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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


SASKATOON, le jeudi 11 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été déféré le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour l’étude du projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis une sénatrice du Québec. J’ai l’honneur de présider le comité.

Je vais maintenant demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter en commençant par ma collègue de la province où nous nous rencontrons.

La sénatrice Wallin : Sénatrice Pamela Wallin, de Wadena, en Saskatchewan. C’est à environ trois heures d’ici. Bienvenue et merci d’être là.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy. Je suis une sénatrice de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

La présidente : Je tiens aussi à présenter notre analyste de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks. Merci aussi à la greffière du comité, Mme Maxime Fortin.

Merci beaucoup d’être là aujourd’hui, chers collègues. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois.

Je tiens à souligner aux témoins que nous discutons du projet de loi C-69. Afin d’être le plus efficients possible, nous voulons parler des enjeux liés au projet de loi C-69 aujourd’hui, et pas d’autres projets de loi ou d’autres domaines qui ne sont pas visés par le projet de loi C-69.

Nous accueillons aujourd’hui parmi le premier groupe de témoins, Grant Fagerheim, président et chef de la direction de Whitecap Resources Inc., Alice Wong, première vice-présidente et chef de la direction corporative, et Liam Mooney, vice-président, Sécurité, santé, qualité de l’environnement et relations réglementaires, de Cameco Corporation, et, enfin, Brian Schmidt, président et chef de la direction de Tamarack Valley Energy et Chef honoraire de la tribu des Blood (Blackfoot).

Merci à vous tous d’être là. Vous aurez cinq minutes pour présenter votre déclaration préliminaire. Par la suite, nous passerons à une période de questions et de réponses.

Madame Wong, vous êtes la première.

Alice Wong, première vice-présidente et chef de la direction corporative, Cameco : Merci beaucoup. Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs et madame la greffière du comité.

Je m’appelle Alice Wong. Je suis première vice-présidente et chef de la direction corporative de la Cameco Corporation.

Je suis accompagnée aujourd’hui de M. Liam Mooney, vice-président, Sécurité, santé, qualité de l’environnement et relations réglementaires de Cameco.

Nous comparaissons ici aujourd’hui pour discuter d’amendements au projet de loi C-69, un projet de loi qui concerne d’importantes lois fédérales, la Loi sur l’évaluation d’impact, ou LEI, et la Loi sur la protection de la navigation du Canada, la LPN.

Cameco produit de façon sécuritaire et fiable de l’uranium et des combustibles nucléaires pour générer de l’électricité dans des centrales nucléaires partout dans le monde. Au Canada, Cameco exploite actuellement des installations d’extraction et de concentration dans le Nord de la Saskatchewan et des installations de raffinage, de conversion et de fabrication de carburant en Ontario. Toutes ces activités sont réglementées durant l’ensemble de leur cycle de vie par la Commission canadienne de sûreté nucléaire, la CCSN, et sont reconnues pour leur solide rendement en ce qui a trait aux répercussions sur la société, l’environnement, la sécurité et la santé. Parallèlement, notre entreprise reste l’un des principaux employeurs industriels d’Autochtones au Canada.

Cameco a participé aux consultations dirigées par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale relativement à la LAI et à celles menées par Transports Canada relativement à la LPN. Nos commentaires et recommandations sont à cet égard depuis toujours fondés sur notre expérience des lois environnementales fédérales et provinciales en Ontario et en Saskatchewan et des lois actuelles et précédentes en matière de protection de la navigation, ce qui inclut une importante expérience en matière de réalisation d’évaluations environnementales depuis plus de 30 ans et la proposition de plus de 20 projets visés par tous les régimes d’évaluation fédérale depuis 1988.

La participation de Cameco au cours de la dernière année a mené à certains changements, qui ont été apportés à la version préliminaire de la LIA par la Chambre des communes. Cependant, notre principal problème concernant le processus d’évaluation des projets liés à l’uranium n’est toujours pas réglé. Nous avons aussi cerné des problèmes critiques relativement à la LPN proposée. Notre entreprise craint que l’adoption des dispositions prévues dans le projet de loi C-69 sans autre amendement aura seulement pour effet d’accroître le fardeau administratif et l’incertitude des projets dans le secteur de l’uranium, faisant en sorte qu’il sera plus difficile de mettre sur pied de bons projets au Canada sans pour autant améliorer les résultats en matière d’environnement.

Par conséquent, Cameco s’efforce principalement de demander des amendements simples aux versions préliminaires de la LEI et de la LPN pour s’assurer que ces importants textes législatifs peuvent être mis en œuvre par notre industrie et sont bénéfiques pour les milliers de familles canadiennes qui œuvrent dans le domaine. Il convient de souligner que ces amendements liés à l’uranium sont soutenus par d’autres intervenants, comme l’Association minière du Canada, l’Association nucléaire canadienne, l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs et la Saskatchewan Mining Association.

Le premier changement que Cameco propose d’apporter à la LAI, c’est que nous ne devrions pas traiter les mines et les usines de concentration d’uranium différemment des autres mines et usines de concentration lorsqu’il n’y a pas de raison de le faire sur le plan scientifique.

Actuellement, la LAI prévoit l’aiguillage automatique des projets désignés liés à l’uranium à un processus d’évaluation par une commission, tandis que d’autres projets désignés d’exploitation minière de métaux ou autre font seulement l’objet d’un processus d’évaluation dirigé par une agence. Une telle mesure impose un processus plus complexe et plus long à l’industrie de l’uranium alors que les répercussions potentielles et la complexité des enjeux sont les mêmes que dans le cadre des autres projets miniers.

Non seulement notre industrie fait déjà l’objet d’une surveillance fédérale continue de la CCSN durant tout le cycle de vie de nos projets, mais nos installations ont aussi toujours figuré parmi les plus efficaces en ce qui concerne le Règlement des effluents des mines de métaux et des mines de diamants. La décision de lui imposer de façon arbitraire un processus d’évaluation de la production plus strict et incertain n’est pas soutenue par les faits ni les données scientifiques.

Par conséquent, Cameco demande des amendements simples à l’article 43 et aux dispositions connexes de la LAI pour que l’on puisse s’assurer que les projets de mines d’uranium sont évalués par une commission.

Ensuite, il est difficile d’évaluer l’incidence de l’ébauche de la LAI sans savoir à quels projets elle s’appliquera. ECCC dit que ce projet de loi s’appliquera aux projets majeurs, mais les intervenants ne savent pas exactement ce que cela signifie.

La deuxième chose que demande Cameco, c’est que la liste des projets liés à la LAI devrait inclure seulement les projets complexes majeurs qui ne sont pas totalement visés par des exigences réglementaires provinciales ni par d’autres exigences réglementaires fédérales. Pour notre industrie, cela signifie seulement les nouvelles mines d’uranium assorties d’installations pour les résidus.

Troisièmement, Cameco demande des amendements simples à l’ébauche de la LPN pour préciser que la loi s’applique seulement aux ouvrages pouvant nuire à la navigation et élargir la portée des dispositions d’urgence de façon à inclure les situations qui ont entraîné ou peuvent entraîner des bouleversements sociaux ou une interruption de l’acheminement des denrées, ressources et services essentiels. La LPN prévue dans le projet de loi C-69 ne le fait pas. Selon nous, cette situation aura pour effet d’augmenter de façon importante le fardeau administratif sans offrir une protection supplémentaire au droit public de navigation ni constituer un incitatif qui permettra d’éviter les répercussions sur la navigation.

Nos amendements proposés sont fondés sur nos récentes interactions avec Transports Canada, qui confirme avoir l’intention de s’assurer que la LPN s’applique aux ouvrages nouveaux et actuels, y compris les ouvrages qui ne nuisent pas à la navigation. Selon nous, cela n’est pas du tout du ressort de Transports Canada, et aurait pour effet d’élargir de façon importante le champ d’application de la LPN pour inclure des choses comme des ponceaux ou des ponts à portée libre qui passent complètement au-dessus des eaux navigables. Cette récente communication a aussi confirmé que l’ébauche de la LPN limite inutilement la portée des urgences en éliminant les événements imprévus qui causent ou peuvent causer des bouleversements sociaux ou une interruption de l’acheminement des denrées, ressources et services essentiels.

Enfin, nous estimons qu’il faudra un minimum de un an pour réaliser les importantes consultations nécessaires pour élaborer une réglementation et des directives claires nécessaires à l’applicabilité des deux lois. Par conséquent, nous recommandons que les dispositions d’entrée en vigueur de la LAI et de la LPN soient reportées d’au moins un an après la sanction royale.

L’incertitude, les coûts et les retards accrus que nous prévoyons si la LAI est adoptée telle qu’elle est rédigée actuellement feront en sorte qu’il sera de plus en plus difficile de réaliser des projets de mine d’uranium au Canada. Sans modification du projet de loi C-69, cela pourrait avoir un effet négatif important sur les emplois, les investissements et le développement socioéconomique dans des régions comme le Nord de la Saskatchewan, qui est déjà l’une des régions économiques les plus pauvres de tout le Canada.

Par conséquent, Cameco a adopté un point de vue pragmatique à l’égard du projet de loi C-69, en demandant des amendements simples aux versions préliminaires de la LAI et de la LPN pour s’assurer que ces importants textes législatifs sont viables pour les promoteurs et intervenants des projets d’uranium qui s’appuient sur eux sans compromettre les protections de l’environnement qui sont une composante essentielle du développement durable.

Vous trouverez de plus amples renseignements contextuels en annexe des présentes notes d’allocution lorsqu’elles seront communiquées au comité. Je vais m’arrêter ici et je vous remercie beaucoup de votre temps. Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.

Grant Fagerheim, président et chef de la direction, Whitecap Resources Inc. : Bonjour à vous tous et merci, madame la présidente et mesdames et messieurs, de me permettre de prendre la parole aujourd’hui.

Je m’appelle Grant Fagerheim. Je suis président et chef de la direction de Whitecap Resources, une entreprise dont le siège social se trouve à Calgary, en Alberta. J’ai le privilège de représenter mon entreprise et toute notre industrie de l’énergie.

Whitecap est une entreprise pétrolière et gazière canadienne cotée en bourse qui compte 433 employés, soit 156 dans les bureaux et 277 dans divers emplacements sur le terrain. Nous produisons environ 75 000 BEP de pétrole léger par jour, environ 58 p. 100 en Saskatchewan, 35 p. 100 en Alberta et 7 p. 100 en Colombie-Britannique. Whitecap transporte actuellement presque toute sa production par oléoduc. Cependant, tout récemment, nous avons été forcés d’envisager le transport de notre production par chemin de fer, une option moins sécuritaire que le transport par oléoduc. La raison pour laquelle nous devons envisager d’utiliser le transport ferroviaire comme solution de rechange découle du manque de capacité en matière d’oléoducs au Canada à l’heure actuelle en raison de l’infrastructure insuffisante.

Il n’est pas possible aujourd’hui de soutenir la version actuelle du projet de loi C-69, mais, grâce à des amendements complets, ce pourrait être un projet de loi à même de soutenir l’économie et la protection environnementale.

Nous vivons dans un pays qui est bien connu pour ses riches ressources naturelles, notamment pétrolières et gazières. Nous sommes aussi assez fiers d’être reconnus pour avoir les meilleurs bilans environnementaux et les cadres de réglementation les plus importants et stricts du monde tout en protégeant toute la diversité des paysages, des côtes, des voies navigables et de la faune du Canada.

La croissance économique du Canada, y compris dans le très important secteur pétrolier et gazier canadien, est bénéfique pour tous les citoyens canadiens et l’ensemble du pays. La croissance est seulement possible si des investisseurs d’autres pays peuvent investir ici et obtenir un rendement constant et croissant. Ces investissements de capitaux fournissent des emplois et des débouchés à nos enfants, qui appliqueront leur connaissance des technologies de pointe pour assurer l’avenir d’un Canada fort. Notre province et le pays ont essuyé d’importantes pertes d’emploi ainsi que la souffrance et la douleur ressenties lorsque des travailleurs dévoués ne peuvent pas trouver d’emploi ni subvenir aux besoins de leur famille.

Le Canada, qui a historiquement été reconnu pour sa capacité d’accomplir l’impossible, est maintenant devenu un pays où il est impossible d’accomplir quoi que ce soit, ce qui m’inquiète. En fait, ça me met en colère. Le projet de loi C-69 prévoit des obstacles supplémentaires à l’influx d’investissements étrangers au Canada pour le développement des infrastructures de tout type, pas seulement dans le secteur pétrolier et gazier. Les Albertains devraient être fiers de transporter nos ressources vers les marchés et d’afficher le type de leadership technologique et les types de compétences novatrices que nous possédons. En outre, ils ne devraient pas avoir honte du secteur dans lequel ils travaillent.

La compétitivité en déclin du Canada a miné notre capacité d’attirer des investissements, et pas seulement des investissements étrangers, mais aussi les investissements des fonds de pension canadiens. Même si les investissements étrangers au Canada sont à leur plus bas depuis avant 2010, il est alarmant de constater que les investissements canadiens à l’extérieur du Canada ou à l’étranger ont quant à eux augmenté de façon stable depuis 2011. La principale raison qui explique la situation, c’est le nombre et l’intensité accrus des règlements qui ont prolongé les processus d’approbation finale et les échéanciers de construction des oléoducs.

Les participants à l’échelle internationale investissent leurs capitaux là où il y a un système de réglementation crédible et prévisible sur lequel s’appuyer avec confiance pour obtenir une information claire et de la stabilité. On peut seulement offrir le meilleur rendement aux actionnaires lorsque les entreprises investissent selon des échéanciers raisonnables assortis de dates de début et de fin précises.

De nombreuses entreprises actives à l’échelle internationale dans le domaine de l’énergie ont réduit leur empreinte au pays ou quitté le Canada complètement pour choisir des administrations plus amicales et accueillantes, y compris Marathon, Chevron, Apache, Statoil et Total pour ne nommer que celles-là.

Pour ce qui est des investissements des intervenants au Canada, nous avons constaté une importante diminution des investissements dans le secteur pétrolier et gazier seulement; on parle de plus de 100 milliards de dollars d’investissement d’immobilisations potentielles perdus au cours des deux dernières années. C’est en grande partie en raison de la capacité inadéquate en matière d’oléoduc, ce qu’on peut attribuer directement à notre incapacité d’approuver et de construire des projets d’infrastructure. C’est tout simplement impossible de le faire au Canada. C’est en train de devenir un enjeu extrêmement controversé qui divise notre pays.

Pour corriger le tir et rétablir le lien de confiance avec les investisseurs étrangers et canadiens, nous avons besoin d’une réglementation moderne efficace et efficiente. Il y a des domaines dans le projet de loi C-69 sur lesquels le gouvernement doit se concentrer et relativement auquel il doit faire les bonnes choses rapidement.

Mes trois recommandations sont les suivantes. Premièrement, l’objet juridique du projet de loi doit tenir compte des avantages économiques des projets proposés. Cela inclura les aspects financiers, économiques et environnementaux ainsi que les débouchés dans le cadre du projet et ceux liés aux opérations à plus long terme.

Deuxièmement, il faut améliorer la clarté et la certitude dans le cadre des processus d’approbation en réduisant les niveaux de pouvoir discrétionnaire des ministres de prendre des décisions, laissant de ce fait la vaste majorité des décisions aux organismes de réglementation, qui peuvent suivre et qui suivent effectivement les directives publiques en ce qui a trait aux attentes et à la façon dont les approbations doivent être obtenues.

Troisièmement, il faut limiter la participation du public à ceux qui seront directement touchés par la mise sur pied d’un projet. Le fait d’écouter ceux qui ont des choses significatives et constructives à dire pour soutenir le développement, plutôt que de permettre à quiconque n’est pas touché directement ou de façon mesurable, est essentiel pour faire avancer les projets.

Nous comprenons qu’il faut trouver un juste équilibre entre la protection de l’environnement et la progression vers une économie faible en carbone, la création d’emplois et notre économie pour assurer l’avenir de nos enfants et des générations futures. Nous savons aussi que l’intégrité du tissu social du pays est en jeu. On peut corriger le tir en établissant des délais clairs et précis en matière de construction d’infrastructure, de façon à ce que les produits pétroliers et gaziers puissent atteindre les marchés étrangers et obtenir les meilleurs prix possible à l’échelle internationale.

En conclusion, j’espère que vous, au même titre que tous mes concitoyens canadiens, comprenez que le projet de loi tel qu’il est libellé actuellement est néfaste pour le développement du secteur énergétique canadien et la réputation du Canada en tant qu’administration misant sur une réglementation solide et habilitante dans notre industrie de l’énergie et au sein de notre économie. En tant que pays, nous ne pouvons pas faire du surplace. Nous devons aller de l’avant et faire progresser le Canada. Nous perdons du temps. Merci beaucoup de votre temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci.

Monsieur Schmidt?

Brian Schmidt (Aakaikkitstakii), président et chef de la direction, Chef honoraire de la tribu des Blood (Blackfoot), Tamarack Valley Energy : Bonjour, madame la présidente, et mesdames et messieurs. Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.

Je tiens à féliciter le Sénat de sa tournée partout au Canada. Je suis vraiment conscient de toute l’information que vous en tirez. Je crois que c’était une décision très sage. Je vous félicite.

Je m’appelle Brian Schmidt. Je suis président et chef de la direction de Tamarack Valley Energy, un producteur intermédiaire de pétrole et de gaz qui œuvre dans le domaine du pétrole léger en Alberta et en Saskatchewan.

Je sais que vous avez entendu beaucoup d’intervenants de l’industrie pétrolière et gazière dans le cadre de votre étude du projet de loi C-69. On vous a dit que les capitaux fuient le Canada, que la production est entravée au sein de l’industrie et de l’énergie, en grande partie en raison des politiques du gouvernement et de l’incertitude et des risques qu’impose le projet de loi C-69 à tout le secteur. Les entreprises pétrolières et gazières de taille intermédiaire comme la mienne ont été particulièrement touchées. Le secteur des entreprises petites et intermédiaires est en train d’être décimé.

Je peux répéter toutes ces choses. J’espère que vous allez en tenir dûment compte au moment de décider de modifier le projet de loi C-69 et lorsque viendra le temps de savoir si le Canada aura une industrie de l’énergie à l’avenir, mais, aujourd’hui, je veux vous offrir un point de vue différent.

Je suis un membre du conseil de l’ACPP, l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Je suis l’ancien président de l’ACPP, en fait. Je suis actuellement le président du comité responsable des politiques autochtones de l’ACPP, et je suis membre bénévole du conseil de Pétrole et gaz des Indiens du Canada, l’organisme de réglementation gouvernemental qui est responsable des terres des Premières Nations. J’ai fait du bénévolat pour assurer la formation de membres des Premières Nations relativement aux éléments fondamentaux de l’industrie pétrolière et gazière. J’ai négocié avec des entreprises pétrolières et gazières au nom des Premières Nations. L’un des moments dont je suis le plus fier, c’est lorsque j’ai été nommé chef honoraire de la tribu des Blood de la nation Kainai par mon ami et partenaire d’affaires, le chef Roy Fox, que vous avez rencontré plus tôt cette semaine. J’ai toujours interagi avec les Premières Nations puisque j’ai grandi dans un ranch situé près d’une réserve où mon père a créé des partenariats agricoles.

Je peux vous dire que de mon point de vue, en tant qu’intervenant qui œuvre au sein de l’industrie et qui travaille beaucoup avec des producteurs autochtones, que c’est principalement les Premières Nations qui seront les plus touchées par le projet de loi C-69. Je vais vous dire pourquoi.

Premièrement, vous devez comprendre que PGIC, l’organisme de réglementation, impose des redevances plus élevées sur les réserves que sur les terres de la Couronne. En temps de ralentissement, les capitaux délaissent les terres des Premières Nations en premier afin de se tourner vers les terres où les redevances sont moins élevées. Selon PGIC, il y a eu une diminution de 95 p. 100 des terres louées aux Premières Nations au cours des quatre dernières années. Pour dire les choses simplement, quasiment personne ne fait de l’exploration dans les terres des Premières Nations actuellement.

Deuxièmement, lorsque les prix sont aussi bas qu’ils le sont maintenant en raison de la capacité déficiente en oléoducs, les Premières Nations doivent redonner une partie de leurs redevances au producteur tout simplement pour ne pas que ce dernier ferme ses portes parce que l’activité n’est plus rentable. C’est un arrangement standard, mais cela signifie que les Premières Nations souffrent plus que les producteurs.

Troisièmement, du point de vue national, les investisseurs et les entreprises vont simplement transférer leurs capitaux du Canada à d’autres pays. Nous le voyons déjà. Nous avons vu les investissements diminuer de moitié environ, soit de plus de 40 milliards de dollars en un an. Les compagnies internationales ont vendu plus de 55 milliards d’actifs, de l’argent qu’ils dépenseront ailleurs. Les capitaux peuvent se déplacer, mais les Premières Nations ne peuvent pas changer leur territoire de place.

Quatrièmement, il faut parler des emplois perdus. Je suis sûr, mesdames et messieurs, que vous savez que les Autochtones du pays affichent le taux de chômage le plus élevé pour un ensemble de raisons. Il y a des données de Statistique Canada qui révèlent que les travailleurs autochtones sont souvent les premiers à être mis à pied et les derniers à être réembauchés en cas de récession. Ils sont plus susceptibles d’être des travailleurs saisonniers ou contractuels, possédant souvent un niveau de scolarité moindre et moins d’ancienneté au sein d’une entreprise. En outre, ils n’obtiennent pas de très bonnes indemnités de mise à pied. Même si la perte d’emplois liée au ralentissement dans le secteur a vraiment touché l’ensemble de l’Alberta, ce sont les travailleurs et les collectivités des Premières Nations qui sont les plus durement touchés.

Cinquièmement, les entreprises qui appartiennent à des Autochtones ont fait plus de progrès et plus de profits dans le domaine de la sous-traitance. Elles misent sur les nouveaux chantiers de construction et sur la croissance. Le projet de loi C-69 interdit toute nouvelle croissance. Les projets seront laissés sur les lignes de côté. Ce sont les petites entreprises, les camionneurs, la restauration, les métiers de la construction qui vont en ressentir le coup. Ils le ressentent déjà.

Pour terminer, je veux parler du point de vue de certains, et je crois savoir que ce point de vue a été soulevé durant un témoignage à Fort McMurray, hier — selon lequel les Premières Nations qui produisent du pétrole et du gaz sont d’une façon ou d’une autre à la solde de l’ACPP ou de l’industrie pétrolière. Premièrement, c’est une insulte aux chefs et aux nations, aux gens d’affaires autochtones et à tous ceux qui s’efforcent de sortir leur collectivité de la pauvreté. Selon un stéréotype au pays, les chefs sont des gens corrompus et cupides. C’est faux et nuisible.

Les Autochtones ont droit au développement économique. C’est un droit qui est prévu dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Et les Autochtones ont une place qui leur revient dans le secteur des ressources en particulier. C’est aussi inexact et injuste lorsqu’on pense à la relation de l’industrie avec les Premières Nations. Je sais qu’il y a des antécédents. Pendant de nombreuses décennies, les entreprises du secteur de l’énergie et des mines ne tenaient pas compte des répercussions et ne partageaient pas les retombées avec les Premières Nations, mais cette époque est révolue depuis longtemps. Vu l’obligation de consulter et les droits des Autochtones sur leurs terres, nous devons travailler en collaboration, et on ne peut pas dire aux Premières Nations ce qu’elles doivent faire. Elles ont un pouvoir de négociation. Elles ont le gros bout du bâton dans de nombreuses situations.

Nous avons maintenant commencé à travailler ensemble en tant que partenaires. Et nous devenons très efficaces. En outre, je dois dire respectueusement, mesdames et messieurs, que les industries de l’énergie et des ressources réussissent bien mieux que le gouvernement à mobiliser les collectivités des Premières Nations : 7,8 p. 100 des personnes qui travaillent dans l’industrie extractive et de l’énergie sont des Autochtones comparativement à 4,7 p. 100 de la fonction publique fédérale. De plus, nos emplois sont mieux rémunérés. Nos travailleurs autochtones gagnent deux fois plus dans le secteur des ressources qu’en moyenne partout ailleurs, et ce sont des emplois qui sont beaucoup plus susceptibles de se trouver dans des régions rurales éloignées, où la plupart des collectivités des Premières Nations sont situées.

De plus, nous soutenons les entreprises autochtones. Je crois que vous l’avez déjà entendu dire plus tôt cette semaine, mais Suncor a dépensé à elle seule 1,7 milliard de dollars de plus en approvisionnement auprès d’entreprises autochtones que l’ensemble du gouvernement du Canada depuis 1996 : 5 milliards de dollars contre 3,3 milliards de dollars, et il s’agit là d’une seule entreprise.

Nous travaillons dur pour consulter et mobiliser les Premières Nations, pas seulement en matière de développement des entreprises, mais aussi au niveau stratégique le plus élevé de l’ACPP. Il s’agissait d’un appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, et c’est une responsabilité que nous avons prise au sérieux. C’est frustrant lorsqu’on se retourne contre l’industrie et les Premières Nations parce que, soudainement, nous nous entendons trop bien avec elles.

L’industrie prend déjà les processus d’évaluation d’impact très au sérieux. Nous ne voyons pas les gouvernements provinciaux ou fédéral faire la même chose. Ces nouvelles politiques sont souvent imposées par le gouvernement sans évaluation des répercussions ni consultation auprès des Premières Nations les plus touchées. Le projet de loi C-69 en est l’exemple le plus récent. La réduction de la production en Alberta en est un autre. Les terres des Premières Nations ont été incluses dans leurs quotas sans évaluation d’impact, sans consultation et, dans ce cas-là, sans même avoir la compétence nécessaire. La production est coupée, les investissements sont réduits, et les Premières Nations ne se rendent pas compte de ce qui se passe avant qu’il soit trop tard. Le dommage est fait. J’ai dû réduire nos emplacements de forage dans le cadre de nos activités avec les Kainai, encore une fois, en raison de la réduction de la production et de la capacité déficiente en matière d’oléoduc. Tout cela a un impact négatif disproportionné sur les Premières Nations.

J’aimerais terminer en disant que le projet de loi C-69 semble avoir été rédigé en partie à la lumière d’un malentendu : soit que les collectivités autochtones ont été victimes de l’industrie des ressources et que le gouvernement fédéral doit être là pour les protéger. Eh bien, de mon point de vue, c’est une approche paternaliste et dépassée. La vérité, c’est que nous sommes davantage des partenaires dans le cadre de projets et, maintenant, les Premières Nations cherchent à devenir elles-mêmes propriétaires, et c’est quelque chose que je vois d’un bon œil, mais, si le projet de loi C-69 est adopté tel qu’il est libellé actuellement, il n’y aura aucun projet qu’ils pourront faire leur.

