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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 21 mars 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, à qui l’on a déféré le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour étudier le projet de loi; et à huis clos, pour l’étude d’un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je suis Rosa Galvez, sénatrice du Québec et présidente de ce comité.

[Français]

Je demanderais maintenant aux sénateurs qui sont autour de la table de se présenter, en commençant par le vice-président, à ma droite.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, territoire du Traité no 10, Manitoba.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, territoire du Traité no 6, Alberta.

[Français]

Le sénateur Pratte : Bonjour. André Pratte, du Québec.

Le sénateur Massicotte : Paul J. Massicotte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, Colombie-Britannique.

La sénatrice Simons : Paula Simons, territoire du Traité no 6, Alberta.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Paula LaBoucane-Benson, territoire du Traité no 6, Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

Le sénateur Smith : Larry Smith, Québec.

La présidente : Je veux profiter de l’occasion pour présenter le greffier du comité, M. Maxime Fortin, ainsi que M. Jesse Good, analyste, Bilbiothèque du Parlement.

Le sénateur Neufeld de la Colombie-Britannique vient d’arriver. Bonjour, sénateur.

Chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Aujourd’hui, nous accueillons, de l’Association des chemins de fer du Canada, M. Marc Brazeau, président et chef de la direction; Mme Rachel Heft, conseillère juridique, CN; et, de l’Association canadienne des traversiers, M. Serge A. Buy, président-directeur général.

Merci beaucoup de vous joindre à nous. J’inviterais chacun de vous à faire votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite à la période des questions. Qui prendra la parole en premier?

Marc Brazeau, président et chef de la direction, Association des chemins de fer du Canada : Je suis ravi d’être ici aujourd’hui au nom de plus de 50 compagnies de chemin de fer canadiennes qui transportent des marchandises et des voyageurs. J’ai le plaisir d’être accompagné par Rachel Heft, conseillère juridique au CN.

Plusieurs aspects du projet de loi C-69 préoccupent l’industrie ferroviaire. Avant de formuler mes observations, j’aimerais prendre une minute pour fournir des précisions sur le contexte dans lequel les compagnies ferroviaires évoluent au quotidien.

Le réseau ferroviaire canadien est constitué de plus de 42 000 kilomètres de voie ferrée. C’est un tiers plus long que le système de transport routier national au Canada. Chaque année, nos membres transportent environ 300 milliards de dollars de marchandises. Plus de 50 p. 100 des marchandises au pays sont destinées à l’exportation et 80 millions de trajets passagers permettent aux Canadiens de laisser leur voiture à la maison et d’utiliser le train comme moyen de transport sécuritaire à faibles émissions.

[Français]

Le secteur du rail est bien placé pour soutenir les engagements du gouvernement dans la lutte contre les changements climatiques et la réduction des émissions. En outre, tant le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques que le programme Transports 2030 insistent sur la nécessité d’assurer le transport des marchandises et des voyageurs par rail afin de réduire les émissions au Canada. Le transport ferroviaire est quatre fois plus efficace que le transport routier. Un seul train de marchandises contribue à retirer environ 300 camions des routes et des autoroutes congestionnées du pays. La croissance économique et la diversification du commerce nécessitent au préalable un réseau ferroviaire résilient. Le gouvernement continue de travailler sur de nouveaux accords commerciaux et de nouvelles occasions d’affaire pour les exportations, et c’est pourquoi la chaîne d’approvisionnement du transport au Canada doit avoir la capacité de répondre aux demandes croissantes et changeantes de l’économie canadienne. Nous estimons qu’il est crucial que le projet de loi établisse un équilibre entre les objectifs en matière de protection de l’environnement et l’obligation qu’ont les chemins de fer d’être au service de l’économie canadienne.

[Traduction]

Permettez-moi de vous fournir des explications. Les chemins de fer canadiens sont désignés comme étant des initiatives fédérales qui sont tenues d’élargir leurs réseaux parallèlement aux besoins de l’économie canadienne. Ce mandat est énoncé dans la Politique nationale en matière de transport et les obligations de transporteur public qui sont enchâssées dans la Loi sur les transports au Canada.

Les chemins de fer ont la responsabilité législative de déployer tous les efforts raisonnables pour accepter toute marchandise proposée pour le transport et sont tenus de fournir des installations telles que des gares de triage et des voies ferrées pour acheminer ces marchandises. Comme vous pouvez l’imaginer, ils doivent donc être en mesure d’apporter rapidement des ajouts à leur réseau pour répondre aux besoins des expéditeurs et de l’économie. Notre industrie est également tenue d’exécuter des travaux, souvent dans des circonstances urgentes, pour assurer l’efficacité et la sécurité de notre réseau ferroviaire dans l’ensemble du pays.

Comme moyen d’offrir aux expéditeurs un service efficace, sécuritaire et économique, les compagnies ferroviaires investissent des portions importantes de leurs revenus pour exploiter, entretenir et, au final, élargir leurs réseaux. En fait, l’an dernier, nos membres ont investi plus de 5 milliards de dollars pour permettre aux entreprises d’accéder à des marchés et de tirer profit des possibilités de croissance.

Notre industrie s’inquiète que le projet de loi C-69 ne tienne pas compte des obligations de l’industrie ferroviaire de répondre aux demandes des expéditeurs en élargissant rapidement le réseau et en l’exploitant efficacement et sécuritairement, ce qui prime avant tout.

Pour assurer la compétitivité de l’économie canadienne, les projets ferroviaires doivent être assujettis à un processus d’examen amélioré et plus efficace.

Nous proposons un ensemble précis d’amendements à ce projet de loi. Dans la trousse que nous vous avons remise aujourd’hui, nous vous demandons de renforcer la Loi sur la protection des eaux navigables en clarifiant le type de travaux assujettis à l’approbation du ministère et en faisant la distinction entre les exigences de délivrance de permis et les exigences en matière d’approbation pour les travaux menés sur des infrastructures existantes. Le mot clé ici est « existantes ».

Nous vous proposons de modifier le projet de loi pour créer un processus simplifié pour les travaux qui sont effectués sur des infrastructures existantes et pour faire appliquer les approbations d’urgence afin de répondre aux perturbations sociales et à une interruption dans le flux de biens, de services ou de ressources essentiels.

Nous croyons fermement que ces amendements sont nécessaires pour assurer la conformité avec la Loi sur les transports au Canada et pour veiller à ce que les sociétés ferroviaires puissent continuer d’investir dans leurs réseaux et de les entretenir afin qu’ils demeurent sécuritaires et répondent aux besoins de l’économie canadienne.

Nous croyons aussi que la Loi sur l’évaluation d’impact peut être renforcée en réduisant les délais pour effectuer une évaluation d’impact par l’organisme à 14 mois et par une commission d’examen à 23 mois; en veillant à ce que les tests de signification demeurent essentiels pour établir les effets néfastes; et, enfin, en abordant les droits de veto éventuels que le ministre aurait sur un énoncé de décision sans processus rigoureux ou consultation avec un promoteur.

[Français]

Je vous invite encore une fois à prendre connaissance des amendements contenus dans votre trousse d’information, et j’en profite aussi pour souligner que notre recommandation, concernant la réduction du temps consacré aux évaluations, respecte l’intention du gouvernement d’établir un processus d’approbation plus efficace au Canada. L’Association des chemins de fer du Canada estime que l’ensemble du Canada bénéficiera d’un processus d’évaluation environnementale reconnu comme crédible, qui suscitera la confiance et favorisera la prise de décisions éclairées en temps opportun.

À nos yeux, il importe d’établir de bonnes conditions pour stimuler les investissements et la croissance, et non de soumettre le dynamique secteur ferroviaire à des contraintes. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.

[Traduction]

Serge A. Buy, président-directeur général, Association canadienne des traversiers : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, de permettre à l’Association canadienne des traversiers de témoigner sur le projet de loi C-69. L’Association canadienne des traversiers représente les propriétaires et exploitants de traversiers et les fournisseurs de l’industrie. Les traversiers au Canada assurent le transport de plus de 55 millions de personnes, de 21 millions de véhicules et de milliards de dollars de marchandises. Les traversiers permettent aux gens d’aller à l’école, au travail ou à des rendez-vous médicaux. Ils contribuent à acheminer des marchandises dans des régions éloignées. Ils sont souvent le seul lien avec les communautés éloignées.

Nous comptons parmi nos membres huit gouvernements provinciaux, deux sociétés d’État, des administrations municipales de petite et de grande taille, y compris Toronto, Halifax et Vancouver, des organisations autochtones et des sociétés privées.

Cependant, on oublie souvent d’inclure les traversiers dans les politiques et les lois. Si le regretté John Candy était encore des nôtres aujourd’hui, nous lui ferions parvenir une lettre pour nous plaindre : le film Un ticket pour deux n’incluait pas les traversiers, si bien que certains peuvent facilement ignorer la réalité canadienne. Les traversiers constituent un aspect essentiel de notre infrastructure de transport.

Cela m’amène à soulever nos préoccupations concernant le projet de loi C-69. Certains de nos membres exploitent des traversiers à câble. Habituellement, ces traversiers à câble circulent sur des rivières et des lacs, bien qu’un circule à l’heure actuelle dans des eaux côtières en Colombie-Britannique. Le projet de loi C-69 aura une incidence sur ces opérations.

Pour vous donner une meilleure idée, ces opérations sont situées en Saskatchewan, dans des régions du Nord, servent des collectivités autochtones dans certaines régions ou traversent de grandes rivières. Il en va de même au Manitoba, de même qu’en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Colombie-Britannique et ailleurs.

Nous avons deux principales préoccupations. La première concerne des commandes de travail d’envergure. Nous sommes surpris d’apprendre que les traversiers à câble seraient inclus dans la liste de projets qui seraient assujettis à une nouvelle commande de travail d’envergure. D’autres infrastructures qui seraient incluses à la liste sont les barrages et les chaussées, notamment.

Il y a une grande différence, sénateurs, entre un traversier à câble et un barrage. L’inclusion des traversiers à câble à la liste ne reflète pas les réalités du secteur. Cela fera augmenter les coûts et la complexité de l’exploitation des traversiers à câble.

Les traversiers à câble diffèrent quant à la longueur de leur câble, les cours d’eau sur lesquels ils naviguent, les communautés où ils sont situés, et cetera. Ils ont en commun une caractéristique : ils ont une incidence minimale sur les terres, les eaux et la navigation.

Dans les cas où le câble est sous l’eau, il ne monte que lorsque le traversier est en opération, ce qui a essentiellement la même incidence sur la navigation que n’importe quel autre bateau qui traverserait le cours d’eau. Lorsque le câble est suspendu, l’incidence est encore moindre.

Les traversiers à câble sont utilisés au Canada depuis plus de 200 ans et sont connus pour être sécuritaires depuis longtemps. Le secteur est déjà rigoureusement réglementé dans la Loi sur la marine marchande du Canada et d’autres lois, et bien que nous soyons favorables à ce qu’une surveillance soit exercée, nous sommes également inquiets d’alourdir la complexité des opérations. Des mécanismes de surveillance additionnels ne révéleront rien de plus que ce que révèlent les mesures déjà en place.

Comme la mesure législative et les documents connexes en font état, le même examen pourrait être imposé chaque fois qu’un câble est remplacé, ce qui, à l’occasion, aurait lieu toutes les six semaines. Allons-nous procéder à un examen aux six semaines? Le processus de remplacement est court, a pratiquement aucune incidence sur les environs et se fait de façon sécuritaire.

Je vois que le ministre Pedersen du gouvernement du Manitoba témoignera après ce groupe de témoins. Je suis convaincu qu’il serait inquiet d’apprendre que dans le cadre du projet de loi C-69, un nouvel examen gouvernemental du processus pour poser des câbles pourrait être exigé chaque fois qu’un câble est remplacé sur un traversier, ce qui peut survenir jusqu’à trois fois par saison dans cette province, qui est l’une de nos membres. Cela imposerait plus de coûts aux contribuables manitobains et ne serait pas plus sécuritaire.

Cet examen additionnel imposé par le gouvernement retarderait-il d’importants travaux d’entretien? C’est possible. Créerait-il des risques? C’est possible. Une évaluation d’impact des exigences de cette mesure législative a-t-elle été réalisée? Pas à ma connaissance. Le 1er mars, nous avons reçu des renseignements du ministère. Il y a des réponses que nous devrions avoir avant d’approuver cette mesure législative dans sa forme actuelle.

Notre deuxième préoccupation porte sur le pouvoir discrétionnaire du ministre. Les pouvoirs discrétionnaires conférés au ministre en vertu du projet de loi C-69 sont assez vastes. Nous comprenons la nécessité d’assurer une surveillance pour certains projets, mais en augmentant les pouvoirs discrétionnaires du ministre, nous créons de l’incertitude.

Nous croyons qu’il faut apporter des clarifications et limiter les pouvoirs discrétionnaires du ministre.

Mesdames et messieurs les sénateurs, j’ai fait référence plus tôt à un film des années 1980. Notre discussion avec les fonctionnaires sur le projet de loi C-69 me fait penser à une chanson des années 1980, à savoir « Don’t Worry, Be Happy ». Eh bien, nous ne sommes pas contents; nous sommes plutôt très inquiets. C’est bien qu’ils nous disent que tout sera réglé dans la réglementation, mais nous n’avons pas vu les détails et nous sommes préoccupés.

Dans diverses discussions, on nous a dit que le règlement qui sera pris à la suite de l’adoption du projet de loi C-69 apporterait des éclaircissements. Je travaille sur la Colline du Parlement et en périphérie depuis 26 ans. J’ai travaillé au Sénat dans le passé, mais à un autre emplacement. Vous comprendrez que certaines personnes ont des préoccupations lorsqu’elles entendent, « Faites-nous confiance; tout va bien aller ». Je vous suggérerais de partager cette préoccupation à propos de cette mesure législative.

C’est la raison pour laquelle le comité demande que les commandes de travail d’envergure reflètent fidèlement les réalités du secteur maritime et excluent les traversiers, et que le comité clarifie, définit et limite les pouvoirs discrétionnaires du ministre dans la loi.

Merci.

Le sénateur MacDonald : Merci, chers témoins, d’être ici.

Des intervenants de l’industrie nous ont fait part de leurs préoccupations concernant l’article 17 de la loi sur l’évaluation d’impact proposée, qui permet au ministre d’empêcher arbitrairement un projet d’aller de l’avant s’il estime que le projet désigné causerait des effets environnementaux inacceptables sur le territoire provincial.

Quelqu’un à cette table sait-il comment ces effets inacceptables seront interprétés? Si le ministre a annulé l’un de vos projets en utilisant l’article 17, auriez-vous la capacité d’interjeter appel de cette décision?

M. Buy : Nous sommes manifestement préoccupés. J’ai mentionné dans ma déclaration le fait de conférer trop de pouvoirs au ministre sans imposer de limites. Nous sommes inquiets des répercussions que cela pourrait avoir et de la façon dont ces pouvoirs seront appliqués. Nous ne sommes pas certains si un processus d’appel serait en place. Je présume que nous pouvons nous adresser aux tribunaux. L’incidence sur les communautés serait assez considérable.

Nous sommes préoccupés. Nous aimerions obtenir des éclaircissements avant que la mesure législative soit adoptée.

M. Brazeau : De notre point de vue, la certitude et la prévisibilité sont très importantes pour n’importe quelle entreprise. Le problème, ce n’est pas tant le droit de veto du ministre en général. Plus précisément, nous nous inquiétons que la loi sur l’évaluation d’impact proposée donnerait au ministre un droit de veto réel sur un projet désigné sans aucune forme de procédure établie.

Nous croyons que la loi sur l’évaluation d’impact proposée doit être modifiée. Nous voulons nous assurer d’avoir la capacité d’avoir voix au chapitre en tant que promoteur avant que le droit de veto soit exercé.

Nous tenons à souligner encore une fois que la prévisibilité et la certitude sont essentielles pour aller de l’avant avec cet amendement.

Le sénateur MacDonald : Je tiens à signaler que je suis très familier avec deux des traversiers à câble au Cap-Breton à Little Narrows et le traversier d’Englishtown. Ils posent peu de problèmes. Je ne vois pas pourquoi ces traversiers constitueraient un problème de taille.

J’ai une autre question pour l’Association des chemins de fer. L’association nous a fait part que le projet de loi C-69 n’inclut aucune limite de temps pour recueillir et examiner des renseignements. Le gouvernement a fait fi de cette phase lorsqu’il a parlé de délais réduits prévus dans le projet de loi C-69.

En ce qui concerne les chemins de fer, quelle est votre expérience avec les phases d’examen des renseignements, combien de temps durent-elles, et le projet de loi C-69 prévoit-il quoi que ce soit pour empêcher que plus d’un organisme fédéral examine les renseignements d’un même projet?

Rachel Heft, conseillère juridique, Association des chemins de fer du Canada : Nous nous inquiétons des délais concernant les demandes de renseignements, qui sont généralement soumises après l’avis de lancement.

Nous avons constaté dans le passé que les demandes de renseignements peuvent être cycliques et, bien entendu, lorsqu’une demande de renseignements est présentée, on arrête le chronomètre, pour ainsi dire, pendant que le promoteur répond à cette demande de renseignements ou prépare une étude.

Nous avons reçu dans le passé jusqu’à 10 demandes de renseignements en ce qui concerne un projet sur une période de deux ans. Autrement dit, le projet a été mis en suspens pendant deux ans.

Je ferais simplement remarquer que les demandes de renseignements subséquentes ne sont pas toujours fondées sur des demandes antérieures. Nous ne croyons pas que le projet de loi soit suffisamment rigoureux pour exiger que les demandes de renseignements soient présentées tôt dans le processus ou dès le début, de manière à ne pas créer de retards additionnels.

Cependant, nous ne voudrions pas laisser entendre que l’organisme ou le groupe ne devraient pas avoir les preuves requises. Ils devraient certainement avoir les preuves nécessaires. C’est plus une question de processus pour limiter ou encourager l’organisme ou le groupe à obtenir le plus de renseignements possible tôt dans le processus afin de ne pas créer de retards.

Le sénateur MacDonald : Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Bonjour. Ma question porte sur les chemins de fer. Dans le cadre de la discussion que nous avons eue hier, nous avons parlé de la capacité des chemins de fer de répondre aux urgences. Vous m’avez rappelé, et je vous en suis reconnaissante, que l’Alberta fait une plus grande utilisation des chemins de fer que n’importe quelle autre province au pays.

