Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 4 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui à 8 heures, en public et à huis clos, pour étudier ce projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez, je suis une sénatrice indépendante de la province du Québec et je préside ce comité.

Je demanderais maintenant à mes collègues de se présenter, en commençant à ma gauche.

[Traduction]

Le sénateur Richards : David Richards, Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice LaBoucane-Benson : Patti LaBoucane-Benson, de l’Alberta.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l’Alberta.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du Manitoba.

La sénatrice McCoy : Elaine McCoy, de l’Alberta.

[Français]

La présidente : J’aimerais également vous présenter Sam Banks et Jesse Good, nos recherchistes, de même que la greffière de notre comité, Mme Maxime Fortin.

[Traduction]

Chers collègues, nous poursuivons aujourd’hui notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Aujourd’hui, nous recevons Francyne Joe, présidente, et Adam Bond, conseiller juridique, Environnement, entreprise et citoyenneté de l’Association des femmes autochtones du Canada. Par vidéoconférence, nous accueillons Kluane Adamek, chef régionale, Yukon, et Graeme Reed, conseiller principal, Environnement de l’Assemblée des Premières Nations.

Merci de vous joindre à nous. Je vous invite chacun à présenter votre exposé, puis nous passerons aux questions et réponses.

Kluane Adamek, chef régionale, Yukon, Assemblée des Premières Nations : Merci. Je vous remercie de me donner l’occasion de me joindre à vous ce matin. Il est 5 heures ici, et je me suis donc levée tôt, mais c’est un sujet important dont nous discutons ce matin. Comme cela a été mentionné, je suis la chef régionale du Yukon, chef d’une petite Première Nation du Yukon, la Nation de Kluane, qui est visée par un traité moderne.

L’une des choses auxquelles j’ai réfléchi, hier, c’est à quel point il est important de s’assurer que les Premières Nations participent à ce processus. Ce que nous avons constaté à l’échelle du pays au cours des deux dernières années, c’est la participation active des Premières Nations, et ce, partout au pays. Venant d’une Première Nation nordique, nous sommes de fiers gens du Nord, et notre processus d’évaluation reflète nos besoins au Yukon. Il y a des processus actuellement en vigueur au pays qui non seulement ont déjà prouvé la viabilité des mécanismes, mais ont aussi permis d’accroître le niveau de certitude et de veiller à ce qu’on adopte un point de vue équilibré en matière d’élaboration, grâce à la participation de ceux qui seront directement touchés.

En guise d’introduction, je tiens à dire que le Canada a beaucoup à apprendre de ce qui se passe dans le Nord, précisément au sujet de l’élaboration et du processus dont nous pouvons nous charger ensemble afin d’assurer un développement durable au cours des prochaines années.

Chers membres du comité, amis et parents, merci de m’avoir invitée à communiquer les points de vue de l’Assemblée des Premières Nations au sujet du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Je tiens à souligner la présence de mon amie et collègue, la présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, Francyne Joe, qui est parmi vous, en personne, ainsi qu’à souligner la participation de Graeme et Sara, qui m’accompagnent et comparaissent eux aussi au nom de l’Assemblée des Premières Nations.

Durant ma déclaration préliminaire, je vais mettre l’accent sur deux choses. Premièrement, la façon dont nous en sommes arrivés ici; la participation des Premières Nations aux évaluations environnementales et réglementaires, le mandat que plus de 634 de nos chefs et assemblées nous ont conféré, le rôle de l’Assemblée des Premières Nations à cet égard et la raison pour laquelle il ne faut pas avoir peur du projet de loi. Les considérations liées aux Autochtones dans les lois sont nécessaires au respect des obligations constitutionnelles du Canada.

Comme on l’a mentionné, c’est un processus qui a commencé il y a plus de deux ans grâce à la participation active des Premières Nations à l’échelle du pays. L’éviscération des lois environnementales en 2012 dans le projet de loi omnibus présenté par le gouvernement précédent a exclu les Premières Nations des processus de planification et de prise de décisions liées à leurs terres, leurs eaux et leur territoire. Cette décision a été et continue d’être un enjeu central dans le cadre des conflits liés aux ressources, des litiges et des contestations. Comme je l’ai mentionné, je viens du Nord, et, dans le projet de loi S-6 — et je sais que bon nombre d’entre vous le connaissent —, l’Office national de l’énergie a tenté d’éliminer des processus qui, comme je l’ai déjà dit, existaient dans le Nord, par exemple au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Des litiges ont été intentés ici même, sur mon territoire natal, des litiges qui sont maintenant liés directement au nouveau projet de loi que nous avons devant les yeux et qui apporte des modifications touchant l’Office national de l’énergie.

Avec un optimisme prudent, en juin 2016, les Premières Nations ont participé de façon importante aux examens législatifs qui ont jeté les bases du projet de loi que vous avez devant les yeux. Des centaines de mémoires et d’exposés oraux ont été présentés au comité d’experts par des membres des Premières Nations en réaction au document de travail et à l’étude du projet de loi par le comité de la Chambre des communes. Ce travail collectif illustre bien la refonte complète des principales lois et principaux règlements en matière environnementale telle qu’envisagée par les Premières Nations. Des notions comme les compétences, les droits inhérents et garantis par la Constitution, les relations nation à nation et la réconciliation sont constamment soulevées.

Les Premières Nations ont accueilli favorablement bon nombre des changements proposés qu’apporterait le projet de loi C-69, y compris la prise en compte obligatoire du savoir autochtone, l’évaluation nécessaire des répercussions sur les droits et les occasions décisionnelles et réglementaires pour les gouvernements des Premières Nations de réaliser les évaluations d’impact eux-mêmes. Malheureusement, les préoccupations des Premières Nations ne sont pas dissipées dans le projet de loi actuel. Certains éléments comme le fait que la décision reste ou revient au ministre ou au Cabinet et l’incertitude associée au fait que la liste de projets n’a pas encore été publiée... Ces choses restent des signaux d’alarme pour les Premières Nations et ébranlent la relation de nation à nation proposée.

En réaction, l’APN et les chefs et assemblées ont adopté un certain nombre de résolutions afin que l’Assemblée des Premières Nations travaille en collaboration avec le Canada pour s’assurer que la loi respecte les traités, les droits, les titres de propriété et les compétences des Premières Nations tout en reconnaissant les responsabilités de ces dernières à l’égard des territoires traditionnels.

Les dirigeantes et dirigeants des Premières Nations ont aussi dit clairement que le comité sénatorial doit s’assurer que :

[...] Les détenteurs de droits participent au processus d’audience en temps opportun et d’une façon qui respecte leurs protocoles et processus uniques afin qu’on puisse clore le processus avant les prochaines élections fédérales.

Je tiens à rappeler que les chefs et les assemblées ont été très clairs à ce sujet.

Comme nous le savons, l’APN n’est pas titulaire de droits. L’organisation joue un rôle important en matière de communication, de coordination, de facilitation et de défense des droits des Premières Nations à l’échelle du pays. Nous vous prions d’interagir directement avec les détenteurs de droits et de titres. Nous espérons que, dans votre tournée pancanadienne, vous donnerez la priorité aux interactions directes et significatives avec les Premières Nations et que, dans le cadre de vos déplacements en tant que membres du comité et d’ici la date limite du 9 mai, vous éviterez de tenir des événements symboliques avec les Premières Nations comme on en voit souvent dans les consultations uniques.

Encore une fois, on pense au Nord et à quel point ce pourrait être important pour le comité d’envisager une visite là-bas afin de mieux comprendre la Loi sur l’évaluation environnementale et socio-économique du Yukon, la Loi sur la gestion des ressources dans la vallée du Mackenzie des Territoires du Nord-Ouest et la Loi sur l’aménagement du territoire et l’évaluation des projets du Nunavut. Nous vous prions aussi de vous assurer que toute nouvelle loi respecte les normes minimales décrites dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Si le projet de loi C-69 est adopté, ce sera la première loi au Canada à reconnaître la Déclaration des Nations Unies. Le projet de loi ne va pas aussi loin qu’une adoption sans réserve, mais c’est un premier pas positif pour le Canada en matière d’élaboration de projets de loi. Comme vous le savez probablement, la Déclaration des Nations Unies ne crée pas de nouveaux droits, puisque ces droits sont inhérents ou préexistants; elle affirme simplement les droits de la personne des peuples autochtones. À l’échelle du gouvernement, y compris dans le cadre du projet de loi C-262, il est question de réaliser ces droits et de trouver une meilleure façon de travailler en collaboration afin de ne pas avoir à dépenser des millions de dollars et à perdre des années à lutter devant les tribunaux.

Inévitablement, la conversation se poursuit et devient une des normes en matière de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Soyons clairs, le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n’a pas été créé par la Déclaration des Nations Unies; il n’a pas été créé dans le projet de loi C-69, ni par le projet de loi C-262: il vient du droit international. Il existe dans nos traités modernes et il existait dans les traités antérieurs au Canada. Le projet de loi C-69 ne crée pas de nouvelles obligations à cet égard. C’est très important que nous le gardions tous à l’esprit.

Même si certains renseignements erronés ont été communiqués au sujet des dispositions sur les Autochtones du projet de loi C-69, notre mémoire, que nous vous remettons aujourd’hui, vise à préciser la position des Premières Nations. Certaines associations industrielles, campagnes sur le terrain et divers représentants politiques ont laissé entendre que le ciel nous tombera sur la tête si le projet de loi est adopté: c’est faux. Il faut s’assurer que tous ces renseignements ou toute information susceptible d’induire en erreur les processus décisionnels soient rectifiés et que les faits soient communiqués. À l’opposé, nous affirmons que les modifications axées sur les Autochtones dans le projet de loi C-69 représentent une définition renouvelée de la jurisprudence canadienne sur les droits en vertu de l’article 35 de la Constitution canadienne relativement à l’obligation de consultation et d’accommodement.

Les Premières Nations s’attendent à plus qu’à la simple conformité avec la jurisprudence des tribunaux coloniaux. Cependant, l’approche du projet de loi C-69 ne s’éloigne pas si radicalement que ça du statu quo. Par exemple, nous savons que le projet de loi n’est pas parfait, mais nous reconnaissons qu’il règle certains des problèmes rencontrés dans le cadre des régimes actuels. C’est important de le souligner.

Ces régimes ont causé des retards et d’autres incertitudes. De pair avec les engagements du gouvernement contenus dans le projet de loi, les normes minimales de la Déclaration des Nations Unies et la jurisprudence actuelle sur l’article 35, nous tous, ensemble, avons l’occasion d’aller de l’avant de façon à ce que, à l’avenir, les détenteurs de droits des Premières Nations soient considérés comme des partenaires égaux dans le cadre de tous les principaux processus décisionnels liés aux ressources. Il est ici question de notre cohabitation future. Il faut penser au Canada et à l’héritage que nous voulons laisser à nos enfants.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demanderais de réfléchir un instant : imaginez à quel point le contexte au pays serait différent si ce projet de loi avait été adopté au début de votre carrière.

Voulons-nous dire à nos enfants et petits-enfants que nous ne sommes pas prêts à aller au-delà du statu quo, à remettre en question, ensemble, l’industrie, à mieux faire les choses et à s’assurer que les droits des Autochtones de partout au pays sont honorés? Force est d’admettre que nous n’avons pas de temps à perdre.

Le temps est venu, et nous devons nous assurer que la partisanerie politique ne deviendra pas un obstacle à ce très important projet de loi.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande respectueusement de bien réfléchir au point de vue des Premières Nations, pour vous assurer que le comité comprend très bien les droits et les processus en vertu de l’article 35 et de la Déclaration des Nations Unies, et que le comité soutient pleinement les Premières Nations à l’échelle du pays afin qu’elles participent au processus et communiquent leurs réalités dans le cadre de vos prochaines semaines de déplacement.

Au nom de l’Assemblée des Premières Nations, nous sommes heureux d’avoir présenté notre exposé et nous serons heureux de répondre à vos questions après la déclaration de la présidente Joe. Merci.

La présidente : Merci beaucoup.

Francyne Joe, présidente, Association des femmes autochtones du Canada : Bonjour. Je m’appelle Francyne Joe. Je suis présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada. Je suis une fière membre de la Nation Shackan, qui est située tout juste au Sud de Merritt, en Colombie-Britannique. J’aimerais souligner le fait que nous nous réunissons, ici aujourd’hui, sur le territoire algonquin et anishinaabe. Je suis heureuse d’être devant vous, madame la présidente, et mesdames et messieurs les sénateurs. Je tiens à dire que j’utilise le pronom « elle ».

Depuis 1974, l’Association des femmes autochtones du Canada est la représentante nationale choisie par les femmes, les filles et maintenant les personnes transgenres et de diverses identités de genre autochtone sur le terrain. Nous représentons les Indiens inscrits, dans les réserves et à l’extérieur des réserves, ainsi que les Métis inscrits, non inscrits et privés de leurs droits, de même que les Inuits. Nous défendons leurs droits et déployons des efforts pour que leur voix soit entendue.

Je suis ici aujourd’hui pour rappeler l’importance du projet de loi C-69. L’AFAC soutient le projet de loi C-69. Il faut l’adopter avant juin 2019. Le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que le projet de loi C-69 répond aux besoins distincts et tient compte des priorités des femmes autochtones. Nos recommandations sur les processus d’évaluation d’impact sont cruciales à leur réussite.

Premièrement, il faut tenir compte de l’intersection du genre et du sexe avec d’autres facteurs identitaires dans le cadre des processus d’évaluation d’impact et de prise de décisions. C’est ce qu’on peut faire au moyen d’une analyse comparative entre les sexes adaptée d’un point de vue culturel. Le projet de loi C-69 est une mesure législative équilibrée qui, pour la première fois, prévoit une évaluation intersectionnelle des répercussions sexospécifiques. Les femmes sont victimes de discrimination à toutes les étapes des projets industriels. Par exemple, dans les industries extractives, les emplois et les autres avantages économiques tendent à aller aux hommes plutôt qu’aux femmes. Les répercussions sociales imprévues, comme l’augmentation du coût de la vie et la violence sexuelle, touchent de façon disproportionnée les femmes qui vivent dans la pauvreté. Pour les femmes autochtones, ces problèmes sont souvent amplifiés en raison de l’intersection d’obstacles, comme la race, le genre, la classe sociale, l’orientation sexuelle, l’identité culturelle, l’impact de la colonisation, les capacités, l’emplacement et bien plus encore.

Une analyse comparative entre les sexes adaptée à la culture révélerait les répercussions distinctes et uniques que les projets proposés auraient sur les femmes autochtones. C’est essentiel pour répondre aux besoins de ces femmes et mettre en œuvre une loi efficace.

Deuxièmement, nous recommandons que le projet de loi C-69 exige la consultation des femmes autochtones en tant que telles dans le cadre des évaluations d’impact durant les consultations auprès des administrations autochtones. Il faut consulter les femmes autochtones pour comprendre les effets environnementaux, sanitaires, sociaux et économiques sur elles d’un projet proposé. En tant que femmes autochtones, nous avons des enseignements propres à nos nations et à notre territoire au sujet de notre relation avec la terre et au sujet de nos responsabilités à l’égard de notre mère la Terre. Les projets industriels ont une incidence sur ces relations. En raison de leur connexion avec le territoire, les femmes autochtones subissent également des répercussions uniques liées à la santé découlant des projets industriels. Pour s’assurer de tenir compte de nos besoins et de nos priorités, le projet de loi C-69 doit veiller à ce que les femmes autochtones soient consultées à toutes les étapes du processus d’évaluation d’impact.

Troisièmement, nous recommandons que le projet de loi C-69 élargisse les facteurs d’évaluation d’impact pour inclure la contribution d’un projet à la transition de la main-d’œuvre vers les industries à faible émission de carbone et le fait qu’il fournisse des occasions aux femmes de participer à des activités économiques à faible émission de carbone. Bon nombre des membres de nos collectivités ressentent déjà les effets des changements climatiques, et nous savons que les mesures que nous prenons maintenant auront une incidence directe sur les générations futures. Pour vraiment évaluer et atténuer les risques d’un projet proposé, nous estimons qu’il est crucial de prôner la transition de la main-d’œuvre vers les industries à faible émission de carbone. Il faut en outre que les femmes autochtones se voient donner l’occasion de participer au sein de telles industries.

Je terminerai en insistant sur le fait que l’évaluation d’impact est plus qu’une évaluation des avantages économiques et des répercussions environnementales d’un projet proposé. Elle doit servir à améliorer et renforcer la relation entre le Canada et les peuples autochtones.

Le projet de loi C-69 est une occasion pour les femmes autochtones de faire entendre leur voix dans cette relation. Je vous remercie de votre temps et de votre attention.

La présidente : Merci beaucoup de votre témoignage. Nous allons maintenant passer à la période des questions et des réponses. Je rappelle aux sénateurs qu’ils ont chacun trois minutes pour poser des questions et obtenir des réponses. S’ils peuvent limiter leurs questions et leur préambule à une minute, alors les témoins auront le temps restant pour répondre.

Le sénateur MacDonald : Je tiens à remercier les témoins ce matin.

Ma question est destinée à l’Assemblée des Premières Nations du Yukon. En 2018, l’Alberta Assembly of Treaty Chiefs a adopté une résolution exprimant son soutien au projet de loi C-69. Cependant, le 1er avril dernier, elle a annulé cette résolution. Je suis curieux : combien l’APN a-t-elle de membres en commun avec l’Alberta Assembly of Treaty Chiefs? Connaissez-vous la réponse à ma question?

Mme Adamek : Merci, sénateur.

Pour répondre à votre question, je suis la présidente du comité responsable de l’environnement et du changement climatique au sein de l’APN, et, à ce titre, je suis responsable de ce projet de loi précis de pair avec mes autres collègues de l’APN. Il ne fait aucun doute que, dans une région comme l’Alberta, les opinions seront différentes, comme je suis sûre que les intervenants de l’industrie et d’autres intervenants clés vous l’ont aussi dit. Il ne fait aucun doute que le comité a un rôle très important à jouer pour faire en sorte que toutes les voix des Premières Nations de partout au pays soient entendues, non seulement dans le cadre du processus du comité, mais dans le cadre d’autres activités, aussi. C’est nécessaire pour que le comité puisse bien comprendre les divers points de vue qui existent partout au pays au sujet du projet de loi. C’est une situation qu’il faut aussi clarifier du point de vue des membres.