L’industrie a besoin de réaliser des évaluations d’impact dans le cadre de tous les projets majeurs réalisés. Il y a eu peu ou pas d’évaluation des répercussions du projet de loi, qui imposera d’importants changements. Le gouvernement n’a même pas une estimation de ce que tout cela coûtera au pays, mais les Premières Nations ont le plus à perdre du projet de loi. Je sais que ce n’est pas l’intention du gouvernement, mais je suis ici pour vous dire aujourd’hui que c’est ce qui arrivera, et il faut corriger le tir. Je connais les suggestions et les amendements proposés par le chef Fox et le CRI relativement au projet de loi et je les soutiens. Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci beaucoup.

La présidente : Merci beaucoup de vos témoignages.

Nous allons maintenant passer à la période de questions. Le vice-président MacDonald m’a demandé que je vous donne sa place pour la première question, sénatrice Wallin.

La sénatrice Wallin : Merci. J’aimerais souhaiter la bienvenue en Saskatchewan au sénateur MacDonald également. N’est-ce pas magnifique?

Le sénateur MacDonald : Ça l’est.

La sénatrice Wallin : Monsieur Schmidt, je crois que vous avez soulevé un excellent point. Je vous remercie d’avoir ainsi défini le contexte, c’est-à-dire que nous espérons que ce processus tienne vraiment à l’étude d’évaluation d’impact sur le projet de loi. Je crois que c’est vraiment une bonne façon de l’exploiter.

Si je le peux, j’aimerais entendre brièvement chacun d’entre vous. Toute cette notion de fuite des capitaux est très réelle, à mon avis. Vous avez mentionné les chiffres que cela représentait, mais je m’intéresse davantage aux effets d’entraînement lorsque cela se produira. Je viens d’une petite collectivité de la Saskatchewan, où des dizaines de familles sont directement touchées. Ce n’est pas seulement l’époux qui perd son revenu; ce sont aussi les enfants qui n’ont pas la chance de jouer au hockey, et le portrait n’est même pas brossé; pourtant, on le ressent déjà.

Monsieur Fagerheim, vous êtes proche de vos employés; vous avez une petite entreprise.

Chacun d’entre vous peut-il me donner une idée de la situation?

M. Schmidt : Pour commencer, je vais parler du secteur financier et vous donner quelques chiffres qui permettent de situer le contexte. Il y a trois ans, l’industrie amassait environ de 10 à 14 milliards de dollars de capitaux propres par année, et ces fonds étaient versés à diverses collectivités dans le cadre de leurs budgets d’immobilisation. Les capitaux accumulés au cours de la dernière année s’élèvent à 600 millions de dollars. C’est tout. Ils ont diminué de moitié l’année d’avant, et maintenant, il n’y a plus que 600 millions de dollars. Nous n’avons essentiellement plus de capitaux. Nous dépensons essentiellement nos flux de trésorerie et nous ne sommes pas en mesure d’attirer de nouveaux capitaux dans le secteur. Cette situation a des effets dévastateurs, car si vous regardez le déploiement de capitaux de... vous savez, nous avons utilisé 41 milliards de dollars. Je suis sûr que vous avez vu les chiffres de l’ACPP par rapport aux dépenses du secteur; cela a juste des effets d’entraînement, et les petites collectivités sont les dernières touchées.

Si vous regardez la limitation que le gouvernement de l’Alberta a dû mettre en place pour contrôler les écarts, celle-ci a des effets dévastateurs, parce que maintenant, même si je le voulais, je ne pourrais pas dépenser d’argent; je ne peux pas faire croître l’entreprise parce que je suis limité, et c’est dans le secteur des services que les petites collectivités sont touchées. Les industries de service misent sur cette croissance, comme je l’ai dit dans mes notes. Faute de croissance, les entreprises de service dans les petites collectivités souffrent. À la lumière de ce que nous observons, je crois que le deuxième trimestre de l’exercice sera le plus difficile pour le secteur des services.

La sénatrice Wallin : Oui, et pour être claire, vous parlez de transport routier, de services alimentaires et de sous-traitance, mais cela va jusqu’aux épiceries et aux restaurants de la ville si vous n’avez pas d’argent pour faire l’épicerie.

Qu’en pensez-vous, monsieur Fagerheim?

M. Fagerheim : Cela touche les collectivités. Moi-même, je vis à Calgary, en Alberta, et je siège au conseil de la Fondation Hockey Canada. Je peux parler d’un point de vue légèrement différent, étant donné que le nombre d’enfants qui laissent tomber le hockey, que nous considérons comme le meilleur jeu au monde, est directement attribuable au nombre de pertes d’emploi que nous observons, pas seulement en Alberta, mais aussi en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, et cela touche les collectivités. Que vous soyez à la tête d’une famille monoparentale ou que vous ayez perdu votre emploi et soyez maintenant au chômage, c’est ce que nous observons. Nous avons vu une chute du nombre d’enfants en mesure de jouer au hockey ou qui viennent chercher de l’aide financière pour pouvoir le faire et acheter de l’équipement et des bâtons.

De notre point de vue, tout revient aux petites collectivités de partout, et c’est ce qui bâtit un pays, et quand j’ai parlé plus tôt de diviser notre pays... c’est pourquoi nous devons ramener nos gens au travail. L’essentiel à ce sujet, selon notre point de vue, serait la construction de pipelines, pas seulement un, mais un grand nombre pour qu’on puisse acheminer le produit jusqu’aux côtes.

Mme Wong : Merci, sénatrice Wallin. Je viens de Quill Lake, et je connais donc bien Wadena. Wadena est une ville comparée à Quill Lake.

Dans notre esprit, nous nous trouvons dans le Nord de la Saskatchewan. C’est éloigné, et il y a donc des camps accessibles par avion, et les travailleurs vont travailler sept jours d’affilée, puis auront sept jours de congé, ou bien deux semaines de travail, puis deux semaines de congé. Les gens qui travaillent dans nos sites sont surtout... nous essayons d’attirer le plus grand nombre de gens possible de la région; près de la moitié proviennent des collectivités environnantes, et la plupart sont autochtones.

L’industrie a connu une période très difficile. Nous avons vécu une série de fermetures et de mises à pied parce que le marché est difficile. Bien souvent, les gens qui travaillent sur les sites subviennent non seulement aux besoins de leur famille, mais aussi de leur parenté. Vous constatez un effet d’entraînement très marqué lorsqu’il n’y a plus d’emplois. Nous savons que c’est difficile pour les travailleurs, les employés. En outre, plus de 75 p. 100 de nos services pour les sites miniers sont achetés aux collectivités avec des entreprises détenues par des Autochtones. En 2004, si vous remontez aussi loin que le moment où nous avons vraiment commencé à en faire sérieusement le suivi, nous avons acheté plus de 3,76 milliards de dollars de biens et de services d’entreprises détenues par des Autochtones dans le Nord. Ces répercussions se font assurément ressentir également.

Il y a les répercussions sur les employés, lorsque ceux-ci n’ont pas d’emploi, et il y a les répercussions sur ces entreprises, parce que vous leur achetez moins de produits, vu que vous ne dépensez pas, car les sites sont fermés. Lorsque le cycle reprend, cela fait partie de la difficulté, est-ce que le cycle reprendra... c’est une marchandise. Lorsqu’il reprend, vous voulez être en mesure de faire fonctionner vos mines, de les élargir ou même d’en obtenir de nouvelles si le cycle le permet. Cette législation est extrêmement importante au chapitre de l’expansion de ces mines ou de la construction de nouvelles mines, si nous voulons nous assurer d’être en mesure de le faire. Nous sommes l’un des rares employeurs du Nord de la Saskatchewan. C’est pourquoi c’est aussi difficile pour les collectivités. Merci.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d’être avec nous ce matin par une journée ensoleillée. C’est formidable d’être ici.

J’aimerais commencer par M. Fagerheim. Vous avez parlé de limiter la participation du public. Si vous avez suivi nos audiences, nous avons certainement entendu cela dans le passé, soit que la participation ne devrait pas être illimitée; en fait, elle devrait se limiter à ceux qui ont un intérêt dans le projet. Qui devrait prendre cette décision et déterminer qui devrait être un participant?

M. Fagerheim : Je crois que si vous examinez une région précise — et le Canada a une diversité de régions — mais assez précise pour qu’il y ait, à l’intérieur d’une certaine distance, une perturbation en surface ou quoi que ce soit d’autre, je crois que vous pouvez... Nous pourrions peut-être établir des règlements selon lesquels celles qui se situent à moins de quatre ou cinq kilomètres... je ne connais pas la distance exacte. Nous en avons beaucoup parlé, mais il y a peut-être une distance par rapport à une perturbation qui va se produire.

La perturbation touche non seulement la surface ou ce qui se trouve en dessous, mais aussi, vous savez, la qualité de l’air. Ce que nous examinons, c’est quelque chose qui pourrait se situer à distance d’un changement ou d’un projet de construction particulier ou d’un aménagement à long terme. C’est la façon dont nous le verrions.

La sénatrice Cordy : Et qui prendrait la décision?

M. Fagerheim : Le décideur serait l’organisme de réglementation. Je crois que c’est lui qui devrait prendre cette décision. Puis, s’il y a des définitions claires et concises, tout le monde serait au courant des règles d’engagement.

La sénatrice Cordy : Merci. Madame Wong, vous avez parlé de la liste des projets. C’est une autre chose dont nous avons entendu parler lorsque nous étions sur la côte Ouest, ainsi que du fait de traiter les mines et les usines de concentration d’uranium constamment comme les autres mines. Je me demande si vous pourriez juste expliquer cela un peu plus en détail.

Mme Wong : Je vais essayer de l’aborder de façon générale. D’autres mines de métaux ou mines non métalliques ont l’option d’être soumises à une évaluation dirigée par l’agence; par ailleurs, pour le secteur de l’uranium, toute mine d’uranium serait automatiquement soumise à un processus de commission d’examen, qui est plus compliqué qu’une évaluation dirigée par l’agence. Je crois que les données scientifiques indiquent que les effets des mines, qu’il s’agisse de mines de métaux, de mines non métalliques ou de mines d’uranium, sont assez semblables. Nous sommes aussi assujettis au Règlement sur les effluents des mines de métaux et des mines de diamants. Les mines d’uranium réussissent habituellement très bien selon ce règlement. Nous ne voyons pas pourquoi il serait nécessaire de les soumettre automatiquement à un processus de commission.

La sénatrice Cordy : Vous avez parlé de l’article sur les eaux navigables. Vous avez dit que la portée est beaucoup trop limitée lorsque des urgences se produisent. Pourriez-vous en parler?

Mme Wong : La portée des urgences a été limitée. Ce dont nous avons parlé plus tôt concernait les urgences et le fait qu’il pourrait y avoir des répercussions sur les biens et les services ou les facteurs socioéconomiques. L’ancienne loi vous aurait autorisé à agir en cas d’urgence. Maintenant, ce qu’on demande à Transports Canada, selon notre compréhension, c’est d’obtenir l’approbation. Par exemple, imaginons qu’il y a un incendie de l’autre côté d’une rivière et qu’il y a un pont; vous choisissez de faire passer des camions-citernes sur le pont et l’endommagez. Vous voudrez aller réparer le pont de manière à pouvoir faire traverser le camion-citerne, mais il vous faudrait maintenant demander une approbation qui, selon ce qu’on nous a dit, serait rapide, mais quand il y a une urgence, vous voulez être en mesure de réparer le pont et de faire traverser le camion-citerne.

La sénatrice Cordy : Il y a divers degrés de rapidité, n’est-ce pas?

Mme Wong : Oui.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup.

La présidente : Sénateur Richards, c’est à vous.

Le sénateur Richards : Merci d’être venus. Je suis tout à fait d’accord avec vous concernant la nécessité d’une croissance économique et d’infrastructures dans notre pays et la participation des Premières Nations.

J’ai grandi près de trois réserves au Nouveau-Brunswick. Au cours de sa vie, mon père a été un chef honoraire à une ou deux occasions. Aujourd’hui, les emplois sont la principale préoccupation des chefs là-bas. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites.

Ma question pour Mme Wong concerne l’uranium. Est-ce parce qu’il y a une crainte irréfléchie, et je ne devrais peut-être pas utiliser ce mot, de l’uranium et de la centrale nucléaire que tout ce règlement entre en jeu et fait partie de ces procédures? Croyez-vous que c’est vraiment ce qui alimente tout cela? Si tel est le cas, que peut-on faire à ce sujet? Pour ce qui est des déchets d’uranium, est-ce que cela reste sur place, ou bien comment est-ce géré dans une centrale nucléaire?

Mme Wong : Je vais essayer de voir si je peux répondre à toutes les différentes questions que vous avez posées. En ce qui concerne le fait que les mines d’uranium sont renvoyées automatiquement devant une commission, je crois que la meilleure façon de voir cela, c’est que l’on semble traiter les mines d’uranium comme une centrale nucléaire. La mine d’uranium n’a simplement pas le même profil, le même profil de risque, et n’a pas les mêmes mécanismes sous-jacents, ne s’appuie pas sur les mêmes données scientifiques. Une mine d’uranium est simplement comme toute autre mine et elle est assujettie à un organisme de réglementation du cycle de vie. Nous devons nous rappeler que, pour tout aspect différent de la mine d’uranium, il y a un organisme de réglementation fédéral désigné pour traiter de cet aspect.

Je crois que cette crainte tient en partie au fait que les gens ne connaissent pas nécessairement le fonctionnement. Prenez par exemple les gens du Nord de la Saskatchewan. Nous faisons des sondages chaque année, l’industrie en fait, et le sondage de l’an dernier a révélé que 82 p. 100 des gens appuyaient les mines d’uranium dans le Nord de la Saskatchewan, 80 p. 100 dans l’ensemble de la province.

Je crois que, si vous vivez près de la mine, vous comprenez les risques possibles et vous savez comment ils sont gérés, et ils en font partie. Nous suscitons la participation de nos collectivités et elles sont au courant, elles viennent exprimer leurs opinions et elles ne sont assurément pas toujours d’accord. Elles se sentent très habilitées et vous diront la vérité sur des choses qu’elles n’aiment pas par rapport à la mine et ce qu’elles aimeraient vous voir faire. Je crois qu’il s’agit en partie de sensibiliser davantage les gens au sujet des mines d’uranium. Peut-être cela aiderait-il à faire face à une partie de la stigmatisation.

Les mines d’uranium sont comme les autres mines, c’est-à-dire que les résidus sont gérés sur place. Je crois que vous vous interrogez au sujet des résidus; comme toutes les autres installations de résidus, les nôtres se trouvent à ciel ouvert, je crois que c’est comme cela qu’on le décrit. Ce n’est pas au-dessus du sol; ce sont des résidus à ciel ouvert que nous devons gérer, ce qui est très semblable.

Le sénateur Richards : Ce n’est peut-être pas votre domaine, mais je me questionnais au sujet de la centrale nucléaire et des déchets qui en sont issus, et je me demandais si on les conservait sur place. Savez-vous ce qu’il en est? Je veux dire que c’est la raison pour laquelle certaines personnes s’inquiètent, à mon avis. Savez-vous quelle quantité de déchets sont produits par une centrale nucléaire au cours d’une année donnée et si c’est conservé sur place? Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question, mais je me suis dit que je la poserais.

Mme Wong : C’est stocké sur place, de façon sécuritaire, et c’est mesuré. On parle d’une très petite quantité. C’est une des choses qui sont mal comprises : la quantité est petite, elle est contenue et elle est stockée en sécurité sur place. Contrairement à d’autres émissions de types d’énergie différents... c’est envoyé dans l’air, ou, vous savez, cela ne fait pas l’objet d’un suivi.

Je pourrais certainement obtenir les chiffres pour vous. L’Association nucléaire canadienne publie la quantité de déchets nucléaires produits par une centrale nucléaire au Canada.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

La présidente : Sénatrice Simons, vous voulez dire quelque chose?

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame la présidente.

Monsieur Schmidt, c’était un exposé extrêmement important pour mettre en contexte le moyen différent par lequel les redevances sont calculées sur les réserves. Je n’en étais pas au courant et je tiens à vous remercier. Ma question s’adresse à Mme Wong. J’aimerais donner suite aux questions du sénateur Richards et de la sénatrice Cordy, et je dois avouer que je n’en connais pas beaucoup au sujet de l’industrie des mines d’uranium.

Une des choses que fait le projet de loi C-69, c’est réduire, en quelque sorte, le degré de contrôle que la Commission canadienne de sûreté nucléaire a sur la réglementation du cycle de vie et, lorsque les comités d’évaluation d’impact sont formés, on déclare explicitement qu’ils ne peuvent compter qu’un membre de la Commission canadienne de sûreté nucléaire. Je me demande ce que Cameco en pense. Croyez-vous que le projet de loi limite beaucoup les pouvoirs traditionnels de la Commission canadienne de sûreté nucléaire?

Mme Wong : Merci de poser la question. Je crois que c’est une de nos préoccupations : la CCSN est la plus expérimentée de tous les organismes de réglementation pour comprendre les risques et les préoccupations éventuelles des collectivités et la façon d’atténuer ces risques. Le fait qu’on limite à une personne la présence à ce comité est une préoccupation, notamment en raison du fait que, une fois que vous avez passé à travers le processus de la commission, vous devez vous soumettre au processus d’octroi de permis. Si la CCSN ne compte qu’une personne qui siège à ce comité, elle pourrait dire que le processus de la commission n’est pas suffisant pour le processus d’octroi de permis. Puis, il vous faudra peut-être passer à travers un autre processus d’octroi de permis. Vous n’obtenez pas votre permis après l’évaluation environnementale. Vous obtenez l’approbation pour gérer et atténuer les conséquences, et on examine les facteurs socioéconomiques, vous savez, et tout le reste, toutes ces choses qui sont de bonnes choses et qui doivent être faites.

En ce moment, la CCSN dirigerait cette évaluation. Le fait d’amener cette expérience et cette expertise à la table pourrait vous permettre de passer à travers l’évaluation d’impact environnemental et le processus d’octroi de permis... il s’agit du même examen, mais avec la plus grande expérience et expertise à la table. On se préoccupe du fait que cela allonge le processus sans ajouter quoi que ce soit à l’aspect environnemental ou social. C’est une de nos préoccupations.

La sénatrice Simons : J’ai une autre question. L’article sur les eaux navigables du projet de loi rappelle Cendrillon — personne ne se rend jusqu’au troisième article de la loi, mais je crois que c’est quelque chose de vraiment essentiel à comprendre également. Vu que j’ignore le fonctionnement des mines d’uranium, est-il nécessaire pour les mines elles-mêmes de puiser de l’eau à partir des cours d’eau navigables dans le cadre du processus d’extraction et d’affinage? À quel moment les cours d’eau navigables sont-ils en cause? Je n’aurais pas cru que les mines connaîtraient ce type de problème.

Mme Wong : Je crois que c’est un peu plus compliqué que cela, mais je vais demander à M. Mooney de répondre à la question.

Liam Mooney, vice-président, Sécurité, santé, qualité de l’environnement et relations réglementaires, Cameco Corporation : Dans ce domaine, le problème tient au fait que nous avons des usines de concentration régionales et nous allons extraire du minerai de mines qui se trouvent à une certaine distance de ces usines. Si nous le faisions dans le Nord de la Saskatchewan, il nous faudrait utiliser un certain nombre de traversées de pont à cet égard. De même, ce sont des lieux éloignés. Pour le transport proprement dit de concentré de minerai d’uranium, cela supposerait de déplacer ces matières le long de routes qui seraient elles-mêmes traversées par des ponceaux ou des ponts.

Ce n’est vraiment qu’une question de logistique. Dans le cadre de la production, nous avons des usines de concentration régionales établies qui sont conformes à certaines des décisions de comités qui ont été prises au début des années 1990 pour essayer de concentrer nos usines de concentration. D’ailleurs, la plupart des nouvelles mines sont des mines régionales qui ont été mises sur pied pour livrer des marchandises à des complexes d’usines de concentration régionales.

La sénatrice Simons : Vous ne construisez pas les ponts ou les ponceaux. Votre préoccupation, c’est que les municipalités et les comtés ne soient pas en mesure d’agir assez rapidement pour faire les réparations en cas d’effondrement?

M. Mooney : Nous construisons des ponts sur certaines de nos routes, là où se trouvent les routes de transport réservées entre une usine de concentration et une mine. J’ai probablement oublié de dire dans ma première réponse que nous effectuons aussi des activités d’exploration. À mesure que vous faites avancer les activités d’exploration des divers projets, elles exigent de plus en plus d’équipement. Il vous faut des routes de plus en plus solides que vous pouvez utiliser. Les routes de glace fournissent une certaine capacité et permettent de poursuivre le cycle d’exploration, mais il devient de plus en plus laborieux de les utiliser, et les routes sont donc la méthode privilégiée. Vous les construisez habituellement vous-mêmes.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup.

La présidente : Sénateur Patterson, c’est à vous.

Le sénateur Patterson : Madame la présidente, je suis vraiment ravi que nous soyons ici en Saskatchewan. Je dois dire que c’est toute une panoplie d’accusations que nous avons entendu tous les intervenants ce matin lancer à l’endroit du projet de loi C-69 : processus réglementaire plus complexe, examen inutile de projets qui n’interfèrent pas avec la navigation, préjudice à l’égard des progrès réalisés avec les peuples et les entreprises autochtones et aucune incidence environnementale améliorée découlant de tous ces nouveaux processus réglementaires alambiqués.

Madame Wong, d’abord, vous avez collaboré avec les rédacteurs de ce labyrinthe législatif et vous n’êtes essentiellement arrivée à rien. Qu’est-ce qui se passe ici? Est-ce qu’ils écoutent et n’entendent pas? Vous nous avez présenté des arguments très convaincants ce matin. Pourquoi n’avez-vous pas obtenu de résultats lorsque vous avez participé à la phase de consultation? On nous a dit que c’était une phase de consultation approfondie fantastique. Cela n’a pas fonctionné pour vous. Que s’est-il donc passé?

Mme Wong : Je crois que la meilleure façon de le décrire, c’est que de nombreux intervenants voient d’un mauvais œil beaucoup de personnes qui ont examiné le projet de loi. Ils ont essayé de remédier à quelques problèmes. Nous n’avons pas obtenu les principaux amendements que nous souhaitions, tout particulièrement le renvoi automatique à une commission d’examen. Nous parlons à certains des décideurs concernant la liste des projets. Je crois que ces discussions ont été assez positives. Je crois qu’ils ont un si grand nombre d’intervenants à satisfaire qu’il est probablement difficile pour eux d’examiner toutes les demandes.

Nous croyons que les amendements que nous avons demandés étaient simples, mais peut-être, comme un des autres sénateurs l’a mentionné, qu’il y a un manque de compréhension, de façon générale, par rapport aux mines d’uranium. Nous avons essayé de sensibiliser davantage les gens par rapport à ces renseignements. Nous continuons d’essayer de le faire.

Le sénateur Patterson : Vous avez été écartés par Mines Alerte Canada. C’est ce que j’ai compris, que les voix négatives ont prévalu dans les consultations.

Monsieur Schmidt, merci beaucoup de votre exposé. Je crois que ce que vous dites, c’est que tout projet de loi qui a une incidence négative sur la compétitivité des ressources naturelles et de l’industrie énergétique du Canada aura une incidence négative sur la souveraineté économique des peuples autochtones. La consultation va dans les deux sens. Il est nécessaire que nous tenions compte des voix autochtones qui ne sont pas d’accord avec le programme du gouvernement, donc seriez-vous d’accord pour dire que l’adoption des amendements proposés par les divers chefs et le Conseil des ressources indiennes... et comme nous l’avons entendu dire de la bouche du chef Fox, les amendements qui répondent à ces recommandations représentent-ils un engagement à l’égard de la réconciliation dont tout le monde parle?

M. Schmidt : Nous avons étudié la question attentivement. Permettez-moi d’utiliser un exemple. Lorsque tout le monde a voix au chapitre dans un projet, cela étouffe la voix des Autochtones sur les territoires traditionnels. C’est une voix très importante qu’il faut entendre.

Lorsque vous parlez pour la première fois à des peuples autochtones du projet de loi C-69, vous dites vouloir leur donner une voix plus importante, étendre leur possibilité de se prononcer sur des projets; tout cela semble bien, sauf que, quand tout le monde a voix au chapitre et que vos propres projets, les projets autochtones, sont touchés ou que votre propre voix est écartée en raison du critère lié à la participation auquel M. Fagerheim a fait allusion, alors cela prive les peuples autochtones de leurs droits. Une des recommandations était d’inclure ce critère lié à la participation, de s’assurer que seules les personnes touchées sont consultées.

Vous savez aussi que le projet de loi C-69 prévoit une période durant laquelle le promoteur du projet ne peut parler aux peuples autochtones qui sont touchés. Cela représente un recul par rapport à la réconciliation. Pourquoi un processus conserverait-il une phase durant laquelle vous ne pourriez pas vous adresser aux Premières Nations dans le couloir pipelinier? Je crois que c’est un recul.

Ce que j’ai découvert en m’entretenant avec les Premières Nations, c’est que, une fois que vous essayez de vous mettre à leur place et que vous examinez le projet de loi C-69 et ses répercussions, elles prennent conscience de quelques connotations assez négatives. C’est pourquoi vous voyez, je crois, certaines des opinions variées durant votre tournée. Je recommanderais que le Sénat mette l’accent sur les peuples autochtones possédant de l’expérience dans le secteur pétrolier et gazier tirée des projets et de leur participation. Merci.

Le sénateur Neufeld : Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui et de présenter vos exposés. Je peux vous dire que, à tout le moins, ce que j’ai entendu depuis que nous avons commencé les audiences tant à Ottawa que sur la route est semblable à ce que nous entendons ici. C’est de bon augure pour moi. Il n’y a pas beaucoup de différence.

Il y a aussi le fait que nous avons entendu parler un peu de problèmes concernant les camps de travail et la façon dont cela touche les Premières Nations, et je connais bien les camps de travail. Je viens d’une région de la province qui dépend fortement de l’industrie pétrolière et gazière. Je les connais bien, mais je ne savais pas que c’est un problème. Peut-être pourriez-vous vous exprimer à ce sujet pour moi, s’il vous plaît, puis j’aurai quelques autres questions.

Mme Wong : Je pense avoir mentionné brièvement que nos camps dans le Nord de la Saskatchewan sont des camps isolés accessibles par avion, des camps sans alcool. Il n’y a aucune possibilité de faire des allers-retours dans la collectivité. Lorsque vous arrivez, vous passez sept ou quatorze jours au camp pour y travailler, puis vous rentrez chez vous. Nous avons un service de restauration complet, donc la nourriture est fournie, et il y a des installations de loisirs. La violence et les comportements irrespectueux ne sont absolument pas tolérés.