J’aimerais expliquer un peu plus en détail — car j’ai beaucoup réfléchi à notre conversation d’hier — la façon dont ce projet de loi aura une incidence sur la capacité des sociétés ferroviaires de répondre rapidement aux urgences. Quels types de modifications devrait-on apporter, selon vous, pour que vous puissiez faire votre travail?

M. Brazeau : Comme je l’ai mentionné dans mes remarques, il y a 42 000 kilomètres de voies ferrées au Canada. Il y a des milliers de ponts également. Je pense que nous traversons 21 000 ponts.

Lorsque vous pensez à l’entretien requis sur ce réseau en permanence, c’est énorme. J’ai mentionné au début de mes remarques que nous avons investi l’an dernier 5 milliards de dollars dans les infrastructures, ce qui inclut évidemment les voies ferrées et les ponts. Il est important pour nous à l’avenir, en tant qu’industrie, que ce projet de loi nous permette de continuer d’effectuer nos travaux d’entretien réguliers sans être entravés par des retards en raison d’évaluations qui doivent être réalisées.

Je vais utiliser à nouveau les ponts comme exemple. Les modifications proposées à la Loi sur les eaux navigables canadiennes visent à ce que si un échafaudage ou une barge nous empêche d’aller de l’avant en temps voulu, nous devons pouvoir assurer la sécurité du réseau.

Là encore, n’oubliez pas que nous avons l’obligation de répondre aux besoins des expéditeurs. Nous avons des expéditeurs au pays qui comptent sur nous chaque jour pour acheminer leurs produits sur le marché. Nous avons utilisé hier l’exemple des céréales. Les producteurs céréaliers en Alberta comptent sur nous pour acheminer leurs céréales au port de Vancouver afin qu’ils puissent répondre aux besoins de leurs clients étrangers.

En ce moment, nous nous inquiétons au sujet de notre capacité de maintenir l’intégrité de notre réseau du point de vue de la sécurité et de continuer à répondre aux besoins des clients et des expéditeurs si nous ne sommes pas en mesure d’exécuter ces travaux rapidement et efficacement.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Selon toutes les formations que vous avez envoyées précédemment, ceci est nouveau. La capacité de réagir en cas d’urgence n’est pas vraiment traitée dans votre mémoire. Est-ce que vous pourriez nous transmettre des amendements précis ou des idées précises que vous suggérez pour pouvoir répondre aux situations d’urgence? Pouvez-vous faire cela?

Mme Heft : Certainement, mais je peux aussi vous en parler dès maintenant.

La Loi sur les eaux navigables canadiennes comporte une disposition relative aux cas d’urgence, à l’article 10, comme le faisait la Loi sur la protection de la navigation. Cette disposition portant sur les cas d’urgence ou sur la capacité du ministre de donner son approbation en cas d’urgence ou d’accorder une dispense quant aux exigences d’approbation a été modifiée légèrement. Nous croyons qu’on a adopté pour cela le même libellé que dans d’autres lois. Il est question de sécurité nationale ou de cas d’urgence présentant un risque pour la santé ou la sécurité publiques.

La différence entre cette disposition relative aux cas d’urgence et celle qu’il y avait dans la loi antérieure est simplement que rien n’est prévu pour ce que nous estimerions constituer une urgence, soit une perturbation sociale ou une interruption dans le flux des biens, services et ressources essentiels.

C’est exactement ce que nous aimerions ajouter à la liste des cas d’urgence, afin que le ministre puisse accorder une dispense relative aux approbations.

La présidente : J’ai une question complémentaire à ce sujet.

Cette partie touchant les cas d’urgence ne devrait pas relever du ministre des Transports — le transport des matières dangereuses — au lieu de la Loi sur l’évaluation environnementale qui est proposée.

Vous avez fait de la sous-traitance avec divers transporteurs et entreprises, dont certains sont très bons et responsables alors que d’autres le sont moins. Nous savons ce qui s’est passé à Lac-Mégantic, et nous connaissons toute l’histoire de la MMA. Pourriez-vous nous en dire plus sur la façon dont vous avez corrigé la situation avec le ministre des Transports, par rapport au projet de loi C-69?

Mme Heft : Le ministre des Transports conserve ses pouvoirs relatifs à la sécurité ferroviaire en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Il y a des inspecteurs qui pourraient, par exemple, ordonner la réparation d’un pont ou indiquer qu’il y a des préoccupations relatives à un pont ou à une infrastructure de notre réseau. Nous sommes responsables de l’infrastructure de notre réseau, peu importe le transporteur qui l’utilise.

La disposition visant les cas d’urgence dont je parlais est dans la Loi sur les eaux navigables canadiennes, et c’est en fait le ministre des Transports qui porte deux chapeaux en vertu de ces deux lois.

Je crois en fait, pour répondre à ce que vous dîtes, que si le ministre des Transports ou un de ses inspecteurs nous transmettait un ordre, nous voudrions être en mesure d’agir rapidement.

Il pourrait y avoir des conflits à cause des retards causés par les dispositions de ce projet de loi, des retards dans les approbations qui sont requises pour les permis, quand il faut exécuter des travaux pour assurer la sécurité de notre infrastructure. Il y a en quelque sorte un conflit, et nous préférerions que ce soit résolu.

Le sénateur Mitchell : Je vous remercie tous de votre présence.

L’Association des chemins de fer du Canada est particulièrement préoccupée par le paragraphe 17(1). Selon votre argument, le ministre pourrait annuler un projet arbitrairement — je crois que c’est ce que vous laissez entendre — dès le début du processus.

Je crois que vous avez de la chance, car je crois que vous parlez de la version originale non modifiée du projet de loi. Le projet de loi a été modifié à la Chambre des communes, et il est maintenant devant le Sénat dans sa forme modifiée. Il est très clair que le ministre ne sera pas en mesure d’annuler un projet dès le début du processus. Cette disposition a été éclaircie de manière à davantage mettre l’accent sur le fait que le ministre sera en mesure de vous donner un avis préliminaire au sujet d’un problème possible dont vous devez être mis au courant. Ainsi, vous n’aurez pas engouffré 900 millions de dollars dans l’examen d’un projet avant de découvrir qu’il y a un problème.

C’est directement pour répondre à la demande d’indications aux premières étapes. Cependant, si l’industrie ou le promoteur veut continuer parce qu’il croit qu’il peut atténuer le problème ultérieurement, c’est à son entière discrétion. Le ministre ne sera pas en mesure d’annuler le projet.

Pouvez-vous nous donner votre évaluation globale ou une idée de cela ultérieurement, l’ajout au paragraphe 17(1) modifié à la Chambre des communes? Je pense que votre préoccupation a été résolue. Je peux vous le lire.

Mme Heft : Je viens de relire l’article 17 de la loi. En effet, comme vous le dîtes, le ministre donne un avis selon lequel on s’attend à ce que le projet ait des effets inacceptables. Je suis d’accord pour dire que ce n’est plus strictement un droit de veto disant à l’agence de ne pas fournir l’avis du début de l’évaluation d’impact.

J’ajouterai qu’il est préoccupant qu’une opinion soit formée avant une évaluation d’impact, des études environnementales ou des discussions avec le promoteur. Cela reste une source de préoccupation.

Le sénateur Mitchell : Mais c’est plus préoccupant si vous avez engouffré 900 millions de dollars dans un projet et que vous avez tout à coup une surprise. N’est-ce pas?

Mme Heft : Absolument.

Le sénateur Mitchell : La deuxième chose, c’est votre préoccupation au sujet du pouvoir discrétionnaire du ministre pour ce qui est de désigner un projet qui n’était pas censé l’être en vertu du processus lié à la liste des projets. C’est un facteur important pour ceux qui se préoccupaient beaucoup du retrait arbitraire d’ouvrages majeurs du processus d’évaluation, parce qu’ils ne sont pas soumis à un ensemble de paramètres s’appliquant à la liste des projets prévus.

Vous êtes-vous penchée sur l’application réelle de ce pouvoir qui existe depuis l’adoption de la LCEE en 2012? Il y a eu depuis 37 demandes, et n’oubliez pas qu’il faut que ce soit demandé. Sur ces 37 demandes, 3 seulement ont été approuvées. Les deux premiers de ces trois cas ont fait l’objet d’une demande de la part des promoteurs — un port et… ce n’était pas une compagnie ferroviaire. Pour le troisième cas, la demande est venue du ministère des Parcs, car c’était un projet hydroélectrique sur la rivière Athabasca. Avez-vous eu l’occasion de regarder exactement comment cela est utilisé et à quel point c’est rare? Ne trouvez-vous pas cela sensé, sachant que c’est une démocratie d’intérêts concurrentiels et de parties prenantes, et sachant qu’un politicien qui est responsable doit être en mesure de dire au promoteur : « D’accord. Vous voulez que je fasse cela, que je consacre de l’argent à un examen, parce que c’est controversé et que vous aimeriez avoir le soutien de ce processus, et nous allons donc consacrer de l’argent à cela en votre nom pour vous rassurer. Merci. »

Mme Heft : Dans notre mémoire, nous ne nous sommes pas prononcés contre le pouvoir du ministre d’exiger que l’agence ou un comité réalise une évaluation d’impact, ou qu’un projet qui n’est pas sur la liste des projets désignés fasse l’objet d’une évaluation d’impact.

Le sénateur Mitchell : Merci.

M. Buy : Merci sénateur. Nous avons effectivement des préoccupations. Vous avez parlé de la démocratie et de la responsabilité des politiciens. Il faut éclaircir les choses, sénateur, avant de les réaliser. La clarté est nécessaire. Nous ne pouvons pas dépendre du bon vouloir d’un politicien ou d’un groupe de pression qui décide soudainement d’avoir un intérêt particulier pour quelque chose. L’industrie ne fonctionne pas de cette façon. Le reste du monde ne fonctionne pas de cette façon. Ottawa le fait, mais d’autres ont besoin de clarté concernant leurs projets, quand ils ont l’intention de consacrer des millions et même des milliards de dollars à des projets particuliers. Il faut garantir une solide compréhension des règles et de la façon dont les choses vont se dérouler. Quand vous investissez des montants importants, il est un peu préoccupant de penser que le ministre pourrait un jour décider d’inclure ou de ne pas inclure quelque chose dans un examen. Cela nous préoccupe, sénateur.

Le sénateur Mitchell : Vous savez que cela doit faire l’objet d’une demande?

La sénatrice Simons : Je vous suis vraiment très reconnaissante de parler de la partie du projet de loi C-69 qui traite des eaux navigables. J’ai parfois l’impression que c’est le cousin pauvre de ce projet de loi, et que les gens n’ont plus l’énergie de lire la troisième partie après avoir lu les deux premières.

De nombreuses personnes nous ont fait part de leur frustration concernant l’absence de clarté quant à une liste de projets dans la partie du projet de loi qui traite de l’évaluation d’impact. Monsieur Buy, dans la partie qui traite des ouvrages majeurs dans des zones navigables, je ne vois pas où vous voyez les traversiers à câble mentionnés. Est-ce que vous avez reçu un document d’information qui serait l’équivalent d’une liste de projets pour les voies navigables? Car je dois dire qu’une de mes grandes frustrations, dans tout ceci, c’est qu’il est difficile de savoir ce qui est inclus et ce qui ne l’est pas. Je ne vois rien dans le projet de loi que j’ai sous les yeux qui dirait que les traversiers à câble ou les réparations mineures à des voies ferrées seraient considérés comme des ouvrages majeurs. Que savez-vous que je ne sais pas?

M. Buy : Vous avez raison, sénatrice. Nous avons effectivement reçu une liste de projets. Le ministère nous a indiqué que les traversiers à câble seraient inclus dans les ouvrages majeurs.

La sénatrice Simons : Quand avez-vous reçu cette liste? Est-ce que vous pourriez me la donner?

M. Buy : Nous avons reçu cet énoncé relatif aux traversiers à câble en novembre, probablement. Cela nous a été confirmé de nouveau en mars. Nous pouvons vous transmettre toute la correspondance que nous avons reçue du ministère à ce sujet.

La sénatrice Simons : Je serais d’accord avec vous. Compte tenu des définitions de la loi, je ne vois pas comment les traversiers à câble ou… Donc, monsieur Brazeau et madame Heft, est-ce que vous avez reçu des documents d’information semblables à propos de ce qui serait considéré comme des ouvrages majeurs ou pas?

M. Brazeau : Je dirais qu’à notre point de vue, il faut une meilleure définition de cela. L’une de nos grandes préoccupations, c’est que la nouvelle définition élargit vraiment la portée de ce qui est inclus dans les eaux navigables. Je crois que le projet de loi pourrait inclure d’autres eaux navigables que celles qui étaient incluses avant. Nous aimerions que la définition soit plus précise. D’après ce que nous comprenons, dès que vous mettez quelque chose dans l’eau, qu’il s’agisse d’échafaudages ou d’une barge, cela change la portée des exigences.

La sénatrice Simons : Jusqu’à maintenant, vous avez principalement parlé de transport de marchandises. J’aime imaginer un avenir dans lequel nous aurions des services ferroviaires voyageurs du XXIe siècle. Qu’il s’agisse du train à grande vitesse ou de l’Hyperloop dont je rêve, envisagez-vous qu’il pourrait y avoir des problèmes si nous essayions de mettre en place des réseaux ferroviaires voyageurs linéaires? Pensez-vous que la Loi sur l’évaluation d’impact pourrait créer des difficultés pour la construction par exemple de services ferroviaires à grande vitesse entre Toronto et Montréal? Nous en voulons d’Edmonton à Calgary.

M. Brazeau : Parfait. Le long de l’autoroute 2.

La sénatrice Simons : Il y a un droit de passage qui n’attend que cela.

M. Brazeau : Il y a beaucoup de terrain là-bas.

La présidente : Afin que nous le sachions, dites-nous comment fonctionne le réseau des traversiers. Je sais qu’il peut être de propriété privée. Il y a aussi la propriété conjointe avec le gouvernement. En ce qui concerne la flotte, quelle est la durée de vie d’un traversier, et où en sommes-nous avec le remplacement? Nous avons lu, il y a une semaine, qu’un traversier de Matane a eu un accident sur la côte nord.

M. Buy : Vous posez une question assez générale. Je peux certainement vous donner une réponse. Nos traversiers appartiennent à diverses parties. De nombreux traversiers appartiennent au gouvernement et à des ministères gouvernementaux. Comme je l’ai dit au début, nos membres englobent huit gouvernements provinciaux qui sont les propriétaires et les exploitants de traversiers, deux sociétés d’État, dont une société d’État fédérale appelée Marine Atlantique et une société d’État provinciale appelée Owen Sound Transportation Company, en Ontario. B.C. Ferries est parmi les sociétés les mieux connues. C’est un de nos membres en Colombie-Britannique. Il s’agit d’une société privée qui appartient à un actionnaire, la province de la Colombie-Britannique. Vous avez peut-être entendu cela dans les médias quelquefois, de la part du gouvernement de la Colombie-Britannique. Au Québec, c’est une agence gouvernementale qui gère les traversiers.

Certaines Premières Nations exploitent des traversiers. L’un des membres de notre conseil est un membre de la Première Nation de Beausoleil en Ontario, qui exploite un traversier. D’autres Premières Nations du pays exploitent leurs propres traversiers. Il y a des sociétés privées. Certaines exploitent leurs propres traversiers. Vous en voyez qui traversent la rivière des Outaouais. Certaines en fait ont un contrat avec le gouvernement, et c’est le gouvernement qui est propriétaire du traversier. Cela a été mentionné dans le budget pour les traversiers dans l’Est.

Pour ce qui est de la flotte, sénatrice, cela dépend. Il y a à Toronto un bateau qui a plus de 100 ans. Nous trouvons stupéfiant que sa certification soit toujours renouvelée, mais c’est le cas et c’est une bonne chose. Cela signifie que la ville, qui fait partie de nos membres, exécute d’excellents travaux de réparation. D’autres bateaux sont à la fine pointe de la technologie et sont entrés en service au cours des derniers mois. Cela varie beaucoup. Les traversiers à câble sont habituellement un peu plus vieux. Comme je l’ai dit dans mon exposé, les câbles sont remplacés régulièrement.

La présidente : C’est exactement ce que je cherche à dire. La qualité et les normes sont très variables pour les trains et les traversiers, et c’est peut-être l’avantage du projet de loi C-69 qui viendra homogénéiser les choses un peu, car on s’attend à ce que tout fonctionne et soit sûr.

M. Buy : J’aimerais vous corriger, sénatrice. Vous dites qu’il y a une différence dans la qualité et les normes. Il n’y en a pas. Tout le monde est soumis aux mêmes règles ou aux mêmes dispositions législatives. Il y a des différences sur le plan de la propriété et de ceux qui exploitent les traversiers. Je peux dire honnêtement que la qualité et les normes, ainsi que le bilan de notre flotte en matière de sécurité sont incomparables.

Il y a eu l’accident que vous avez mentionné au Québec. Personne n’a été blessé. Personne n’a eu de problème. Je vous rappelle que les conditions sont très difficiles dans le golfe du Saint-Laurent en ce moment, car il y a beaucoup de glace en mouvement. Il n’y a aucune différence dans la qualité et les normes. Nous respectons tous les mêmes normes qui sont déjà établies par le gouvernement.

Le projet de loi C-69 n’aura aucunement pour effet d’améliorer la sécurité.

La sénatrice Simons : Est-ce que M. Brazeau pourrait finir de répondre à ma question s’il vous plaît?

M. Brazeau : En ce qui concerne les services ferroviaires voyageurs, Via Rail a récemment proposé un service ferroviaire à fréquence élevée, et il y aurait donc plus de trains sur le corridor Québec-Windsor. Malheureusement, rien n’est prévu entre Edmonton et Calgary en ce moment, mais ils ont un plan prévoyant une voie réservée entre Québec et Windsor. Par conséquent, les règlements et exigences qui pourraient découler de ce projet de loi auraient des incidences sur leur capacité de réaliser cela.

Il y a des voies existantes qu’ils pourraient certainement utiliser, entre Smiths Falls et Peterborough, en Ontario. La construction de nouvelles voies est possible si ce plan est mis en œuvre. L’Association des chemins de fer du Canada appuie ce plan qui permettrait à plus de trains de voyageurs de transporter plus de personnes d’un lieu à un autre, ce qui stimulerait l’économie et créerait des emplois. C’est manifestement un mode de transport très écologique et sûr.

Le sénateur Woo : J’aimerais demander à nos collègues, particulièrement ceux de l’Association des chemins de fer du Canada, de nous parler du processus actuel d’évaluation des projets et en particulier des mises en attente. Vous avez mentionné que chaque fois qu’il y a une demande, on arrête l’horloge. Est-ce vrai? Ce serait le processus actuel, qui est vraiment frustrant et peut mener à de très longs retards.