Comme cela a été mentionné, en tant qu’organisation nationale de défense des droits, l’Assemblée des Premières Nations parle au nom de tous les membres des Premières Nations du pays, ce qui inclut les Indiens inscrits, les Indiens non inscrits, ceux qui vivent dans les réserves, comme ceux qui n’y vivent pas, par exemple. Je viens d’une nation signataire d’un traité moderne dont certains citoyens sont inscrits, et d’autres, non. Nous définissons notre propre citoyenneté par l’intermédiaire de processus. Ces citoyens reçoivent un soutien et voient leurs droits défendus par l’Assemblée des Premières Nations.

Comme vous l’avez mentionné, il y a un certain nombre de résolutions qui orientent le travail. Ça devient notre rôle en tant que membres de l’APN de nous assurer que les droits sont protégés et honorés dans le cadre de tels processus législatifs. C’est cet important travail qui a été encadré par nos chefs et par l’assemblée et c’est ce que nous devons continuer à faire.

Le sénateur MacDonald : Eh bien, je vous ai demandé combien vous avez de membres en commun avec l’assemblée de l’Alberta, mais je vais passer à une autre question.

Mme Adamek : Je suis désolée, sénateur, pouvez-vous préciser? Je veux m’assurer d’avoir compris.

Le sénateur MacDonald : Je voulais tout simplement savoir combien de membres l’APN a en commun avec l’Alberta Assembly of Treaty Chiefs.

Mme Adamek : Je peux peut-être vous expliquer davantage la situation : l’identité des membres au sein de l’APN tient purement aux nations qui existent à l’échelle du pays. Ce n’est pas nécessairement comme si on pouvait demander : êtes-vous membre de l’APN? Tous les membres des Premières Nations à l’échelle du pays sont, essentiellement, des membres, par l’intermédiaire de leur Première Nation. Je vous suggère, sénateur, — et j’espère que vous pourrez le faire dans le cadre de vos déplacements en Alberta — de rencontrer et de consulter directement la chef régionale Poitras, qui est la mieux placée pour vous parler des relations très complexes qu’ont les chefs des Traités 6, 7 et 8 par l’intermédiaire de l’Assemblée des Premières Nations.

Le sénateur MacDonald : Oui. Nous allons rencontrer des gens de l’Alberta.

Mme Adamek : C’est excellent.

Le sénateur MacDonald : Y a-t-il des membres de l’APN qui sont mécontents de la capacité déficiente en matière de pipelines au Canada, situation qui est l’une des grandes responsables de l’escompte associé au pétrole canadien? Par exemple, selon les chiffres de Pétrole et gaz des Indiens du Canada, les revenus de redevances annuelles des 39 Premières Nations qui produisent du pétrole ont diminué de 200 millions depuis 2012. L’APN est-elle préoccupée par le fait que les promoteurs de projets d’oléoducs ont dit qu’ils ne pourraient pas mettre leur projet en branle en vertu du projet de loi C-69?

Mme Adamek : Merci de la question. Par l’entremise de nos chefs et de notre assemblée, les mandats qui nous ont été confiés ont toujours consisté à discuter du fait que la réalisation d’activités de développement doit se faire en collaboration avec les détenteurs de droits. Par exemple, si nous parlons de la mine Wellgreen, sur mon territoire traditionnel, il faudrait que ces discussions sur le développement fassent intervenir la Première Nation Kluane. Dans ce cas précis, nous avons encore entendu des opinions très différentes sur ce à quoi doit ressembler le développement et de quelle façon il doit se dérouler.

Le projet de loi propose quelque chose de nouveau et de différent. Comme je l’ai mentionné, il prévoit un processus qui a permis de mobiliser les Premières Nations de tout le pays — pendant plus de deux ans — non seulement pour assurer leur pleine participation, mais pour garantir aussi que le travail que les Premières Nations ont fait dans le cadre du processus — les mémoires, la comparution d’un certain nombre de nations et de détenteurs de droits — que tout ce travail se traduise réellement par une plus grande certitude, par exemple, en ce qui a trait aux secteurs de l’industrie que vous avez mentionnés.

Ici, je me tournerais vers Graeme au cas où j’aurais oublié de dire certaines choses, mais je crois que nous avons certainement beaucoup dialogué et reçu une multitude de commentaires en ce qui a trait au développement, et on nous rappelle gentiment que c’est avec les titulaires de droit qu’il faut tenir ces conversations très importantes.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup de vos exposés ce matin. Ils ont été très détaillés et ils ont mis en lumière les changements apportés dans ce projet de loi comparativement au projet de loi précédent. Merci beaucoup du travail que vous avez fait en venant témoigner devant le comité.

Madame Joe, vous avez dit à quel point il est agréable de voir pour la première fois une analyse comparative entre les sexes dans un texte législatif. Pourriez-vous nous expliquer en quoi la présence d’une analyse comparative entre les sexes dans la loi changera la donne pour les femmes autochtones de partout au pays? En quoi est-ce que ce sera différent comparativement à d’autres lois ou par rapport à la loi de 2012 incluse dans le projet de loi omnibus?

Mme Joe : Merci beaucoup de la question. Les femmes, surtout les femmes autochtones, ont un tel lien avec leur terre et leur territoire... Ce n’est pas seulement une question d’en tirer de la nourriture et ça ne concerne pas seulement l’endroit où on vit : il y a une histoire associée à nos terres, à nos ancêtres qui ont vécu sur le territoire. Nous apportons ces connaissances avec nous en tant que porteuses d’eau et gardiennes du savoir. Lorsqu’on compte sur un comité paritaire du point de vue du sexe, on obtient les meilleurs renseignements qui mèneront aux meilleures décisions.

Dans le cas du projet de loi, lorsqu’on mise sur un comité paritaire, qui inclut des femmes autochtones, on obtient des renseignements au sujet d’un éventuel projet qui vont au-delà de la simple extraction minière, mais qui concernent aussi les répercussions sur la terre et les répercussions sociales sur les collectivités. Il ne faut pas oublier que certains des nôtres ont pu conserver le savoir de leur territoire ancestral pendant des milliers d’années: il ne faut pas l’oublier.

Adam Bond, conseiller juridique, Environnement, entreprise et citoyenneté, Association des femmes autochtones du Canada : Je peux souligner la comparaison avec la LCEE de 2012. Elle n’exige pas que ces choses soient prises en considération, ce qui fait en sorte que les évaluations et les décideurs sont privés de tels renseignements au sujet des répercussions importantes d’un projet sur les femmes autochtones. Nous avons donc constaté une tendance ou un risque, c’est-à-dire que les projets industriels étaient plus susceptibles d’avoir des effets néfastes sur les femmes autochtones, en particulier en raison de leur exposition à des facteurs de vulnérabilité et à la pauvreté, tout en ne bénéficiant pas des mêmes avantages économiques associés à l’emploi et aux possibilités économiques.

La sénatrice Cordy : Merci de votre exposé. Madame Adamek, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il est préférable de travailler en collaboration que de se retrouver devant les tribunaux. C’est mieux pour tout le monde lorsqu’on procède de cette façon. Vous avez parlé de la liste des projets. C’est quelque chose dont ont parlé un certain nombre de témoins. Pouvez-vous nous parler de l’importance de tout ça? Faudrait-il que ce soit la liste précise des projets ou pourrait-il s’agir d’une liste générale précisant les types de projets?

Mme Adamek : Merci. La possibilité de voir la liste de projets fait en sorte que nous serions mieux placés pour commencer à nous pencher sur la question, par exemple, du consentement préalable donné librement et en connaissance de cause et des mécanismes et sur les nombreux outils que nous avons grâce à la mise en œuvre des processus liés à nos droits pour cerner les prochaines étapes. Bien sûr, les conversations au sujet de ces types de projets... Ce serait là aussi quelque chose que nous aimerions mieux comprendre.

Graeme est l’expert dans ce dossier de ce point de vue. S’il y a quoi que ce soit qu’il aimerait ajouter relativement à la liste de projets, j’aimerais lui céder la parole.

Graeme Reed, conseiller principal, Environnement, Assemblée des Premières Nations : Merci. La seule chose que j’ajouterais, c’est que la discussion sur la liste des projets est essentielle à la question que le sénateur MacDonald a posée au sujet des pipelines. Si nous regardons la liste des projets existants, nous savons qu’entre 90 et 95 p. 100 des projets relevant de l’ONE n’exigent pas la réalisation de l’examen rigoureux à grande échelle qui est décrit actuellement, par exemple dans le projet de loi C-69. Ces projets non désignés, qui représentent la vaste majorité des projets réglementés par ce qu’on appelle maintenant l’ONE, auront un rôle important à jouer pour dissiper certaines des préoccupations cernées par le sénateur MacDonald et par d’autres Premières Nations de partout au pays aussi.

Le sénateur Massicotte : Je crois que je vais m’adresser à Mme Adamek.

Je me considère comme étant pro-Autochtone. Je crois que le pays a un tort à redresser, mais je suis très préoccupé. J’ai beaucoup lu. J’ai de la difficulté à me faire une idée ici. Nous renvoyons à la Déclaration des Nations Unies. Vous avez mentionné le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Tout le monde met ça sous le tapis, comme vous le faites en disant que ce n’est pas important : c’est identique à ce que la Cour suprême a déjà affirmé. Cependant, j’ai lu au sujet des arrêts de la Cour suprême. D’après ce que je comprends de ses arrêts des deux ou trois dernières décennies, tout dépend du degré de certitude. Dans certains cas, le droit au consentement existe, et, dans d’autres, non. Tout dépend du degré de certitude quant à savoir si on empiétera sur les droits des peuples autochtones.

Je crains que la mention de la Déclaration des Nations Unies ne change le point de vue et les décisions futures de la Cour suprême, qui, selon moi, a fait du très bon travail pour protéger les droits autochtones. Aidez-moi, ici. Je rencontre beaucoup de personnes, y compris beaucoup de chefs, et j’ai de la difficulté à voir en quoi cette décision ne compliquera pas les processus futurs et la compréhension que tout le monde a du projet de loi.

Mme Adamek : Merci, sénateur. Je crois que c’est une question très importante. La première chose que je veux souligner, c’est que, de façon générale, la notion de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n’a rien de nouveau. C’est un concept que nous rencontrons maintenant, et il a été défini dans le cadre de certains des mécanismes juridiques internationaux que le Canada reconnaît maintenant pleinement. Nous devons vraiment examiner les faits juridiques propres à chaque situation. Je comprends et j’entends les préoccupations que vous soulevez quant au fait qu’il faut réfléchir à la façon d’intégrer le libellé proposé dans le projet de loi.

Il est aussi important de réfléchir au projet de loi C-262 et de comprendre qu’il suit également un processus législatif fédéral. Si ce projet de loi devient une loi fédérale, certaines préoccupations ont été soulevées relativement à la Déclaration des Nations Unies et à la façon dont tout ça sera intégré dans le projet de loi. Ce sont là aussi des questions capitales qu’il faut se poser quant à l’importance de commencer à inclure la Déclaration des Nations Unies dans toutes les lois fédérales, parce qu’il s’agit de la norme internationale minimale que beaucoup de pays ont soutenue.

Sara Mainville est la conseillère juridique de l’Assemblée des Premières Nations. Pouvez-vous formuler des commentaires supplémentaires si j’ai oublié quoi que ce soit relativement à la question du sénateur?

Sara Mainville, associée, Olthuis Kleer Townshend LLP, Assemblée des Premières Nations : Merci, chef régionale.

Ce que nous essayons de faire valoir relativement au projet de loi C-69, c’est le besoin d’accroître la certitude. La consultation et l’engagement s’appuient sur la constellation de la gouvernance, des répercussions communautaires et des avantages; il est aussi question des capacités de l’entreprise ou de l’industrie. Ces trois composants de l’engagement doivent permettre d’en arriver à ce qui est dans l’intérêt supérieur du projet au moment de composer avec les répercussions des projets et de s’assurer qu’il y a un partage approprié des avantages dans chaque cas.

C’est quelque chose qui se fait par l’intermédiaire d’un processus d’engagement. Nous appuyons vraiment le processus d’engagement préalable du projet de loi C-69. C’est quelque chose qui n’existe pas dans la LCEE 2012. Nous avons hâte de discuter davantage avec l’industrie, de discuter avec l’ACPE et d’autres associations industrielles, y compris dans le secteur pétrolier et gazier, sur le fait qu’on renforce actuellement la norme au sein de l’industrie de façon à conclure des ententes négociées avec les Premières Nations, des accords qui reflètent en effet très concrètement la notion de consentement.

Le sénateur Massicotte : Franchement, votre réponse ne m’aide pas beaucoup. L’autre problème à mes yeux... Le projet de loi parle de relations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement. En tant que Québécois, nous utilisons le mot « nation » et le gouvernement précédent a accepté l’expression de « nation à nation » en tant qu’aspect sociologique de la définition de peuple. Lorsque vous dites de nation à nation ou de gouvernement à gouvernement, qu’est-ce que cela signifie? Ça semble être une notion plus large qui s’aventure en territoire inconnu. Quelqu’un peut-il m’aider à comprendre ces quatre mots?

Mme Mainville : De nation à nation, c’est...

Le sénateur Massicotte : Que signifie de gouvernement à gouvernement?

Mme Mainville : De gouvernement à gouvernement, c’est le fait que le gouvernement doit mettre en place un processus pour obtenir l’approbation des projets. De gouvernement à gouvernement, ça signifie qu’il y a une discussion sur les aspects procéduraux touchant la façon dont on interagit au moment de prendre des décisions dans le cadre des projets en vue d’obtenir leur approbation. C’est le processus de gouvernement à gouvernement.

Le processus de nation à nation est un processus de plus haut niveau. Par exemple, dans mes collectivités, il y a 28 Premières Nations, et elles font toutes partie de ma nation autochtone, les Nishnawbe-Aski. Nous nous réunissons en grand conseil et nous discutons de ces projets. Puis, nous cernons quelles seront les collectivités touchées, qui doit diriger le processus. C’est la gouvernance. Nous interagissons aussi avec divers ministres pour nous assurer qu’ils connaissent nos préoccupations nationales ultimes en tant que nation au sujet de certains de ces projets ainsi qu’au sujet de la façon dont ils réalisent leurs activités d’engagement et de consultation. Ça se passe quasiment au niveau des politiques, pas au niveau des projets.

Les discussions de nation à nation sont importantes et cruciales pour que l’on puisse s’assurer que vos processus, comme le projet de loi C-69, respectent les objectifs finaux de nos propres processus. C’est ce en quoi consiste le dialogue de nation à nation.

Le sénateur Woo : Ma question est destinée à la chef régionale et fait suite à la question du sénateur Massicotte, mais je veux parler plus précisément de la référence à l’instance autochtone dans le projet de loi.

La définition qui est utilisée dans le projet de loi C-69, c’est que les Premières Nations qui ont des régimes de cogestion, des accords sur les revendications territoriales ou des accords sur l’autonomie gouvernementale sont incluses. Je me demande si vous estimez que c’est satisfaisant. Évidemment, la notion exclut d’autres entités de gouvernance autochtone autoidentifiées, et certaines Premières Nations ont souligné qu’il s’agissait d’une possible déficience. Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet?

Mme Adamek : Mesdames et messieurs les sénateurs, au moment de quitter la salle, aujourd’hui, si vous avez des questions supplémentaires, nous serons heureux d’y répondre. Si vous estimez qu’il faut plus d’information, veuillez nous en faire part, et nous serons heureux de vous la fournir.

Cette question est importante et elle est liée à la question précédente au sujet de la nation. Comme vous l’avez mentionné, par exemple, les ententes sur les revendications territoriales ou l’autonomie gouvernementale... Je viens d’une nation qui a défini ce à quoi devait ressembler sa relation de nation à nation. On peut donc définir très clairement la voie à suivre du point de vue du développement, de la façon dont nos terres sont gérées, du point de vue du développement économique à celui de la langue, de la culture et de l’éducation, par exemple. C’est un travail que nous avons fait dans notre collectivité.

Les collectivités de partout au pays font aussi ce travail important. Comme vous l’avez mentionné, il y a des choses capitales à prendre en considération afin que ce projet de loi n’exclue pas des nations qui font ce travail et qui détermineront ce à quoi ces processus ressembleront.

Ce qu’on a constaté relativement au projet de loi, c’est qu’il s’agit d’une mesure habilitante. Nous savons que, en raison du processus du régime de réglementation, par exemple, et des politiques supplémentaires qui découleront du projet de loi, les choses devraient avancer de façon positive. C’est à ce moment-là qu’on constatera une mobilisation accrue des Premières Nations. Les nations qui n’ont peut-être pas officialisé ce à quoi cette relation ou ces processus ressembleront ont l’occasion, comme vous l’avez mentionné, non seulement d’être prises totalement en compte, mais, encore une fois... Pour revenir à ce qu’on a dit sur les droits, il est ici question d’honorer les droits et d’en assurer la reconnaissance, et ce, dans le cadre non seulement d’un processus, mais dans ses itérations futures, par l’intermédiaire des diverses listes de projets, par exemple, et des autres mécanismes prévus par le projet de loi.

De notre point de vue, oui, ce doit être inclusif, et il y a de nombreuses façons de s’assurer de le faire. Ceux qui ont des accords officiels ne devraient pas avoir préséance sur les autres. Nous comprenons tout à fait cette réalité et nous la respectons.

Graeme, si j’ai oublié quelque chose, voulez-vous intervenir?

Le sénateur Woo : Pouvez-vous dire précisément si vous êtes satisfait de la définition actuelle en ce qui concerne l’« instance » autochtone?

M. Reed : En plus de la définition qui inclut les accords modernes sur les revendications territoriales et ceux qui ont des accords sur l’autonomie gouvernementale, il y a l’alinéa 114e) qui permet au ministre de créer des relations permettant aux Premières Nations d’assumer les pouvoirs, les obligations et les fonctions en vertu de la loi. Est-ce un pas dans la bonne direction? Absolument. Est-ce une façon de reconnaître la compétence inhérente des Premières Nations? Je vais vous laisser le soin de le décider.

