans nos domaines de compétence comme la sûreté nucléaire. Cela ne changera pas.
La présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Tkachuk : J’aurais une question complémentaire à poser.
La présidente : Vous avez déjà eu cinq, six minutes.
Le sénateur Tkachuk : Je l’apprécie, aussi, comme j’ai apprécié mes sept minutes, hier, mais je vous prie de m’inscrire au second tour pour que je puisse continuer ma série de questions. Je veux avoir plus d’information.
La présidente : Parfait.
Le sénateur Richards : Je remercie infiniment nos témoins.
Vous savez peut-être que le premier ministre du Nouveau-Brunswick compte essayer de relancer le projet Énergie Est pour la population du Nouveau-Brunswick. Les Néo-Brunswickois sont très déçus qu’il ait été annulé. Nous sommes nombreux à croire qu’il l’a été pour des raisons politiques. Ce qui s’est passé n’a jamais vraiment été mis au clair, donc j’aimerais interroger Mme Lapointe à ce sujet.
D’une part, l’Association canadienne de pipelines d’énergie a publié la déclaration suivante :
L’annonce de TransCanada s’inscrit dans la foulée de la décision du comité de l’ONE sur le projet Énergie Est de tenir compte des émissions de gaz à effet de serre, GES, en amont et en aval dans l’évaluation des projets.
D’autre part, le ministre Jim Carr a dit aux sénateurs, l’an dernier, que l’annulation du projet Énergie Est n’avait rien à voir avec une intervention du gouvernement. Il a déclaré ceci :
Le promoteur a décidé de retirer sa demande pour des raisons qui lui appartiennent.
On peut dire qu’il l’a retirée à la dernière minute. Ce projet était dans le collimateur depuis longtemps. Je me demande donc, madame Lapointe, si vous pouvez éclaircir la situation pour la population du Nouveau-Brunswick.
Mme Lapointe : Le projet Énergie Est faisait l’objet d’un examen d’un comité indépendant, quand en octobre 2017, le promoteur a soumis une lettre à l’Office national de l’énergie pour soustraire son projet du processus d’examen indépendant. Il en a donné les raisons dans sa lettre au moment de son retrait.
Le sénateur Richards : Quelles sont ces raisons? Était-ce à cause des tests d’émissions en amont et en aval?
Mme Lapointe : Je pense qu’il y avait diverses raisons à son retrait. Il est difficile de nous avancer, parce que je présume que les décisions d’affaires se fondent sur divers facteurs, donc je ne peux pas vraiment m’avancer sur la nature exacte de ces raisons. La lettre soumise par le promoteur est publique.
Le sénateur Richards : Mais en théorie, il y avait une chance que le projet se poursuive si le gouvernement n’avait pas imposé de tests d’émissions en amont et en aval?
Mme Lapointe : C’est difficile à dire.
Le sénateur Richards : Merci.
La présidente : Avez-vous la lettre que le promoteur a soumise quand il a abandonné le projet? Serait-il possible de la faire parvenir à la greffière du comité?
Mme Lapointe : Oui, c’est une lettre publique, mais nous pouvons vous envoyer le lien vers le site où la consulter.
La présidente : Ce serait très apprécié.
Le sénateur Richards : Merci.
La sénatrice Simons : J’aimerais d’abord poser une question à Mme Velshi, qui concerne aussi l’ONE, je crois.
Il y a des paramètres très stricts qui régissent le nombre de représentants des organismes de réglementation axés sur le cycle de vie qui peuvent siéger à ces commissions. Il doit y en avoir au moins un, mais ils ne peuvent pas constituer la majorité des membres, et la présidence ne peut pas être confiée à un représentant de l’agence.
Compte tenu de toute la connaissance spécialisée que vous possédez, vous semble-t-il suffisant de n’avoir qu’un représentant à une commission ou conviendrait-il que votre organisation y ait un plus grand nombre de représentants, compte tenu de vos connaissances approfondies?
Le sénateur Patterson : Bonne question. C’était ma question.
La sénatrice Simons : Je m’y attendais.
Le sénateur Patterson : Voyons voir si nous pouvons obtenir une meilleure réponse.
Mme Velshi : Je ne peux pas vous dire pourquoi ils ne peuvent pas former la majorité.
Je peux toutefois vous dire que notre personnel fournira toutes les connaissances voulues à la commission grâce à son travail de soutien. Nous avons aussi déjà eu des commissions conjointes sur les projets nucléaires, et des commissaires temporaires y avaient été nommés. Pour que ce genre d’examen soit efficace, il faudra veiller à ce que les commissaires aient toutes les compétences et l’expérience requises pour bien faire le travail.
La sénatrice Simons : Je pose une question parallèle à Mme Lapointe sur les nominations à la commission en vertu de la Loi sur la RCE. Selon les règles de la commission, les mandats des commissaires seront de six ans, et on évoque la possibilité, dans de rares circonstances, d’une prolongation de mandat jusqu’à un maximum de 10 ans.
D’après ce que j’ai entendu de certains membres de l’industrie, en Alberta, compte tenu du degré de connaissances techniques nécessaire pour comprendre les droits et tarifs qui font partie du mandat de l’ONE, il peut falloir six ans pour vraiment maîtriser le sujet. Je me demande ce que vous pensez des limites très strictes au mandat qu’impose la LRCE.
Mme Lapointe : Bien sûr, il est toujours important que les membres d’une commission aient des perspectives diversifiées, qu’ils aient des compétences et expériences régionales variées et représentatives de la diversité canadienne.
Nous avons du personnel chevronné qui travaille à l’appui des commissaires. Nous avons un programme d’intégration très robuste et prenons le temps de faire en sorte que les commissaires soient bien au courant des enjeux auxquels ils seront confrontés avant de prendre des décisions. Nous veillons surtout à bien leur transmettre toute l’information et à nous assurer de leur fournir tout l’appui voulu.
La sénatrice Simons : Pour quelle raison ces limites au mandat sont-elles si strictes? Je le dis à titre de personne elle-même nommée à l’âge de 75 ans : pourquoi fixer le plafond à six ans?
Mme Lapointe : Je pense que les commissaires sont nommés pour... est-ce cinq ou six ans?
M. Fox : Six ans.
Mme Lapointe : Six ans, d’accord.
En fait, je ne sais pas pourquoi cette limite a été fixée.
La sénatrice Simons : Certains, et particulièrement la Canada West Foundation, s’inquiètent qu’en remplaçant l’ONE par la RCE, nous perdions tout un discours de jurisprudence et qu’on ne puisse plus autant évoquer des décisions antérieures des tribunaux.
Craignez-vous qu’en remplaçant l’ONE par la RCE, on perde tous les précédents judiciaires sur lesquels les tribunaux peuvent s’appuyer?
Mme Lapointe : Nous avons appris des principes juridiques qui découlent des décisions rendues par les tribunaux et nous avons adapté nos façons de faire en conséquence. En devenant la RCE, nous continuerons de nous appuyer sur ces principes juridiques. Nous continuerons d’apprendre de toute décision judiciaire future...
La sénatrice Simons : Je suppose que l’inquiétude est la suivante : les tribunaux respecteront-ils les décisions antérieures? Je ne me préoccupe pas tant de ce sur quoi vous vous appuierez que de ce que la Cour fédérale prendra en considération.
Mme Lapointe : Je ne peux pas prédire ce qu’elle prendra en considération, mais nous continuerons évidemment d’utiliser ces principes juridiques tels qu’ils s’appliquent aux tribunaux, comme nous le faisons jusqu’ici, et nous tirerons des leçons de nos expériences futures.
La sénatrice Simons : Merci.
Certaines personnes m’ont exprimé l’idée que le Canada aurait vraiment besoin d’un corridor de services publics. Comme vous réglementez à la fois les oléoducs et les lignes électriques, et que le réseau canadien suscite de plus en plus d’intérêt, comment évalueriez-vous l’intérêt de réserver des terres pour créer un corridor des services publics, pour que nous n’ayons pas à réévaluer la question chaque fois qu’un nouveau est présenté? Si nous avions une véritable autoroute des services publics, cela accélérerait-il les choses?
M. Steedman : C’est une idée qui a été passablement étudiée, y compris aux États-Unis, de manière officielle. Cela dépend en partie des endroits où se trouvent les ressources énergétiques et les marchés. Ce ne sont pas toujours les mêmes.
Dans les Prairies, c’est à peu près ce qui existe. Nous avons plusieurs pipelines dans des corridors relativement étroits. On suivra souvent le parcours des autoroutes, pour cela, mais il est assez compliqué d’en établir le tracé exact et de prendre des décisions justes qui prennent en compte les droits des propriétaires fonciers et les territoires traditionnels des peuples autochtones.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie tous beaucoup d’être parmi nous aujourd’hui.
Madame Lapointe, dans votre déclaration, vous nous avez présenté des nouveautés qu’on trouve dans la Loi sur la RCE. Vous mentionnez notamment la liste explicite et étendue des facteurs à prendre en considération et concluez que ces facteurs ajouteront à la clarté et établiront un cadre de travail transparent pour l’évaluation de projets à l’avenir.
Or, je suis certaine que vous savez que de nombreuses personnes ne considèrent pas que l’article 22 prescrit une liste explicite de facteurs à prendre en considération dans une évaluation d’impact. C’est tout l’inverse, en fait : elles prétendent que les considérations politiques pèsent lourd dans tous les examens et nous privent de décisions fondées sur des raisons techniques et scientifiques. Bien sûr, toute démarche technique et scientifique est prévisible et transparente. Je parle ici des conditions sociales et de santé, de ce qu’on appelle les effets cumulatifs et des résultats de toute interaction entre ces effets.
Vous poursuivez en mentionnant le rôle essentiel des organismes de réglementation axés sur le cycle de vie dans une évaluation d’impact. Compte tenu de toute la confusion et des inquiétudes qui règnent quant à la façon dont ces facteurs seront définis et mesurés, de manière scientifique, quels sont les outils ou les qualifications dont les organismes de réglementation axés sur le cycle de vie disposeront? Comment feront-ils pour évaluer ces facteurs d’une manière totalement scientifique et transparente?
Mme Lapointe : La clarté est importante pour prendre cette liste de facteurs en considération. Nous nous attendons à ce que d’autres directives soient adoptées. Je pense qu’il y en a déjà en cours d’élaboration à l’heure actuelle. Chose certaine, nous nous assurons de participer à leur élaboration. Il sera important que ces facteurs soient clairs.
Ce sont eux qui détermineront quels renseignements un demandeur devra soumettre, de même que l’information que les autres acteurs soumettront dans le cadre d’un examen. Il reviendra à la commission chargée d’examiner un projet particulier de déterminer comment les renseignements soumis seront évalués et pris en compte, selon leur pertinence pour le projet. Bref, l’évaluation de ces facteurs se fondera vraiment sur des données probantes.
Je céderai la parole à mon collègue, s’il souhaite ajouter quelque chose.
M. Steedman : La plupart de ces éléments ne sont pas nouveaux pour l’Office national de l’énergie. La loi qui nous régit exige la prise en compte de tous les facteurs pertinents dans l’intérêt public, maintenant comme à l’avenir. Nous allons ainsi examiner les facteurs liés à la santé, à l’environnement, à la sécurité et aux aspects socioculturels. L’inclusion de ces critères ne nous gêne donc pas.
Les preuves scientifiques ne sont pas nécessaires dans tous les cas. C’est simplement parfois une question de jugement et de recherche d’un juste équilibre, car les considérations relatives aux facteurs socioculturels ne sont pas nécessairement quantifiables. Cela ne nous pose donc aucun problème. Nous sommes toujours tenus de procéder à une évaluation en bonne et due forme des impacts en nous appuyant sur les éléments qui se retrouvent en grande partie dans cette liste.
La sénatrice Seidman : Je note surtout que vous avez parlé de jugement dans votre réponse. Le jugement n’a rien à voir avec les données scientifiques. C’est un processus subjectif qui peut manquer totalement de transparence, ce qui me pose certaines difficultés. Lorsqu’on veut s’en remettre à la science et à des données probantes, il faut des mesures objectives. Où allons-nous trouver ces mesures objectives?
C’est primordial du point de vue statistique, un domaine où l’on parle des effets cumulatifs et des résultats des éventuelles interactions entre ces effets. Tout cela exige une analyse assez approfondie. Est-ce qu’on va se baser sur le jugement ou va-t-on utiliser des mesures scientifiques? Et ce n’est pas moi qui pourrais vous dire lesquelles.
M. Steedman : Nous menons une analyse des effets cumulatifs pour chacune des évaluations que nous effectuons. Les résultats sont généralement présentés dans un tableau énonçant l’importance et l’intensité des différents facteurs, le tout dans un souci de transparence. Nos rapports fournissent toujours les motifs de nos décisions en précisant qui a dit quoi, de même que les conclusions de la commission d’examen. Nous visons un maximum de transparence. Nous essayons toujours de faire mieux à ce chapitre.
Je peux vous parler du rôle d’un membre de la commission d’examen, car je pense que la question a été posée précédemment. Idéalement, une commission d’examen doit compter sur une certaine expertise technique ainsi que sur une connaissance du projet, en sachant qu’un pipeline de grande envergure peut avoir des répercussions extrêmement diversifiées sur les Canadiens. Les membres de la commission d’examen doivent évaluer les éléments de preuve qui leur sont soumis en décidant lesquels sont pertinents.
Pour avoir moi-même témoigné à l’occasion de procès sur des déversements, je peux vous dire que cela s’apparente un peu au rôle d’un juge de paix. Des experts aident les commissaires à rassembler les éléments de preuve et des témoins comparaissent pour les deux parties. Les membres de la commission doivent ensuite formuler une recommandation en se fondant sur leur jugement, leur bon sens et la science. Il faut donc appliquer la science et l’art de l’évaluation, mais c’est principalement une affaire de jugement et d’équité.
La sénatrice Seidman : Il y a également ce registre censé nous assurer une plus grande transparence. On pourra y prendre connaissance des décisions prises, des facteurs considérés et de l’analyse menée. Est-ce bien ce que vous avez compris également?
M. Steedman : Tout à fait. Pour les évaluations effectuées par la Régie canadienne de l’énergie, tous les documents issus des audiences publiques seront rendus publics, tout comme c’est le cas pour l’Office national de l’énergie actuellement. Les motifs sont indiqués dans le rapport. Dans le cas des évaluations menées conjointement avec l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, nous fournissons les liens nécessaires ou bien nous affichons les documents dans leur registre.
La présidente : J’aurais une question supplémentaire à ce sujet que je trouve également très important.
Nous savons tous que la science peut faire de grands pas en avant très rapidement et qu’il y a forcément un délai avant que les nouvelles connaissances acquises puissent être intégrées à la réglementation et aux politiques. Il faut parfois compter des années.
Nous tirons bien sûr certains enseignements des accidents qui se produisent. Aussi bien Tchernobyl que Lac-Mégantic et Deepwater Horizon nous ont appris quelque chose. Les scientifiques ont mené différents travaux en s’appuyant sur ces enseignements et nous sommes censés traduire tout cela dans la réglementation.
À quels mécanismes avez-vous recours pour élargir vos connaissances?
Mme Velshi : Vous avez tout à fait raison : un accident est toujours une source de préoccupation pour notre industrie, peu importe où il se produit. Nous demeurons à l’affût. Nous sommes très bien connectés avec toute notre communauté à l’échelle internationale.
Il y a deux questions à se poser. Premièrement, comment nous tenons-nous au fait des nouvelles connaissances? Deuxièmement, si un accident se produit, quels enseignements peuvent en être tirés et comment nous assurer que des mesures concrètes sont prises en conséquence?
Comme nous sommes une organisation scientifique, la nécessité de nous tenir au fait des plus récentes avancées fait partie intégrante de notre mandat. Je vais laisser M. Rinker vous en dire plus long au sujet de la façon dont nous nous y prenons.
Je vais vous parler des accidents. L’expérience d’exploitation est un aspect fondamental du bon fonctionnement de l’industrie nucléaire. Des mécanismes de toutes sortes sont en place pour s’assurer que ces enseignements sont partagés avec le reste de la planète de façon ouverte et transparente. Il y a également des mécanismes permettant de faire valider le tout par des sources indépendantes, et de s’assurer que l’on tire des leçons des erreurs commises ailleurs dans l’industrie et qu’elles ne se reproduiront pas chez nous.
À titre d’exemple, la CCSN a mis sur pied un groupe de travail multifonctionnel à la suite de l’accident de Fukushima. Nous avons ainsi réuni des titulaires de permis, des experts techniques et des universitaires pour déterminer en quoi cet accident pouvait nous toucher et dans quelle mesure nous étions à l’abri d’une situation semblable. Une fois que le groupe de travail eut déterminé quelles mesures correctives s’imposaient pour nous, nous avons fait valider son analyse par des experts indépendants pour nous assurer d’en faire une évaluation objective et approfondie, et nous avons exercé une surveillance régulière par la suite. C’est un élément essentiel de notre gestion du cadre réglementaire s’appliquant à notre industrie.
Quant aux efforts déployés pour nous tenir au fait des avancées scientifiques, je vais laisser M. Rinker vous en dire plus long.
M. Rinker : Nous avons plusieurs façons de nous assurer que nous demeurons à la fine pointe du point de vue scientifique. Nous faisons partie de nombreuses associations internationales, notamment par exemple pour les dépôts de combustible usé. En Europe, il y a de nombreuses instances internationales qui collaborent pour mener des recherches. Nous avons des professeurs associés au sein de notre personnel. Nous avons des étudiants qui mènent des recherches sur les effets de la glaciation sur les dépôts et sur des questions semblables.
Nous disposons d’un budget pour le financement de recherches universitaires visant à mieux comprendre le cycle de vie des radionucléides dans l’environnement. Nous employons des experts du domaine de la santé, y compris des épidémiologistes, qui peuvent mener par exemple des études sur la santé des Canadiens vivant à proximité d’une centrale nucléaire.
Enfin, pour les secteurs ne relevant pas de notre domaine d’expertise, nous nous en remettons toujours à une approche pangouvernementale. Que nous procédions ou non à une évaluation environnementale, il y a des gens d’Environnement Canada qui assistent à nos audiences pour offrir leur expertise. Il en va de même pour Santé Canada et le ministère des Pêches et des Océans ainsi que les provinces. Nous adoptons une telle approche pangouvernementale aussi bien pour l’octroi des permis que pour une évaluation environnementale.
La présidente : Merci.
Mme Lapointe : Nous prenons très au sérieux les enseignements pouvant ainsi être tirés de l’expérience pour nous permettre d’accroître notre expertise. Nous prenons certes des mesures à l’interne au niveau de notre personnel, et M. Steedman pourra vous en parler.
Nous intervenons en outre directement auprès de l’industrie pour que ces connaissances soient bel et bien mises à profit. Nous exigeons des entreprises qu’elles aient leur propre système de gestion, et nous leur demandons de maintenir à jour leurs pratiques en apportant les changements nécessaires à la lumière des leçons apprises.
Je vais demander à M. Steedman de vous parler des mesures que nous prenons à l’interne.
M. Steedman : Merci beaucoup.
Nous avons à notre emploi des scientifiques et du personnel très spécialisé en technologie appliquée, comme nos ingénieurs et nos spécialistes en santé humaine et en environnement. L’Office national de l’énergie n’est toutefois pas une agence de recherche. Nous n’effectuons pas de travaux de recherche et nous n’en finançons pas, mais nous multiplions les efforts pour façonner les programmes de recherche au sein de comités directeurs scientifiques fédéraux et internationaux se penchant sur des sujets comme l’intégrité des pipelines et les mesures de préparation et d’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures.
Je pourrais vous répéter tous les éléments notés par mes collègues de la CCSN qui ont fait une très bonne description de la situation.
J’ajouterais simplement que la plus grande partie de nos évaluations s’articulent autour du fonctionnement du projet lorsque tout se déroule comme prévu. C’est un élément clé de notre planification. Nous menons toutefois parallèlement à cela un exercice totalement indépendant d’évaluation des risques de défaillances et d’accidents et de planification de mesures d’urgence en conséquence. Nos rapports comportent souvent un ou deux chapitres portant sur cet aspect. Nous nous appuyons généralement pour ce faire sur un large bassin d’examens déjà menés sur les risques d’accidents découlant des différentes activités associées au fonctionnement d’un pipeline fédéral. Nous entendons aussi les arguments contradictoires de ceux qui ont une perception différente de ces risques, ce qui nous permet de nous faire une excellente idée de la façon dont les choses ont fonctionné par le passé.
À titre d’instance réglementaire, nous jugeons les données scientifiques en fonction de la façon dont les choses se passent dans la pratique. Nous devons comprendre les risques qui se posent, mais nous devons surtout posséder une expertise nous permettant de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans la pratique, car c’est l’essentiel pour nous. Nous sommes un organisme de réglementation du cycle de vie.
Dans l’ensemble, grâce aux audiences que nous tenons et à la formation de notre personnel, nous disposons d’excellents moyens pour nous tenir au fait de ce qui se passe et peut-être nous faire une meilleure idée des surprises qui pourraient nous attendre.
La sénatrice LaBoucane-Benson : J’aimerais que nous parlions des Comités autochtones de consultation et de surveillance (CACS) auxquels vous avez fait référence. Pour le compte de qui travaillent ces comités? Pour le promoteur ou pour le gouvernement? Et pour qui travaillent-ils en vertu de la nouvelle loi?
Mme Lapointe : Les Comités autochtones de consultation et de surveillance dans leur forme actuelle ont été mis sur pied par le gouvernement. Leur mandat a été élaboré conjointement par le gouvernement, les communautés autochtones et l’Office national de l’énergie.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Comment leur expertise est-elle intégrée au développement d’un projet? J’essaie de mieux comprendre. D’après ce que j’ai lu au sujet du CACS de la Canalisation 3, on cherche à paver la voie à de meilleures relations avec les nations autochtones en vue de permettre leur pleine participation aux activités de surveillance. Pour sa part, le CACS pour Trans Mountain indique être chargé de l’examen et de la surveillance des différents enjeux liés à l’environnement, à la sécurité et aux perspectives socioéconomiques.