Quelle est votre compréhension de la façon dont les demandes en application du projet de loi C-69 auraient pour effet d’arrêter l’horloge? Est-ce que ce serait le cas? Et quelle est votre compréhension de la façon dont l’horloge peut être arrêtée en application du projet de loi C-69 et de la façon dont cela diffère du processus actuel?

Mme Heft : En effet, comme vous le dites, quand il y a des demandes d’information ou des demandes d’études à produire, l’horloge s’arrête pendant que le promoteur fait réaliser ces études. Je crois que l’intention du projet de loi est de donner à l’agence, à l’étape initiale de planification, le temps de concevoir des lignes directrices individualisées et de préparer l’avis du début de l’évaluation d’impact. Cela comprendra une liste des renseignements et des études qui sont requis.

Après transmission de l’avis du début de l’évaluation d’impact et des lignes directrices individualisées, on accorde une période de temps aux promoteurs et l’horloge s’arrête pendant que le promoteur recueille l’information et produit les études. Une période limite de trois ans est imposée au promoteur. Cependant, l’horloge s’arrête pendant cette période.

Nous sommes satisfaits de l’intention du gouvernement de…

Le sénateur Woo : Je suis désolé. Après le dépôt de l’avis, il y a la période de 300 jours, mais vous dites que le décompte s’arrête. La période continue pourtant de s’écouler, n’est-ce pas?

Mme Heft : Une fois que l’avis est déposé et que les lignes directrices adaptées établissent quelles études seront nécessaires, le chronomètre s’arrête jusqu’à ce que les études soient réalisées.

Le sénateur Woo : Le décompte de 300 jours se poursuit encore, n’est-ce pas?

Mme Heft : Non.

Le sénateur Woo : Je vois.

Mme Heft : Le décompte de 300 jours reprend lorsque les études et l’information sont présentées. Ensuite, si la commission ou l’agence a besoin d’études ou de renseignements supplémentaires, elle peut en faire la demande. Encore une fois, chaque fois qu’une demande est présentée, le décompte est interrompu jusqu’à ce que l’information ou les études soient fournies.

Bien que je crois que l’intention du gouvernement consiste à régler certaines de ces questions à l’étape de la planification en amont et à obtenir ces renseignements au début du processus, il est encore possible de faire d’autres demandes d’information.

Le sénateur Woo : Êtes-vous favorable à un processus de planification en amont?

Mme Heft : Oui, et nous en entreprenons un.

Le sénateur Massicotte : Merci d’être avec nous aujourd’hui. J’ai une question complémentaire à propos de cette discussion et de ce processus. Si je comprends bien, à l’heure actuelle, il manque de coordination entre les ministères. On nous a dit que n’importe quelle personne, peu importe dans quel ministère, peut poser une question sans que le fonctionnaire soit au courant. Cela cause souvent des retards. Cela arrive souvent tard dans le processus, à cause d’un nouvel employé, ou peu importe la raison. On se fait soudainement poser d’autres questions, auxquelles il faut accorder son temps, ce qui entraîne d’importants retards.

Je crois comprendre que le projet de loi C-69 règle essentiellement cela. Un coordonnateur contrôlera toutes les questions qui sont posées, et j’espère donc qu’on sera ainsi mieux organisé alors qu’un ministère a le pouvoir de représenter tous les autres, ce qui réduirait considérablement le nombre de questions de dernière minute et de retards. Êtes-vous d’accord? Voyez-vous cela comme une amélioration? Le projet de loi C-69 règle-t-il cette question?

Mme Heft : Je crois que l’intention du gouvernement est d’essayer de simplifier autant que possible le processus, mais ce n’est pas limité dans le projet de loi proprement dit.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Brazeau, monsieur Buy, la plupart de vos préoccupations sont justement des préoccupations, pas nécessairement des faits. Vous avez peur de la mesure législative ou d’une interprétation des règles qui pourraient vous causer ces difficultés. C’est ainsi que je comprends la plupart de vos observations.

Avez-vous discuté avec des fonctionnaires pour dire comment ils donnent suite à vos problèmes? Vous disent-ils de ne pas vous en faire ou affirment-ils plutôt que c’est grandement problématique? Disent-ils d’attendre la réglementation, qu’ils croient que le problème sera alors réglé? Quelle a été leur réponse?

M. Brazeau : Nous discutons de la question depuis 2016 avec le gouvernement fédéral, avec l’expert de l’évaluation environnementale. Nous avons soumis un mémoire au Comité permanent de l’environnement et du développement durable. Nous avons présenté nos préoccupations. Nous n’avons toutefois observé aucune mesure ou modification notable au libellé. C’est pour cette raison que nous sommes préoccupés. Nous estimons avoir fait part de nos préoccupations et nous avons formulé des recommandations, mais nous n’avons toujours pas vu de mesures concrètes.

Le sénateur Massicotte : Communiquez-vous directement avec les fonctionnaires?

M. Brazeau : Nous communiquons directement.

Le sénateur Massicotte : Quand ils procèdent ainsi et que vous leur demandez pourquoi ils ne donnent pas suite à vos préoccupations, que répondent-ils? « Nous ne sommes pas d’accord avec vous? Vous ne comprenez pas notre point de vue? » Qu’en est-il essentiellement?

M. Brazeau : Nous n’avons rien vu qui nous explique concrètement pourquoi?

Le sénateur Massicotte : Ont-ils fait des promesses de vive voix? Vous ont-ils dit de ne pas vous en faire à ce sujet?

M. Brazeau : Je pense qu’ils nous ont dit que le travail se poursuit. Des consultations sont menées auprès de différents intervenants partout au pays. Ils demandent l’avis des gens. On s’attend à ce que ces démarches se déroulent comme ils le disent, mais au bout du compte, nous estimons que ce projet de loi a besoin d’amendements pour qu’il fonctionne pour nous.

M. Buy : Votre question part du principe qu’il s’agit de préoccupations, pas de faits. À vrai dire, le ministère nous a indiqué que les traversiers à câble seraient ajoutés à la liste d’ouvrages majeurs. C’est un fait.

Le sénateur Massicotte : ... la réparation de câbles déjà en place.

M. Buy : Pour réparer les câbles déjà en place; c’est un fait. Ce n’est pas une question ou une chose hypothétique. Nous sommes préoccupés parce que c’est ce qu’on nous a dit dans les faits. Sinon, je ne serais pas ici aujourd’hui, monsieur le sénateur.

Le sénateur Massicotte : En vertu de la vieille loi, ce n’était pas applicable. J’ai remarqué dans votre exposé que vous ne tenez pas compte du Québec.

M. Buy : Il y a très peu de traversiers à câble au Québec, monsieur le sénateur.

[Français]

On représente également le Québec sans problème. Nous n’avons pas eu l’information pour l’inclure dans les documents. Nous n’avons pas eu de problème.

Le sénateur Massicotte : D’accord. Merci.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici. On a répondu à la plupart de mes questions, mais à quel moment avez-vous appris que les traversiers à câble allaient être ajoutés? Était-ce en novembre dernier, quand le projet de loi a été déposé?

M. Buy : Je sais que nous en avons été informés en novembre dernier. Nous tenions des discussions avec le ministère au début de l’été dernier. On nous avait laissés entendre que nous serions sur la liste, mais nous en avons été informés en novembre.

Le sénateur Neufeld : Cela me surprend, mais me porte à croire que le projet de loi C-69 s’ingère dans tellement de choses sans réponse qu’il entraînera de véritables problèmes au Canada.

Pensez-vous que le projet de loi C-69, qui a de profondes ramifications, devrait être assorti de règlements afin que les gens comme vous puissent consulter ces règlements plutôt que de devoir se contenter du sourire et de l’air heureux de quelqu’un au gouvernement?

« Ne vous inquiétez pas. Je vous donne une tape dans le dos et je m’occuperai de vous plus tard. » J’aimerais savoir ce que les représentants de l’association des chemins de fer et vous en pensez?

M. Buy : Nous sommes de plus en plus préoccupés par la tendance à présenter des mesures législatives radicales et à dire que des règlements suivront et que tout ira bien. J’attire votre attention sur un autre débat qui a eu lieu il n’y a pas si longtemps au Sénat à propos du projet de loi sur la marijuana. C’était la même chose. On nous a dit de ne pas nous en faire au sujet d’opinions. « Ne vous en faites pas. Soyez heureux. Nous allons nous en occuper. » Dans les faits, rien n’a été fait. Nous sommes préoccupés par ce que les règles pourraient contenir et par les répercussions de cette mesure à l’avenir.

Le sénateur Neufeld : Je vois.

Et qu’en pense l’association des chemins de fer?

M. Brazeau : La seule chose que je vais ajouter, c’est que nous échangeons avec le ministère de l’Environnement depuis un certain temps. Nous venons tout juste d’entamer un dialogue sur la réglementation avec Transports Canada il y a deux semaines. De toute évidence, les chemins de fer et Transports Canada travaillent en étroite collaboration pour ce qui est des activités et des règlements qui touchent le transport ferroviaire. Toutefois, sur cette question précise, les discussions n’ont commencé il y a seulement deux semaines.

Le sénateur Neufeld : J’en déduis que les règlements ne seront pas pris tout de suite, si les discussions ne font que commencer. Ou vous a-t-on présenté une série de règlements? Nous n’en avons vu aucun. On nous a dit la même chose : souriez et soyez heureux. Avez-vous vu des règlements?

Mme Heft : Environnement ou Transports ne nous ont pas montré de règlements. Cependant, le ministère des Transports a présenté une politique générale. Il a mené des consultations sur la politique qui servira de base aux règlements.

Ce qui nous préoccupe, entre autres choses, c’est que les ponts se retrouvent dans les ouvrages majeurs. Comme vous pouvez l’imaginer, le pont de New Westminster qui enjambe le fleuve Fraser est différent d’un petit pont qui franchit un ruisseau, par exemple. Nous trouvons préoccupant qu’ils tombent dans la catégorie des ponts. Le ministère de l’Environnement a mené de plus vastes consultations plus tôt pendant le processus de réglementation. Nous avons été un peu étonnés qu’il mène des consultations sur la réglementation avant même l’adoption du projet de loi, mais cela laisse entrevoir un dialogue. Nous n’avons pas été informés de décisions stratégiques de sa part pour ce qui est de la liste de projets.

Le sénateur Neufeld : Merci.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de vos exposés. Je veux revenir de manière un peu plus détaillée sur les questions liées à la Loi sur la protection des eaux navigables dont vous avez discuté avec la sénatrice Simons. Il y a quelques semaines, nous avons reçu des représentants de l’Association canadienne de l’hydroélectricité. Comme vous dans notre discussion d’aujourd’hui, ils nous ont dit voir un risque fondamental pour les installations actuelles à cause des problèmes et des grandes lignes de cette mesure législative. Ils nous ont dit qu’aux termes du présent libellé, l’ensemble des rénovations, des modifications ou des simples activités d’entretien d’une installation actuelle pourrait nécessiter une approbation, ce qui serait tout à fait inapplicable et retarderait les travaux. Ils ont ajouté qu’il fallait limiter la portée de certaines définitions, et pas seulement celle d’« eaux navigables ». Ils ont dit que le processus d’ajout d’eaux navigables à l’annexe devait être plus rigoureux, et que la définition d’« ouvrage majeur » devait être plus étroite.

J’aimerais vous entendre parler un peu de la question et de la façon dont nous pourrions aborder l’ensemble des définitions de cette mesure législative.

M. Buy : Nous partageons les préoccupations exprimées par les associations, madame la sénatrice. Pour nous, c’est le remplacement de câbles. Les traversiers à câble sont un exemple de ce qui peut être touché. Nous aimerions voir des définitions plus rigoureuses ainsi qu’une éventuelle énumération de ce qui représenterait des ouvrages majeurs dans la loi. La création de vastes pouvoirs pour définir périodiquement ce qui constitue un ouvrage majeur se traduit par de l’incertitude et un manque de transparence. Nous préférerions que la loi soit transparente. Élaborons de bonnes politiques et veillons à être transparents dans ce que nous allons prévoir.

M. Brazeau : Par exemple, on parle de « modifications », et il faudrait en tenir compte pleinement aux termes de la nouvelle loi. Pour nous, comment définit-on une « modification »? Comme je l’ai mentionné, nous faisons régulièrement de l’entretien et des réparations. Nous le faisons dans une optique de sécurité, pour être certains que les biens continuent d’être acheminés vers les marchés et pour continuer de répondre à la demande des expéditeurs. Ce seul exemple nous préoccupe à cause de la définition de « modifications ». Nous faisons de l’entretien tous les jours. S’agit-il maintenant de « modifications »? Il faut mieux comprendre la définition de certains termes.

La sénatrice Seidman : Je sais que vous nous avez remis un mémoire passablement détaillé. Je n’ai pas vu de listes de définitions problématiques, par exemple, pour ce qui est de ces questions, à l’exception de celle des eaux navigables, qu’on a mentionnées à maintes reprises. Y a-t-il une liste quelque part?

M. Brazeau : Nous pourrions définir ces choses de manière plus détaillée. L’un de nos principaux thèmes pourrait être de veiller à être plus précis concernant certains termes.

La présidente : Vous pouvez faire parvenir l’information à la greffière.

La sénatrice McCallum : Merci de vos exposés. Je veux revenir à la question de l’entretien. La majorité des travaux que vous réalisez pour les traversiers et les voies ferrées visent presque exclusivement l’entretien des structures existantes. Dans le cas de ces structures, il y aurait peu de nouvelles conséquences imprévues, ou elles seraient minimes ou non existantes. Êtes-vous d’accord?

M. Brazeau : Je peux peut-être commencer. Parmi les choses que nous faisons régulièrement figure l’ajout de rails, par exemple, de voies d’évitement, qui permettent à un train de se ranger sur le côté pour qu’un autre train poursuive sa route. C’est un aspect important de la croissance de notre réseau, car la demande pour les trains de marchandises est croissante. Nous ajoutons des voies d’évitement et des voies doubles dans des régions à volume élevé. Il n’est pas uniquement question d’entretien. Il y a aussi de nouveaux chantiers.

Pour revenir à une autre question qui a été posée, VIA Rail a un plan pour offrir un service ferroviaire à grande fréquence. Cela nécessiterait une importante nouvelle infrastructure. Ce projet de loi aura une incidence sur certains de ces grands projets.

M. Buy : De façon similaire, il pourrait être question du remplacement ou de l’ajout de câbles, ou du remplacement d’un traversier qui fonctionne au carburant par un traversier à câble. Cela reviendrait à ajouter un nouveau traversier à câble. Il y a donc l’entretien et l’ajout.

La sénatrice McCallum : Bien. Si vous avez de nouveaux projets du genre, vous auriez déjà eu à faire réaliser une évaluation d’impact avant la construction. Ce n’est pas comme une nouvelle chose. Les évaluations d’impact ne changeraient pas. Elles demeureraient inchangées à moins que ce soit un projet hydroélectrique, et la situation est différente puisque vous construisez un traversier. Compte tenu d’une augmentation du niveau des eaux, l’évaluation d’impact serait réalisée par la société d’hydroélectricité. Je pense au Manitoba, et plus particulièrement au lac South Indian. J’ai vécu là pendant deux années, et le traversier est essentiel pour permettre aux gens de faire leur épicerie. L’endroit ne serait autrement accessible que par avion.

M. Buy : Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice. Dans ce cas-ci, nous aurions terminé l’évaluation d’impact. Ce processus ne changerait pas.

Mme Heft : Dans le cas des chemins de fer — et cela s’applique à toutes les industries —, nous ne saurons pas vraiment quelle sera l’incidence sur nos nouveaux projets d’ici à ce que nous voyions les règlements.

Il est d’une importance vitale pour l’industrie ferroviaire que les projets sur notre emprise actuelle, qui ne sont actuellement pas visés par la LCEE, continuent d’être exclus aux termes des règlements. Si nous ajoutons une voie à notre emprise actuelle, par exemple une deuxième, ce n’est actuellement pas visé.

Une fois de plus, le maintien de cette façon de faire revêt pour nous une importance vitale. Nous ne saurons pas ce qu’il en est tant que nous n’aurons pas vu les règlements. Nous n’avons pas pris connaissance d’une décision stratégique du ministère à ce sujet.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vais peut-être me faire l’avocat du diable mais, sur la question du pouvoir du ministre, à l’article 17, qui suppose de retirer l’alinéa b) et qui fait partie de la suggestion de l’Association des chemins de fer du Canada, je comprends l’inquiétude par rapport au fait que le ministre abuse de son pouvoir et qu’il fasse un choix arbitraire. Par contre, il y a souvent, dans les lois et devant les tribunaux, une possibilité de rejeter une demande, même lorsque l’argument est considéré frivole, abusif ou voué à l’échec. Compte tenu des millions de dollars qu’il en coûte pour faire ce genre d’études et des délais encourus, ne trouvez-vous pas opportun que le ministre ait le pouvoir de dire, dès le début, de ne pas aller dans cette direction, parce que le projet ne sera sûrement jamais accepté, de ne pas perdre votre temps et votre argent ou alors de modifier le projet? Ne trouvez-vous pas opportun, dans un but économique, que le ministre puisse faire une évaluation? Il y a quand même une base qui lui est donnée pour qu’il puisse demander aux promoteurs de retourner faire leurs devoirs.

Mme Heft : Oui, et je vais préciser que le sénateur Mitchell a souligné que l’article 17 a déjà été amendé. Le ministre va nous dire que son opinion est déjà formée et qu’il y a des effets qui ne sont pas acceptables. Je comprends qu’il s’agit seulement d’une opinion et que l’étude pourra se poursuivre. Tout cela est aux frais de l’industrie. Ce n’est pas une question de coûts. Ce sera toujours à nos frais si nous choisissons de poursuivre l’étude. Je crois que c’est important, et j’ajouterais que formuler une opinion avant que l’étude soit terminée continue de nous inquiéter.

Le sénateur Carignan : Ah oui?

Mme Heft : Oui.

Le sénateur Carignan : Je reviens sur le corridor Québec-Windsor. Avez-vous procédé à un exercice de validation pour un projet comme Québec-Windsor, avec une amélioration des rails et des chemins de fer? De combien de temps cela prolongerait-il l’étude? Avez-vous fait une comparaison des impacts avec la loi actuelle par rapport à la nouvelle loi? Quels seraient les impacts sur le temps et le coût de projets précis? On prend l’exemple de Québec-Windsor, mais ce pourrait être un autre projet, ou en tout cas quelque chose de majeur.