C’est un pas dans une direction qui avait été cernée par les Premières Nations, selon moi, dans le cadre des travaux du groupe d’experts et des processus de discussion, tout comme elles l’avaient fait dans le processus du document de travail et aussi en réaction à l’étude du projet de loi par la Chambre des communes.

Le sénateur Mitchell : Merci à chacun d’entre vous. Ma première question est destinée à Mme Joe, qui a défendu avec beaucoup d’éloquence et de passion l’analyse comparative entre les sexes, l’ACS, dans le processus. Je vous remercie beaucoup, comme, j’en suis sûr, beaucoup d’autres personnes.

L’inclusion de cet élément dans le processus a été critiquée ou a suscité des préoccupations chez certains parce qu’elle pourrait retarder le processus ou trop en élargir la portée. Je suis étonné quand je lis votre présentation, à l’endroit où vous mentionnez que les projets peuvent souvent avoir des effets négatifs, particulièrement sur les femmes et relativement à l’alimentation et la sécurité.

Pouvez-vous nous dire en quoi l’aspect lié à l’alimentation et la sécurité peut être exacerbé et de quelle façon, selon vous, en ce qui a trait aux femmes en particulier, les éléments d’une ACS dans le cadre d’un examen permettraient d’atténuer ce problème et de renforcer le processus d’examen, pas nécessairement l’affaiblir ou le retarder?

Mme Joe : Merci de la question. Lorsqu’il est question de sécurité alimentaire et des enjeux liés aux camps industriels et aux répercussions sur les femmes autochtones, il faut faire attention. Dans un premier temps, lorsqu’il y a un camp industriel, un camp d’exploitation des ressources naturelles, dans un environnement où les femmes recueillaient traditionnellement des médecines et de la nourriture et chassaient, ces zones sont touchées. Habituellement, l’effet est toxique.

Nous avons constaté très souvent que la qualité de ces choses se détériore, ce qui a une incidence sur la santé de nos femmes, de nos enfants et de nos collectivités.

Du point de vue commercial, lorsqu’un grand nombre d’employés viennent travailler dans un camp, c’est un problème d’offre et de demande. Malheureusement, les femmes autochtones ne font pas autant d’argent que bon nombre des travailleurs du camp.

Malheureusement, aussi, nous constatons que des femmes ne peuvent plus acheter de la nourriture ou des produits de santé et même des produits d’hygiène personnelle. Si une entreprise peut faire plus d’argent en augmentant le prix du lait ou des fruits et légumes, elle le fera. C’est logique du point de vue des affaires.

J’espère avoir répondu à cette portion de votre question.

En ce qui concerne l’ACS, lorsque l’on considère l’ACS comme une occasion de consultation, je crois qu’on constate que, lorsqu’un projet arrive dans une collectivité — j’en ai discuté avec mes collègues, hier — nous voulons que les femmes aient de bons emplois dans le cadre de ces projets. Évidemment, dans la plupart des cas, nous avons besoin d’autres mesures de soutien, comme les garderies et des soins pour les aînés. Ces mines sont souvent exploitées 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, mais habituellement, pas les garderies. Il y a des enjeux que les femmes autochtones — les femmes — doivent aborder et qui ne l’ont pas toujours été.

C’est ce que j’ai vécu de ce côté-là. Je suis sûr qu’Adam a peut-être des choses à ajouter du point de vue scientifique.

M. Bond : Je veux simplement préciser de quelle façon le projet de loi permettra peut-être de régler ce problème. Les exigences en vertu de l’article 22, selon lesquelles ces facteurs doivent être pris en considération, exigera qu’on parle de tout ça d’entrée de jeu. C’est essentiel. C’est une façon de faire connaître ces préoccupations. Sans cette exigence, il n’y a aucune garantie que de telles préoccupations seront soulevées.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Pour commencer, chef régionale, je tiens à vraiment vous remercier d’être ici à 5 heures. Je sais que vous ne vous sentez pas bien. Je suis très reconnaissante de votre participation.

L’une des choses qui intéressent tous les membres du comité, c’est d’accroître la certitude et de réduire les risques de litige. Je crois que vous en avez assez bien parlé. On y arrivera en partie en s’assurant que les évaluations d’impact reflètent l’article 35 de notre Constitution. Cela signifie aussi qu’il faut s’assurer que ce projet de loi reflète les constatations de la Cour d’appel fédérale et de la Cour suprême en ce qui a trait à l’obligation de consulter. Selon moi, vous avez dit trois choses très importantes que vous pourriez peut-être répéter et étoffer. Vous avez soulevé trois points au sujet de la connaissance du savoir autochtone et de la participation des Autochtones. Pouvez-vous nous en parler? Je crois qu’il faut les... Il faut s’assurer de ne pas les oublier dans le projet de loi, parce qu’elles ont une incidence sur la certitude et les risques de litiges.

Mme Adamek : Merci. Je vais commencer par les points généraux. Je rappelle gentiment à tout le monde que nous nous penchons sur la LCEE 2012 et l’ONE, en examinant l’absence d’engagement avec les Premières Nations et le fait qu’il n’y a vraiment aucune compréhension concrète des connaissances autochtones ni aucun processus adopté dans le but d’inclure les connaissances autochtones comme elles devraient l’être, de la même façon que nous essayons de trouver un juste équilibre entre les données scientifiques, par exemple.

Même si nous savons que ce projet de loi n’est pas parfait — je crois que nous le savons tous; il y a un éléphant dans la pièce, pendant un instant.Cela ne fait pas de doute. Il est très important pour nous de nous demander si nous sommes disposés à travailler dans un contexte entièrement dysfonctionnel, qui nous a conduits à un certain nombre d’affaires judiciaires différentes. Sommes-nous prêts à ce que les investissements soient consacrés à des affaires judiciaires, plutôt qu’à des processus fonctionnels qui donneront plus de certitude à tout le monde? Ce sont les types de questions que l’on doit, à mon avis, vraiment se poser tout au long du processus et que vous avez entendues de la part d’un certain nombre de nations de l’ensemble du pays.

Pour ce qui est des connaissances autochtones, c’est dans ce domaine que nos gens ont effectué du travail important. Le mot gratitude ne serait probablement pas la meilleure façon de le décrire, mais je vais l’utiliser pour l’instant, car nous ressentons de la gratitude par rapport au fait que cette compréhension et ce respect des connaissances autochtones soient enfin enchâssés dans les projets énergétiques et d’autres projets de développement de partout au pays. Il est tout à fait essentiel que non seulement ces aspects soient pris en considération, mais qu’il y ait un processus clair pour en tenir compte. C’est pourquoi notre réponse a été très positive par rapport à la façon dont la mobilisation a eu lieu et à notre situation actuelle.

Lorsque nous parlons de poursuites, les Cris de Mikisew sont un bon exemple. Je sais que la sénatrice de l’Alberta... et en nous adressant à un certain nombre de nations de l’Alberta, bien sûr, nous obtiendrons des opinions différentes et nous les accueillerons avec plaisir. Les plus de 40 nations qui forment les Premières Nations font toutes partie des Traités nos 6, 7 et 8 de la partie albertaine de notre APN, par exemple. Il importe que tout le monde comprenne ce que sont ces préoccupations, puis que nous soyons en mesure de passer à autre chose. Sans un bon point de départ, où irons-nous? C’est exactement notre situation actuelle avec la LCEE 2012 et l’ONE. Je partage, d’un point de vue régional dans le Yukon, certaines de ces difficultés juridiques particulières. J’entends souvent des gens dire à la blague: « allez rendre visite à grand-mère Google », mais j’encourage vraiment le comité... et c’est une dimension que nous n’avons pas vraiment examinée dans le cadre de tout ce processus, je crois. Dans le Nord, par exemple, ces processus existent. Ils ont été créés parallèlement à ce processus.

Lorsque des choses comme la LCEE 2012, et précisément l’ONE, sont intervenues, le Nord a répondu au moyen de poursuites, que vous n’avez peut-être pas vues. Cela concernait précisément la façon dont ce texte de loi fédéral, l’ONE, le projet de loi S-66, portait atteinte à des droits dont on avait déjà convenu par l’intermédiaire de nos traités modernes.

Nous devons vraiment tous prendre un moment pour réfléchir — la perfection n’est pas nécessairement atteignable dans le cadre de ce processus. Nous savons que le temps presse. C’est une excellente occasion de commencer à partir d’un point de départ différent, puis de chercher à apporter des amendements pour que nous puissions travailler avec un texte comme le projet de loi C-69. Il nous faut aller au-delà du statu quo. Nous savons que les processus en place ne fonctionnent pas et que ce processus a été positif sur le plan de la mobilisation. C’est une excellente occasion pour nous, en tant que pays, de vraiment prendre du recul par rapport aux engagements que nous avons pris à l’égard de la réconciliation, d’aller au-delà et de rechercher des moyens durables de développement dans l’ensemble du pays. Ce sont des réflexions dont je souhaitais vous faire part.

Graeme, cher collègue, s’il y a quelque chose que vous souhaitez ajouter d’un point de vue technique, je vous laisse la parole.

M. Reed : Merci, sénateur, de poser la question. Nous avons abordé certains enjeux dans notre mémoire. Pour nous, le point de départ est la jurisprudence. C’est probablement un bon point de départ de l’harmoniser.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie tous d’être ici aujourd’hui. Je peux comprendre comment vous vous sentez à 5 heures, car je vis à Fort St. John. C’est le même fuseau horaire. Je suis encouragé d’entendre ce dont vous avez parlé, la liste de projets, le Cabinet, l’autorité finale, du moins ce que j’ai compris, et la participation de ceux qui sont le plus touchés fait également partie de vos préoccupations en tant qu’Assemblée des Premières Nations. Nous avons constamment entendu dire cela par presque tous les autres groupes qui ont comparu ici.

J’ai l’impression que vous dites que le problème avec les poursuites qui ont lieu est attribuable à la LCEE 2012. J’aimerais obtenir votre point de vue; si vous prenez le réseau Trans Mountain ou le projet Northern Gateway, c’est à partir de là qu’on a commencé à parler davantage des pipelines. Pendant toute la durée du projet Trans Mountain, on a signé beaucoup d’accords avec les Premières Nations, on a tenu des consultations pendant des années avec elles, et il y a des poursuites.

Laissez-vous entendre que, si le projet de loi C-69 était adopté, nous ne ferions pas l’objet de ces mêmes poursuites avec le projet Trans Mountain, parce que c’est réel, que c’est quelque chose qui se passe et que nous savons ce qui se passe? Le parrain du projet de loi, le sénateur Mitchell, nous dit que le projet de loi va accélérer le processus, que nous serons en mesure de construire des choses beaucoup plus rapidement. Cela vous dérange-t-il un peu?

J’aimerais vraiment vous entendre dire comment nous établissons des liens, en fait, lorsqu’il s’agit de poursuites.

Je ne crois pas un seul instant que les poursuites seront abandonnées. Par rapport à Trans Mountain, on a négocié pendant un certain nombre d’années. Certaines personnes vont s’y opposer, et avec raison. Je ne dis pas que cela ne devrait pas arriver. Certaines personnes devraient être en faveur du projet. Il est difficile pour moi de croire que le projet de loi C-69 changera, d’un coup de baguette magique, ce processus. Vous avez peut-être un point de vue différent.

Mme Adamek : Merci, sénateur. Comme vous l’avez dit, est-ce que cela va changer d’un coup de baguette magique? Bien sûr que non. Je crois que nous le savons tous.

Ce que nous savons, toutefois, c’est que le processus existant nous a mis dans une situation où nous nous retrouvons avec toutes ces affaires devant les tribunaux. Par exemple, nous savons que le projet de Kinder Morgan et que ce processus, et l’approbation dans le cadre du processus actuel de l’ONE, est problématique. Nous le savons.

Je crois que les questions et considérations importantes qui surviennent...

Le sénateur Neufeld : Diriez-vous la même chose à propos de ce projet de loi s’il y avait des poursuites en vertu du projet de loi C-69...

Mme Adamek : Je vais terminer. Je vais terminer, puis je passerai à la partie suivante de votre question.

Dans un premier temps, nous ne pouvons pas comparer la LCEE 2012. Nous ne pouvons pas comparer l’ONE, car ce sont deux textes de loi fondamentalement différents qui ont été créés avec des principes qui n’honorent et ne reconnaissent pas les droits autochtones.

Si nous abordons cela dans l’optique de vouloir favoriser le développement au pays, il nous faut réfléchir à la façon de le faire. C’est la différence fondamentale entre ces deux projets de loi.

Puis-je m’asseoir ici, analyser et évaluer si nous nous retrouverions dans la même situation juridique? Je crois que ce serait assez injuste. Je sais que nous pouvons dire que ce processus a été inclusif. Il a tenu compte des connaissances autochtones, a examiné les droits autochtones, et les a reconnus dans le cadre de ce processus. C’est très différent de ce que nous avons en ce moment.

Bien que certaines de vos questions soient très bonnes, et probablement que beaucoup de personnes dans le pays se posent les mêmes questions, je crois que nous devons prendre du recul pour un instant et nous demander pourquoi nous sommes dans cette situation. C’est parce que nous n’avons pas eu au pays de processus qui nous a fourni la certitude dont nous avons besoin en tant que membres des Premières Nations, mais dont a aussi besoin l’industrie.

Je crois que, par rapport à cela, nous devons prendre du recul. Nous devons commencer à partir d’un même point de départ, des processus qui respectent les intérêts de durabilité et de développement dans l’ensemble du pays, tout en équilibrant ces aspects et en s’assurant que les droits autochtones sont honorés et protégés. Fait encore plus important, ces projets... et il importe que les personnes sur qui ils auront des répercussions ne soient pas des spectateurs dans les processus ou les projets de développement, mais qu’ils participent à un stade précoce et, souvent, depuis le tout début.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, j’aimerais inviter mon collègue Graeme à fournir des commentaires supplémentaires, car je crois que ces questions sont très importantes. Il ne fait aucun doute qu’il y a cette friction partout au pays pour ce qui est de comprendre, sur le plan juridique, de quoi sera fait l’avenir. Mais voici ce qu’il en est : ce projet de loi est bien supérieur à ce que nous avons en ce moment, donc sommes-nous disposés à accepter ce qui ne fonctionne pas? Ou souhaitons-nous nous mettre au défi et chercher à faire quelque chose de nouveau qui a été créé avec des Autochtones de l’ensemble du pays?

Graeme, j’aimerais vous céder la parole.

M. Reed : Merci, sénateur, et merci, chef régionale. J’ai deux choses à dire rapidement. Notre intérêt envers la mobilisation précoce tient au fait que beaucoup de ces questions seraient posées dès le début du processus et que nous tiendrions ces conversations entre de multiples administrations reconnues et d’une manière inédite par rapport au processus existant.

Nous entendons souvent ce concept selon lequel les Premières Nations représentent en quelque sorte un groupe homogène et qu’elles doivent s’entendre, sauf que nous n’imposons jamais ce même genre de normes aux provinces, qui, nous le voyons, ne s’entendent de toute évidence pas dans ce cas-ci. Je crois qu’il y a deux poids, deux mesures par rapport à ce à quoi l’on s’attend des Premières Nations dans ce contexte.

L’autre chose a trait à l’affaire que les Tsleil-Waututh ont portée devant la Cour d’appel fédérale contre Trans Mountain concernant la mise en œuvre de la consultation. Une des phrases que je trouve particulièrement intéressantes dans cette affaire est la suivante :

La Couronne ne saurait se contenter de recueillir et de consigner les préoccupations et les plaintes.

De toute évidence, nous voyons que l’approche de consultation existante n’est pas adéquate, pour ce qui est non seulement d’entendre ces préoccupations, mais aussi de les intégrer dans un processus utile permettant que l’on tienne compte de leurs droits.

Nous espérons que, au moyen de la conception d’un processus de mobilisation précoce et amélioré, on pourra dissiper ces préoccupations et tenir ces conversations avant qu’elles aient été déférées pour contrôle judiciaire et qu’elles créent cette sorte d’environnement négatif entre les Premières Nations, les promoteurs et les gouvernements.

La sénatrice McCallum : Merci à tous les intervenants.

Ma question s’adresse à la présidente Joe. Les femmes n’ont eu qu’une voix limitée, voire aucune, dans les diverses formes d’activités d’extraction des ressources, et elles ont par le passé été une source capitale dans la prise de décisions qui ont dépassé les questions économiques et se sont intéressées à la résilience et au capital social de nos collectivités.

L’exclusion des femmes, y compris le droit à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, le droit de dire non, le droit de dire oui et le droit de dire oui sous réserve de certaines conditions, par rapport à leur corps, à leur vie et à leur rôle de protectrice, a-t-elle influencé négativement la relation avec le Canada et les projets de loi comme le projet de loi C-69? L’inclusion de l’analyse sexospécifique permettra-t-elle d’apporter des solutions à l’égard d’un soutien des ressources extractives?

Mme Joe : Merci, sénatrice. Je crois que chaque fois que nous amenons un nouveau projet dans une collectivité, que ce soit une collectivité autochtone ou autre... mais la plupart de ces projets semble se faire dans des lieux éloignés et situés à proximité des collectivités autochtones. Je crois que chaque fois que vous amenez un grand groupe d’employés principalement masculins dans une région, cela comporte certains risques d’amener des étrangers dans votre maison et dans votre région.

Nous devons tenir compte de ces préoccupations d’une certaine manière. Je crois que certaines industries comprennent que, en ayant un groupe sexospécifique qui comprend les femmes autochtones, elles peuvent être proactives pour faire en sorte que la sécurité de nos femmes, de nos filles et de nos collectivités autochtones soit prise en considération de façon proactive. C’est un processus nécessaire pour nous permettre de contrer la violence envers nos gens.

En formant ces comités paritaires sur le plan du sexe et en intégrant la voix des Autochtones, nous respectons aussi beaucoup les territoires dans lesquels nous nous déplaçons. Je crois que cette circulation se fera dans les deux sens entre la collectivité autochtone et la collectivité non autochtone, même si je crois que c’est une circulation dans trois sens, car vous faites aussi intervenir l’industrie.