Je peux vous dire que, au cours des deux dernières années, j’ai personnellement parlé à plus de 400 femmes, par petits groupes, afin d’obtenir leur point de vue sur la vie au camp, dans nos camps. Nous avons notamment constaté que nous avions un meilleur équipement de protection individuelle, comme des combinaisons et des gants adaptés pour les femmes. Dans toute l’entreprise, nous avons renforcé notre formation sur le respect en milieu de travail et nous veillons à ce que les gens comprennent que, s’ils ont un problème, plusieurs moyens s’offrent à eux pour faire part de leurs préoccupations : ils peuvent s’adresser à leur superviseur, consulter les gens des ressources humaines sur place ou s’adresser à ceux de l’entreprise, et nous avons mis en place un service d’écoute téléphonique de plaintes relatives à l’éthique qui est anonyme, auquel ils peuvent accéder.

Ce que j’ai entendu dire, c’est qu’il existe quelques difficultés. Toutefois, c’est surtout comme si elles formaient une famille quand elles sont là-bas, car elles sont ensemble très longtemps. Vous apprenez à les connaître de cette façon. Je pense que lorsque vous avez un camp éloigné et sans alcool et que vous avez des politiques et des procédures très claires, ce camp peut être un endroit très sûr et agréable.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Monsieur Schmidt?

M. Schmidt : Il y a eu un changement énorme dans la façon dont les entreprises pétrolières et gazières gèrent leurs camps au cours des 20 dernières années. La plupart d’entre nous avons mis en place des politiques en matière de drogue, d’alcool et de diversité. On accorde beaucoup d’attention à ces aspects. Si vous êtes allés dans des camps il y a 20 ans et que vous y allez maintenant... il y a un monde de différence.

Le sénateur Neufeld : Merci.

Nous avons entendu certaines réponses à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, également à l’Office national de l’énergie, l’ONE, les offices des hydrocarbures extracôtiers. Je pense que la lettre adressée au ministre demandait de moderniser ces types d’approches et non de les faire disparaître. Chacun de vous pourrait peut-être parler un peu de ce qui se passe quand l’ONE n’est plus là et que toute la jurisprudence des 50 ou 60 dernières années est chose du passé... de quelle façon un nouveau système peut-il être mis en place avec une seule personne au sein d’un groupe bien informé? Les offices extracôtiers... c’est la même chose. Est-ce que quelqu’un souhaite intervenir?

Mme Wong : Je pense que nous pouvons dire, du point de vue de la CCSN, que dans notre cas, l’organisme de réglementation n’a pas disparu; il sera toujours là, pleinement en vigueur. Le défi pour l’industrie sera d’avoir un groupe d’experts composé d’un seul expert, vous savez un seul expert de la CCSN. Le problème, c’est que vous passerez par tout un processus d’octroi de licence avec votre organisme de réglementation du cycle de vie, ce qui ajoutera une période supplémentaire sans réellement créer beaucoup plus d’avantages au chapitre de la sécurité ou de l’environnement.

Le sénateur MacDonald : Merci à vous tous de votre témoignage. Franchement, j’aimerais avoir une heure de plus.

Je suis un grand partisan du nucléaire. Je veux m’adresser à Mme Wong. Lorsque j’étais adolescent, on a construit deux usines de traitement de l’eau lourde au Cap-Breton. Je pensais que l’énergie nucléaire serait un rêve pour ce qui est de régler certains des problèmes reconnus, mais cela n’a pas marché comme prévu. Il me semble qu’il y a une réelle résistance de la part des milieux gouvernementaux canadiens à promouvoir l’énergie nucléaire. Quand je pense au nucléaire et à l’industrie nucléaire, je pense toujours à l’uranium en Saskatchewan. Avant même que ces dispositions n’entrent en vigueur, quelle est la situation de votre industrie en ce qui concerne votre distribution d’uranium? Pensez-vous que la croissance de votre industrie a été artificiellement réprimée ou déprimée par un soutien inadéquat du gouvernement?

Mme Wong : Je pense que, du point de vue de l’énergie nucléaire, il existe peut-être des problèmes en raison du manque de sensibilisation et d’éducation. Avec l’accent mis sur les changements climatiques et la pollution de l’air, je constate que les gens commencent à comprendre que les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de changement climatique ne sont pas réalisables sans une autre source d’énergie non productrice d’émissions capable de fournir une certaine puissance de base.

Les énergies renouvelables sont importantes. Vous avez besoin d’une combinaison de choses. Nous constatons actuellement que, au Canada, on comprend un peu en particulier les PMR, les petits réacteurs modulaires, qui pourraient éventuellement jouer un rôle à cet égard. Je pense que, partout dans le monde, nous commençons à voir et à comprendre que la Chine construit des réacteurs, par exemple, car le pays a un gros problème d’émissions. Si la Chine peut compter sur l’énergie nucléaire, elle peut réduire ses émissions.

Je dirais que l’image de la croissance est inégale dans le monde. Certains pays adoptent davantage cette énergie et construisent davantage de centrales. Le Canada et l’Ontario eux-mêmes, vous le savez, produisent plus de 50 p. 100 de l’énergie nucléaire. Ils ont donc constaté des avantages. Quand ils ont fermé leurs centrales au charbon, je crois qu’ils ont obtenu une qualité de l’air remarquablement bonne.

Il y a de la croissance. Ce que nous devons faire, c’est que lorsque nous nous attendons à cela — on souhaite que le règlement suive et soit en mesure de le faire —, il doit évidemment protéger l’environnement et fournir tous les avantages liés aux répercussions sociales et en tenir compte. Cela ne devrait pas ajouter une tâche lourde au point que l’on ne puisse pas bénéficier de la protection de l’environnement correspondante. Je ne suis pas sûre d’avoir répondu à votre question.

Le sénateur MacDonald : Vous y avez répondu. Merci.

Le sénateur Mockler : Merci beaucoup aux témoins. Vos témoignages ont été très instructifs et éclairants. En tant que sénateur du Nouveau-Brunswick et du Canada atlantique, je dirais que le projet de loi manque de clarté en ce qui concerne les délais de la réglementation et les pouvoirs ministériels renforcés pour exiger l’évaluation d’un projet ne figurant pas sur la liste des projets désignés. Nous avons également entendu dire qu’il présente de nombreuses possibilités de retarder le processus d’examen. Il s’agit d’un chevauchement des tâches et d’une surveillance réglementaire : la surveillance est exercée aux paliers fédéral et provincial.

À titre de fonctionnaire depuis 35 ans à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, au Sénat du Canada et en tant que parlementaire, je suis préoccupé par le fait que quelque neuf premiers ministres de l’ensemble du Canada s’inquiètent de ce projet de loi. Je vais citer une lettre envoyée par les quatre premiers ministres de l’Atlantique et j’aimerais avoir vos commentaires.

Le 27 février 2019, le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique a écrit une lettre au premier ministre du Canada et attend toujours une réponse. La lettre dit : « [...] selon le libellé actuel du projet de loi, le pouvoir de rendre des décisions définitives appartient au ministre ou au gouverneur en conseil et donne la possibilité d’exercer un droit de veto à l’encontre de résultats découlant d’évaluations scientifiques exhaustives et d’un examen des données. »

En passant, félicitations, monsieur Schmidt, de votre leadership auprès des Premières Nations.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce processus de veto.

La présidente : Monsieur Fagerheim?

M. Fagerheim : Le droit de veto — le pouvoir de contester quoi que ce soit... L’organisme de réglementation de compétence provinciale ou fédérale qui travaille avec la réglementation chaque jour est celui qui, en définitive, devrait détenir le pouvoir. Si nous commençons à exercer un droit de veto ou un pouvoir ministériel lorsque nous invoquons la politique dans les processus décisionnels finaux, c’est dangereux. C’est dangereux pour notre pays. Cela prolonge les délais prévus pour l’approbation, et je pense que c’est absolument catastrophique si nous faisons cela pour notre pays.

Les personnes en poste dans les administrations, que ce soit au Nouveau-Brunswick, dans les provinces de l’Atlantique, dans l’Ouest du Canada ou dans le centre du Canada, travaillent quotidiennement avec ces règlements et savent comment les appliquer. Tant qu’ils sont clairs et concis et que les gens comprennent en quoi ils consistent... Mais donner un pouvoir ministériel après que tout a été examiné par les organismes de réglementation est, à mon avis, catastrophique et très dangereux.

La présidente : Monsieur Schmidt?

M. Schmidt : Je vais vous expliquer cela très simplement. Un projet de pipeline devrait dépenser de un demi-milliard à un milliard de dollars pour mener à bien l’ensemble du processus, échelonné sur peut-être cinq à dix ans. Qui investirait s’il y avait un veto à la fin pour une raison quelconque et que vous pouvez annuler le projet après qu’il a été soumis à tout le processus? Voilà pourquoi il n’y a pas de pipeline. Voilà pourquoi personne n’amorce de tels projets. Je vous remercie.

La présidente : Madame Wong?

Mme Wong : Nous croyons que toute décision devrait être fondée sur la science, éclairée par l’analyse des risques et reconnaître, dans notre cas, l’organisme de réglementation du cycle de vie, la CCSN.

[Français]

La présidente : Sénateur Carignan, vous avez la dernière question.

Le sénateur Carignan : J’ai lu le mémoire de l’Association minière de la Saskatchewan. La partie qui m’intéresse particulièrement est celle qui concerne le droit constitutionnel par rapport au respect des compétences provinciales pour les dossiers de nature locale. Je suis toujours surpris quand le gouvernement fédéral s’ingère dans les compétences provinciales, particulièrement quand on parle d’exploitation minière qui, par nature, est plutôt locale. Vous avez proposé des amendements, notamment à l’article 60(1)a, pour enlever les mots « effets directs ou accessoires négatifs », donc pour que ce soit plus large.

Selon vous, est-ce suffisant pour faire passer le message au gouvernement fédéral que l’on veut le respect des compétences provinciales? Devrait-il y avoir une clause supplémentaire interprétative qui préciserait que lorsqu’il s’agit d’un dossier de compétence provinciale, de nature locale — même s’il peut y avoir certains éléments accessoires de nature fédérale, comme les espèces menacées —, l’étude doit être faite par l’instance provinciale?

La présidente : À qui s’adresse la question?

Le sénateur Carignan : À l’ensemble des témoins, mais je sais que le dossier a particulièrement été abordé par l’Association minière.

[Traduction]

Mme Wong : M. Mooney participe étroitement à la rédaction des amendements. Je vais lui demander de répondre.

M. Mooney : Dans ce cas, nous sommes un peu uniques parce que nous sommes visés par les régimes fédéral et provinciaux.

Un des changements apportés à la Chambre des communes et pour lequel nous étions reconnaissants avait trait à la suppression de l’interdiction de coopération entre la province et le gouvernement fédéral, qui figurait dans la première version de la Loi sur l’évaluation d’impact. À cet égard, je pense que nous sommes quelque peu un cas à part, car nous sommes actuellement visés à l’échelle fédérale et provinciale. Nous semblons un peu différent.

Je sais que l’Association minière de la Saskatchewan, la SMA, prévoit être ici à la prochaine séance. Il serait peut-être plus pertinent de poser la question à la SMA.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je sens quand même une volonté, mais je vais plutôt aborder la question de la réglementation nucléaire. Est-ce plus « dispendieux » pour vous l’incertitude liée à la décision du projet de loi par rapport au veto ou aux limites de temps? Est-ce que cela est pire par rapport aux exigences supplémentaires d’études ou de consultations? Parce qu’il y en a un qui est plus nuisible à l’entreprise que l’autre. Les deux doivent-ils être traités simultanément parce que l’effet cumulatif peut amener un gel des investissements?

[Traduction]

M. Mooney : En ce qui a trait à la Loi sur l’évaluation d’impact proposée, nous comprenons le régime d’évaluation actuel ainsi que le règlement sur la désignation des activités physiques que nous devons assimiler. Cela apporte un degré de certitude quant aux risques, ce que nous verrons à l’avenir en ce qui concerne le nouveau régime, car nous ne disposons pas de la liste des projets nous permettant d’évaluer avec précision les projets qui seront rejetés dans le cadre du nouveau processus fédéral d’évaluation d’impact.

Le régime actuel, où la CCSN joue le rôle principal dans nos évaluations environnementales, puis de leur intégration dans notre processus d’octroi de licence est la voie que nous privilégions. Nous voyons actuellement un processus qui comporte beaucoup d’incertitudes, car nous ne savons pas ce qui sera repris avec les exigences fédérales en matière d’évaluation.

La présidente : Merci beaucoup de votre témoignage.

Pour le deuxième groupe, nous accueillons le révérend Michael Poellet, président de l’Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative; Pam Schwann, présidente de l’Association minière de la Saskatchewan; Jessica Theriault, directrice de l’environnement chez Mosaic Company. Nous continuons également avec les témoins du présent groupe, M. Liam Mooney, vice-président, Sécurité, santé, qualité de l’environnement et relations réglementaires de Cameco Corporation.

Révérend Poellet, la parole est à vous.

Le révérend Michael Poellet, président, Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative : J’aimerais remercier le comité du Sénat de l’occasion qui m’est offerte de comparaître devant vous ce matin.

Je voudrais aussi commencer par reconnaître que nous sommes sur le territoire du Traité no 6, dans la patrie des Métis. C’est un fait qui devrait se refléter dans nos discussions aujourd’hui et qui est essentiel pour l’élaboration et l’adoption du projet de loi C-69.

« La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. » Cette citation attribuée à Albert Einstein et souvent utilisée par les Alcooliques Anonymes pour expliquer la dépendance est également un moyen de comprendre l’industrie nucléaire, les sociétés d’extraction d’uranium, la Commission canadienne de sûreté nucléaire, ainsi que les politiciens et les bureaucrates au sein des gouvernements qui appuient cette ressource capable de faire bouillir de l’eau ou de faire sauter la Terre.

La technologie de production d’énergie nucléaire n’a pas changé depuis les années 1960. La problématique du stockage en toute sécurité, sans parler de l’élimination des déchets hautement radioactifs, n’a toujours pas été résolue. On continue de minimiser les effets néfastes de l’extraction d’uranium sur la santé humaine, le bien-être social et l’environnement et d’en faire fi. Pourtant, l’industrie et le gouvernement, en particulier la CCSN, continuent de promulguer et de promouvoir les procédures d’octroi de licences, ou plus exactement de renouvellement des licences des installations de production nucléaire, des mines d’uranium et des installations de traitement et le déclassement de sites miniers. La CCSN ne s’est jamais retrouvée face à une proposition d’octroi de licence qui lui déplaisait.

Les propositions actuelles relatives à de petits réacteurs nucléaires modulaires sont simplement les mêmes technologies, à une plus petite échelle. Or, les résultats négatifs des PRNM se traduisent par des déchets radioactifs, une dégradation de l’environnement et des risques pour la santé; par ailleurs, le déclassement ne s’effectue pas à plus petite échelle. En vertu de la LCEE 2012, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale 2012, la CCSN continue de faire les mêmes choses encore et encore dans ses procédures d’octroi de licences, lesquelles permettent aux industries nucléaires et d’extraction d’uranium de faire la même chose encore et encore avec les mêmes résultats délétères. Maintenant, les responsables ont la témérité de prétendre que les PRNM devraient être exemptés de l’évaluation d’impact environnemental.

L’Inter-Church Uranium Committee Educational Co-operative continue d’exposer son point de vue en ce qui concerne les effets nuisibles, dévastateurs et désastreux de l’industrie nucléaire et des activités d’extraction d’uranium dans ses mémoires à la CCSN et à d’autres organismes de réglementation gouvernementaux. Bien entendu, le résultat est toujours le même : « Nous avons reçu votre mémoire; la licence pour le projet a été approuvée ou renouvelée. » L’autocritique sévère est la suivante : si nous nous attendions à des résultats différents en répétant les mêmes choses, nous nous sommes livrés à une pratique insensée.

La LCEE 2012 est défectueuse. La CCSN n’a jamais eu l’expertise ni la compétence requises pour mener des évaluations d’impact. Ses procédures d’évaluation d’impact environnemental sont non pas des meilleures pratiques, mais des pratiques nocives. Des pratiques insensées répétées ad nauseam, en ce qui concerne l’environnement et la santé, la sécurité et le bien-être de la population du Canada.

Le projet de loi C-69 nous offre l’occasion de mettre fin à la folie. Évidemment, ce n’est pas une panacée. Il comporte de nombreuses faiblesses que notre organisation a abordées lors de comparutions antérieures devant le comité et d’autres organismes gouvernementaux. Cependant, le projet de loi C-69 est une proposition constructive qui nous réoriente dans la bonne direction. Des questions et des pratiques comme une participation accrue des peuples autochtones et la reconnaissance du savoir traditionnel, des évaluations régionales, stratégiques et durables de l’impact, une plus grande attention portée aux effets cumulatifs des projets dans une région ainsi qu’une analyse comparative entre les sexes sont des mesures positives qui doivent être adoptées et non pas mourir au Feuilleton.

Le facteur le plus important dans l’adoption du projet de loi C-69 est qu’il commence à s’attaquer au problème le plus important de nos procédures actuelles d’évaluation environnementale : le manque de confiance du public. Dans le rapport du Comité d’experts, intitulé Bâtir un terrain d’entente : une nouvelle vision pour l’évaluation des impacts au Canada, il est indiqué :

Une préoccupation souvent répétée était l’absence perçue d’indépendance et de neutralité en raison de la relation étroite que l’ONE et la CCSN entretiennent avec les industries qu’ils réglementent. Ils s’inquiétaient du fait que ces autorités responsables font la promotion de projets qu’elles doivent réglementer. La crainte d’un parti pris ou d’un conflit d’intérêts, réel ou non, était la préoccupation la plus fréquemment soulevée par les participants touchant le rôle de l’ONE et de la CCSN à titre d’autorités responsables. Les participants ont souvent évoqué l’« emprise réglementaire » pour décrire leurs perceptions à l’égard des deux organismes. La crainte de parti pris de la part de ces deux autorités responsables a miné la confiance dans le processus d’évaluation.

En premier lieu, afin de restaurer la confiance dans le processus, il est essentiel que l’autorité responsable de l’évaluation n’ait pas de parti pris ni de conflit d’intérêts, réel ou apparent.

La confiance du public est primordiale pour toutes les parties, sans quoi, une approbation d’évaluation ne disposera pas de l’acceptabilité sociale nécessaire pour faciliter la mise en œuvre du projet. [...] Les conséquences de cette situation incluent des risques plus élevés de protestations, de contestations judiciaires, de processus qui s’éternisent avant d’en arriver à la décision et une plus grande incertitude quant à la réelle mise en œuvre des décisions. Bref, une absence d’acceptabilité sociale.

Je me réjouis de pouvoir examiner avec vous le projet de loi C-69, ligne par ligne, mais le temps me permet seulement de souligner brièvement les huit domaines généraux que nous, à l’ICUC, souhaitons voir intégrés dans l’évaluation d’impact proposée.

Une évaluation environnementale faisant intervenir plusieurs instances. Cela suppose que les autorités fédérales, provinciales, municipales et autochtones travaillent en coopération. Nous voulons éviter et éliminer les substitutions et les équivalences par les provinces.

Une structure des régimes d’évaluation. Il s’agirait d’un nouveau modèle dont la structure institutionnelle comprend des autorités d’évaluation, des conseils de cogouvernance, des commissions d’examen, des comités consultatifs d’experts, des tribunaux indépendants et la suppression de l’ONE et de la CCSN en tant qu’autorités responsables pouvant mener des évaluations environnementales.

Le déclenchement et la détermination de la portée de l’évaluation environnementale. Cela englobe le déclenchement rapide, complémentaire et exhaustif, le déclenchement fondé sur une liste et sur des décisions ainsi que les déclencheurs et la hiérarchisation des évaluations environnementales stratégiques et régionales.

Le suivi des décisions après évaluation, la production de rapports et l’assurance de la conformité. Cela comprend le suivi des engagements du promoteur et des obligations fédérales, le suivi des prévisions, des plans de gestion adaptative et d’atténuation, les réponses au suivi, à l’évaluation et à la production de rapports, ainsi qu’une méthodologie harmonisée de surveillance, la collecte de données et la production de rapports.

Une évaluation environnementale axée sur l’apprentissage. Il s’agit de la participation du public, du renforcement des connaissances et des répercussions découlant de la surveillance des effets.

Une approche durable de l’évaluation environnementale. Cela comprend des critères de durabilité permettant de prévoir les effets et les risques du projet et de cerner les incertitudes, de définir les principes pour orienter les décisions relatives au projet à la lumière de l’ensemble des effets positifs et négatifs du projet. À titre d’exemple, mentionnons des gains nets maximaux, la prévention d’effets négatifs importants, les principes d’équité, des justifications explicites et transparentes.

Les principes d’une participation significative du public à l’évaluation environnementale et les étapes essentielles pour y parvenir. La participation commence tôt dans le processus de planification et de prise de décisions. La participation du public peut influencer ou modifier les résultats du projet à l’étude. Les possibilités pour la population de s’exprimer sont ouvertes à toutes les parties intéressées : discussions en personne et collaboration du public dans la conception même d’un programme de participation approprié. Des processus de mobilisation officiels, comme des audiences et diverses tribunes de résolution de conflits sont précisés, et les principes de justice naturelle et d’équité procédurale sont pris en compte et mis en œuvre. Un préavis suffisant et adéquat est fourni en plus d’un délai de réponse suffisant. Un accès rapide à l’information et aux décisions disponibles est offert et proposé dans les langues locales parlées, lues et comprises dans les endroits susceptibles d’être touchés par les projets proposés. Une assistance et le renforcement des capacités sont offerts aux participants pour favoriser une discussion et un dialogue éclairés. Les programmes de participation sont axés sur l’apprentissage de façon à garantir des résultats pour tous les participants, les gouvernements et les promoteurs. Les programmes reconnaissent les connaissances et la perspicacité du public. Les processus sont justes, ouverts et compréhensibles pour le public.

En dernier lieu, l’intégration des changements climatiques dans les évaluations environnementales. Cela suppose la création de voies permettant d’atteindre une décarbonisation dans de multiples secteurs, de définir les effets d’un projet sur le climat en ce qui concerne les émissions nettes de GES, les gaz à effet de serre, d’envisager des solutions de rechange, d’intégrer le coût social des GES, de procéder à une analyse socioéconomique et d’imposer des normes de sécurité pour les dommages causés par les changements climatiques.

Merci de votre temps et de votre attention. J’attends vos questions et vos commentaires avec impatience.

La présidente : Merci.

Madame Schwann, vous avez la parole.

Pam Schwann, présidente, Association minière de la Saskatchewan : Merci beaucoup, mesdames et messieurs, et merci aux collègues. Merci d’être venus à Saskatoon aujourd’hui et de permettre à l’Association minière de la Saskatchewan de présenter son point de vue au sujet du projet de loi C-69.

Vous avez déjà présenté mon collègue ici. Je vais donc passer outre. L’Association minière de la Saskatchewan est la voix de l’industrie minière en Saskatchewan. Nous comptons plus de 35 sociétés membres qui explorent et produisent des minéraux. Nos membres exploitent plus de 20 sites miniers actifs dans toutes les provinces et ont des bureaux à Regina et à Saskatoon.

L’exploration minière et minérale sont importantes pour l’économie de la Saskatchewan. Heureusement, nous refaisons sans cesse les mêmes choses. Nous employons plus de 27 000 personnes dans les collectivités rurales, nordiques et urbaines. Nous achetons pour plus de 1,5 milliard de dollars par année auprès des entreprises de la Saskatchewan et versons plus de 1,7 milliard de dollars par année au titre des taxes fédérales, provinciales et municipales.

Comme cela a été le cas lors de l’exposé de ce matin, nous souhaitons vous faire part d’une histoire remarquable et couronnée de succès sur l’importance de l’industrie minière dans le Nord de la Saskatchewan. Au début de 2018, environ 1 emploi sur 5 dans cette région vaste, mais peu peuplée d’environ 37 000 personnes, était directement lié à l’exploitation minière, principalement l’extraction d’uranium. En 2017, l’industrie minière du Nord a acheté pour 261 millions de dollars de biens et services à des entreprises appartenant à des Autochtones. Vous en entendrez parler plus tard cet après-midi, si j’ai bien compris. Dans les mines du Nord de la Saskatchewan, 41 p. 100 des travailleurs sont des membres des Premières Nations ou de descendance métisse, ce qui représente l’un des taux de participation autochtone les plus élevés au Canada. La masse salariale de ces travailleurs s’élève à 89 millions de dollars par année. Le travail de l’industrie minière dans le Nord de la Saskatchewan, qui s’étend maintenant jusqu’au Sud de la Saskatchewan, est un exemple concret de réconciliation économique avec les peuples autochtones.

Les sondages menés auprès de plus de 1 000 habitants de la Saskatchewan démontrent également, avec constance, que le public de la Saskatchewan appuie l’industrie minière à plus de 89 p. 100; selon 97 p. 100 des répondants, cette industrie est très importante pour la province. Ce n’est pas un sondage unique. Nous en avons réalisé deux sur une période de six ans. Nous en faisons un autre cette année. Ce qui est le plus important pour le comité, c’est que nos sondages indiquent que les répondants, dans une grande majorité, soit plus de 75 p. 100, ont également confiance dans le système de réglementation fédéral et provincial.

Je serais tentée de dire que ce soutien et cette confiance envers l’industrie minière de la Saskatchewan et notre processus provincial d’évaluation environnementale démontrent clairement que la Saskatchewan a la bonne approche en matière d’évaluation environnementale et de surveillance réglementaire des projets miniers en Saskatchewan.

La SMA et nos membres ont activement collaboré avec le gouvernement fédéral lors de l’examen et de la consultation de la LCEE 2012 et du processus de la LEI au cours des trois dernières années. Il est extrêmement important pour notre industrie que cela se fasse correctement. Le chevauchement des tâches et le manque de coordination entre les examens fédéraux et provinciaux des mêmes projets miniers continuent de nous préoccuper. Pour mettre en relief ce manque de coordination entre les gouvernements fédéral et provinciaux, soulignons qu’un seul accord sur les frais d’équivalence au Canada a été conclu en vertu de la LCEE 2012. C’était en Colombie-Britannique.

Comme il est indiqué dans notre mémoire au comité, la SMA propose un amendement à la loi en ce qui concerne le traitement des mines et des usines de concentration d’uranium, qui se résume de la façon suivante. La LEI doit permettre une mise à l’échelle du processus d’évaluation d’impact en fonction de la complexité du projet désigné proposé. Actuellement, comme l’a indiqué Mme Wong, la LEI renverrait automatiquement les projets liés aux mines et aux usines de concentration d’uranium à un long processus d’évaluation par une commission d’examen. Les projets désignés qui sont des mines et des usines de concentration d’uranium doivent avoir accès aux mêmes types d’évaluations que tous les autres projets d’extraction et de concentration désignés, de façon similaire à toutes les versions antérieures de la législation fédérale en matière d’évaluation. Il n’existe aucune preuve scientifique justifiant que l’on soumette ces mines à un processus plus complexe et coûteux de comité d’examen.