M. Brazeau : Nous n’avons pas de chiffres précis. Nous n’avons pas fait l’évaluation de la loi actuelle par comparaison aux changements possibles à l’avenir. VIA Rail aurait peut-être ces informations. Je pourrais vérifier. VIA Rail a déjà entrepris des consultations. Un engagement a été pris et un plan a été déposé. Cependant, je ne peux pas vous dire si une étude précise ou une évaluation a été faite entre la loi actuelle et les changements potentiels.

Le sénateur Carignan : À part le projet Québec-Windsor, avez-vous connaissance d’autres projets où on a fait une évaluation?

M. Brazeau : On n’a pas fait d’évaluations précises, mais je peux vous donner un exemple. Nous avons un projet en consultation depuis quatre ou cinq ans. On peut déjà vous dire qu’il y a de la frustration du côté de nos membres pour ce projet-là. Ce projet de loi pourrait créer une augmentation de ce que nous expérimentons déjà avec le délai de quatre ou cinq ans.

Le sénateur Mockler : Je veux vous féliciter d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer ce matin et de porter à notre attention vos inquiétudes. Vous avez des alliés à travers le Canada qui, de plus en plus, avancent au premier banc. D’après ce que nous en savons, sept premiers ministres environ sont très inquiets. Je sais que le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique est inquiet pour la voie ferrée et aussi pour les traversiers. J’aimerais avoir votre opinion sur l’Atlantique, car comme mon collègue, le sénateur MacDonald, le disait si bien : « Ferries in Atlantic Canada are very, very important. »

En ce qui a trait au projet de loi C-69, j’écoutais attentivement votre réponse à la question posée par la sénatrice LaBoucane-Benson en ce qui concerne les amendements. Je crois qu’il est important que vous puissiez porter les amendements à notre attention le plus rapidement possible, afin que nous puissions être en mesure de transmettre vos inquiétudes au gouvernement et d’apporter les changements appropriés à ce projet de loi. Cela dit, je vais citer les propos des quatre premiers ministres de l’Atlantique :

[Traduction]

Selon notre évaluation du projet de loi C-69 dans sa forme actuelle, les importants changements proposés à la portée des évaluations environnementales au Canada ne permettront pas d’atteindre le double objectif de la protection environnementale et de la croissance économique.

[Français]

Je sais que vous en avez un peu parlé. Avez-vous quelque chose à ajouter au commentaire des quatre premiers ministres à ce sujet?

M. Buy : Je crois, sénateur, que c’est tout à fait vrai. On ne voit pas davantage de protection dans le projet de loi. C’est un autre processus qui est ajouté, et ce n’est pas plus de protection mais plus d’incertitude. Votre collègue, le sénateur Carignan, a demandé si nous avions fait une étude comparative du temps et des coûts. C’est le gouvernement qui aurait dû procéder à des études d’impact avant de présenter le projet de loi, pas les associations et les compagnies privées. C’était au gouvernement de le faire, et ça n’a pas été fait. Cela nous inquiète. Si le gouvernement continue de nous dire de ne pas nous inquiéter et que tout ira bien, il peut le définir et nous le prouver. Toutefois, la façon dont tout cela a été fait est inquiétante.

M. Brazeau : J’aimerais ajouter que nous sommes un réseau national de la côte Ouest à la côte Est et, qu’il s’agisse des inquiétudes des premiers ministres de la côte Ouest ou de la côte Est, elles sont toutes prises en considération. Pour nous, il s’agit de nous assurer que le projet de loi est à l’écoute des inquiétudes des gouvernements ou des industries. Nous sommes tout à fait d’accord.

[Traduction]

La présidente : Merci des exposés que vous nous avez présentés aujourd’hui sur cette question intéressante et importante.

Le sénateur Massicotte : Puis-je poser la première question? Nous avons beaucoup parlé de réglementation. Il y a deux semaines, le comité a convenu d’envoyer une lettre au ministre. Quelle a été sa réponse?

La présidente : Oui, nous l’attendons.

Le sénateur Massicotte : Il n’a toujours pas répondu?

La présidente : Non. Le processus est en cours. Nous n’avons toutefois pas oublié.

Pendant la deuxième partie de cette séance du Comité permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-69.

Nous accueillons maintenant, du gouvernement du Manitoba, l’honorable Blaine Pedersen, député, ministre de la Croissance, de l’Entreprise et du Commerce.

Monsieur le ministre, merci de vous joindre à nous. Je vous invite à faire votre déclaration liminaire. Nous allons ensuite passer aux questions et aux réponses.

L’hon. Blaine Pedersen, député, ministre de la Croissance, de l’Entreprise et du Commerce, gouvernement du Manitoba : Merci, sénatrice Galvez. Je souhaite le bonjour aux sénateurs.

Comme on l’a dit, je m’appelle Blaine Pedersen. Je suis ministre manitobain de la Croissance, de l’Entreprise et du Commerce. Je vous remercie de cette occasion de témoigner devant votre comité.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-69 aura de graves répercussions pour le Manitoba. Les investissements stratégiques dans les infrastructures, y compris dans les projets d’hydroélectricité propre, les projets miniers et les projets de protection contre les inondations, risquent d’être retardés, de devenir plus coûteux à réaliser ou d’être complètement interrompus.

Le Manitoba craint beaucoup que dans sa forme actuelle, le projet de loi C-69 augmente le fardeau réglementaire, les coûts et les délais du développement de projets sans améliorer de manière significative les résultats environnementaux.

Notre plan de croissance économique accorde la priorité au travail avec des secteurs clés pour favoriser la croissance, le développement des compétences ainsi que le développement économique des collectivités autochtones et du Nord, et pour améliorer la compétitivité

Le libellé actuel du projet de loi C-69 ne parvient pas au bon équilibre entre la protection de l’environnement et la croissance économique. Par conséquent, il met en péril la prospérité future de collectivités et de familles du Manitoba que notre plan vise à soutenir.

Depuis 1987, au moyen de la Loi sur l’environnement, le Manitoba exerce son pouvoir constitutionnel pour évaluer les impacts sur l’environnement et accorder des permis d’aménagement. Ce processus adhère à quatre principaux principes : la participation du public, l’établissement d’un dialogue constructif avec les Autochtones, la transparence et la prévisibilité.

Ces quatre principes sont essentiels pour offrir aux promoteurs, aux investisseurs et aux organismes de réglementation un environnement de planification stable. Ce projet de loi remet malheureusement en question ces quatre principes. Il crée de l’incertitude, qui crée à son tour de l’hésitation au moment de construire, d’investir et de croître.

Le Manitoba et ses partenaires sont déterminés à adopter une approche en matière de croissance responsable sur le plan environnemental. Toutefois, le projet de loi n’offre pas la certitude et la clarté dont nous avons besoin pour attirer les investissements. Il faut en faire plus pour atteindre un équilibre.

Les projets comme les lignes de transport d’électricité à haute tension, les initiatives minières et les grands projets de protection contre les inondations sont des priorités communes clés du gouvernement du Manitoba et du Canada. Il faut établir un processus clair et opportun pour mener à bien ces projets.

Je vais me concentrer sur ces trois exemples. Le Manitoba produit un surplus d’hydroélectricité propre. Nous sommes la province la plus verte et la plus propre du pays. Toutefois, il faut investir dans les lignes de transport pour fournir de l’électricité aux marchés interprovinciaux et américains. Il faudra peut-être aussi des capacités de création hydroélectrique accrues à l’avenir, surtout si le Canada veut se débarrasser du charbon et atteindre les objectifs de Paris en 2030. Le projet de loi C-69, selon sa forme actuelle, mettra un terme à ces investissements essentiels.

J’aimerais aussi vous parler du partenariat entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Manitoba en vue de partager les frais de 540 millions de dollars associés aux nouvelles infrastructures de gestion des inondations visant les canaux de sortie du lac Manitoba et du lac Saint-Martin. Le projet vise la création de deux canaux de détournement d’environ 23 kilomètres de longueur, de même que la construction de plusieurs ponts, de structures de contrôle des eaux et d’une conduite de distribution de 24 kilovolts, et la mise à niveau des infrastructures environnantes.

Le projet réduira considérablement les risques associés à la santé et à la sécurité de même que les risques de dommages associés aux inondations dans les collectivités, surtout celles des Premières Nations établies autour du lac Saint-Martin. Le projet de loi C-69 a déjà affecté ce projet conjoint.

Enfin, le développement minier représente le deuxième plus important secteur de ressources primaires du Manitoba. En dollars réels de 2007, le secteur a contribué à l’économie provinciale à hauteur d’environ 2,7 milliards de dollars; il employait environ 5 700 travailleurs en 2018. Le projet de loi, tel qu’il est présenté, place ce secteur clé en situation de risque.

C’est dans le contexte de ces trois principaux facteurs de croissance, de prospérité et de protection contre les inondations pour les Manitobains que j’aimerais discuter avec vous des enjeux particuliers associés au projet de loi C-69.

Le Manitoba s’inquiète de voir que les détails relatifs à la liste de projets révisée n’ont pas encore été présentés au gouvernement provincial et aux autres intervenants à des fins d’étude et d’analyse. Le gouvernement fédéral a fait valoir que le projet de loi C-69 élargirait la portée des examens et les types de projets à évaluer. Or, en l’absence d’une liste de projets détaillée, les promoteurs ne disposent d’aucun renseignement clair pour prendre des décisions en matière d’investissement.

Jusqu’à présent, les représentants provinciaux ont seulement reçu une liste de projets provisoire lors d’une courte réunion des sous-ministres, qui ne peuvent procéder à une analyse détaillée de la liste de projets provisoire. Le Manitoba recommande d’engager les provinces et les territoires de manière significative afin qu’ils aient la possibilité d’examiner la liste de projets proposée et de la commenter avant l’adoption du projet de loi.

De plus, le Manitoba se préoccupe de la vaste portée de la désignation ministérielle. Le pouvoir de désigner des projets supplémentaires ne figurant pas à la liste à des fins d’examen entraînera au mieux un manque de prévisibilité et, au pire, une possibilité d’ingérence politique. Le Manitoba recommande que le pouvoir de désignation ministérielle soit retiré du projet de loi ou qu’on établisse des paramètres plus clairs en ce qui a trait aux circonstances selon lesquelles il peut être invoqué.

Enfin, le Manitoba s’inquiète de la nouvelle phase de planification proposée, qui prévoit un examen officiel du gouvernement fédéral ainsi que la consultation des groupes autochtones. Cette nouvelle étape rendra difficile l’atteinte de l’objectif d’un projet, une évaluation.

Le Manitoba appuie la bonne planification et reconnaît que la consultation tôt dans le processus peut réduire les délais et accroître la confiance de la population. Notre système provincial exige des promoteurs qu’ils procèdent à leur propre planification et qu’ils réalisent leurs propres processus de consultation préalable des intervenants et des communautés autochtones touchées. Selon notre expérience, cette approche s’est avérée une réussite et nous a permis d’adapter le niveau d’engagement aux risques particuliers associés à un projet et aux préoccupations des communautés.

Le Manitoba recommande de revoir le besoin d’un processus de planification fédéral officiel associé à des délais prescrits. La consultation du gouvernement fédéral doit être faite parallèlement à d’autres activités de participation du promoteur et permettre au gouvernement fédéral d’examiner la documentation des promoteurs en vue de respecter cette exigence. Ainsi, les processus provinciaux et fédéraux seront rationalisés et mieux harmonisés, et tiendront compte de toutes les parties.

La dernière préoccupation du Manitoba a trait au manque de clarté au sujet du rôle des autorités autochtones dans le processus et de l’intégration des connaissances autochtones. En vue de répondre aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, le Manitoba a officialisé son engagement à l’égard de la réconciliation par l’entremise de la Loi sur la réconciliation. Le Manitoba a nommé une ministre responsable de la réconciliation : la ministre Clarke.

Il est important de tenir compte des connaissances traditionnelles en vue de comprendre les conséquences possibles d’un projet. À notre avis, il faut en faire plus pour expliquer aux promoteurs ce que sont les connaissances traditionnelles et comment elles seront rapprochées en cas de divergences.

Le projet de loi C-69 fait allusion à l’élargissement de la définition de la compétence afin d’octroyer aux organismes de réglementation autochtones le pouvoir de réaliser des activités d’évaluation et aux conséquences sur l’objectif du processus « un projet, une évaluation ».

À ce sujet, le Manitoba aimerait avoir plus de précisions quant à l’engagement, en vertu du projet de loi C-69, de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la DNUDPA, et à la façon dont elle sera intégrée au processus décisionnel associé à l’évaluation environnementale.

La définition du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est insuffisante. À la lumière de ces facteurs, le Manitoba recommande de modifier la loi afin d’expliquer clairement les exigences relatives aux connaissances traditionnelles, la participation des organismes autochtones aux évaluations et la façon dont la DNUDPA sera intégrée au processus décisionnel.

En résumé, le projet de loi C-69 représente un changement important pour le système d’évaluation environnementale fédéral. Selon sa forme actuelle — et sans d’autres explications —, il contribuera au climat d’investissement de plus en plus imprévisible, ce qui risquera de nuire à la capacité du Manitoba de réaliser d’importantes initiatives comme des projets miniers, des lignes de transport d’énergie propre, des projets d’atténuation des catastrophes et des travaux en matière d’adaptation aux changements climatiques.

Le Manitoba est persuadé qu’avec la clarification des dispositions clés du projet de loi et un processus de collaboration qui vise un dialogue ciblé et approfondi entre le Manitoba et le Canada, ces préoccupations pourront être abordées avant l’entrée en vigueur du projet de loi.

La mise en place d’un processus d’évaluation environnementale clair, opportun et prévisible nous permettra de continuer à bâtir notre économie tout en protégeant notre patrimoine naturel pour le bien des prochaines générations. Merci.

La présidente : Puis-je vous demander si vous présenterez au comité une recommandation précise au sujet d’un amendement?

M. Pedersen : Nous avons des recommandations précises.

La présidente : Pourriez-vous les transmettre à la greffière?

M. Pedersen : Comme je l’ai dit plus tôt, nous avons quatre priorités. La liste des projets... elle n’a pas été désignée. Il faut que nous puissions l’étudier et que nous obtenions des précisions pour aller de l’avant.

La désignation ministérielle. Nous voulons qu’elle soit restreinte ou à tout le moins que les paramètres connexes soient clairement établis. Nous l’avons vu dans le cas du canal du lac Manitoba. Elle était très importante.

En ce qui a trait à la phase de planification, nous voulons « un projet, une évaluation ». Tout le monde doit travailler ensemble : les municipalités des communautés autochtones, la province et le gouvernement fédéral. Nous craignons que le projet de loi ne permette pas une telle collaboration.

Bien sûr, il y a les connaissances traditionnelles. Il faut comprendre comment elles seront utilisées dans le cadre du processus d’évaluation et de quelle façon les autorités autochtones participeront à ces évaluations. Il faut clarifier la notion de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

La présidente : Parfait. Merci beaucoup.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur le ministre, de votre présence ici aujourd’hui. C’est intéressant de vous entendre dire que le Manitoba est vert. Je crois que si vous demandiez aux Canadiens de nommer une province verte, ils répondraient probablement le Québec ou la Colombie-Britannique, mais il est vrai que l’industrie hydroélectrique est forte au Manitoba et qu’il s’agit de la province la plus verte.

À cet égard, les représentants de l’industrie hydroélectrique nous ont dit que le projet de loi C-69 empêcherait les entreprises d’effectuer des réparations urgentes à leurs infrastructures. Nous avons fait part de ces préoccupations à Transports Canada. Le ministère nous assure que le projet de loi C-69 prévoit des dispositions pour gérer les situations urgentes de manière adéquate.

Le gouvernement du Manitoba est-il du même avis? Sinon, quelles seraient vos recommandations?

M. Pedersen : Merci, monsieur le sénateur. Comme d’autres témoins vous l’ont dit, il faut établir clairement la différence entre un entretien régulier et un entretien d’urgence. Certains postes des lignes de transport d’électricité ont besoin d’une mise à niveau. Est-ce qu’il s’agit d’un entretien régulier? Si l’on doit en augmenter le nombre en raison d’une charge de puissance accrue, est-ce qu’il s’agit d’une urgence ou est-ce qu’on doit procéder à des évaluations environnementales supplémentaires?

Qu’en est-il de la construction de lignes de transport dans le cadre d’une mise à niveau? Le système de la province est assez vieux et nous améliorons les lignes de transport d’électricité — surtout dans les régions rurales — en raison de la demande accrue. Est-ce qu’il s’agit d’une urgence ou est-ce qu’on doit procéder à une évaluation environnementale? Ce sont des questions qui demeurent et auxquelles nous n’avons pas de réponse dans le projet de loi.

Le sénateur MacDonald : Cela m’amène à ma prochaine question.

Le projet de loi C-69 habilite le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique à faire avancer certains projets et aussi à empêcher des projets d’aller de l’avant.

Le gouvernement du Manitoba craint-il de voir le ministre de l’Environnement et du Changement climatique s’ingérer dans la compétence du Manitoba en ce qui a trait à l’environnement?

M. Pedersen : Je vous remercie pour votre question. C’est déjà le cas, même sans le projet de loi C-69. Je vais revenir à notre projet visant les canaux de sortie du lac Manitoba et du lac Saint-Martin, jusqu’à Winnipeg.

Le gouvernement fédéral nous a dit qu’il fallait consulter les communautés autochtones établies plus haut le long du fleuve Nelson. Je ne sais pas si vous connaissez bien la géographie du Manitoba, mais avec une telle portée — qui met en veille l’examen en vertu de la LCEE —, certaines communautés sont prises en compte alors que le canal n’aura aucune incidence sur elles. Nous avions un projet de mine d’or à Lynn Lake. Le gouvernement fédéral est arrivé et a dit... le promoteur a été très proactif. Il a consulté les communautés des Premières Nations avoisinantes et a établi de bonnes relations de travail avec elles, mais il a dû consulter les collectivités de la Saskatchewan, qui ne voyaient pas en quoi la mine de Lynn Lake les concernait.

C’est donc déjà le cas. Nous craignons que le projet de loi C-69 donne encore plus de pouvoir au ministre, ce qui aura une incidence sur les coûts, mais qui n’aidera en rien l’environnement et les gens que nous voulons protéger.