Je crois très fermement que l’inclusion nous permettra d’avoir de meilleurs projets, de meilleurs résultats et un meilleur soutien de la part de toutes les parties. Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Voilà qui met fin à l’audience avec ce groupe de témoins.

Mesdames et messieurs, il faut nous garder 20 minutes à la fin de la séance, car nous devrons discuter des progrès de notre étude.

Sénateurs et sénatrices, nous accueillons maintenant Chris Bloomer, président et chef de la direction, et Ben Coleman, gestionnaire, Relations gouvernementales et des parties intéressées, de l’Association canadienne de pipelines d’énergie. Nous recevons Wim Veldman, président de Wim M. Veldman Consulting Inc.

Merci de vous joindre à nous.

Wim M. Veldman, président, Wim M. Veldman Consulting Inc. : Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis très heureux de parler à une collègue ingénieure, particulièrement une collègue ingénieure en ressources hydrauliques. J’ai passé beaucoup de temps au Pérou, ainsi que sur le projet de pipelines de Camisea.

Merci de votre temps. Je profiterai du peu de temps que j’ai pour me concentrer sur l’expérience du monde réel de la construction de pipelines. J’ai été chanceux de participer à la construction de pipelines pendant 45 ans, à commencer par le pipeline trans-Alaska, travaillant à temps plein à sa construction et sa conception. J’ai aussi participé à des audiences pour l’ONE au Canada, à des audiences de la Federal Energy Regulatory Commission aux États-Unis, à des audiences dans l’État de Washington, à des audiences équivalant à la FERC en Argentine, une expérience intéressante, et aussi à des audiences pour l’État de Washington et des projets de pipeline.

J’insiste pour dire qu’il est vraiment important de savoir, lorsque nous parlons de pipelines sécuritaires dont l’exploitation est sécuritaire, que nos discussions dans les audiences et que les processus réglementaires ne sont vraiment que la toute première étape. Il s’agit de la conception, de l’approbation, de la construction et de l’exploitation. Voici un livre étranger dont la deuxième édition paraîtra dans deux semaines, mais il porte précisément sur les risques associés aux pipelines et il est publié par l’American Society of Mechanical Engineers, à New York. J’ai été chanceux d’avoir été invité à participer à la rédaction du livre. Nous devons réfléchir au cycle de vie complet. Notre objectif est commun : des pipelines sécuritaires.

J’ai parlé de mes années d’expérience et j’aimerais régler une question. J’ai vu des références disant que l’ONE a 60 ans et que nous devons le changer. J’ai 75 ans, je viens de signer un contrat de deux ans avec le pipeline trans-Alaska et j’espère que, lorsqu’ils me jetteront sur le trottoir, ce n’est pas parce qu’ils diront que je suis trop vieux, mais parce que je ne suis plus assez bon. Il est dit dans le livre, dans les points saillants des chapitres, que je crois fermement aux connaissances locales, peu importe leur source. La meilleure source de connaissances locales sur un passage de rivière très difficile en Équateur, c’était une femme de 90 ans qui avait vécu sur la rivière toute sa vie. À mes débuts, au Manitoba, je travaillais sur des projets d’inondation où nous parlions à des agriculteurs. Les connaissances locales sont extrêmement importantes. Le fait d’être « vieux » n’est pas une assez bonne raison pour changer.

Le processus de base de l’ONE n’est pas brisé. Les politiques, les énoncés, les approches et les processus sous-jacents sont ceux qui le sont. Le projet de loi C-69, à mon avis, en tant que simple ingénieur, comporte des lacunes fatales qui ne vont pas remédier aux problèmes que nous connaissons. Je crois que les amendements ne les régleront pas. Nous avons parlé de la construction de pipelines et des difficultés connexes. Je crois que nous devrions vérifier ce qui se passe réellement. Le projet de doublement de Trans Mountain auquel j’ai participé dans le parc national de Jasper et le parc provincial du mont Robson s’est révélé un défi en raison de l’étroitesse de l’emprise. Il y a quelques années, j’ai lu une lettre rédigée par une dame à Vancouver qui demandait ceci : « Que diriez-vous si nous construisions un pipeline dans vos parcs? » En fait, nous en avons un à Jasper qui est à peine visible. Le projet Trans Mountain a remporté un prix pour ses excellentes études environnementales. L’oléoduc trans-Alaska... j’y ferai référence en disant « nous », parce que j’ai ce sentiment d’appartenance. J’y participe toujours. Chaque année, je procède à une inspection sur l’étendue de la ligne. C’est l’essentiel — pas seulement en amont — mais c’est l’essentiel : des inspections sur l’étendue de la ligne, une évaluation continue qui détermine si nous obtenons ce que nous recherchons, c’est-à-dire un pipeline sécuritaire.

Le Mindo Ridge, d’OCP Ecuador, à l’est de Quito, représente un défi important, mais nous avons trouvé une façon d’y parvenir en creusant manuellement un pipeline sur 13 kilomètres. À Camisea, au Pérou, il y a des lignes jumelles, une vers Pisco et une autre vers Lima, et à l’extrémité est dans la jungle et la forêt amazonienne. On avait au départ un projet de routes d’accès temporaire qui n’a pas été autorisé après beaucoup de consultations. Toute la construction a été réalisée par hélicoptère, et l’accès n’était possible que le long de l’emprise du pipeline. Il y avait des camps tous les 20 kilomètres qui bénéficiaient du soutien des hélicoptères. C’était incroyable.

Je vous raconte un peu l’histoire du système de l’oléoduc trans-Alaska. Nous avons parlé de l’opposition aux pipelines, qui n’est pas nouvelle. En 1969, lorsqu’on a présenté pour la première fois la demande pour l’oléoduc trans-Alaska, celle-ci a été rejetée pour des raisons environnementales. Les études se sont poursuivies. La bonne chose, et la chose très importante qu’on a faite... c’est en 1971. Un accord territorial a été signé avec les Premières Nations de l’Alaska. C’étaient des terres et des paiements. C’est arrivé en 1971. On a continué d’effectuer des études environnementales. Il y avait encore beaucoup d’opposition en 1973, mais le Sénat américain à l’époque et le gouvernement ont dit qu’ils avaient mené quatre années d’études intensives après le premier refus et qu’il était temps de passer au vote. Le vote déterminant au Sénat américain était à égalité, et c’est Spiro Agnew, vice-président du président Nixon, qui a brisé l’égalité. Il y a eu beaucoup d’opposition, pour de bonnes et de moins bonnes raisons. J’insiste là-dessus, car l’opposition aux pipelines n’est pas nouvelle.

J’aurais dû le dire au début : je vais me concentrer entièrement sur les pipelines et l’ONE. J’ai travaillé sur des projets miniers et je peux comprendre pourquoi ils sont perçus différemment, mais je vais me concentrer sur les pipelines.

Lorsque je réfléchis à l’opposition à l’oléoduc trans-Alaska — et je suis déménagé au Texas pour y travailler à temps plein, sans l’avoir vu et sans même que le projet ait été entièrement approuvé. Je mettrais au défi quiconque était opposé à l’oléoduc trans-Alaska, y compris l’ancien vice-président Joe Biden, de se rendre maintenant en Alaska et de demander à qui que ce soit, particulièrement aux Premières Nations : aimeriez-vous retourner avant 1973? En ce moment, les Premières Nations, si l’on songe aux entreprises établies en Alaska, touchent 75 p. 100 du revenu total des entreprises établies là-bas, et la plus grande Première Nation facture 2 milliards et demi de dollars par année.

J’aimerais parler de l’ONE existant. Le mandat attribué au ministre Carr était de moderniser l’ONE. Le comité d’experts a consacré du temps à son examen, et un des commentaires qui sont ressortis, c’est que l’ONE est « respecté à l’échelle internationale » comme étant « l’un des plus rigoureux régimes de réglementation ». Je crois que cela devrait constituer le point de départ. Les experts ont reconnu qu’il évolue et élargit continuellement son rôle. J’ai beaucoup travaillé sur le projet gazier Mackenzie. J’ai été surpris d’entendre, durant une audience précédente, un commentaire précédent selon lequel, avant 2012, l’ONE ne tenait pas de consultations auprès de la population locale. Je trouve cela extrêmement surprenant, puisque j’ai passé beaucoup de temps dans le Nord sur le projet gazier Mackenzie à faire justement cela.

Si vous regardez l’évolution de la conception, des conditions, du degré de détails des conditions du projet Mackenzie jusqu’au projet Northern Gateway, en passant par Trans Mountain, vous voyez assurément une évolution. Le comité d’experts s’entend pour dire qu’il y a eu une évolution. Une vérification de l’ONE a été faite en 2015. Une des choses qu’on a recommandées, c’était que l’ONE améliore le suivi, et le comité d’experts a convenu et reconnu que l’amélioration du suivi se produisait. Qu’aurait-on pu faire de plus, qu’il s’agisse du projet TMX ou de n’importe lequel des autres projets?

Dans certains cas, je ne le sais pas, car certains intervenants ont affirmé publiquement à de nombreuses occasions que, peu importe ce que vous proposez, il s’y opposeront. C’est difficile de négocier et de mener des consultations dans ces cas-là.

On a formulé des commentaires selon lesquels le nouveau processus reposera sur des données scientifiques. Je mettrais quiconque au défi d’examiner le rapport de la décision concernant le projet TMX de l’ONE, tout particulièrement les conditions et les exigences pour satisfaire entièrement aux conditions, et j’aimerais que quelqu’un m’indique ce qui pourrait reposer davantage sur des données scientifiques.

Ce n’est que le début. Une grande partie de mon travail est en cause. Le rapport sur la décision de l’ONE ne me permet pas de déplacer ne serait-ce qu’une pelletée de terre. Dans mon champ, qui est rempli de passages de rivière, avant que je puisse faire quoi que ce soit, j’ai besoin d’obtenir l’approbation du gouvernement fédéral, de Transports Canada et du gouvernement provincial. Une bonne partie de cela repose sur des analyses et des études scientifiques.

Chaque étape est détaillée et reçoit les commentaires du public. J’ai montré ce rapport du projet TMX et ses 68 pages de conditions. Ce tout petit livre était ma bible sur l’oléoduc trans-Alaska. C’était le point de départ — les politiques, les critères et les multiples études détaillées; donc, des tonnes de mots ne sont pas requis pour construire et faire fonctionner en toute sécurité un pipeline.

Je trouve intéressant que nous ne croyions pas en la robustesse du processus de l’ONE. Nous, en tant que contribuables du Canada, avons dépensé 4,5 milliards de dollars pour ne pas acheter le vieux pipeline. Nous avons acheté l’emprise et les approbations; et nous devons donc croire, ayant dépensé 4,5 milliards de dollars, que nous avons une bonne chance de construire le nouveau pipeline.

Qu’est-ce qui aurait dû être fait? Où sont les problèmes? Comme je l’ai dit, nos problèmes tiennent au fait qu’il nous faut dès le départ des politiques et des procédures globales définies plus fermement. Comme je l’ai dit plus tôt, je suis un simple ingénieur et je me penche sur des politiques très détaillées. Permettez-moi de tenter une réponse.

La première — faire une déclaration selon laquelle le Canada devrait être indépendant sur le plan énergétique. Je sais que cela a fait l’objet de discussions lors d’une réunion annuelle des libéraux il y a environ un an. Je ne sais pas si cela fait partie des 25 priorités principales. Une chose que le premier ministre a mentionnée à de nombreuses occasions, ainsi que d’autres ministres — c’est la responsabilité fondamentale d’amener nos ressources sur le marché international. Cela devrait être une maxime et une politique affirmées. Établir comment mener des consultations de nation à nation. En 2017, le comité d’experts a déclaré qu’un groupe de travail composé de ministres travaillait là-dessus. Je ne sais pas si cela a été réalisé. Établir ce qu’est une consultation. Consultation ne veut pas nécessairement dire veto. Établir que l’approbation de tout le monde n’est pas requise. C’est très manifeste, si vous examinez, à titre d’exemple, toutes les discussions dans le cadre du projet de loi C-48. J’ai témoigné hier soir sur le projet de loi C48. C’est parce que le ministre Garneau dit que le projet de loi C-48 n’a pas reçu l’approbation de tout le monde.

Quelles options auraient pu découler de la gestion de la modernisation? D’abord, faire très peu de choses. Puisque nous sommes « respectés à l’échelle internationale », nous sommes « plus rigoureux ». Ce n’est pas un diagnostic pour une chirurgie majeure. Je me suis rendu au canal de Panama plus d’une douzaine de fois. Lorsqu’il a été repris par le pays du Panama, les ingénieurs avaient une maxime pour moderniser les écluses. Celles-ci ont plus de 100 ans. Ils sont revenus un an plus tard et ont dit que les écluses étaient en excellent état. Outre la mise à niveau de certains des contrôles, les écluses fonctionnent.

Option no 1 — faire très peu de choses.

Option no 2 — la version 2.0 de l’ONE. J’ai un tableau à ce sujet.

Option no 3 — le projet de loi C-69, que je considère comme une chirurgie majeure.

L’option no 1, vous faites très peu de choses. C’est déjà ce que nous faisons. Nous évoluons déjà.

L’option no 2, que j’appelle la version 2.0 de l’ONE, il y a un tableau détaillé joint au mien — je ne vais pas l’aborder. La plus grande recommandation que je présente à ce sujet, c’est d’ajouter un comité d’examen indépendant. Je peux en parler, car je crois que c’est un examen et une évaluation sous-jacents.

Par rapport au projet de loi C-69, quelles sont certaines des principales lacunes que je vois? Rebâtir la confiance du public. La consultation inclusive.

Si je me présentais à Montréal comme témoin expert ou comme expert dans mon domaine — les ponts et les rivières — et que je témoignais par rapport à un pont, je m’attendrais à ce que le groupe à Montréal dise : « Monsieur Veldman, nous sommes désolés que vous ayez gaspillé votre temps et le nôtre. Vos commentaires ne sont pas pertinents. » Un « critère lié au droit de participation » direct sur le témoignage est accepté.

Si vous demandez à quiconque d’en parler, la moitié des gens se feront dire qu’ils ne sont pas directement touchés, et tous ces gens seront frustrés parce que leurs commentaires n’auront pas été pris en considération.

Une plus grande transparence et un plus grand nombre de décisions gouvernementales équivalent à moins de transparence. Le comité d’experts a dit que les décisions de l’ONE sont transparentes; ce sont les décisions gouvernementales qui ne le sont pas, car elles n’ont pas besoin de l’être.

Conclusions — le gouvernement du Canada, dans son document, dit qu’il veut un nouvel organisme de réglementation fédéral de l’énergie, qui soit moderne et de calibre mondial. Je dis que nous avons déjà un organisme de réglementation respecté à l’échelle internationale qui est parmi les plus rigoureux; donc, pour répondre à nos mandats, modernisons-le grâce aux recommandations qui ont été formulées. Merci beaucoup.

Chris Bloomer, président et chef de la direction, Association canadienne de pipelines d’énergie : Merci de me fournir l’occasion de venir ici et de vous parler du projet de loi C-69 au nom de l’Association canadienne de pipelines d’énergie.

J’ai un bref exposé. Je suis impatient d’entendre vos questions et de participer à une conversation. L’industrie énergétique du Canada traverse une crise qui s’aggrave. C’est quelque chose que tout le monde comprend.

La décision récente d’un investisseur à long terme dans le secteur énergétique du Canada, Devon Energy, de se dessaisir de ses biens canadiens est un exemple flagrant de cette crise. Nos ressources de pétrole et de gaz naturel sont enclavées, car nous ne construisons pas de pipelines supplémentaires. L’économie canadienne passe à côté de milliards de revenus à long terme. Nous excluons des possibilités de mise en valeur de nos vastes ressources.

Un des plus grands obstacles tient à l’environnement réglementaire au Canada. En plus de l’absence de clarté et de l’incertitude dans le projet de loi C-69, la superposition de nouveaux règlements aux échelons fédéral et provincial est accablante. Cela contribue au déclin de notre compétitivité.

La CEPA a chargé Ernst & Young — et j’ai un document que nous vous fournirons — de faire une étude sur l’effet de l’augmentation de la population sur l’industrie pipelinière telle qu’elle est aujourd’hui. L’étude fait ressortir le déclin de la compétitivité du Canada pour notre industrie. Le rapport d’Ernst & Young a été publié hier, et nous en avons fourni des exemplaires au comité.

Ce rapport, ainsi que la série d’amendements proposés que nous avons présentés, peuvent aider à orienter votre tâche importante d’étude du projet de loi C-69 et des amendements à y apporter.

La CEPA a fourni une évaluation candide du projet de loi C-69 au comité parlementaire le printemps dernier. Le comité n’a pas dissipé nos préoccupations et a renvoyé un projet de loi qui était plus troublant que l’original, à notre avis. C’est cette version plus troublante que vous avez en main aujourd’hui.

Le projet de loi C-69 ne s’attaque pas à la préoccupation la plus fondamentale du secteur pipelinier — soit que le risque financier indûment élevé associé à des examens de projets longs et coûteux a déclenché des discussions polarisées dans le processus et ce que l’on considère comme des décisions politiques au final.

Le projet de loi C-69 subordonne le rôle de l’ONE, mettant de côté 60 ans d’expertise administrative et technique qui a évolué au fil du temps, comme nous l’avons entendu dire.

Il confie les examens de projets techniquement sûrs de l’ONE à l’agence d’évaluation d’impact. Celle-ci n’a pas été évaluée et n’a pas vraiment l’indépendance et l’expertise nécessaires pour diriger de grands projets d’examen des pipelines. Nous estimons que la transition physique et le délai pour faire les choses sont problématiques.

La CEPA propose une série d’amendements au projet de loi C-69 qui, s’ils sont adoptés, offriraient une approche plus équilibrée, diminuant les risques et augmentant la clarté et la certitude pour les promoteurs de projet et les investisseurs. Notre série d’amendements proposés est toutefois fournie sans que l’on connaisse la liste de projets désignés. C’est un élément fondamental et essentiel à notre réflexion à ce sujet. Nous aimerions aussi comprendre comment les règlements seront structurés.