Cela exige un amendement à la LEI visant à garantir que les mines et les usines de concentration d’uranium peuvent bénéficier du processus dirigé par l’agence avec un accès sans restriction aux dispositions permettant la coopération avec la CCSN, les provinces et les organismes dirigeants autochtones.

La SMA a présenté des commentaires détaillés dans son mémoire au comité sur les amendements mineurs proposés à un certain nombre d’articles de la loi, la plupart recommandant d’ajouter le libellé « à l’exception d’une mine ou d’une usine de concentration d’uranium » afin que l’on reconnaisse que les mines et les usines de concentration d’uranium possèdent déjà un solide dossier en ce qui concerne les processus existants d’évaluation et de réglementation environnementales.

En ce qui concerne les mines de la Saskatchewan, le gouvernement de cette province dispose d’un processus éprouvé, robuste et efficace, permettant d’évaluer les répercussions environnementales et socioéconomiques d’un projet. Le gouvernement de la Saskatchewan a également compétence sur les ressources minérales provinciales et il est le mieux placé pour évaluer les avantages globaux des projets par rapport aux répercussions environnementales et socioéconomiques potentielles et aux mesures d’atténuation proposées.

Contrairement à l’évaluation d’impact environnemental, les évaluations réalisées par la Saskatchewan tiennent compte depuis longtemps, 1980 en fait, des facteurs de durabilité relevant également de la compétence des provinces. Les mines de la Saskatchewan font l’objet d’une évaluation environnementale et d’une surveillance réglementaire du cycle de vie des mines et des usines autres que celles d’uranium par l’intermédiaire du ministère de l’Environnement de la province. Comme l’a mentionné Mme Wong, il existe déjà une double évaluation environnementale et une surveillance réglementaire du cycle de vie des mines et des usines de concentration d’uranium.

La province et la CCSN assurent depuis longtemps la conformité avec les conditions d’évaluation environnementale tout au long du cycle de vie d’une mine et d’une usine de concentration. Du point de vue de l’efficacité, un système bien coordonné d’évaluation du cycle de vie et d’octroi de licences réglementaire est essentiel pour assurer une transition en douceur de l’évaluation d’impact à la phase d’octroi de licences réglementaire.

Mes remarques vont maintenant porter davantage sur la Liste des projets. Dans le mémoire que nous avons remis au comité, la SMA a également fourni des observations sur la version provisoire du Règlement désignant les activités concrètes, qui n’a pas encore été publié, également appelé la Liste des projets. J’aimerais souligner deux ou trois éléments. D’abord, il est extrêmement difficile de comprendre l’incidence et les conséquences de la LEI proposée sans connaître le contenu de la Liste des projets. Nous croyons fermement qu’il est essentiel de consulter la LEI conjointement avec la version définitive de la Liste des projets pour bien saisir l’incidence qu’elle aura sur notre industrie. Sans savoir ce que visera la LEI, nous craignons qu’un examen sérieux ne soit pas possible.

Ensuite, ce qui nous inquiète concernant la Liste des projets, c’est que nous continuons d’entendre de la part du gouvernement fédéral qu’elle ne vise que les projets importants. C’est une formulation extrêmement ambiguë. Nous craignons que le seuil qui détermine les projets importants soit fixé trop bas. Nous redoutons également que de nombreux accrocs figurant dans la Liste des projets, comme les émissions de gaz à effet de serre, l’accès ferroviaire, les pipelines, et cetera, pourraient faire en sorte que le projet soit assujetti à la LEI fédérale même si tous ces éléments peuvent facilement faire l’objet d’une évaluation provinciale.

La Saskatchewan a fait ses preuves depuis 40 ans en matière d’évaluation environnementale et de surveillance réglementaire du cycle de vie, et nous sommes un chef de file en surveillance et en gestion de la restauration du milieu après les activités d’exploitation et de concentration d’uranium et la fermeture de sites. Nous croyons que les exigences de la LEI fédérale devraient seulement s’appliquer aux administrations qui n’ont aucun processus environnemental établi. Nous pensons que la Liste des projets devrait refléter cette réalité et exclure les projets miniers de la Saskatchewan qui font déjà l’objet d’évaluations provinciales, comme la potasse. L’ajout d’un processus laborieux prévu par la LEI fédérale à un processus d’évaluation environnementale provincial établi n’ajoute aucune valeur.

J’aimerais également souligner l’importance d’accorder suffisamment de temps aux représentants fédéraux, aux provinces et aux gens visés par le règlement pour comprendre les exigences des nouvelles lois lorsqu’elles entreront en vigueur.

La SMA recommande également fortement, comme il a été mentionné par Cameco concernant la Loi sur les eaux navigables canadiennes, que les amendements proposés soient apportés et que les dispositions de la Loi sur l’évaluation d’impact et de la Loi sur les eaux navigables canadiennes entrent en vigueur au plus tôt un an après la sanction royale.

J’aimerais terminer ma déclaration liminaire en remerciant le comité de ses efforts pour venir en Saskatchewan. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir donné l’occasion de témoigner devant vous.

La présidente : Merci beaucoup de vos exposés. Nous allons passer à la période de questions.

Chers collègues, veuillez limiter vos préambules et n’oubliez pas que le temps alloué est de trois minutes par personne.

Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins d’être ici ce matin. Ma première question s’adresse au révérend Poellet.

Révérend Poellet, je suis curieux : dans quel domaine avez-vous fait votre doctorat? Est-ce un doctorat en sciences ou en génie, ou dans une autre discipline?

Le révérend Poellet : Non. C’est un doctorat en théologie spéculative.

Le sénateur MacDonald : Lorsqu’il est question de sciences, vous avez environ la même formation que moi. Il est évident, à la lumière de votre exposé, que vous êtes un ennemi juré de la production d’énergie nucléaire. Vous avez affirmé que la technologie n’a pas vraiment changé depuis les années 1960. Vous avez même inclus la mise au point proposée de petits réacteurs nucléaires et avez dit qu’il en était de même pour les technologies. Encore une fois, je ne suis pas scientifique, mais je crois comprendre qu’un des grands avantages des petits réacteurs nucléaires, c’est que leurs cœurs sont rechargeables, non pas jetables.

Dans le Nord du pays, toutes les collectivités sont alimentées en diesel, un carburant sale et polluant. Ce sera une excellente solution pour toutes ces collectivités nordiques si on réussit à concevoir de petits réacteurs nucléaires modulaires et à les installer dans le Nord, on évitera ainsi la pollution et les coûts liés au transport du diesel. Pourquoi seriez-vous contre cela?

Le révérend Poellet : Tout d’abord, il y a le coût associé au transport d’un petit réacteur nucléaire dans cette région. Il y a également d’autres solutions de rechange.

Le sénateur MacDonald : Et quel est le coût?

Le révérend Poellet : Eh bien, on a estimé que ce pourrait être de 1 à 2 milliards de dollars initialement, du moins ce sont les chiffres qu’on a donnés à la CCSN, car elle participe à des examens de la conception de 10 petits réacteurs nucléaires modulaires.

Le sénateur MacDonald : Oui, mais comme toutes les technologies, plus on la perfectionne et plus elle est offerte sur le marché, plus son coût baissera lorsqu’elle sera mise en place.

Le révérend Poellet : Cela ne s’est certainement pas produit avec la production d’énergie nucléaire.

Le sénateur MacDonald : C’est tout.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup d’être ici aujourd’hui.

Révérend Poellet, mes questions s’adressent à vous pour commencer. Vous avez tout à fait raison concernant le groupe d’experts et ses rapports sur l’absence perçue d’indépendance et de neutralité en raison de la relation étroite que l’ONE et la CCSN entretiennent avec les industries qu’ils réglementent.

Nous avons entendu un certain nombre de témoins nous parler du critère lié à la participation ou de la participation du public. On nous a dit que la participation devrait être plus limitée et que l’organisme de réglementation devrait en réalité restreindre le nombre de participants. J’ai demandé plus tôt ce matin comment on va limiter la participation et qui prendra cette décision... et c’est l’organisme de réglementation. Mais on m’a répondu que cela dépend de la proximité des gens du projet.

Vous croyez que le critère lié à la participation ou les dispositions prévoyant la participation du public de la loi de 2012 qui ont été modifiés dans le projet de loi C-69 seront en réalité meilleurs pour les Canadiens s’ils ont... je ne dirai pas pourquoi, et vous pouvez peut-être nous expliquer cela. Pourquoi pensez-vous que le projet de loi constitue une amélioration au chapitre de la participation du public?

Le révérend Poellet : Tout d’abord, pour ce qui est de la participation du public, je crois qu’il est plus facile de comprendre exactement de quoi il est question lorsqu’un plus grand nombre de personnes peuvent participer au processus et, comme le groupe d’experts l’a souligné, s’il y a un manque flagrant de confiance dans les procédures, alors une façon de l’établir, c’est de permettre aux gens de participer au processus.

Ensuite, l’incidence de certains projets dans la région traverse les frontières locales; ils ont des effets dans d’autres provinces et même au-delà. Encore une fois, voilà une raison de favoriser une participation accrue.

La sénatrice Cordy : Vous avez parlé du début de l’étape préparatoire. Croyez-vous qu’il s’agit d’un bon ajout au projet de loi?

Le révérend Poellet : Oui. Je crois que plus les gens participent tôt à l’étape préparatoire, plus les choses progresseront rapidement au cours des étapes ultérieures. Je sais que les s’inquiètent des délais et des choses du genre. S’il y a un accord d’entrée de jeu à propos de l’évaluation du projet et de la façon dont il devrait aller de l’avant, alors lorsque nous serons rendus aux étapes ultérieures du projet, il n’y aura pas de nouvelles questions comme : « Pourquoi cela n’a-t-il pas été examiné? » ou « Pourquoi n’avons-nous pas fait cela? », parce que cela aura déjà été étudié au début de l’étape préparatoire.

La sénatrice Cordy : Qu’en pensez-vous, madame Schwann? Croyez-vous que l’étape préparatoire est un bon ajout au projet de loi?

Mme Schwann : Je dirais que, en théorie, c’est un bon ajout. J’affirmerais également que, sur le plan pratique, le secteur minier participe déjà à l’étape préparatoire, tant au sein des collectivités qui sont touchées par l’industrie minière qu’avec les organismes de réglementation. À mon avis, une des principales difficultés de l’étape préparatoire, cependant, c’est le délai qu’ont les gouvernements fédéral, provinciaux et autochtones pour coordonner leurs accords de planification et de coopération. Je pense que cela devrait être évalué. Selon moi, cela suscite des questions.

Liam, avez-vous d’autres observations?

M. Mooney : Oui. En tant qu’industrie et entreprise, nous travaillons depuis très longtemps avec nos voisins proches. Je crois que des témoins du groupe précédent ont exprimé une partie de la frustration à cet égard. Cette participation et ces discussions ont créé des possibilités d’emplois et de contrats, et on reproche à notre industrie d’acheter le soutien dont elle bénéficie. Bien honnêtement, rien n’est plus faux. Les gens qui travaillent pour nous sont nos meilleurs ambassadeurs dans ces collectivités. Les entrepreneurs que nous embauchons constatent eux aussi la façon dont nous exploitons nos installations et traitons nos employés, l’environnement et la santé publique, et ils le promeuvent dans les collectivités. Les gens de ces collectivités comprennent mieux.

La présidente : Sénateur Carignan, vous avez la parole.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à Mme Schwann. Dans votre mémoire, vous abordez la question de la compétence constitutionnelle, soit de faire appel aux provinces lorsqu’il s’agit d’un dossier de nature locale. De toute façon, vous semblez avoir un préjugé favorable pour les études menées à l’échelle provinciale plutôt qu’à l’échelle fédérale. Est-ce que je me trompe et si oui, pourquoi? Parfois, cela suscite des critiques de la part de certaines personnes qui disent : « Ah, il y a une proximité. » On l’a entendu un peu de la part du révérend. Ce n’est pas la première fois qu’on entend ce genre de reproche sur la proximité entre le décideur et l’industrie. Cela fait en sorte que certaines personnes ont l’impression qu’on fait des compromis sur le plan des études environnementales. J’aimerais connaître votre vision à propos des évaluations environnementales menées par les provinces plutôt que par le gouvernement fédéral.

[Traduction]

Mme Schwann : Le gouvernement provincial participe aux évaluations environnementales depuis beaucoup plus longtemps que le gouvernement fédéral, y compris l’insertion de facteurs socioéconomiques. Il possède un système d’évaluation rigoureux depuis 40 ans, contrairement au gouvernement fédéral.

Par ailleurs, je crois qu’il faut toujours laisser les décisions entre les mains des gens qui comprennent le mieux le contexte d’un projet, les données scientifiques relatives à ce projet et les collectivités. C’est le gouvernement provincial qui a cette capacité, non pas le gouvernement fédéral, qui ne comprend peut-être même pas les particularités géographiques de la région.

À mon sens, lorsqu’un gouvernement provincial a plus d’expertise, de meilleures décisions sont prises. Je ne serais pas en faveur que des choses soient compromises. Si un gouvernement provincial s’occupe de ces aspects, il aura à cœur les intérêts à long terme de la province. Il ne serait pas avantageux pour un gouvernement provincial de prendre à court terme une décision qui pourrait compromettre à long terme l’intégrité de la ressource, des collectivités et de la population de la province.

La présidente : Sénatrice Simons, allez-y.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame la présidente.

Je ne crois pas que nos témoins aujourd’hui s’entendent sur grand-chose. À mon avis, vous souscrivez tous deux à l’ensemble de la question d’une liste des projets ou à ce que le révérend Poellet a appelé le déclenchement et la détermination de la portée de l’évaluation environnementale. C’est très frustrant pour nous tous d’aller de l’avant sans savoir ce qui est visé par la Loi sur l’évaluation d’impact et ce qui ne l’est pas.

J’ai également trouvé très intéressant le point du révérend Poellet sur le suivi des décisions après l’évaluation et la production de rapports. J’espère que ce sera abordé dans le règlement parce que je crois que c’est essentiel.

J’aimerais vous poser une question sur quelque chose de différent, monsieur. Votre organisation a évidemment de graves préoccupations concernant l’incidence environnementale de l’industrie minière d’uranium, mais pouvez-vous me dire, parce qu’il s’agit d’un nouveau domaine pour moi, s’il y a eu des incidents, des accidents, des cas de toxicité et d’empoisonnement par rayonnement qui ont touché des mineurs? Y a-t-il des cas précis qui ont suscité vos préoccupations, ou s’agit-il davantage d’une question philosophique relative à l’énergie nucléaire en général?

Le révérend Poellet : Non, il y a eu des cas précis et certaines préoccupations. En fait, le plus récent, c’était mardi passé. La Première Nation d’English River a tenu une réunion concernant la mine de Key Lake et l’installation de traitement où on a détecté des substances radioactives qui se frayent un chemin jusqu’aux eaux souterraines. La collectivité est très préoccupée par cela, à juste titre. Ce ne sont pas des incidents théoriques. Ce sont des préoccupations, et elles sont d’autant plus présentes lorsqu’il s’agit du déclassement d’installations.

La sénatrice Simons : Je ne sais pas si Mme Schwann ou M. Mooney aimeraient répondre à la question.

M. Mooney : J’aimerais commencer par dire que je ne suis pas fou. Je suis très fier en réalité d’être un représentant de l’industrie minière d’uranium et de l’énergie nucléaire qu’elle aide à produire.

Selon moi, un des aspects autour desquels la discussion tourne, c’est la confiance du public. Mme Schwann a parlé plus tôt d’un appui élargi, mais Mme Wong vous a également précisé que nous réalisons régulièrement des sondages, et il s’agit non pas seulement de cinq personnes dans un sous-sol quelque part, mais d’un millier de personnes. Nous bénéficions d’un soutien de 80 p. 100 à l’échelle provinciale et de 82 p. 100 dans le Nord de la Saskatchewan. La confiance du public n’est pas un problème pour l’industrie minière d’uranium, l’association minière ou l’industrie minière en général en Saskatchewan.

À propos de ce qui s’est dit pendant la séance, une de nos préoccupations qui touche précisément le processus d’évaluation des projets est le fait que les questions de politique soulevées par le gouvernement du Canada et la province de la Saskatchewan continuent d’être réexaminées dans le cadre de projets. Sans un processus d’évaluation environnementale raisonnable qui évalue les mérites d’un projet, il y aura toujours des gens qui s’opposeront fermement à l’énergie nucléaire et à l’extraction d’uranium et qui continueront d’utiliser les mêmes arguments que dans les années 2000, 1990, 1980 et ainsi de suite.

Mme Schwann : J’aimerais ajouter d’autres données scientifiques. Le très respecté Dr James Irvine, qui travaillait pour les Services de santé dans le Nord, a réalisé un certain nombre d’études sur la santé de la collectivité et des gens. De nombreuses études ont été effectuées sur la faune et les aliments prélevés dans la nature, y compris la viande, les petits fruits et l’eau. Aucune de ces études n’a montré d’effets négatifs liés à l’extraction d’uranium. Des décennies d’études le montrent. Nous serions heureux de les transmettre aux membres du Sénat s’ils le désirent.

La présidente : Oui, je vais vous demander à vous deux, révérend Poellet et madame Schwann, de nous envoyer ces études sur la pollution ou la non-pollution. Ce sera très intéressant.

Sénateur Mockler, vous avez la parole.

Le sénateur Mockler : Le Nouveau-Brunswick a un réacteur CANDU à Point Lepreau. Nous sommes un chef de file mondial en matière de réacteurs et de transfert de technologies. J’ai eu l’occasion, il y a deux mois, de participer à des tables rondes qui portaient précisément sur l’avenir de l’énergie nucléaire. On m’a dit que le Nouveau-Brunswick et le Québec sont en voie de devenir des chefs de file mondiaux au chapitre des petits réacteurs modulaires. Des scientifiques ont témoigné devant nous.

Oui, nous sommes en avance dans ce domaine et nous avons la confiance du public. Et, oui, des Canadiens d’un océan à l’autre nous ont fait part de leurs nombreuses préoccupations concernant le fait que nous essayons de définir le permis social de projets avec le projet de loi C-69. Comme vous faites partie de l’industrie, avez-vous une définition de l’acceptabilité sociale ou du permis social en ce qui concerne le projet de loi C-69?

Mme Schwann : Je crois que c’est une question intéressante parce qu’une grande partie du projet de loi C-69 est libellée en fonction du manque de confiance du public. Je n’ai jamais vu de sondage, soit dit en passant, qui soutient cela, à part ce qui se trouve sur Twitter, ce qui n’est pas, selon moi, une véritable analyse scientifique. Des études et des sondages publics montrent que le public, du moins en Saskatchewan, appuie fortement le secteur minier. Nous avons un permis social et une mobilisation importante dans les collectivités rurales du Nord et les collectivités urbaines relativement à l’industrie minière. Nos entreprises sont très actives dans leurs collectivités et leurs initiatives communautaires soutiennent une qualité de vie plus élevée pour tous les résidents de la province.

Je dirais que nous avons un permis social fort. Je le mesurerais en fonction de la confiance et du soutien du public dont nous bénéficions. Des sondages nationaux réalisés par l’Association minière du Canada montrent également un soutien très élevé du secteur minier canadien.

La sénatrice Wallin : J’ai deux questions. Je vais les poser, et nous allons ensuite essayer de sauver un peu de temps de cette façon.

Madame Schwann, pour ce qui est de la question des prétendus accrocs, pourriez-vous nous en expliquer un? Vous avez donné des exemples : les émissions, l’accès ferroviaire, les pipelines, et cetera. Les responsables d’un projet en cours approuvé par la province pourraient avoir suivi l’ensemble du processus grâce à leur grande expérience dans le domaine. Ensuite, s’ils désiraient accéder à un pipeline, ils seraient tout à coup visés par ce projet de loi et devraient être soumis à un tout autre processus, n’est-ce pas?

Mme Schwann : Je pourrais répondre à la question, mais je crois que Jessica vous donnera une réponse plus détaillée.

Jessica Theriault, directrice de l’Environnement au sein de la Mosaic Company et Saskatchewan Mining Association : Dans le cas précis de l’industrie de la potasse, certains accrocs seraient le transport ferroviaire et les prolongements des chemins de fer à notre site à mesure que nous construisons des pipelines propres à notre industrie sur nos installations.

Un autre accroc concerne le Règlement multisectoriel sur les polluants atmosphériques, qui est un nouveau règlement fédéral qui prévoit le remplacement de nos chaudières. Cela réduira la quantité d’émissions de NOx à notre site. Ce qui nous inquiète, c’est que cela pourrait également nécessiter une évaluation environnementale.

Il existe de nombreux accrocs, mais ce ne sont que quelques exemples propres à l’industrie de la potasse.

La sénatrice Wallin : Nous avons beaucoup parlé au cours des derniers mois des amendements proposés, et la liste des projets se démarque certainement. Qui sera touché, quand et pourquoi, quels sont les droits de veto, qui peut participer au processus et à toutes ces questions? Imaginons que, dans un autre monde, tous ces amendements sont acceptés et bien accueillis. Proposeriez-vous quand même le délai d’un an pour l’entrée en vigueur de la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur les eaux navigables du Canada afin de donner aux gens assez de temps pour comprendre le produit final?

Mme Schwann : Absolument. Nous avons constaté que, même avec la LCEE 2012, il n’y avait pas assez de temps pour la transition et la portée était plus limitée. Dans le cas présent, la portée est beaucoup plus large, et il faudra beaucoup plus de temps pour informer tous les intervenants et travailler avec eux sur la voie à suivre en ce qui concerne les documents d’orientation et la réglementation. Nous envisageons une période d’au moins un an.

La sénatrice Wallin : J’aimerais seulement savoir si M. Mooney avait un commentaire.

M. Mooney : Je suis tout à fait d’accord avec Mme Schwann. Nous avons eu la malchance, au cours de certaines modifications législatives, d’être en formation en même temps que certains membres du personnel qui étaient chargés de la mise en œuvre des modifications de la loi. Nous croyons que, pour effectuer une mise en œuvre pratique et exhaustive, nous devons disposer de temps pour la formation et la production des documents d’orientation nécessaires.

Le révérend Poellet : Je suis du même avis. Si nous voulons bien faire les choses, nous devons prendre le temps de nous familiariser avec le projet de loi. Nous devons en effet faire cela.

La sénatrice Wallin : Merci de votre commentaire.

La présidente : Sénateur Patterson, vous avez la dernière question.

Le sénateur Patterson : Révérend Poellet, merci d’être ici. Nous devons entendre tous les points de vue. Dans votre exposé, j’ai constaté que vous avez dénoncé vivement la crédibilité de la CCSN et de l’ONE pour avoir fait la promotion de projets. Vous avez condamné le processus réglementaire provincial et vous voulez éviter un remplacement. J’aimerais vous parler du gouvernement du Canada. Il a publié une feuille de route sur les petits réacteurs modulaires. Soit dit en passant, le vent ne souffle pas toujours et le soleil ne brille pas en permanence où je vis dans le Nord du Canada. Sur le site web de RNCan, on parle de petits réacteurs modulaires, la prochaine vague d’innovation nucléaire. À mon avis, il semble que ce soit un appui positif aux petits réacteurs modulaires. En vertu du projet de loi C-69, que vous soutenez, un ministre fédéral aura le dernier mot. Je me demande si vous pensez que le gouvernement fédéral pourrait être coupable de faire la promotion de l’énergie nucléaire; par conséquent, selon vous, un politicien fédéral n’est pas en mesure de prendre une décision finale à la suite d’un processus d’évaluation public et transparent.

Le révérend Poellet : Dans mes observations, et encore une fois dans celles s’aujourd’hui, qui se voulaient favorables au projet de loi C-69, j’ai dit qu’il comportait des lacunes. Une des lacunes, de notre point de vue, c’est précisément le fait qu’un ministre fédéral a le dernier mot. Nous serions très en faveur d’un amendement qui changerait le libellé du projet de loi à cet égard.

Le sénateur Patterson : Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Cela conclut notre deuxième groupe de témoins.

Pour notre troisième groupe de témoins, nous recevons, de Mosaic, Sarah Fedorchuk, vice-présidente, Affaires publiques et relations gouvernementales; de Nutrien, Mike Webb, vice-président exécutif et chef de l’administration; et de l’Université de la Saskatchewan, Dwight Newman, professeur de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits autochtones en droit constitutionnel et international, à titre personnel.

Merci beaucoup d’être ici. Vous disposez tous d’environ cinq minutes, et il y aura ensuite une période de questions.

Sarah Fedorchuk, vice-présidente, Affaires publiques et relations gouvernementales, Mosaic : Merci de la présentation, et bonjour, madame la présidente et membres du comité. Je vous suis reconnaissante de votre invitation et du temps que vous prenez aujourd’hui pour visiter Saskatoon afin d’entendre directement notre collectivité.

Je m’appelle Sarah Fedorchuk. Je suis vice-présidente des Affaires publiques et des relations gouvernementales pour l’entreprise Mosaic. Pour les personnes qui ne nous connaissent pas très bien, permettez-moi de vous parler un peu de ce que nous faisons.

Mosaic est le plus grand producteur et fournisseur au monde de potasse concentrée et d’engrais phosphaté; elle embauche plus de 16 000 employés dans le monde, dont environ 2 200 en Saskatchewan, en plus de centaines d’entrepreneurs et de fournisseurs canadiens sur nos sites en permanence. Nos activités et nos collaborations s’étendent dans neuf pays, et toutes nos activités canadiennes visent la production de potasse. Nous avons enregistré des ventes d’une valeur de 9,6 milliards de dollars en 2018. En moins d’une décennie, Mosaic aura investi plus de 5 milliards de dollars dans des projets d’expansion canadiens, ce qui comprend le projet K3, le premier nouveau puits d’exploitation construit en Saskatchewan en plus de 50 ans.

Tous les projets ont été rigoureusement réglementés par la province de la Saskatchewan, ce qui a permis à Mosaic d’être souple et de s’adapter aux demandes accrues pour des produits de haute qualité. Notre mission est de nous assurer de la sécurité alimentaire mondiale en aidant le monde à cultiver les aliments dont il a besoin. Les Nations Unies estiment que la population mondiale atteindra 9 milliards de personnes d’ici 2050. Les agriculteurs du monde doivent produire plus de nourriture et de carburant. Nous avons besoin d’une plus grande quantité d’engrais pour y arriver. En fait, les engrais contribuent à l’heure actuelle à produire la moitié des cultures mondiales.