La sénatrice Simons : Merci, monsieur le ministre, de votre présence ici aujourd’hui. Je suis très heureuse de vous entendre parler des lignes de transport d’énergie interprovinciales. Il faut en parler plus au Canada. Je viens de l’Alberta. Il y a 10 ans, lorsque le gouvernement provincial a tenté de mettre à niveau nos lignes électriques provinciales à haute tension, les réactions de la population ont été nombreuses, en raison de craintes non fondées voulant que ces lignes soient dangereuses. J’ai regardé avec une certaine horreur ces gens se battre contre les lignes électriques. Aucune des données scientifiques avancées n’aurait pu les faire changer d’idée.

Je crains qu’un projet linéaire interprovincial donne lieu à des réactions encore plus vives. C’est ce qui me préoccupe avec le projet de loi C-69. Je me demande quelle a été l’expérience du Manitoba. Est-ce que la population accepte mieux les lignes de transport à haute tension? Quels seront les défis associés à la construction d’une infrastructure nationale de lignes de transmission robuste?

M. Pedersen : Merci, madame la sénatrice. Pendant un instant, j’ai cru que vous me critiquiez pour avoir parlé du projet Bipolaire III, que nous appelons affectueusement le tour de taille de l’Ouest au Manitoba. Le tracé n’est pas linéaire; il fait le tour de la province pour se rendre à destination, mais nous n’avons pas eu le choix de faire ainsi.

C’est ce qui nous inquiète. Nous avons une occasion en or de vendre de l’électricité à la Saskatchewan, à l’Alberta, jusqu’au cercle de feu du Nord-Ouest de l’Ontario et à Fort McMurray, avec ses projets de sables bitumineux. Nous avons un surplus d’électricité et nous pourrions accroître notre capacité si nous utilisions l’électricité que nous produisons.

Avec la construction de la ligne de transport, nous nous demandons quelle sera l’incidence du projet de loi sur notre capacité de faire un tracé linéaire qui traversera l’Ouest canadien. D’une part, il faut que tous les gouvernements appuient le projet, parce que nous pourrons réduire les émissions de gaz à effet de serre en ayant recours à l’hydroélectricité; d’autre part, nous devrons faire face à certains défis environnementaux ou questions qui ne seront pas nécessairement fondés sur la science.

Il faut tenir compte des effets sur les communautés touchées par une ligne hydroélectrique. Ce qui nous inquiète, c’est l’inconnu associé au projet de loi C-69... ce sont les pouvoirs considérables qu’il pourrait conférer, parce que nous ne le savons pas; nous n’avons pas vu la liste de projets. Nous ne savons pas ce qu’elle comprend. Le projet de loi crée une incertitude. Nous avons le point de vue du gouvernement, mais pour l’industrie, l’incertitude freine l’investissement. Ce sera la même chose pour le gouvernement.

La sénatrice Simons : Le projet de loi C-69... on pourrait penser que le rapprochement que permet le projet de loi avec l’atteinte des cibles du Canada en matière de changements climatiques est un argument en faveur de la construction des lignes électriques à haute tension, mais j’ai été témoin de l’hystérie associée à l’implantation de telles lignes dans les collectivités. Je crains que le syndrome du « pas dans ma cour » nuise à la création du réseau électrique national du Canada, qui n’existe pas encore.

M. Pedersen : Nous savons très bien que des évaluations environnementales seront nécessaires en vue de créer un réseau électrique national. Nous ne remettons pas cela en question. Nous ne remettons pas nécessairement le projet de loi en question, mais nous disons qu’il doit être plus clair.

La sénatrice McCallum : Merci de votre exposé. Vos propos suscitent quelques préoccupations, car la relation entre Manitoba Hydro et les Premières Nations n’est pas tellement bonne. Beaucoup de préoccupations ont été soulevées, parce que les problèmes environnementaux causés par Manitoba Hydro ont été occultés par l’enjeu de la croissance économique. Je parle de l’inondation des terres traditionnelles et de l’impossibilité de pratiquer la pêche. Je pense à South Indian Lake. À cela s’ajoute l’installation du câble souterrain, dans la région du Sud-Est. C’était une préoccupation. Quant à la protection contre les inondations, cela concerne la région couverte par le Traité no 2. Les gens ont exprimé leurs préoccupations, menés par M. Nepinak.

Ce qui m’inquiète, c’est que si nous ne réglons pas cela, il sera difficile de favoriser la croissance économique des Premières Nations. Le problème ne se réglera pas tout seul. Je pense au barrage de Grand Rapids et aux dommages qu’il a causés et qui perdurent. J’ai eu des discussions à ce sujet la semaine dernière.

Lorsqu’on regarde la définition du savoir autochtone... Il s’agit du principe de consentement préalable, libre et éclairé. Ce n’est pas un droit de veto. Les gens ont le droit de dire « non » ou de dire « oui ». Les gens ont le droit de dire « oui », mais en connaissance de cause. Si la DNUDPA est là, c’est parce que les droits de la personne des Premières Nations, y compris leurs droits à la sécurité et à la liberté, n’ont pas été respectés pendant très longtemps.

Il n’y a pas vraiment eu de discussions publiques entre le gouvernement et les Premières Nations au Manitoba en raison du déséquilibre de pouvoir. Je pense que ces discussions n’ont pas lieu simplement parce que les Premières Nations veulent aussi bénéficier du développement économique. Je suis plutôt bouleversée par tout ce que vous avez dit. Je ne sais plus quoi faire pour la suite.

M. Pedersen : Sénatrice, merci de ces commentaires. Il ne fait aucun doute qu’historiquement, les relations entre Manitoba Hydro et les Premières Nations du Nord étaient loin d’être exemplaires. Toutefois, on ne peut changer l’histoire. Le gouvernement n’a pas l’intention d’aller en ce sens, car on ne peut retourner en arrière. Cela dit, nous pouvons aller de l’avant.

Nous avons été très proactifs. J’ai mentionné la ministre Clarke. Notre gouvernement a cherché très activement à collaborer avec l’ensemble des collectivités des Premières Nations et à renforcer les relations avec elles, en particulier dans le Nord, même si elles sont réparties partout dans la province. Au gouvernement, nous savons que la création de richesses dans le Nord ne peut se faire qu’avec la participation de la population de la région. Nous avons un programme appelé Look North dans le cadre duquel la population du Nord contribue à définir l’avenir économique du Manitoba. Nous avons fait de « Pour le Nord, par le Nord » notre devise.

Nos besoins sont multiples. Nous reconnaissons qu’il faut accroître la capacité économique des communautés, peu importe l’enjeu de développement économique, car elles n’ont tout simplement pas les outils nécessaires. Nous avons travaillé sur cet aspect avec le gouvernement fédéral. Voilà ce que nous essayons de faire.

Traditionnellement et historiquement, les sociétés minières ou Manitoba Hydro menaient un projet, tandis que les Premières Nations se contentaient d’observer. Nous ne procéderons plus ainsi à l’avenir. Voilà nos préoccupations. Il faut veiller à inclure dans ce projet de loi la participation des collectivités autochtones aux évaluations afin qu’elles puissent avoir les informations nécessaires pour prendre des décisions. Ces collectivités sont dans l’incapacité de prendre des décisions informées depuis trop longtemps. Voilà notre rôle; il nous faut aussi l’appui du gouvernement fédéral à cet égard, car les collectivités des Premières Nations sont une responsabilité partagée.

Nous convenons qu’il y a eu des problèmes dans le passé. Le gouvernement du Manitoba estime avoir fait d’importants progrès vers la réconciliation et l’inclusion ces trois dernières années.

La sénatrice McCallum : Puis-je vous demander quelque chose? Vous avez parlé de répartition de la richesse. Pourriez-vous envoyer au comité des renseignements sur le partage des richesses avec les Premières Nations?

M. Pedersen : Merci de la question. Nous examinons les projets. Prenons par exemple la collectivité de Red Sucker Lake. Yamana Gold mène un projet d’exploration pour l’aménagement d’une mine d’or. Dans le cadre de ce processus, l’entreprise a travaillé en étroite collaboration avec la communauté avant le début des consultations en vertu de l’article 35. Yamana Gold a conclu une entente et une partie des fonds du projet sera dépensée dans la communauté.

Notre gouvernement ne parle pas d’emplois dans les communautés autochtones, mais de carrières. C’est ce que nous voulons favoriser. Nous avons eu d’excellentes discussions avec le chef de Red Sucker Lake pour l’aménagement d’un camp d’approvisionnement. De nos jours, les sociétés minières procèdent ainsi au lieu de créer des collectivités, ce qui est une excellente occasion pour la communauté. Elle pourra exploiter le camp d’approvisionnement et créer une entreprise. D’autres occasions d’affaires suivront. Nous cherchons des façons d’accroître les capacités, ce qui est un aspect fondamental pour les relations avec les Autochtones.

La sénatrice McCallum : La demande venait de Manitoba Hydro.

La présidente : Nous poursuivons. Veuillez être concis dans vos introductions et vos réponses, s’il vous plaît.

Le sénateur Woo : Monsieur le ministre, merci d’avoir expliqué vos quatre points très clairement. J’aimerais parler de l’étape de la planification initiale pour les projets directement visés par le projet de loi C-69. Je sais que la question de savoir si des projets pourraient être visés ou non vous préoccupe. C’est un enjeu important. Je pense que tout le monde l’a bien compris. De toute évidence, certains projets seront visés par la LCEE de 2012 et le projet de loi C-69.

Quelle est votre préoccupation précise concernant la planification initiale pour les projets qui doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale adéquate en vertu de la réglementation fédérale? Vous semblez dire que cela ne vous convient pas, mais que vous le faites quand même. J’essaie de comprendre pourquoi vous préféreriez autre chose. Nous parlons de projets qui relèvent légitimement de la compétence du gouvernement fédéral. J’aimerais aussi avoir votre avis sur la substitution, car le projet de loi semble comprendre un mécanisme plus clair à cet égard pour que la province puisse prendre en charge le processus d’évaluation.

M. Pedersen : Notre préoccupation porte principalement sur le manque de clarté. Lorsqu’un examen en vertu de la LCEE est nécessaire, cela ne pose pas problème, mais le projet de loi ne donne aucune assurance que les communautés autochtones et tous les ordres de gouvernement pourront participer ou avoir un rôle à jouer dans la détermination des aspects d’un projet qui doivent faire l’objet d’une évaluation. Que fait-on exactement? Nous voulons que tout le monde soit sur la même longueur d’onde afin que tout soit clair pour tous les groupes concernés.

Le sénateur Woo : Il n’y a aucune ambiguïté lorsqu’un projet a manifestement sa place sur la liste. Je comprends que vous vouliez vous assurer que certains projets n’y figurent pas. Espérons que cela puisse être réglé. Toutefois, pourquoi êtes-vous contre le recours au processus de planification initiale comme outil pour accélérer l’examen d’un projet pour ceux qui sont clairement jugés admissibles au processus fédéral? Ne considérez-vous pas que vous pourriez recourir au processus de substitution pour procéder à l’évaluation à la place du gouvernement fédéral? Nous ne parlons pas de projets ambigus qui pourraient ou non être visés par le projet de loi C-69.

M. Pedersen : Si j’ai bien compris, au Manitoba, nos promoteurs consultent les communautés concernées.

Le sénateur Woo : Oui.

M. Pedersen : Rien dans le projet de loi ne garantit que ce sera reconnu.

Le sénateur Woo : La planification initiale.

M. Pedersen : Le projet de loi C-69 ne donne pas d’indication claire quant à l’interprétation du gouvernement fédéral concernant la planification initiale ou aux critères qui s’y rapportent. Voilà où nous en sommes.

Le sénateur Woo : Très bien. Merci beaucoup.

Le sénateur Mitchell : Merci. Je suis le parrain du projet de loi. Vous avez dit quelque chose qui m’impressionne vraiment : vous n’êtes pas contre le projet de loi, mais vous voulez simplement qu’il soit plus clair. J’insiste sur la première phrase.

Je pense qu’il est possible d’apporter des précisions. Vous êtes préoccupé par le pouvoir du ministre de désigner. Je ne vous demanderai pas si, dans votre province, vous détenez ce pouvoir au niveau ministériel ou politique. J’aimerais savoir si vous êtes au courant que les restrictions à cet égard sont clairement énoncées au paragraphe 9(7), l’une des dispositions qui accordent au ministre le pouvoir de désigner.

Premièrement, cela doit être demandé. Deuxièmement, on indique qu’un projet ne peut être désigné si l’essentiel de l’exercice de l’activité concrète a commencé — de sorte que cela ne peut survenir par surprise après le début de l’activité et d’importants investissements — ou si une autorité fédérale a exercé des attributions qui lui sont conférées. Ce n’est pas comme si c’était tout à fait inattendu. Il s’agit d’un pouvoir de désigner avec d’importantes restrictions. En fait, comme je l’ai souligné, vous pourriez me dire si vous êtes au courant, mais parmi les 37 demandes depuis l’adoption de la LCEE de 2012, seulement trois demandes ont été approuvées, dont deux provenant de promoteurs, soit une société minière et une autorité portuaire. Je ne pense pas que cela pose problème. Comment en arrivez-vous à la conclusion qu’il y a un risque d’incertitude?

M. Pedersen : Encore une fois, l’incertitude tient du fait que le pouvoir du ministre de désigner inclus dans le projet de loi vise également les projets non désignés. Je sais que la liste des projets a déjà fait l’objet de discussions. Nous ne l’avons pas vue; nous espérons qu’elle existe et que nous pourrons la voir. Lorsqu’il y aura une liste de projets, le ministre aura soudainement, aux termes de ce projet de loi, le pouvoir de désigner des projets qui n’y figureront pas déjà.

Nous avons simplement besoin de précisions à ce sujet. C’est une question de clarté et de certitude. Sans cette clarté, les entreprises et les Premières Nations ne peuvent investir. À quel moment le pouvoir discrétionnaire du ministre entre-t-il en jeu? Nous avons besoin de précisions à cet égard. On ne peut se permettre qu’à mi-parcours d’un projet, le ministre puisse soudainement... C’est peut-être ce qui est écrit. Je n’ai pas lu votre projet de loi. Voilà les points qui doivent être éclaircis.

Le sénateur Mitchell : Nous pourrions vous donner des précisions. Je pense que vous en aurez plus au fil du temps.

Le sénateur Massicotte : Pourriez-vous aussi nous fournir ces explications?

Le sénateur Mitchell : Vous avez indiqué que vos préoccupations portent en grande partie sur les activités minières. Je suis certain que vous êtes au courant que l’Association minière du Canada est généralement très favorable au projet de loi. Avez-vous eu des contacts et des discussions avec eux?

M. Pedersen : Ils y sont favorables de façon générale, mais il y a des problèmes précis. J’ai utilisé l’exemple de Lynn Lake. Ils peuvent y être favorables, en général, mais parlons de projets précis et voyons quelles sont les répercussions.

Le sénateur Mitchell : L’Association minière canadienne estime notamment que la mesure législative permettra de régler un problème important qui touche l’industrie minière, l’un des secteurs assujettis à la LCEE de 2012, soit le dédoublement continuel des évaluations aux échelons fédéral et provincial.

M. Pedersen : Cela reste à voir.

La présidente : Le temps est écoulé pour cette question.

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur le ministre, merci d’être parmi nous ce matin. Ma question est assez simple. D’un point de vue constitutionnel, les provinces ont quand même une compétence partagée avec le fédéral en matière d’environnement. Dans le projet de loi C-69, vous êtes considéré comme toutes les autres instances. Il n’y a pas de statut spécial pour la province, pas de reconnaissance ou de processus particulier lorsque la province devra décider ou faire une évaluation. Le processus de consultation du gouvernement fédéral... On dit souvent qu’on peut consulter une instance, et il semble que vous soyez considéré comme tout autre type d’organisme. Cela ne vous choque-t-il pas? Ne trouvez-vous pas que le projet de loi devrait prévoir, pour la province, un statut spécial ou un mécanisme spécifique pour faire une étude environnementale, tant dans le processus de substitution que dans les autres éléments du processus, dans un esprit de droit constitutionnel et de relation collaborative?

[Traduction]

M. Pedersen : Cela nous préoccupe. Le projet de loi n’est pas clair en ce qui concerne les instances provinciales et fédérale, et on ajoute maintenant les instances autochtones. Nous ne remettons pas nécessairement cela en question, mais nous avons simplement besoin de clarté, ce qui n’est pas le cas du projet de loi dans sa version actuelle.

[Français]

Le sénateur Carignan : Pas seulement sur la question de la clarté, mais ne pensez-vous pas que les provinces devraient avoir un statut spécifique et spécial dans le projet de loi qui tienne compte du fait que vous parlez de gouvernement à gouvernement, et non en tant qu’instance ou organisme régulier?

[Traduction]

M. Pedersen : Voilà pourquoi nous voulons être inclus. Nous ne voulons pas que le gouvernement fédéral intervienne et impose à la province des conditions qu’elle ne considère pas comme faisant partie intégrante du projet. Il faut tenir compte des connaissances provinciales et du savoir autochtone. Tout le monde doit travailler ensemble. Nous n’avons pas besoin qu’on intervienne et qu’on nous dise ce qui est mieux pour nous. Ils peuvent très bien avoir une opinion différente et tout à fait justifiée, mais nous voulons être inclus. Ce qui nous préoccupe, c’est que le projet de loi empêche la province de donner son avis, et qu’on pourrait nous imposer des opinions qui ne sont pas nécessairement valides.

Le sénateur Neufeld : Merci d’être ici. Je ne suis pas certain d’avoir bien compris. Avez-vous dit que votre sous-ministre a vu l’ébauche d’une liste de projets? Ai-je bien entendu?

M. Pedersen : M. Mike Richards, notre sous-ministre des affaires intergouvernementales, et Mme Lezlee Dunn ont été invités à une réunion à huis clos avec des fonctionnaires fédéraux. Avant la réunion, ils ont juré de garder le secret. On leur a présenté l’ébauche d’une liste de projets, qui était très courte. Ils n’étaient pas autorisés à la mémoriser, la copier, et cetera. Ensuite, ils ont été... Ne m’en tenez pas rigueur, mais je crois que la réunion était très courte.

Le sénateur Neufeld : Dans une certaine mesure, je comprends que vous ne le sachiez pas, s’ils ont été tenus au secret. Vous ont-ils dit ce qu’il y avait sur la liste?

M. Pedersen : Non.

Le sénateur Neufeld : Ils n’avaient même pas le droit de vous en parler?

M. Pedersen : Non. Ils ont juré de garder le secret sur tout ce qu’ils avaient appris.

Le sénateur Neufeld : Est-il étonnant que les gens soient préoccupés? S’il y a une ébauche de liste de projets, qui devrait être le cas, à mon avis... Ce n’est pas comme si on commençait à peine à développer des projets au Canada. Nous le faisons depuis des centaines d’années.