Je ne suis pas en train de dire que ce ne sont là que de belles paroles, mais certains de ces engagements apparaissent purement symboliques. Que font ces comités dans la pratique et quelles sont les répercussions sur le fonctionnement des pipelines en question? En quoi leur voix est-elle vraiment significative?
Mme Lapointe : Je vais débuter avant de céder la parole à M. Steedman qui est très actif au sein de ces comités.
Dans le cadre de notre travail en collaboration avec ces deux CACS, nous mettons beaucoup l’accent sur la surveillance et la participation des Autochtones aux inspections que nous menons. Nous avons réalisé un projet pilote pour mettre à l’essai cette approche. Nous avons travaillé à cette fin en collaboration avec le sous-comité de surveillance mis sur pied par chacun des CACS. Des observateurs autochtones nous accompagnent lors de nos inspections auxquelles ils participent directement. Cette façon de faire permet de bien appuyer nos efforts pour la sécurité et l’environnement. La présence d’observateurs autochtones a permis de grandement sensibiliser nos inspecteurs aux préoccupations des communautés touchées ainsi qu’à leurs distinctions culturelles.
Nous n’en sommes qu’aux premières étapes d’un long parcours. Nous nous réjouissons grandement des progrès réalisés qui nous permettront d’intervenir de façon plus globale en application de la nouvelle loi.
Je vais maintenant céder la parole à M. Steedman s’il veut ajouter quoi que ce soit.
M. Steedman : C’était un excellent survol de la situation.
J’ai l’honneur d’être le représentant de l’Office national de l’énergie pour les questions touchant la réglementation au sein du Comité autochtone de consultation et de surveillance pour la Canalisation 3. Nous avons aussi une dizaine d’employés qui appuient le travail des différents sous-comités établis aussi bien pour Trans Mountain que pour la Canalisation 3. Ces deux comités se retrouvent dans une situation bien différente, notamment du fait que la Canalisation 3 est en construction depuis environ 18 mois, alors que je n’ai pas besoin de vous dire ce qui se passe du côté de Trans Mountain.
J’aimerais revenir brièvement à la question de la surveillance. Le comité de la Canalisation 3 intervient activement grâce à des fonds administrés par le Bureau des partenariats avec les Autochtones - Ouest un secrétariat relevant de Ressources naturelles Canada. Ce sont des gens vraiment formidables. Le comité de la Canalisation 3 ne ménage pas ses efforts et a notamment consacré beaucoup de temps à ce qu’on appelle un examen des documents produits. Il s’agit essentiellement d’une vérification par un tiers de nos activités de surveillance réglementaire à partir des documents produits par l’entreprise après l’approbation relativement au respect des exigences en matière de construction, de nettoyage et de remise en état des sites.
C’est un exercice qui s’est révélé très intéressant. Des observateurs autochtones ont accompagné nos inspecteurs dans leurs camions. Ils ont déjà repéré certaines choses sur le terrain dans le cadre des activités de surveillance, et des experts-conseils ont été mis à contribution pour l’examen des dossiers produits. Notre travail de réglementation bénéficie grandement de la remise en question émanant de ce point de vue autochtone. C’est certes toute une expérience pour nous.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Pouvez-vous nous donner un exemple très concret d’une préoccupation qui aurait été portée à la connaissance des inspecteurs dans une communauté?
M. Steedman : Oui, nous en avons quelques exemples. S’il y a une bonne nouvelle, c’est que les constats de ces observateurs ne portent généralement pas sur des défaillances relevées sur le terrain, ce qui correspond exactement à l’objectif visé.
Il y a eu un cas où un observateur autochtone accompagnant l’une de nos équipes d’inspection a noté que des zones tampons entourant les terres humides n’avaient pas été correctement balisées. Il ne s’agissait pas d’un problème touchant directement les Autochtones, mais simplement d’un bon esprit d’observation qui a permis de déterminer que l’entreprise n’avait pas nécessairement déployé les ressources appropriées pour ce balisage. Comme c’est souvent le cas en pareille situation, les travaux ont été interrompus jusqu’à ce que des correctifs soient apportés. Les observateurs autochtones rédigent leurs propres rapports indépendants. Ces rapports sont rendus publics auprès des nations participantes.
Il y a eu d’autres exemples similaires. Pour le pipeline Trans Mountain, les observateurs autochtones ont contribué directement à des découvertes aléatoires d’artéfacts culturels qui avaient échappé aux fouilles archéologiques préalables à la construction. Il y a eu différents autres cas semblables. Il y a ainsi beaucoup d’occasions pour chacun de mieux apprendre à connaître la culture de l’autre.
La présidente : Merci beaucoup.
La sénatrice McCallum : Merci pour vos exposés. Ce sont des enjeux que je commence à peine à mieux comprendre. Ils revêtent une importance capitale pour les Autochtones comme pour l’ensemble des Canadiens. Il est bon que nous ayons ici l’occasion d’accroître nos connaissances et d’améliorer notre compréhension de ces questions de manière à pouvoir prendre des décisions mieux éclairées.
Il y a une chose que je tiens à préciser. Lorsqu’on se penche sur les enjeux associés à l’énergie, à l’environnement et aux ressources naturelles, il n’y a pas que les connaissances scientifiques qui entrent en compte. Il y a également les connaissances autochtones qui ont elles-mêmes une base scientifique, sans quoi je ne serais pas ici aujourd’hui. De nombreuses études ont été menées avec l’aide des aînés et des gardiens du savoir traditionnel, mais notre régime de propriété intellectuelle ne permet pas d’en reconnaître la valeur.
Noter apport scientifique comprends la physique, l’astrologie, les cérémonies, la médecine et les langues. Il y a une expression crie, pas ta ho win, qui signifie que l’on est allé trop loin. C’est le constat que nous devons faire en observant la destruction climatique. C’est devenu l’un des enjeux fondamentaux. C’est ce que m’inspirent mes origines autochtones.
Vous avez indiqué que les traités internationaux étaient respectés, mais on ne fait aucunement mention des traités conclus à l’intérieur du Canada. Il y a un processus de réconciliation en cours, mais nous avons aussi des traités.
Il y a des connaissances scientifiques qui doivent être prises en compte pour analyser la destruction climatique. C’est pourquoi ce projet de loi est si important. Les déterminants sociaux de la santé sont établis à partir de données qualitatives, ce qui explique les raisons pour lesquelles les gens ne comprennent pas le sort qui nous a été réservé, moi comprise, avec l’anéantissement de nos vies et de nos communautés. Je tenais à le dire.
Ma question porte sur la mise en œuvre de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie et la mise en place du cadre nécessaire. On prévoit notamment la prise de contrôle d’un pipeline par la régie lorsqu’il n’a pas de propriétaire identifiable. Je ne comprends pas. Est-ce une lacune héritée de l’ancienne loi? Comment peut-il y avoir un projet sans que le propriétaire puisse être identifié? Si l’on considère les sites devant être remis en état, comme c’est le cas pour le nettoyage des mines d’uranium et des différents sites d’exploitation minière ou pétrolière, il faut savoir que ces lieux renferment encore des matières toxiques. C’est ce qui empêche de pouvoir demander à une entreprise de faire le nettoyage sur place. Il n’y a pas de surveillance à cet égard.
Comment cela a-t-il pu être possible? Vous dites que c’est seulement pour les pipelines? D’accord. Alors, comment a-t-on pu permettre cela?
Mme Lapointe : Il est actuellement possible pour l’Office national de l’énergie d’intervenir si une entreprise décide, pour une raison ou une autre, d’abandonner un pipeline. Il nous est possible de le faire. Nous avons établi un cadre obligeant les entreprises à disposer de marges de crédit pour que des fonds soient accessibles en cas d’un éventuel abandon du pipeline.
Suivant les dispositions en vigueur, si une entreprise fait faillite pour une raison ou une autre, nous en sommes prévenus à l’avance par la banque de manière à pouvoir retirer les fonds prévus dans cette marge de crédit avant que les autres créanciers ne puissent se servir.
La sénatrice McCallum : Ma seconde question s’adresse à M. Fox et elle concerne la compétence provinciale à l’égard des puits abandonnés. Cette question relève des provinces, mais les Autochtones sont assujettis à la compétence fédérale. Ces questions provinciales n’ont jamais été réglées à notre satisfaction, surtout dans les Prairies. Vous avez dit que ce n’était pas un problème important jusqu’à maintenant, mais je peux vous assurer que ça l’a été pour nous. Que fait le gouvernement pour corriger cette lacune?
M. Fox : La réglementation de ces puits abandonnés n’est du ressort de l’Office national de l’énergie qu’au nord du 60e parallèle, c’est-à-dire en dehors du territoire des provinces, soit au Nunavut et dans certains autres secteurs extracôtiers du Nord du pays. Dans ces cas particuliers, les puits abandonnés ne sont pas vraiment problématiques.
Quant aux autres aspects de notre responsabilité de réglementation s’appliquant aux pipelines de l’ensemble du Canada, nous n’avons pas eu de véritables problèmes avec des pipelines abandonnés à proprement parler. Je précisais que dans le Sud du pays, ce sont les provinces qui assurent la réglementation de la production pétrolière et gazière sur les terres relevant de leur compétence. Si je ne m’abuse, c’est Pétrole et gaz des Indiens du Canada, une autre agence avec laquelle nous n’avons pas beaucoup d’interactions, qui en fait autant pour la production pétrolière et gazière sur les terres des réserves.
La sénatrice McCallum : Alors, considérez-vous que c’est un problème?
M. Fox : Je dirais que la situation peut certes devenir problématique si une installation abandonnée risque de poser une menace pour l’environnement ou la sécurité. Chaque gouvernement provincial devrait donc exercer une étroite surveillance et mettre en place les structures nécessaires pour qu’il y ait nettoyage du site une fois les activités d’exploitation pétrolière et gazière terminées.
La sénatrice McCallum : Les provinces ne négocient pas vraiment avec les Autochtones. C’est ce qui pose problème. Que recommanderiez-vous pour corriger cette lacune?
M. Fox : Cela sort malheureusement du cadre de mon mandat. Je dirais qu’il incombe au fédéral et aux provinces de travailler avec les Autochtones pour corriger cette lacune.
La sénatrice McCallum : Merci.
La sénatrice McCoy : Merci d’être avec nous aujourd’hui. Je suis aussi ravie de voir des Albertains au bout de la table. Je suis désolée, mais ne le prenez pas mal, nous n’avons aucune expérience concernant les projets nucléaires. Mes commentaires et mes questions s’adressent à l’ONE.
À la page 7 de son rapport, le Comité d’experts sur la modernisation de l’Office national de l’énergie indique ce qui suit :
Les groupes environnementaux et industriels sont unanimes : en l’absence d’une meilleure solution, les Canadiens se sentent contraints d’utiliser les examens des projets effectués par l’ONE comme lieu pour résoudre des questions sur les politiques relatives aux changements climatiques. Par conséquent, les audiences de l’ONE ne servent aucun intérêt, et compliquent inutilement le conflit...
Le comité d’experts considère que c’est le principal élément déclencheur de ce qu’il appelle la crise de confiance à l’égard de l’ONE.
Permettez-moi de poser la question directement, au lieu d’en discuter indéfiniment. En quoi le projet de loi C-69 permettra-t-il de dissiper la crise de confiance qui résulte de votre incapacité à faire du comité d’experts la tribune idéale pour la tenue d’une discussion générale sur les politiques en matière de politique énergétique et de changements climatiques?
Mme Lapointe : Les orientations stratégiques sont évidemment établies dans la mesure législative.
En ce qui concerne la Loi sur l’évaluation d’impact, nous avons précédemment parlé du principe « un projet, une évaluation ». La mesure législative est essentielle à la mise en place d’un processus d’évaluation d’impact pour les projets énergétiques.
En outre, on y établit très clairement les aspects qui devront être évalués et examinés, conformément à la mesure législative. Cela comprend les considérations environnementales liées aux changements climatiques. On établit donc assez clairement les facteurs à évaluer dans le cadre d’un projet.
C’est essentiellement ainsi que nous voyons les choses. Voilà le cadre qu’ils ont choisi pour cela.
Mon collègue voudra peut-être compléter ma réponse.
M. Steedman : Merci beaucoup. C’est une question extrêmement importante pour nous.
Je souligne que depuis 2008, les Canadiens manifestent un intérêt considérablement accru pour cet enjeu. Nous avons commencé à en entendre parler lors de nos audiences.
En 2005, nous avons comparu devant un comité parlementaire pour discuter de l’Accord de Kyoto et expliquer comment, en général, le problème du climat est lié à diverses émissions de gaz à effet de serre partout dans le monde. En fait, c’est un problème depuis la fin des années 1980. C’est récurrent. Les modalités quant au moment et à la façon d’inclure ces enjeux dans les délibérations varient d’un groupe d’experts à l’autre.
Depuis 2015, les mesures provisoires permettent au Canada d’inclure des estimations des émissions de gaz à effet de serre en amont associées à un projet de pipelines. Nous l’avons fait dans le cadre de divers projets. L’ONE a collaboré avec Environnement et Changement climatique Canada pour les calculs à cet égard.
Dans notre monde, même si les débats sur l’avenir énergétique et les systèmes énergétiques sont loin d’être terminés au Canada, nous avons au moins un mécanisme d’examen des grands projets de pipelines. Nous pouvons ainsi nous assurer, le plus possible, que les émissions de gaz à effet de serre qui suscitent l’intérêt des Canadiens sont quantifiées, que les chiffres sont publics et qu’ils peuvent être inclus, par exemple, dans toute recommandation que pourrait faire un groupe d’experts au Cabinet.
La sénatrice McCoy : Merci beaucoup de la réponse.
Permettez-moi de poser une autre question. Le temps presse. Vous avez entendu les préoccupations sur la neutralité du décideur. Depuis 2012, en particulier, les décisions ont été prises au niveau ministériel ou par le Cabinet; elles sont donc de nature politique. Il subsiste d’importantes préoccupations à l’égard de l’expertise et de la neutralité de la Régie canadienne de l’énergie et à l’égard des décisions qu’elle prendra, puisque seulement l’un d’entre vous y siégera.
J’attire votre attention sur le paragraphe 17(1) du projet de loi, où l’on indique que le ministre peut déterminer qu’un projet a des effets « qui sont inacceptables ». Évidemment, le ministre peut aussi vous dire quoi faire. Si un ministre en arrivait à cette conclusion et donnait un avis promoteur, que ferait la Régie canadienne de l’énergie?
Mme Lapointe : Je veux m’assurer de comprendre la question. Elle porte sur le processus d’évaluation d’impact. Dans ce cas, cela se ferait sous la direction de la nouvelle Agence canadienne d’évaluation d’impacts, et nous travaillerions de façon intégrée avec l’agence.
Je vois que mon collègue cherche la disposition.
La sénatrice McCoy : Essentiellement, le promoteur s’est fait dire que le ou la ministre n’accepterait pas votre avis si vous approuviez le projet, jugeant le projet comme comportant des effets inacceptables. En même temps, une commission d’examen doit être constituée pour tout projet présenté par votre intermédiaire, puisque vous avez autorité sur le pipeline, la ligne de transmission interprovinciale ou internationale, et cetera. Donc, cela fait partie du processus. Que se passe-t-il ensuite? Irez-vous de l’avant?
Le sénateur Patterson : La politique prend le pas sur la science.
La présidente : Le temps est écoulé. Nous en sommes rendus à sept minutes, et nous devons poursuivre.
Sénateur Pratte.
La sénatrice McCoy : C’est la consternation à l’autre bout de la table.
Le sénateur Pratte : Je suis heureux de vous voir.
J’ai une petite question dans la foulée des questions de la sénatrice McCoy et du sénateur Woo. Je me demande comment se déroulera le processus, puisque vos deux organismes doivent émettre des licences et des permis. Lorsqu’un projet désigné fait l’objet d’un processus d’examen intégré, vous devrez prendre une décision un moment donné, peu importe la décision du ministre ou du gouverneur en conseil. Que se passe-t-il en cas de désaccord? Si le ministre ou le gouverneur en conseil décide, après l’examen intégré, que le projet peut aller de l’avant, mais que la Commission canadienne de la sûreté nucléaire, par exemple, détermine que les critères pour la délivrance d’une licence ne sont pas satisfaits, que se produira-t-il? Qui décide du sort de ce projet?
Mme Velshi : En ce qui concerne les projets nucléaires désignés, le projet de loi prévoit que le comité d’examen présentera un rapport en deux parties, dont la première est une série de recommandations relatives à l’évaluation d’impact, sur laquelle sera fondée la décision du ministre ou du gouverneur en conseil. Une fois la décision prise — disons qu’elle est favorable, avec ces conditions —, elle serait transmise à la CCSN, avec le rapport sur les aspects évalués aux fins de la délivrance du permis. La CCSN prendrait alors une décision de permis, conformément à sa loi habilitante. Il est possible que nous refusions la demande parce que nous jugeons que le projet n’est pas sécuritaire ou qu’il ne satisfait pas aux exigences. Nous pourrions aussi imposer des exigences supplémentaires. Cela dit, ce sont deux décisions très différentes prises par deux intervenants distincts.
Le sénateur Pratte : Si j’ai bien compris, dans le cas où le ministre donnerait son approbation et que vous refusiez de ne pas délivrer un permis à ce moment-là pour une raison quelconque, votre décision scellerait le sort du projet, à moins que d’autres conditions soient satisfaites.
Mme Velshi : C’est exact. Nous fournirions les motifs de notre décision, mais cela relève de notre compétence. C’est ce que je voulais dire.
Le sénateur Pratte : Est-ce la même chose pour l’ONE?
M. Steedman : Dans ce cas, les dispositions de la Loi sur l’évaluation des impacts relatives au groupe d’experts intégré indiquent clairement que le rapport doit porter sur toutes les exigences requises pour la délivrance d’un certificat ou d’une ordonnance en vertu de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Donc, je ne pense pas que ce scénario soit probable. Quoi qu’il en soit, l’audience et les témoignages mèneront à l’imposition de conditions précises ou d’exigences pour la construction et l’exploitation du pipeline, de façon à protéger la population et l’environnement.
En outre, à cette étape, il s’agit habituellement d’une approbation pour un corridor, pour un nouveau pipeline. La Loi sur l’ONE et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie comportent un processus distinct, l’audience sur le tracé détaillé, dans le cadre duquel le tracé du pipeline, le calendrier et les méthodes de construction sont étudiés pour satisfaire aux besoins des propriétaires fonciers. C’est une occasion d’examiner davantage les aspects techniques, et beaucoup de questions techniques liées à la construction, à l’exploitation et la cessation des activités doivent être examinées. Tout cela doit se faire avant la construction du pipeline. Je pense que c’est un mécanisme plutôt rigoureux qui permet de déceler les problèmes graves très tôt dans le processus.
Ce scénario n’est pas probable, à mon avis, mais c’est une bonne question.
Le sénateur Pratte : Pour conclure, le représentant de l’ONE, le commissaire ou la CCSN seront toujours minoritaires au sein de cette commission d’examen. Donc, en réalité, ce scénario est possible, n’est-ce pas? Ensuite, un examen judiciaire ou...
M. Steedman : À mon avis, le commentaire de Mme Velshi s’appliquerait dans ce cas-là. Il existe des mécanismes qui empêcheraient qu’une telle décision nuise à l’environnement ou à la sécurité.
Le sénateur Pratte : Merci.
Le sénateur Wetston : Je ne suis pas certain d’être aussi ravi de vous revoir, mais pour continuer sur la lancée du sénateur Pratte... Sauf pour mon collègue à ma droite, bien sûr.
J’aimerais donc poursuivre dans la même veine que le sénateur Pratte. De mon point de vue, nous avons beaucoup de tribunaux administratifs indépendants. Ai-je raison de dire que dans la mesure législative, l’Agence canadienne d’évaluation d’impact est considérée comme un tribunal administratif indépendant, que la RCE est considérée comme un tribunal administratif indépendant, que la CCSN est considérée comme un tribunal administratif indépendant, et que le gouverneur en conseil ne l’est pas. C’est la seule partie qui ne l’est pas. D’après ce que je comprends, c’est le seul intervenant qui n’entend pas les témoignages et qui n’a aucune expertise dans ces domaines.
Pour revenir à la question des permis, que je considère comme importante, et compte tenu des risques de litiges qui y sont associés, je dirais que ce processus comporte trois risques. J’aimerais comprendre cela, parce que je pense que c’est important, par rapport à cette mesure législative.
Donc, il y a deux rapports, d’après ce que je comprends.
Mme Velshi : Un rapport à deux volets.
Le sénateur Wetston : Deux chapitres; très bien.
Je ne veux pas compliquer les choses, mais lorsqu’on examine ce scénario, n’y aurait-il pas un examen judiciaire de la décision de l’Agence canadienne d’évaluation d’impact? Le rapport a été publié. Un examen judiciaire est-il possible?
Mme Velshi : Il y a des gens de l’ACEE ici. Je leur demanderais de faire des commentaires à ce sujet.
En ce qui concerne la décision de permis, la réponse est oui.
Le sénateur Wetston : Je pense que c’est aussi le cas pour l’Agence d’évaluation d’impact; je ne veux pas compliquer les choses. Donc, cela s’appliquerait sur la décision de permis et aussi sur la décision du Cabinet? Est-ce possible?
Mme Velshi : Je ne ferai pas de commentaires à ce sujet.
Le sénateur Wetston : Donc, pour comprendre la délivrance de permis — pardonnez-moi d’insister là-dessus, madame la présidente, mais je tente de comprendre le cadre —, il me semble évidemment impossible d’éviter les problèmes potentiels qui surviennent dans le cadre de litiges. Je ne dis pas que c’est le cas, mais j’essaie de comprendre à quel moment cela se présente pendant le processus de décision. D’après ce que je comprends, si vous êtes tous des tribunaux administratifs indépendants, un examen judiciaire est certainement possible dans ces circonstances.
Permettez-moi de vous poser une question dans la foulée de la décision sur le projet TMX. Pour éviter ce qui s’est produit dans ce cas-là, l’Agence canadienne d’évaluation d’impact, la RCE ou la CCSN sont-elles maintenant considérées comme des mandataires de Sa Majesté dans la mesure législative?