Nos amendements proposés, que vous trouverez dans notre mémoire écrit, visent à combler cinq lacunes fondamentales du projet de loi. Premièrement, le projet de loi C-69 politise, à notre avis, encore plus le processus d’examen des projets en incluant des questions de politiques publiques élargies comme le changement climatique et la durabilité dans le processus d’examen et la décision politique à la fin d’un processus très long et coûteux. C’est le pire scénario pour notre industrie, puisque c’est incertain.

Deuxièmement, le projet de loi C-69 néglige l’expertise de l’ONE. Certains des changements de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, comme ceux touchant la structure de gouvernance, sont judicieux, et nous les appuyons. C’est une évolution de l’entité et de sa gouvernance. Nous croyons fermement que l’examen des projets devrait continuer d’être effectué par un ONE modernisé en tant qu’organisme de réglementation indépendant le mieux placé.

Troisièmement, le projet de loi C-69 fournit un pouvoir discrétionnaire prépondérant à la ministre de l’Environnement et du Changement climatique. De nombreux aspects dans le projet de loi autorisent l’intervention de la ministre, y compris le pouvoir d’ajouter des projets à la liste de projets, la capacité de déterminer la portée des facteurs qui présideront à la décision finale, le fait de savoir si le projet est d’intérêt public, et la capacité d’établir des décisions relatives à des projets et de prolonger les échéanciers.

La CEPA demeure préoccupée par l’augmentation de l’incertitude que cela crée. Nous avons constamment fait ressortir l’importance d’un processus indépendant et quasi judiciaire qui repose sur l’équité et la transparence ainsi que sur des principes du droit administratif, de la justice naturelle et de l’équité procédurale.

Quatrièmement, le projet de loi C-69 n’offre pas la certitude et la clarté nécessaires. Nous avons concentré nos amendements sur deux sujets : les délais et la participation du public. Nous proposons un délai cumulatif maximal et autorisons l’agence ou la commission à déterminer les droits de participation du public en fonction de la mesure dans laquelle un participant est directement touché ou détient de l’information ou de l’expertise pertinente.

Cinquièmement, il y a la possibilité d’augmentation des poursuites et des révisions judiciaires. La CEPA propose un article pour limiter les contestations judiciaires par rapport à des décisions ou à des ordonnances relatives à des questions de droit ou de compétence, éliminant les possibilités de réévaluation des questions de fait.

En conclusion, le projet de loi C-69, tel qu’il est actuellement proposé, est inconciliable avec la vision et les objectifs que nous avons constamment définis. Sous sa forme actuelle, il est aussi inconciliable avec les objectifs que le gouvernement lui-même a décrits au début du processus de consultation il y a presque trois ans, même si l’on dirait que c’est hier.

Enfin, la CEPA demeure préoccupée par le fait que le gouvernement n’a pas défini de vision quant à la façon dont le projet de loi C-69 s’inscrit dans les objectifs énergétiques à long terme du Canada. Il ne reflète pas l’importance que l’énergie continuera de jouer pour de nombreuses décennies à venir. Sous sa forme actuelle, il n’aide pas le Canada à atteindre la valeur complète de ses ressources sur les marchés mondiaux.

Nous saluons le travail du comité sénatorial qui examine le projet de loi. C’est difficile, mais cela revêt une importance fondamentale pour le Canada. C’est une très grosse affaire. Nous espérons pouvoir obtenir un projet de loi modifié que nous appuyons tous et que nous faisons tous avancer afin d’amener le Canada plus loin, pour qu’il soit en mesure de mettre en valeur nos ressources et de construire l’infrastructure nécessaire pour accéder aux marchés et faire croître cette industrie.

Merci beaucoup. Je suis impatient de répondre à vos questions.

Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins d’être ici aujourd’hui.

C’est instructif de vous entendre défendre tous les deux l’ONE. Je fais partie des personnes qui croient que le travail de sape visant l’ONE est injustifié et injuste. Monsieur Bloomer, je vais commencer par vous. La CEPA a publié un communiqué de presse le 5 octobre 2017 qui dit ceci :

CEPA est extrêmement déçue d’apprendre que l’Oléoduc Énergie Est et le projet de réseau principal Est n’iront pas de l’avant. [...] Le communiqué de TransCanada fait suite à la décision du comité de l’Office national de l’énergie sur Énergie Est de tenir compte des émissions de gaz à effet de serre (GES) en amont et en aval pour ces projets.

Pouvez-vous expliquer comment les évaluations des émissions en amont et en aval influent sur le projet de pipeline et comment l’imposition de ce critère a précisément touché Énergie Est, puis comment, encore une fois, cela inscrit les émissions en amont et en aval comme des considérations dans le cadre du projet de loi C-69?

M. Bloomer : Cette question particulière de l’inclusion des émissions en amont et en aval dans l’évaluation d’un projet de pipeline est très problématique. Nous sommes d’avis que, du point de vue des examens, les pipelines servent à déplacer des produits énergétiques qui sont approuvés, ont passé à travers une élaboration et un examen environnemental rigoureux, ont satisfait aux règlements et servent un marché qui est, en soi, régi par des règles et des règlements.

Ces deux administrations ne sont pas sous le contrôle ou sous l’impact des pipelines. La question d’examen en amont relève des provinces. C’est leur ressource. Pour ce qui est de l’examen en aval, c’est du ressort des marchés, qui seront assujettis à toutes sortes de règlements différents, comme les taxes sur le carbone et la consommation. S’il n’y a pas de marché, alors nous ne l’alimentons pas. La construction de ces choses dans un examen et une analyse de projet n’est pas le lieu approprié pour le faire.

Dans le cas d’Énergie Est, encore une fois, on a vu le début d’un projet, la fin d’un projet et des poteaux de but qui se déplacent. Quand le dernier comité a été présenté... nous devons garder à l’esprit que ces comités sont tout à fait indépendants. Ils déterminent leur propre mandat. C’est ce comité qui a déterminé que ce serait une bonne idée d’évaluer les émissions en amont et en aval.

Cela a eu deux conséquences. Cela voulait dire qu’on pouvait intégrer à un processus d’examen, par l’entremise des comités, tout ce qu’on souhaitait faire, et cela a eu de très grandes conséquences. C’est essentiellement quelque chose que l’on a ajouté. C’était, en quelque sorte, la dernière goutte des changements dans ce processus de changements graduels qui a fait déborder le vase. À cause de cela, c’est devenu insoutenable.

Nous croyons fermement que l’inclusion des émissions en amont et en aval pour les projets de pipelines est tout à fait inappropriée.

Le sénateur MacDonald : L’un ou l’autre d’entre vous peut répondre à cette question. Les États-Unis achètent notre bitume à rabais au prix du West Texas Intermediate ou du Western Canada Select. Entre-temps, ils produisent leur pétrole de réservoirs étanches et le vendent au Canada au cours mondial. Pourriez-vous parler de l’investissement dans les pipelines au Canada par rapport à l’investissement aux États-Unis et de ce que vos membres vous disent au sujet de la compétitivité du Canada, particulièrement au regard des États-Unis lorsqu’il s’agit du climat d’investissement?

M. Bloomer : Je vais répondre, puis je laisserai la parole à M. Veldman. Le rapport d’EY que nous avons fourni traite très clairement de cette question particulière. Si vous regardez les demandes présentées aux États-Unis depuis 2014 qui devraient faire l’objet de dispositions équivalentes à celles de l’article 52, 14 projets de pipeline sont allés de l’avant, et il y en a eu un au Canada. La pénurie de demandes visant un projet faisant intervenir l’article 52 est frappante. Il y a très peu d’activités.

Nous savons que les investissements se déplacent vers le sud. Nous savons que le Canada n’est pas perçu comme un endroit où investir à l’heure actuelle. C’est essentiellement attribuable à la structure de réglementation. Dans ce rapport, vous verrez une description très claire des conséquences et de ce qui se passe aujourd’hui, et vous remarquerez une différence assez frappante.

M. Veldman : La seule chose que je pourrais ajouter, c’est qu’à l’époque où le projet Keystone XL a été approuvé pour la première fois, a été bloqué puis a fini par être rejeté par l’ancien gouvernement, huit projets équivalents ont été construits aux États-Unis.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Je vais poser les deux questions en même temps de manière à ne pas être interrompue.

Monsieur Veldman, je ne sais pas si vous étiez ici pour le groupe de témoins précédent. Vous avez dit que le projet de loi C-69 comporte des lacunes fatales. Je ne suis pas sûre que vous croyez qu’il soit modifiable.

Nous avons entendu le groupe de témoins précédent dire que l’ancien projet de loi de 2012 a mis de côté les Autochtones, que c’est mieux de travailler avec eux que d’être en conflit. Nous avons entendu parler de l’importance du projet de loi C-69, du fait qu’il doit être adopté, qu’il y a dans le projet de loi une analyse sexospécifique pour la toute première fois et que l’occasion pour les femmes autochtones de faire entendre leur voix est reconnue, et que ce processus a été inclusif et a fait participer les Premières Nations.

Pourriez-vous dire quelque chose à ce sujet? Nous nous tournons vers des témoins qui s’expriment par rapport à chaque aspect de la question. Pourriez-vous formuler des commentaires sur vos différences?

Ma deuxième question, monsieur Bloomer, traite de la participation du public. Merci beaucoup d’avoir inscrit cela dans vos amendements. C’est très utile de présenter votre amendement et de proposer votre justification qui le sous-tend. C’est très utile.

La participation du public et les changements que vous recommandez — l’article 74 — c’est que, plutôt que de dire que la Régie « établit les processus », vous avez dit que l’on devrait dire qu’elle « peut établir les processus ».

Vous dites que cela apporterait de la clarté. Nous avons beaucoup entendu dire des intervenants de l’industrie qu’il y a des situations où il faudrait plus de clarté. J’ai choisi d’aborder en particulier la participation du public. Pourriez-vous donner vos commentaires concernant l’importance de la clarté et expliquer la différence entre « établit » et « peut établir » aux yeux des intervenants de l’industrie?

M. Veldman : J’ai été présent durant la plus grande partie des témoignages du groupe précédent. Je suis arrivé avec un peu de retard.

Comme je l’ai mentionné auparavant, je suis étonné qu’on puisse penser qu’avant 2000 ou 2012, aucune consultation n’était menée auprès des Autochtones et que leur participation n’était pas sollicitée. Comme je l’ai mentionné, pour ce qui est du projet gazier Mackenzie, ce n’est assurément pas ce que j’ai vécu.

Aussi, dans le cas du projet Northern Gateway, je sais que de multiples ententes ont été conclues avec des groupes autochtones établis le long de l’emprise et du tracé de ce projet en 2013, si je me souviens bien. Dans le cas de ces deux projets, il y a eu beaucoup de discussions. Quelqu’un pourrait peut-être trouver quelque chose à redire à propos du genre de participation, du dialogue de nation à nation, et ainsi de suite, mais il y a assurément eu beaucoup de discussions dans le cadre de ces deux projets. Nous savons aussi qu’il y en a eu dans le cas du projet d’expansion du pipeline Trans Mountain.

M. Bloomer : La question portait sur les termes « établit » et « peut établir » dans un contexte de clarté et de participation du public, est-ce bien cela?

La sénatrice Cordy : Oui.

M. Bloomer : La proposition d’utiliser « peut établir » au lieu d’« établit » vise essentiellement à être moins directif, et à offrir de la souplesse et des options pour traiter certaines de ces questions.

En ce qui concerne les politiques, une de nos préoccupations liées aux aspects du projet de loi porte sur le fait que des questions stratégiques plus larges sont soulevées en raison de l’obligation d’examiner ces questions. De quelle façon établit-on la portée? Le fait d’utiliser le terme « peut établir » permet d’inclure ces questions dans le processus. Cela ne signifie pas que nous n’en tenons pas compte. Dans la partie portant sur la participation du public, il s’agit d’effectuer une planification, et cela porte vraiment sur la question de cerner qui prendra part au premier processus de participation, qui y aura accès ou qui sera en mesure de communiquer les renseignements requis, plutôt que de mener un processus de consultation très large et ouvert à tous. Cela peut créer beaucoup d’incertitude et avoir des incidences sur les échéanciers.

Je crois que, du point de vue des Autochtones, il est très important de mener des consultations dès le début, et ils souhaitent y participer. Nous devons en tenir compte dans le processus de consultation. Nous devons le rendre plus ciblé, énoncer très clairement qui participe aux consultations et communiquer le fait que l’on accorde définitivement de l’importance au point de vue des Autochtones et qu’il ne sera pas dilué par des considérations très générales dans le processus de consultation.

Le sénateur Richards : Je vous remercie de votre présence. Je ne crois pas que quiconque ici présent soit étonné que je suis d’avis que cette mesure législative est très mauvaise. Je vais vous demander ceci : croyez-vous, comme moi, que cela mènera à des procès sans fin? Si c’est le cas, notre économie s’en trouvera-t-elle davantage minée? Préférez-vous le projet de loi de 2012 ou celui d’aujourd’hui? L’un ou l’autre d’entre vous peut répondre.

M. Bloomer : Nous avons des préoccupations à l’égard du projet de loi. Il pourrait en découler beaucoup de procès touchant quelques-uns de ses aspects. Par exemple, cela pourrait être lié, notamment, aux processus et aux politiques du nouvel organisme et aux décisions qui en découlent; il faut garder à l’esprit que nous ne savons pas exactement quels seront les effets et les interactions des dispositions réglementaires. Nous devons préciser l’intention du législateur et faire en sorte que le projet de loi soit plus clair, afin d’éviter ce genre de préoccupations concernant les litiges.

En ce qui concerne la LCEE 2012, nous sommes d’avis que nous nous retrouvons au point où nous en sommes. Il y a eu trois ans de consultations, de discussions, et ainsi de suite. Nous avons un projet de loi que nous avons qualifié d’inconciliable avec notre vision de ce qui doit être fait à l’avenir. Nous avons proposé des amendements pour changer cela. Ils ne contiennent pas tout ce que nous souhaiterions, mais c’est une solution pour continuer d’avancer.

Nous portons notre attention aux aménagements possibles de ce projet de loi, et à la façon nous pouvons le rendre applicable, grâce à la série d’amendements que nous avons proposés, et faire en sorte de réduire le risque de litiges. Nous avons proposé d’ajouter une disposition privative. Nous sommes d’avis que cela serait très utile, vu que les décisions rendues seraient définitives, et que les appels seraient interjetés devant un tribunal d’appel, au lieu de suivre le cheminement auprès de toutes les instances du système, ce qui gaspille beaucoup de temps.

Nous avons proposé certains amendements clés qui sont étroitement liés et qui visent les enjeux relatifs aux litiges.

Nos propositions précisent de façon claire la manière d’obtenir un processus dont l’intention est limpide, qui fonctionne pour tout le monde et qui permet à tous de faire progresser les choses. Parce que nous devons avancer. Nous devons mettre en place quelque chose qui fonctionne pour tous. Notre intention, c’est d’obtenir quelque chose qui fonctionne pour nous, d’avancer et de progresser et de faire des réalisations ensemble.

Le sénateur Richards : Qu’arrivera-t-il si les amendements que vous proposez ne sont pas retenus?

M. Bloomer : Je ne veux pas être un rabat-joie, mais si n’obtenons pas un projet de loi qui est applicable, nous allons le dénoncer. Cela posera un très grand défi. Il y aura des incidences pour le Canada.

Nous devons faire le point sur ce que nous voulons être. Nous devons saisir cette occasion — et il s’agit d’une occasion importante pour tous — de faire en sorte que nous puissions tous soutenir ce projet de loi et ensuite avancer ensemble pour positionner le Canada comme un pays propice aux investissements. Il s’agit d’une véritable occasion de tenter de réaliser cela tous ensemble.

C’est ce que nous souhaitons au bout du compte. Nous sommes dans une situation dont l’issue sera plutôt blanche ou noire; nous pouvons faire les choses correctement ou non. Je crois que nous sommes sur la bonne voie et nous espérons que nous pourrons y arriver.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Monsieur Veldman, je souhaite me faire l’écho des commentaires de la sénatrice Cordy et réitérer combien nous sommes reconnaissants de la façon dont vous avez présenté votre point de vue et travaillé de façon diligente. Vous représentez...

M. Bloomer : C’est l’œuvre de Ben.

Le sénateur Mitchell : Vous représentez un éventail d’entreprises de l’Alberta et d’ailleurs, formées de bonnes personnes, qui contribuent grandement au pays et à la région de l’Ouest. Je tiens à le souligner.

Je souhaite aborder un sujet dont on n’a pas beaucoup parlé au cours des témoignages. Il s’agit des évaluations stratégiques et du processus qui découlerait de l’adoption du projet de loi C-69. Ces modifications présentent des avantages sur le plan de la simplification, entre autres. Je crois que votre organisation y voit une certaine valeur. Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires et de vos réflexions à ce sujet?

M. Bloomer : C’est un aspect très important. Comme vous l’avez dit, il a été perdu de vue parmi tout le reste.

Les évaluations stratégiques sont importantes pour plusieurs raisons. Si nous examinons les processus antérieurs, à notre avis, une des raisons pour lesquelles les projets de pipeline, les évaluations, et ainsi de suite, ont posé problème, c’est parce que ces projets sont devenus une sorte de fourre-tout pour une longue liste de préoccupations qui ne sont pas nécessairement liées aux pipelines.

Les évaluations stratégiques proposées peuvent être un moyen de faire participer les gens dans un cadre qui porte sur les questions à l’échelle locale. Tout cela revient à l’échelle locale, de bien des façons. On peut mener ces évaluations stratégiques, recueillir les commentaires et les inclure dans l’évaluation globale. C’est un lieu pour participer et se faire entendre, et ce qui en ressort peut être versé dans les évaluations effectuées par la suite.

Je crois, bien franchement, qu’elles peuvent être une partie très constructive de l’ensemble du processus à l’avenir.

Le sénateur Mitchell : Je sais que nous n’avons pas beaucoup de temps, donc je vais passer mon tour.

Le sénateur Patterson : Le Canada est connu comme un pays possédant de riches ressources énergétiques. Nos ressources sont laissées en plan actuellement, et les estimations montrent qu’il y aura une demande en pétrole et en gaz dans le monde au moins jusqu’en 2040.