J’ai une autre question sur la participation du public. Jusqu’à maintenant, la participation du public s’arrêtait plus ou moins aux personnes touchées par les projets importants. Le projet de loi élargit cela au monde entier. N’importe qui peut se faire entendre, peu importe d’où il vient. Quelle est votre opinion à ce sujet? Est-ce acceptable, ou devrions-nous nous préoccuper des personnes qui seront directement touchées plutôt que de ce qui se passe partout dans le monde? Toutes sortes de gens pourraient intervenir.

Je suis passé par là. J’aimerais avoir vos impressions.

M. Pedersen : C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas nécessairement contre le projet de loi. Nous aimerions toutefois qu’il soit amélioré. Tout d’abord, il s’agit de connaître la portée de la liste de projets, ainsi que les consultations requises. Nous ne sommes pas contre les préoccupations légitimes. Cependant, si je peux reprendre vos paroles, sénateur Neufeld, lorsqu’on ouvre cela au reste du monde, on s’expose à une situation où, si un projet économique est pleinement appuyé par les collectivités locales, par exemple, mais qu’une personne à l’autre bout du monde s’y oppose, le projet ne peut pas aller de l’avant. Nous voyons cela se produire actuellement dans l’industrie pétrolière.

Par exemple, le Manitoba a du nickel de haute qualité qui est utilisé dans les véhicules électriques. Et peut-être qu’un autre pays enverra quelqu’un s’opposer à l’un de nos projets d’extraction de nickel, même si nous travaillons sur les véhicules électriques. Cela nous préoccupe. C’est le manque de précision dans le projet de loi qui nous préoccupe réellement et c’est la raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui.

La présidente : Je suis curieuse au sujet de cette liste de projets. Je comprends parfaitement qu’il est très important de connaître la liste de projets pour des raisons techniques et pour évaluer la mesure dans laquelle les secteurs seront touchés. Toutefois, l’une des raisons que j’ai entendues pour garder cette liste secrète concerne le fait que ces renseignements peuvent être échangés contre de l’argent, car ils pourraient représenter un avantage pour les gens qui en prendraient connaissance en premier. Ils pourraient influencer, par exemple, l’achat d’actions dans le secteur minier ou pétrolier. Ces renseignements seront révélés; ils doivent manifestement l’être à un moment donné. Mais à quel moment, pendant cette période, certains intérêts peuvent-ils entrer en conflit?

M. Pedersen : Cela revient à la confiance. Si le gouvernement fédéral ne peut pas faire confiance à nos représentants provinciaux et leur montrer la liste de projets et la ramener à notre Cabinet où la confiance est fondamentale, je pense que nous avons un problème. Naturellement, au Manitoba, nous sommes inquiets au sujet du contenu de cette liste, car nous ne pouvons même pas la voir. Nous ne serions pas nécessairement contre le fait d’assurer sa confidentialité, mais franchement, les gouvernements peuvent sûrement échanger ces renseignements entre eux.

La présidente : Merci. C’est ce que je voulais entendre.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci d’être ici aujourd’hui. En ce qui concerne vos préoccupations liées à l’étape de la planification préliminaire, lors de notre réunion avec les promoteurs, ils semblaient très satisfaits de cette étape. À leur avis, c’était une amélioration. Le projet de loi indique que le gouvernement fédéral doit déterminer les parties qui doivent être consultées avant le début du projet. Il doit aussi préciser les enjeux qui ont déjà été cernés et sur lesquels il faut se pencher. Ces renseignements doivent être publiés sur Internet, et ils sont donc publics.

Cela permet d’établir les grandes lignes du projet, afin qu’on ne soulève pas d’autres questions un an et demi après le lancement du projet. Si cette étape de la planification préliminaire est effectuée correctement — et je sais que si elle n’est pas effectuée correctement, cela ne fonctionnera pas —, elle pourrait contribuer à faire avancer les projets plus rapidement et à diminuer le nombre d’interruptions. Les promoteurs ont également dit qu’ils faisaient déjà cela, et que nos travaux consistaient à codifier ce qu’ils font déjà. Certains d’entre eux nous ont même dit que selon eux, ils utilisaient des pratiques exemplaires et ils s’y prenaient mieux que le gouvernement fédéral, ce que j’ai trouvé intéressant.

Qu’est-ce qui vous préoccupe au sujet de cette étape de la planification préliminaire? Si nous voulons traiter les amendements rapidement — et j’espère que nous le ferons —, comment cet élément pourrait-il être amendé pour être plus précis, afin d’apaiser vos craintes?

M. Pedersen : Je crois que nous cherchons à obtenir une certaine reconnaissance. Actuellement, le projet de loi ne reconnaît aucunement la planification préliminaire effectuée par le promoteur. Différentes entreprises ont différentes idées. Certaines entreprises jugent qu’elles font un excellent travail, mais ce n’est pas du tout le cas lorsqu’on les compare à d’autres entreprises.

La sénatrice LaBoucane-Benson : D’accord.

M. Pedersen : Dans ce cas, le projet pourrait-il préciser à quoi devrait ressembler la planification préliminaire du promoteur? Je sais que c’est différent dans chaque cas. On ne peut pas tout réglementer. Actuellement, la préparation préliminaire n’est pas reconnue. Encore une fois, comment la préparation préliminaire effectuée par un promoteur cadre-t-elle dans les évaluations menées par les provinces, le gouvernement fédéral et les Autochtones?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Je crois qu’on parle ici de la conversation qui prend place au début du processus. Peut-être que nous présumons que cela se produira, c’est-à-dire que le promoteur, la province et le gouvernement fédéral se réuniront au début du processus pour discuter de cet enjeu. Personne ne souhaite que les promoteurs effectuent du travail inutile qui n’est pas reconnu et qui entraîne des dépenses.

Il me semble qu’une étape de planification préliminaire bien organisée permettrait d’accélérer l’évaluation des répercussions et donc le lancement du projet. J’ai bien reçu vos préoccupations et je vous remercie de les avoir exprimées.

M. Pedersen : Dans le cas de l’exploitation minière, il y a le prospecteur, c’est-à-dire la société d’exploration, et ensuite l’exploitation minière. Dans le cas du prospecteur — même s’il y en a de moins en moins, car on a maintenant davantage recours aux survols aériens et aux instruments électroniques —, avant qu’une société d’exploration puisse obtenir un permis, elle doit obtenir l’appui de la communauté dans la région traditionnelle.

Cela se produit déjà. Je ne sais pas si on le reconnaît. Comment pouvons-nous intégrer cela aux évaluations environnementales menées par les provinces, le gouvernement fédéral et les Autochtones?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Si votre organisme souhaite proposer un amendement sur cet élément, veuillez le faire parvenir à la greffière. Nous aimerions beaucoup le voir.

M. Pedersen : Nous avons formulé quelques amendements. Nous vous les ferons parvenir.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d’être ici, monsieur le ministre.

Comme nous le savons tous, les données démographiques du Manitoba rendent la province extrêmement dépendante d’une bonne intégration de la communauté autochtone, car ses membres formeront une partie importante de la future main-d’œuvre dans ce secteur. Il est donc essentiel d’établir une relation de travail solide et de procéder à une intégration respectueuse et rapide, car votre province en dépend.

Cela dit, vous avez également mentionné le projet de loi C-262 sur la DNUDPA, qui représente un point de référence important, en quelque sorte. Vous avez précisé que vous aviez des questions au sujet du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Je ne dis pas que c’est une bonne ou une mauvaise chose. Je pense que c’est un bon document, mais vous avez formulé des préoccupations à cet égard. Que souhaitez-vous voir en ce qui a trait à ces mots? Êtes-vous préoccupé au sujet de la définition? Quelle solution proposez-vous pour veiller à ce que cela ne nuise pas à la mise en œuvre complète de ce document?

M. Pedersen : Lorsqu’on examine les données scientifiques, c’est fondé sur...

Le sénateur Massicotte : Je ne parle pas du libellé. Je parle du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

M. Pedersen : Si vous me permettez d’apporter une précision, la science est clairement définie par les données. En ce qui concerne le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, on ne sait toujours pas si la DNUDPA sera intégrée à l’évaluation environnementale. Si c’est le cas, comment cela se fera-t-il? Nous ne contestons pas l’existence de la DNUDPA. En fait, nous l’adopterons d’emblée. Comment s’intègre-t-elle à l’évaluation environnementale?

Le sénateur Massicotte : Si le projet de loi C-262 est pleinement mis en œuvre — c’est une loi distincte —, selon la déclaration, vous devez obtenir le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Autochtones pour tout ce qui touche leur communauté. Je crois que l’intention est très claire. Je crois comprendre que vous souhaitez obtenir des éclaircissements sur l’application de tout cela. Qu’aimeriez-vous dire?

M. Pedersen : En termes simples, nous aimerions qu’on nous précise comment cela sera mis en œuvre dans le cadre du projet de loi.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : Des gens ont soulevé la question de la substitution, et le projet de loi C-69 facilite la substitution. Cela fonctionne en Colombie-Britannique, mais il a probablement fallu effectuer des investissements importants. Le sénateur Neufeld a parlé de son expérience dans cette province. Après beaucoup d’efforts, la province a conclu un accord de substitution qui fonctionne bien aujourd’hui. Le Manitoba ne ferait-il pas la même chose? Pourquoi pas?

M. Pedersen : Nous y travaillons, mais nous avons toujours besoin de précisions. Je suis désolé de me répéter, mais nous voulons toujours qu’on nous explique comment cela sera mis en œuvre dans le cadre du projet de loi. Nous savons que nous devons effectuer des travaux. Nous aimons penser qu’il s’agit d’une chose positive. Le Manitoba a une population jeune qui a énormément de potentiel, surtout au sein de la communauté autochtone. Nous continuons de collaborer avec eux.

La présidente : Nous arrivons aux trois dernières questions. J’aimerais donner la parole aux collègues qui sont ici depuis le début.

Le sénateur Mockler : À des fins d’éclaircissements, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que vous avez quelques alliés, monsieur le ministre. J’ai eu la chance et l’honneur de participer à ces discussions pour la province du Nouveau-Brunswick. Les provinces de l’Atlantique ont écrit une lettre. Je vais lire un extrait de cette lettre, et j’aimerais ensuite que vous formuliez des commentaires. Les quatre premiers ministres provinciaux des provinces de l’Atlantique ont écrit une lettre au premier ministre du Canada, et voici un extrait:

Selon notre évaluation de la version actuelle du projet de loi C-69, les changements importants proposés à la portée et à l’échelle des évaluations environnementales fédérales au Canada ne permettront pas d’atteindre les deux objectifs liés à la protection environnementale et à la croissance économique.

Les auteurs poursuivent en disant:

Le projet de loi est également incompatible avec les principes de gestion commune prévus dans les lois de mise en œuvre des Accords de l’Atlantique et il introduit un pouvoir discrétionnaire considérable dans les processus de prise de décisions qui seraient prévisibles et fondés sur la science.

Aimeriez-vous formuler des commentaires sur ces extraits et relativement aux facteurs liés à la protection de l’environnement et à la croissance économique dont il faut tenir compte dans le projet de loi C-69?

M. Pedersen : Je suis d’accord.

Le sénateur Mockler : Merci.

Le sénateur D. Black : Selon mes calculs, à ce jour, huit provinces ont exprimé de graves préoccupations liées au projet de loi C-69. C’est la raison pour laquelle je suis si content de voir des représentants du Manitoba et des trois territoires ici aujourd’hui. Il reste seulement la Colombie-Britannique et le Québec, mais je ne suis pas sûr de leur position.

Je suis un sénateur de l’Alberta. De temps en temps, on parle de la possibilité d’avoir accès au pétrole canadien de l’Alberta en passant par Churchill. Quelles seraient les répercussions du projet de loi C-69 sur une telle initiative?

M. Pedersen : Il faudrait que je connaisse les résultats de l’évaluation environnementale à l’avance, mais je pense que ce serait très difficile.

Le sénateur D. Black : Merci beaucoup.

Le sénateur Pratte : Monsieur le ministre, je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Vous avez exprimé certaines préoccupations liées à la relation entre le savoir traditionnel des Autochtones et les connaissances scientifiques, c’est-à-dire que vous voulez savoir si ces deux notions pourraient se contredire. Je remarque qu’on ne mentionne pas les connaissances scientifiques dans les facteurs dont il faut tenir compte dans l’article 22, ce que je trouve un peu étrange.

Avez-vous réfléchi à la façon dont nous pourrions préciser cela dans la loi? J’ai l’impression qu’on traitera cette question au cas par cas, c’est-à-dire que si on se rend compte que les connaissances scientifiques ne correspondent pas au savoir traditionnel des Autochtones dans un projet particulier, le groupe de travail ou l’organisme responsable devra prendre une décision à cet égard. Je ne suis pas certain de la façon dont nous pouvons corriger ou préciser cela dans la loi.

M. Pedersen : Si vous me le permettez, je suis respectueusement en désaccord avec votre affirmation selon laquelle ces connaissances se contredisent, et que le savoir traditionnel...

Le sénateur Pratte : Je ne dis pas qu’elles se contredisent. Je dis qu’elles pourraient se contredire.

M. Pedersen : Au Manitoba, notre expérience nous a permis de conclure que ce qui fonctionne — et encore une fois, j’utiliserai l’exemple d’une société d’exploitation minière —, c’est que nous avons maintenant notre région d’Island Lake. Quatre collectivités travaillent avec une société d’extraction des ressources dans cette région, et ce sont ce qu’on appelle des zones rouges. Ce sont des régions traditionnelles; elles sont interdites. On les délimite en premier sur la carte, car peu importe les ressources qui s’y trouvent, le savoir traditionnel aura préséance.

Nous sommes très conscients du savoir traditionnel; c’est un facteur dont nous tenons compte, et c’est la raison pour laquelle nous menons les consultations prévues dans l’article 35. Toutefois, le processus débute bien avant cela, lorsque les promoteurs collaborent avec les collectivités au sujet des régions et du savoir traditionnels.

Le sénateur Pratte : Qu’est-ce qui vous préoccupe? Vous avez exprimé quelques préoccupations sur la façon dont on tiendrait compte des renseignements scientifiques, étant donné le fait qu’on tiendra également compte du savoir traditionnel — et c’est une bonne chose, je ne suis pas en désaccord avec cela.

M. Pedersen : Nous voulons veiller à ce que tous les facteurs relatifs au savoir traditionnel et aux connaissances scientifiques soient pris en compte. Comment définit-on le savoir traditionnel? C’est ce qu’il faut savoir. Cet élément pourrait être utilisé pour interrompre toute production potentielle. Existe-t-il une définition du savoir traditionnel? C’est ce qui nous préoccupe au sujet de la DNUDPA et sa mise en œuvre.

Je ne suis pas sûr qu’on puisse codifier cela dans une loi, car chaque collectivité est différente. Si on codifie cela dans une loi, c’est une mesure concrète, mais on ne travaille pas vraiment avec le savoir d’une collectivité s’il y a une loi à cet égard. En effet, le savoir traditionnel n’est pas une loi. Il se transmet d’une génération à l’autre.

Le sénateur Pratte : Merci.

La présidente : On m’a précisé que le mot « traditionnel » avait été éliminé. On parle maintenant de « savoir autochtone ».

J’aimerais remercier les témoins de la discussion intéressante que nous avons eue avec eux.

Chers collègues, ne partez pas. Nous aurons le prochain groupe de témoins pendant 30 minutes, et nous aurons ensuite une réunion à huis clos de 30 minutes.

Bienvenue à la troisième partie de cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-69.

Nous accueillons maintenant, de la Petroleum Services Association of Canada, M. Gary G. Mar, président et chef de la direction, et Duncan Au, président du conseil d’administration.

Je n’ai pas votre nom. Pourriez-vous vous présenter, s’il vous plaît?

Elizabeth Aquin, vice-présidente principale, Petroleum Services Association of Canada : Elizabeth Aquin, vice-présidente principale, Petroleum Services Association of Canada.

La présidente : Excellent. Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui. Je vous invite à livrer vos exposés. Nous passerons ensuite aux questions.

Gary G. Mar, président et chef de la direction, Petroleum Services Association of Canada : Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de formuler des commentaires sur cet enjeu extrêmement important pour notre industrie.

Le projet de loi C-69, dans sa version actuelle, aura de graves répercussions négatives sur le secteur des services pétroliers.

La petroleum Services Association of Canada, ou la PSAC, est une association professionnelle nationale qui représente les secteurs des services, de l’approvisionnement et de la fabrication au sein de l’industrie pétrolière. Nos membres fournissent des services en matière d’innovation et de technologie, ainsi qu’une expertise, aux explorateurs et producteurs d’énergie, soit les entreprises d’exploration et de production, ici au Canada et à l’échelle internationale.

L’industrie pétrolière et gazière représente plus de 500 000 emplois d’un bout à l’autre du Canada. Toutefois, ces emplois dépendent d’investissements de capitaux. Malheureusement, nous avons observé une baisse marquée de l’ordre de 50 p. 100 des investissements en capitaux, qui sont passés de 81 milliards de dollars en 2014 à tout juste 41 milliards de dollars en 2018.

Cela a entraîné des conséquences dévastatrices sur notre industrie. En effet, plus de 100 000 emplois ont été perdus, surtout au sein de la classe moyenne. Ils ont disparu depuis 2015 et il s’agissait notamment d’emplois dans des entreprises de fabrication qui travaillent pour les membres de la PSAC en Ontario et au Québec. Cela a eu des répercussions sur les travailleurs sur rotation du Canada atlantique et comme nous sommes le plus grand employeur d’Autochtones, cela les a également touchés.

Ce qui, au départ, à la fin de 2014, était un ralentissement causé par la faiblesse des prix des produits — une situation qui échappe au contrôle du gouvernement fédéral ou d’un gouvernement provincial —, a conduit à une importante fuite de capitaux en réaction à des choses sur lesquelles le gouvernement peut exercer un contrôle, dont la concurrence, l’incertitude réglementaire et les effets cumulatifs d’un moratoire relatif aux pétroliers, d’une norme sur les carburants propres, d’une réglementation visant à réduire les émissions de méthane, d’une taxe sur le carbone et, enfin, du projet de loi C-69.

Étant donné que nous n’arrivons pas à construire des infrastructures ou à régler des problèmes de concurrence, la fuite de capitaux se poursuit et nos prévisions sont sombres. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-69 ne fera qu’aggraver la situation.

Puisque dans sa forme actuelle, le projet de loi ne fournit pas la certitude réglementaire et les délais fermes que les investisseurs recherchent, nous continuerons de sacrifier des milliards de dollars en prospérité économique et en croissance et les emplois continueront d’aller vers d’autres pays.