Mme Lapointe : Aux termes de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, la RCE est considérée comme mandataire de Sa Majesté.
Mme Velshi : La CCSN a toujours été mandataire de Sa Majesté.
Le sénateur Wetston : Qu’en est-il de l’Agence d’évaluation d’impact?
Mme Lapointe : Je pense qu’elle est mandataire de Sa Majesté.
La présidente : Ils ont là.
Brent Parker, directeur, Affaires législatives et réglementaires, Agence canadienne d’évaluation environnementale : L’Agence a toujours été et demeurera mandataire de Sa Majesté. En ce qui concerne le processus d’évaluation d’impact, la principale différence, c’est que dans le cadre de l’examen intégré, elle aurait le rôle de coordonnateur de la Couronne. Les groupes autochtones et d’autres auraient donc un seul interlocuteur pour participer au processus et communiquer avec le gouvernement fédéral.
Le sénateur Wetston : Croyez-vous que cela réduirait le risque qu’on a observé dans le cas de la décision concernant le projet TMX, dans le contexte d’une décision de la Cour fédérale d’appel, par exemple? Je suis conscient que vous ne pouvez faire de suppositions, mais est-ce possible, selon vous?
M. Parker : À mon avis, si vous examinez la structure de la mesure législative, vous verrez qu’on prévoit des occasions de consultation supplémentaires et la possibilité d’établir certaines de ces choses dès le début. Par conséquent, ce que nous appelons maintenant la phase 4 des consultations, on l’a vu dans le cas de TMX, se déroule plus tôt.
Concernant TMX, j’ajouterais qu’une des conclusions était que malgré la tenue de consultations entre la Couronne et les groupes autochtones, les mesures d’adaptation que devait prendre le gouvernement n’étaient pas clairement énoncées.
Nous nous sommes notamment engagés — et nous le faisons — à habiliter notre personnel à aller sur le terrain pour avoir ces discussions. L’idée est d’utiliser, à l’avenir, la première étape de l’évaluation d’impact pour cerner les enjeux et ainsi favoriser une réelle communication avec les groupes et pour commencer à définir les mesures d’adaptation ou d’atténuation requises pour la décision définitive.
Le sénateur Wetston : Dans le cadre du processus de l’Agence d’évaluation d’impact, le certificat de commodité et de nécessité publiques et les deux rapports ou les deux chapitres dont nous avons parlé seront-ils gérés de manière semblable au processus de délivrance des permis de la CCSN? Le savez-vous?
Mme Lapointe : D’après ce que je comprends, il s’agit d’un examen intégré dans le cadre duquel la décision découlant de l’évaluation d’impact intégrée servirait à déterminer les deux — le certificat.
Le sénateur Wetston : La délivrance de permis dans les deux cas.
Mme Lapointe : Oui.
Le sénateur Wetston : Merci.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Je voudrais poser une question d’ordre plus général aux deux organismes présents en ce qui a trait à la question de l’acceptabilité sociale des projets.
Bien que cela ne figure pas parmi les critères tels qu’ils sont exprimés dans la loi, nous savons que, du point de vue des peuples autochtones, leur point de vue sera pris en compte.
Je sais que nous avons beaucoup parlé des aspects scientifiques et sociaux, mais comment peut-on les mesurer et les intégrer? Allez-vous, à titre de membres des panels en question, tenir compte de cette question vraiment difficile à mesurer de l’acceptabilité sociale, en vue de faire vos rapports au gouvernement dans le cas de projets majeurs?
[Traduction]
Mme Velshi : J’essaierai. Notre mandat est de notamment répandre les connaissances, en ce qui concerne l’acceptabilité sociale, laquelle dépend beaucoup de la compréhension et de l’acceptabilité des risques. Pour la dissémination de l’information, nous nous efforçons d’agir en amont et de la rendre accessible.
Pour atteindre le public, nous visitons régulièrement la communauté. Nous y organisons des séances dites CCSN 101, où nous pouvons expliquer qui est l’organisme de réglementation et ce que nous faisons. Nous répondons aux problèmes et aux inquiétudes et nous discutons des risques associés au nucléaire.
Notre site web est très accessible. De même, n’importe qui peut assister à nos audiences et à nos séances, et y intervenir. Nous finançons au besoin sa participation pour la faciliter. Si l’acceptabilité sociale dépend des connaissances et de la compréhension, nous faisons de notre mieux pour les favoriser.
La sénatrice Miville-Dechêne : Mais, parfois, ça ne donne pas toujours les résultats escomptés.
Mme Velshi : En effet.
La sénatrice Miville-Dechêne : En cas d’échec, dans quelle mesure est-ce que ça pèse sur vos décisions?
Mme Lapointe : Je vous donnerai un début de réponse, et M. Steedman la complétera.
Nos décisions tiennent compte de l’intérêt public, c’est-à-dire de l’environnement et de facteurs socioéconomiques. Elles n’oublient aucun Canadien et elles prennent en considération l’évolution de la société. C’est une sorte de prise en considération générale et élargie de l’intérêt public.
M. Steedman donnera un peu plus de détails sur la soutenabilité.
M. Steedman : Les audiences de l’Office national de l’énergie visent à assurer aux nations autochtones susceptibles d’être touchées par la réalisation d’un projet la possibilité de faire connaître leurs inquiétudes et de faire financer leur participation. Ces nations ne sont pas seulement des intéressées, mais, dans le processus, elles détiennent aussi des droits.
Nous constatons que, sur les aspects les plus techniques des répercussions d’un pipeline sur le paysage, nous obtenons un bon aperçu des sujets locaux de préoccupation, comme les lieux historiques, les peuplements de plantes médicinales, les territoires de chasse et de piégeage, et cetera. L’information que nous obtenons des Premières Nations est tout à fait digne de confiance.
Ces 10 ou 12 dernières années, l’Office a participé à des séances traditionnelles qui lui ont permis d’entendre les témoignages oraux des anciens ou des détenteurs de connaissances, qui, souvent, évoquent le contexte historique, mais, aussi, les conséquences qu’on peut atténuer par le changement du tracé du pipeline ou par d’autres moyens biophysiques.
La sénatrice Miville-Dechêne : Mais, pour Énergie Est, c’était plus que ça. C’était la population en général et l’acceptabilité sociale. Pouvez-vous en parler?
M. Steedman : Je peux seulement dire qu’une bonne évaluation d’impact assurera à chacun la possibilité de faire connaître ces besoins. La diffusion de l’information en fait partie.
Nous constatons que, par exemple, la probabilité d’accidents est un important sujet de désaccord. Nous pouvons la déterminer d’après des données techniques ou scientifiques, mais si on n’y fait pas confiance, tout le projet, dont une partie ne sera simplement pas tirée au clair, en souffrira.
Le processus qui, essentiellement, suivra son cours normal sous le régime du nouveau projet de loi, assurera la prise en considération des inquiétudes et expliquera les motifs. Les nations veulent donc que la décision tienne compte de leurs observations ou les reconnaisse en quelque sorte. Elles veulent savoir que la mobilisation est sincère et qu’on l’a sérieusement prise en considération.
Rien ne garantit absolument que toutes leurs observations trouveront une réponse satisfaisante ou qu’on les accommodera. Essentiellement, nous le rappelons dans notre recommandation au Cabinet, qui acquiert une dimension qui n’est pas seulement scientifique ou biophysique.
La présidente : Merci beaucoup. Commençons maintenant la deuxième série d’interventions.
La sénatrice Cordy : L’impression que j’ai retirée des observations d’un témoin était que le gouvernement avait mis au rancart les deux projets, TMX et Énergie Est, alors que, en fait, nous savons que la décision d’autoriser TMX a été prise par décret. C’était la Cour d’appel fédérale. Que nous soyons d’accord ou non avec ce tribunal, nous sommes bien chanceux, au Canada, de pouvoir nous adresser au système judiciaire, pour nous opposer à une décision. Nous savons que le promoteur a retiré le projet Énergie Est. Le gouvernement n’a arrêté lui-même aucun de ces projets.
Le sénateur Patterson : Ce n’est pas, madame, ce que j’ai laissé entendre.
La sénatrice Cordy : J’ai seulement dit que j’en avais retiré l’impression.
Le sénateur Richards : J’ai demandé qu’on m’éclaire à ce sujet.
La sénatrice Cordy : Merci, monsieur le sénateur, d’avoir demandé la lettre et l’éclaircissement.
Dans mes recherches sur le projet de loi, j’ai eu vent de craintes selon lesquelles le projet de loi C-69 autoriserait les membres du nouvel organisme canadien de réglementation de l’énergie et de la Commission canadienne de sûreté nucléaire ainsi que des offices des hydrocarbures extracôtiers à participer à l’évaluation d’impact. La crainte, qui est aussi la mienne, est que si vous participez au processus d’approbation, comment pourrez-vous ensuite participer au processus de réglementation? N’y a-t-il pas conflit d’intérêts? Pouvez-vous m’éclairer?
Mme Velshi : Nous avons toujours participé, d’une certaine manière, aux évaluations environnementales, soit en les réalisant nous-mêmes, soit en aidant d’autres organismes à s’en acquitter. L’accessibilité de nos compétences et de nos connaissances est importante et il faut s’assurer, c’est indispensable, qu’il y ait un passage sans heurt de l’évaluation environnementale à l’attribution de permis et à la réglementation du cycle de vie.
Je ne partage absolument pas les craintes que notre participation aux premières étapes de la planification ait compromis notre indépendance ou notre rôle de surveillance. Au contraire, elle nous renforce dans notre fonction d’organisme de réglementation du cycle de vie, puisque nous y participons dès le début et que nous avons été en mesure de faire jouer notre expertise et notre savoir-faire.
La sénatrice Cordy : Et vous, madame Lapointe?
Mme Lapointe : Je suis absolument d’accord avec Mme Velshi.
L’évaluation et l’examen auxquels on soumet un projet visent à obtenir un processus équitable, transparent, rondement mené et accessible.
En ce qui concerne les projets qui se révèlent dans l’intérêt public et qui sont approuvés, le rôle de l’organisme de réglementation est de prévenir les préjudices pour la population et les torts pour l’environnement et de chercher à parvenir à ce résultat avec brio. La participation d’un expert assure des conditions et une conception respectueuses des règlements. Elle garantit aussi que nous remplirons ce rôle et que nous confirmerons la sûreté des pipelines.
La sénatrice Cordy : Merci. C’est très utile.
Votre réponse à une autre question m’a fait me demander si l’avis que vous communiquiez au Cabinet était transparent et privé. N’est-il pas vrai que ce genre d’avis, quel que soit le gouvernement, serait un renseignement confidentiel?
Mme Velshi : C’est vrai. La question, je crois, portait sur la liste de projets et sur les avis communiqués. Si on se souciait de l’information du public et de la possibilité qu’il s’exprime, le processus le fera participer et le mobilisera, et il sera très transparent.
La sénatrice Cordy : C’est absolument vrai; les communications au Cabinet seront toujours confidentielles.
Mme Velshi : C’est vrai.
La sénatrice Cordy : Revenons à la question de la sénatrice McCallum sur les puits orphelins. J’en avais posé à leur sujet. Sa question se raccrochait particulièrement aux Autochtones. C’est comme s’ils se trouvaient dans les limbes. Ça relève des provinces, mais les terres des Autochtones sont de ressort fédéral. Ils semblent abandonnés à leur sort, et personne ne semble se charger des puits orphelins. Je pense que M. Fox en a parlé. N’est-ce pas inquiétant? Peut-être qu’on ne peut pas en parler directement dans le projet de loi, mais notre comité devrait-il examiner cette question ultérieurement? D’accord, les deux gouvernements semblent ne pas s’en soucier. Peut-être ne voulez-vous rien dire à ce sujet.
M. Fox : Je répète que, au Canada, les puits orphelins au sud du 60e parallèle, dans les provinces, ne relèvent pas de l’Office national de l’énergie. Nous n’avons donc pas de solution au problème de la sénatrice McCallum.
La sénatrice Cordy : Merci.
Le sénateur MacDonald : Revenons à la question du sénateur Richards sur l’Office national de l’énergie. J’ai besoin de plus de renseignements.
Le ministre Carr est venu dire aux sénateurs, l’année dernière, que l’annulation du projet Énergie Est n’avait rien à voir avec le gouvernement. Je le cite :
Pour des raisons qui lui appartiennent, le promoteur a décidé de se retirer de l’affaire.
Peut-être pouvez-vous éclairer notre comité. Est-ce que les tests d’émissions en amont et en aval imposés pour le projet Énergie Est ont précédé ou suivi l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement Trudeau?
Mme Lapointe : Ils l’ont suivie.
Le sénateur MacDonald : Pouvez-vous décrire l’application du test à un projet de pipeline comme celui d’Énergie Est?
Mme Lapointe : Certainement. Il s’est appliqué à deux ou trois projets.
Voulez-vous en parler?
M. Steedman : Je vous remercie pour votre question.
Il faut savoir qu’une commission indépendante dressait la liste des questions pour cette procédure. C’était dans le contexte des mesures provisoires établies pour la quantification, par Environnement et Changement climatique Canada, des émissions associées aux émissions en amont.
Récemment, l’Office national de l’énergie a été tenu de quantifier les émissions de gaz à effet de serre associées aux travaux de construction dans le cadre d’un projet. C’était une exigence qui a toujours été officielle et à laquelle nous devions satisfaire dans le contexte de la prestation de nos conseils.
Ces dernières années, on a quantifié pour plusieurs projets cet élément d’amont, qui touche des plus directement les engagements internationaux du Canada contre le changement climatique. Nous ne savons pas vraiment ce qui serait arrivé ensuite, dans le cas des opérations d’Énergie Est, parce que le projet a été abandonné.
Le sénateur MacDonald : Est-ce que le projet de loi C-69 autorise alors le gouvernement à imposer des tests en amont et en aval aux pipelines?
M. Steedman : Notre interprétation est que nous aurions besoin de communiquer et d’entendre des témoignages sur les émissions de gaz à effet de serre qui intéressaient les engagements climatologiques et environnementaux du Canada. Je le suppose, mais nous le considérerions surtout comme de la production en amont.
Dans le cas des oléoducs servant à l’exportation, bien sûr, 80 p. 100 des émissions sont associées à la combustion imputable aux consommateurs en aval. Peu d’entre elles sont donc susceptibles d’être visées par les engagements du Canada, mais nous n’en savons rien. Ces questions peuvent surgir de différentes manières, dans différentes audiences. Le libellé actuel du projet de loi nous fait croire que nous exécuterions systématiquement les mesures provisoires en vigueur, c’est-à-dire que nous quantifierions, dans la mesure du possible, des émissions en amont associées à la réalisation du projet.
Le sénateur MacDonald : Merci.
Le sénateur Doyle : L’association des industries extracôtières de Terre-Neuve a demandé de ne pas soumettre les projets d’exploration extracôtière à une désignation sous le régime du projet de loi C-69. Seriez-vous d’accord pour pratiquement les exempter de la désignation, vu nos délais d’attente plus longs que ceux qui existent au Royaume-Uni ou en Norvège?
Mme Lapointe : C’est vraiment, en ce qui concerne la liste des projets désignés, un choix stratégique.
Le sénateur Doyle : Je vois. Qu’en est-il des projets de développement? Devraient-ils être automatiquement exemptés, sous le régime du projet de loi C-69, vu nos longs délais d’attente, actuellement?
Mme Lapointe : Il est difficile de faire des suppositions. La décision concernant la liste des projets désignés appartient véritablement au gouvernement.
Le sénateur Doyle : Vous n’y pourriez donc absolument rien?
Mme Lapointe : Non.
Le sénateur Doyle : Cela relève entièrement du gouvernement?
Mme Lapointe : Oui.
Le sénateur Doyle : Merci.
Le sénateur Mitchell : Dans l’examen des projets, l’inclusion des facteurs de changement climatique est controversée. Je trouve important de poser la question à l’envers. Jusqu’ici, on se demandait pourquoi on tenait compte des facteurs de changement climatique? Je poserais la question à l’envers : Quelle serait la crédibilité de l’examen d’un projet de mise en valeur de combustibles fossiles, aujourd’hui, s’il ne tenait pas compte des facteurs de changement climatique?
Mme Velshi : Dans les évaluations environnementales réalisées jusqu’ici par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, le changement climatique fait partie des facteurs que nous examinons pour autant que les projets de centrales nucléaires influent sur le changement climatique et réciproquement. Par exemple, l’été dernier, il a fallu fermer des centrales, à cause des canicules. Les répercussions du changement climatique sont un élément déterminant de notre évaluation.
Le sénateur Mitchell : Merci.
Mme Lapointe : Comme l’a dit M. Steedman, nos évaluations actuelles portent effectivement sur les gaz à effet de serre, et les nouvelles lois en vigueur clarifient ces facteurs.
Le sénateur Mitchell : Nous entendons régulièrement l’opinion — et c’est important — que les pipelines devraient être évalués scientifiquement. Le corpus de faits scientifiques crédibles sur le changement climatique est énorme. Ce n’est que logique, n’est-ce pas, que, en prenant en considération la science des pipelines, on voudrait aussi, si on croit en la science, tenir compte de celle du changement climatique dans le contexte d’un projet relié, d’une certaine manière, comme ceux-là le sont, aux combustibles fossiles.
Mme Lapointe : Je pense que, dans l’éventualité où les facteurs seraient particuliers à un projet, c’est la raison pour laquelle on les examinerait.
Le sénateur Mitchell : Merci.
Au début de la séance, on a semblé vouloir dire que la liste des projets est conçue et dressée de façon sournoise. Je pense qu’on peut facilement se méprendre et croire que cette liste serait une liste de projets. Ce n’en est pas une, n’est-ce pas? C’est une liste de paramètres qui définiraient le genre de projets à désigner, pour que les entreprises et d’autres promoteurs puissent rapidement voir, dès le début, si leur projet se qualifierait comme désigné?
Mme Lapointe : Je sais qu’un document de travail sur la liste des projets a été publié. Je ne peux rien dire ni formuler d’hypothèse sur la conception exacte de la liste. C’est une question à poser à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale.
Le sénateur Mitchell : Mais celle qui existe aujourd’hui est entièrement publique.
Mme Lapointe : Oui.
Le sénateur Mitchell : Revenons un moment à l’Office national de l’énergie. La distinction est importante. On fait grand cas de la croyance, qu’on présume erronée, dans la délégation des décisions aux politiciens. Parce que les politiciens, c’est dans leur nature, nieront ou tergiverseront. Tantôt, nous avons appris que ça n’est pas arrivé.
Il est très intéressant d’observer qu’un retard important est survenu dans l’examen du projet Énergie Est, parce que — loin de moi l’idée de les critiquer — les bureaucrates de l’office ont décidé d’organiser une réunion dans un autre cadre avec le promoteur, ce qui a altéré le processus. Ce n’est pas un politicien qui a pris cette décision, n’est-ce pas? Les bureaucrates ont commis cette erreur cruciale, mais certains diraient que, apparemment, ils en sont toujours incapables. Tout le monde peut donc se tromper.
Mme Lapointe : Nous appliquions une stratégie de plus grande mobilisation. Indéniablement, nous avons tiré les leçons de cette expérience. Les lois sur la réduction d’émissions certifiées distinguent nettement la commission et l’organisme de réglementation, ce qui mettra à notre disposition un meilleur cadre d’application de la mobilisation.
Le sénateur Mitchell : Ai-je raison d’affirmer que c’était la décision du dirigeant de l’office, de l’époque et d’aujourd’hui, qui a été un sous-ministre principal de rang extrêmement élevé — essentiellement le dirigeant de l’équivalent du Bureau du Conseil privé — en Alberta, de 2005 à 2014, avant de prendre la direction de l’office et de prendre cette décision?
Mme Lapointe : Vous demandez qui est notre président et directeur général?
Le sénateur Mitchell : Je me parlais. Merci.
Le sénateur Patterson : À propos, je tiens à affirmer mon plus grand respect pour la Commission canadienne de sûreté nucléaire, l’Office national de l’énergie, leur brillant travail et leur excellente réputation. Elle a, je crois, 70 ans.
Sur l’harmonisation avec les provinces, je cite votre ancien et éminent directeur général, Michael Binder, au sujet du projet de loi C-69:
[...] l’harmonisation avec les provinces pour la délivrance de permis aux mines d’uranium est profitable et efficace pour éviter les chevauchements. Nous croyons que le nouveau régime établi par la Loi sur l’évaluation d’impact doit prévoir la coopération et la substitution avec les provinces.
Les provinces, bien sûr, possèdent les ressources en uranium. Êtes-vous d’accord avec l’évaluation de M. Binder?
Je crains que les articles 39 et 43 de la Loi sur l’évaluation d’impact n’interdisent au ministre d’autoriser la substitution pour tous les projets réglementés sous le régime de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires ainsi que pour les mines et les usines de traitement de l’uranium. Vous savez sans doute que des acteurs comme le gouvernement de la Saskatchewan ont critiqué ces dispositions relatives à la substitution dans la Loi sur l’évaluation d’impact. Qu’en pensez-vous?
Mme Velshi : J’aimerais tout d’abord dire que je suis tout à fait d’accord avec la position de mon prédécesseur, M. Binder. La CCSN maintient des relations fructueuses avec la province de la Saskatchewan et nous avons travaillé en collaboration à la surveillance des mines d’uranium.
Je demanderais à M. Rinker de vous répondre plus en détail à ce sujet.
Le sénateur Patterson : J’aimerais que vous me parliez de la substitution en vertu du projet de loi C-69. Elle a bien fonctionné par le passé.
M. Rinker : À titre d’exemple, en Saskatchewan, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ont réalisé des évaluations environnementales mixtes des mines d’uranium. Nous profitons toujours des avantages de ces évaluations mixtes aujourd’hui.
Ces évaluations ont donné lieu à certaines des meilleures pratiques de gestion des déchets au monde dans le secteur minier, qui respecte pleinement le Règlement sur les effluents des mines de métaux et qui atteint les cibles relatives à la représentation des Autochtones au sein de l’effectif. Cela a mené à la création d’une école au Nord de la Saskatchewan, pour veiller à ce que la main-d’œuvre soit instruite.