La potasse est le principal minerai d’exportation du Canada, en volume comme en valeur économique. Nous avons absolument besoin d’un système ferroviaire fiable et sécuritaire pour assurer la croissance des exportations. Dans l’état actuel, Mosaic exporte 95 p. 100 de sa potasse chaque année, et presque la moitié des produits sont expédiés à l’étranger par l’intermédiaire de Canpotex, l’agence de marketing et de soutien logistique internationale. Comme une très grande partie de nos produits sont exportés à l’extérieur du pays, nous sommes particulièrement sensibles aux difficultés qui se sont posées au chapitre du transport ferroviaire partout au Canada au cours des dernières années.

J’imagine que le comité a déjà entendu parler des importantes pressions subies par le réseau ferroviaire canadien en raison de l’incapacité de mettre en œuvre les nouveaux projets d’oléoducs et de gazoducs. En Saskatchewan, la fourniture et la livraison de gaz naturel aux utilisateurs industriels sont limitées. Nous craignons que le projet de loi C-69, dans sa forme actuelle, complique encore davantage la construction de nouveaux gazoducs. Dans un climat économique difficile, la certitude réglementaire est plus que jamais importante afin que nous puissions être concurrentiels sur le marché mondial. Toute modification soudaine ou négative du régime fiscal canadien, de la réglementation environnementale ou d’autres secteurs peut faire en sorte et fait en sorte que les investisseurs se tournent vers des administrations plus prévisibles ou efficaces.

À l’heure actuelle, les entreprises de potasse de la Saskatchewan font face à une vive concurrence de la part de leurs concurrents internationaux qui paient des impôts beaucoup moins élevés et qui sont soumis à un régime environnemental beaucoup moins rigoureux. En outre, la potasse est un produit de base mondial. Nous sommes des preneurs de prix et non des décideurs de prix. Cela signifie que l’augmentation des coûts liés à la conformité à la réglementation afin d’améliorer la performance environnementale, comme le prix du carbone, peut, en fait, mener à des résultats imprévus. Ces coûts augmentent le risque de fuite de carbone. Ils permettent aux concurrents chinois et russes et aux autres concurrents étrangers du secteur de la potasse de réduire leurs activités au Canada sans réduire leurs émissions mondiales. Nos concurrents dans d’autres régions du monde suivent généralement des normes moins strictes en matière d’environnement, de travail et de responsabilité sociale. Nos concurrents bénéficient d’un avantage important sur le marché mondial où, malheureusement, le producteur le moins cher est récompensé, plutôt que le producteur le plus responsable sur le plan environnemental ou social. Les mines de potasse de la Saskatchewan sont déjà des chefs de file en matière d’innovation et de développement durable. Elles sont les meilleures de leur catégorie pour ce qui est de l’intensité des émissions des mines de potasse à l’échelle mondiale.

Au cours de la dernière année, Mosaic a effectué des recherches comparant les émissions de gaz à effet de serre des producteurs canadiens de potasse à celles des concurrents de partout dans le monde. Les résultats sont de très bonnes nouvelles pour le Canada. Nous sommes heureux de constater que les émissions de GES associées à la potasse canadienne ne représentent que 29 p. 100 de la moyenne mondiale, ce qui place le Canada au premier rang mondial des faibles émetteurs de GES. Même si nous sommes déterminés à poursuivre la réduction des émissions, nous ne devons pas oublier le coût supplémentaire que cela représente ainsi que l’avantage supplémentaire que ce coût peut procurer aux concurrents étrangers qui n’ont pas et n’auront pas à payer une taxe sur le carbone ou un supplément pour le carburant propre, du moins pas dans un avenir prévisible.

Plus particulièrement en ce qui concerne les évaluations environnementales ou les évaluations d’impact, Mosaic croit fermement que la compétence en matière d’évaluation des projets relatifs à la potasse devrait demeurer du ressort de la province de la Saskatchewan, qui réglemente rigoureusement notre secteur depuis 40 ans. Les émissions de GES estimées et les répercussions socioéconomiques des projets miniers sont déjà prises en compte dans le cadre du processus provincial d’évaluation environnementale de la Saskatchewan. Le chevauchement de ces efforts à l’échelle fédérale ajouterait une couche inutilement coûteuse et chronophage. Bien que le processus fédéral d’évaluation d’impact proposé vise à inclure les émissions de GES en amont, l’évaluation de ces émissions pose un certain nombre de défis et dépasse la portée de toute évaluation à laquelle un promoteur devrait être soumis. Nous sommes d’avis que l’évaluation d’impact devrait demeurer axée sur les secteurs de compétence fédérale.

Pour ce qui est de la liste des projets du projet de loi C-69, nous avons les mêmes préoccupations que les autres aujourd’hui concernant notre incapacité à comprendre ou à planifier pleinement les changements à l’égard des évaluations environnementales au Canada si nous ne savons pas précisément ce que contient la liste des projets qui sont visés par le projet de loi C-69 avant son adoption. Nous encourageons le gouvernement à finaliser cette liste et à la rendre publique dès que possible.

En conclusion, l’industrie de la potasse est exploitée avec succès et en toute sécurité en Saskatchewan depuis 60 ans, et aucun incident environnemental majeur ne s’est produit. Nous sommes fiers de ce bilan et nous travaillons d’arrache-pied pour le maintenir. Au cours des 10 dernières années, l’industrie de la potasse a investi des milliards de dollars dans des projets d’expansion, encore une fois, sans incident majeur. En même temps, les industries de la potasse et du secteur minier de la province continuent de bénéficier d’un vaste appui du public, comme mes collègues de la Saskatchewan Mining Association en ont parlé plus tôt aujourd’hui. Mosaic est en faveur d’un régime de réglementation environnementale rigoureux et protecteur au Canada; toutefois, ce système doit être pratique, pragmatique et équilibré si nous voulons que notre industrie canadienne de la potasse prospère. Nous exhortons fortement le gouvernement à trouver un équilibre entre ses objectifs environnementaux et sa contribution à la compétitivité de notre industrie. Comme nous l’avons mentionné, les décisions futures de Mosaic en matière d’investissement seront fondées sur le marché le plus concurrentiel sur le plan des coûts. Des règlements mal conçus risquent fortement de miner la compétitivité et l’économie du Canada et de nuire davantage de façon générale à la santé de l’environnement à l’échelle mondiale. Nous encourageons le gouvernement à nous aider à célébrer notre position de chef de file mondial de la potasse canadienne en ce qui concerne les émissions, la performance environnementale, la sécurité alimentaire, la sûreté, l’investissement communautaire et les normes du travail en veillant à ce que notre industrie demeure aussi saine et concurrentielle que possible. Je vous remercie encore une fois de m’avoir donné l’occasion de prendre la parole aujourd’hui.

La présidente : Monsieur Newman, vous avez la parole.

Dwight Newman, professeur de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits des Autochtones, Université de la Saskatchewan, à titre personnel : Bonjour. Merci de m’avoir invité à comparaître. Je m’appelle Dwight Newman. Je suis professeur de droit et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les droits des Autochtones dans le droit constitutionnel et international à l’Université de la Saskatchewan. Entre autres, j’ai beaucoup écrit sur l’obligation de consulter la doctrine. Je ferai des commentaires axés sur le projet de loi C-69 et sur les questions relatives à la consultation des collectivités autochtones pourvues de droits. J’ai fourni un mémoire écrit qui fournit davantage de détails. Je soulignerai et élaborerai certains points dans mon exposé aujourd’hui.

De façon générale, les partisans du projet de loi C-69 prétendent que ce dernier améliore le système de réglementation du Canada, notamment en améliorant la consultation auprès des collectivités autochtones au sein du système de réglementation. Chaque fois que j’examine de nouveau le projet de loi, j’ai du mal à admettre ces affirmations au sujet de la consultation des Autochtones. À mon avis, le projet de loi C-69 accroîtrait l’incertitude sur le plan réglementaire de manière à susciter de véritables préoccupations. Cela ne se limite probablement pas aux questions relatives à la consultation des Autochtones, mais c’est sur ce sujet que je vais me concentrer. En pensant précisément à ces questions, j’estime que le projet de loi C-69 n’est pas à la hauteur de l’annonce selon laquelle il améliore la consultation auprès des collectivités autochtones. Le projet de loi promet, selon les partisans, plus de consultations de ce genre ou des consultations plus efficaces, mais en l’examinant en détail, je ne pense pas qu’il prévoit cela. Il n’améliore pas la certitude sur le plan réglementaire, mais tend probablement à la miner.

Je vais faire référence à trois caractéristiques de la rédaction législative qui sous-tendent cette affirmation dans cette brève déclaration préliminaire. Premièrement, le projet de loi C-69 abolit les organismes de réglementation existants alors que la jurisprudence commence à peine à éclaircir les attentes des juges en matière de consultation dans le contexte de l’état de fonctionnement de ces organismes. Il ne s’agit pas d’un point déterminant; les choses peuvent toujours être réformées, mais cela impose un fardeau à ceux qui préconisent une nouvelle structure de réglementation.

Deuxièmement, dans le projet de loi C-69 lui-même, le libellé sur ce qui doit être réalisé en matière de consultation est variable, et le projet de loi contient très peu de directives sur la façon de réaliser la consultation ou très peu de mécanismes pour y parvenir. Bien que la partie du projet de loi C-69 portant sur la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie contienne des mécanismes explicites de consultations du public, ni la Loi sur l’évaluation d’impact ni la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie ne contiennent de mécanismes spécifiques pour les consultations des collectivités autochtones, pourvues de droit, requises par la Constitution. L’expression, « le public », est en fait utilisée de diverses façons dans le projet de loi C-69. Certains principes d’interprétation des lois pourraient bien faire en sorte que l’on interprète des éléments de la partie du projet de loi C-69 portant sur la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie comme excluant implicitement la consultation des Autochtones, ce qui n’est évidemment pas l’intention, mais c’est quelque chose que le libellé pourrait laisser entendre, compte tenu de la façon dont l’expression, « le public », est utilisée dans diverses parties du texte. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé dans le processus de rédaction sur ce plan en particulier. J’espère que vous approfondirez cette question avec ceux qui ont participé à la rédaction.

Troisièmement, il se peut que certaines personnes pensent que ces questions seront davantage abordées dans le cadre de l’élaboration du règlement d’application connexe. Je tiens à souligner que, si on ne veut pas être exposé à d’autres contestations juridiques qui pourraient poser des problèmes pour les projets et l’analyse des projets, l’élaboration du règlement doit tenir compte des dernières directives relatives à l’obligation de consulter qu’a données la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mikisew Cree, en octobre 2018. Les manchettes de cette affaire portent sur la décision de la Cour selon laquelle le processus législatif n’entraîne pas l’obligation de consulter. Une partie du jugement dont on a moins discuté est le fait que cinq ou six des neuf juges semblaient penser que l’élaboration de la réglementation pourrait, en fait, faire en sorte qu’il soit officiellement obligatoire sur le plan juridique de consulter. S’appuyer sur l’élaboration de la réglementation pour combler les parties manquantes du projet de loi C-69 signifie soit que l’on respecte l’obligation juridique officielle de consulter à l’égard de cette réglementation, soit que l’on s’engage dans des processus comportant beaucoup de risques juridiques.

En résumé, mon point de vue concernant la consultation des Autochtones est que, dans sa forme actuelle, le projet de loi C-69 a besoin d’un travail de rédaction législative détaillée afin d’accroître la cohérence entre les différentes parties du projet de loi. Il faudrait essayer d’éviter de se fier autant au règlement pour obtenir plus de détails et d’incorporer plus de détails dans le projet de loi lui-même si on veut avoir le genre de certitude qu’il est censé fournir. Je m’en tiendrai là et je me ferai un plaisir d’en discuter.

La présidente : Monsieur Webb, la parole est à vous.

Mike Webb, vice-président exécutif et chef de l’administration, Nutrien : Bonjour, sénateurs. Je m’appelle Mike Webb. Je suis vice-président exécutif et chef de l’administration de Nutrien. Je suis responsable des ressources humaines, de la durabilité, des relations avec les intervenants et les collectivités, des investissements ainsi que des relations avec le gouvernement.

Nutrien est une entreprise mondiale. Nous sommes le plus important fournisseur mondial de services et de solutions liées à la culture, y compris les engrais. Nous sommes une fière entreprise canadienne. Nous nous considérons comme un élément important du paysage commercial au Canada et dans le monde. Nutrien joue un rôle essentiel dans l’alimentation de l’avenir en aidant les producteurs à accroître leur production alimentaire de manière durable. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion d’offrir ce point de vue mondial. Je suis particulièrement fier de représenter notre rôle au Canada, car j’ai récemment reçu ma citoyenneté canadienne lors d’une cérémonie à Calgary.

Nutrien est le résultat de la fusion de deux grandes sociétés agricoles, Potash Corporation of Saskatchewan et Agrium, qui a eu lieu au début de 2018. Nous exploitons des installations de production de potasse depuis environ 60 ans en Saskatchewan ainsi que des installations de produits azotés depuis plus de 50 ans en Alberta. Nutrien soutient les collectivités locales dans lesquelles elle exerce ses activités, et nous travaillons très fort pour maintenir la confiance et le permis social dont jouissent nos activités partout dans le monde. En tant que chef de file dans notre secteur, notre entreprise vise à équilibrer les facteurs environnementaux, sociaux et économiques en son sein et dans l’ensemble de sa chaîne de valeur.

Nos préoccupations concernant le projet de loi C-69 et la Loi sur l’évaluation d’impact peuvent être résumées très simplement. C’est une question de compétitivité. La Loi sur l’évaluation d’impact nuira à la compétitivité du Canada, ce qui entraînera le déploiement de capitaux dans d’autres pays. Cette situation pourrait avoir des répercussions sur les emplois, les systèmes de soutien social et l’économie en général au Canada. Nutrien est en concurrence dans un environnement commercial mondial. Nous déployons des capitaux dans les régions où sommes convaincus de pouvoir élaborer des projets de manière concurrentielle, durable et économique.

Nous avons annoncé notre intention d’engager des dépenses en capital de 10 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. En tant que fière entreprise canadienne, Nutrien veut continuer de mettre sur pied des projets au Canada et de soutenir les emplois et les systèmes sociaux dans ce grand pays.

Nous investissons depuis longtemps au Canada. Au cours des 10 dernières années, nous avons investi environ 1,5 milliard de dollars dans nos installations d’azote en Alberta. De plus, entre 2005 et 2015, nous avons fait des investissements en capital de plus de 10 milliards de dollars dans nos exploitations de potasse, dont la majeure partie a été investie ici même en Saskatchewan. Nutrien veut continuer à faire de tels investissements au Canada; toutefois, le paysage réglementaire et l’incertitude qui y est associée sont des facteurs qui influencent considérablement ces décisions d’affaires en ce qui a trait à l’endroit où nous et d’autres entreprises faisons des investissements.

Nutrien craint que la compétitivité du Canada ne soit minée par des initiatives comme le projet de loi C-69 et la Loi sur l’évaluation d’impact. Alors que les États-Unis simplifient et rationalisent la réglementation, le projet de loi C-69 semble indiquer que le Canada va dans la direction opposée. Nutrien est en faveur de la durabilité sur le plan environnemental et croit fermement que l’on peut procéder au développement d’une manière efficace tout en assurant une protection prudente de l’environnement. Nous croyons que le gouvernement devrait s’efforcer d’atteindre un équilibre entre des conditions commerciales concurrentielles et la protection de l’environnement.

Nous accordons une grande valeur à notre relation avec les collectivités autochtones situées à proximité de notre site et nous avons élaboré des modèles d’affaires coopératifs et inclusifs pour accroître la participation des Autochtones.

Nutrien cherche à accroître ses activités et à construire plus d’usines au Canada; toutefois, nous devons être certains que le Canada soutient la croissance et le développement économiques. Des initiatives comme la Loi sur l’évaluation d’impact indiquent que le Canada ne reconnaît pas pleinement les exigences en matière de développement pour les projets industriels à grande échelle et qu’il ne valorise pas une activité économique et des emplois responsables visant à appuyer l’emploi et l’investissement dans la population active.

Il existe aujourd’hui d’importantes connaissances locales en ce qui concerne la réglementation de nos installations, laquelle est actuellement en vigueur. Nutrien a réalisé les évaluations environnementales nécessaires et a précisé les exigences en matière de permis pour ses installations pendant de nombreuses années, plus de 60 ans dans le cas de la potasse et plus de 50 ans dans le cas de l’azote.

Nous sommes constamment en lutte avec les États-Unis, en particulier les États de la côte du Golfe du Mexique, pour l’obtention de capitaux et d’investissements dans notre industrie. En dédoublant encore ses exigences réglementaires, le Canada donne aux États-Unis un avantage qu’il n’a pas à leur donner. Cela n’aidera en rien les travailleurs canadiens ni l’économie canadienne. Récemment, nous avons fait l’expérience du processus d’approbations environnementales et réglementaires des États-Unis. Nous voulions agrandir notre usine de nitrate d’ammonium de Geismar, en Louisiane, et cela exigeait un permis en vertu de leur loi sur l’air. La demande a été traitée et approuvée dans les six mois. Aussi, avant la construction de notre nouvelle usine d’urée, de Borger, au Texas, nous avons obtenu les approbations environnementales dans les 14 mois. C’est dans ce contexte concret que Nutrien et les autres entreprises internationales doivent prendre des décisions importantes touchant l’investissement de capitaux.

Enfin, Nutrien craint qu’en raison du nombre accru d’activités qui seraient visées par la Loi sur l’évaluation d’impact, entre autres, son accès à des intrants manufacturiers importants, comme le gaz naturel, soit réduit. La Loi sur l’évaluation d’impact crée de l’incertitude relativement à l’approbation des projets et aux exigences courantes des entreprises, ce qui ralentirait l’investissement et, par conséquent, aurait des effets cumulatifs sur toute l’économie canadienne. Les promoteurs de projets comme Nutrien hésiteront à engager des capitaux dans un processus ou une région s’ils ne peuvent pas raisonnablement s’attendre à obtenir des résultats positifs pendant le cycle de vie de leurs installations.

Je tiens à remercier tous les membres du comité de leur temps. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup.

Sénateur Patterson, vous avez la parole.

Le sénateur Patterson : Merci, madame la présidente.

J’aimerais remercier M. Newman de nous faire profiter de son expertise. Je siège également au comité des peuples autochtones, alors je vous ai déjà entendu témoigner, à titre d’expert, à propos des consultations. J’avais hâte d’entendre vos préoccupations à propos des promesses du projet de loi, c’est-à-dire d’augmenter le nombre de consultations auprès des peuples autochtones. C’est un fait qu’un grand nombre de Premières Nations veulent des emplois et des retombées économiques et qu’elles ne veulent pas que leurs voix soient étouffées parce qu’on a élargi les critères liés au droit de participation.

Vous avez clairement établi que le projet de loi doit être révisé de façon détaillée afin de corriger les incohérences. Pouvez-vous me donner des conseils précis sur la façon dont cela pourrait être fait?

M. Newman : Chaque fois que je témoigne devant un comité, j’essaie de fournir des commentaires constructifs. S’il m’avait été possible de préparer des modifications simples dans un délai raisonnable, je vous les aurais présentées. Le problème, ici, c’est qu’il y a beaucoup d’éléments à prendre en considération si l’on veut élaborer des modifications appropriées. L’article énonçant l’objet du projet de loi prévoit un élargissement important des efforts de consultation, mais cela n’est pas reflété dans le reste des dispositions du projet de loi, même celles où on pourrait inclure un mécanisme de consultation. Les mécanismes en place offrent la possibilité de tenir des séances publiques, mais ils n’offrent pas explicitement la possibilité de tenir des séances de consultation avec les collectivités autochtones titulaires de droits, contrairement à ce qu’exige la Constitution.

Donc, y a-t-il des modifications précises qui pourraient corriger ce problème? Y a-t-il des modifications précises que l’on pourrait apporter afin de veiller à ce que le processus de consultation soit complété? Selon moi, il y a énormément de travail que l’on pourrait faire pour améliorer le projet de loi, mais je ne suis pas en mesure de simplement vous dire, ici, aujourd’hui : «Voici les trois articles que vous devriez ajouter. » Je crois qu’il y a encore énormément de travail à faire sur ce projet de loi. J’imagine que l’on pourrait corriger les lacunes par l’intermédiaire du règlement, mais je ne suis pas sûr, pour toutes sortes de raisons, que ce soit la bonne façon de procéder. Je crois que d’autres dispositions devraient être ajoutées au projet de loi pour faire en sorte qu’il favorise vraiment une consultation élargie, comme il prétend le faire. L’ancien système ne garantissait pas toujours des consultations poussées, et c’est l’une des raisons pour lesquelles ce projet de loi a été présenté.

Le sénateur Patterson : Encore une fois, j’ai deux questions très précises à vous poser, monsieur Newman. Premièrement, avez-vous des commentaires à formuler sur le critère élargi lié au droit de participation qui est prévu dans le projet de loi C-69 ainsi que sur les menaces qui, selon votre description, pourraient guetter les Autochtones titulaires de droits directement touchés par les projets? Deuxièmement, un grand nombre d’éléments ont été relégués au règlement ou à des lignes directrices au lieu d’être précisés dans la loi. Selon vous, combien de temps avant l’entrée en vigueur du projet de loi faudrait-il élaborer le règlement?

M. Newman : Pour répondre à votre première question, je ne crois pas que le critère élargi lié au droit de participation sera nécessairement avantageux pour les collectivités autochtones. Il y a un véritable risque que la voix des collectivités titulaires de droits soit étouffée par une multitude d’activistes dont les opinions ne reflètent pas nécessairement les véritables objectifs des collectivités autochtones. C’est l’un des dangers. Évidemment, il faut qu’il y ait des consultations publiques à propos de certains types de projets, et c’est effectivement prévu. En vérité, le projet de loi accorde plus d’importance à cela qu’à la satisfaction des exigences juridiques touchant la consultation des collectivités autochtones titulaires de droits. Il y a un déséquilibre, d’une certaine façon, et le critère élargi lié au droit de participation ne fait rien pour l’atténuer ou le corriger. En fait, il crée probablement plus de difficultés.

En ce qui concerne le moment où le règlement devrait être élaboré, c’est une question très délicate. Ce serait beaucoup plus facile de formuler des commentaires sur le projet de loi si son règlement était déjà prêt. D’un autre côté, on ne peut pas vraiment élaborer un règlement alors qu’on apporte encore des modifications au projet de loi, parce qu’il faut s’assurer que les deux instruments soient en harmonie, par exemple à l’égard des pouvoirs conférés par la loi. Bien sûr, comme je l’ai dit, peut-être faudrait-il que le règlement soit lui-même assujetti à la procédure de consultation obligatoire; à cet égard, le gouvernement veut s’inspirer largement de la déclaration des Nations Unies. C’est difficile de dire quel serait le moment propice, parce qu’il y a énormément de facteurs complexes qui entrent en ligne de compte.

Ce ne sont là que des pistes de réflexion. Je ne prétends pouvoir vous donner de réponse précise quand au bon moment. Cela dit, sans le règlement, l’objectif du projet de loi n’est pas très clair.

La sénatrice Cordy : Merci d’être avec nous aujourd’hui.

Ma première question s’adresse à Mme Fedorchuk. Merci de toute l’information que vous nous avez donnée à propos de l’industrie de la potasse. Je viens de la Nouvelle-Écosse, alors je connaissais déjà le sujet, mais j’en ai appris beaucoup plus ce matin. Merci.

J’ai trouvé intéressant ce que vous avez dit à propos du dédoublement des évaluations fédérales et des évaluations de la Saskatchewan ou plutôt des évaluations provinciales. Je crois que vous avez dit que cela devrait seulement être un domaine de compétence fédérale. Pouvez-vous nous expliquer de façon générale comment fonctionnent les évaluations provinciales et les évaluations fédérales et nous dire pourquoi il y a un dédoublement?

Mme Fedorchuk : Dans le processus provincial d’évaluation environnementale, il y a un volet technique, mais aussi un volet de sensibilisation du public. Avant d’entreprendre un projet d’aménagement — et nous venons justement d’achever une phase importante d’un projet à Esterhazy, en Saskatchewan —, nous organisons une série de journées porte ouverte et d’activités de sensibilisation auprès de la collectivité afin de veiller à ce que les collectivités où nous nous trouvons acceptent ce que nous faisons et de répondre à toutes leurs questions.

Nous ne sommes pas en mesure présentement de déterminer en quoi les évaluations fédérales seront différentes. Le ministère de l’Environnement de la Saskatchewan est si intégré aux activités de notre industrie, et ce, depuis des dizaines d’années qu’il a une excellente connaissance de ce que nous faisons et des processus que nous utilisons pour de tels projets. Il peut donc prendre des décisions très éclairées en matière de réglementation ou lorsqu’il est question d’octroyer des permis pour un projet qui touche l’environnement.

La sénatrice Cordy : Mais y a-t-il des discussions? Le gouvernement fédéral a lui aussi des responsabilités; il ne peut pas simplement les déléguer aux provinces. J’aimerais savoir si la ministre de l’Environnement, le ministre des Ressources naturelles ou le ministre des Finances du gouvernement fédéral ont participé à des discussions. On nous a dit qu’ils devraient également intervenir, étant donné que les projets comprennent un aspect économique. Est-ce qu’il y a des discussions entre les deux organisations?

Mme Fedorchuk : Non, il n’y a pas de discussions actuellement entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral à propos de nos projets. Pour l’instant, nous sommes assujettis à la réglementation provinciale. Il se peut qu’il y ait des discussions dont nous ne sommes pas au courant. Présentement, c’est la province de la Saskatchewan qui autorise les projets d’exploitation de mine de potasse, autant dans les zones vertes que dans les zones désaffectées.

La sénatrice Cordy : Merci.

Monsieur Webb, vous avez beaucoup parlé de compétitivité. Vous voulez que votre industrie soit compétitive en Saskatchewan. Je vais poser de nouveau une question qui s’adressait à M. Newman. Pouvez-vous nous proposer des modifications qui vous donneraient l’assurance que le projet de loi ne nuira pas à votre compétitivité?

M. Webb : Nous sommes très satisfaits des lois existantes. Selon nous, le projet de loi C-69 n’a pas de raison d’être. Nous avons déjà la réglementation provinciale, comme Mme Fedorchuk l’a dit. Cela fonctionne très bien pour nous. Je parle pour Nutrien en particulier, mais je ne crois pas que le projet de loi C-69 nous avantagera. Pour cette raison, nous ne croyons pas qu’il devrait être adopté.

La sénatrice Cordy : Faudrait-il abandonner le projet de loi, selon vous?

M. Webb : Oui, madame.

La présidente : Madame Simons, vous avez la parole.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame la présidente.