Votre document de 19 pages présente de belle façon les amendements que vous proposez. Ce matin, on nous a aussi dit que le projet de loi comporte des défauts graves qui ne pourront être corrigés par des amendements. Êtes-vous arrivés à un consensus dans l’industrie de l’énergie à propos de la série d’amendements que vous avez présentés? Faites-vous cause commune avec d’autres défenseurs de l’industrie de l’énergie au pays?

M. Bloomer : Pour répondre brièvement, oui. Nous avons consenti beaucoup d’effort auprès de l’ensemble des industries en amont, de l’industrie de service, des petits exportateurs et producteurs, des organisations de petite taille et d’autres groupes. Par exemple, nous avons collaboré avec les responsables de l’INBA en Colombie-Britannique. Cette organisation regroupe la main-d’œuvre qui effectue les travaux de base, et nous avons recueilli leur point de vue sur le projet de loi.

Nous avons collaboré avec les gouvernements provinciaux à ce sujet.

Nous avons mené un processus très collaboratif relativement aux amendements à apporter au projet de loi. Les résultats que vous voyez, de façon générale, sont très semblables. Quand nous avons soumis nos propositions, nous étions très ouverts à collaborer avec les autres groupes. Le document dont vous disposez reflète non seulement les commentaires de notre organisation, mais les résultats d’une collaboration et d’un examen plus larges concernant le projet de loi.

C’est une façon importante d’examiner les choses : cela reflète les points de vue d’un grand groupe d’intervenants.

Le sénateur Mockler : Merci de nous faire part de vos idées.

Le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique a fait parvenir une lettre au premier ministre du Canada le 27 février 2019, dans laquelle les premiers ministres ont affirmé, collectivement :

Selon notre examen du projet de loi C-69, dans sa forme actuelle, les modifications importantes proposées à la portée et à l’échelle des évaluations environnementales fédérales au Canada ne permettront pas d’atteindre le double objectif de la protection de l’environnement et de la croissance économique.

Ils écrivent plus loin, et ma question suivra :

Une des principales préoccupations qui doivent être dissipées tient au fait que, selon le libellé actuel du projet de loi, le pouvoir de rendre des décisions définitives appartient au ministre ou au gouverneur en conseil et donne la possibilité d’exercer un droit de veto à l’encontre de résultats découlant d’évaluations scientifiques exhaustives et d’un examen des données.

J’ai entendu de la part d’un représentant de votre industrie, et d’autres industries, que le projet de loi C-69 aura pour effet d’allonger de façon importante le processus d’approbation de projet, et, au Canada, plus de 80 p. 100 de nos produits et services sont vendus aux États-Unis. D’après vous, quelle sera la durée des examens des projets de pipelines selon la mesure législative proposée? De quelle façon cela se compare-t-il aux délais dans d’autres pays, comme aux États-Unis?

M. Bloomer : Je vais prendre un moment pour expliquer un peu les choses.

Tout d’abord, à propos des échéanciers — en ce qui concerne la décision que rend le gouverneur en conseil à la fin, après avoir reçu un rapport aux fins de décision sur le projet, et le fait qu’il puisse décider ce qu’il en sera —, nous sommes d’avis que quand le groupe produit un rapport, il s’agit non pas d’un simple rapport, mais plutôt d’une recommandation sur le projet qui est soumis au gouvernement. Le gouvernement utilise ce document comme recommandation et l’examine en conseil.

Actuellement, nous cherchons à nous assurer que c’est réellement ce qui se passera.

Un aspect qui est prévu dans le projet de loi, c’est qu’il incombera au gouverneur en conseil de fournir ses motifs de décision relativement au projet après son examen.

Il y a un peu plus de transparence à cette étape.

L’autre partie de la question portait...

Le sénateur Mockler : Sur notre processus, par rapport à celui en vigueur aux États-Unis.

M. Bloomer : Encore une fois, nous soulevons ce point dans notre beau rapport utile. Je m’exprime de façon désinvolte, mais il s’agit d’un problème très sérieux.

Aux États-Unis, on arrive à boucler le processus en, environ, la moitié du temps qu’il nous en faut pour faire la même chose. Le processus est clair. Encore une fois, depuis 2015, cela a permis de présenter et de faire approuver aux États-Unis 14 projets équivalant à ceux visés par l’article 2, alors qu’il n’y en a qu’un seul qui a été approuvé au Canada. Ces données détonnent. Il s’agit de faits. C’est notre principal concurrent.

Nous devons tout simplement réussir à avoir accès à des marchés pour écouler notre production et vendre nos ressources. Selon les plus récentes estimations de l’ONE — dans son dossier plutôt technique —, on affirme que le Canada produira plus de 7 millions de barils de pétrole par jour d’ici 2040. Nous produisons un peu plus de 4 millions de barils par jour. Les responsables de l’ONE affirment que nos ressources offrent la possibilité de produire près du double de la production actuelle. Ils ne mentionnent rien à propos des infrastructures, mais cela met en lumière les ressources que nous avons et le potentiel économique qui sera nécessaire.

Cela pourrait avoir un effet gigantesque sur l’économie. Nous devons nous concentrer sur cela.

La présidente : J’ai cinq noms. Nous devons terminer d’ici 10 heures.

Le sénateur Neufeld : On a beaucoup parlé du fait que les consultations n’avaient jamais lieu auprès de groupes et de personnes, autochtones ou non, avant la construction de tous les projets. D’après mon expérience, je sais que ce n’est pas vrai. La situation du projet d’expansion du réseau de Trans Mountain et de la construction de la section du pipeline qui traverse Jasper m’interpelle parce que j’ai fait partie de ce processus. Beaucoup de négociations ont eu lieu.

Peut-être pouvez-vous nous préciser, et si vous ne disposez pas de l’information maintenant... Prenons l’exemple de Trans Mountain. C’est réel, c’est là aujourd’hui et c’est un problème sur lequel tout le monde se concentre. Pouvez-vous nous dire pendant combien de temps Kinder Morgan a négocié avant le processus d’examen officiel? Manifestement, des négociations sont encore tenues, mais plus par Kinder Morgan; nous espérons toutefois que le gouvernement mène toujours des négociations. Pouvez-vous nous donner une idée de l’importance des négociations et des consultations qui ont eu lieu? On peut tenir des consultations ad vitam æternam, mais nous devons accomplir quelque chose.

Peut-être, concernant les cinq éléments... des modifications majeures. Vous avez l’accord d’un grand nombre d’intervenants de l’industrie pétrolière et gazière. Selon votre estimation, pensez-vous que le gouvernement est sensible à la nécessité d’apporter ces modifications? Cette question s’adresse à l’un ou l’autre d’entre vous.

M. Veldman : Je pourrais dire... je ne dispose pas des dates exactes, mais je sais que le PDG de Kinder Morgan, Ian Anderson, a probablement consacré plus de temps que toute autre personne que je connais à cet échelon à la tenue de consultations préalables. Elles ont duré plusieurs années.

J’ai conçu le projet de doublement du pipeline qui traverse Jasper. Je sais combien de temps nous avons passé auprès des gens de la localité et de Parcs Canada.

Actuellement, je travaille sur la remise en service du pipeline qui passe Jasper et Robson, et c’est la même chose; il faut tenir des consultations plusieurs années avant de pouvoir présenter le projet.

Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous obtenir cette information et la fournir à la greffière afin qu’elle puisse être distribuée?

M. Bloomer : Pour donner suite aux commentaires formulés par M. Veldman, dans l’industrie des pipelines, on tient constamment des consultations. Kinder exploite un système opérationnel et a établi des ententes, des relations et ainsi de suite avec des groupes autochtones situés le long du tracé du pipeline. Le chiffre est 56 ou quelque chose de ce genre.

On est constamment en train de communiquer, de tenir des consultations, d’intervenir et ainsi de suite. On ne peut pas tout arrêter d’un seul coup, surtout lorsqu’il s’agit de l’exploitation de pipelines. Et les consultations se poursuivent pendant des années.

Les modifications qui sont proposées, si on regarde le projet de loi de façon holistique... je crois qu’un effort sincère est déployé dans le but d’examiner ces amendements et d’adopter une approche holistique pour la modification du projet de loi, car toutes les parties savent que c’est quelque chose que nous devons faire.

Le temps n’est pas notre allié dans toute cette affaire. Nous devons faire avancer ce projet, et il nous faut quelque chose que nous pouvons tous appuyer. Nous devons tourner la page et commencer la mise en œuvre. Nous pensons que les amendements que nous avons proposés pourront être utiles à cet égard. Selon moi, un effort sincère est déployé à cette fin.

La sénatrice Seidman : Je me contenterai d’être rapide et me concentrerai sur vous, monsieur Bloomer, si je le puis. Merci beaucoup de vos observations de fond.

Je voudrais me pencher sur vos amendements, surtout ceux qui visent à limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre. Je voudrais également examiner l’article 22 de la Loi sur l’évaluation d’impact et la capacité de déterminer la portée des facteurs à évaluer.

Nous avons beaucoup entendu parler de l’article 22. Votre opinion est très claire au sujet des tentatives, de votre point de vue... de la nécessité de dépolitiser le processus.

Vous avez apporté certaines modifications à ce sujet, si je comprends bien. Pourriez-vous nous fournir des explications approfondies quant à ce que vous proposez et aux raisons pour lesquelles vous le faites?

M. Bloomer : En ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire du ministre concernant les choses à prendre en considération, la liste est longue. En principe, certaines des questions qui y figurent sont des enjeux stratégiques qui, nous l’estimons, devraient échapper à la portée de l’examen d’un projet. C’est là qu’entre en jeu la question d’« établit » par rapport à « peut établir ».

Nous pensons que certaines de ces questions devraient être retirées, mais le pouvoir discrétionnaire du ministre d’établir la portée de ces examens devrait être très clair du point de vue de la nature de ce processus, des éléments de la liste qui sont les plus importants — ce qu’elle contient ou ce qui en est retiré — et de la rigueur de l’évaluation à laquelle ces facteurs sont soumis. C’est vraiment là que nous voulons en venir à ce sujet.

La sénatrice Seidman : C’est la question d’« établit » par rapport à « peut établir » qui est vraiment la première...

M. Bloomer : C’est l’aspect déterminant. Nous ne l’examinons pas, mais il est difficile d’affirmer ces choses. Je comprends que, quand nous examinons cela, une fois que la portée est établie, il y a des éléments de cette liste pour lesquels il pourrait y avoir eu des précédents dans le passé. Nous pouvons nous pencher là-dessus, la portée est établie, et nous pouvons procéder en fonction de ce qui a été fait dans le passé, dans le cadre d’autres projets.

Les vastes enjeux stratégiques qui peuvent être incorporés dans cette liste échappent à la portée de l’examen d’un projet, s’il est question d’une analyse technique de ces éléments.

La sénatrice Seidman : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vais poser ma question en français. Pendant que vous mettez vos écouteurs, j’aimerais vous rappeler que les comités sénatoriaux sont bilingues. Nous recevons toujours vos documents en anglais. Je comprends qu’on peut vous accommoder lorsqu’il y a de courts délais, mais le tableau des amendements — qui est très bien fait, d’ailleurs — est daté du 15 mars. Il me semble qu’on aurait eu le temps d’en faire la traduction.

Peut-on rappeler aux témoins et aux gens qui produisent des documents que le règlement dit qu’ils doivent être déposés dans les deux langues officielles? On peut accepter des documents dans une des deux langues lors d’un court délai pour accommoder les témoins.

La présidente : Nous ne l’avons reçu qu’hier, mais je prends note de votre recommandation.

Le sénateur Carignan : Merci.

Ma question porte sur la substitution à l’article 29. Sur la question de la délégation, je suis d’accord avec l’amendement proposé. J’aimerais juste vous entendre sur la compétence constitutionnelle. Pour vous, est-ce que cette partie de la délégation de la juridiction s’applique seulement à l’évaluation d’impact avec les recommandations, ou est-ce cela s’applique jusqu’au pouvoir décisionnel?

Je vous ramène au dossier du pipeline de l’est, où il y a eu un conflit juridictionnel avec le Québec sur la question de la compétence. Il y a eu des recours exercés par le Québec et, finalement, TransCanada s’est volontairement soumise à une étude d’impact au Québec, qui a été suspendue. Est-ce que cela veut dire que vous devez vous soumettre à la décision d’une province d’accepter ou non un projet, ou est-ce que cela se limite à une recommandation sur la base d’une étude d’impact?

[Traduction]

M. Bloomer : J’ai oublié la dernière partie de la question. En ce qui concerne la substitution et la compétence, bien entendu, le Québec présente ses problèmes constitutionnels. En Colombie-Britannique, nous sommes en train de traiter un problème concernant la compétence et la capacité de faire des choses.

L’ONE est un organisme de réglementation national. Dans le cadre des processus, il a été constitué en société, et il y a eu la notion de substitution des évaluations environnementales et d’autres éléments dans diverses administrations. Les processus d’évaluation stratégique peuvent répondre aux besoins de ces volets régionaux et offrir un apport.

La notion de la substitution de certains processus, selon moi, existe toujours. Si c’est le cas, il faudrait que ce soit tranché dans le cadre du processus d’évaluation, et nous croyons que la façon de régler ce problème devrait être déterminée par la commission.

[Français]

Le sénateur Carignan : Jusqu’où devrait s’étendre la compétence des provinces dans ce processus, selon vous?

M. Bloomer : Pouvez-vous répéter, s’il vous plaît?

Le sénateur Carignan : Jusqu’à quel niveau devrait porter l’exercice de la compétence de la province dans le cadre de projets d’extension ou de construction d’oléoducs ou de pipelines?

[Traduction]

M. Bloomer : Encore une fois, ces éléments sont évalués par l’Office national de l’énergie. Il s’agit d’une compétence principale du gouvernement fédéral, mais il faut tenir compte des problèmes en ce qui a trait aux provinces. Il y a des processus environnementaux et des processus de mobilisation des peuples autochtones. Ces processus sont intégrés dans l’évaluation globale. Il ne s’agit pas de savoir si une province a compétence ou non pour trancher ces questions. Il est question du fait qu’il s’agit d’un problème relevant de la compétence fédérale. En réalité, c’est le gouvernement fédéral qui peut déterminer comment il revendique cette compétence dans le cadre de ces processus.

Actuellement, il est passif. Je pense qu’il a pris des mesures d’accommodement, en ce qui concerne le Québec et la Colombie-Britannique, pour ce qui est de tenter de s’attaquer à ce problème. Cela fait partie du processus relatif à l’intérêt national.

[Français]

Le sénateur Carignan : Merci.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Merci de vos exposés. Je veux revenir sur les risques de litige. Nous ne pouvons pas limiter la conversation relative à l’énergie uniquement aux aspects techniques et professionnels de l’extraction des ressources. Nous devons tenir compte de la vie des gens et de la vie en général, y compris celle de la planète. En tant qu’Autochtones, nous vivons sur cette terre et sur cette planète également.

Les risques de litige augmentent en conséquence de l’affirmation par les Premières Nations de leurs droits et de leurs attentes à l’égard de leur propre participation. Le risque de litige sera présent jusqu’à ce que leurs droits soient pris au sérieux. Cela devient parfois leur seule option pour aller de l’avant. C’est une façon d’avoir leur mot à dire.

J’affirmerais que ce n’est pas un projet de loi particulier qui provoque une augmentation du nombre de litiges. Ce sont les problèmes non réglés qui sous-tendent la relation qui existe entre les Premières Nations, le Canada et les personnes qui veulent faire des affaires, y compris l’opportunisme des responsables des projets d’extraction des ressources. Souscririez-vous à cette déclaration?

M. Bloomer : La situation a manifestement évolué dans le cadre des processus de consultation, si on regarde ce qui est arrivé récemment devant les tribunaux en ce qui concerne les consultations et les mesures d’accommodement. Dans les deux arrêts de la Cour d’appel sur ces enjeux — les projets Gateway et Trans Mountain —, la cour a statué que ce n’était ni les consultations tenues par l’entreprise, ni celles de l’ONE qui posent des problèmes, c’étaient les consultations tenues par la Couronne.

Je pense qu’une personne a employé plus tôt l’expression « consultations approfondies ». Je pense que, dans l’arrêt relatif à Trans Mountain, la Cour d’appel a vraiment exposé le processus à suivre relativement à la façon dont on doit régler ce problème, et, actuellement, le gouvernement a de la difficulté à trouver comment suivre ce processus de consultation et tenir compte de ces éléments afin que cela ne donne pas lieu à des litiges, parce que les choses ont été faites adéquatement.

Nous verrons bien ce qui ressortira de ce processus. Cela devrait nous éclairer quant à la façon dont nous devons collaborer. Il s’agissait de l’un des avantages positifs des arrêts de la Cour d’appel. En ce qui concerne le gouvernement fédéral, ils nous ont montré comment appliquer ces exigences en matière de consultation afin de formuler une conclusion qui évite les litiges et répond aux besoins des peuples autochtones.

La présidente : Merci beaucoup de votre témoignage et de vos réponses à nos questions.

Le sénateur Massicotte : Nous avons toujours consulté la liste de projets. Nous avons envoyé une lettre au ministre il y a trois ou quatre semaines. Il y a deux semaines, vous avez affirmé que vous n’aviez pas reçu de réponse. Voudriez-vous nous faire le point à ce sujet?

La présidente : Nous tiendrons une séance après celle-ci, où nous aborderons trois sujets, y compris celui-là.

Nous accueillons maintenant, par vidéoconférence de Calgary, Ron Wallace et Dennis McConaghy, experts retraités de la réglementation et de l’industrie. Bonjour. Nous accueillons également Aaron Henry, directeur, Ressources naturelles et politique environnementale, de la Chambre de commerce du Canada.

Merci de vous joindre à nous. J’inviterai M. Wallace, qui est à Calgary, à faire sa déclaration préliminaire; il sera suivi de M. Henry, puis nous ouvrirons la période de questions et de réponses.

[Français]

Ron Wallace, expert retraité de la réglementation et de l’industrie, à titre personnel : Madame la présidente et honorables sénateurs membres du comité, bonjour. Je m’appelle Ron Wallace. Je suis ici pour présenter notre panel. Cette déclaration orale, accompagnée de notre mémoire écrit et détaillé, est présentée conjointement par M. Harrison, M. McConaghy et moi.