Le sénateur Patterson : Tout cela est bien, mais quelles seront les prochaines étapes?
M. Rinker : Nous aimerions que la loi permette ces évaluations mixtes.
Le sénateur Patterson : Est-ce le cas? Les articles 39 et 43 n’interdisent-ils pas à la ministre de permettre la substitution? Si vous n’avez pas de réponse immédiate à nous fournir, je crois qu’il serait important de nous transmettre une réponse réfléchie à ce sujet.
Mme Velshi : À moins que les représentants de l’ACEE ne veuillent faire un commentaire à ce sujet.
Le sénateur Patterson : Je n’ai plus beaucoup de temps.
M. Parker : Je peux répondre à la question, si vous le voulez, ou nous pourrions vous transmettre une réponse écrite.
Le sénateur Patterson : J’aimerais avoir le temps de poser ma deuxième question. Pouvez-vous répondre rapidement?
M. Parker : Oui. La substitution n’est pas prévue par la loi actuelle ni par la Loi sur l’évaluation d’impact pour certains types de projets. Dans le cas de ces deux organismes de réglementation du cycle de vie, les grands projets sont automatiquement étudiés par un comité d’examen. Le comité mixte dont parlait M. Rinker est l’outil de collaboration utilisé à cette fin.
Le sénateur Patterson : Mais il n’y a pas de substitution?
M. Parker : La substitution n’est pas possible dans ces cas.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie pour votre réponse claire.
Madame Velshi, en réponse à la question du sénateur Woo au sujet du nouveau régime et de l’intégration fluide de l’évaluation d’impact et de l’octroi des permis, vous avez dit qu’on pouvait garantir cette fluidité si le même comité procédait à l’évaluation d’impact et à l’octroi des permis. Ma question est la suivante : que dit le projet de loi C-69 au sujet de la possibilité que le même comité procède à l’évaluation d’impact et à l’octroi des permis? Est-ce que c’est obligatoire ou facultatif? Que dit le projet de loi?
Mme Velshi : Selon ma lecture du projet de loi, ce n’est pas dit de manière explicite. Ce n’est pas interdit. Il n’est pas énoncé de manière explicite que le comité serait formé en vertu de la LSRN, mais ce n’est pas interdit.
Le sénateur Patterson : Merci.
Est-ce qu’il me reste du temps?
La présidente : J’aimerais donner le temps au porte-parole du projet de loi de poser la dernière question.
Le sénateur Tkachuk : Le paragraphe 9(1), « Désignation des activités concrètes », est intéressant. Il énonce ceci :
Le ministre peut par arrêté, sur demande ou de sapropre initiative, désigner toute activité concrète quin’est pas désignée par règlement pris en vertu de l’alinéa 109b), s’il estime que l’exercice de l’activité peut entraînerdes effets relevant d’un domaine de compétence fédéralequi sont négatifs ou des effets directs ou accessoires négatifs, ou que les préoccupations du public concernantces effets le justifient.
J’ai plusieurs questions à vous poser. Pouvez-vous m’expliquer ce paragraphe? Ce qui m’intrigue, ce sont les mots suivants :
Le ministre peut par arrêté, sur demande ou de sapropre initiative, désigner toute activité concrète [...] s’il estime que l’exercice de l’activité peut entraînerdes effets [...] qui sont négatifs [...]
Comment le ministre en arrive-t-il à cette conclusion? Est-elle fondée sur la science? Rien dans le paragraphe n’indique qu’elle doit se fonder sur la science. Est-ce qu’elle se fonde sur l’humeur du ministre?
Mme Velshi : Cette décision relève du gouvernement. Tout ce que je peux dire, c’est que la LCEE de 2012 comprend la même disposition.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce qu’elle a été utilisée?
Mme Velshi : Je ne sais pas.
M. Parker : Je peux répondre. En ce qui a trait à la première partie de votre question, le paragraphe 9(1) oblige la ministre à répondre aux demandes qui lui sont présentées. Nous avons parlé de cette question hier, dans une certaine mesure. La formulation relative aux activités concrètes qui peuvent « entraîner des effets relevant d’un domaine de compétence fédérale qui sont négatifs ou des effets directs ou accessoires négatifs » est de veiller à ce que la mesure législative relève de la compétence fédérale.
En ce qui a trait aux préoccupations du public, les personnes concernées communiquent habituellement avec nous par lettre. Ensuite, la demande est évaluée en fonction de critères du paragraphe (2), qui énonce les facteurs dont tient compte la ministre, soit les droits des peuples autochtones et toute évaluation pertinente qui a été réalisée.
Pour répondre à votre dernière question, oui, on y a eu recours. Je peux vous transmettre les chiffres exacts par écrit, mais nous ne recevons pas beaucoup de demandes. Je crois qu’au cours des six dernières années, depuis l’entrée en vigueur de la LCEE de 2012, nous avons reçu environ 60 demandes. De ce nombre, seules quelques-unes — je crois que c’est trois ou quatre — ont été désignées.
Le sénateur Tkachuk : Étant donné les dépenses et l’incertitude associées à la liste de projets désignés, les gens qui mettent en œuvre les projets ne veulent pas être désignés, bien sûr, pour ne pas avoir à passer par ce processus. Donc, si le projet n’est pas désigné et qu’il passe par vos processus, qu’est-ce qui sera manquant?
Disons que vous réalisez un projet. D’autres sont désignés, mais le vôtre ne l’est pas, alors vous approuvez le projet. Qu’est-ce que ce projet n’aura pas, que les projets désignés pourraient avoir? Est-ce l’industrie qui en est responsable ou est-ce vous?
M. Parker : Je pourrais commencer par vous expliquer quelques différences.
Le sénateur Tkachuk : Êtes-vous membre de l’office de l’énergie de l’Alberta ou de l’office canadien... excusez-moi. Je veux juste être certain.
M. Parker : En ce qui a trait à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale, les mesures du projet de loi C-69 relatives à la Loi sur l’évaluation d’impact diffèrent quelque peu de notre processus actuel et ne sont pas les mêmes que celles associées aux projets qui font l’objet d’un examen non désigné, en ce sens qu’il y a une étape de planification préalable qui prévoit des consultations supplémentaires et de nombreux produits à la fin de ce processus qui ont fait l’objet de discussions hier au sujet des lignes directrices adaptées sur l’étude d’impact, le plan de mobilisation des Autochtones et le plan de participation du public.
Je dirais à titre comparatif que les grands projets qui se retrouvent sur la liste des projets désignés passeraient par ce processus et profiteraient de ce niveau d’engagement. Comme nous l’avons dit plus tôt, le point de décision à la fin du processus est différent, puisque ces projets font l’objet d’une décision du Cabinet, ce qui diffère de l’approche de l’Office national de l’énergie.
Le sénateur Tkachuk : Disons qu’une approche passe par le processus de désignation et qu’un projet ne passe pas par ce processus. Quelle sera la différence? Quel est le résultat final? Est-ce qu’on aborde les mêmes enjeux : environnement, finances, investissement? Tous ces enjeux sont abordés dans l’autre processus, alors quelle est la différence? Qu’est-ce qu’un projet désigné a qu’un autre projet n’a pas?
M. Parker : La Loi sur l’évaluation d’impact prévoit des processus de mobilisation différents. Il faut procéder à un examen global de ces divers enjeux, de façon parallèle à ce qui est examiné en vertu de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie. Je crois que l’une des principales différences, c’est la mobilisation au départ et le processus décisionnel.
Le sénateur Tkachuk : C’est donc plus long, tout simplement?
M. Parker : Oui.
La présidente : Merci beaucoup. Voilà qui met fin à la première partie de la réunion.
Vouliez-vous ajouter quelque chose?
Mme Velshi : Vous avez posé une question sur la différence entre les évaluations. Les évaluations de la CCSN sont légèrement plus pointues, donc il y a certains facteurs dont nous ne tenons pas compte. Nous ne tenons pas nécessairement compte des répercussions économiques. Nous avons parlé des considérations relatives au sexe. Les évaluations relatives à la santé, à la sécurité et à l’environnement sont les mêmes, bien entendu.
Le sénateur Tkachuk : Elles seraient les mêmes.
La présidente : Nous vous remercions de vos témoignages. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos questions.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Est-ce que je peux faire une demande de renseignements à l’Office national de l’énergie avant de conclure?
La présidente : D’accord.
La sénatrice LaBoucane-Benson : J’aimerais que l’on prépare, si possible, trois études de cas : une pour Trans Mountain, une pour Northern Gateway et une pour Énergie Est. Les questions auxquelles j’aimerais qu’on réponde reflètent notre discussion d’aujourd’hui : quelle est la nature de l’évaluation d’impact de chaque projet? Est-ce que le délai a été interrompu? Qui l’a interrompu? Pourquoi? Pendant combien de temps? Quels ont été les enjeux connexes? Comment ont-ils été réglés? Pourquoi n’ont-ils pas été réglés, le cas échéant? Quels ont été les résultats? De façon plus importante, quelles seraient les différences selon le processus du projet de loi C-69?
J’aimerais comprendre cela. Nous avons entendu les promoteurs et divers intervenants. J’aimerais qu’on réalise une étude de cas. Merci.
Le sénateur Patterson : C’est une excellente idée.
La présidente : Merci beaucoup.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons entendre un autre groupe de témoins.
[Français]
Bienvenue à cette deuxième portion de la réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous continuons notre étude du projet de loi C-69.
Nous accueillons maintenant, de la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions, Mme Elizabeth Copland, présidente, ainsi que M. Ryan Barry, directeur général.
Merci d’être parmi nous.
[Traduction]
Nous avons hâte de vous entendre. Les sénateurs vous poseront ensuite des questions.
Elizabeth Copland, présidente, Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions : Bonjour.
[ Mme Copland s’exprime en inuktitut.]
Je vous remercie de me donner l’occasion de témoigner devant vous au nom de la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions. Je m’appelle Elizabeth Copland. Je suis la présidente de la commission et je suis accompagnée aujourd’hui de Ryan Barry, qui est directeur général.
Nous avons transmis au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles un mémoire dans lequel nous faisons part de nos commentaires et observations sur le projet de loi C-69. Comme je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps, ma déclaration se centrera sur les éléments clés de notre mémoire; nous pourrons ensuite répondre à vos questions.
En tant que membre de l’équipe de transition de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, je participe aux études d’impact du Nunavut depuis 1994. Je siège depuis environ 20 ans à la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions à titre de personne nommée par le gouvernement du Canada. J’ai notamment été nommée présidente par la ministre selon la recommandation des autres membres de la commission.
J’ai présidé de nombreuses audiences publiques de la commission relatives à des projets d’exploitation minière d’envergure dans toutes les régions du Nunavut, notamment la mine de diamants Jericho, la mine d’or Doris North, la mine Meadowbank, le gisement Whale Tail et la mine d’or Meliadine, la mine de fer de la rivière Mary, la mine d’uranium de Kiggavik et la mine d’or de Back River.
Au cours de mon mandat à titre de présidente de la commission, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les autres institutions gouvernementales établies en vertu de l’Accord du Nunavut et nous avons élaboré des ententes de collaboration avec l’Office national de l’énergie, l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie et d’autres organismes responsables des études d’impact transfrontalières le long des frontières du Nunavut.
Je suis accompagnée aujourd’hui de notre directeur général, Ryan Barry. Ryan travaille à la commission depuis 2007 et s’est acquitté de diverses fonctions. Il est directeur général depuis 2011 et gère une équipe de 25 personnes. Notre bureau se situe à Cambridge Bay, au Nunavut.
J’aimerais tout d’abord rappeler au comité que le régime de réglementation établi en vertu de l’Accord du Nunavut est unique. Il consiste en un seul système intégré de gestion des ressources pour l’aménagement du territoire, l’évaluation environnementale et les permis d’utilisation des terres et des eaux dans la région du Nunavut. Dans le cadre de cette structure unique, la commission est responsable de l’évaluation des impacts.
Comme nous l’avons fait valoir dans notre mémoire, même si le projet de loi C-69 ne s’applique pas directement aux évaluations réalisées par la commission en vertu de l’Accord du Nunavut, comme le Nunavut partage des frontières avec de nombreuses autres administrations canadiennes, les éléments transfrontaliers et intergouvernementaux du projet de loi C-69 revêtent une importance particulière pour la Commission du Nunavut chargée del’examen des répercussions.
Dans notre mémoire, nous soulignons les points suivants.
La commission appuie la reconnaissance expresse dans le préambule du projet de loi C-69 de la collaboration entre les organismes chargés des évaluations d’impact et d’autres autorités responsables de l’évaluation comme la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions, et de la coordination de leurs activités.
La commission reconnaît aussi l’importance des évaluations régionales et stratégiques dont il est question dans le préambule du projet de loi C-69. Comme la commission réalise actuellement une évaluation environnementale stratégique concernant la mise en valeur possible de gisements pétroliers et gaziers dans le détroit de Davis et la baie de Baffin, elle convient que ces formes d’évaluations sont importantes et nécessaires.
La commission a formulé quelques commentaires concernant l’équilibre entre des droits de participation inclusifs et vastes pour le public et un certain degré de certitude concernant ce que nous entendons par « le public » et elle a présenté certaines de ses pratiques exemplaires pour consulter les communautés au début du processus et le faire de manière transparente.
La commission a aussi fait un commentaire au sujet de la liste très détaillée de facteurs dont l’Agence canadienne d’évaluation d’impact doit tenir compte, et ce commentaire repose sur notre expérience dans le recours à une telle liste pour l’évaluation de projets. Elle a aussi cerné certaines de ses pratiques clés qui, selon nous, ont contribué à son bilan positif en matière d’évaluations efficaces et inclusives réalisées en temps opportun qui réussissent à bien intégrer la sagesse de nos aînés, les inquiétudes et les souhaits de nos communautés et l’expertise des scientifiques et des organismes de réglementation.
En conclusion, nous remercions les honorables membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles de nous avoir donné l’occasion de témoigner et de présenter nos commentaires concernant le projet de loi C-69.
Sous réserve des questions du comité, la commission a terminé son exposé.
La présidente : Comme ce groupe de témoins est seulement ici 45 minutes, nous limiterons le temps pour les séries de questions à trois minutes par sénateur. Comme je dois partir à 12 h 50, le sénateur McDonald assumera la présidence pour les 10 dernières minutes.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de votre présence ici. Je viens de recevoir des recherches sur la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions. Je crois que c’est une bonne idée que vous preniez le contrôle de ce qui se passe dans votre région. Je vous en remercie.
Vous avez dit être d’accord avec la reconnaissance de la coopération et de la consultation qui se trouve dans le préambule du projet de loi. Vous avez parlé de l’importance des agences d’évaluation d’impact et vous avez dit souhaiter travailler en étroite collaboration avec elles. Pensez-vous que le projet de loi C-69 permettra une meilleure coopération et une meilleure consultation par rapport aux évaluations d’impact que ce que prévoit actuellement la loi dans le cas d’un projet?
Ryan Barry, directeur général, Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions : Merci beaucoup de votre question. De notre point de vue, nous sommes bien au fait du processus d’évaluation d’impact au Nunavut, et nous pouvons dire que notre processus met énormément l’accent sur la consultation de la population. Par le passé, je crois que c’était généralement davantage le cas que les processus fédéraux.
Cela étant dit, nous ne pouvons pas vraiment faire de commentaires sur la différence avec l’ancien régime fédéral d’évaluation environnementale étant donné que cela ne s’applique pas sur notre territoire depuis 2008.
La sénatrice Cordy : Avez-vous été consultés? Je crois que le gouvernement fédéral a réalisé des consultations durant deux ans. Votre région a-t-elle été consultée au sujet des modifications qui devraient être apportées au processus?
M. Barry : C’est une bonne question. Je vais y répondre.
Nous n’avons pas été directement consultés au sujet des changements qui devraient être apportés, mais nous l’avons été au sujet de notre expérience concernant précisément la consultation de groupes autochtones. Nous avons eu des discussions avec des fonctionnaires de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale à ce sujet.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup.
Le sénateur Patterson : Premièrement, votre commission a accompli un travail énorme. Je crois qu’elle a examiné huit projets d’envergure depuis une douzaine d’années; ces projets n’ont pas tous été approuvés, soit dit en passant. Vous l’avez fait de manière efficace et surtout de façon crédible aux yeux de la population, des Inuits, du gouvernement du Nunavut et du gouvernement fédéral. Vous vous occupez de l’évaluation d’impact, de l’octroi des permis et de la surveillance du cycle de vie des projets pour plus de 20 p. 100 du Canada dans un milieu très sensible. Votre commission est autochtone, ce qui correspond à la population du Nunavut qui est majoritairement inuite.
Nous avons entendu des gens se demander si un organisme de réglementation du cycle de vie se place en situation de conflit d’intérêts dans un tel cas. L’organisme a aussi réalisé l’évaluation d’impact. En fait, vous êtes l’organisme qui s’occupe de l’évaluation d’impact et qui octroie les permis et vous êtes l’organisme de réglementation du cycle de vie du projet. Pouvez-vous nous expliquer comment vous arrivez à le faire et pourquoi c’est possiblement avantageux d’assumer ces deux rôles?
Mme Copland : Pour les questions techniques, je vais laisser notre directeur général vous répondre.
M. Barry : Merci, monsieur le sénateur, de vos commentaires et de vos questions.
D’après notre expérience, comme vous n’êtes pas sans le savoir, le processus au Nunavut est unique. C’est une approche de nature très globale. C’est unique au Canada en raison du rôle que nous jouons dans l’évaluation des petits et des grands projets et la surveillance du cycle de vie des projets approuvés.
Selon notre expérience, nous n’avons vu aucun conflit d’intérêts dans le processus décisionnel entre l’évaluation environnementale et les activités de réglementation par la suite. Au contraire, cela permet de mieux connaître les projets en question.
La façon dont notre système est conçu signifie qu’en ce qui concerne les aspects qui étaient plus incertains durant l’évaluation environnementale, lorsque les projets sont en cours sur le terrain, notre approche de précaution nous donne de nouveaux renseignements, ce qui nous permet de modifier les approbations en conséquence pendant que le projet va de l’avant. Nous avons eu de nombreuses occasions où c’était devenu nécessaire. Par exemple, nous avions un aspect qui en théorie semblait une bonne idée, mais à l’étape de l’octroi des permis cela ne fonctionnait pas aussi bien que nous l’avions prévu. Dans un tel cas, nous adoptons une solution de rechange qui permet tout de même au projet d’aller de l’avant, mais nous nous assurons que l’environnement est protégé.
Le sénateur Patterson : Vous avez mentionné dans votre mémoire que le caractère obligatoire du libellé à l’article 22 risque de limiter, d’après votre expérience, la capacité d’une agence de prendre des décisions et de forcer une agence à évaluer des facteurs qui ne sont peut-être pas liés à l’évaluation. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet, parce que votre commission adopte une approche différente de ce que prévoit le projet de loi C-69?
M. Barry : Merci, monsieur le sénateur. D’après notre expérience, avant l’entrée en vigueur de notre propre loi, nous suivions seulement ce que prévoyait l’Accord du Nunavut. Je crois que cet accord prévoit une série de huit facteurs dont il faut tenir compte dans une évaluation environnementale. Lorsque nous avons adopté notre loi, nous sommes passés à 16 facteurs. Comme nous le voyons dans le projet de loi, le processus fédéral prévoit encore plus de facteurs.
Chaque fois que le processus devient plus détaillé, cela réduit le pouvoir discrétionnaire de l’organisme chargé de l’évaluation environnementale. Comme il y a une telle diversité de projets, il nous arrive parfois, pour certains projets, de constater qu’il faut tenir compte des éléments qui se trouvent sur la liste. Il faut montrer la façon dont vous en avez tenu compte, même si ces aspects ne sont pas pertinents. Il arrive aussi parfois que cela génère plus d’incertitude dans la population qui se demande si c’est un facteur important dont il faut tenir compte pour le projet en question. Enfin, cela signifie pour nous en gros plus de paperasse et d’efforts pour démontrer que nous avons bien tenu compte de cet aspect, même si cela ne concerne pas le projet.
Le sénateur Patterson : Merci.
La sénatrice McCallum : Merci de votre exposé. J’aimerais discuter des enjeux liés aux compétences et des questions transfrontalières. Je sais que cela survient aussi concernant les droits de chasse et de piégeage dans le Nord. En ce qui concerne les enjeux transfrontaliers que vous anticipez, pouvez-vous nous donner des exemples?
Mme Copland : Par exemple, lorsque nous avons fait... Était-ce Doors North? Nous invitons nos voisins des Territoires du Nord-Ouest ou peut-être du sud du Manitoba. Nous partageons des territoires de chasse, et nous avons peut-être des questions relatives au caribou ou au piégeage. Nous invitons ces groupes à participer à une audience publique, et nous écoutons leurs préoccupations.
La sénatrice McCallum : Ce nouveau projet de loi vous désavantagera-t-il ou prévoyez-vous que cela vous cause des problèmes?
M. Barry : Non, pas de manière explicite. Nous ne nous attendons pas à ce que la coordination transfrontalière soit un problème. Le Nunavut est unique au sens où c’est la région canadienne qui compte le plus de voisins. Bref, nous avons comme pratique de prendre les outils législatifs et de signer un protocole d’entente avec les autres gouvernements ou organismes, comme l’Office national de l’énergie, soit un organisme avec lequel nous avons collaboré et fait des choses en coordination par le passé, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Nous sommes sûrs que nous pourrons continuer de le faire en vertu du projet de loi.
La sénatrice McCallum : Vous avez dit que la commission convient que les formes d’évaluations prévues dans le projet de loi C-69 sont importantes et nécessaires. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
M. Barry : Je vais y aller de mémoire. Je crois que ce commentaire avait trait précisément aux évaluations régionales et stratégiques.
Comme nous l’avons souligné, nous réalisons notre première évaluation environnementale stratégique au Nunavut. Cette forme d’évaluation n’existe pas dans notre loi. C’est considéré comme une autre fonction qui nous a été assignée, parce que nous étions considérés comme le meilleur organisme pour le faire.