Monsieur Newman, je veux donner suite aux excellentes questions posées par mon collègue, le sénateur Patterson. Si nous voulons intégrer l’obligation de consulter de manière appropriée à ce projet de loi, c’est principalement, un, pour faire avancer la réconciliation et, deux, pour veiller à ce que les promoteurs n’aient pas la mauvaise surprise, à la fin du processus, d’apprendre que le gouvernement n’a pas rempli son obligation de consulter. Je serais extrêmement frustrée si nous adoptions un projet de loi qui ne sert pas à réaliser ces deux objectifs.

Je comprends que vous ne puissiez pas sur-le-champ nous fournir trois modifications qui régleront tout comme par magie. Le problème, c’est que nous ne pourrons pas étudier ce projet de loi pendant des mois. Dans très peu de temps, nous devrons proposer des modifications et en débattre. Avez-vous des pistes à nous donner? Voulez-vous que nous allions prendre un café? Pouvez-vous nous fournir des explications détaillées? C’est un peu frustrant de se faire dire qu’il y a des lacunes dans cette partie très importante du projet de loi et qu’on ne nous donne aucune solution pour corriger le tir.

M. Newman : Je ne voulais pas vous décevoir, mais il demeure que ce projet de loi compte plusieurs centaines de pages et qu’il faudra déployer énormément d’efforts, du point de vue juridique, pour y apporter les modifications pertinentes.

La sénatrice Simons : Nous devrons le faire en une semaine.

M. Newman : Votre comité et le Parlement se trouvent dans une position très difficile.

Il faudrait modifier certains articles sur le déroulement exact du processus de consultation en précisant, d’une façon ou d’une autre, dans les articles sur la consultation du grand public, que les collectivités autochtones doivent être consultées. Je crois que ce serait constructif. Je ne crois pas que ces modifications arriveront à régler les grands problèmes de ce projet de loi, que l’on a élaboré sans chercher à inclure des détails précis à ce sujet. Je crois que vous allez au-devant de réelles difficultés si vous avez l’intention de combler les lacunes au moyen d’un règlement.

J’essaie de vous donner des pistes de solutions appropriées. Je ne pourrai pas dès aujourd’hui vous donner les bonnes modifications à apporter, si en plus je dois les formuler en anglais et en français en même temps. Ce genre de choses représentent énormément de travail pour une personne.

La sénatrice Simons : Mais dites-vous que les modifications devraient viser les dispositions parlant des consultations publiques? Sur ce point, vous avez raison : le projet de loi prescrit un processus de consultation publique, mais le libellé n’explique pas précisément comment on est censé mettre en œuvre l’obligation de consulter. Croyez-vous qu’on devrait ajouter, au préambule, une définition de l’obligation de consulter? Devrait-on... À l’article 18, on énumère les diverses conditions imposées aux promoteurs. Je ne crois pas qu’il soit question de l’obligation de consulter dans le libellé de cet article.

Je suis désolée, je ne veux pas vous mettre dans l’embarras. Je n’ai pas étudié le droit — j’aurais dû —, mais, à présent, j’ai la responsabilité, avec mes collègues, de modifier ce projet de loi. Je veux m’assurer que nous le faisons comme il faut.

M. Newman : Ajouter quoi que ce soit au préambule ne sera d’aucune utilité, pas plus que d’ajouter d’autres dispositions à l’article 6, celui qui énonce l’objet de la loi. Le problème, c’est que ces dispositions font des promesses qui ne sont pas tenues dans le reste du projet de loi. Je crois que vous avez bien décrit le but du projet de loi, qui est de veiller à ce qu’il y ait un processus de consultation en bonne et due forme, que les droits des collectivités autochtones soient respectés et qu’il n’y ait pas de surprises à cause de cela pour les promoteurs de projets. Le projet d’agrandissement du réseau Trans Mountain est un excellent exemple : un promoteur investit des centaines de millions de dollars, et, surprise, il perd tout. Il faudrait étoffer les dispositions essentielles du projet de loi afin que les consultations soient par obligation menées jusqu’au bout. Il ne faut pas que les lacunes dans le libellé permettent implicitement de faire fi du processus de consultation. Mais avant de pouvoir dire de façon détaillée comment cela va fonctionner, il va falloir se pencher sur ce qu’il est possible de faire de plus. Je crois qu’il faudrait ajouter une disposition essentielle plus loin dans le projet de loi afin d’autoriser explicitement les processus de consultation auprès des collectivités autochtones, au lieu de se contenter d’un critère élargi lié au droit de participation.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Newman.

Sénateur Carignan, vous avez la parole.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vais poser ma question en français. Croyez-vous que l’on devrait structurer la notion d’intérêt ou de « standing » pour ce qui est de la participation aux consultations en fonction d’autres critères que ceux qui sont directement touchés versus le grand public? Évidemment, il y aurait aussi un autre critère spécifique pour les groupes autochtones. On a entendu des commentaires selon lesquels le fait de mener une large consultation auprès du grand public viendrait un peu « noyer » la force ou le poids de la position des Premières Nations. J’aimerais essayer de trouver une façon de rétablir leur position. J’aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

M. Newman : Il est tout à fait logique d’avoir un critère pour ce qui est de la participation aux consultations afin d’établir quels groupes devraient être consultés. Évidemment, les groupes qui doivent être consultés en vertu de la loi, comme les collectivités autochtones, et ceux qui sont touchés directement par un projet, ont un réel intérêt pour les consultations publiques. Si on laisse les membres du grand public formuler des commentaires sur un projet même s’ils n’y accordent pas autant d’intérêt, on risque de faire dérailler le processus de consultation et d’accorder moins de temps à ceux qui doivent être consultés en vertu de la loi et à ceux qui sont directement touchés. Pour répondre brièvement, je dirais qu’il serait tout à fait logique de modifier le critère lié au droit de participation afin de tenir compte des droits prévus par la loi et des groupes directement touchés.

[Français]

Le sénateur Carignan : J’ai une question, qui est un peu plus technique. Il s’agit de la définition d’« instance », de « juridiction » en anglais, qui prend en compte les provinces ou les organismes à qui on confierait un mandat de faire une évaluation environnementale. On y inclut les groupes autochtones qui auraient des attributions d’évaluation environnementale. À première vue, je trouvais que c’était logique, puis je me suis posé la question quant au problème de la partialité ou de l’impartialité institutionnelle. L’organisme ou l’instance est à risque de devoir trancher lorsque cela concerne les droits des Premières Nations. Il serait alors en position d’avoir des éléments de partialité institutionnelle, donc d’amener des contestations. Avez-vous des idées à partager à ce sujet?

[Traduction]

M. Newman : Je ne suis pas certain de comprendre ce que vous voulez dire par « impartialité ». Pouvez-vous être plus précis?

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur la définition d’« instance ». Disons qu’un groupe autochtone a le mandat de procéder à une évaluation environnementale. Il pourrait aussi avoir à trancher une question à propos de ses propres droits ou des répercussions sur ses droits. Croyez-vous que cela pourrait entraîner un risque d’impartialité et donc ouvrir la voie à des contestations juridiques?

M. Newman : Parlez-vous de la participation d’un groupe autochtone à un quelconque mécanisme de gouvernance?

Le sénateur Carignan : Je suis davantage intéressé par la définition d’instance. Qu’arriverait-il si un groupe autochtone avait le mandat de réaliser une évaluation?

M. Newman : Je vais devoir y réfléchir pour déterminer s’il y a des risques. Il n’y en a aucun qui me vient à l’esprit présentement, mais peut-être devrait-on y réfléchir davantage, si un organisme de gouvernance autochtone peut être chargé à la fois de réaliser une évaluation et, implicitement, de prendre une décision au nom de la Couronne, tout en étant visé par l’obligation de consulter, en conséquence.

Le sénateur Carignan : Oui, c’est exactement ça.

M. Newman : Vous risquez d’aller au-devant de difficultés très importantes, dépendamment des organisations mandatées pour cela. Je ne sais pas si j’appellerais vraiment cela un problème d’impartialité ou de partialité. Le problème, c’est qu’on demande à un organisme de gouvernance de jouer deux rôles.

Le sénateur Carignan : Oui.

M. Newman : Je n’avais pas réfléchi à cette question la première fois que j’ai consulté le projet de loi ni au cours des lectures suivantes. Vous avez soulevé un point important et intéressant.

Le sénateur Carignan : Merci.

Le sénateur Richards : Merci d’être avec nous.

J’ai une question ou un commentaire pour M. Webb. Je veux vous féliciter d’avoir obtenu la citoyenneté. Vous devez comprendre maintenant les problèmes que nous avons. Vous avez dit que ce projet de loi va donner beaucoup d’avantages aux États-Unis. Je serais d’accord avec vous. Je veux seulement vous demander d’autres commentaires. Selon moi, ce projet de loi impose un fardeau excessif aux Canadiens; on tient pour acquis qu’ils devraient accepter les propositions du gouvernement relativement à la façon de régler un problème subjectif... Dans l’ensemble de ce projet de loi omnibus, on tient implicitement pour acquis que le climat se réchauffe dans le monde entier. Cela va nuire à presque tous les projets d’infrastructure que nous voulons réaliser au Canada. C’est ce que je pense de ce projet de loi, mais j’aimerais connaître votre opinion.

M. Webb : Merci, monsieur le sénateur.

Oui, je suis ravi d’être Canadien, pour toutes sortes de raisons, notamment que les choses fonctionnent vraiment très bien ici.

La réglementation qui s’applique depuis des décennies aux entreprises comme Nutrien et ses prédécesseurs a permis à des entreprises comme Nutrien, Mosaic, K+S ou d’autres de créer des installations de calibre mondial dans le marché de la potasse et de l’azote. Nous devons conserver nos infrastructures de calibre mondial et notre place sur les marchés internationaux; c’est très important pour le Canada, les Canadiens et pour ceux qui comptent sur les recettes fiscales et les redevances qui viennent de nos activités commerciales. Nous croyons que le cadre réglementaire d’aujourd’hui fonctionne très bien. Le projet de loi C-69 va créer de l’incertitude, ce qui risque d’affaiblir la position très enviable dont le Canada jouit actuellement.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

Le sénateur MacDonald : Merci à tous les témoins.

Comme de nombreux Canadiens, dès que j’entends le mot « potasse », je pense à la Saskatchewan. Mes questions s’adressent à M. Webb et à Mme Fedorchuk.

Monsieur Webb, j’aimerais de l’information. Qu’est-ce qu’une installation de produits azotés et quel est son rôle dans le marché?

M. Webb : Nous exploitons des usines de produits azotés en Amérique du Nord. Nous avons également des usines de produits azotés en Amérique latine et en Égypte. Pour vous expliquer le principe chimique de base, nous transformons du gaz naturel en molécules d’hydrogène qui seront utilisées principalement pour la production d’engrais; il y a d’autres usages. Quand vous achetez de l’engrais, il y a sur le sac les lettres N, P et K associées à des chiffres. N est le symbole de l’azote. C’est un nutriment absolument essentiel pour la croissance des plantes. Nous n’aurions pas la nourriture que nous avons aujourd’hui si ce n’était de l’azote.

Nos usines de produits azotés sont de très grandes installations. C’est là qu’on transforme la matière première, le gaz naturel, en un produit liquide ou solide que nous distribuons par l’intermédiaire de notre réseau ou d’autres réseaux. Les produits servent surtout dans le domaine agricole.

Le sénateur MacDonald : Vous avez dit que vous aviez des installations dans d’autres pays, oui?

M. Webb : C’est exact.

Le sénateur MacDonald : Et ces produits sont destinés à une utilisation au Canada ou à l’exportation?

M. Webb : Nous exportons aussi ce produit. Nous exportons des produits azotés en plus de la potasse.

Le sénateur MacDonald : D’accord.

Vu l’importance de la potasse dans la production agricole, on croirait qu’il n’y aurait pas de limite pour cette industrie, étant donné que la population mondiale ne cesse de croître. D’après ce que j’ai compris de votre témoignage, il y a énormément de compétition dans le marché de la potasse. Je me demandais si vous pouviez nous résumer ce qui s’est passé dans cette industrie au cours des 15 dernières années, disons, et nous expliquer quelles seraient les répercussions des dispositions à l’étude sur l’industrie et sur le développement des exportations canadiennes.

Mme Fedorchuk : Au cours de la dernière décennie, les grands producteurs de potasse du monde ont dépensé des millions de dollars afin d’étendre leurs activités, et pas seulement au Canada. Nos concurrents russes également ont élargi leurs installations, et de nouvelles entreprises ont vu le jour. C’est un marché extrêmement compétitif. En 2016, le prix de la potasse a atteint son point le plus bas de la décennie. Nous avons dû composer avec d’énormes contraintes financières. La demande et notre place dans le marché ont légèrement augmenté au cours des deux dernières années. C’est une excellente chose, mais le marché demeure très instable.

La potasse que nous produisons ici au Canada est exportée vers la Chine, l’Inde et le Brésil. Les agriculteurs de ces marchés ne veulent pas nécessairement un produit fabriqué avec le souci de la durabilité. Même si nous sommes fiers d’être un chef de file à l’échelle mondiale pour ce qui est de la durabilité, ces acheteurs préfèrent le produit à plus bas prix. Si nous essayons, même progressivement, de refiler à d’autres l’augmentation des coûts que nous assumons depuis quelques années, les Russes pourront facilement inonder tous ces marchés de leurs produits. Ils pourront le faire beaucoup plus facilement que nous, surtout étant donné la capacité ferroviaire limitée. Nous sommes des preneurs de prix dans le marché. Nous ne fixons pas les prix à l’échelle mondiale.

M. Webb : J’ajouterais que Mme Fedorchuk a tout à fait raison. Les Russes sont nos principaux concurrents en ce qui a trait au prix. C’est certainement vrai pour Nutrien. Nous jouons selon les règles. Nous respectons des règles bien définies dans nos activités. J’ose dire cependant que les producteurs russes suivent des règles tout à fait différentes. C’est un milieu très compétitif. Comme Mme Fedorchuk l’a dit, les producteurs qui peuvent vendre au prix le plus bas seront avantagés.

Les Russes sont loin d’être aussi disciplinés que les producteurs canadiens, ce qui crée parfois d’énormes perturbations dans le marché, en particulier pendant cette période de l’année, au printemps, pendant les semis. En outre, produire de la potasse consomme énormément d’énergie, mais les Russes paient le kilowattheure environ 40 cents de moins que la Saskatchewan. Nous sommes en position de faiblesse aujourd’hui, et nous devons continuer de lutter pour que nos prix soient compétitifs et que nous soyons compétitifs sur le marché mondial.

Le sénateur MacDonald : Merci.

Le sénateur Neufeld : Merci à tous d’être ici aujourd’hui. Je vous en suis très reconnaissant.

Madame Fedorchuk, vous nous avez parlé, M. Webb et vous, de vos craintes à propos de l’approvisionnement en gaz naturel dont vous avez besoin. Pouvez-vous me dire où vous vous procurez votre gaz naturel, en Saskatchewan?

M. Webb : Oui. Nous nous trouvons en Saskatchewan, mais nos installations de produits azotés au Canada se trouvent en Alberta.

Le sénateur Neufeld : D’accord.

M. Webb : Nous nous procurons notre gaz naturel auprès de producteurs de gaz naturel albertains.

Le sénateur Neufeld : Donc, vous utilisez les pipelines de l’Alberta?

M. Webb : C’est exact.

Le sénateur Neufeld : Vous avez aussi parlé des canalisations pour le gaz naturel.

Mme Fedorchuk : Oui. Mosaic possède une mine à extraction par dissolution près de Belle Plaine, en Saskatchewan, qui utilise énormément de gaz naturel. C’est une autre façon de produire de la potasse. Nous prenons notre gaz naturel en Saskatchewan et en l’Alberta. Pour nous, c’est le transport du gaz naturel qui est important, parce que nous avons besoin de plus d’infrastructures, alors qu’on impose plus de restrictions.

Le sénateur Neufeld : Vos organisations ont évidemment participé... Peut-être que je devrais poser ma question en premier. Avez-vous participé aux consultations que le gouvernement fédéral a dit avoir menées au cours des trois dernières années? D’après ce que je sais, le gouvernement affirme avoir consulté tout le monde possible au cours des trois dernières années, d’un bout à l’autre du Canada, aussi exhaustivement que possible, afin d’élaborer le projet de loi C-69. Vos organisations ont-elles été consultées? Je vais m’en tenir à cette question pour l’instant.

Mme Fedorchuk : Pendant ce processus, Mosaic a régulièrement tenté de communiquer avec Environnement Canada et Ressources naturelles Canada afin de se faire entendre. Bon nombre de nos commentaires sont absents du projet de loi, parce que nous sommes d’avis que le processus d’aménagement des mines de potasse est correct, puisqu’il est assujetti à la réglementation provinciale, comme il doit l’être, selon nous.

Le sénateur Neufeld : Je ne parle pas de communiquer avec le gouvernement. Vous avez été proactif. Est-ce que le gouvernement fédéral, le comité d’experts, a rencontré votre organisation? Dans l’affirmative, est-ce que ça fait longtemps? A-t-on écouté vos recommandations et étiez-vous satisfait des répercussions prévues du projet de loi C-69? Le comité d’experts aurait mené des consultations pendant trois ans.

Mme Fedorchuk : Nous n’avons rencontré aucun comité d’experts.

Le sénateur Neufeld : Vous représentez l’une des plus grandes industries au Canada, et ils n’ont pas...

M. Webb : C’est la même chose pour Nutrien, nous ne nous souvenons pas d’avoir été consultés.

Le sénateur Neufeld : Eh bien, je trouve cela absolument incroyable.

La présidente va m’interrompre, donc... non? J’ai tellement l’habitude que vous ne m’autorisiez pas à poser une autre question.

La présidente : Je n’ai rien dit. Vous vous faites des idées.

Le sénateur Neufeld : J’ai une autre question.

Monsieur Webb, vous avez un peu comparé le Canada aux États-Unis pour ce qui est de la construction d’une installation de production d’urée à Borger, au Texas. C’est parfois facile de le faire là-bas, mais, si cette installation devait être construite ici, en Saskatchewan, aux termes du projet de loi C-69, j’aimerais avoir une idée du temps que cela prendrait.

M. Webb : Selon nos estimations, dans le meilleur des cas, cela prendrait 2,1 années. Dans le pire des cas, 5,1 années.

Le sénateur Neufeld : C’est incroyable. Il n’est pas étonnant que l’industrie soit nerveuse à cause de ce qui se passe avec le projet de loi C-69.

Monsieur Newman, nous avons entendu les témoignages de nombreux groupes des Premières Nations. La quasi-totalité de ces groupes... Je crois qu’il y en a peut-être eu un, si ma mémoire est bonne, qui voulait que le critère lié au droit de participation soit appliqué et selon qui le groupe qui est touché en premier devrait être directement consulté. Maintenant, en application de la LCEE de 2012... Dans le processus de l’Office national de l’énergie, il est indiqué que ceux qui sont le plus touchés, les experts... Si d’autres intéressés veulent commenter, ils le peuvent. C’est l’office qui prend la décision quant à la quantité d’autres informations qu’il veut entendre. Le projet de loi indique que le monde entier peut participer. Les Premières Nations à qui nous avons parlé sont très nerveuses à ce sujet, car elles se sont fait dire de se taire. Quel est votre avis?

M. Newman : Je dirais rapidement deux choses en réponse. La première, c’est qu’il existe un système qui a été élaboré sans tenir compte de la récente jurisprudence relative à l’obligation de consulter; il a été adapté au fil du temps et il a eu une incidence sur la jurisprudence. On peut voir à quoi cela nous mène. Le fait de lancer une réforme en profondeur entraîne une grande incertitude. En ce moment, ce n’est pas déterminant. Il peut, par moments, y avoir des arguments en faveur d’une réforme en profondeur, mais choisir un nombre illimité de critères liés au droit de participation plutôt qu’un critère qui tient compte de ceux qui sont le plus directement touchés, cela atténue les droits légaux détenus en vertu de la Constitution. Il n’est pas surprenant que les collectivités autochtones des Premières Nations, des Métis ou des Inuits aient des préoccupations à ce sujet. Il faudrait probablement apporter des modifications pour mettre l’accent sur les groupes qui détiennent des droits légaux et sur ceux qui sont le plus directement touchés plutôt que de s’en tenir à un critère général auquel tout le monde peut répondre.

La présidente : Monsieur Mockler, vous avez la parole; Mme Wallin posera la dernière question.

Le sénateur Mockler : Je pense que la politique est l’art du possible.

Monsieur Webb, je tiens à dire que, selon moi, s’il est question de torpiller le projet de loi... Comme vous l’avez dit, je suis un de ces parlementaires qui pensent que nous devons améliorer le projet de loi ou le modifier de fond en comble pour permettre aux Canadiens de créer de la richesse. Peut-être, qu’en apportant les changements appropriés au projet de loi C-69, vous pourriez rouvrir votre mine de potasse pour créer des emplois ou récupérer les 500 emplois que nous avons perdus.

Nous avons beaucoup de partenaires dans ce domaine. Huit ou peut-être neuf premiers ministres au Canada sont concernés par ce projet de loi. Les quatre provinces de l’Atlantique ont envoyé une lettre datée du 27 février 2019 au premier ministre du Canada. Je vais en citer une partie, ensuite je poserai une question en vous demandant de formuler des commentaires sur leurs préoccupations. Les quatre premiers ministres du Canada atlantique ont dit : « [...] que le projet de loi, dans sa forme actuelle, place le pouvoir de décision définitif entre les mains du ministre ou du gouverneur en conseil, et il accorde la possibilité d’imposer un veto sur les résultats d’une évaluation scientifique rigoureuse et sur un examen approfondi des preuves. »

J’aimerais entendre vos commentaires précisément sur cette question, compte tenu du fait qu’il y a des préoccupations qui exigent une collaboration entre l’agence d’évaluation d’impact et les organismes de réglementation du cycle de vie — par exemple, les offices des hydrocarbures extracôtiers, la Régie canadienne de l’énergie et la Commission canadienne de sûreté nucléaire —, pour évaluer les projets et permettre leur réalisation aux termes des options en matière de processus figurant dans la loi. Ils sont très inquiets. Cette lettre a été envoyée au premier ministre. Quel est votre avis sur le veto et sur les processus de cycle de vie?

La présidente : Il me semble que votre question est adressée à M. Webb?

Le sénateur Mockler : Aux témoins.

La présidente : Qui veut répondre à la question?

Mme Fedorchuk : Le veto du ministre serait particulièrement préoccupant s’il était question d’un délai de quatre ans pour faire approuver un processus pour lequel nous avons présenté une étude de recherche fondée sur des données scientifiques, obtenu l’approbation de la collectivité et organisé des consultations conformément à notre obligation; tout cela pour qu’à la fin, un veto nous soit opposé. Ces évaluations sont vraiment coûteuses et chronophages pour les promoteurs; ce qui inquiéterait le plus Mosaic, c’est que, même en faisant les choses de la bonne manière, l’entreprise n’aurait pas pour autant la certitude d’avoir le feu vert au bout du compte.

M. Webb : J’aimerais revenir à vos précédents commentaires au sujet de notre installation; comme vous le savez, j’espère, nous discutons avec le gouvernement de la reprise d’activités des mines de sel, dont les services municipaux ont besoin en hiver.

Comme l’a dit Sarah, nos préoccupations au sujet du projet de loi C-69 sont surtout liées à l’incertitude qu’il ajoute au processus d’affectation des capitaux, un aspect vital pour notre organisme. Nous croyons fermement que le cadre réglementaire dans lequel nous travaillons aujourd’hui nous aide énormément.

La présidente : Merci beaucoup.

La dernière question sera posée par Mme Wallin.

La sénatrice Wallin : Merci beaucoup, madame la présidente.

Monsieur Newman, je ne vous demanderai pas d’énumérer toutes les modifications au projet de loi proposées, car je pense avoir compris votre point de vue; ça fait en quelque sorte partie de l’ADN et il faut revoir de A à Z la question des consultations. Mettez votre chapeau d’avocat et de juriste; nous observons — pas seulement dans ce projet de loi, mais dans d’autres aussi — que certains projets de loi sont présentés sans règlement, alors qu’ils interagissent. Nous devons plus souvent les voir ensemble, car on ne peut pas corriger ce qu’il y a dans une loi en supprimant des éléments qui se trouvent dans le règlement. C’est la loi qui prévaut; elle sert de charpente juridique. Je pense que nous en sommes là; nous devons envisager ces deux instruments ensemble si nous voulons clarifier la question de savoir qui sera consulté, quand et dans quel but, et quelle importance nous accorderons à la liste permanente ouverte.

M. Newman : Si on pouvait examiner le règlement en même temps que le projet de loi, on dirait peut-être autre chose, du moins à certains égards. De toute évidence, le type de règlement qui sera élaboré dépend des dispositions du projet de loi qui permettent l’élaboration de ce règlement. D’une certaine façon, plus on pourra travailler sur le projet de loi en lui-même plutôt que sur la réglementation, mieux ce sera, car le Parlement peut ainsi exercer un contrôle sur les décisions qui sont prises. L’aspect réglementaire — ou devrais-je dire l’aspect lié à l’élaboration d’un règlement pour éviter toute ambiguïté — soulève des difficultés supplémentaires. Le fait de ne pas pouvoir envisager le mécanisme de fonctionnement dans son ensemble pose de réels problèmes pour qui veut comprendre ce qui va se passer quand le projet de loi entrera en vigueur.

La sénatrice Wallin : En ce qui concerne la question de l’obligation de consulter, aussi compliquées que soient ces consultations, et sachant que la liste s’allonge, pourrions-nous le faire? Je ne pense pas. J’aimerais avoir votre point de vue. Je ne pense pas que nous puissions le faire tant que nous n’avons pas examiné le règlement et que nous n’avons pas vu ces deux instruments ensemble.

M. Newman : Il serait souhaitable que le règlement soit présenté en même temps. Un projet de loi sans règlement, c’est un peu un pari sur les résultats.

La présidente : Sur ce, le témoignage du troisième groupe de témoins prend fin.

Nous allons maintenant accueillir le quatrième groupe de témoins : M. Ray Orb, président de l’Association des municipalités rurales de la Saskatchewan; M. Randolph Seguin, spécialiste des ressources, Évaluation environnementale, SaskPower; et M. Ron Hyggen, chef de la direction d’Athabasca Basin Security.

Vous avez cinq minutes chacun. Il y aura ensuite une période de questions.

Ron Hyggen, chef de la direction, Athabasca Basin Security : Bonjour, madame la présidente; bonjour aussi aux sénateurs et à la greffière du comité. Merci de m’avoir invité. Je m’appelle Ron Hyggen. Je suis le président-directeur général d’Athabasca Basin Security. Je comparais aujourd’hui devant vous pour vous exposer le point de vue d’une entreprise du Nord qui offre des services dans le secteur de l’énergie dans trois provinces canadiennes.