J’aimerais maintenant céder la parole à M. Duncan Au, président du conseil d’administration de notre association et président et directeur général de CWC Energy Services Corp., une société ouverte qui fournit des services concernant les appareils de forage, les appareils d’entretien et les tubes spiralés.

Duncan Au, président du conseil d’administration, Petroleum Services Association of Canada : Merci, Gary.

Les répercussions d’une baisse aussi énorme des investissements en capitaux dans le secteur de l’énergie sont dévastatrices non seulement pour les travailleurs, mais également pour les entreprises. Bon nombre ont déjà été mises sous séquestre tandis que d’autres ne tiennent que par un fil. Pour survivre, de nombreuses entreprises cherchent des débouchés dans d’autres pays, où la technologie, l’expertise, l’équipement et les gens du Canada sont très prisés, des pays qui sont prêts à payer un juste prix.

Notre entreprise en est un exemple. Depuis ses débuts, en 2005, il s’agit d’une entreprise purement canadienne. En 2014, elle comptait 619 employés. À la fin de 2015, elle a réduit sa main-d’œuvre de 41 p. 100, à 366 employés. Au moment où les cours du pétrole commençaient à remonter dans la seconde moitié de 2016 et de 2017, et où nous pensions que le pire était derrière nous, CWC a investi 37,5 millions de dollars dans l’acquisition de l’un de ses concurrents et a augmenté le nombre d’employés à 768.

En 2018, cependant, les activités avaient beaucoup ralenti et le nombre d’employés a diminué de 25 p. 100, soit à 580 employés. Nous ne pouvons pas continuer à investir au Canada et voir notre croissance stagner en raison de politiques gouvernementales.

Malheureusement, de nombreuses sociétés d’énergie nationales et internationales ont déjà quitté le Canada ces cinq dernières années. C’est une perte tragique pour le pays et les emplois au Canada.

Nous devons être en mesure de rivaliser à l’échelle mondiale pour les investissements de capitaux. Par conséquent, nous devons éliminer l’incertitude et d’autres obstacles aux investissements; sinon, nous perdrons au profit d’autres pays.

Le Canada doit décider si oui ou non nous voulons produire notre pétrole et notre gaz. De telles décisions politiques et de politiques publiques ne devraient pas être prises dans le cadre de processus d’approbation réglementaire de projets. Ainsi, nous recommandons des amendements au projet de loi C-69 : éliminer la politisation du processus; rétablir des critères pour le statut d’intervenant; définir les critères de réussites quant à l’obligation de consulter; retirer l’évaluation des émissions de GES en aval; retirer la prise en compte de l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires; établir des délais fermes; et inclure une évaluation des retombées économiques.

Le projet de loi met beaucoup de choses en jeu pour notre industrie et l’ensemble du Canada, y compris des emplois, la prospérité économique et la croissance. Par conséquent, nous vous exhortons à utiliser votre pouvoir de second examen objectif pour pousser le gouvernement fédéral à apporter des corrections au projet de loi pour les Canadiens. Merci beaucoup.

La présidente : Nous passons tout de suite aux questions.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie tous de votre présence ce matin.

Nous associons habituellement votre association à l’Ouest du pays. Nous avons reçu de nombreux témoignages de la première ministre de l’Alberta, de l’opposition officielle en Alberta, de l’Assemblée législative de la Saskatchewan — tous considèrent que le projet de loi pose problème et s’opposent fortement à son adoption. Au départ, en dehors des Prairies, il ne semble pas y avoir eu le même type d’urgence au pays.

Bien entendu, votre organisation a des liens partout au pays. Constatez-vous que les Canadiens de la côte Est et d’ailleurs au pays sont plus conscients des problèmes que pose le projet de loi? Quel genre de rétroaction d’autres provinces que celles des Prairies vous fournissent-elles?

M. Mar : Notre association compte des membres partout au pays. Elle comprend des entreprises de partout, de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve-et-Labrador. De plus, un certain nombre d’entre elles ont des travailleurs sur rotation. De Calgary ou d’Edmonton à Toronto ou même à Ottawa, on verra des gens qui retournent à des endroits comme la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador. Ils sont conscients de l’importance qu’a le secteur de l’énergie pour d’autres régions du pays.

L’autre élément important, c’est le secteur manufacturier en Ontario et au Québec. Bon nombre d’entreprises dépendent du secteur de l’énergie dans le bassin sédimentaire de l’Ouest canadien pour les tuyaux ou l’acier qui vient de Sault Ste. Marie. Tenaris est l’un de nos membres. Une forte proportion des recettes de son usine de Sault Ste. Marie est liée au matériel qu’elle produit pour le secteur pétrolier et gazier.

Ce n’est pas une question qui touche uniquement l’Alberta ou l’Ouest canadien. Elle touche tout le pays. Nos membres et leurs fournisseurs nous disent à quel point la question de la santé du secteur pétrolier et gazier les préoccupe.

Le sénateur MacDonald : Je crois qu’il y a un manque de compréhension, mais je sais que les choses s’améliorent à cet égard. En fait, dans des endroits comme la Nouvelle-Écosse, beaucoup de gens travaillent directement pour le champ de pétrole même s’ils vivent en Nouvelle-Écosse.

J’ai vu les sept points que vous avez soulevés, monsieur Au. Concernant le premier, il s’agit de retirer la politisation du processus. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Au : Dans sa forme actuelle, à la fin, le projet de loi laisse entendre que la prise de décision relève du ministre de l’Environnement. Bien des travaux effectués jusque là... En fait, des milliards de dollars sont dépensés par certaines entreprises pour en arriver là.

Compte tenu du point de vue qu’un ministre aurait, et de sa capacité d’entendre le point de vue de tous les Canadiens, de même que de gens de l’extérieur, nous n’avons pas l’impression que le processus sera nécessairement objectif. Nous croyons qu’il s’agira d’un processus subjectif; après les études objectives menées par des spécialistes d’un point de vue réglementaire, on en arrivera à une décision subjective au bout du compte.

On peut alors se demander, du point de vue des investissements de capitaux, dès le départ, qui voudra investir un seul dollar dans un projet à l’issue incertaine qui se fonde sur un processus politisé?

M. Mar : Si vous me le permettez, j’ajouterais que l’un des objectifs du droit administratif est d’enlever aux politiciens la prise de décision politique et de la confier à des spécialistes. C’est ce que nous voulons, soit que des spécialistes puissent faire avancer le processus.

Le gouvernement a la responsabilité d’établir les paramètres que suit un tribunal administratif quasi judiciaire dans l’exercice de ses pouvoirs. Le problème que pose la politisation du processus, c’est qu’il y aura toujours des ministres, des députés, des membres de certains secteurs qui feront des pressions auprès du ministre pour qu’il exerce sa compétence d’une certaine manière. Il en résultera que les questions d’intérêt national seront reléguées au second plan par rapport aux intérêts politiques.

À mon sens, si l’on ne veut pas que le Cabinet du premier ministre, des ministres ou d’autres acteurs exercent des pressions indues sur un ministre, alors on ne devrait pas faire cela. Ce que nous voulons vraiment, c’est que les projets qui servent l’intérêt national puissent résister aux aspirations individuelles d’un député, voire d’un groupe de députés. Voilà pourquoi le processus ne doit pas être politisé.

La sénatrice Simons : Monsieur Mar, je me rappelle de l’époque où vous étiez politicien, où vous étiez le ministre de l’Environnement de l’Alberta. J’ai fait une recherche dans Google avec votre nom et « changement climatique » et j’ai trouvé une citation.

Lorsqu’il s’agit de la question du changement climatique, la neutralité n’existe pas. Il ne peut y avoir de spectateurs.

Vous avez dit cela, je crois, il y a longtemps. Vous avez été ministre de l’Environnement. Vous savez à quel point une évaluation rigoureuse des impacts environnementaux de tout projet est essentielle.

Si vous croyez que les mesures législatives actuelles politisent trop le rôle du ministre, à quel moment le ministre responsable élu démocratiquement devrait avoir un rôle à jouer lorsqu’il s’agit de déterminer quels projets sont mis en œuvre et lesquels ne le sont pas?

M. Mar : Il est très important qu’un ministre de la Couronne doive être en mesure d’établir et de défendre le type de mesures législatives qui sont sensées et nécessaires à l’exercice des fonctions et des responsabilités du portefeuille. Cet aspect est clair.

Je ne voudrais pas que la compétence ou la discrétion ministérielles bloquent un projet exclusivement pour des facteurs environnementaux. Quand j’étais ministre de l’Environnement, il y avait trois domaines de politique publique différents: l’énergie, l’environnement et le développement économique. Ces trois domaines étaient distincts. Aujourd’hui, nous comprenons que, dans un diagramme de Venn, nous voulons voir des chevauchements, car tout développement économique ne va pas sans l’accès à une énergie abordable et fiable. On ne peut développer des énergies, quelles qu’elles soient, y compris les énergies renouvelables, sans qu’il n’y ait d’effets sur l’environnement. Nous recherchons une harmonie et une symbiose entre ces trois questions de politique publique.

Si vous me demandez si je maintiens ce que j’ai dit en 1999, eh bien, oui. Il est important qu’un ministre de l’Environnement se prononce sur des questions liées à l’environnement. Cela ne signifie pas que je souhaiterais que l’autorité, la compétence ou la discrétion d’un ministre bloquent un projet uniquement en fonction de facteurs environnementaux.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie de votre présence. Merci de votre exposé.

J’ai deux ou trois questions. Vous avez énuméré sept éléments. Il y avait entre autres l’idée d’inclure l’évaluation des retombées économiques, et je suis complètement d’accord avec vous. Je crois que vous en avez très bien parlé. L’une des autres idées consiste à retirer l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre en aval. Il y a peut-être quelque chose que je n’ai pas compris, mais pourriez-vous m’expliquer un peu de quoi il s’agit? Ensuite, vous avez parlé de l’idée de rétablir des critères pour le statut d’intervenant — je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais j’aimerais que vous donniez plus de détails.

M. Mar : Lorsque nous examinons les répercussions environnementales telles que définies dans le projet de loi, nous devons tenir compte de la façon dont les utilisateurs du produit que nous produisons — soit des énergies fossiles — l’utilisent. Les émissions de GES sont comptées dans le cadre de l’évaluation environnementale. Je crois que c’est absurde. Nous ne demanderions pas à Bombardier de rendre compte de la manière dont ses avions sont utilisés dans un autre pays et des émissions de GES. Nous ne demanderions jamais à Ford, à Oakville, de faire la même chose avec les voitures et les camions qu’elle produit.

Nous croyons qu’il est inapproprié que cela soit pris en compte dans les répercussions environnementales de cette industrie, de la distinguer d’autres industries.

En ce qui a trait au statut d’intervenant, je n’ai pas l’avantage de parrainer le projet de loi. Je ne l’ai pas lu autant en détail que le sénateur Mitchell. D’après ce que j’ai lu, le statut d’intervenant sera accordé à n’importe qui. Toute personne qui veut être de la partie pourra s’exprimer au sujet du projet de loi. En permettant cela, on permettra à une foule de gens qui ne sont pas directement touchés par un projet proposé de se prononcer, dont certains qui sont financés par des organismes étrangers et certains qui n’ont peut-être aucun lien avec le projet, à part qu’ils veulent retarder les choses.

Un tel privilège de se voir accorder le statut d’intervenant ne devrait être réservé qu’aux Canadiens qui sont touchés par le projet. Cela contribuerait à accélérer le processus. Sinon, on se retrouvera dans une situation où un grand nombre de personnes diront quelque chose au sujet d’un projet qui, honnêtement, ne serait pas particulièrement probant.

La présidente : Je vais poursuivre dans la même veine, mais auparavant, monsieur Au, vous avez dit que des milliards de dollars en investissements ont été perdus ces cinq dernières années. Cela n’a rien à voir avec le projet de loi C-69, mais avec les mesures précédentes. Je voulais seulement le préciser.

En ce qui concerne votre point sur les intervenants, ce que vous dites est intéressant. Vous dites que pour des projets nationaux, nous ne devrions pas être un frein. Vous dites que des gens qui ne sont pas touchés se rendent à un endroit pour empêcher la mise en œuvre du projet. Or, par exemple, si quelque chose se produit sur la côte de la Colombie-Britannique et touche les Albertains parce qu’ils ne pourront alors pas acheminer leur pétrole jusqu’à la côte, devrions-nous dire aux Albertains de ne pas venir parce que c’est un projet qui ne concerne que la côte de la Colombie-Britannique? J’y vois une petite contradiction.

M. Mar : Je comprends votre point de vue. Ce n’est pas tout à fait ce que j’ai dit. Les Canadiens qui sont réellement touchés devraient pouvoir obtenir le statut d’intervenants. Dans le cas d’une société albertaine qui produit du pétrole et du gaz, s’il y a un projet de pipeline en Colombie-Britannique, de toute évidence, il y a un lien entre la pétrolière albertaine et l’approbation du projet de pipeline.

C’est moi, en fait, qui ai dit qu’entre 2014 et 2018, les investissements dans le secteur avaient diminué de façon importante. Je crois que ce que le ministre du Manitoba a dit est probant, car il a parlé de l’incertitude que crée le processus du projet de loi C-69. Personne n’investira un milliard de dollars dans un projet sans connaître toutes les conditions pertinentes contenues dans le projet de loi.

Je dois reconnaître que la chute des investissements de 2014 à 2018 était en partie attribuable à des éléments hors du contrôle du gouvernement. Nous n’avons aucun contrôle sur l’exportation de pétrole depuis l’Arabie saoudite. C’est la même chose pour le ralentissement de la demande en Chine. Il y a toutefois un constat différent à faire lorsqu’on voit l’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada (OIRPC) former avec Williams une coentreprise de 3,8 milliards de dollars pour le fractionnement du gaz de schiste. Les décisions de notre propre régime de pensions témoignent du fait que l’incertitude réglementaire découlant de la loi en vigueur et du projet de loi C-69 refroidit les ardeurs des investisseurs au Canada. L’OIRPC a en effet plutôt choisi d’investir aux États-Unis. Ceux-ci produisent davantage de pétrole que jamais auparavant et figurent maintenant au deuxième rang, et peut-être même au premier, parmi les exportateurs de pétrole dans le monde. Il est en effet possible qu’ils aient dépassé l’Arabie saoudite.

À la lumière de l’expérience de Duncan et de ce qu’on peut observer dans le secteur privé, je peux vous dire qu’une grande partie des ressources en équipement, en capital humain, en ingéniosité et en avancées technologiques développées au Canada traversent maintenant la frontière. On ne voit aucune mesure dans le projet de loi C-69 qui serait susceptible de freiner cet exode de capital humain, de haute technologie et d’argent.

La présidente : Nous avons demandé à nos témoins précédents s’ils avaient établi une comparaison entre la situation avec la loi en vigueur et celle que créerait ce projet de loi. Vous êtes-vous livrés à cet exercice?

M. Mar : Non.

La présidente : Merci.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui. Je peux vous dire que le 8 février dernier, j’ai tenu à Drayton Valley une assemblée citoyenne à laquelle ont participé des gens qui sont sans doute membres de votre association. Comme c’était au lendemain de la manifestation concernant le parc Big Horn, je peux vous assurer que les gens étaient à cran. Nous avons toutefois eu d’excellents échanges. J’étais stupéfaite d’entendre un intervenant dire qu’il avait l’impression que c’était sans espoir. On nourrissait un certain espoir, mais on semble maintenant l’avoir perdu. Comme le disait le préfet du comté de Brazeau : « Ma dépression est maintenant en dépression. » Les Albertains conservent tout de même leur grand sens de l’humour.

Je veux que vous sachiez bien que je comprends tout à fait la souffrance de tous ces gens qui travaillaient du côté de l’offre dans des entreprises autrefois florissantes qui doivent maintenant fermer leurs portes parce qu’il ne semble pas y avoir de perspectives d’avenir.

J’ai noté l’une de vos recommandations. Je crois que c’était la recommandation no 6, mais j’ai peut-être perdu le compte, car vous alliez un peu vite. Vous recommandiez donc un amendement prévoyant la prise en compte des retombées économiques. Dans l’objet du projet de loi — et je crois qu’il a été modifié depuis la première mouture — on indique clairement que l’on veut protéger les composantes de l’environnement et les conditions sanitaires, sociales et économiques. C’est au paragraphe B. Et au paragraphe C, on précise que l’on tiendra compte des effets « qu’ils soient positifs ou négatifs ». Je pense que ce sont des ajouts qui ont été effectués. Mais si l’on juge que cela n’est pas suffisant, quelles nouvelles modifications pourrions-nous apporter à ce projet de loi pour assurer la prise en compte des effets positifs sous la forme de retombées économiques ainsi que des impacts sur l’environnement? Je ne crois pas que la Loi sur l’évaluation environnementale de 2012, celle actuellement en vigueur, tienne compte du tout des facteurs économiques. Je pense que l’on se préoccupait uniquement par le passé de l’impact environnemental. Le présent projet de loi vise en quelque sorte à élargir la portée de ces évaluations. Que recommanderiez-vous, monsieur Au?

M. Au : Je veux simplement dire que nous avons effectivement des activités dans le secteur de Drayton Valley. Nous sommes actuellement témoins d’un grand nombre de vols dans cette localité. C’est une situation qui perdure depuis plusieurs années déjà. Il y a quelques jours à peine, quelqu’un est entré par effraction sur notre terrain pour voler un silencieux sur l’un de nos camions. Un silencieux.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Les gens souffrent en Alberta.

M. Au : Ils souffrent bel et bien, mais je voudrais que l’on se demande si ce n’est pas le Canada qui a créé lui-même ce problème de manque d’investissements. Les autres pays producteurs n’ont pas un problème semblable. Leur secteur énergétique est en plein épanouissement. Si vous voulez comprendre pourquoi cela se produit au Canada, mais pas nécessairement ailleurs dans le monde, il ne fait aucun doute que c’est du côté des investissements que vous devez regarder. En 2018, nos clients, soit les entreprises d’exploration et de production, ont réuni moins de 500 millions de dollars en capital de risque, soit le niveau le plus bas depuis 1993, il y a 25 ans. Jusqu’ici en 2019, c’est totalement nul. Il faut s’inquiéter de cette tendance qui voit les investisseurs aussi bien canadiens qu’étrangers fuir ce secteur au Canada.