En notre qualité d’organisme chargé de l’évaluation, nous voyons souvent l’utilité de faire les choses en fonction d’une région ou d’aspects stratégiques pour contribuer à préciser les évaluations de projet. C’est relativement nouveau au Nunavut. C’est aussi complémentaire à l’aménagement du territoire, et nous constatons que c’est très utile pour le Nunavut. Nous constatons sur la scène fédérale, en particulier avec les expériences vécues, que cela contribue, si c’est bien fait, à réduire la portée des enjeux sur lesquels il faut se pencher durant l’évaluation d’un projet.
Le sénateur Mitchell : J’ai une question sur l’un de vos commentaires. Vous avez dit que vous mettiez énormément l’accent sur la consultation de la population. C’est évidemment un élément important du processus que nous élaborons globalement dans le projet de loi C-69. Pouvez-vous nous donner une idée des techniques que vous utilisez et nous expliquer en particulier comment vous déterminez les personnes qui témoignent lors de vos audiences?
Le sénateur Patterson : C’est une bonne question. Merci.
M. Barry : Je vais seulement mentionner que, dans notre territoire, il n’y a rien qui se compare aux consultations sur le terrain : aller régulièrement dans les communautés pour leur parler des projets de développement et entendre leurs points de vue. Nous avons un processus inclusif et très ouvert.
En ce qui a trait à la façon de déterminer les personnes qui ont le droit de témoigner devant la commission lors d’une audience publique, nous avons des règles de procédure qui traitent du droit de participation. Certaines évaluations ont suscité l’intérêt de gens de partout au Canada et dans le monde. Il arrive parfois que ce ne soit pas utile de tenir compte de ces commentaires pour le projet en question, et nous pouvons recevoir des centaines de commentaires qui se répètent. Nous avons des règles concernant le droit de participation qui prévoient que la commission peut examiner les demandes et déterminer le meilleur moyen d’entendre ces interventions ou décider de les rejeter. Bref, nous avons un certain pouvoir discrétionnaire en la matière.
Le sénateur Mitchell : Quelles techniques utilisez-vous? Lorsque vous parlez de « consultations sur le terrain », organisez-vous des assemblées publiques? Est-ce exhaustif et cela prend-il beaucoup de temps? Le faites-vous de manière exhaustive ou devez-vous respecter des échéances?
M. Barry : Nous le faisons certainement de manière exhaustive.
Je répète que le Nunavut est unique au sens où nous n’avons pas besoin de terminer nos évaluations selon des échéances établies. Néanmoins, nous sommes tenus de respecter une norme rigoureuse et nous respectons les normes en vigueur ailleurs au Canada. Du début à la fin, la majorité des évaluations prennent moins de deux ans; cela prend normalement autour de 18 mois de notre côté, et s’ajoutent à cela les échéances que doit respecter le promoteur pour l’envoi de documents, par exemple.
Le sénateur Mitchell : Bref, même si la loi ne prévoit pas d’échéancier, vous réussissez tout de même à le faire dans les temps, n’est-ce pas?
M. Barry : C’est exact.
Le sénateur Tkachuk : Vous devriez venir vous occuper de notre agence. Qu’en pensez-vous?
La présidente : Vous avez dit que vos consultations sont très inclusives et vastes. Y a-t-il une exception à la règle ou y a-t-il des gens qui ne vous envoient pas de commentaires?
M. Barry : Je dois dire que nous avons pris l’habitude de souvent communiquer avec des ministères fédéraux pour avoir des conseils d’experts et leur demander de participer à notre processus, parce que les ministères ne sont peut-être pas habitués à le faire. Nous évaluions un projet de chemin de fer, et l’Office des transports du Canada n’avait pas participé à nos processus et il n’avait jamais entendu parler de nous. Nous ne pouvions pas le blâmer, mais nous avons dû lui expliquer pourquoi nous avions besoin que ses spécialistes participent à nos audiences publiques et à nos consultations.
La présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Richards : Merci beaucoup de votre présence ici. J’ai une question, parce que je suis chasseur et que je viens d’un territoire de chasse et de pêche. Votre chasse et votre piégeage relèvent-ils du gouvernement fédéral ou du gouvernement territorial?
Deuxièmement, le réchauffement climatique a-t-il des conséquences sur les hardes migratrices comme le caribou? Quelles conséquences cela a-t-il sur le piégeage?
Je sais que ce sont des questions plutôt personnelles, mais je crois que cela intéresse les gens.
Mme Copland : Je vais répondre à votre question sur le réchauffement climatique ou plutôt le changement climatique.
D’après certaines études ou certaines enquêtes, des conséquences se font sentir sur la harde de caribous. C’est peut-être un facteur. Nous entendons que le pergélisol qui s’enfonce nuit à la chasse et au piégeage.
Le sénateur Richards : Le voyez-vous?
Mme Copland : Pour ma part, je le vois en ce qui concerne le caribou et le pergélisol.
Je ne peux pas le dire personnellement pour ce qui est du piégeage. Ryan aurait peut-être quelque chose à ajouter.
M. Barry : De manière générale, l’Arctique est touché par le réchauffement climatique, et nous pouvons le voir. Nous avons de nombreux spécialistes qui affirment que les conséquences se font sentir plus rapidement et de manière plus prononcée ici qu’ailleurs.
En ce qui a trait à votre question sur le piégeage, cela dépend de l’espèce. Le piégeage pour la majorité des espèces est réglementé par le territoire, mais le gouvernement fédéral réglemente le piégeage pour certaines espèces. Cela détermine le gouvernement qui octroie les permis, par exemple.
Le sénateur Richards : Et pour ce qui est de la chasse?
M. Barry : C’est la même réponse.
Le sénateur Richards : Merci.
La sénatrice Simons : Je suis gênée d’admettre que je ne savais pas que votre commission existait avant le début de nos travaux. Ce que vous nous avez dit m’impressionne énormément.
Vous avez certainement approuvé des projets qui étaient assez controversés. Pouvez-vous nous raconter une histoire au sujet de l’un des projets les plus controversés que vous avez dû évaluer? Comment êtes-vous parvenus au consensus pour aller de l’avant? C’est le grand défi avec lequel nous sommes aux prises. Comment pouvons-nous faire en sorte que les gens se sentent suffisamment consultés et suffisamment respectés pour qu’un projet puisse aller de l’avant? Comment y êtes-vous arrivés?
Mme Copland : Je vais vous donner l’exemple de Baffinland. Nous avons visité un certain nombre de localités, et nous avons écouté les habitants, dont les aînés. Nous avons entendu beaucoup d’arguments en faveur du projet; on nous a dit que cela aiderait l’économie et bien d’autres choses. Ce que j’ai entendu et ressenti, c’est que les aînés, même s’ils chérissent la terre et veulent la préserver, sont disposés à sacrifier leurs besoins pour que leurs jeunes puissent travailler.
Au sein de la commission, nous avons dû nous entendre sur la question suivante : qui consulter? Les aînés et les jeunes en quête d’emploi? Il fallait trouver un équilibre; nous avons donc proposé une foule de conditions. D’accord, il y aura des emplois, mais encore faut-il respecter des normes. Voilà un exemple que je peux vous donner.
La sénatrice Simons : Y a-t-il eu des cas où vous avez refusé un projet à cause de préoccupations non seulement sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan sociologique et culturel?
Mme Copland : Voici un exemple : la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions n’a pas approuvé une demande pour une mine d’uranium près de Baker Lake parce que le promoteur n’avait fourni aucun échéancier clair quant à la mise en œuvre du projet; par conséquent, nous n’étions pas suffisamment convaincus de l’exactitude des répercussions prévues.
La sénatrice Simons : Y a-t-il eu des cas où les gens ont fini par changer d’avis au sujet d’un projet controversé qui avait continué de soulever beaucoup de préoccupations après sa mise en œuvre? Ou peut-être même l’inverse?
Mme Copland : En ce qui concerne le projet de Baffinland, je dirais que certains étaient pour et d’autres, contre. Nous entendons encore parler des avantages et des inconvénients de la demande dans le cas d’autres sociétés minières aussi.
M. Barry : Ce qui compte le plus pour nous en vue de bâtir cette confiance, c’est de mieux comprendre la proposition, les mesures d’atténuation et leur caractère raisonnable. Voilà, en gros, ce sur quoi nous mettons l’accent, au lieu d’essayer de rallier des appuis pour un projet.
À mon avis, ce qui nous aide le plus dans notre territoire, c’est que les membres de notre commission, comme l’a rappelé le sénateur Patterson, sont des Inuits. Les habitants s’identifient donc aux membres de la commission. D’habitude, quand nous sommes saisis d’un projet très controversé et que notre processus tire à sa fin, le commentaire qui revient le plus souvent — et qui est tout de même gratifiant pour nous —, c’est lorsqu’un aîné dit aux membres de la commission : « Nous sommes conscients que vous avez une décision importante à prendre. Nous ne serons peut-être pas d’accord avec vous, mais nous respecterons et soutiendrons votre décision. »
Pour en revenir à notre rôle d’organisme de réglementation du cycle de vie, dans une certaine mesure, ils sont rassurés de savoir que, si un projet va de l’avant, nous serons là pour en surveiller les effets et, au besoin, modifier les conditions d’approbation.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Je tiens à vous remercier de votre exposé. Ce que vous avez présenté repose sur le gros bon sens et la bonne vieille pratique qu’est la mobilisation communautaire. Vous avez, me semble-t-il, trouvé un juste équilibre pour veiller à ce que les collectivités et les gens les plus touchés se fassent le plus entendre.
Pourriez-vous nous expliquer vos critères et la façon dont vous gérez cet équilibre?
M. Barry : Dans le cadre de notre processus, les parties doivent faire une demande de statut d’intervenant lors de nos audiences publiques. Elles remplissent un formulaire de demande assez simple où elles décrivent leur intervention prévue, la façon dont le projet de développement risque de les toucher, l’intérêt qu’elles ont dans le dossier et l’expertise qu’elles peuvent offrir à la commission à titre d’information.
Le tout est ensuite soumis aux commentaires aléatoires du public, de sorte que les gens puissent se prononcer sur la validité de cette expertise. Nous pouvons ainsi déceler tout chevauchement entre les interventions ou toute question qui serait vexatoire ou qui aurait peu de pertinence ou d’utilité pour la prise de décision de la commission.
Après avoir examiné ces demandes, la commission annonce publiquement celles qui ont été acceptées et, en cas de refus, elle explique sa décision en invoquant les raisons que j’ai mentionnées.
La sénatrice LaBoucane-Benson : Pourriez-vous nous transmettre cette information, par l’entremise de la greffière, pour que nous sachions comment cela fonctionne?
M. Barry : Absolument, nous vous ferons parvenir un document de suivi.
La présidente : Avez-vous comparé votre processus à celui qui est prévu dans le projet de loi C-69, en tenant compte de tous les facteurs qui y sont énoncés, à savoir les effets cumulatifs, les répercussions sanitaires, sociales et économiques, ainsi que les changements climatiques? Quels facteurs prenez-vous en considération?
M. Barry : Merci de nous poser la question. En général, nous tenons compte des mêmes facteurs que ceux prévus dans le projet de loi. La différence, c’est qu’il ne s’agit pas toujours d’exigences législatives explicites auxquelles nous devons nous soumettre. Nous en tenons compte lorsque la situation le justifie. Par exemple, nous avons effectué une analyse comparative entre les sexes dans le cadre de nos évaluations lorsque cela s’avérait pertinent pour certaines questions.
Nous collaborons avec de nombreuses administrations canadiennes pour rester à l’affût des tendances actuelles et des travaux scientifiques concernant les évaluations d’impact et l’évolution de cette pratique afin de nous assurer d’utiliser notre pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse et de tenir compte de toute question que nous jugeons pertinente.
La présidente : Vous avez dit que la population vous fait confiance et compte sur vous pour surveiller en permanence les projets. Combien de personnes y a-t-il au sein de votre organisation pour assurer la surveillance continue des projets?
M. Barry : Il n’y en a jamais assez. Notre rôle est très distinct. Nous ne pouvons pas reproduire ce que font d’autres organismes de réglementation.
En gros, nos activités de surveillance mettent l’accent sur les autorisations que nous avons accordées, en particulier les conditions applicables aux autorisations qui sont distinctes et indépendantes des autres permis attribués aux projets. Notre effectif est assez restreint. Nous comptons en ce moment une dizaine d’employés techniques qui s’occupent de la surveillance dans l’ensemble du territoire.
La présidente : Merci.
Le sénateur Pratte : D’après vos critères — et nous en prendrons connaissance dans le document —, une personne doit-elle être touchée directement par le projet pour obtenir le statut d’intervenant? Ou peut-il s’agir, disons, d’un groupe environnemental du Québec qui s’intéresse au projet minier au Nunavut parce qu’il le trouve bon ou mauvais, mais qui n’est pourtant pas directement touché?
M. Barry : La question n’est pas seulement de savoir si les gens seront directement touchés. Il s’agit aussi d’avoir des compétences ou des renseignements utiles pour la commission. Voilà, en somme, les deux aspects. S’il y a des groupes qui ne subissent aucune répercussion et qui n’ont aucune perspective unique à offrir à la commission, ils pourront se voir refuser l’occasion d’intervenir lors des audiences publiques de la commission.
Le sénateur Pratte : Comme solution de rechange, ils peuvent envoyer des courriels ou un mémoire.
M. Barry : Je dois signaler que nous tenons compte de tous les mémoires inclus dans notre registre public. Pour ce qui est de savoir quel poids la commission leur accordera dans le cadre de son évaluation, là encore, il s’agit d’une approche fondée sur le bon sens; ainsi, la commission cherchera à déterminer qui est directement touché, qui possède des connaissances spécialisées, quels sont les titres de compétence de ces gens et en quoi le projet s’applique à leur situation.
Le sénateur Pratte : Le projet de loi C-69 prévoit des processus qui, dans certains cas, existent déjà aux termes de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, mais qui ont été quelque peu modifiés. Mentionnons, entre autres, la substitution, la commission d’examen conjoint, évidemment, et la délégation, qui est un nouveau concept dans le projet de loi. Vous êtes-vous penchés là-dessus? Est-il possible, selon vous, de collaborer avec des organismes fédéraux de réglementation, par exemple, ou la nouvelle Agence canadienne d’évaluation d’impact?
M. Barry : Nous nous sommes penchés là-dessus pour essayer de voir comment cela pourrait s’appliquer à notre situation.
Dans la région du Nunavut, les choses sont différentes. La procédure est établie en vertu de l’Accord du Nunavut, un document qui est protégé par la Constitution et qui a préséance sur les autres lois.
Dans l’ensemble, à l’intérieur de nos frontières, c’est notre processus d’évaluation qui prime dans tous les cas. En règle générale, nous nous réjouissons à la perspective de collaborer avec d’autres organismes fédéraux de réglementation dans la mesure où nous pouvons coordonner les processus, mais nous sommes le seul régime d’évaluation d’impact pour la région du Nunavut.
Le sénateur Pratte : Même s’il s’agit d’un domaine de compétence fédérale, c’est vous qui jouez le rôle d’organisme d’évaluation?
M. Barry : C’est exact.
Le sénateur Pratte : Merci.
La sénatrice Cordy : Je me demande comment vous choisissez les membres de la commission. Je sais qu’ils sont tous des Inuits, ce qui est vraiment formidable. Madame Copland, vous avez dit avoir été nommée présidente par la ministre selon la recommandation des autres membres de la commission, ce qui est une excellente idée.
Comment la commission est-elle composée? Cela dépend-il de l’endroit où les membres sont situés au Nunavut? Pouvez-vous nous expliquer cela?
Mme Copland : Il y a trois régions. La Kivalliq Inuit Association proposera un candidat pour siéger au sein de la commission. Dans la région de Baffin, la Qikiqtani Inuit Association en recommandera un autre. Enfin, la Nunavut Tunngavik Inc. fera de même. Ces noms seront alors transmis à la ministre fédérale, qui fera la nomination. Il y a neuf membres en tout.
M. Barry : Par ailleurs, le gouvernement du Nunavut a droit à des nominations directes. C’est une structure de cogestion où il y a quatre nominations fondées sur les recommandations des organisations inuites, deux nominations faites par le gouvernement du Nunavut et, enfin, deux nominations directes de la part du gouvernement du Canada. Quant à la présidence de la commission, comme Mme Copland l’a dit, le titulaire du poste est choisi par la commission elle-même.
La sénatrice Cordy : Merci beaucoup.
Le sénateur Patterson : Je suis ravi que le comité ait l’occasion de voir à l’œuvre une commission crédible et très efficace.
Je tiens à souligner que vous avez examiné à fond huit projets d’envergure dans un environnement très fragile. L’un d’eux est le projet de Baffinland, dont la présidente a parlé, et qui visait la navigation dans les eaux couvertes de glaces et la construction d’un chemin de fer sur le pergélisol. Ce ne sont pas là des projets mineurs.
Avant que la Loi sur l’aménagement du territoire et l’évaluation des projets au Nunavut soit adoptée par le Parlement il y a quelques années, vous comptiez sur un article de 20 pages dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. La Loi sur l’aménagement du territoire et l’évaluation des projets au Nunavut fait seulement 131 pages. Nous avons maintenant un projet de loi de 400 pages qui comprend également toutes sortes de lignes directrices et de directives, auxquelles s’ajoute une liste de projets désignés à l’extérieur du cadre législatif.
Avez-vous pu travailler efficacement au moyen de ce qui semble être un processus beaucoup plus simple, où vous représentez l’autorité en matière d’évaluation, de délivrance de permis et de surveillance? Ne faut-il pas opter pour la simplicité?
M. Barry : Je dirais qu’en général, oui, selon nous.
Une chose qui nous a pas mal aidés, d’après notre expérience, c’est qu’il a fallu beaucoup de temps pour en arriver à la loi habilitante élaborée pour notre commission. Ce n’était pas la plus haute priorité, et le tout a traîné pendant longtemps. Rendus là, nous avions accumulé 15 ans d’expérience de travail en nous fiant seulement aux instructions contenues dans l’Accord du Nunavut, et les gens ont vu que cela fonctionnait très bien. Nous avons ainsi appris où il serait utile d’avoir moins de discrétion et plus d’instructions explicites, et la plupart des leçons retenues ont été intégrées dans notre loi lorsqu’elle a finalement été rédigée, avant son entrée en vigueur.
En fait, la longue période d’attente s’est avérée utile pour l’évolution de notre commission et de la loi elle-même, car nous devions alors nous en remettre aux instructions de l’Accord du Nunavut et à notre pouvoir discrétionnaire en tant que commission.
Le sénateur Patterson : En terminant, j’aimerais parler des critères utilisés pour évaluer les projets, et on en trouve une longue liste dans le projet de loi C-69. D’après ce que vous nous conseillez, l’adoption d’une approche prescriptive comporte son lot de risques. Il faut plutôt procéder en fonction de chaque projet, d’autant plus que les circonstances pourraient changer.
Pouvez-vous nous dire comment votre commission s’y prend à cet égard et offre plus de souplesse que peut-être ce qui est prévu dans le projet de loi C-69?
M. Barry : Selon moi, plus la loi établit une liste explicite de facteurs, plus elle risque de se limiter à des questions d’actualité. Ce qui est en jeu aujourd’hui pourrait ne plus l’être d’ici 10 ans.
D’après notre expérience, et compte tenu de l’évolution du projet de loi C-69, nous y retrouvons la plupart des mêmes facteurs que nous sommes tenus d’examiner aux termes de notre loi, et il y a aussi de nouveaux facteurs qui viennent s’y ajouter.
Les nouveaux facteurs sont généralement des choses que notre commission prendrait en considération dans le cadre d’une évaluation. Nous en tiendrions compte si la commission estimait qu’il s’agissait d’autres éléments pertinents. Par conséquent, nous avons la latitude de décider si ces éléments sont pertinents ou non pour une évaluation précise qui est en cours. Étant donné que les évaluations que nous menons portent sur divers projets — mines, barrages, routes et tout le reste —, ce qui est pertinent pour une évaluation pourrait ne pas l’être directement pour une autre, du moins pas dans la même mesure, d’après notre expérience.
La présidente : Dans toute approche visant à mesurer les répercussions environnementales, l’élément essentiel, c’est de décider ce qui constitue une répercussion admissible ou acceptable.
Dans votre cas, qu’est-ce qu’une répercussion admissible ou acceptable? Vous avez parlé de barrages et peut-être de mines. Comment déterminez-vous ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas?
M. Barry : Aux termes de notre loi, nous devons démontrer certains éléments au moment de déterminer l’importance. Bien entendu, nous en avons tenu compte pour établir l’importance des répercussions.
En ce qui concerne la pertinence, il y a des limites quant à la capacité de notre commission de déterminer les répercussions sociales; par exemple, notre commission ne peut pas préciser quels avantages devraient découler d’un projet. Cela dépasse son domaine de compétence. Toutefois, nous devons comprendre quels seraient les avantages et comment ils permettraient de compenser les répercussions d’un projet. C’est un peu une question d’équilibre.
Pour ce qui est de savoir quels sont les effets jugés inacceptables, un facteur important est la préoccupation du public et les renseignements que nous obtenons dans le cadre de vastes consultations, comme nous l’avons mentionné. Cet exercice nous aide à évaluer ce qui, aux yeux du public, est jugé inacceptable, puis à mettre à l’essai les mesures d’atténuation proposées afin de déterminer si elles vont assez loin pour atténuer les risques inacceptables.
La présidente : À titre d’exemple, dans le cas d’un barrage, le mercure finit par s’introduire dans la chaîne alimentaire, ce qui touche vos stocks de poisson. Qu’est-ce qui constitue un risque acceptable en ce qui a trait à la présence de mercure dans l’eau?
M. Barry : C’est une excellente question hypothétique. Le lac en question est-il ouvert à la pêche? Les gens consomment-ils du poisson pêché dans le lac? Si oui, en quelles quantités? Il y a de nombreux facteurs que nous aurions à prendre en considération, comme la grandeur du territoire, la population et les écosystèmes qui seraient touchés.
Je le répète, certains de ces facteurs sont précisés dans la loi, et certaines choses relèvent du gros bon sens. Si quelqu’un nous demande de déterminer si un risque est acceptable en fonction d’un critère, nous devons savoir qui sera touché, à quel point, à quelle fréquence, et cetera.