Je tiens à rappeler, à l’occasion de la réunion d’aujourd’hui, que nous sommes sur le territoire du Traité no 6, dans la patrie des Métis. Nous témoignons notre respect aux Premières Nations et aux ancêtres métis de ce lieu et nous réaffirmons notre relation les uns avec les autres.

Je suis ici en tant que représentant d’Athabasca Basin Development, une société de placement appartenant aux sept collectivités de la région de l’Athabasca, dans le Nord de la Saskatchewan. Athabasca Basin Development, ABD, possède 12 sociétés qui exercent des activités dans tout le Canada.

ABD a été en mesure d’employer de nombreux Autochtones du Nord depuis ses débuts, en 2002. Quand nous tournions à plein régime, Athabasca Basin Development et ses investissements ont donné de l’emploi à plus de 200 résidants de l’Athabasca. Nous sommes un employeur de transition, et un grand nombre de résidants de l’Athabasca ont commencé à travailler pour une société d’ABD avant de se trouver un autre emploi dans d’autres sites miniers.

Athabasca Basin Security est l’une de ces sociétés. Nous offrons des services en matière de sécurité et des services médicaux en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique. Nous avons commencé dans le Nord de la Saskatchewan en travaillant directement avec Cameco et Orano dans trois sites d’exploitation des mines d’uranium. Nous comptons actuellement plus de 200 employés offrant des services aux industries minière, pétrolière et gazière. Au plus fort de nos activités, quand le secteur de l’énergie se portait bien, nous employions plus de 300 personnes. Notre effectif est composé en moyenne de 74 p. 100 d’Autochtones, travaillant à tous les échelons; ils forment notamment plus de 70 p. 100 de notre équipe de gestion.

Nous sommes particulièrement fiers de notre réussite en matière d’emploi à long terme; c’est un secteur où le taux de roulement est généralement élevé, et nous avons un grand nombre d’employés comptant 5 ou 10 ans d’ancienneté. Catherine Nagus, qui vit au lac Wollaston, travaille avec nous depuis 2006 et a été récompensée en 2016 par le prix de l’Ambulance Saint-Jean pour sa bravoure lors d’une attaque de loup. Christopher Catholic, de Black Lake, en Saskatchewan, a commencé à travailler avec nous il y a 10 ans en tant qu’agent de sécurité, et il est maintenant responsable de la sécurité à Cigar Lake. Vous pouvez lire leur histoire dans les trousses d’information qui ont été fournies avant la séance.

Grâce à sa réussite dans le Nord de la Saskatchewan, ABS a pu s’étendre dans le Sud de la Saskatchewan et en Alberta en collaboration avec des exploitants de potasse comme Nutrien, BHP, Mosaic et K+S. Pour ces projets, nous avons employé de nombreux Autochtones et nous avons établi des partenariats de travail avec sept autres Premières Nations de la Saskatchewan.

En 2017, nous avons acquis une autre entreprise de sécurité, All Peace Protection, à Grande Prairie, en Alberta. Notre installation de l’Alberta offre ses services au nord de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, essentiellement pour des projets de pipeline ou des projets pétroliers et gaziers. Cela comprend le projet de remplacement de la canalisation 3 d’Enbridge, divers projets pipelinier de TransCanada et les projets d’expansion de Keystone XL et Trans Mountain, toujours à l’état de projet. Aujourd’hui, nous avons des partenariats avec 16 Premières Nations de l’Ouest canadien. En résumé, notre société se porte bien quand les secteurs du pétrole, du gaz, de l’uranium et de la potasse se portent bien.

Les défis économiques et sociaux auxquels sont confrontées de nombreuses Premières Nations du Canada sont bien documentés. Mais d’incroyables possibilités s’offrent également à ces collectivités. Un grand nombre de ces possibilités se trouvent dans le secteur de l’énergie. Les enjeux sont importants pour le développement économique et social des Autochtones, et, en tant qu’entreprise autochtone employant un grand nombre d’Autochtones, nous sommes parfaitement conscients de l’importance de trouver le bon équilibre entre la durabilité de l’environnement et le développement économique. En tant que membre de la bande indienne de Lac La Ronge dans le Nord de la Saskatchewan, je crois fermement qu’il est de notre responsabilité à titre d’Autochtones de perpétuer les enseignements de nos ancêtres pour ce qui est de notre rôle de gardiens de la terre.

Le groupe de travail de l’Athabasca a été l’un des premiers programmes de suivi environnemental à lier le savoir traditionnel et la science occidentale. Il s’agit d’un partenariat entre le gouvernement, l’industrie et la collectivité, dont le but est de prélever des échantillons d’eau et d’aliments traditionnels et de présenter ses conclusions dans un rapport public.

En 2016, Cameco, Orano et sept collectivités du bassin d’Athabasca ont signé l’Accord de collaboration Ya’thi Néné. Elle établit une relation de travail à long terme entre toutes les parties et garantit que les entreprises nordiques continueront à profiter des activités des mines d’uranium situées dans le Nord. Nous avons démarré notre entreprise il y a presque 20 ans grâce à des contrats dans l’industrie de l’uranium. Nous serions ravis de voir ce secteur croître et prospérer. Nous voudrions également voir les industries pétrolière et gazière et de la potasse connaître un regain.

En conclusion, nous voulons collaborer avec les intervenants d’un secteur qui veille à ce que les Premières Nations soient consultées et à ce que l’environnement soit protégé. En outre, nous ne voulons pas que soient mises en place d’autres mesures réglementaires qui empêchent les projets d’aller de l’avant. Le projet de loi limitera la possibilité pour nous et pour des entreprises comme la nôtre de continuer à offrir des perspectives aux collectivités autochtones. Des employés comme Catherine et Christopher sont des exemples des cas de réussite que nous pouvons observer lorsque des projets vont de l’avant.

Je suis reconnaissant d’avoir eu la possibilité de comparaître dans le cadre de ce processus d’examen et de présenter notre point de vue. Merci.

La présidente : Merci.

Monsieur Orb, vous avez la parole.

Ray Orb, président, Association des municipalités rurales de la Saskatchewan : Merci. Je voudrais remercier le comité sénatorial permanent de me donner la possibilité de parler du projet de loi C-69 et de ses conséquences pour la Saskatchewan rurale. Je m’appelle Ray Orb. Je suis le président de l’Association des municipalités rurales de la Saskatchewan, aussi appelée SARM.

Mon association représente les 296 municipalités rurales de notre province, où sont situées pratiquement toutes les terres agricoles de la Saskatchewan. Des problèmes évidents liés au grand nombre de routes et de ponts sont exacerbés par des ressources financières limitées pour le maintien de cette infrastructure. Le projet de loi C-69 ajoutera des obstacles supplémentaires que devront surmonter les municipalités rurales.

Les MR jouent un rôle essentiel dans la prestation de services et la fourniture d’infrastructures aux contribuables. Dans certains cas, ces ouvrages et services ont lieu au bord ou à proximité de cours d’eau assujettis à la Loi sur la protection de la navigation. La faisabilité, la rapidité et la durabilité économique de ces projets sont grandement touchées lorsque la réglementation fédérale prévue dans cette loi nuit à la capacité des MR d’exécuter ces projets.

Avant les modifications de 2012, les municipalités se faisaient souvent dire par Transports Canada de revoir la conception de leurs projets et de les modifier, ce qui entraînait des retards et faisait augmenter les coûts. Les modifications de 2012 ont réduit la portée de la surveillance exercée par Transports Canada à l’égard du droit à la navigation sur les cours d’eau du Canada. La SARM était favorable à ces modifications, car elles réduisaient les obstacles aux projets municipaux situés près des cours d’eau visés par la Loi sur la protection de la navigation. Les modifications conféraient aux municipalités une plus grande autonomie locale par rapport à la construction et à la modification d’ouvrages sur la plupart des cours d’eau du Canada, mais veillaient tout de même à ce que les grands cours d’eau ayant un but prouvé de navigation contemporaine continuent d’être assujettis à la surveillance et à la réglementation fédérales. Nos membres et leurs contribuables profitent maintenant d’une paperasserie réduite, de projets achevés plus rapidement et d’un service amélioré.

Aujourd’hui, en Saskatchewan, le gros du transport maritime est de nature récréative; il ne s’agit pas d’un mode de transport courant de tous les jours, comme c’était peut-être le cas en 1882, quand la loi a été promulguée. La SARM croit que Transports Canada doit déployer davantage d’efforts dans le but de tenir à l’échelon local des consultations avec les municipalités afin de mieux comprendre les cours d’eau et leurs utilisations récréatives ou commerciales. Les consultations faciliteront le respect du critère de la route maritime, car les connaissances locales permettront de mieux comprendre si le cours d’eau est utilisé à des fins de transport.

Nous sommes également préoccupés au sujet des évaluations environnementales effectuées en double. En Saskatchewan, la Water Security Agency est un guichet unique pour toutes les questions touchant les eaux, les évaluations et les permis. Si c’est Transports Canada ou Environnement Canada qui effectuent les évaluations environnementales, il faudra le clarifier. L’obligation accrue de tenir des consultations et les exigences en matière de notification que devront respecter les promoteurs de projet feront augmenter les frais administratifs pour les municipalités. Nous craignons qu’un plus grand nombre de projets d’infrastructure municipaux soient susceptibles d’être soumis à l’examen du gouvernement fédéral, ce qui aurait probablement pour conséquence de retarder les projets et d’accroître les coûts. Nous avons deux ou trois exemples de telles situations qui ont lieu dans nos MR et que je serais ravi d’aborder plus tard, durant la période de questions et de réponses, si cela vous intéresse.

Une autre de nos préoccupations concerne la nouvelle catégorie de projets qui se situent entre les ouvrages mineurs et majeurs. Nous nous demandons quels projets cette catégorie comprendra, quelles seront les exigences et qui les déterminera. Nous sommes d’avis que le projet de loi constitue un recul et qu’il pourrait rendre la construction de routes et de ponts dans la Saskatchewan rurale difficile, voire impossible. Nous croyons que nous devrions avoir notre mot à dire, et nous vous exhortons à apporter des amendements qui permettront aux municipalités de construire des ponts et de les entretenir dans une période raisonnable, tout en protégeant les cours d’eau qui soutiennent une importante activité de navigation.

Il importe de souligner que nous appuyons les amendements que la Fédération canadienne des municipalités vous propose d’apporter au projet de loi C-69, en particulier — premièrement — que la Loi sur les eaux navigables canadiennes soit modifiée de manière à énoncer explicitement que l’interdiction prévue à l’article 3 et les obligations prévues aux articles 5 et 10 ne s’appliquent pas aux projets qui n’entravent pas la navigation; et — deuxièmement — que la liste des critères figurant dans l’article 10.4 de cette loi soit prolongée de manière à inclure les perturbations sociales ou une interruption de la circulation des biens, des services ou des ressources essentiels afin que les contraintes et la complexité créées par une structure endommagée soient reconnues en cas d’urgence.

La SARM est favorable à l’infrastructure énergétique. Nous comprenons les avantages économiques et environnementaux qu’offre une infrastructure comme les pipelines à nos MR, à la province et au pays. Nous avons établi un partenariat avec nos organisations sœurs — l’AUMA et la RMA — pour une résolution qui a été adoptée par la FCM dans le but de soutenir l’infrastructure énergétique. Je serais ravi de la communiquer au comité.

La contribution de la Saskatchewan au secteur pétrolier et gazier du Canada est essentielle. Tous les changements apportés à l’élaboration de projets d’exploitation de ressources doivent refléter les préoccupations des personnes les plus touchées. Nous estimons que la Saskatchewan ne reçoit pas toujours le même degré d’attention du gouvernement fédéral lorsqu’il s’agit du secteur pétrolier et gazier, et ce, même si des projets d’exploitation de ressources de plusieurs milliards de dollars y sont exécutés. Ce sont les MR qui dépendent de ces projets pour offrir des emplois. Il est impératif que la Saskatchewan rurale puisse se faire entendre concernant des amendements qui auront une incidence sur son économie et sa durabilité.

Au nom de la SARM, nous remercions le comité sénatorial permanent de nous avoir donné la possibilité d’apporter notre contribution à cette conversation importante. Merci.

La présidente : Merci.

Monsieur Opseth, vous avez la parole.

Douglas Opseth, directeur, Gestion des actifs de production et de planification des ressources, SaskPower : Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui. Je voudrais remercier le comité permanent d’accueillir un représentant de SaskPower et de lui laisser prendre la parole. Malheureusement, notre président, Mike Marsh, est dans l’impossibilité de se présenter. Je parlerai en son nom. Je m’appelle Doug Opseth. Je suis directeur, Gestion des actifs de production et planification des ressources, pour SaskPower.

En 2015, la société s’est engagée à réduire, avant 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 40 p. 100 par rapport aux taux de 2005. Afin d’atteindre cette cible, nous envisageons d’atteindre jusqu’à 50 p. 100 de notre énergie de source renouvelable durant cette période. Ce sont des objectifs ambitieux qui ont des répercussions sur notre clientèle et sur nos employés.

Actuellement, SaskPower voudrait délaisser les considérations d’ordre général pour cibler deux possibilités importantes d’améliorer la précision du projet de loi C-69 et la certitude qui en découle. Tout d’abord, en ce qui a trait à la Loi sur l’évaluation d’impact et à son règlement d’application désignant les activités physiques, SaskPower est d’avis que ces textes de loi devraient désigner et englober uniquement les projets d’importance nationale, qui ont le potentiel de causer d’importants dommages à l’environnement.

Dans cette optique, trois critères pourraient faciliter la détermination des catégories de projets à assujettir à la loi et au règlement. Premièrement, le projet est-il possible? L’étendue et la durée de l’empreinte environnementale et physique potentielle sont-elles suffisantes pour l’élever à l’échelon de l’importance pancanadienne? Deuxièmement, la gestion des déchets est-elle comprise, et des seuils réglementaires existent-ils déjà? Troisièmement, le projet apporte-t-il une contribution positive ou négative à la capacité du Canada de respecter ses obligations et ses engagements environnementaux en ce qui a trait aux changements climatiques?

Nous utiliserons en guise d’exemple un projet de SaskPower que nous envisageons. Imaginez une importante installation au gaz naturel à cycle combiné dont l’entreprise a besoin pour remplacer ses installations au charbon conventionnelles et ainsi pouvoir accroître sa production d’énergie renouvelable. Si nous appliquons ces critères à ce projet, nous constatons tout d’abord qu’une telle installation est riche en énergie et qu’elle possède une petite empreinte physique pour la quantité d’énergie qu’elle produit. La longévité de cette centrale déterminera en grande partie la durée de tout impact qu’elle pourrait avoir. D’un point de vue environnemental, les rejets de gaz carbonique seraient une préoccupation environnementale fédérale.

Ensuite, ce type d’installation fait l’objet d’une bonne compréhension, et les rejets de gaz carbonique sont déjà réglementés à l’échelon fédéral par des dispositions réglementaires limitant les émissions de dioxyde de carbone provenant de la production d’électricité au gaz naturel. Si cette installation ne respectait pas cette réglementation, elle ne pourrait ni être construite ni être exploitée.

Finalement, le passage au gaz naturel jumelé à des sources d’énergie renouvelable réduit la quantité totale d’émissions de gaz carbonique provenant des installations de production de SaskPower. Cette réduction contribue à l’atteinte des objectifs de SaskPower et du Canada en ce qui a trait aux changements climatiques. Compte tenu de ces critères, une installation comme celle-ci, qui est actuellement visée au titre de la LCEE 2012, serait considérée comme d’importance nationale.

SaskPower soutient qu’il faut inscrire dans la loi des énoncés clairs, et j’en dresserai la liste : premièrement, que le texte de loi est axé sur les projets d’importance nationale qui ont le potentiel de causer des dommages environnementaux importants; deuxièmement, qu’une série de critères établis concernant l’importance nationale doivent être respectés avant qu’une catégorie de projets soient désignés comme des activités physiques visées par la réglementation; et troisièmement, que le texte de loi prévoyant les critères oriente le ministre s’il envisageait de désigner une activité physique qui n’est pas prévue par règlement. Si ces critères étaient mis en place, nous considérerions qu’il s’agit d’une mesure très positive qui favorise la clarté et la certitude dans le projet de loi.

Je voudrais aborder un peu la Loi sur les eaux navigables canadiennes. L’article 3 de cette loi prévoit qu’il est interdit de construire, mettre en place, modifier, réparer, reconstruire, enlever ou déclasser un ouvrage sur, sous, au-dessus ou à travers des eaux navigables, sauf si cela est fait en conformité avec la loi. SaskPower est favorable à ces exigences relatives à la construction de nouvelles installations qui pourraient nuire à la navigation.

La société possède déjà des installations de production d’hydroélectricité dans des eaux qui ne sont pas incluses dans la liste des eaux mentionnées à l’annexe au titre de la Loi sur la protection de la navigation; toutefois, sous le régime de la Loi sur l’emploi et la croissance et de la Loi sur la protection des eaux navigables, ces ouvrages sont réputés être sur des eaux mentionnées à l’annexe et ont été désignés en tant que tels et, en effet, bénéficient une clause de droits acquis les rendant conformes aux fins de la Loi sur la protection de la navigation. Sous le régime de la Loi sur les eaux navigables canadiennes proposée, ces droits acquis seraient perdus, et un grand nombre des installations de production d’hydroélectricité actuelles de SaskPower seraient par la suite désignées comme se trouvant sur des eaux navigables au lieu d’eaux mentionnées à l’annexe et, par conséquent, seraient assujetties au nouvel article 10 de la Loi.

Cet article requiert le dépôt d’une demande qui comprend la publication d’un avis invitant les intéressés à présenter des commentaires sur la proposition afin de tenter de régler tout problème lié à la navigation. Si ces problèmes ne sont pas réglés, l’auteur du commentaire peut demander au ministre de décider si le propriétaire doit présenter une demande au titre de l’article 7 aux fins de l’approbation de l’ouvrage en question. Ainsi, même un ouvrage simple sur une ancienne structure qui n’a pas d’incidence sur la situation de navigation actuelle pourrait entraîner la présentation d’une demande et l’examen du projet, avec ce que cela comporte du point de vue des coûts et du temps. SaskPower soutient que le projet de loi devrait être revu de manière à énoncer explicitement que les installations existantes seront encore réputées être situées sur des eaux mentionnées à l’annexe et ne seront pas assujetties à l’article 10. Cette disposition ajouterait de la clarté et de la certitude au projet de loi.

En conclusion, SaskPower est déterminée à soutenir notre environnement commun et à aider le Canada à respecter ses engagements relatifs aux changements climatiques et affirme que l’apport de ces deux modifications aux lois proposées faciliterait cette entreprise louable. Je voudrais vous remercier de m’avoir donné la possibilité de prendre la parole.

La présidente : Merci beaucoup. Nous passons maintenant à la période de questions et de réponses. Le vice-président a cédé son temps de parole au sénateur Tkachuk afin qu’il puisse poser la première question.

Le sénateur Tkachuk : Bienvenue aux audiences de notre comité. Je souhaite commencer par poser des questions à M. Orb, si possible. Nous avons tenu un certain nombre de séances portant sur le projet de loi C-69 et, d’après ce que je comprends, les responsables de l’organisme national examinent aussi des amendements à apporter à la loi. Êtes-vous satisfait du processus qu’ils mènent relativement aux amendements? Savez-vous s’ils ont obtenu du succès auprès du gouvernement et de la ministre? Par ailleurs, avez-vous des ajouts à cet égard?

M. Orb : Monsieur Tkachuk, parlez-vous de la Fédération canadienne des municipalités?

Le sénateur Tkachuk : Oui, la fédération.

M. Orb : Nous avons rencontré les responsables de la Fédération canadienne des municipalités la semaine dernière, alors que nous étions à Ottawa. Nous avons examiné les amendements qu’ils proposent. Il s’agit des deux amendements que j’ai mentionnés aujourd’hui. Je sais qu’ils ont présenté leurs propositions au gouvernement. Je ne sais pas où on en est à ce sujet. Nous ne sommes pas convaincus que le gouvernement est de notre côté; toutefois, nous espérons que ce message sera entendu par les membres de ce comité. Il s’agit là d’une des recommandations. Ce sont des choses desquelles nous pourrions nous accommoder, parce qu’elles précisent davantage ce qui constitue des eaux navigables. Elles permettent aussi de déterminer ce qui n’est pas une voie navigable. J’ai quelques exemples.

Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous nous en donner un?

M. Orb : Voici un exemple touchant la municipalité rurale de Meadow Lake. Cela remonte à 2012, quand les responsables de la municipalité ont demandé à Transports Canada une approbation pour la construction d’une route et d’un nouveau pont traversant le ruisseau Alcott. Ils ont présenté la demande le 15 avril 2010 et n’ont pas reçu l’approbation avant le 23 novembre 2011, soit plus d’une année après, et l’approbation entraînait des coûts additionnels. Les périodes de construction en Saskatchewan, comme vous le savez peut-être déjà, sont très courtes en raison de la météo. Après avoir enfin reçu l’approbation, les responsables de la municipalité ont dû hausser le pont au-dessus du niveau de la chaussée existante pour permettre la circulation en canot. En conséquence, il y a une bosse sur la route. À notre connaissance, il n’y a jamais eu de canot qui a passé sous cette structure, et cela semble avoir ajouté des coûts supplémentaires, des retards et possiblement un risque à la sécurité. Ce n’est qu’un exemple, monsieur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk : Merci.

Je vais m’adresser au responsable de SaskPower. Vous avez mentionné le projet de loi C-68, lequel constitue l’autre mesure législative qui fait partie de l’ensemble des lois touchant les ressources, soit les projets de loi C-69, C-48 et C-68. Les responsables de l’association nationale nous ont dit qu’on ne construira probablement jamais de projet hydroélectrique sous le régime du projet de loi C-68. Vous avez évoqué ce projet de loi dans votre exposé. Bien entendu, la Loi sur les eaux navigables, qui fait partie du projet de loi C-69, est souvent passée sous silence, mais c’est le genre de chose qui soulève l’intérêt des membres de la SARM, et je sais que cela vous intéresse aussi. J’imagine que l’hydroélectricité joue un rôle important dans votre programme d’énergie renouvelable. Est-ce exact?

M. Opseth : À mesure que nous nous rapprochons de 2030, nous devons commencer à examiner d’autres sources de production d’énergie. L’hydroélectricité est l’un des éléments sur lesquels nous nous penchons. Nous avons examiné des projets hydroélectriques en Saskatchewan. Nous considérons aussi la possibilité d’établir des partenariats avec nos provinces voisines, notamment le Manitoba. Des précisions à ce sujet permettraient d’éclairer nos décisions quant à la création d’autres installations hydroélectriques en Saskatchewan.

Le sénateur Tkachuk : Merci.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie beaucoup d’être présents pour nous aider dans notre étude de ce projet de loi.

Monsieur Hyggen, vous avez parlé de consultations et de la nécessité de consulter les membres des Premières Nations. Vous a-t-on consulté au moment de l’élaboration du projet de loi C-69 à titre de membre du groupe d’experts ou d’auteur de propositions?

M. Hyggen : Non. On n’a tenu aucune discussion dans le nord de la Saskatchewan concernant ce projet de loi.

La sénatrice Cordy : Aussi, quels éléments du projet de loi C-69 pourraient empêcher la réalisation de projets?

M. Hyggen : Selon nous, dans tous les projets menés au cours de mes neuf années auprès de la société, le processus a assez bien fonctionné. L’entreprise BHP s’est installée dans la province pour entreprendre ses travaux. La première chose que nous avons faite, c’est de rencontrer ses responsables. Ils ont rencontré les membres de toutes les collectivités des Premières Nations des alentours. Il en a été de même pour tous les projets dans la région, ainsi qu’en Alberta et en Colombie-Britannique. Les responsables de Trans Mountain ont tenu plusieurs réunions avec nous à Kamloops concernant la réalisation de leur projet.

Pour notre part, nous entamons ce processus quelques années auparavant afin de tenter de conclure des accords, parce que, de toute évidence, nous n’empiéterons pas sur un champ de compétence ou des terres traditionnelles d’une autre Première Nation et nous ne donnerons pas notre approbation en affirmant que nous soutenons le projet. Notre processus vise en somme à nous assurer que, comme entreprise détenue par des Autochtones, nous ne portons pas atteinte aux droits d’autres Autochtones. Nous voulons nous assurer de leur soutien. J’ai mentionné que nous avons 16 partenaires parmi les Premières Nations. Ce sont vraiment eux qui discutent avec le gouvernement. Nous soutenons ce processus.

La sénatrice Cordy : Ce projet de loi instituera un processus de planification précoce. Est-ce utile, ou est-ce quelque chose que vous faites déjà et qui, maintenant, est simplement inscrit dans un projet de loi?

M. Hyggen : Je ne sais pas si je qualifierais cela d’utile. Comme je l’ai dit, le processus actuel fonctionne assez bien pour nous. Nous ne voyons pas l’utilité de le rendre officiel. La croissance de notre société se déroule bien. Le seul problème que j’ai éprouvé dernièrement, c’est que la plupart des projets que nous menons sont liés à une province, par exemple la Saskatchewan ou l’Alberta. Quand un projet touche plus d’une province, c’est à ce moment-là que nous éprouvons bien souvent certains problèmes. C’est un sujet que nous souhaitons aborder.

La sénatrice Cordy : Monsieur Opseth et monsieur Orb, vous avez tous les deux mentionné la Loi sur les eaux navigables et les ponts en particulier dans vos exposés. Plus tôt ce matin, un témoin a parlé des défis qui se posent quand surviennent des urgences, comme quand un pont n’est plus sécuritaire et qu’il faut régler la situation immédiatement pour maintenir le transport des marchandises, et on a exprimé le souhait que ces situations soient exclues du projet de loi. Vous avez parlé de réparation ou de construction de ponts, vu que les camions sont certainement devenus plus lourds au cours des 40 dernières années. Si vous avez un pont qui a 40 ans d’âge, alors il est probablement préférable de le renforcer. Quelles modifications souhaitez-vous voir apporter en particulier à ce projet de loi pour permettre d’agir plus rapidement en cas d’urgence?

M. Orb : En ce qui concerne le projet de loi C-69, nous sommes satisfaits du processus qu’il contient, dans sa forme actuelle. Nous sommes d’avis qu’il devrait y avoir moins de lourdeurs administratives. La réparation d’un pont situé sur une route importante constitue un projet de taille. Nous croyons qu’il ne devrait pas y avoir d’autres obstacles. Nous sommes d’avis que les dispositions de la Loi sur la protection de la navigation ne devraient pas s’appliquer en la matière si le cours d’eau est déjà navigable. Cela ne changerait rien. Il ne faut tout simplement pas de chevauchement. Nous croyons que nous pouvons effectuer les inspections à l’échelle provinciale, et que c’est quelque chose que nous faisons déjà. Nous effectuons les inspections de ces ouvrages, et en particulier de la sécurité de l’eau, par l’entremise de notre ministère de l’Environnement. Nous croyons qu’il ne faut pas ajouter de bureaucratie. Cela aura deux effets : réduire les coûts et accélérer le processus.