Des informations biographiques détaillées sont jointes à la fin du mémoire. Malheureusement, M. Harrison n’a pu être présent aujourd’hui. Nous soulignerons aujourd’hui certains des points clés de notre présentation écrite, à laquelle nous renvoyons respectueusement les membres du comité.

[Traduction]

Mesdames et messieurs, notre groupe est composé d’experts dans trois domaines qui suscitent un intérêt direct pour le comité : M. Harrison est expert en droit réglementaire, M. McConaghy, qui m’accompagne, est expert en haute direction de l’entreprise, et je suis moi-même expert de l’évaluation environnementale et de la régulation de l’énergie. Notre mémoire soulève trois enjeux majeurs. Le projet de loi C-69 démantèle essentiellement l’ONE, il ne le modernise pas.

Des décennies de précédents judiciaires seront perdues, ce qui ouvrira la porte à de nouvelles et coûteuses contestations juridiques partout dans le secteur des ressources. L’ONE et les instances annexes quasi judiciaires que sont les tribunaux spécialisés seront perdus. Il y aura une énorme différence au chapitre des fonctions et des résultats entre un organisme d’évaluation proposé relevant du ministère de l’Environnement assorti d’un organisme canadien réduit de réglementation de l’énergie et un tribunal quasi judiciaire spécialisé, indépendant et bien établi ayant la capacité éprouvée d’effectuer des évaluations, d’octroyer des permis et d’effectuer des analyses de la réglementation du cycle de vie.

Le projet de loi établit une loi sur l’évaluation d’impact et réduit le pouvoir décisionnel de la Régie canadienne de l’énergie; il confère également au ministre d’ECCC d’énormes pouvoirs non transparents. Ce pouvoir discrétionnaire exceptionnel augmentera les incertitudes à l’égard des investissements pour les promoteurs et attribuera le pouvoir décisionnel à l’échelon politique, ce qui est contraire aux objectifs déclarés du gouvernement et du projet de loi proposé.

Le projet de loi retire les critères liés au droit de participation pour les intervenants qui sont directement touchés ou qui possèdent des informations et une expertise pertinentes, et il les remplace par une participation publique significative sans définir ce terme. Cette disposition annulera effectivement les échéanciers proposés pour les projets et les examens.

Les promoteurs de pipelines amorcent des processus d’évaluation dans le but d’obtenir des certificats d’utilité publique, lesquels, une fois octroyés sous des conditions applicables appropriées, seront valides à perpétuité pour le projet en question. C’est donc pourquoi le terme important « organisme de réglementation du cycle de vie » est appliqué à l’ONE et à la CCSN.

Je voudrais conclure mes commentaires formulés en mon propre nom et au nom de M. Harrison et céder la parole à mon collègue, M. McConaghy.

Dennis McConaghy, expert retraité de la réglementation et de l’industrie, à titre personnel : Pour commencer, j’aimerais souligner deux points, et j’espère avoir une discussion avec les membres du comité à ce sujet.

Tout d’abord, l’évaluation environnementale n’est pas une fin en soi. Elle est uniquement pertinente dans le contexte de projets concrets proposés par des investisseurs privés à la recherche d’approbation réglementaire. Un régime de réglementation n’a aucune valeur, à moins que les entrepreneurs privés soient prêts à prendre le risque de l’adopter. Tout l’intérêt du régime est d’invalider ce processus. J’exhorte les membres du comité à réfléchir sérieusement au fait que le meilleur moyen d’aller de l’avant est de laisser tomber le projet de loi C-69 et de songer à une autre tentative pour véritablement réinventer notre processus réglementaire, en éliminant dès le départ les risques politiques et en précisant les politiques dès le début du processus. Une fois que ces problèmes ont été résolus efficacement dès le départ, le processus technocrate relatif à l’approbation réglementaire peut alors s’enclencher sous la responsabilité des organismes de réglementation, ce qui permettra de rétablir une partie de l’efficacité et de la compétitivité nécessaires, si le Canada veut toujours profiter de l’apport économique de son secteur des hydrocarbures.

Merci.

Aaron Henry, directeur, Ressources naturelles et politiques environnementales, Chambre de commerce du Canada : Merci. Je suis ici au nom de la Chambre de commerce du Canada. Nous sommes l’association commerciale la plus étendue du Canada. Nous avons plus de 450 chambres dans tout notre réseau et nous représentons environ 200 000 entreprises. Nous avons examiné le projet de loi C-69 avec la contribution d’un grand nombre d’intervenants différents.

Voici un point que je tenais à faire valoir dès le départ. Quand on examine ce projet de loi, il ne s’agit pas simplement d’un projet de loi sur l’énergie. Il s’agit d’un projet de loi qui aura des répercussions sur l’économie canadienne en général. Il y aura des répercussions sur les ports et sur les services publics. Ceux qui construisent les infrastructures seront aussi touchés, évidemment, tout comme ceux qui sont dans le secteur des ressources, à savoir les secteurs de l’énergie et de l’exploitation minière.

J’aimerais que nous nous penchions sur la question à une grande échelle, car cela touche tout le pays, et il y a des répercussions sur différents secteurs. À cet égard, par l’entremise de notre réseau — et je les soumettrai à la greffière quand j’aurai fini —, nous recevons des lettres de toutes nos chambres partout au Canada. Elles proviennent de la côte Ouest, de la côte Est et du Nord du Canada, et elles énoncent toutes des préoccupations au sujet de ce projet de loi.

La Chambre de commerce du Canada reconnaît que le statu quo relativement à notre système de réglementation est insoutenable. Il n’a profité à aucun secteur. Nous avons constaté des pertes d’investissement particulières au cours des deux derniers cycles économiques dans nos secteurs des ressources, à la fois dans le développement énergétique et dans l’exploitation minière. C’est dans cette optique que nous avons abordé le projet de loi C-69. Nous avons le même point de vue que l’Association canadienne de pipelines d’énergie, l’Association canadienne des producteurs pétroliers et d’autres organismes qui ne peuvent pas soutenir ce projet de loi sous sa forme actuelle. Toutefois, si la série de modifications que nous essayons de présenter ici aujourd’hui étaient apportées, nous aimerions voir ce projet se concrétiser. Nous aimerions que cela fonctionne, car nous constatons, comme le gouvernement, que si ce projet de loi aboutit, il sera essentiel pour que le gouvernement actuel atteigne ses objectifs liés à la croissance de la classe moyenne et à la réconciliation économique avec les collectivités autochtones. Il peut également être essentiel pour renforcer nos capacités d’avoir une incidence sur le changement climatique à l’échelle mondiale.

Ce qui nous intéresse, c’est la compétitivité. Je dois préciser la chose suivante : le Canada, en tant que nation, se trouve à un carrefour intéressant sur le plan de la compétitivité. Nous avons aujourd’hui entendu des commentaires sur la compétitivité de notre voisin du sud. Nous devons préciser que les États-Unis sont devenus très concurrentiels en matière d’investissement de capitaux. Le Canada n’a pas la solidité financière pour offrir les mêmes remises en matière de taxes que celles qu’on pourrait voir au sud de la frontière. Nous n’avons pas de marge de manœuvre financière. Nous pouvons, toutefois, avoir un système de réglementation efficace.

À mesure que nous progressons, nous nous faisons l’écho de nos associations qui demandent une série de modifications. Ces modifications sont de grands compromis. Elles reflètent l’opinion de bon nombre d’intervenants de nos associations, qui pensent que, si elles sont mises en place, elles rendront le projet de loi valable.

Aujourd’hui, nus vous présentons six principes. Compte tenu de la discussion, surtout du témoignage du chef régional, il y a quelques domaines clés sur lesquels j’aimerais me concentrer. L’un d’entre eux concerne les pouvoirs discrétionnaires du ministre, et un autre concerne l’article 22. Nous aimerions aussi aborder la question de la consultation publique, et enfin, j’aimerais soumettre une proposition relative à un filet de sécurité fédéral qui tiendrait compte de certaines des préoccupations dont nous avons entendu parler au chapitre de l’obligation de consulter de la Couronne et de l’évolution continue de notre relation avec les collectivités autochtones dans notre pays, tout en assurant une plus grande certitude pour les promoteurs de projets.

Nous avons les mêmes préoccupations que d’autres en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire des ministres et nous le mentionnons. Notre principal espoir, pour ce qui est de dissiper ces préoccupations, c’est simplement que cette loi donne aux ministres concernés un mandat économique clair. Nous reconnaissons que les considérations économiques relèvent de l’article 22, mais nous aimerions que cette disposition soit renforcée de manière à prévoir une autre analyse de rentabilité comparable à ce qui se fait au Royaume-Uni à l’égard de tous les organismes de réglementation. Nous pensons que cela pourrait être une façon de veiller à ce que la loi reste équilibrée.

Nous avons également attiré l’attention sur l’article 22. Nos membres ont été clairs au sujet de leurs préoccupations, lesquelles ne concernent pas nécessairement l’utilisation de ces termes.

Ils ne sont pas contre les considérations relatives au genre et à l’interaction avec d’autres facteurs. Ils ne sont pas contre la prise en compte du savoir autochtone; en fait, la plupart de nos membres tiennent déjà activement compte de ces domaines clés dans toutes les consultations. Ce sont des choses qui les préoccupent.

Ce qui nous préoccupe, c’est que vu le libellé actuel de cet article, deux vrais problèmes se posent. Les termes ne sont pas clairement définis, ce qui ouvre la voie à d’interminables contestations judiciaires. Nos membres craignent fortement que ce soit un moyen pour ceux qui ne veulent pas voir de projets aller de l’avant dans notre pays de trouver une manière de les faire dérailler.

L’autre point important, qui est similaire aux remarques faites par les représentants de l’Association canadienne de pipelines d’énergie, c’est qu’il est nécessaire de mettre en place certains mécanismes qui garantissent que les facteurs qui ont des conséquences sont adaptés aux projets spécifiques. Actuellement, il n’est pas clair si les responsables d’un projet ou d’un secteur en particulier devront tenir compte de tous ces facteurs. Par conséquent, il pourrait s’agir d’une façon de ralentir le processus plus tard, si quelqu’un prétend qu’une chose en particulier n’a pas été prise en compte et qu’elle est pertinente. Nous aimerions voir une amélioration à cet égard également, de façon à ce que les facteurs dont il faut tenir compte soient bien définis dans le cadre d’un projet.

De plus, cet objectif ne doit pas être une cible mobile, en changement continu. C’est une autre partie de nos préoccupations au sujet de ces facteurs : pour la plupart, il continue de s’agir de positions de politique publique. Nous craignons que cela devienne une politique gouvernementale qui viendrait empiéter sur ce qui devrait être une évaluation de projet objective et technique.

En ce qui concerne la consultation publique — et je suis certain que votre comité est en train de le constater avec ses plans de voyage —, ce processus est long et difficile. Il peut être difficile de réunir les gens. Nous souscrivons au commentaire qui a été fait selon lequel les vastes consultations publiques ne sont pas clairement définies dans le projet de loi. Nous aurions préféré un libellé proche de celui de la LCEE 2012, selon lequel ceux qui subissent les plus grands effets néfastes auraient la priorité. Nous recommandons un mécanisme qui permettrait à ceux qui sont les plus touchés par un projet de se faire entendre plus clairement.

Cela ne signifie pas que les autres personnes qui ont des préoccupations ne pourraient pas se faire entendre dans d’autres tribunes, mais c’est une chose essentielle pour les collectivités autochtones et les autres collectivités au Canada qui sont habituellement touchées par des projets d’exploitation des ressources. C’est également essentiel pour les promoteurs de projet. Nos membres ont été clairs sur le fait que c’est essentiel pour eux d’avoir ce genre de discussions.

Le dernier point, dans le cas des listes de projets, c’est qu’il semble, selon le libellé actuel, que des projets désignés pourraient encore être exclus de l’évaluation. Nous aimerions également nous assurer que, lorsque des évaluations équivalentes existent déjà, surtout dans le cas des ports, qu’elles sont utilisées.

Enfin, en ce qui concerne le filet de sécurité fédéral, qui est probablement l’élément le plus important, compte tenu du ton de la discussion d’aujourd’hui, nous reconnaissons que le projet d’agrandissement de Trans Mountain a été rejeté essentiellement parce que le gouvernement n’a pas tenu de consultations significatives. Nous observons la même chose avec le projet Northern Gateway. D’un point de vue général, nous constatons que, quand des personnes veulent investir au Canada, il peut y avoir des promoteurs de projet qui remplissent tous les critères; ils font bien les choses et respectent toutes les règles. Ensuite, à la dernière minute, ils se rendent compte que le gouvernement n’est pas capable de mener des consultations significatives, et le projet ne va pas de l’avant.

Nous aimerions qu’un mécanisme soit mis en place pour que les entreprises qui investissent dans le système et le processus de réglementation, et que l’État laisse essentiellement tomber, reçoivent une certaine indemnisation, tout comme les collectivités qui ont signé des protocoles d’entente ou qui dépendent des emplois liés à un projet. J’admets qu’il ne s’agit pas de modifications que le Sénat peut présenter, mais il pourrait s’agir d’une recommandation qu’on pourrait présenter à la Chambre.

La présidente : Nous aimerions que ce groupe de témoins soit bref, car nous devons discuter des voyages et d’autres questions.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de ces exposés.

Je pense que l’industrie énergétique du Canada et sa force en Alberta ont été des facteurs très importants de l’enrichissement du Canada, ainsi que de ses généreux programmes sociaux, y compris les soins de santé universels.

Nous avons reçu un rapport de l’Association canadienne de pipelines d’énergie sur la compétitivité réglementaire, qui montre que, de 2016 à 2017, les dépenses en capital aux États-Unis ont augmenté de 38 p. 100, alors qu’elles ont baissé de 19 p. 100 au Canada.

Selon les personnes que vous connaissez dans l’industrie énergétique, quelle est la tendance de ces dernières années? Quelle incidence ce projet de loi controversé a-t-il eue sur le climat d’investissement au Canada ces dernières années?

M. McConaghy : La réalité en ce qui concerne tous les grands projets énergétiques qui ont été réalisés au cours des 10 dernières années au Canada, de Northern Gateway, à Énergie Est en passant par Trans Mountain, c’est qu’ils exigent des dépenses de la part des promoteurs à hauteur de centaines de millions de dollars, uniquement pour passer le processus de réglementation. Dans certains cas, ces chiffres s’élèvent à environ 1 milliard de dollars.

La réalité, c’est que le projet de loi C-69 augmentera de beaucoup le risque lié au fait d’assumer ce genre de dépenses, qui sont fondamentalement destinées à des projets qui permettraient d’accroître la production d’hydrocarbures sur le marché d’exportation et de créer une véritable richesse pour notre pays. Voilà le type d’ambiguïtés créées et, comme on l’a dit ce matin, il existe le risque de passer par le processus entier et d’aboutir tout de même à un échec en raison du défaut du gouvernement de respecter ses obligations de consultation, lesquelles sont encore imposées par les tribunaux après coup.

Le point le plus important à comprendre, c’est que le projet de loi C-69 ne fera qu’aggraver cette tendance. C’est pourquoi il faut le remanier fondamentalement plutôt que d’apporter quelques réajustements à un concept qui augmente le risque, si le Canada veut un apport économique important, surtout provenant de son secteur des hydrocarbures, qui est ici en jeu.

La sénatrice Cordy : Vous avez tous les deux parlé du pouvoir du ministre. Le projet de loi donne en fait moins de pouvoir au ministre qu’en donnait la LCEE 2012, qui s’inscrivait dans le cadre d’un projet de loi omnibus sur le budget. Dans le projet de loi C-69, si le ministre suspend le processus à n’importe quel moment, la justification ou les raisons doivent être rendues publiques. À l’heure actuelle, en vertu de la LCEE 2012, ce n’est pas le cas; le ministre peut simplement le suspendre.

Monsieur Henry, ma question s’adresse à vous. Je suis d’accord avec vous pour dire que le statu quo n’est pas viable. Vous et d’autres personnes avez mentionné que le délai d’approbation est deux fois plus long qu’aux États-Unis, et cela avant que le projet de loi C-69 soit adopté.

J’aimerais vous parler de la consultation publique. Le groupe de témoins précédent a également mentionné la consultation publique. C’est un véritable défi. Nous avons prévu un voyage sur la côte Ouest ainsi que sur la côte Est. On essaie d’être inclusifs, mais on ne peut pas se rendre dans toutes les collectivités du pays. On essaie donc de choisir les endroits où l’on peut se rendre. Je comprends les défis que posent les consultations publiques.

Pouvez-vous préciser les changements que vous souhaitez voir apporter? Nous voulons nous assurer que ceux qui sont touchés ou qui croient qu’ils le seront font partie du processus de consultation, sans que l’on se retrouve avec 5 000 personnes désirant être inscrites sur la liste.

En passant, avez-vous une liste de vos recommandations en vue d’amendements que vous pourriez nous faire parvenir?

M. Henry : Vous avez notre mémoire, qui contient nos recommandations.

J’aimerais parler rapidement de la transparence de la décision du ministre. Nous saluons le fait qu’il y ait de la transparence. Au bout du compte, bon nombre se sentiraient beaucoup plus à l’aise si ces décisions finales étaient prises par les organismes de réglementation de la fonction publique plutôt que par le ministre. Cela nous ramène à un point soulevé par d’autres personnes : nous sommes préoccupés par la politisation que cela va créer pour le système de réglementation. Une partie de cette préoccupation concerne la durabilité du système de réglementation. S’il semble trop politisé, nous pourrions tout simplement avoir éventuellement une autre refonte avec un autre gouvernement. C’est quelque chose que les entreprises ne veulent certainement pas. Elles ne veulent pas que l’environnement soit davantage imprévisible.

Pour ce qui est du processus de consultation proprement dit, il s’agit d’un bon processus, et c’est une question difficile.

C’est un processus difficile, car, dans une démocratie, chacun a le droit d’être entendu et doit l’être.