La sénatrice McCallum : Vous avez dit que lorsqu’on présente un projet dont les répercussions sont moins certaines, il faut obtenir de nouveaux renseignements. Autrement dit, la théorie n’a pas fonctionné comme prévu, et vous avez dû apporter des améliorations en cours de route. Pouvez-vous nous donner un exemple d’une telle situation et nous dire quels sont les délais en cause?
M. Barry : Nous pourrions peut-être en parler dans notre document de suivi pour vous donner un exemple concret parce qu’il y en a plusieurs.
La sénatrice McCallum : Ce serait bien.
Avez-vous un problème avec l’attestation des découvertes importantes dans votre région?
M. Barry : Non, nous n’en avons pas en ce moment.
La sénatrice McCallum : En ce qui concerne vos grandes réalisations, peut-on dire que les liens avec les aînés et les gens sont essentiels à votre succès, que vous intégrez les gens et le volet technique? J’essaie d’avoir une idée des liens entre les gens et de leur importance.
Mme Copland : Lorsque nous sommes dans une réunion publique, tout d’abord, nous disons aux aînés qu’ils peuvent prendre la parole à tout moment. Nous avons besoin de leur expertise et de leur savoir traditionnel. Nous avons besoin de leur aide pour prendre une décision au sujet d’une demande. Ils jouent un rôle très important pour nous.
M. Barry : Je crois que nous réussissons en ce sens que les gens peuvent se reconnaître tant dans la commission que dans les décisions. Nous nous appuyons beaucoup sur des extraits de nos transcriptions, des conseils pertinents qui ont été donnés par des aînés, des jeunes, souvent, et d’autres groupes également.
Habituellement, c’est notre indépendance, puis le fait que nous reflétons les valeurs inuites, je dirais, qui sont les plus grands facteurs de notre succès.
La sénatrice McCallum : Le climat dans nos provinces est très différent de celui de votre territoire. J’essaie seulement de dire que le système politique nous empêche, en fait, de faire comme vous. Vous faites un travail remarquable. Merci.
Mme Copland : Je crois que le climat est à peu près le même maintenant. Il fait plus froid ici.
Le sénateur Tkachuk : Il fait assurément plus froid ici.
La sénatrice Simons : Vous dites que tous les membres de la commission sont des Inuits. Est-ce simplement par hasard ou est-ce établi par la loi?
Mme Copland : Il y a une femme qui vient d’Edmonton.
La sénatrice Simons : Oh, comme moi.
M. Barry : Il ne s’agit pas d’une exigence explicite. Les choses ont simplement tourné de cette façon. C’est le reflet de la population du Nunavut.
Je pense que depuis que la commission a été créée — il y a plus de 20 ans maintenant —, il y a eu trois membres non Inuits, et tous vivent dans le Nord depuis longtemps, depuis plus de 30 ou 40 ans, ou ils ont une expertise ou une expérience importantes en ce qui concerne les organismes du Nord.
La sénatrice Simons : Ce que vous décrivez semble presque idyllique. Je ne sais tout simplement pas s’il est possible de le mettre en œuvre dans le reste du pays. Vraisemblablement, cela fonctionne. Votre population est dispersée, mais peu nombreuse. Les gens collaborent.
Quelles sont les choses concrètes que nous pouvons retenir de votre autonomie et utiliser ailleurs? Je ne veux pas dire « expérimenter » ailleurs, car ce n’est pas le bon mot.
M. Barry : Je suis d’accord avec vous en partie.
Au Nunavut, les réalités l’emportent. On ne peut pas lutter contre la saison de navigation limitée. Il y a des développements pratiques pour tout type de situation. Peu importe si les gens sont pour ou contre un projet, ils sont généralement pour la création d’emplois et de possibilités pour les communautés — des projets qui protègent l’environnement également. Cette recherche d’équilibre est la même, peu importe l’endroit au Canada. La façon dont la commission permet à toute l’information d’être communiquée et essaie d’en tenir compte et prendre en considération la population qui risque d’être la plus touchée, voilà les plus importantes leçons à retenir, à mon avis.
La sénatrice Simons : Merci.
Le sénateur Tkachuk : J’aimerais que vous me donniez une petite leçon d’histoire, si possible.
Est-ce que la majeure partie du cadre réglementaire a été établie dans le projet de loi de 1994 qui a mené à la création du Nunavut? J’étais là lors de l’adoption du projet de loi, en fait. Le gouvernement conservateur l’a élaboré avant l’élection du gouvernement libéral en 1993. A-t-il été établi avant, ou parle-t-on d’une combinaison de cela et des mesures législatives du gouvernement territorial du Nunavut?
M. Barry : C’est une combinaison. Comme le sénateur Patterson aimerait probablement le dire, j’en suis sûr, le cadre réglementaire découle de l’Accord du Nunavut conclu en 1993 et il est entré en vigueur en 1996.
Notre loi, la Loi sur l’aménagement du territoire et l’évaluation des projets au Nunavut, est une loi fédérale qui est entrée en vigueur en 2015.
Le sénateur Tkachuk : A-t-on légiféré parce que le gouvernement territorial l’avait conseillé?
M. Barry : Non, il s’agissait d’une exigence de l’Accord du Nunavut.
Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup.
Le sénateur Patterson : Je remercie la sénatrice Simons de ses observations quant à ce que la commission peut nous apprendre. Je veux vérifier quelque chose auprès de la commission. Dans tous les examens des grands projets, et dans certains cas, on a dit non au projet, ai-je raison de dire qu’il n’y a pas eu de contestations judiciaires?
Ma deuxième question porte sur l’inclusion des peuples autochtones dans le processus décisionnel. Des Autochtones dirigent votre commission, ce qui lui donne de la crédibilité auprès des Inuits du Nunavut. Or, le projet de loi C-69 crée un comité consultatif du ministre de l’Environnement — aux articles 56 et 57 — qui fournirait des conseils sur les droits des Autochtones touchés par des projets. Le comité doit comprendre un Inuk, un Métis et un membre d’une première nation.
Concernant l’idée d’établir un comité consultatif du ministre, parallèlement au processus réglementaire, comment cela fonctionnerait-il au Nunavut par rapport à votre processus dans lequel les Inuits prennent les décisions?
M. Barry : Je vais commencer.
Concernant la question de savoir si des décisions de la commission ont fait l’objet de contestations judiciaires, cela n’a pas été le cas jusqu’à maintenant — touchons du bois. Il y a certainement des situations où nous avons décidé de recommander l’approbation ou le refus de projets de développement. Nous avons eu de la chance à cet égard.
Pour ce qui est de déterminer si le modèle proposé dans le projet de loi C-69 fonctionnerait dans le contexte du Nunavut, j’hésite à me prononcer. Je répéterais que ce qui explique en grande partie notre succès, c’est que la population du Nunavut — majoritairement autochtone — se reconnaît dans la commission et considère que le rôle de la commission est celui d’un décideur. Cela a grandement contribué à l’établissement d’un lien de confiance avec la population quant aux décisions de la commission.
Le sénateur Wetston : Le projet de loi C-69 est, bien sûr, axé sur les évaluations d’impact des projets d’infrastructure. C’est une chose de mener une évaluation d’impact, mais c’en est une autre d’avoir un projet qui peut satisfaire aux exigences et aller de l’avant.
L’une des choses dont le sénateur Patterson et moi avons parlé, tout comme l’a fait le comité, ce sont les sources d’énergie au Nunavut. Pensez-vous que l’adoption du projet de loi ou les travaux de votre commission créeront des occasions de remplacer les sources d’énergie actuelles par l’hydroélectricité ou d’autres sources d’énergie dans le Nord? Évidemment, il ne s’agit pas seulement de lutter contre les changements climatiques ou de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais de faire en sorte que le Nord ait une source d’énergie fiable, sécuritaire et propre.
M. Barry : C’est une question très intéressante. Si nous examinons les formes d’énergie de remplacement auxquelles on n’a pas encore recours au Nunavut et ce qui permettrait de le faire, je pense que le régime d’évaluation qui s’applique aux projets de développement est un élément important lorsqu’il s’agit de déterminer si des projets sont menés ou non. Dans le Nord, il y a de nombreux exemples de projets qui ont été proposés, mais qui ne se sont jamais concrétisés. Pensons au projet gazier Mackenzie ou à d’autres projets qui ne se sont jamais concrétisés.
Je n’ai pas d’opinion quant à la question de savoir si le projet de loi ou le régime réglementaire feraient obstacle à l’arrivée de ces énergies de remplacement au Nunavut.
Le sénateur Wetston : Merci.
La sénatrice McCoy : Félicitations. Il est très intéressant de vous écouter parler de votre expérience.
Il me semble que votre territoire a largement décidé d’être en faveur d’une économie fondée sur les ressources et de moyens d’extraire les ressources respectueux de l’environnement, ce qui, à mon sens, n’est pas encore vrai dans le Sud du Canada dans son ensemble.
Souvent, un petit nombre de voix — qui se font clairement entendre — influencent l’opinion publique et créent possiblement une impression de crédibilité auprès de certains dans nos organismes de réglementation. Avez-vous déjà constaté ce genre de situation, avec un point de vue minoritaire, et comment gérez-vous la situation?
M. Barry : Il est arrivé que des ONG environnementales, par exemple, se présentent dans le territoire pour exprimer d’un ton très affirmatif leur point de vue sur un projet, sur les risques qu’il pose pour l’environnement et sur les raisons pour lesquelles il ne devrait pas être réalisé. Nous avons également observé le changement de ton qui s’impose une fois que les gens comprennent que les Inuits qui pourraient être touchés par le projet n’ont pas nécessairement la même opinion qu’eux.
C’est différent lorsqu’on est la seule personne dans une salle, la minorité à la table. Nous donnons une voix et une occasion de parler. Lorsque les gens réalisent que les membres du public, qui sont aussi dans la salle, n’appuient vraiment pas l’intervention et qu’ils ne parlent pas au nom du grand public comme ils prétendent, pour notre part, nous avons observé un changement complet de point de vue, et ces parties décident essentiellement de se retirer du processus.
Évidemment, au Nunavut, l’environnement est très différent. Le processus découle de nombreuses années de luttes et de négociations. Les dirigeants inuits appuient certainement les possibilités et les projets qui s’offrent aux Inuits qui sont menés de la bonne façon et qui protègent l’environnement. Encore une fois, il s’agit d’un autre contexte. Je crois qu’on l’a souligné.
La sénatrice McCoy : Merci beaucoup.
Le sénateur MacDonald : Je veux remercier les témoins au nom du comité.
La présidente : Nous accueillons maintenant un témoin qui comparaît par vidéoconférence. Il s’agit de M. Mark Taylor, premier vice-président des opérations de l’Alberta Energy Regulator.
Je vous remercie beaucoup de votre présence. Je vais vous inviter à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous vous poserons des questions. Je crois comprendre que vous êtes accompagné de collègues qui vous aideront peut-être à répondre aux questions. S’ils le font, je leur demanderais de dire leur nom et leurs fonctions auparavant.
Soit dit en passant, je m’appelle Rosa Galvez, je préside le comité et je représente le Québec. Allez-y, s’il vous plaît.
Mark Taylor, premier vice-président, opérations, Alberta Energy Regulator : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant le comité.
L’Alberta Energy Regulator réglemente la production, la transformation et le transport du gaz naturel, du pétrole, des sables bitumineux et du charbon de l’Alberta, dont la valeur de production s’est élevée à 72 milliards de dollars en 2017.
Il réglemente une énorme quantité d’infrastructures énergétiques : plus de 167 000 puits de gaz naturel et de pétrole, plus de 426 000 kilomètres de pipelines — environ la moitié du réseau canadien de pipelines — 50 000 installations pétrolières et gazières, 8 mines de sables bitumineux, plus de 270 projets in situ, 4 usines de valorisation du bitume, de même que 7 mines de charbon en exploitation et 2 usines de traitement du charbon.
Au titre de la Responsible Energy Development Act de l’Alberta, notre organisme rend des comptes tant au ministre de l’Énergie qu’au ministre de l’Environnement et des Parcs. Notre cadre réglementaire garantit que les politiques et la loi sont mises en œuvre de sorte que nous puissions atteindre les résultats environnementaux auxquels les Albertains s’attendent.
L’Alberta Energy Regulator est un organisme de réglementation du cycle de vie responsable de toutes les étapes de développement, qu’il s’agisse de l’exploration, de la production, de la fermeture ou de la remise en état. Avec plus de 80 années d’expérience en matière de réglementation, notre organisme travaille étroitement avec les ministères au sujet de questions réglementaires et politiques. Il collabore avec les ministères albertains de l’Énergie, de l’Environnement et des Parcs, de la Santé et des Relations avec les Autochtones de l’Alberta, de même qu’avec l’Aboriginal Consultation Office, qui est responsable de la gestion de tous les aspects fondamentaux du processus de consultation des Autochtones du gouvernement de l’Alberta.
À titre d’organisme de réglementation, l’Alberta Energy Regulator n’élabore pas de politiques, mais il joue un rôle important pour garantir que les activités d’exploitation des ressources énergétiques respectent les objectifs fixés par le gouvernement sur les plans environnemental et économique. De plus, notre organisme est tenu de respecter les mesures législatives provinciales sur les changements climatiques qui incluent l’établissement de limites en ce qui a trait aux émissions de gaz à effet de serre qui sont liées à l’exploitation des sables bitumineux.
Lorsque le gouvernement de l’Alberta a annoncé son plan de leadership en matière de climat en 2015, l’Alberta Energy Regulator a été chargé d’établir de nouvelles exigences pour réduire, d’ici 2025, les émissions de méthane du secteur du pétrole et du gaz en amont de 45 p. 100 par rapport au niveau de 2014. Nous avons émis les nouvelles exigences en décembre 2018.
Avant que nous répondions à vos questions, j’aimerais vous donner un aperçu du fonctionnement du système de réglementation pour ce qui est de l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta.
Avant qu’une entreprise puisse commencer un projet d’exploitation des sables bitumineux, elle doit d’abord faire une demande d’approbation d’un plan au titre de la Oil Sands Conservation Act. Un plan est un aperçu qui fournit de l’information sur tous les aspects du projet, dont les types d’approbations et de permis exigés, les détails techniques et économiques, les répercussions environnementales et sociales et une analyse coûts-avantages.
L’approbation du plan est la première étape d’une série d’approbations nécessaire pour commencer le projet, ce qui peut comprendre les approbations prévues dans l’Environmental Protection and Enhancement Act, ou l’EPEA; la Pipeline Act; la Water Act; et la Public Lands Act. Le Régulateur de l’énergie de l’Alberta passe en revue toutes les demandes pour s’assurer qu’elles sont complètes sur le plan technique et pour examiner les préoccupations présentées par les intervenants.
Une fois que les entreprises ont les approbations de projet, elles peuvent ensuite présenter au régulateur des demandes d’approbation liées au projet. Notre examen technique porte entre autres sur la géologie; la nature du réservoir; les répercussions sur l’eau, la terre et l’air; la conception et le forage du puits; la participation des intervenants; et les répercussions socioéconomiques liées au projet.
L’examen socioéconomique porte sur les effets positifs et négatifs d’un projet, y compris sur la population, les logements disponibles, l’emploi, l’activité économique intérieure, le trafic ainsi que l’infrastructure et les services locaux, pour ne nommer que ceux-là. L’entreprise doit montrer comment elle atténuera les effets négatifs d’un projet.
Le régulateur effectue aussi des examens environnementaux rigoureux des projets, qui portent sur les répercussions sur le sol, l’air ainsi que les eaux de surface et souterraines. Nos experts techniques s’assurent que les projets respectent ou dépassent les exigences réglementaires du régulateur et qu’ils sont conformes à la politique gouvernementale. Lorsqu’un projet doit se traduire par la production de plus de 12 600 barils par jour, une évaluation environnementale doit être réalisée dans le cadre de la demande prévue dans l’EPEA et comprend encore plus d’information.
La participation des intervenants est une grande priorité du Régulateur de l’énergie de l’Alberta. La Responsible Energy Development Act établit les critères dont le régulateur doit tenir compte et répond aux préoccupations de la population à chaque étape de l’exploitation. Les entreprises qui présentent des demandes doivent montrer qu’elles ont exécuté un programme de participation des intervenants et qu’elles ont pris des mesures pour trouver une solution aux préoccupations.
Une fois qu’une demande est présentée, le régulateur publie un avis de demande. Toute personne qui pense qu’elle sera directement et négativement touchée par le projet proposé peut présenter un énoncé de préoccupation. Tous les énoncés de préoccupation sont examinés, et ceux qui satisfont les exigences du régulateur, c’est-à-dire la majorité, sont ensuite considérés comme faisant partie du processus de demande. Si une entreprise ne peut pas répondre à une préoccupation, un processus extrajudiciaire peut être enclenché pour tenter de régler le différend par voie de médiation. À défaut de réussir, le régulateur peut demander une audience, c’est-à-dire une procédure officielle quasi judiciaire à laquelle peuvent participer les personnes touchées directement et négativement par une demande et où on peut présenter des données techniques probantes. Les commissaires aux audiences peuvent ainsi prendre une décision éclairée.
En janvier 2019, les règles ont été modifiées pour accroître la participation aux audiences. Lorsqu’une audience est demandée, les municipalités et les communautés autochtones sont invitées à participer lorsque le projet se trouve sur leur territoire ou à proximité de celui-ci, pourvu qu’elles aient présenté un énoncé de préoccupation.
Un des aspects essentiels du cadre réglementaire de l’Alberta est la consultation des communautés autochtones, et le régulateur compte sur le bureau de consultation des Autochtones pour déterminer comment elles doivent être consultées pour tous les projets énergétiques.
Le régulateur ne détermine pas la pertinence de la consultation menée par la Couronne auprès des peuples autochtones. Une fois que le bureau de consultation s’est prononcé sur la pertinence d’une consultation, il soumet un rapport au régulateur, ce qui nous permet de poursuivre notre examen de la demande et de rendre une décision réglementaire.
Si un projet est approuvé, il doit satisfaire des exigences strictes à chaque étape, de la construction et de l’exploitation à, éventuellement, une fermeture et une remise en état. Lorsqu’une entreprise ne respecte pas nos exigences, nous avons un certain nombre de mesures d’application à notre disposition, notamment des inspections plus fréquentes, des ordonnances d’exécution, des sanctions administratives, des poursuites et un arrêt des activités. Nos activités d’application sont toutes publiées sur notre tableau de conformité.
J’ai donné un aperçu de notre processus pour déterminer qui peut participer à une audience du Régulateur de l’énergie de l’Alberta. J’aimerais prendre un moment pour attirer l’attention sur une importante différence entre notre processus et le processus prévu dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, la LCEE. Par exemple, si le régulateur décide de demander une audience, la participation dépend d’un certain nombre de facteurs, comme si une personne est directement et négativement touchée ou si son témoignage aidera réellement à prendre une décision.
Aux termes de la LCEE, toutes parties intéressées peuvent participer à une audience, y compris celles qui pourraient être directement touchées et qui possèdent des renseignements pertinents. On peut créer ainsi un groupe plus vaste de participants, mais limiter la capacité des personnes les plus touchées à participer de manière significative.
Aujourd’hui, les 1 200 employés talentueux et dévoués du Régulateur de l’énergie de l’Alberta travaillent pour protéger ce qui compte pour tous les Canadiens: la sécurité publique; l’environnement; un développement énergétique ordonné et bien planifié; et un avantage économique pour l’ensemble du pays.
Merci. Je suis impatient de répondre à vos questions.
La sénatrice Cordy : Merci de prendre le temps d’être avec nous par vidéoconférence cet après-midi. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je ne m’étais pas rendu compte que l’Alberta compte sept mines de charbon en exploitation. Je viens de la Nouvelle-Écosse, et je ne le savais pas. Il est bon d’apprendre quelque chose de nouveau chaque jour.
Vous avez dit qu’en janvier 2019, les règles ont été modifiées pour accroître la participation aux audiences. Je me demande donc qui les a modifiées. Est-ce vous? Est-ce le gouvernement provincial?
M. Taylor : Le gouvernement de la province a modifié les règles le 1er janvier pour faire en sorte qu’une municipalité ou une communauté autochtone qui présente un énoncé de préoccupation par rapport à un projet participe automatiquement à l’audience tenue.
La sénatrice Cordy : Vous avez parlé plusieurs fois de consultations ou de dialogues constructifs. Qui détermine si le dialogue est constructif? Je sais que les règles ont changé en janvier cette année pour assurer une plus grande participation, mais qui détermine ce qu’il en est?
M. Taylor : Juste pour confirmer, sénatrice, parlez-vous précisément de la consultation des Autochtones ou des intervenants?
La sénatrice Cordy : Je parle de la consultation des intervenants.
M. Taylor : Pour consulter les intervenants, nous encourageons la participation du public dans la prise de décisions concernant l’exploitation de ressources énergétiques tout au long du processus.
La sénatrice Cordy : Comme pour les intervenants.
M. Taylor : En effet. C’est donc essentiellement les règles du Régulateur de l’énergie de l’Alberta qui déterminent les exigences qu’une entreprise doit satisfaire pour faire participer les intervenants avant même de nous présenter une demande pour procéder.
La sénatrice Cordy : Merci.
Vous avez également dit que vous n’élaborez pas de politiques, mais que vous jouez un rôle important en procurant une assurance relativement aux politiques. Vous avez précisé votre pensée en disant que l’exploitation des ressources naturelles doit se faire de manière à donner des résultats environnementaux et économiques.
Je ne suis donc toujours pas certaine de savoir ce que vous entendez quand vous parlez d’assurance relativement aux politiques. Est-il question de cela, à savoir un équilibre entre énergie et environnement?
M. Taylor : Une politique facile à expliquer est celle que j’ai mentionnée dans ma déclaration liminaire, qui fait partie du Climate Leadership Plan. Cette politique comprend entre autres un objectif de réduction des émissions de méthane provenant de l’extraction des ressources pétrolières et gazières de 45 p. 100 d’ici 2025. C’est le volet politique. Cela indique clairement une politique du gouvernement concernant le résultat auquel il veut parvenir en Alberta.