Cela se traduit dans les faits par des situations où l’on voit ces gens dont on suppose qu’ils travaillent dans le secteur énergétique devoir s’en remettre à des solutions comme le vol en s’en prenant à des entreprises qu’ils croient être en meilleure posture qu’eux-mêmes. C’est une tendance extrêmement préoccupante que l’on peut observer depuis plusieurs années dans le secteur énergétique.

La sénatrice LaBoucane-Benson : La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 n’a pas permis d’atteindre les objectifs visés. Nous sommes maintenant saisis du projet de loi C-69 que nous souhaitons améliorer le plus possible de telle sorte que nous puissions, en Alberta, reprendre le chemin de l’emploi et pouvoir envisager l’avenir avec optimisme. Quelles modifications devrions-nous apporter à ce projet de loi pour veiller à ce que les facteurs économiques soient bel et bien pris en compte dans le processus d’évaluation?

M. Mar : Ayant été moi-même législateur, tout comme les sénateurs Neufeld, Mitchell et Mockler l’ont été également, je n’ignore pas que c’est un exercice toujours périlleux. Nous pouvons compter sur tout un contingent de spécialistes au ministère de la Justice qui préparent les mesures législatives dont nous avons besoin. Je peux simplement vous dire dans ce contexte que nous recherchons pour notre part un juste équilibre au titre des trois enjeux primordiaux que représentent l’approvisionnement énergétique, la protection de l’environnement et le développement économique. Il faut qu’il y ait chevauchement entre les trois à l’intérieur de ce processus, ce qui exige la prise en compte des impacts économiques. Si nous considérons seulement l’aspect environnemental, il est bien certain que nous n’irons jamais de l’avant.

J’ajouterais que le projet de loi C-69 n’est pas l’unique responsable. En géologie, on utilise le terme « accrétion » pour désigner l’accumulation de couches de sédiments. L’accrétion de couches législatives compliquant la vie à l’industrie pétrolière et gazière se poursuit, que ce soit avec le projet de loi C-48, le projet de loi C-69, ou les différentes mesures prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment via la tarification du carbone. Ces enjeux pourraient être pris en charge par un secteur des hydrocarbures assumant pleinement ses responsabilités. Nous demandons au Sénat de prendre en considération dans son étude du projet de loi ce phénomène d’accrétion qui se poursuit sans que l’on tienne compte des effets cumulatifs de toutes ces mesures.

La présidente : Merci beaucoup. Nous n’avons plus de temps.

Le sénateur Massicotte : Merci d’être des nôtres aujourd’hui. Je sais que la situation est extrêmement difficile en Alberta. J’ai été un intervenant actif dans cette province pendant des décennies. J’ai vécu la crise de 1981. Je veux qu’une chose soit bien claire, car nous sommes en train de dire que le projet de loi C-69 est l’unique responsable de la situation. Vous avez sans doute pris connaissance de l’excellent article de Peter Tertzakian paru dans l’édition du 6 mars dernier du Financial Post. Il y indique que nous ne sommes pas les seuls à beaucoup souffrir de la conjoncture actuelle; les investissements dans le secteur des hydrocarbures aux États-Unis ont également chuté de 75 p. 100. Les enjeux sont considérables. Je ne veux donc pas m’en prendre uniquement au projet de loi C-69, d’autant plus que je conviens de la nécessité d’y apporter des modifications, ce qui ne manquera pas de vous réjouir. Je voulais simplement situer un peu les choses dans leur contexte.

Je suis d’accord avec la plupart de vos revendications. Lors de notre première séance à ce sujet, nous avons accueilli les sous-ministres. Il y en avait cinq ou six. La plupart des questions que vous avez soulevées aujourd’hui ont été abordées lors de cette séance initiale. Il en va de même de l’Association canadienne des producteurs pétroliers qui rendra publiques sous peu ses observations ainsi que d’autres faisant suite aux commentaires du ministre. Il a notamment été question du statut d’intervenant. La loi indique que chacun doit pouvoir exprimer ses préoccupations. Lorsque nous avons posé la question aux sous-ministres, on nous a répondu que dans la réalité actuelle des nouvelles études d’impact menées un peu partout dans le monde, il est devenu à peu près chose courante que chacun ait le droit de formuler ses observations, et qu’il fallait surtout que l’agence puisse gérer efficacement ces contributions. Autrement dit, cela ne veut pas dire que chacun aura droit à une rencontre avec le ministre parce qu’il a un commentaire à faire. C’est essentiellement une confirmation du droit de s’exprimer en précisant que la contribution de chacun devra être reconnue d’une manière ou d’une autre. Mais si on offre à l’agence la souplesse voulue, ce qui semble être l’intention, et si nous pouvions ajouter quelques précisions à la loi afin qu’il soit bien clair que l’agence est autorisée à mettre en place un processus lui permettant de fonctionner efficacement sans être submergée par toutes ces observations. Je pense que nous pouvons y parvenir en ajoutant quelques précisions à la loi. Voulez-vous nous dire ce que vous en pensez?

M. Mar : Si c’est l’objectif visé, cela correspond à la manière dont les législateurs procèdent déjà. Les élus acceptent déjà toutes les formes d’observations qui leur sont soumises, aussi bien à leur bureau de circonscription qu’à leur cabinet ministériel. Si vous souhaitez officialiser le tout, je ne crois pas que ce soit problématique. Je ne vois pas ce qui pourrait nous empêcher de permettre à chacun d’avoir son mot à dire, en reconnaissant que la contribution de certains sera peut-être plus pertinente.

Le sénateur Massicotte : Le destinataire pourra toujours en juger. Il est peut-être nécessaire de préciser que l’agence pourra organiser le tout sans qu’une rencontre soit nécessaire, mais je crois que l’on peut arriver assez facilement à une solution satisfaisante.

Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs Mar et Au ainsi que Mme Aquin. Je veux seulement souligner que M. Mar et moi-même avons été membres de l’Assemblée législative de l’Alberta pendant environ une décennie. C’était en tout cas une assez longue période, mais ce sont de bons souvenirs. Nous étions alors des adversaires, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, car nous souhaitons tous les deux la croissance de l’économie de l’Alberta et du Canada. Je tiens à vous féliciter pour les arguments très probants que vous nous avez exposés quant à la précarité de la situation actuelle en Alberta et à l’importance capitale que revêt cette province pour le maintien de la vigueur économique et de la trame sociale de notre nation. Tout cela était extrêmement convaincant.

Monsieur Mar, vous avez parlé de dépolitisation, et M. Au également. Vous souhaitez tous les deux que les politiciens se mêlent le moins possible de ce processus. Je me demande si vos revendications sont les mêmes dans le cas de l’Alberta lorsqu’on considère la loi albertaine sur la mise en valeur responsable des ressources énergétiques. L’article 54 de cette loi indique clairement que le ministre peut en tout temps soumettre un projet au lieutenant-gouverneur en conseil pour qu’il rende une décision; comme vous le savez, le lieutenant-gouverneur en conseil, c’est le Cabinet. À mes yeux, il y a donc des décisions politiques qui sont prises concernant les projets en Alberta.

M. Mar : J’ai l’impression que c’est une situation qui ne vous plaisait guère à vous non plus lorsque vous étiez chef de l’opposition.

Le sénateur Mitchell : Il faudrait vérifier. Je ne sais plus trop.

M. Mar : Permettez-moi de vous répondre, sénateur, très respectueusement. Nous avons déjà discuté, vous et moi, de ce projet de loi. Vous avez indiqué qu’il était possible d’apporter les ajustements nécessaires par voie de règlement et d’accomplir différentes choses par l’entremise du Cabinet. Je me souviens très bien vous avoir entendu dire, alors que vous étiez chef de l’opposition, qu’il était problématique de procéder par l’intermédiaire du Cabinet, car on quitte ainsi la tribune publique qu’offre le processus parlementaire pour se retrouver derrière des portes closes. Nous pourrions toujours discuter de la pertinence de la loi albertaine, mais cela n’est pas vraiment du ressort de votre comité. Je disais que nous n’allons pas faire d’exception pour l’agence de réglementation en matière énergétique de l’Alberta. Si elle souhaite procéder d’une telle manière, nous allons nous y opposer également. Notre association n’est pas partisane. Cela ne signifie pas qu’elle est apolitique. Nous commentons ces différents dossiers ayant une teneur politique, mais nous n’allons pas essayer de faire valoir que le gouvernement au pouvoir fait fausse route ou est sur la bonne voie. Nos revendications seraient les mêmes : nous préconiserions un processus ouvert par voie parlementaire, plutôt qu’une prise de décisions derrière les portes closes du Cabinet.

Le sénateur Mitchell : Vous rendez-vous compte que les éléments qui relèveront du pouvoir décisionnel du Cabinet seront très clairement définis lorsque l’on va désormais procéder ainsi derrière des portes closes. Le Cabinet devra motiver clairement sa décision en indiquant sur quels facteurs elle est fondée. Tout cela sera du domaine public. Ce n’était certes pas le cas en Alberta.

Permettez-moi d’aborder un autre aspect de cette problématique. Ne croyez-vous pas — en votre qualité d’ancien politicien et ministre — qu’il peut se produire une situation où vous pourriez vouloir faire fi d’une décision défavorable rendue à l’issue d’un processus d’évaluation par des experts techniques qui ont peut-être été nommés par un gouvernement précédent, ce qui pourrait arriver en novembre, juin ou juillet prochain? Et qui exactement pourrait le faire? Ne seriez-vous pas tenté en tant qu’ancien ministre du Cabinet de voir à ce que cela se fasse? Qui d’autre pourrait s’en charger?

M. Mar : À titre de ministre de la Couronne, il est toujours difficile de résister à la tentation d’exercer son pouvoir discrétionnaire de la manière que vous suggérez. Lorsqu’on s’oppose à une loi et à une façon de faire les choses, il serait plus approprié de s’en remettre aux instances législatives pour que les changements nécessaires soient apportés dans le cadre d’un processus ouvert.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Mockler : J’ai eu l’honneur de travailler avec M. Mar au sein du gouvernement. Je sais à quel point il jouit d’une crédibilité exceptionnelle. Voilà maintenant plus de 15 ans que nous ne nous sommes pas croisés, et je veux profiter de l’occasion à titre de sénateur pour reconnaître ses mérites.

Comme l’a déjà dit Winston Churchill, il faut toujours chercher à être juste et cohérent dans ses décisions, mais si l’on doit choisir entre les deux, il vaut mieux être juste.

Dans ce contexte, je vous invite à visiter le site web des quatre premiers ministres de l’Atlantique qui partagent tous les préoccupations que vous avez mises de l’avant. Vous demandez des amendements. Je dirais, comme le faisait valoir M. Churchill, que nous devons essayer de faire ce qui est juste avec le projet de loi C-69. Permettez-moi de vous lire un extrait d’une lettre adressée au premier ministre du Canada par les quatre premiers ministres de l’Atlantique, trois libéraux et un conservateur, après quoi je vous demanderai de commenter :

Nous estimons que le projet de loi C-69 dans sa forme actuelle propose des changements considérables à la portée et à l’envergure des évaluations environnementales menées par le gouvernement fédéral qui ne permettront pas d’atteindre le double objectif de protection de l’environnement et de croissance économique.

Et on peut lire dans un autre paragraphe :

Il est particulièrement préoccupant de constater que le projet de loi dans sa forme actuelle confère le pouvoir décisionnel final au ministre ou au gouverneur en conseil en leur permettant d’opposer leur veto aux résultats d’une évaluation scientifique fondée sur un examen minutieux des données probantes.

Si l’on recherche à la fois la protection de l’environnement et la croissance économique, quelles recommandations devrait-on formuler dans la foulée de ces commentaires des premiers ministres de l’Atlantique pour contribuer à l’atteinte des objectifs visés?

M. Mar : Je suis tout à fait d’accord avec les points de vue exprimés par les premiers ministres concernant le projet de loi C-69 dans sa forme actuelle.

Le sénateur Patterson : Merci de votre présence aujourd’hui. Parmi les modifications que vous recommandez pour ce projet de loi, vous avez indiqué que l’on ne devrait plus prendre en considération l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires. Je viens tout juste de vérifier la définition d’ « interaction » dans le Grand Robert. On indique que c’est l’action réciproque de deux ou plusieurs phénomènes. Antidote parle pour sa part d’une force physique qui s’exerce entre les constituantes de la matière. On sait par ailleurs que les « facteurs identitaires » sont ceux qui déterminent le caractère essentiel et permanent d’une personne ou d’une chose.

J’aimerais que vous nous disiez si vous comprenez ce qu’on entend par l’interaction du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires et que vous nous indiquez pour quelle raison vous recommandez que cet élément soit retiré du projet de loi. Soit dit en passant, je ne comprends pas moi-même ce que cela signifie. Je crois qu’une disposition semblable nous expose à des poursuites. Pouvez-vous donc nous indiquer ce que cela veut dire selon vous et pourquoi vous en recommandez la suppression?

Mme Aquin : Je vous remercie. Je pense que vous frappez en plein dans le mille. Bien des gens n’ont aucune idée de ce que cela peut vouloir dire, surtout par exemple dans le contexte d’un projet de construction d’un pipeline. Il y a un problème de clarté qui continue de se poser. Qu’est-ce que cela signifie et y a-t-il des critères applicables à ce sujet? Existe-t-il des facteurs de réussite? Comment une entreprise peut-elle s’assurer qu’elle satisfait bel et bien à ces critères?

La présidente : Je reviens tout juste d’un voyage en Équateur. Nous discutions justement de ce genre de dispositions. Pour certains, tout cela est très clair. On voit très bien comment les choses se passent lorsque, par exemple, l’installation d’un camp abritant 3 000 travailleurs de sexe masculin perturbe le tissu social. Le gouvernement procède déjà à une analyse sexospécifique pour chaque loi. Je ne sais pas dans quelle mesure on est suffisamment avancé dans ce processus pour que cela devienne compréhensible pour chacun, mais nous allons convoquer des témoins qui pourront nous expliquer tout cela.

La sénatrice McCallum : Merci pour vos exposés. Je voulais traiter de votre recommandation concernant les critères de réussite à définir pour ce qui est de l’obligation de consulter. Je conçois très difficilement que l’on puisse proposer une telle chose surtout quand on sait que les entreprises en place depuis longtemps ont déjà établi un cadre quelconque pour la collaboration avec les Autochtones. Ce cadre doit comprendre une évaluation des impacts avec toutes les variables pertinentes, y compris l’évolution du taux de criminalité en fonction des périodes d’expansion et de ralentissement, car tout cela fait partie des déterminants sociaux de la santé dans un contexte d’exploitation des ressources naturelles. Il faut considérer ces éléments ainsi que les effets des activités d’exploitation pour une communauté. Dans certains cas, l’influx de nouveaux arrivants submerge le réseau de la santé à un point tel que les résidants locaux ne peuvent plus y avoir accès.

Le prix des maisons augmente, ce qui rend les choses encore plus difficiles pour les gens de la communauté. Il en va de même du prix des aliments.

La vie devient plus compliquée pour tout le monde en raison de cet afflux de travailleurs qui vont être là pendant une certaine période avant de repartir. On demeure aussi aux prises avec la criminalité qui en résulte.

L’évaluation des impacts doit donc être prise en compte dans l’application définitive de l’obligation de consulter pour savoir s’il y a consentement ou non.

Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez exactement par la définition de critères de réussite quant à l’obligation de consulter?

M. Mar : Merci, madame la sénatrice. Je crois qu’il s’agit là d’un enjeu vraiment important auquel un grand nombre d’entreprises accordent beaucoup d’attention.

Je veux d’abord préciser qu’il est avantageux pour tous les Canadiens que nous stimulions notre activité économique. Tout le monde va en sortir gagnant.

Le pétrole brut et le bitume comptent pour 17,5 p. 100 des exportations du Canada. Cela représente près du cinquième de la valeur de nos exportations. Nous exportons 3,3 millions de barils de pétrole par jour, surtout en provenance de l’Alberta, mais depuis d’autres régions du pays également. En raison de nos infrastructures actuelles, nous n’avons qu’un seul marché d’exportation et c’est celui des États-Unis.

Comme nous n’avons accès qu’à un marché unique, nous vendons notre baril de pétrole à un prix réduit. Parallèlement à cela, en raison de ce même problème de manque d’infrastructures, nous devons importer au prix fort 800 000 barils de pétrole par jour. Ce pétrole nous arrive d’endroits comme les États-Unis, l’Algérie, le Nigeria et l’Arabie saoudite. Il est transporté par des pétroliers qui empruntent la Voie maritime du Saint-Laurent.

Nous ne sommes pas des exploitants de pipelines. Nous sommes en amont. J’ai à l’esprit deux dossiers où des efforts considérables ont été déployés pour bien comprendre le point de vue des Premières Nations vivant le long du parcours des deux pipelines en question. Il y a celui de Trans Mountain, un pipeline déjà en place dont on voudrait accroître la capacité.

Ian Anderson, le président de Kinder Morgan, a sans doute consacré la plus grande partie de son temps à des rencontres avec les Autochtones sur l’itinéraire de son pipeline. Il voulait essayer de comprendre quels seraient les effets sur les différentes communautés touchées et déterminer les moyens à privilégier pour faire en sorte que le dénouement soit favorable aussi bien pour Kinder Morgan que pour les Premières Nations concernées.

Il y a aussi l’exemple de Coastal GasLink, une filiale de TransCanada Pipeline, qui veut transporter du gaz naturel jusque sur la côte Ouest. Toutes les bandes indiennes le long du parcours de l’oléoduc ont signé une entente avec Rick Gateman, le président de Coastal GasLink. Les seuls à s’y opposer sont une poignée, même pas majoritaire, de chefs héréditaires de la Première Nation Wet’suwet’en sur la côte Ouest.

Notre processus doit permettre la prise en compte de tous les facteurs que vous avez relevés. Les entreprises font des pieds et des mains pour essayer de comprendre ce que cela signifie et d’insuffler une forme concrète à ces objectifs ambitieux, mais elles ressentent une certaine frustration du fait que la ligne d’arrivée leur semble floue.

Nous encourageons le Sénat à se pencher sur cet aspect des choses, car notre secteur est le plus important employeur au pays pour les Autochtones. En outre, plusieurs entreprises appartenant à des Autochtones bénéficient des retombées du secteur pétrolier et gazier.

Nous voulons qu’ils puissent prospérer et que notre industrie puisse en faire tout autant, et il faut pour ce faire régler ces questions au moyen d’un projet de loi comme le C-69 de telle sorte que tout le monde en bénéficie.

La présidente : Je remercie nos témoins pour ces échanges des plus intéressants. Nous n’avons malheureusement plus de temps.

(La séance est levée.)

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