En même temps, comme je l’ai dit, la consultation est cruciale du point de vue du promoteur du projet. Il est essentiel de rassembler les connaissances nécessaires pour faire avancer le projet, qu’elles proviennent d’un résidant de 90 ans qui vous aide à traverser une rivière ou de quelque autre considération.

Je pense que nous aimerions que, dans ce processus, ceux qui font partie des projets — toutes les collectivités qui seront directement touchées — soient entendus en premier, aient la première occasion et la priorité. Comme mécanisme, cette consultation doit se dérouler de cette façon. Ensuite, je pense que nous pourrions concevoir d’autres moyens pour que les personnes qui ne sont pas nécessairement dans la portée immédiate du projet aient leur mot à dire, peut-être par l’entremise d’un processus en ligne, comme les plateformes de courriel. De cette façon, les renseignements les plus cruciaux nécessaires pour faire avancer le processus en vue de répondre aux préoccupations donnent une voix au litige et sont mis en avant, et les autres préoccupations plus générales peuvent être prises en compte dans le processus de façon plus globale.

Le sénateur Mitchell : Je tiens à appuyer ou à souligner l’affirmation de M. Henry selon laquelle le statu quo n’est pas acceptable. C’est très différent de ce que nous ont dit les deux autres témoins.

Ma question s’adresse à M. McConaghy, qui dit que l’on doit obliger le gouvernement, dans le cadre du processus de réglementation, à préciser si un projet est conforme à l’intérêt public dès que possible et à ne pas laisser, de mauvaise foi, ce processus se poursuivre pendant des années, et cetera.

Monsieur McConaghy, avez-vous lu le paragraphe 17(1), qui fait exactement cela? Il prévoit que le gouvernement doit avertir rapidement les entreprises du fait qu’il pourrait y avoir des problèmes, afin qu’elles ne reçoivent pas 900 millions ou 1 milliard de dollars pour un projet avant que quelqu’un ne les prévienne que celui-ci ne sera pas mis en œuvre. C’est exactement ce que fait le paragraphe 17(1).

M. McConaghy : Ce que le paragraphe 17(1) ne fait pas, c’est de fournir un énoncé selon lequel un projet est dans l’intérêt public et, ce faisant, de retirer la politique du processus par la suite. Ce qui a été dit ici au sujet de la dépolitisation des organismes de réglementation ne peut être fait que si les politiciens approuvent le projet au début du processus, et non à la fin. Nous pourrions écrire bien des pages sur les échecs du projet Northern Gateway, dans le cadre duquel des centaines de millions de dollars ont littéralement été dépensés, et une décision a été rendue par l’ONE relativement à l’intérêt public, avant que ce projet soit rejeté des années plus tard, lorsque la politique a été imposée après coup.

Il s’agit là d’une question fondamentale sur la façon de réinventer ce processus lorsque le risque pour le promoteur est établi de manière à ce qu’il sache, dans les 6 ou 12 mois suivant la divulgation initiale, qu’il n’y a pas de problème relatif à l’intérêt public dans le projet et que le gouvernement en place est prêt à le soumettre aux organismes de réglementation afin qu’ils imposent les conditions appropriées pour les activités et la construction du projet, incluant les répercussions légitimes des parties directement touchées et, dans l’intervalle, à approuver les propositions d’adaptation raisonnables.

La question, c’est que, à moins que l’intérêt public ne soit déterminé, ce qui ne doit absolument pas découler du projet de loi, nous ne réduirons jamais les risques au point de rétablir la compétitivité ou la contribution économique que nous devrions atteindre, en particulier dans notre secteur des hydrocarbures.

Le sénateur Mitchell : Bien sûr, l’article 63 vise à établir l’intérêt public, mais il y a une contradiction intéressante dans ce que vous dites. D’une part, vous voulez dépolitiser; d’autre part, vous voulez que les politiciens déclarent l’intérêt public bien avant que le processus ait évolué, sans disposer de l’information qui provient d’un processus pleinement évolué.

Étant donné que vous demandiez à un politicien de prendre une décision très tôt dans le processus, ce qui exclut tout résultat de votre ancien processus de l’ONE, quel genre de crédibilité un processus comme celui-ci a-t-il lorsqu’il n’est pas achevé, que toute l’information n’est pas accessible et que des décisions sont prises avant que ce soit accessible? La crédibilité n’est-elle pas importante dans le processus?

M. McConaghy : Je me ferai un plaisir de répondre à votre question. D’autres vous ont parlé à maintes reprises ce matin de l’intégration dans le processus de réglementation de questions de valeur qui, fondamentalement, sont des jugements politiques sur la question de savoir si certaines considérations auront plus de poids que d’autres, ou même toutes les ambiguïtés qui subsistent après une série de tests très subjectifs.

Je vais vous en donner un exemple clair. Il n’y a actuellement aucune orientation quant à la façon d’appliquer à l’avenir le facteur du climat, qui fait partie intégrante du projet de loi C-69. Y a-t-il des émissions supplémentaires attribuables à un projet particulier proposé, pour lequel on pourrait soutenir qu’il va à l’encontre de notre engagement de Paris, qui feraient en sorte que le projet serait annulé? Si un projet est exposé à un tel risque, il faut le préciser dès le départ.

Le but de ma démarche est d’obliger le gouvernement à préciser ses positions de principe afin que ces précisions soient apportées avec suffisamment de rigueur pour qu’il puisse déclarer qu’on est prêts à exploiter les hydrocarbures par l’intermédiaire d’oléoducs ou du procédé SAGD en Alberta et que ces procédés sont conformes à l’intérêt public sur le plan de la politique et qu’on délègue aux organismes de réglementation l’établissement de conditions précises à l’égard des activités et des processus de construction, notamment des mesures d’adaptation appropriées.

Nous ne réduirons jamais les risques, comme je l’ai dit, s’il faut dépenser des centaines de millions de dollars pour découvrir, à la toute fin, qu’un jugement politique a été pris pour renverser complètement tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant.

C’est vraiment de cette réinvention qu’il aurait dû être question. Les divers processus de consultation qui ont eu lieu en 2017, en particulier le groupe d’experts sur la modernisation de l’ONE, ont permis de recueillir des commentaires à ce sujet. Ils n’ont pratiquement pas été pris en compte dans la version finale du projet de loi C-69.

La sénatrice Seidman : J’aimerais vous poser une question, monsieur Henry. Vous avez exprimé des préoccupations au sujet de l’article 22, en particulier en ce qui concerne la clarification des critères du projet. Vous avez dit que vos membres craignent que les critères évoluent et que la cible change.

Voulez-vous qu’il y ait des définitions des éléments à examiner? Pensez-vous qu’il faudrait inclure dans le projet de loi des mesures rigoureuses pour les critères afin de les rendre plus transparents et fonctionnels?

M. Henry : Sénatrice, je vous remercie de cette question. Je vais être très honnête : c’est un domaine très difficile. Il y a certainement des membres qui veulent que ce soit clair et sans équivoque. La raison en est qu’ils croient que cela leur offrira la plus grande protection juridique. La Chambre du commerce du Canada tend à en voir le mérite.

En même temps, nous avons aussi des membres qui connaissent mieux la LCEE 2012. Ce qui les préoccupe, c’est que, si vous rendez cela trop rigoureux, strict et quantitatif, alors vous aurez aussi les mains liées. Vous ne pouvez pas satisfaire aux exigences en matière d’étude d’impact simplement parce que vous vous trouvez dans une région où elles ne s’appliquent pas correctement ou parce qu’un certain quota ne peut pas être respecté.

Je ne pense pas qu’il y ait un moyen clair de régler ce problème. Pour en revenir aux autres commentaires qui ont été faits, une partie de la question qui se pose est que les critères d’évaluation d’impact comprennent de nombreuses qualités sociales et économiques. Certaines d’entre elles ne sont pas clairement définies, il est donc difficile de comprendre comment elles sont analysées, mises en contexte et utilisées pour juger de la valeur d’un projet.

Par ailleurs, certaines choses sont très techniques et scientifiques, et c’est un pas en avant plus facile.

À mon avis, une façon de régler ce problème dans une certaine mesure, c’est, bien sûr, de veiller à ce que ce ne soit pas des cibles flottantes. Cela signifie que, si le gouvernement utilise ces catégories en référence à une politique spécifique, cela doit être énoncé dès le départ. En même temps, ces catégories elles-mêmes comprises dans la loi ne peuvent pas être à l’origine de l’évolution de la politique.

En outre, il se peut que certains de ces problèmes puissent être atténués par des critères d’évaluation d’impact adaptés spécifiquement aux projets. Dans ce cas, si vous deviez créer une catégorie rigoureuse, vous devriez garder à l’esprit que la discrétion de cette catégorie ne s’applique pas à ce projet. À l’heure actuelle, toutes ces questions demeurent floues.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie, et merci à tous d’être ici. J’essaierai de poser une question assez brève.

Monsieur Wallace, je crois que vous avez travaillé avec l’ONE pendant un certain temps. J’ai une grande confiance en l’ONE. Je vous remercie de votre travail.

Avant une élection, nous avons commencé à entendre que les gens ne faisaient pas confiance à l’ONE. J’ai demandé à un certain nombre de personnes si, en fait, elles avaient déjà reçu des lettres. Vous a-t-on déjà dit cela : « Je ne vous fais plus confiance en tant qu’ONE », ou ce genre de choses? Existe-t-il des documents à l’appui, à part le fait que l’actuel premier ministre l’a dit et qu’il a créé un problème, et c’est la raison pour laquelle nous avons présenté le projet de loi C-69?

J’aimerais savoir si l’un d’entre vous s’est fait dire qu’on ne fait pas confiance au système, qu’on ne vous fait pas confiance.

Cela nous mène à l’autre question que je voulais poser. Cela se termine ainsi : Comment le projet de loi C-69 est-il censé rétablir ce manque de confiance fantôme?

Je m’adresse à M. Henry par rapport à la création d’emplois. Je vis dans le Nord-Est de la Colombie-Britannique. L’industrie principale est celle du pétrole et du gaz; viennent ensuite l’industrie forestière et l’industrie agricole. Il me semble que l’âge moyen à Fort St. John se situe quelque part entre 30 et 20 ans, et que la plupart de ces personnes travaillent dans le secteur pétrolier. Je n’ai jamais entendu ces personnes dire qu’elles ne font pas confiance à l’ONE. Cependant, qu’arrive-t-il lorsqu’il n’y a pas de travail et que tous ces jeunes, qui ont tout misé dans le secteur où j’habite, et que les membres des Premières Nations, qui y étaient avant nous, ont tous des débouchés dans cette industrie, comment pouvons-nous faire face à cela? Parce que si vous ne pouvez pas investir, notre nombre d’emplois chute.

M. Wallace : Je vais céder le micro à M. Henry pour votre deuxième partie, mais pour en revenir au point de vue qui a été présenté et qui portait sur la confiance en l’ONE, tout d’abord, je tiens à dire qu’aucun organisme de réglementation n’est parfait. Chacun d’entre eux doit être extrêmement conscient non seulement des préoccupations du public, y compris les préoccupations des Autochtones, mais également de celles qui portent sur les répercussions, à l’échelle locale, sur les collectivités, comme vous l’avez signalé.

Un certain nombre de sondages ont été publiés et font état du niveau de confiance — ou du manque de confiance — en l’ONE, ainsi que d’autres points. Ce qui me préoccupe, ce n’est pas de débattre des résultats des sondages, d’une façon ou d’une autre... oui, il y avait des préoccupations. Ce que ce projet de loi tentait initialement de faire, c’était de moderniser l’ONE. Les recommandations formulées avant la création de ce projet de loi ciblaient en grande partie cette approche concernant la modernisation.

Le projet de loi C-69 ne modernise pas l’ONE, comme je l’ai dit dans ma déclaration préliminaire. Il démantèle essentiellement l’ONE et nous fait régresser.

Le prochain point que vous avez soulevé, au chapitre des possibilités d’investissement... J’aimerais préciser brièvement que Capital Group, — et cela figure en partie dans notre mémoire — qui compte parmi les investisseurs institutionnels les plus importants dans le secteur canadien de l’énergie, a envoyé une lettre au premier ministre il y a quelque temps, laquelle mentionnait que, de plus en plus, les investisseurs s’interrogent sur les avantages d’investir dans l’énergie canadienne, et que les entreprises canadiennes auront de plus en plus de difficulté à accéder à du capital, à créer des emplois, à exploiter les ressources et à fournir une source de revenus importante pour le pays.

Je peux dire qu’en 2018 seulement, 37 projets, comme l’Institut C.D. Howe l’a rapporté, lesquels totalisaient un investissement de 77 milliards de dollars, ont été annulés au Canada. L’investissement projeté dans le secteur de l’énergie a chuté de 100 milliards de dollars, un chiffre qui représente environ 4,5 p. 100 du PIB canadien.

Pour conclure, afin d’appuyer ce que mon collègue, M. McConaghy a dit, si vous vous reportez au hansard, en date du 14 février 2018, la ministre de l’Environnement et du Changement climatique a déclaré ce qui suit :

... mais ce sera moi ou le Cabinet fédéral qui aurons le dernier mot sur les grands projets, car, au bout du compte, c’est le gouvernement qui doit répondre aux Canadiens en ce qui concerne les décisions qu’il prend dans l’intérêt national.

L’Office national de l’énergie indique clairement que cela ne fera pas partie du processus ayant pour but de déterminer l’intérêt national. La Régie canadienne de l’énergie jouera un rôle grandement réduit dans la progression de ce projet.

Un exemple serait la substitution du processus d’examen de l’Office national de l’énergie par le gouvernement du Canada pendant le processus d’Énergie Est. Si vous aimiez le processus d’Énergie Est, vous allez adorer la Régie canadienne de l’énergie.

La présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Monsieur Henry, je vous remercie d’être venu aujourd’hui. Je n’ai pas votre mémoire devant moi, mais j’ai lu celui du sénateur Mitchell.

Je suis très intéressée par l’idée d’un filet de sécurité. Il s’agit de quelque chose dont je n’avais pas entendu parler. Je sais que, par le passé, il y a eu à la fois de bonnes consultations avec les peuples autochtones dans le cas de certains projets et des consultations très mauvaises au sujet d’autres projets.

Pourriez-vous élaborer un peu sur la nature de ce filet de sécurité? Je pense que l’idée est de forcer le gouvernement fédéral à assumer pleinement son obligation de consulter, ce qui réduirait les risques de poursuite. Pouvez-vous expliquer cela?

M. Henry : Je suis également conscient du fait que le sénateur Neufeld avait également une question. Je vais tenter de répondre aux deux très rapidement.

Pour ce qui est de la question du sénateur Neufeld, je suis entièrement d’accord : il s’agit d’un défi important. Je pense que cela se rapporte en partie à la loi elle-même, à son cadre et son fondement. Nous appuyons, en fait, une modification proposée par l’Association minière du Canada, soit d’inscrire dans la loi la compétitivité dans le secteur des ressources et l’accès des produits au marché simplement parce que c’est un moyen pour nous de réfléchir à ce que nous tentons d’accomplir avec cela.

Je suis entièrement d’accord pour dire que l’on met fondamentalement en péril l’économie canadienne. À l’heure actuelle, tous les regards sont tournés vers le Royaume-Uni, qui joue environ 10 p. 100 de son PIB sur le Brexit. Le secteur canadien de l’énergie compte pour environ 10 p. 100 de notre PIB. Nous le mettons en jeu ici également. Il s’agit d’emplois mis en jeu, et nous devons trouver une façon de rétablir la confiance. C’est là où ces modifications entrent en ligne de compte en quelque sorte.

En ce qui concerne le filet de sécurité, c’est une excellente question. Nous avons appris essentiellement que lorsque des promoteurs de projets arrivent dans un pays, ils peuvent dépenser des milliards de dollars pour satisfaire au processus de réglementation et, encore une fois, on les laisse tomber au dernier moment. Cependant, on ne laisse pas seulement tomber les promoteurs de projets. On laisse également tomber les collectivités qui investissent, qui font des plans, qui cherchent à accéder à l’autonomie économique par l’entremise de ces projets. De façon disproportionnée, il s’agit de collectivités autochtones. Les collectivités autochtones se situent généralement à environ 200 kilomètres des projets importants. Lorsque ces projets échouent, cela nuit énormément à tout le monde.

Le projet de filet de sécurité fédéral que nous voulons présenter à la Chambre énonce exactement cela; nous reconnaissons que les promoteurs de projets n’investiront pas au Canada si on les laisse tomber au dernier moment. Ils ne le feront pas. C’est trop risqué. Ils ne peuvent pas dépenser des centaines de millions de dollars pour ensuite apprendre que le projet n’ira pas de l’avant.

En même temps, nous reconnaissons que cette économie sera renforcée par la réconciliation continue avec les Autochtones. Nous reconnaissons que l’obligation de consulter sérieusement est en évolution constante, et nous devons mettre ces choses sur la table et réaliser qu’il faut trouver une façon de faire avancer les choses et de s’assurer qu’elles ne sont pas en contradiction.

Une façon de faire serait de simplement proposer la mise en place de ce filet de sécurité fédéral : ainsi, un promoteur de projet qui a répondu à toutes les exigences réglementaires et qui a coché toutes les cases, sera indemnisé si le gouvernement ne parvient pas à s’acquitter de ses propres obligations.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Dans le cas où le gouvernement échoue.

M. Henry : Parfois il réussit et parfois il ne réussit pas. Voilà l’idée sous-jacente. Il y aurait également une mesure en place pour garantir que les collectivités qui ont également perdu des débouchés économiques toucheraient également une compensation.

Bien sûr, le but principal est de restaurer la confiance des investisseurs afin de leur fournir une certaine certitude et, présentement, si l’obligation de consulter échoue, il s’agit d’un important risque matériel pour une entreprise. Le risque est limité pour le gouvernement. Cela met tout le monde sur le même pied d’égalité, de sorte que le gouvernement devra faire preuve de diligence pour éviter les poursuites, comme vous dites.

La présidente : Je vous remercie chaleureusement de votre témoignage et de vos réponses, messieurs. La conversation a été très intéressante.

Chers collègues, avant que je ne lève la séance, êtes-vous d’accord pour reprendre à huis clos afin de discuter de déplacements et d’autres questions?

Des voix : D’accord.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page