Le travail de l’organisme de réglementation, en l’occurrence le Régulateur de l’énergie de l’Alberta, était de comprendre quelles mesures réglementaires nous devions prendre pour montrer clairement aux entreprises comment parvenir à cette réduction de 45 p. 100. Nous avons donc pris cette orientation politique et créé des directives pour nous assurer d’y parvenir d’ici 2025.
La sénatrice Cordy : J’étais très heureuse de vous entendre parler de l’équilibre entre l’énergie et l’environnement. Je pense que certaines personnes pensent que c’est soit l’un ou l’autre. Je crois que vous avez expliqué que ce n’est pas le cas, que c’est un équilibre. Je pense que c’est possible. Merci.
Le sénateur MacDonald : Madame la présidente, nous avons ici quatre sénateurs de l’Alberta, dont deux sont des membres permanents du comité. J’aimerais différer ma question et laisser la sénatrice Simons prendre la parole maintenant si elle le souhaite.
La sénatrice Simons : Merci beaucoup, sénateur MacDonald. Je vous en suis reconnaissante.
L’une des préoccupations dont nous a fait part le gouvernement de l’Alberta est que certains éléments du projet de loi C-69 empiètent peut-être sur ce qui est depuis longtemps une compétence provinciale. Je suis curieux de savoir, dans votre lecture et votre analyse du projet de loi, si vous voyez des passages qui touchent ce que vous avez traditionnellement réglementé, et comment?
M. Taylor : Merci de poser la question, sénatrice. À ce stade-ci, nous allons tirer parti des quelques personnes qui m’accompagnent. Je vais laisser M. Clark, du ministère de l’Énergie, répondre le premier à cette question.
Wade Clark, directeur général, Ressources et Développement, ministère de l’Énergie, gouvernement de l’Alberta : Sénatrice, notre premier ministre et nos ministres déploient beaucoup d’efforts dans ce dossier, et ils ont énoncé clairement et à maintes reprises la position de l’Alberta au premier ministre et au gouvernement du Canada. Il ne fait aucun doute que l’Alberta est impatiente d’avoir d’autres occasions de fournir des mémoires détaillés, ce qui permettra d’apporter une partie des précisions auxquelles vous faites allusion.
Il ne fait aucun doute que la Loi sur l’évaluation d’impact ainsi que les autres lois visées par le projet de loi C-69 sont, du point de vue de l’Alberta, une ingérence sans précédent du fédéral dans un certain nombre de champs de compétence des provinces, plus précisément en ce qui a trait à la réglementation des ressources naturelles et peut-être à la propriété et aux droits civils. Nous croyons que la mesure législative proposée va peut-être décourager les investissements et avoir une incidence préjudiciable sur la compétitivité du Canada en tant qu’économie riche en ressources.
Nous avons certaines préoccupations puisqu’il est possible que cela nuise à la compétitivité des secteurs de l’énergie et des ressources naturelles du Canada, y compris peut-être en ayant un effet néfaste considérable sur le pétrole et le gaz, les forêts, la fabrication, le développement hydroélectrique et peut-être les ports et d’autres aspects du développement du Nord. De toute évidence, nous mettons beaucoup l’accent sur les ressources de l’Alberta, et les modifications proposées, de notre point de vue, érodent la certitude, la clarté et la stabilité réglementaires pour les investisseurs, ce qui nuit à leur compréhension de la législation et à leur prise de décisions en matière de placements de capitaux.
La sénatrice Simons : C’était la réponse d’un point de vue générale, mais y a-t-il des domaines précis? Je sais, par exemple, quand j’ai rencontré la ministre Phillips, que nous avons parlé des projets in situ, de la question de savoir s’ils figureront sur la liste de projets. Ce n’est peut-être pas le bon moment, mais comme nous sommes ici, pouvez-vous souligner les points précis de la loi qui représentent pour vous une ingérence sans précédent?
M. Clark : Oui, je pense que les projets in situ sont un excellent exemple. Nous allons fournir au moment opportun un résumé plus approfondi des détails dans notre mémoire, mais il ne fait aucun doute pour ce qui est des projets in situ, comme M. Taylor y a fait allusion, le système de réglementation des sables bitumineux en Alberta est très rigoureux. Les projets in situ d’exploitation de sables bitumineux ne figurent plus sur la liste de l’ancienne LCEE depuis un certain temps, et je crois que le processus a été exécuté très efficacement en Alberta. C’est un excellent exemple de domaine où, du point de vue de l’Alberta, la réglementation a été gérée très efficacement dans le champ de compétence provinciale.
Le sénateur Massicotte : Merci d’être ici avec nous cet après-midi. Laissez-moi d’abord vous féliciter, car quand on regarde le nombre de projets que vous avez approuvés dans un certain délai, on constate que vous vous en êtes mieux sorti que le gouvernement fédéral à cet égard. J’essaie donc de comprendre un petit peu mieux comment vous vous êtes organisés et ainsi de suite.
Pouvez-vous me dire qui nomme les gens au conseil de réglementation et comment on procède à cette fin?
M. Taylor : Merci de poser la question, sénateur. Je vais vous donner rapidement un aperçu de notre modèle de gouvernance.
Nous avons un conseil de gouvernance, et le président et le conseil sont nommés par le gouvernement de l’Alberta au moyen de décrets. Ce conseil de gouvernance veille essentiellement à ce que nos systèmes comptables, les risques, les gens, les systèmes de ressources humaines et ainsi de suite soient bien gérés.
Pour ce qui est des activités comptables de l’organisme de réglementation, c’est le chef de la direction du Régulateur de l’énergie de l’Alberta qui les dirige. Dans cette partie de l’organisation, le chef de la direction est nommé par le président du conseil de gouvernance. Toutes les personnes qui relèvent du chef de direction sont tout simplement embauchées et nommées par le chef de direction, et ainsi de suite, dans l’ensemble de la structure de l’organisation.
Quant aux commissaires aux audiences, ils sont indépendants de ce qui se rattache aux activités du Régulateur de l’énergie de l’Alberta. Ils rendent des comptes au président du conseil de gouvernance, mais ils font partie d’un organisme indépendant, et ils ne participent donc pas aux activités quotidiennes ou à notre orientation stratégique, au travail de réglementation fait tous les jours.
Le sénateur Massicotte : Qui approuve les projets?
M. Taylor : L’approbation des projets se fait par le Régulateur de l’énergie de l’Alberta, sous la supervision du chef de direction, c’est-à-dire moi-même. J’ai une direction des autorisations, qui est l’endroit où toutes les décisions concernant de nouveaux projets finissent par être prises.
Le sénateur Massicotte : Le chef de direction nomme le président du conseil, comme vous l’avez dit plus tôt. Comme il se charge de l’approbation, en conjonction avec le président du conseil, et comme il y a un lien direct entre le président et le gouvernement, ai-je raison de dire que le gouvernement approuve les projets?
M. Taylor : Non. En fait, dans la loi qui a créé le régulateur, la Responsible Energy Development Act, il est indiqué très clairement que c’est le personnel qui relève du chef de direction qui est responsable de prendre toutes les décisions. Notre conseil de direction ne se prononce même pas sur les décisions. Je répète que c’est un conseil de gouvernance, pas un conseil opérationnel.
Le sénateur Massicotte : Quels critères précis permettent à l’organisme de réglementation d’approuver ou non un projet?
M. Taylor : Nous avons différents textes réglementaires. Le plus commun s’appelle la directive. Pour tous les projets, il y a une ou plusieurs directives pour établir clairement les critères qu’un promoteur doit respecter pour présenter une demande et s’attendre à ce qu’un projet soit approuvé. Toutes les décisions concernant le respect des critères énoncés dans nos directives sont prises par nos décideurs désignés par la loi qui font rapport au chef de direction.
Le sénateur Massicotte : À propos des critères, vous vous êtes déjà tournés vers le gouvernement du Canada quand il était strictement question d’environnement ou d’un effet néfaste sur l’environnement. Ce qui est maintenant proposé va beaucoup plus loin. Vos critères sont-ils aussi vastes que ce qui est proposé, ou servent-ils davantage à ne gérer que le risque pour l’environnement?
M. Taylor : Quand le Régulateur de l’énergie de l’Alberta a été créé il y a six ans au moyen de la Responsible Energy Development Act, c’était afin qu’il n’y ait qu’un seul organisme de réglementation pour l’ensemble du développement énergétique en Alberta. Auparavant, il fallait échanger ou il était parfois nécessaire d’échanger avec trois organismes pour faire approuver un projet. Ce n’était pas toujours avec les trois.
Pour des raisons de compétitivité et afin d’avoir un système de réglementation plus transparent et plus équitable pour les intervenants, le gouvernement a créé un organisme de réglementation unique, le Régulateur de l’énergie de l’Alberta. Notre mandat comporte trois volets: premièrement, la protection de l’environnement; deuxièmement, la protection de la sécurité publique; troisièmement, l’exploitation responsable des ressources énergétiques de la province. Nos exigences visent continuellement à trouver un équilibre entre ces trois vastes questions.
Le sénateur Tkachuk : Avec votre permission, madame la présidente, j’aimerais céder ma place à la sénatrice McCoy étant donné que nous n’avons qu’une heure.
La sénatrice McCoy : Je cédais la parole à mes collègues. Je ne suis pas officiellement membre du comité, et je vous remercie donc de votre courtoisie.
Je suis ravie que vous soyez tous parmi nous. Je vais donner suite aux questions du sénateur Massicotte. Je n’ai pas compris qui nomme les commissaires.
M. Taylor : Les commissaires sont nommés par le gouvernement de l’Alberta. Ils sont encore une fois nommés par décret.
La sénatrice McCoy : Travaillent-ils à temps partiel ou à temps plein?
M. Taylor : Nous avons les deux. Certains travaillent à temps plein et d’autres à temps partiel, une fois de plus pour tenter d’équilibrer la charge de travail.
La sénatrice McCoy : Si je comprends bien, quand ils tiennent une audience, l’audience est quasi judiciaire, n’est-ce pas?
M. Taylor : En effet.
La sénatrice McCoy : Sur combien de projets vous êtes-vous penchés au cours du dernier exercice ou de la dernière année civile, peu importe comment vous établissez vos chiffres?
M. Taylor : En 2018, nous avons traité environ 40 000 demandes. C’est une année normale.
Le sénateur Tkachuk : Ces personnes savent comment travailler.
La sénatrice McCoy : Combien de projets ont fait l’objet d’une audience?
M. Taylor : Je dirais moins de 10 et j’oserais dire que c’est moins de 5, surtout si nous ne comptons pas les audiences de la commission d’examen conjoint qui s’expliquent par le fait que nous avons des lois fédérales qui créent des chevauchements.
La sénatrice McCoy : Quel est d’après vous le secret de votre succès concernant l’efficacité des échéanciers?
M. Taylor : C’est un facteur, en fait. Cela repose sur ce que nous appelons l’excellence en matière de réglementation. L’un des éléments clés de l’excellence en matière de réglementation — vous l’avez même mentionné —, c’est l’efficacité. L’efficacité, ce n’est pas la vitesse; il ne s’agit pas de faire les choses plus rapidement. Il s’agit plutôt d’assurer l’équité pour tous nos intervenants, tant pour l’industrie qui fait la demande que pour les intervenants qui se préoccupent d’un projet ou qui appuient un projet.
Nous concentrons notre attention sur les effets que le projet produira sur le paysage. Il n’est donc pas nécessairement question d’un processus administratif au départ. Ce sont les effets sur le paysage. Nous prenons beaucoup de décisions fondées sur les risques. Il s’agit d’accorder la priorité aux plus grands risques pour l’environnement ou pour la sécurité du public et pour l’exploitation des ressources. Si vous suivez ces principes, vous obtenez une grande transparence. Donc, quiconque regarde la façon dont l’AER fonctionne va très bien comprendre notre façon de prendre une décision et la justification de toute décision.
Pour les 40 000 demandes reçues l’année dernière, un total de 277 énoncés de préoccupations ont été déposés par des intervenants. C’est parce que nous avons un système très transparent et qu’il est prévisible. Encore une fois, la prévisibilité ne signifie pas que vos demandes seront toujours approuvées. C’est le processus qui est prévisible. Donc, nous publions nos échéanciers sur tous les volets de demande. Vous pouvez aller sur notre site web et voir le nombre de jours qu’il nous faudra d’après nos prédictions pour vous donner une réponse à savoir si votre projet est approuvé ou rejeté. Notre objectif est de respecter ces échéanciers 90 p. 100 du temps.
En ce moment, nous travaillons à revenir à notre niveau de 90 p. 100, car le 1er novembre, nous avions réduit tous nos échéanciers de moitié par rapport aux échéanciers que nous avions avant. Nous en sommes donc en ce moment à 85 p. 100. Nous ne faisons que commencer.
La présidente : Quarante mille demandes, c’est très impressionnant. Combien de demandes ont été acceptées, et combien ont été rejetées? Quelles sont les raisons des rejets?
M. Taylor : Je n’ai pas les nombres exacts, mais nous pourrons vous les transmettre ultérieurement.
Les projets ne sont certainement pas tous approuvés. Notre rôle n’est pas de tout approuver systématiquement. Les raisons du rejet de projets peuvent varier. Il y a pour commencer les raisons d’ordre technique. Le projet n’est tout simplement pas conforme à la réglementation de l’AER ou à l’orientation stratégique du gouvernement de l’Alberta. Il y a donc des raisons techniques de ne pas approuver un projet.
Dans certains cas, des projets ne sont pas approuvés parce qu’il y a des énoncés de préoccupations et que des intervenants ne sont pas satisfaits de la façon dont leurs préoccupations seront atténuées. Le dossier peut faire l’objet d’une audience ou d’un contrôle judiciaire parce que diverses avenues seraient possibles. Les commissaires d’audience peuvent décider de rejeter un projet à cause des préoccupations exprimées par des intervenants. Ce sont donc les deux catégories de raisons pour lesquelles des projets ne sont pas approuvés.
La présidente : Diriez-vous que la moitié des projets sont acceptés ?
M. Taylor : Je dirais que c’est probablement plus de 95 p. 100 des projets qui sont acceptés.
La présidente : Environ 95 p. 100 des projets sont acceptés.
M. Taylor : Encore là, notre système de réglementation est très transparent. Les promoteurs qui font des demandes connaissent les attentes, et c’est la raison pour laquelle nous n’avons eu que 277 énoncés de préoccupations pour 40 000 demandes.
La présidente : J’ai une question complémentaire. Vous dites que 95 p. 100 des projets sont approuvés. Est-ce que vous suivez les répercussions possibles de tous ces projets?
M. Taylor : En effet oui. Nous suivons les répercussions possibles de tous les projets d’aménagement réalisés en Alberta au cours des 100 dernières années. Comme je l’ai dit dans mon exposé, il y a plus de 167 000 puits et plus de 426 000 km d’oléoducs en Alberta en ce moment. J’ai une direction de l’inspection sur le terrain qui a des bureaux partout dans la province de l’Alberta. Pendant le cycle de vie intégral d’un projet, nous avons du personnel qui assure le suivi de toutes les activités pouvant présenter un risque élevé.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre présence parmi nous.
Nous comprenons que le projet de loi donne au gouvernement l’option de permettre à un organisme provincial ayant des normes égales ou supérieures à l’approche proposée de s’occuper de l’examen. J’espère que la ministre fédérale permettra à votre organisme efficace et expérimenté de faire le travail plutôt que d’adopter un nouveau processus qui pourrait, d’après vous, monsieur Clark, avoir des répercussions sur la compétitivité, la certitude et la clarté, ce qui aurait des effets négatifs en Alberta.
Est-ce que le projet de loi C-69 empêche la ministre de confier cela à votre organisme dans les secteurs que vous couvrez déjà si bien?
M. Clark : C’est l’un des aspects préoccupants, sénateur — la nature discrétionnaire des dispositions de substitution dans la loi et l’exigence d’un avis public avant d’autoriser la substitution. Cela s’éloigne un peu du système actuel. C’est un des aspects pour lesquels l’Alberta aimerait que le gouvernement fédéral consacre plus de temps à améliorer la clarté juridictionnelle et à proposer des occasions de ce genre de réduire les chevauchements et de favoriser la certitude du système dans la province.
Le sénateur Patterson : Merci.
Comme la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions que nous avons entendue ce matin, vous avez indiqué clairement que vous établissez le classement selon qu’une personne est susceptible d’être touchée directement et négativement ou que son témoignage va contribuer considérablement à la décision, entre autres facteurs. Cependant, la LCEE donne à toutes les parties intéressées la possibilité de participer à une audience, ce qui, d’après ce que vous avez dit dans votre exposé, peut donner lieu à un plus vaste bassin de participants, mais limiter la capacité des personnes les plus touchées de participer de façon significative. Comment est-ce que cette règle plus souple de classement limite la capacité de participer de façon significative? Pouvez-vous nous en dire plus?
M. Taylor : Certainement. Sénateur, vous avez très bien repris ce que j’ai dit dans mon exposé.
Au début de notre processus, toute personne qui s’estime susceptible d’être touchée directement et négativement peut déposer un énoncé de préoccupations. Tout au début du processus, la norme est semblable à celle que propose la LCEE, soit que quiconque s’estime susceptible d’être touché directement et négativement peut faire connaître ses préoccupations. La différence, c’est que nous déterminons si cette partie pourrait effectivement être touchée directement et négativement.
Quant aux raisons pour lesquelles la démarche de la LCEE, qui donne plus généralement accès à une audience, risque de diluer la capacité de vraiment se concentrer sur les personnes qui seraient touchées directement et négativement, c’est simplement une question d’échelle. Nous avons une expérience directe du secteur de l’exploitation minière, car nous participons à des commissions d’examen conjoint avec le gouvernement fédéral en ce moment concernant de nouveaux projets de mines.
Ce qui se produit généralement, dans le cadre d’une commission d’examen conjoint qui se conforme forcément à la LCEE, c’est que la portée est beaucoup plus vaste et que bien plus de gens participent à l’audience. Habituellement, il y a des difficultés d’ordre logistique liées à la durée de l’audience et au nombre de personnes que vous allez pouvoir entendre à l’intérieur d’une période donnée. La réalité, c’est les personnes qui sont touchées directement et négativement ont moins de temps pour présenter leurs arguments aux commissaires d’audience, par rapport à la tenue de petits groupes de discussion dont les participants entrent dans la catégorie des personnes touchées directement et négativement. Ces personnes peuvent alors passer plus de temps à présenter des arguments convaincants aux commissaires d’audience pour expliquer ce qui justifierait la prise de décisions différentes.
La sénatrice McCallum : Merci. Je suis la sénatrice McCallum, du territoire visé par le Traité no 10 dans la région du Manitoba.
L’un des enjeux fondamentaux que nous avons, c’est la question de savoir qui détient le titre des terres dont nous parlons. En vertu de traités, les peuples autochtones sont les détenteurs des titres. Quand vous détenez le titre, vous ne faites pas de consultation; il vous faut une permission. Est-ce que c’est ce que vous pratiquez?
M. Taylor : Je vous remercie de la question, sénatrice. À l’AER, nous faisons beaucoup de travail avec les peuples autochtones et le gouvernement de l’Alberta afin de veiller à ce que les intérêts des Autochtones soient tenus en compte dans toutes nos décisions de nature réglementaire. Cependant, nous sommes l’organisme de réglementation de la province, et la responsabilité des consultations des peuples autochtones ne nous incombe pas. C’est le Bureau de consultation des Autochtones qui s’en occupe pour le compte du gouvernement de l’Alberta.
Je vais donc poliment passer cette question à M. Rutwind, qui pourra mieux répondre à votre question.
Stan Rutwind, conseiller spécial, Relations avec les Autochtones, gouvernement de l’Alberta : Notre processus correspond à la loi. Quand il y a un risque d’effet négatif sur un droit issu de traités ou sur l’utilisation traditionnelle du territoire par les Premières Nations ou d’autres groupes autochtones, cela donne lieu à une obligation légale de consulter. Quand nos promoteurs ont un projet à l’esprit, ils sont tenus de communiquer avec le Bureau de consultation des Autochtones afin de savoir si des consultations officielles sont requises et, dans l’affirmative, auprès de qui les consultations doivent être réalisées. Le Bureau de consultation des Autochtones leur donne une réponse, et s’ils doivent mener une consultation, le bureau précise les Premières Nations et les établissements métis qui doivent être consultés, par exemple. Cela se fait le plus tôt possible et souvent bien avant le dépôt de toute demande auprès de l’Alberta Energy Regulator.
Le Bureau de consultation des Autochtones indique également le niveau auquel les consultations doivent être menées. Pour les grands projets, il y a un échange constant d’information, de questions et de réponses entre les promoteurs, les Premières Nations ou groupes métis et le Bureau de consultation des Autochtones.
Nous avons un effectif d’environ 50 personnes qui traite des dizaines de milliers de demandes, et ce, depuis la fondation du bureau de consultation en 2013. De nombreux cas ont fait l’objet d’un contrôle judiciaire. Soulignons que c’est nous qui déterminons si la consultation est adéquate, et non l’AER. Il y a une distinction, et les cours ont généralement confirmé nos décisions. Nos décisions n’ont jamais été infirmées à cause d’un processus de consultation inadéquat.
La sénatrice McCallum : Merci beaucoup.
Le sénateur Woo : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
Ce matin, certains sénateurs ont posé des questions au sujet des puits de pétrole orphelins en Alberta. Ils posaient la question au mauvais organisme de réglementation et ont appris que c’est en fait la responsabilité de l’Alberta. Je voulais vous poser cette question. Je n’y comprends pas grand-chose. Cependant, je lis dans les journaux qu’il y en a beaucoup et que cela pourrait causer de gros maux de tête aux Albertains, et ce, pendant très longtemps.
Quelle est la compréhension de ce problème dans le contexte du processus d’évaluation dont vous venez de parler, votre processus de suivi et de réglementation, et comment votre processus peut-il, aurait-il dû et va-t-il régler ce problème?