M. Opseth : Je crois que, en ce qui concerne SaskPower, cela touche surtout les travaux que nous devons effectuer dans des installations hydroélectriques existantes. Nous avons d’anciennes installations hydroélectriques en Saskatchewan qui exigent de l’entretien et des travaux de façon continue, ce qui n’a pas d’incidence sur la navigation, mais, en raison des modifications proposées, ces activités seraient possiblement retardées et il y aurait de l’incertitude quant au fait de savoir si nous pouvons les mener. Cela fait en sorte que l’ensemble d’un projet serait visé par un examen alors qu’il n’y aurait aucune modification touchant la navigation sur le cours d’eau en question.

La sénatrice Cordy : Merci.

La présidente : Madame Simons, vous avez la parole.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame la présidente.

Je suis très heureuse. Je souhaite poursuivre sur les propos de M. Tkachuk et entendre ce qu’ont à dire M. Orb et M. Opseth à propos des eaux navigables, car, à mon avis, parfois, les questions à cet égard sont noyées par toutes les préoccupations touchant les projets énergétiques.

Ma première question s’adresse à M. Opseth. Chez SaskPower, vous assurez la transmission de même que la production d’énergie. Êtes-vous préoccupé par la question de savoir si ce projet de loi pourrait rendre plus difficile la construction de lignes de transmission interprovinciales? Comme Albertaine, j’ai des préoccupations à ce sujet parce que, même si nous en produisons beaucoup, notre électricité n’est pas carboneutre. C’est vrai que nous produisons de l’énergie éolienne et solaire, mais nous utilisons aussi le gaz naturel, et nous sommes en train de fermer les centrales au charbon. Nous ne pourrons rendre notre réseau plus vert sans avoir de lignes de transmission interprovinciales. Je crains que ce projet de loi puisse créer des difficultés à cet égard. S’agit-il de préoccupations que vous partagez?

M. Opseth : Je crois que, en ce qui concerne l’avenir de SaskPower, nous examinons toutes les options qui nous permettront de fournir de l’électricité de façon plus respectueuse de l’environnement, ici même dans la province. Une des choses que nous faisons en collaboration avec Ressources naturelles Canada, c’est d’examiner comment distribuer davantage d’énergie au Canada d’est en ouest.

La province de la Saskatchewan est plus ou moins enclavée. Nous avons peu de lignes de raccordement avec nos provinces voisines, l’Alberta et le Manitoba, et, si nous envisageons d’accroître la distribution d’énergie, il faudra construire davantage de lignes de transmission. L’incertitude touchant la capacité de mener ces travaux pourrait avoir une incidence sur la capacité de SaskPower de continuer à réduire ses émissions de façon économique pour ses clients.

La sénatrice Simons : J’ai une question à poser à M. Hyggen. Si vous deviez fournir des services de sécurité le long du pipeline Trans Mountain, vous n’auriez pas seulement affaire à des loups et à des ours; vous pourriez avoir à faire face à une grande colère de la part de protestataires et peut-être même de membres d’autres Premières Nations. Le projet de loi C-69 vise, entre autres, à essayer de créer davantage d’alliances sociales et de consultations avec les membres des collectivités autochtones situées le long du tracé. Quelle serait votre approche si vous deviez assurer la sécurité pendant la construction d’un pipeline qui fera l’objet de contestations, peu importe la situation?

M. Hyggen : Nous avons comme position, en somme, de soutenir les Premières Nations dans les secteurs où nous travaillons. S’il s’agit de leur territoire traditionnel, et si le groupe exerçant l’autorité sur ce territoire accepte la réalisation du projet, nous offrons notre appui. Ces secteurs ont des limites précises, donc en ce qui a trait à ce projet, nous menons des activités de façon spécifique dans les secteurs 5A et 5B, c’est tout. Si on se dirige plus près de la côte, il y a de la controverse, comme vous dites.

La façon dont les membres des bandes indiennes de Kamloops et de Whispering Pines voient les choses, c’est que ce territoire leur appartient. Ils examineront les projets et appuieront ceux qui leur conviennent et qui respectent ce qu’ils ont établi en matière d’impacts environnementaux, et aussi ceux qui leur offrent un grand nombre d’emplois.

La sénatrice Simons : Donc, ce que vous dites, c’est que selon votre approche, vous n’accepteriez pas de contrat pour fournir des services de sécurité dans des zones de construction où ce genre d’appui n’existe pas?

M. Hyggen : C’est exact.

Le sénateur Neufeld : Je vous remercie tous de votre présence.

Monsieur Hyggen, je vais vous poser une question que j’ai posée à d’autres témoins. De toute évidence, vous avez travaillé dans les trois provinces de l’Ouest pour fournir des services de sécurité aux travailleurs de vos sociétés ou de celles qui y sont liées, et j’imagine que ces personnes sont hébergées dans des camps et qu’elles ont accès aux collectivités tout le long de ces tracés. Je vais prendre le pipeline Trans Mountain en exemple. On a entendu dire qu’il y a beaucoup d’incertitude, qu’un grand nombre de personnes ne sont pas respectées dans une certaine mesure, qu’elles ne sont pas traitées de façon adéquate. Est-ce le constat que vous faites dans le cadre de vos activités? Êtes-vous témoin de cela quand vous vous rendez dans des camps? Vous êtes présent dans certains camps de mineurs assez importants. Est-ce vrai?

M. Hyggen : D’après notre expérience, ce n’est pas le constat que nous faisons. Bien entendu, nous jouons un rôle quelque peu différent. Nous assurons aussi des services médicaux dans certains des sites. Nous avons des répondants médicaux d’urgence, des techniciens en soins médicaux d’urgence et ainsi de suite, ce genre de soins offerts dans le cadre des travaux, au fil de leur progression.

Nous demeurons beaucoup dans des camps. Je crois que ce qui fait que notre entreprise est quelque peu différente, c’est que nous nous concentrons sur les secteurs situés dans les régions rurales où les travaux ont lieu. Nous nous rendons directement dans les villes et les collectivités des Premières Nations qui sont situées aux abords du projet, et tentons de recruter des employés à ces endroits, plutôt que de faire venir des personnes d’ailleurs. Le problème avec les gens de l’extérieur, c’est qu’ils ont tendance à créer du roulement de personnel. Vous amenez des gens de grandes agglomérations qui ne sont pas habitués à vivre aux abords d’une route, dans un camp, pendant deux semaines à la fois. Ces employés ont tendance à quitter cet emploi. Nous nous concentrons seulement sur le secteur en question. Vu que c’est comme leur cour arrière, ces personnes connaissent l’endroit et ses dangers, et c’est auprès d’eux que nous effectuons notre recrutement.

Le sénateur Neufeld : Merci. C’est bien.

La présidente : Monsieur Carignan, vous avez la parole.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse aux représentants de SaskPower. Selon votre site Internet, votre objectif est de réduire les gaz à effet de serre de 40 p. 100 d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Vous exploitez trois centrales au charbon qui représentent l’une de vos sources importantes de production d’électricité. Je regardais la production des éoliennes où le niveau d’électricité produit est moindre. Le projet de loi C-69, tel qu’il est rédigé à l’heure actuelle, pourrait-il représenter des embûches pour ce qui est de vos projets d’énergie propre, dans votre volonté de faire une transition vers la fermeture de vos centrales au charbon? Pour atteindre votre objectif, il faudra sans doute envisager la fermeture des centrales au charbon. Le projet de loi C-69 fera-t-il obstacle dans l’atteinte de votre objectif de réduire vos gaz à effet de serre en rendant trop complexes et trop longs les délais pour approuver les nouveaux projets?

[Traduction]

M. Opseth : J’estime que le projet de loi, dans son libellé actuel, rend l’atteinte de nos objectifs plus difficile et plus coûteuse. Nous voyons plus loin que 2030. Nous examinons toutes les options qui s’offrent à nous pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, et bon nombre de ces options, comme l’augmentation significative de la pénétration de l’énergie éolienne et de la production d’électricité éolienne en Saskatchewan, l’importation en provenance d’autres administrations, Manitoba Hydro, et même des technologies en cours de développement comme de petits réacteurs modulaires, font partie de ce que nous envisageons pour l’avenir.

Le défi que représente le projet de loi C-69 tient au fait qu’en raison du manque de clarté et de l’incertitude par rapport à la durée du processus, il nous faut prendre des décisions avant même que certaines de ces options soient accessibles. La production par défaut migrera alors vers — au fur et à mesure que nous fermerons les centrales au charbon — le gaz naturel à cycle combiné. Cependant, si les délais étaient plus longs et que ce cadre était plus clair — ce que permettraient les modifications que nous proposons d’apporter au projet de loi C-69 —, nous aurions plus de temps pour nous pencher sur les autres options à mesure que nous progressons.

Alors que nous nous rapprochons de 2030, si le projet de loi C-69 est adopté sous sa forme actuelle, nous allons devoir prendre des décisions pour des projets de production qui ne seront peut-être pas nécessaires avant 2027. Cependant, si le processus précédent s’étendait sur une plus longue période, nous aurions plus de temps pour examiner des options autres que les centrales au gaz naturel. C’est encore plus difficile pour nous, et je ne parle pas seulement du défi que représente le fait d’amener la production dans cette voie; il en coûte également plus cher aux consommateurs. Nous avons actuellement l’un des tarifs d’électricité les plus élevés au Canada. Ces types de dispositions ne font qu’ajouter des coûts pour nos consommateurs à mesure que nous nous engageons dans cette transition vers un avenir plus propre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma deuxième question porte sur les corridors énergétiques. C’est un concept que l’on entend de plus en plus souvent. Êtes-vous en faveur de ces corridors énergétiques? Croyez-vous que ceux-ci permettraient de réduire l’empreinte environnementale? L’idée est de faire passer, dans une certaine zone, certains pipelines importants et des lignes de transport d’électricité dans le même espace au niveau du terrain, ce qui réduirait la multiplication de différents réseaux et pipelines à travers la province, particulièrement en Saskatchewan?

[Traduction]

M. Opseth : Une meilleure interconnectivité avec nos administrations voisines serait certainement un avantage pour SaskPower. Nous travaillons très activement avec Ressources naturelles Canada et les quatre provinces de l’Ouest pour voir comment une plus grande partie de l’énergie qui est acheminée actuellement du nord au sud, du Canada aux États-Unis, pourrait l’être d’est en ouest au Canada. Nous avons la Colombie-Britannique et le Manitoba, qui bordent en quelque sorte la Saskatchewan et l’Alberta, et qui disposent d’une immense quantité d’énergie hydroélectrique; cependant, la majeure partie de cette énergie est maintenant acheminée au sud. Pour qu’elle soit acheminée d’est en ouest afin de profiter à la Saskatchewan et à l’Alberta, il faut plus de lignes de transmission.

Le fait d’avoir plus de clarté et d’être en mesure de construire plus de lignes de transmission constitue l’une des options sur lesquelles nous nous penchons. Le défi auquel nous faisons face actuellement, c’est qu’il faut du temps pour construire les lignes de transmission et pour effectuer les transactions connexes; dans notre cas, ce serait avec Manitoba Hydro. Avec le prolongement de l’échéancier que pourrait entraîner le projet de loi C-69, nous n’avons pas le temps d’attendre que ces types de projets se présentent. Nous devons nous tourner vers d’autres types de production comme le gaz naturel.

Si nous avions un processus clair sous l’ancien cadre et un échéancier précis, nous aurions davantage d’occasions d’explorer ces types de production. Nous travaillons activement avec notre voisin de l’est, avec Manitoba Hydro et avec Ressources naturelles Canada pour examiner la façon dont plus d’énergie pourrait être acheminée vers la Saskatchewan.

[Français]

Le sénateur Carignan : Pourrait-on même penser que cela pourrait se faire au Québec?

[Traduction]

M. Opseth : Certainement, si on avait un réseau national d’un bout à l’autre du pays, comme pour le chemin de fer, toute l’énergie verte du Canada pourrait circuler d’est en ouest. Hydro-Québec vend une quantité importante d’énergie aux États-Unis. Le Manitoba et BC Hydro font de même. Beaucoup de cette énergie pourrait rester au Canada. Ce qui freine l’acheminement d’une grande quantité de cette énergie entre les provinces à l’heure actuelle, c’est simplement le manque de lignes de transmission.

La présidente : Monsieur Patterson, vous avez la parole.

Le sénateur Patterson : Merci, madame la présidente.

Cette discussion à propos de la Loi sur la protection des eaux navigables, monsieur Orb et monsieur Opseth, c’est du déjà vu. Nous avons déjà entendu des plaintes sous un ancien gouvernement, par rapport au fardeau qui pèse sur les municipalités, ainsi qu’aux retards et aux coûts liés à l’obligation de réaliser des évaluations environnementales pour des projets mineurs qui n’ont pas d’incidence sur les eaux navigables. Nous avons entendu parler de gens qui ont dû obtenir une évaluation environnementale afin de construire un quai pour leur chalet d’été ou de creuser des fossés, ainsi que de responsables d’exploitations agricoles qui se trouvaient bloqués par cette réglementation trop stricte, laquelle ne faisait rien pour l’environnement. Nous avons modifié la Loi sur la protection des eaux navigables en 2012 environ.

Pourquoi recréer un problème que nous avons déjà réglé? Après que la loi a été modifiée par le gouvernement précédent, y a-t-il eu des problèmes quant à la qualité de l’eau et à l’environnement? Y a-t-il eu des points qui ont posé problème, à votre connaissance, lesquels nous auraient amenés à commettre cette erreur à nouveau? Comment les choses se sont-elles passées une fois que ces modifications ont été apportées?

M. Orb : La réponse, c’est que non, il n’y a pas eu de plaintes. Le système fonctionnait de façon très efficace. Je peux vous donner un exemple de plus. Peut-être êtes-vous au courant qu’une recommandation a été faite pour une route importante dans la région de Moosomin, en Saskatchewan. Un ponceau a été installé. On a lancé l’idée qu’un accès pour canot était nécessaire. On a proposé de mettre un téléphone à chaque extrémité du ponceau. On penserait que c’est une histoire inventée, mais non. Il fallait effectivement téléphoner à l’autre bout si quelqu’un arrivait. Il n’y avait de place que pour un canot. Ce genre de choses ne tient pas la route. C’est pourquoi nous avons encouragé le gouvernement fédéral à agir avant 2012. Le député Larry Miller, si vous vous souvenez, appuyait largement l’abandon de cette ancienne loi, donc, non, nous ne voulons pas revenir à cette situation. Cependant, bien évidemment, le gouvernement fédéral souhaite se pencher sur le dossier. Voilà pourquoi nous proposons un certain type de modification avec laquelle nous pourrons nous accommoder.

M. Opseth : Je pense que, du point de vue de SaskPower, nous appuyons le processus actuellement en place. Je pense que ce qui nous préoccupe, ce sont les modifications proposées qui éliminent les droits acquis liés aux installations hydroélectriques existantes. À l’heure actuelle, si cette modification est apportée, nous devrons alors passer par ce processus pour effectuer des travaux mineurs sur les installations hydroélectriques existantes. Nous approuvons le processus précédent; nous voulons simplement que ce droit acquis soit inclus dans les nouvelles modifications.

Le sénateur Patterson : Je ne sais pas pourquoi nous nous infligeons cela dans notre pays. Je ne comprends simplement pas pourquoi. Je vous remercie chaleureusement de votre réponse.

Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins.

Monsieur Opseth, je vais vous mettre sur la sellette. Vous souhaitez atteindre ces objectifs d’ici 2030. Nous avons parlé de petits réacteurs modulaires. Vous avez ici une industrie de l’uranium que vous souhaitez maintenir. Vous avez une géologie plutôt stable en Saskatchewan, il me semble. Veuillez me corriger si je me trompe, mais il y a peu de chances qu’un tsunami démolisse un réacteur nucléaire comme cela s’est produit au Japon. Est-ce que SaskPower a envisagé l’énergie nucléaire pour cette province? Dans la négative, pour quelle raison? N’y a-t-il pas de volonté politique de le faire, ou est-ce que les chiffres ne tendent pas vers cela? Nous avons d’excellents réacteurs nucléaires en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Il me semble qu’il s’agirait d’un endroit idéal où construire un réacteur nucléaire de grande taille.

M. Opseth : Je pense que SaskPower souhaite explorer l’énergie nucléaire ici en Saskatchewan. Vu la taille de notre service public, de grands réacteurs comme ceux du Québec et de l’Ontario n’ont tout simplement jamais convenu à notre système. Cependant, les petits réacteurs modulaires de nouvelle génération, lesquels sont en cours d’élaboration, correspondraient en taille à ce que recherche SaskPower. C’est l’une des raisons pour lesquelles SaskPower, avec l’OPG, Ressources naturelles Canada et un certain nombre de services publics... Énergie Nouveau-Brunswick s’est associé à Ressources naturelles Canada pour élaborer la Feuille de route des petits réacteurs modulaires, document qui a été produit récemment. C’est une technologie qui nous intéresse. Le défi tient au fait qu’elle est toujours en cours d’élaboration. Lorsque vous commencez à ajouter les échéanciers proposés dans le projet de loi C-69, il est plus difficile pour nous d’attendre que cette technologie arrive à point, et nous sommes forcés de prendre des décisions concernant le gaz.

Nous restons très intéressés par la technologie des PRM. Nous estimons qu’elle convient potentiellement à SaskPower, et c’est l’une des voies que nous envisageons d’emprunter à l’avenir afin de nous aider à réduire les émissions.

Le sénateur Patterson : Je suis très heureux de l’entendre. Cependant, je suis toujours curieux de savoir pourquoi vous n’envisageriez pas la construction d’une installation nucléaire de grande taille, comme celles en place au Nouveau-Brunswick, en Ontario ou au Québec.

M. Opseth : Nous avons déjà examiné la chose. Bruce Power était ici il y a quelques années pour se pencher là-dessus. Je vais tenter de ne pas m’exprimer de façon trop technique, mais nous disposons d’un nombre limité de lignes de transmission avec nos administrations voisines. Nous devons être en mesure d’entretenir notre système à l’intérieur des frontières de la Saskatchewan. Le défi avec ces gros réacteurs... Ils ont une puissance moyenne de 2 000 mégawatts, ce qui représente environ 50 p. 100 de ce que génère notre système. Dans le cas où nous devions fermer l’une de ces installations pour l’entretenir, il nous en faudrait une autre, qui ne serait pas en activité la plupart du temps, pour la remplacer. Les coûts seraient trop élevés pour nous. Si nous avions plus de lignes de transmission, ce serait une possibilité.

Ce qui est bien avec la technologie des PRM, c’est que leur puissance se situe environ entre 100 et 700 mégawatts, ce qui est avantageux pour nos installations au charbon. À l’heure actuelle, notre centrale électrique de la rivière Poplar, par exemple, a une puissance d’environ 600 mégawatts, ce qui est à peu près équivalent à certaines des technologies des PRM actuellement à l’étude. Nous souhaitons toujours vivement explorer cette technologie comme l’une des voies potentielles que SaskPower pourrait emprunter à l’avenir. Je pense que les gros réacteurs que nous avons examinés ne convenaient tout simplement pas au système de SaskPower à l’époque.

Le sénateur Patterson : Je pense que l’un des plus gros défis, c’est donc le fait que les infrastructures appropriées ne sont pas connectées à d’autres infrastructures à l’intérieur de la province.

M. Opseth : Il s’agit en effet de l’un des points. Si nous avions de plus grosses lignes de transmission, nous pourrions alors faire ce genre de choses et acheminer plus de cette énergie ailleurs. Je pense qu’à l’heure actuelle, c’est non pas tellement sur les gros réacteurs que nous mettons l’accent, mais plutôt sur les nouvelles technologies des PRM.

La présidente : Madame Wallin, vous pouvez poser la dernière question.

La sénatrice Wallin : Merci.

J’aimerais dire deux choses rapidement à M. Hyggen. Vous semblez être un exemple de réussite entrepreneuriale. Vous fournissez des services au secteur des mines et de l’énergie. Lorsque l’investissement ou la croissance ralentissent dans ce secteur, le financement se tarit. Comme nous l’avons entendu de nombreuses fois ce matin, tout le monde est un peu nerveux de ne pas connaître les règles et de ne pas savoir ce qui s’en vient. Je m’inquiète pour l’avenir des entreprises comme la vôtre. Partagez-vous mes préoccupations?

M. Hyggen : Tout à fait. Au cours des dernières années, d’importants projets ont été annoncés, même par SaskPower; des travaux d’hydroélectricité visant à répondre au besoin accru d’énergie sont en attente dans le nord de la Saskatchewan. Mais s’il y a un ralentissement ou que les prix baissent, la demande diminue, ce qui est peu probable, mais si la demande est présente, et que nous n’arrivons pas à y répondre parce que nous ne pouvons pas entamer de nouveaux projets, cela se répercute sur tous les éléments de la chaîne.

Nous consacrons beaucoup de temps et d’effort à la compréhension de chacun des projets que nous appuyons. En tant que petite entreprise, nous devons déployer des efforts considérables pour comprendre le projet et pour nous assurer d’offrir un soutien approprié, et les travaux ne se déroulent pas tous chez nous. Nous voyageons beaucoup. C’est un petit groupe. Oui, nous sommes des entrepreneurs et nous nous rendons où il y a du travail, comme dans le cas de SaskPower et des travaux d’hydroélectricité dans le Nord. Lorsque les activités ont cessé de notre côté, c’était difficile à prendre, car cela touchait l’emploi de nombreuses personnes dans le Nord. À l’heure actuelle, nous nous concentrons seulement sur les endroits où nous voyons le travail. C’est pourquoi nous sommes actuellement en Colombie-Britannique.

La sénatrice Wallin : Merci.

Monsieur Orb, si vous voulez... j’ai d’autres commentaires pour M. Opseth. Je vis dans une région rurale de la Saskatchewan. L’infrastructure dans les petites municipalités des régions rurales est en très mauvais état. Il faut s’en occuper. Les municipalités ont de plus en plus de difficulté à la financer en raison du nombre de contribuables qui diminue alors que les exploitations agricoles prennent de l’expansion, et ainsi de suite.

Croyez-vous que le projet de loi C-69 soumettrait les projets d’infrastructure — qu’il s’agisse de ponts, d’autoroutes, de conduites d’eau ou peu importe — à ce processus d’examen, ou est-ce que vous ne pouvez tout simplement pas répondre à la question?

M. Orb : Bien sûr, nous sommes préoccupés par ce qui définit un ouvrage mineur. Nous nous inquiétons de la différence qu’il y a entre un ouvrage mineur et un ouvrage majeur. Nous ne savons pas quelle est cette différence. Nous avons posé la question à de nombreux sénateurs et à de nombreux députés. Il n’existe pas vraiment de définition claire. C’est quelque chose que nous avons demandé, mais je pense qu’un grand nombre de nos projets seraient soumis à un examen fédéral.

Nous avons peut-être un exemple dans votre région, celui des lacs Quill, qui se trouve dans votre région. Cela nous inquiète. Nous avons constaté que, au moment de la consultation, lorsque la province de la Saskatchewan voulait faire dévier l’eau douce vers le réseau de la Qu’Appelle, plusieurs groupes de personnes s’y sont opposés. De nombreux groupes étaient contre ce projet. Bien sûr, nous croyons qu’il existe une obligation de mener des consultations. Nous le faisons déjà avec les Premières Nations avoisinantes et tous nos autres voisins. Nous ne pensons pas que des projets qui sont bons pour la province, et parfois bons pour le pays, devraient être retardés inutilement.

La sénatrice Wallin : Le problème, c’est que vous n’êtes pas au courant? Tant que la liste des projets n’est pas dévoilée et que les ouvrages majeurs et mineurs ne sont pas définis, tout le monde est dans l’incertitude?

M. Orb : Oui. Je sais qu’il y a eu des allusions au projet de loi C-68, et nous avons les mêmes inquiétudes à ce sujet. Lorsque nous avons rencontré la ministre la semaine dernière, on nous a rassurés quelque peu en nous disant que la réglementation en tiendrait compte. J’ai entendu dire plusieurs fois ce matin qu’il était très préoccupant que la ministre soit en fait autorisée à agir de la sorte plutôt que d’utiliser le système de la Chambre.

La sénatrice Wallin : Croyez-moi, nous ne pouvons pas corriger la situation après coup au moyen de la réglementation.

Le sénateur Richards : Je vous remercie d’être avec nous.

Si vous voulez voir à quoi ressemblera l’absence d’industrie, vous n’avez qu’à venir au Nouveau-Brunswick, dans la région de Miramichi. Vous pouvez essayer d’y trouver un médecin. Les activités forestières ont cessé, les pêcheries sont épuisées, et les usines et les mines sont fermées. Si telle est l’intention du projet de loi, cela fonctionnera très bien, car il n’y a pas de médecin qui reste plus de deux ans dans la région, et la moitié des membres de notre personnel infirmier se rendent en Floride pour travailler, et je ne les blâme pas.

Comme je l’ai dit plus tôt, mon père était le chef honoraire de deux réserves, et il a été l’un des premiers hommes à Newcastle à embaucher des Autochtones. Ce n’est pas grand-chose, mais c’était positif. Jusqu’à maintenant, en ce qui a trait à la participation des Premières Nations — et cela s’adresse à vous, monsieur — nous avons en grande partie porté notre attention sur les effets dévastateurs de l’industrie sur les Premières Nations, peu importe le type d’industrie. C’est ce que nous avons entendu, mais nombre de chefs qui ont pris le temps de s’adresser à notre comité cette semaine ont souligné la nécessité absolue de l’industrie et les avantages qu’elle procure à leurs réserves et nations. Mais leur voix ne semble pas être entendue à Ottawa. J’aimerais savoir si vous pouvez formuler un commentaire à cet égard, monsieur.

M. Hyggen : La première chose qui me vient à l’esprit est un projet qui a eu lieu dans le nord de la Saskatchewan au cours des six dernières années. SaskTel a mis en service des stations cellulaires dans le Nord. C’était tout à fait nouveau dans le Nord. Dans le Sud, les gens avaient des téléphones cellulaires, des téléphones intelligents depuis nombre d’années. Puis tout à coup, la connexion a été établie dans tout le Nord. Cela a donné de nombreuses possibilités aux habitants de cette région. Lorsque vous vivez dans une petite collectivité accessible essentiellement par avion, il est difficile d’établir une connexion avec le monde et de comprendre ce qui se passe. Il n’est pas facile de trouver un emploi. Il est difficile d’offrir un avenir prometteur à ses enfants. Un petit projet comme celui-ci a des répercussions importantes pour ces gens, et cela ne pourrait être possible sans la présence de l’industrie dans le Nord.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup.

La présidente : Merci.

(La séance est levée.)

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