M. Taylor : Je vous remercie beaucoup de votre question, sénateur.
Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, nous sommes un organisme de réglementation touchant le cycle de vie complet, et nous sommes donc responsables du développement énergétique, de l’exploration à la fermeture et à la remise en état du site, qu’il s’agisse d’un puits ou d’une installation.
Un puits qu’on dit orphelin est un puits appartenant à une société qui a fait faillite et qui n’existe plus. À titre d’information pour tous les sénateurs, la fermeture est une bonne chose. Cela ne veut pas dire que le puits a été laissé derrière, mais que la société a fait le nécessaire et a coulé du béton pour boucher le puits de sorte que le site puisse être remis en état. Si le puits n’a pas été fermé et que le site n’a pas été remis en état avant la faillite de la société, en Alberta, l’AER a la capacité juridique de déclarer que le puits est orphelin.
En pareil cas, le puits est pris en charge par l’Orphan Well Association. Cette association est un organisme sans but lucratif entièrement financé par l’industrie. Sa responsabilité est de fermer et de remettre en état tous les sites désignés comme étant orphelins par l’Alberta Energy Regulator.
Encore une fois, pour mettre les choses en contexte, je vous dirais qu’il y a à peu près 167 000 puits dans la province de l’Alberta et qu’environ 5 000 puits ont été confiés à l’Orphan Well Association. C’est relativement peu compte tenu des activités de développement des 100 dernières années.
Comme je l’ai dit, l’industrie a l’obligation de financer cela. L’AER détermine les fonds consacrés à l’Orphan Well Association chaque année, et nous émettons les factures à l’industrie afin qu’elle paie cette partie des travaux. Au bout du compte, ce ne sont pas les contribuables ou les citoyens de l’Alberta qui assument cette responsabilité.
Le sénateur Woo : D’après ce que je comprends, les capitaux pourraient ne pas être suffisants dans le fonds. C’est ce qui semble ressortir de mes lectures dans les journaux : que les fonds sont insuffisants pour les puits orphelins.
La question qui découle de cela, c’est que de toute évidence, ces projets ont été évalués par l’organisme de réglementation, dépendant de l’époque à laquelle ces projets remontent. Dans quelle mesure l’organisme de réglementation qui évalue un projet dont le cycle de vie serait long pense-t-il à des scénarios comme des prix du pétrole et un climat économique mondial qui causent la faillite de sociétés importantes et, par conséquent, l’apparition de très nombreux puits orphelins, ce qui ferait que le fonds de réserve serait insuffisant pour résoudre ce problème?
M. Taylor : Je vous remercie encore une fois de cette question très bien informée.
Le financement de l’Orphan Well Association se fait annuellement. De façon très générale, l’Orphan Well Association regarde tous les puits qu’elle a à sa charge, mène une évaluation des risques pour déterminer ceux qui pourraient avoir des répercussions sur l’environnement ou la sécurité publique et établit l’ordre de priorité des travaux. L’association veut être en mesure de s’occuper de la fermeture et de la remise en état d’environ 10 à 15 p. 100 des puits qui relèvent de sa responsabilité chaque année. Essentiellement, son plan lui permettrait de travailler continuellement à des fermetures sur une période de 8 à 10 ans et de s’occuper des puits qui sont en ce moment sa responsabilité.
Au cours des dernières années, avec le recul observé dans les prix du pétrole, oui, le nombre de puits confiés à l’Orphan Well Association a grimpé. Un plus grand nombre de sociétés ont fait faillite et ont éprouvé des difficultés financières. Par conséquent, le montant annuel que l’industrie verse à l’association a aussi augmenté d’une année à l’autre. Techniquement, il ne manque pas de fonds, car ce n’est pas un fonds à montant fixe. L’industrie va payer chaque année en fonction de la quantité de travail que l’association doit accomplir.
Cela étant dit, nous travaillons avec l’industrie afin de mettre en place des outils qui lui permettront de gérer plus efficacement ses propres puits et de les fermer au moment opportun, ce qui réduira les risques ultérieurs d’une forte augmentation des puits confiés à l’Orphan Well Association.
Comme je l’ai dit, nous avons une excellente collaboration avec l’industrie, les fournisseurs de services et l’organisme de réglementation, sous la forme de l’Area-Based Closure Program, un programme de fermeture axé sur les zones. Ce programme permet aux sociétés de fermer et de remettre en état des puits pour environ la moitié du coût en application de notre ancien règlement. Nous constatons dans l’industrie une énorme augmentation des efforts proactifs à l’égard de ce problème, car au bout du compte, ce sont quand même ces sociétés qui paient pour tout ce qui va dans le fonds de l’Orphan Well Association. Elles sont donc motivées à faire ce qu’il faut.
La présidente : Le problème avec les puits abandonnés est une chose. Je crois que c’est plus ou moins bien contrôlé, car comme vous l’avez dit, le nombre est moins élevé. Mais qu’en est-il des bassins de résidus? Je me souviens d’une époque où vous n’accordiez pas de permis si une société ne remettait pas en état certain des bassins de résidus. Cependant, cette exigence a été supprimée, et les sociétés peuvent maintenant continuer d’utiliser ces bassins de résidus. Pouvez-vous parler de ces bassins de résidus et des coûts d’une remise en état futur?
M. Taylor : Je vous remercie encore une fois, sénateur. Vous êtes un comité très bien informé. Il est toujours plaisant de se faire poser des questions très réfléchies. Je vais commencer avec les résidus, et c’est un bon exemple qui illustre comment les politiques répondent aux règlements.
Il y a quelques années, le gouvernement de l’Alberta a présenté une politique sur la gestion des résidus. L’AER a lancé un programme multilatéral de mobilisation auquel ont participé des collectivités autochtones, des intervenants et des représentants de l’industrie pour élaborer une directive qui établit les exigences relatives à la gestion des résidus dans la province de l’Alberta.
Pour maintenir un niveau très élevé, le but de la politique et de la réglementation que nous avons créées consiste à ce que tous les bassins de résidus associés aux mines de sables bitumineux en Alberta doivent être prêts à être remis en état dans les 10 années après l’arrêt de l’exploitation de la mine.
Je rappelle à tous que bon nombre de ces mines d’extraction de sables bitumineux ont une durée de vie de 40 ou 50 ans. Elles commencent tôt à récupérer les ressources, mais la loi et la réglementation précisent très clairement que ces bassins de résidus doivent être remis en état et que les entreprises ont la responsabilité de le faire.
La réglementation précise que nous pouvons encourager les entreprises à nous faire rapport annuellement du volume de résidus fluides et des technologies qu’elles comptent utiliser pour remettre en état ces bassins de résidus.
La remise en état peut signifier un certain nombre d’éléments différents selon l’emplacement des bassins de résidus. La remise en état peut être de reboiser les terres comme elles l’étaient avant de commencer l’exploitation minière. Il peut s’agir d’une combinaison de terrains secs et de basses terres. Ce pourrait être un lac.
À l’heure actuelle, en vertu de la politique et de la réglementation en Alberta, ce que l’on appelle des lacs de kettle — transformer un bassin de résidus en lac — ne sont pas autorisés. La politique et la réglementation autorisent les entreprises pendant 10, 15 ou 20 années après l’exploitation d’essayer de nouvelles technologies pour trouver la façon la plus efficace de remettre en état le territoire de manière à atteindre les résultats environnementaux de la province.
La présidente : Merci.
Le sénateur Pratte : Je veux revenir au concept de substitution, dont on a parlé plus tôt. Y a-t-il eu des cas où l’AER a agi en tant que substitut de l’agence d’évaluation fédérale?
M. Taylor : À ma connaissance, la réponse est non.
Le sénateur Pratte : Mais il y a eu des examens conjoints.
M. Taylor : Il y a eu des examens conjoints sur les mines d’extraction de sables bitumineux et les mines de charbon plus particulièrement.
Je profite de cette occasion pour dire ceci, sénateur, et j’espère que vous n’y voyez pas d’inconvénient, mais j’ai mentionné dans ma déclaration liminaire que nous avons approuvé des projets in situ, et nous avons des échéances pour des approbations de mines également. La dernière approbation de mine a fait l’objet d’un processus d’examen conjoint qui a duré sept ans. Ce n’est pas le processus d’examen conjoint; c’est le processus dans son ensemble, depuis la présentation de la demande à l’approbation, qui a duré sept ans.
À l’AER, on vise à ce que la période pour l’examen et l’approbation des mines dure un an ou deux. Avec les commissions d’examen conjoint, il y a beaucoup de dédoublement d’efforts et d’incertitude entourant les exigences car on a deux mesures réglementaires et législatives différentes. Cela crée beaucoup d’incertitude, pas seulement pour le promoteur ou le demandeur mais aussi pour tous les intervenants. Ils ont beaucoup de difficultés, que ce soit une communauté autochtone ou un autre intervenant. Ils ont du mal parfois à interpréter nos règlements, et lorsqu’on ajoute un autre palier de réglementation, on brouille le processus et complique les choses pour les gens qui estiment pouvoir participer au processus.
Le sénateur Pratte : Merci.
En ce qui concerne la substitution, monsieur Clark, vous avez mentionné l’une des mesures que votre gouvernement prend, à savoir qu’il sollicitera l’avis des membres du public sur la substitution et en tiendra compte.
Il y a aussi une série de conditions qui semblent figurer sur une liste plus longue que celle qui existe actuellement dans la LCEE de 2012. Avez-vous des préoccupations entourant toutes ces conditions qui sont des conditions préalables à la substitution?
M. Clark : Il y a quelques éléments préoccupants. L’Alberta a l’intention d’y donner suite de façon plus complète dans des mémoires écrits, dans lesquels nous pouvons fournir des explications plus détaillées et du contexte. C’est une autre situation où nous aimerions qu’il y ait plus de clarté et de détails concernant les règlements d’application et les politiques qui sous-tendent la loi. Nous espérons pouvoir aborder ces sujets en temps utile dans des mémoires écrits et d’autres discussions avec nos représentants élus.
Le sénateur Pratte : Nous avons certainement très hâte de lire votre mémoire lorsque nous le recevrons. Merci beaucoup.
Le sénateur Mockler : En tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, dans le Canada atlantique, ne me demandez pas si je suis contrarié de ce qui s’est passé avec Énergie Est. Je suis frustré; c’est inacceptable.
Je regarde maintenant le projet de loi C-69. Il crée un processus fragmenté. Ce que j’aime de ce que vous avez dit, c’est que vous êtes un guichet unique. Ce qu’on nous présente, à nous et aux Canadiens, en ce qui concerne les pouvoirs, c’est que les évaluations d’impact, la délivrance des permis et la surveillance du cycle de vie sont divisés en vertu du projet de loi C-69.
D’après votre expérience, quelle approche est la meilleure pour les Canadiens?
M. Taylor : Merci beaucoup de la question, sénateur.
Comme je l’ai mentionné dans mon préambule, nous avons mené de nombreux travaux lorsque nous avons été créés, car le gouvernement de l’Alberta a mis sur pied l’organisme de réglementation pour répondre à de nombreuses préoccupations que vous avez soulevées dans votre question. Nous déployons de nombreux efforts pour travailler avec l’Université de la Pennsylvanie et des organismes de réglementation de partout dans le monde afin d’élaborer ce que nous appelons des principes réglementaires d’excellence. J’ai abordé ces points dans mes remarques liminaires. Il s’agit de trouver le moyen de rendre votre processus prévisible et transparent et de faire preuve d’empathie à l’égard des intervenants qui doivent l’utiliser.
Il faut une approche axée sur les résultats. D’après notre expérience, il est difficile d’avoir une approche axée sur les résultats si le cycle de vie n’est pas régi par un organisme de réglementation.
Maintenant, nous n’avons pas à réduire tous les risques éventuels à l’étape de la demande, car nous avons des gens sur le terrain qui surveillent ces activités pendant les 40 ou 50 années de vie du projet. Nous avons des gens sur le terrain qui s’assurent que les puits sont abandonnés adéquatement et que les sites sont remis en état conformément aux conditions établies par la province de l’Alberta. Cela permet à l’organisme de réglementation de prendre une décision plus éclairée en fonction des risques.
Pour être franc, les situations fâcheuses ne se produisent pas à l’étape de la demande. L’organisme de réglementation devrait s’assurer que l’industrie fait ce qu’elle a dit qu’elle ferait. Là encore, si vous ne réglementez pas le cycle de vie entier, vous n’avez pas cette capacité. Je ne veux pas manquer de respect aux organismes de réglementation qui ne surveillent pas le cycle de vie entier d’un projet. Ils doivent faire ce qui est prévu dans la réglementation, mais d’après notre expérience, l’approche axée sur le cycle de vie entier est certainement plus efficace.
Le sénateur Mockler : En tant qu’ancien président du comité de l’agriculture, j’ai eu le plaisir et l’honneur de visiter l’Ouest canadien, y compris l’Alberta. Je sais que vous êtes des chefs de file dans le secteur de l’agriculture à bien des égards dans l’Ouest canadien.
Cependant, la partie 6 de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie proposée fournit le cadre pour l’acquisition, la location et la saisie de terres requises pour des projets énergétiques réglementés. L’article 335 interdit à toute personne de construire une installation au-dessus, au-dessous ou le long d’un pipeline ou d’exercer une activité qui occasionne le remuement du sol dans la zone réglementaire, y compris de franchir un pipeline par un véhicule ou de l’équipement mobile. Pensez-vous que ces restrictions pourraient interférer avec les activités agricoles sur ces terres au Canada?
M. Taylor : C’est une excellente question. Je vais me concentrer sur la façon de réglementer.
Nous avons des milliers de kilomètres de pipeline en dessous de terres agricoles en Alberta. Nous n’avons pas ces critères restrictifs. Il y a certainement des exigences relatives à la perturbation du sol. Nous avons le programme « Appelez avant de creuser » pour nous assurer que personne ne frappe les pipelines accidentellement. Au cours de nos 80 ans à réglementer l’exploitation en Alberta, nous n’avons jamais eu à être aussi stricts concernant les activités, que ce soit au-dessus ou en dessous de pipelines. Je pense que c’est probablement la meilleure réponse que je puisse vous donner.
Le sénateur MacDonald : Merci de votre présence ici aujourd’hui.
La ministre de l’Environnement, Mme McKenna, a déclaré que le projet de loi C-69 accroîtra la compétitivité du secteur des ressources du Canada, même si cela ne semble pas être ce qu’on entend de la part des intervenants de l’industrie. Pouvez-vous décrire les consultations que le gouvernement fédéral a menées avec vous? Estimez-vous qu’on vous a écoutés? Vos suggestions ont-elles été incorporées d’une quelconque façon dans le projet de loi?
M. Taylor : Merci de la question, sénateur. Ce n’est pas seulement que je veuille m’assurer que tout le monde ait l’occasion d’intervenir, mais je vais laisser le soin à Mme Dent de répondre en premier, au nom du gouvernement de l’Alberta.
Heather Dent, gestionnaire principale, Évaluation et continuations, Environnement et Parcs Alberta, gouvernement de l’Alberta : Merci. Depuis un an, je fais partie d’un groupe de travail qui se penche sur ce projet de loi.
En ce qui concerne la participation, ce sont nos collègues fédéraux qui ont défendu l’équipe de l’administrateur de l’environnement. Ces réunions sont peu fréquentes. Nous avons également eu l’occasion d’exprimer des opinions dans le cadre d’une période allouée aux commentaires du public sur la liste de projets, le moment choisi et la gestion des renseignements qui ont été affichés. Il n’est pas possible de tenir une discussion de gouvernement à gouvernement hors ligne ou avant la publication de ces renseignements.
Je pense que notre gouvernement demanderait de pouvoir continuer de participer à ce dossier très important, et nous chercherions des occasions de travailler avec les employés sur le terrain et les membres de la haute direction.
Le sénateur MacDonald : Quelqu’un veut-il ajouter quelque chose?
M. Clark : Je pense qu’on a tout couvert. L’Alberta est à la recherche d’occasions de recueillir des commentaires détaillés.
Du point de vue de l’Alberta, il y a une occasion de favoriser la confiance du public et des investisseurs, et cela prendra un peu de temps. Nous estimons que nous pouvons atteindre cet objectif seulement si le Parlement prend le temps nécessaire pour vraiment étudier les répercussions sur les compétences et l’économie des changements apportés au système établi dans le projet de loi.
Le sénateur MacDonald : Merci.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup à tous les témoins de leurs excellentes déclarations.
Bien que je voue un immense respect au sénateur Mockler, je ne suis pas d’accord avec lui lorsqu’il dit que ce projet de loi fragmente le processus. En fait, je pense que ce projet de loi fait ce que le vôtre faisait, à savoir qu’il regroupe trois organismes de réglementation en un. C’est exactement ce qu’il fait.
Ma question porte sur un deuxième parallèle. Vous avez des commissaires qui tranchent et qui sont complètement indépendants de votre fonction de réglementation, n’est-ce pas? Et vous avez un conseil d’administration qui s’occupe de cette réglementation?
M. Taylor : C’est exact.
Le sénateur Mitchell : Donc, c’est exactement ce que le projet de loi fait. Des commissaires sont mis en service, car le juge, le jury et le corps policier ne peuvent pas tous assumer la même fonction. C’est excellent. Merci.
Votre chiffre de 40 000 demandes est remarquable. Mon collègue, le sénateur Massicotte, a fait quelques calculs. C’est 200 demandes par jour ouvrable. De toute évidence, il y a une question d’échelle. Avec 40 000 demandes, on se retrouve à faire 10 grands examens. Pouvez-vous nous décrire à quel point certaines de ces demandes sont petites parmi les 40 000 ? Y a-t-il des projets de pipeline dans les 10?
M. Taylor : Je vais répondre à la première question en dernier.
L’an dernier, je ne crois pas que nous ayons eu une audience sur un projet de pipeline. Nous avons eu des audiences sur des projets de pipeline d’envergure dans le passé. Il pourrait s’agir de pipelines de petite taille aussi parce que quelqu’un veut creuser.
Pour revenir à la façon dont nous traitons les 40 000 demandes par année, premièrement, nous avons 1 200 employés à l’AER. Ils ne sont évidemment pas tous chargés de traiter les demandes au quotidien, mais ma direction des autorisations, où la majorité de ce travail se fait, compte environ 250 employés.
À l’aide d’un processus décisionnel basé sur le risque, certains des projets peuvent être aussi petits qu’un puits ou un tuyau de 400 mètres pour raccorder un puits. Encore là, ce sont des projets d’une tout autre envergure de ceux dont l’organisme de réglementation fédéral est saisi.
Nous avons également fait beaucoup de travail pour moderniser nos processus. Nous avons un système de logiciels que nous sommes en train de mettre en œuvre dans toutes nos applications : One Stop. Cela nous a permis d’incorporer dans un ordinateur toutes les connaissances relatives à la prise de décisions de plus de 200 membres du personnel de ma direction des autorisations. Donc, lorsqu’une demande arrive, l’ordinateur effectue un premier triage pour vérifier si l’entreprise a répondu à toutes les préoccupations qu’un être humain examinerait.
Cela nous permet d’approuver aux alentours de 50 ou de 70 p. 100 des demandes dans ces catégories; elles sont approuvées par ordinateur. Notre personnel assure un suivi par la suite, plus tard dans le cycle de vie, et effectue une vérification pour s’assurer que l’entreprise a tenu ses promesses pour surveiller les activités pendant la vie du projet.
Nous avons pu réduire les délais d’exécution pour des projets tels que les pipelines. Si vous avez une demande pour un projet de pipeline qui répond à toutes nos exigences, vous pourriez recevoir une approbation en aussi peu que cinq minutes.
Le deuxième élément est la transparence de tous les intervenants. Nous recevons de nombreux commentaires positifs, pas seulement des membres de l’industrie, mais des intervenants en général, ce qui donne lieu à un accès transparent aux règles que nous examinons et aux raisons pour lesquelles l’AER prend la décision d’approuver un projet de pipeline. Les critères que nous utilisons sont transparents, et les intervenants ont confiance dans la bonne conduite des choses, car ils peuvent appliquer de nouveau le même processus. C’est l’une des façons que nous gérons le travail.
Comme je l’ai dit, il n’est pas inhabituel de recevoir 40 000 demandes dans une année. C’est en fait assez tranquille depuis les trois ou quatre dernières années, malheureusement, en raison de la baisse des cours du pétrole. Lorsque nous traitons 40 000 demandes, c’est une année plutôt tranquille par rapport à ce que nous avons connu en 2012-2013.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous me donner un exemple d’un projet, peut-être d’un pipeline, qui entrerait dans la catégorie de projets qui requièrent un examen d’un an ou deux? Combien de temps faudrait-il? Combien d’argent faudrait-il investir? Combien de temps faudrait-il pour le construire? Avez-vous une idée?
M. Taylor : Lorsque nous commençons une audience, nous n’avons pas d’échéances. Je tiens à le souligner. Nous mettons l’accent sur les échéances pas seulement pour démontrer que nous pouvons approuver des projets rapidement. Nous faisons ce qui s’impose et nous nous assurons que seuls les projets qui devraient être approuvés sont approuvés.
Si un projet est assez large, habituellement, si c’est un pipeline réglementé par la province, on convoquera une audience si des préoccupations sont exprimées par des collectivités autochtones ou d’autres intervenants. Notre direction des autorisations déterminera que ces demandeurs ou ces intervenants inquiets sont touchés de façon directe et néfaste par le projet et que l’entreprise n’a pas été en mesure de répondre à leurs préoccupations.
À ce stade-là, les commissaires d’audience indépendants sont saisis du projet. Selon la portée du projet — habituellement, nous parlons de pipelines de 200 ou de 300 kilomètres —, il fera l’objet d’une audience. S’il s’agit d’un pipeline de courte distance, l’entreprise et le propriétaire de la terre s’entendent généralement pour aller de l’avant avec le projet.
Vous parlez donc de pipelines de 200 ou de 300 kilomètres. Les investissements s’élèveront habituellement entre 50 et 100 millions de dollars, et les coûts de production seront également élevés. La raison pour laquelle on construit un pipeline, c’est pour acheminer du pétrole ou du gaz naturel.
La présidente : Merci beaucoup de vos témoignages.
Je demanderai que la réunion du comité de direction soit maintenue, car nous devons tenir une réunion.
(La séance est levée.)